Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 23 octobre 2007

C'est quoi, un procureur ?

Régulièrement, des questions de commentateurs étrangers au monde judiciaire reviennent sur le rôle exact des procureurs. Le cliché en vigueur est d'en faire des accusateurs publics, qui ne sont satisfaits qu'en cas de condamnation, de préférence lourde, tout comme l'avocat ne se réjouit que de l'acquittement, de la relaxe et du non lieu, tout autre résultat étant invariablement qualifié d'échec.

Comme toujours, la réalité est plus subtile. Le ministère public représente, au sens juridique, la société, comme l'avocat représente son client. Le client du procureur, c'est la République, non au sens de l'institution présidée par un mangeur de petits pois mais de ce que nous formons, tous, en tant que citoyens qui avons décidé de faire un bout de route ensemble plutôt que de nous entretuer.

Il est acteur de la procédure, soit demandeur (c'est sa position de principe au pénal), soit défendeur (quand on demande l'exequatur d'un jugement étranger, ou la rectification d'un acte d'état civil, on a le bonheur d'assigner le procureur de la République...) soit comme "partie jointe", c'est à dire qui s'invite à une procédure civile où il estime avoir son mot à dire, la loi lui donnant qualité à intervenir dans n'importe quelle procédure (citons comme exemple la demande d'interdiction en référé de la fameuse pub sur la Cène ; s'agissant de la liberté d'expression, le parquet était intervenu à l'audience, pour donner son avis au juge).

Premier point à retenir : les procureurs n'interviennent pas qu'au pénal, même si c'est sans doute la plus grosse part de leur activité. Ils doivent intervenir dans les procédures d'adoption, de liquidation judiciaire des entreprises, de protection des enfants (placement en foyer en urgence le vendredi soir selon ce que Dadouche appelle "la danse de l'OPP", l'Ordonnance de Placement Provisoire), il peut s'opposer à la célébration d'un mariage, etc.

Donc, comme toute partie, il saisit les tribunaux, forme des demandes que le juge accepte ou refuse, assure l'exécution des décisions de justice qu'il a sollicitées. Aux Etats-Unis, cette fonction est d'ailleurs assurée par un service qui fonctionne exactement comme un cabinet d'avocat financé sur fonds public : le District Attorney, l'avocat du district.

Deuxième point à retenir : il fait partie d'une organisation hiérarchisée : le parquet d'un tribunal de grande instance, ou le parquet général d'une cour d'appel. Ces organisations ont un chef (le procureur de la République pour le tribunal, le procureur général pour la cour d'appel), et les divers procureurs l'assistent, et comme il ne peut être partout à la fois, le substituent aux audiences, d'où leur titre de substitut. Les gros tribunaux ont des premiers substituts et des vice-procureurs pour bien marquer les divers échelons hiérarchiques. Mais cette organisation forme un tout monolithique : le ministère public. Chacun des procureurs d'un parquet peut en remplacer un autre sans le moindre problème juridique. Le procureur de la République peut ainsi décider d'aller requérir en personne à n'importe quelle audience du tribunal. Le procureur général est le supérieur hiérarchique du procureur de la République et peut lui donner des instructions écrites qu'il est tenu de suivre. En haut de la hiérarchie se trouve le Garde des Sceaux, ministre de la justice, qui dirige le parquet mais n'a pas la qualité de magistrat (Mme Dati a perdu cette qualité pour la durée de l'exercice de ses fonctions) et ne peut donc aller requérir en personne à une audience.

Troisième point, c'est aussi un magistrat. Il fait partie du même corps de fonctionnaire que les juges, qui peuvent passer d'une fonction à l'autre au cours de leur carrière (Philippe Bilger a ainsi commencé comme juge d'instruction), sachant toutefois que pour des raisons de nombre de postes et de demande, il est plus difficile pour un procureur de devenir juge que l'inverse. Donc, quand bien même il fait partie d'une structure hiérarchisée, il garde une certaine liberté inhérente à ce corps et relevant de la séparation des pouvoirs. Le code de procédure pénale dit que si le procureur est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qu'il reçoit de sa voie hiérarchique, il prend librement les réquisitions qu'il estime convenables au bien de la justice. D'où le récent pataquès lorsqu'un vice-procureur nancéen, qui aurait selon la presse tenu des propos revendiquant en termes vigoureux cette liberté, propos qu'il a nié avoir tenu, a été directement convoqué par la Chancellerie.

Ces trois points posés, concrètement, ça se passe comment ?

Ce sera l'objet du prochain billet, place pour le moment aux rectifications et précisions que les intéressés ne manqueront pas de vouloir apporter, en m'excusant par ailleurs auprès d'eux : je vous vois d'en bas de l'estrade, la distance peut être trompeuse.

lundi 22 octobre 2007

Moment de solitude

L'angoisse de l'avocat, comme de l'acteur, c'est le trou. Le dossier a volé en éclats à l'audience, tous vos arguments se sont désintégrés lors des débats, et en prime, votre contradicteur a été très modéré dans ses demandes, vous privant de la sortie de secours de l'indignation. Vous entendez le président vous dire : « Maître, vous avez la parole » et vous ne savez pas quoi dire. Vous vous levez en regardant fixement vos notes, qui ne sont d'aucune aide. Vous relevez la tête, voyez les trois paires d'yeux du tribunal qui vous regardent avec une curiosité manifeste, et vous ne savez toujours pas quoi dire.

Heureusement, désormais, j'ai la solution.

Dans un prétoire, un juge et un procureur, qui ont une boîte de petits pois à la place de la tête, écoutent Maître Eolas plaider. Celui-ci, debout au centre du prétoire, tient à la main une lettre et déclame d'un air solennel : "Mon petit président chéri,  mon tout petit procureur adoré,  mon petit client aimé, ... je vais mourir !". Dans le fond, le procureur essuie une larme d'émotion.

Et pour les mauvaises langues, le « Mon petit président chéri » n'est pas le président de la République.

PS : pour ceux qui ne comprennent pas pourquoi les magistrats ont une drôle de tête.

dimanche 21 octobre 2007

"Cour d'assises" sur France 3

France 3 continue dans ses documentaires sur le thème de la justice le lundi soir : demain, lundi 22 octobre, à 20h55, France 3 diffuse un documentaire de Jean-Charles Doria, intitulé "cour d'assises", qui suit un procès pour meurtre (ou assassinat si l'instruction a révélé une préméditation) jugée devant la cour d'assises d'Amiens.

Je n'ai pas vu ce documentaire et ne puis m'avancer sur sa qualité, mais le fait qu'il ne soit pas diffusé sur TF1 est plutôt bon signe.

Pour ceux qui veulent réviser :

Comment se passe un procès d'assises, du point de vue des jurés.

Récit d'un délibéré imaginaire, écrit par un magistrat bien plus talentueux que moi.

Je pense que ce documentaire peut intéresser nombre de mes lecteurs.

Sinon, il y a Sœur Marie-Thérèse.com sur TF1...

And the winner is...

Maitre Eolas brandit la coupe Web Ellis, qui  vient de perdre son socle, assommant ainsi un joueur anglais étendu au sol ; Maitre Eolas arbore un air fort peu sincère en s'exclamant : "Oups... Désolé !" devant un joueur sud africain hilare

Bravo aux sud africains, et aux Anglais aussi qui n'ont pas démérité.

Vous avez remarqué le pataquès lors de l'arrivée de la coupe ? Pauvre Jean-Pierre Rives. Mais j'avoue avoir bien ri de mon côté. D'où mon envie d'y mettre mon grain de sel.

samedi 20 octobre 2007

Ho et puis zut

Je craque.

Maitre Eolas en robe verte aux couleurs des springboks, épitoge orange terminée par le drapeau sud africain, avec dans sa main gauche un drapeau sud africain et dans sa main droite une pancarte GO BOKS ! Il affiche un grand sourire.

Allez les Springboks.

Et puis de toutes façons, la moitié a des noms français : Du Plessis, Olivier, Durand, Dupré (même s'ils ont fait des fautes d'orthographe à ces deux derniers noms) ; ils font du bon vin et détestent aussi les Anglais. On ne peut donc que les aimer.

Don't cry for me Argentina...

Maitre Eolas, avec un oeil au beurre noir et un pansement au visage, dans sa robe de rugby bleue, épitoge bleu blanc rouge, déchirée et tâchée de sang, s'adresse à un Puma impassible, qui porte une médaille de bronze, et qui est en train de manger nonchalamment. De sa bouche sort la tête de Bernard Laporte, l'air désemparé. Maitre Eolas dit : "Heu... Excusez-moi : c'est notre secrétaire d'Etat aux sports, ça ne vous embête pas de nous le rendre ?"

Bravo les Argentins. Victoire bien méritée. J'espère que le prochain entraîneur apportera enfin aux Français ce qui leur manque depuis toujours : des nerfs.

vendredi 19 octobre 2007

Votre serviteur sur France Info

D'accord c'était hier, mais j'étais charrette.

David Abiker m'a fait l'honneur de solliciter mon avis sur la question, logo France Infoalors encore hypothétique, des obstacles juridiques à un divorce présidentiel, dans l'émission "l'invité du net" sur France Info, en écho à ce billet.

Vous pouvez ouïr cette émission ici.

Quelques heures plus tard, l'actualité me donnait raison. Jules de Diner's Room, qui n'en démord pas, m'objecte que nul n'a soulevé dans l'instance l'immunité présidentielle. Je crois pour ma part que la vice-présidente du TGI de Nanterre qui a officié était au courant de l'existence de la constitution, notamment son article 67.

Devine qui vient goûter ce soir ?

Sortez les nappes en papiers, les assiettes en cartons et les couverts en plastique ! Ce soir, c'est la finale pour de rire, la consolation des cocus, la petite finale.

Non seulement nous finissons en retrouvant les Argentins avec qui nous avons ouvert ce bal, mais en plus, j'ai déjà fait mon Devine Qui Vient Dîner, que vous pouvez relire avec profit ici.

Est-ce une raison pour ne pas être aux côtés des Bleus ? NON ! Au contraire, et plus que jamais même. Dans la victoire, au pinacle, ils ne manquent jamais d'amis ; c'est dans ces revers, maintenant que sponsors et parasites font grise mine qu'ils ont besoin de nous.

Ha, ce sont nos cousins anglais qui iront jouer la grande finale, demain. Hé bien tant pis. Nous les applaudirons demain. Aujourd'hui, c'est l'heure de la revanche.

Mes amis, mes frères, je suis avec vous. Et plus encore que vous ne le croyez :

Sur un terrain de rugby, un puma en tenue de l'équipe d'Argentine de rugby regarde médusé arriver Maitre Eolas, robe de supporter bleue avec une épitoge bleu blanc rouge, des chaussures à crampons au pied et un bandage de protection à la tête comme en portent les avants, qui relève les manches de sa robe, qui révèlent des bras fins comme des asperges. Maitre Eolas, l'air décidé, s'exclame : "De toutes façons, pour que les choses soient bien faites, autant les faire soi même !"

Profitons en pour saluer une nouvelle fois Patrick à Buenos Aires, et pour la dernière fois de cette année :

ALLEZ LES BLEUS ! ! !


Bon, ben c'était à sens unique. Au moins il y a eu du rugby, au moins. Pas du bon côté. Mais bravo, bravo, mille fois bravo aux Argentins. Quelle équipe de légende. A bientôt.

mercredi 17 octobre 2007

Le président de la République peut-il divorcer ?

Une question, purement théorique bien sûr, se pose avec insistance ces jours-ci : dans l'hypothèse (d'école) où le président de la République en exercice voudrait mettre fin à son mariage, pourrait-il le faire avec le nouveau statut du chef de l'Etat récemment modifié afin d'assurer une fin de mandat paisible à un précédent titulaire de l'office ?

Jules de Diner's Room et le professeur Frédéric Rolin opinent de conserve que non.

Avant de voir et éventuellement répondre aux objections de ces éminents juristes, voyons un peu le nœud du problème.

C'est peu dire que la République n'aime guère ses juges. Atavisme historique dont j'ai déjà parlé, le pouvoir judiciaire fait peur, et le pouvoir dominant, que ce soit l'exécutif ou le législatif, a toujours veillé à le châtrer. Tout d'abord, en le coupant en deux parties séparées, afin d'avoir ses propres juges (mais qui ont à leur tour pris leur indépendance), et en faisant du troisième pouvoir une simple autorité placée sous la protection que l'on espère bienveillante du président de la République, pourtant chef de l'exécutif. Les parlementaires jouissent d'une immunité, les ministres sont justiciables d'une juridiction où les parlementaires sont majoritaires et qui ne s'est pas manifestée pour sa grande sévérité, et le président de la République a été mis hors de portée de tout ce qui dit le droit[1]. Par contre, qu'un juge soit accusé d'avoir mal fait son travail, et il sera sommé de comparaître devant une commission parlementaire, et le garde des sceaux engagera contre lui des poursuites disciplinaires, faute de pouvoir prononcer directement une sanction, quand bien même ses services lui expliqueraient qu'aucune faute n'a pu être relevée. Les pouvoirs sont ici séparés comme le valet est séparé du maître.

Car la séparation des pouvoirs, vous le remarquerez, n'est jamais opposée qu'au pouvoir judiciaire sur un ton de "pas touche" ! Le fait ainsi que l'exécutif tienne le législatif en laisse en allant jusqu'à tenir son agenda n'a ainsi jamais fait sourciller, pas plus que le fait qu'un premier ministre rappelle à l'ordre un député qui se serait cru libre de critiquer le gouvernement ne provoque de cris d'orfraie de la part des parlementaires.

Ces prolégomènes étaient nécessaires pour bien comprendre l'état des textes. N'y cherchez aucune orthodoxie juridique, aucune cohérence : le but était de mettre le président à l'abri des questions déplacées de ceux qui voudraient que la loi s'appliquât à tous en France (il en reste).

La règle applicable est posée dans la constitution, en son article 67 :

Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68 [qui précisent les conditions de sa destitution en cours de mandat.].

Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.

C'est l'alinéa 2, que j'ai graissé, qui est le centre du problème. Le vocabulaire semble à première vue ne concerner qu'une action pénale : acte d'information, d'instruction, ou de poursuite. Mais en réalité, il n'en est rien.

L'alinéa 2 exclut bien toutes les juridictions et les autorités administratives : cela recouvre toutes les juridictions judiciaires, administratives, et les autorités administratives ayant un pouvoir de sanction (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, CNIL, Autorité des Marchés Financiers, Conseil de la Concurrence...). Nul ne peut faire un procès au président de la République, même pour des faits commis avant sa prise de fonction. A commencer par le conjoint de celui-ci, qui ne peut demander le divorce à un juge, que ce soit pour faute, pour rupture prolongée du lien conjugal, ou même sur demande acceptée, car le président serait défendeur et donc ferait l'objet d'une action, et le juge devra exercer son autorité pour trancher sur les conséquences du divorce. Là, je pense qu'il y aura consensus chez les juristes.

Reste une possibilité, et là, nous entrons dans le brouillard. Quid du divorce par requête conjointe ? Le divorce par requête conjointe est en effet une matière gracieuse et non contentieuse. Les époux demandent au juge de prononcer le divorce en constatant leur volonté commune de divorcer, et que toutes les conséquences matérielles du divorce ont été réglés d'un commun accord, par une convention de divorce qu'ils sont signé avec le concours de leur avocat (dont l'intervention est obligatoire).

A strictement parler, dans une telle hypothèse, le président de la République ne fait pas l'objet d'une action. Il est codemandeur, et il n'y a pas de défendeur. L'office du juge se résumé à dire "oui" ou "non", selon qu'il estime que la volonté des époux est réelle (il les reçoit seul et séparément à cette fin) et que les dispositions prises en commun par les époux respectent les intérêts de chacun (concrètement, ne laisse pas l'époux le plus faible dans le besoin attribuant l'essentiel de la fortune commune à l'autre). Il ne peut pas de sa propre autorité modifier la convention ,et décider unilatéralement que tel époux devra verser à son conjoint une somme à titre de prestation compensatoire alors qu'aucune n'était initialement prévue, ou d'en modifier le montant.

Avant 2005, la loi prévoyait d'ailleurs une procédure en deux étapes. Une première audience visait à constater la volonté des époux, les inviter à réfléchir, et permettait au juge de présenter des observations sur le projet de convention de divorce, en disant clairement que si tel point n'était pas modifié dans le sens qu'il indiquait, il refuserait l'homologation de cette convention et donc de prononcer le divorce à la deuxième audience, plusieurs mois plus tard. Aujourd'hui, il n'y a qu'une audience, ce qui renforce le rôle de conseil de l'avocat, qui se doit de faire en sorte de présenter une convention qui sera acceptée par le juge. Le cas échéant, la convention peut être modifiée à la main sur un coin de table dans le cabinet du juge. Sinon, c'est le refus de prononcé du divorce, et toute la procédure doit être recommencée depuis le début avec une nouvelle convention.

Y a-t-il un obstacle à ce que le président de la République et son conjoint présentent ensemble une requête en divorce avec une convention de divorce ?

Pour ma part, je n'en vois pas. Le fait que le président ne peut faire l'objet d'une action ne lui interdit pas d'en être le sujet, c'est à dire d'exercer lui-même une action. Le juge aux affaires familiales ainsi saisi pourrait prononcer le divorce ou refuser de le prononcer, sans violer l'article 67 de la constitution.

Qu'objectent mes excellents contradicteurs ?

Pour Frédéric Rolin et Jules, le principal argument est commun. Le fait que ce soit une matière gracieuse (les parties ne sont pas en conflit et demandent au juge d'entériner leur accord) et non contentieuse (les parties demandent au juge de trancher entre leurs arguments contradictoires) n'exclut pas l'application de l'article 67. Jusque là, je suis d'accord.

Or, même en matière gracieuse, le juge peut décider de son propre chef qu'une mesure d'instruction est nécessaire (articles 10 et 27 du nouveau Code de procédure civile, ou NCPC) comme une enquête sociale ou une expertise psychiatrique par exemple.

Jules rappelle que parmi ces mesures d'instruction figure l'audition des parties (article 10 du NCPC) : « Au titre des mesures d'instruction, les expertises, l'interrogation de témoins, la réception d'attestations, par exemple. Mais également "entendre les parties". Autrement dit, l'audition des parties constitue une mesure d'instruction au sens du NCPC ». Or cette audition est obligatoire pour le divorce par requête conjointe. Dès lors conclut-il, une mesure d'instruction prohibée étant indispensable, l'article 67 s'oppose au prononcé du divorce.

J'objecte très respectueusement.

L'audition des parties est une formalité obligatoire du procès. Elle est prévue par l'article 250 du Code civil, et les modalités sont prévues par l'article 1092 du NCPC, qui n'est ni l'article 10, ni l'article 27, j'ai des preuves irréfutables de cela, l'article 1092 faisant partie du chapitre consacrée à la procédure de divorce par requête conjointe.

Il ne faut pas confondre formalité obligatoire et mesure d'instruction. La mesure d'instruction est une faculté offerte au juge afin de mieux s'informer avant de statuer. Quand bien même le juge aux affaires familiales s'estimerait pleinement informé par la requête en divorce et la convention elle même dont il est saisi, l'avocat pouvant lors de l'audience apporter les quelques détails manquant, il reste tenu d'entendre les époux.

Plus encore, l'audition des parties, comme tout acte d'instruction doit être contradictoire, c'est à dire que l'autre partie doit pouvoir non seulement ouïr les propos mais y objecter. Or en matière de divorce, cette audition n'est pas contradictoire : les époux sont reçus séparément, et hors la présence du ou des avocats. Cela exclut donc qu'il s'agisse d'une mesure d'instruction.

J'opinerais donc pour ma part qu'un juge aux affaires familiales pourrait prononcer le divorce s'il estimait que la requête et la convention sont satisfaisantes ; s'il devait au contraire estimer qu'une mesure d'instruction serait nécessaire, l'article 67 le lui interdirait et il devrait alors refuser de prononcer le divorce. La seule possibilité qu'a le président de la République de divorcer est donc par requête conjointe, requête ne devant poser aucune difficulté pour le juge.

A cela, Frédéric Rolin objecte que ce raisonnement heurterait la règle de l’unicité de l’office du juge :« le juge ne serait compétent que s’il ne mettait pas en œuvre certains des pouvoirs qui lui sont légalement dévolus. Cela n’est tout simplement pas concevable. »

En effet.

Si l'on aborde le problème sous l'angle de la compétence.

Or dès lors que le juge aux affaires familiale constate qu'il est territorialement et matériellement compétent, dans notre cas qu'il est bien juge aux affaires familiales (c'est écrit sur sa porte) et qu'il siège bien à Nanterre (c'est écrit sur un panneau devant le tribunal), le problème de la compétence est réglé.

Seul se pose le problème des pouvoirs du juge. La loi lui donne des pouvoirs pour mieux s'informer avant de statuer. Mais la constitution les lui retire quand un des époux est président de la République. S'il estime être insuffisamment informé pour pouvoir prononcer le divorce, le juge doit refuser, ou éventuellement surseoir à statuer en invitant les parties à lui fournir les pièces qu'il estime nécessaire, sans utiliser le moindre pouvoir de contrainte ni les ordonner lui même. Si ces éléments ne lui sont pas fournis, retour à la situation initiale : la demande sera rejetée.

Cela ne viole pas l'interdiction du déni de justice : le juge ne refuse pas de statuer sous le prétexte de l'obscurité de la loi : il statue, et sa réponse est de rejeter la demande des époux.

D'ailleurs, le Nouvel Observateur annonce par un titre assez mystérieux que « Les Sarkozy ont matérialisé leur séparation lundi 15 octobre ». Matérialisé une séparation ? Les termes sont paradoxaux. S'ils ont vu un juge, il est bien possible qu'ils soient d'ores et déjà divorcés. Mais les rumeurs vont bon train dans cette affaire : LCI dit qu'une requête aurait été déposée par Cécilia Sarkozy, ce qui ne semble pas très réaliste : je pense qu'elle a autre chose à faire que jouer les coursiers pour son avocat. Comment savoir ?

Mais très simplement, amis journalistes. Allez régulièrement à la mairie où se sont mariés les époux Sarközy de Nagy-Bocsa et Ciganer-Albéniz, et demandez un extrait d'acte de mariage sans filiation (il vous faudra la date du mariage, mais vous êtes journalistes, je vous fais confiance). C'est gratuit et aucun justificatif ne vous sera demandé. Le divorce devra être mentionné en marge pour que ses effets soient opposables au tiers, notamment que les époux puissent se remarier ou que les créanciers de l'un ne puissent poursuivre l'autre. Vous aurez même l'indication du jour où le jugement a été rendu. La demande peut aussi être faite par courrier (n'oubliez pas une enveloppe timbrée pour la réponse).

Et dès lors, réjouissez vous, femmes de France : vous saurez que le président est à nouveau un cœur à prendre.

Notes

[1] "Dire le droit" en latin se dit juris dictio ; d'où le mot juridiction : entité qui dit le droit.

lundi 15 octobre 2007

La libération conditionnelle de Bertrand Cantat

Laissons de côté la si décevante actualité sportive (la France n'a gagné QUE 6 à 0 aux Féroé...) et tournons nous vers l'actualité juridique et judiciaire qui est riche ces temps-ci. Je vais aborder trois thèmes cette semaine, si mon agenda m'en laisse le temps : les peines plancher, la réforme de la carte judiciaire notamment.

Mais tout d'abord, collons le plus à l'actualité, la libération conditionnelle, sous les feux de la rampe aujourd'hui par la libération annoncée de Bertrand Cantat.

Soyons d'emblée très clairs. L'objet de ce billet n'est absolument pas d'étaler soit des déclarations scandalisées sur cette décision soit une approbation bruyante en fustigeant ceux qui s'y opposaient. De tels commentaires seront impitoyablement supprimés, je vous rappelle que je suis de mauvaise humeur depuis samedi soir. Pas de pollution médiatique ici, vous avez le courrier des lecteurs de la presse pour ça (je vous recommande les commentaires sous l'article de Libération, d'un niveau de caniveau très satisfaisant).

Je voudrais simplement expliquer ce qui conduit à de telles décisions de libération à mi-peine, et pourquoi celle-ci en particulier n'a absolument rien de scandaleux, même s'il est permis d'être à titre personnel, moral et pourquoi pas philosophique (domaines dans lesquels ce billet s'abstiendra de pénétrer) en désaccord avec elle.

La peine vise à punir, c'est une évidence, mais elle ne vise pas qu'à cela. C'est là l'écrasante responsabilité des juges - vous comprendrez bientôt le pluriel - que de rechercher l'équilibre entre toutes les finalités de la peine.

C'est l'article 132-24 du Code pénal qui a inscrit dans la loi les principes posés depuis longtemps par la jurisprudence, notamment du Conseil constitutionnel.

alinéa 2 :

La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions.

La protection de la société, c'est la neutralisation de l'individu dangereux. La prison est le plus efficace, mais d'autres peines y suffisent parfois amplement (la suspension du permis du chauffard, par exemple).

La sanction du condamné, c'est la rétribution : il a eu un comportement interdit, il doit être sanctionné sauf à faire de l'interdit social une farce. Le but est que quel que soit l'intérêt tiré du comportement, il ne vaille pas la peine qui y est attaché. Rouler à 200 fait arriver plus vite, mais si on vous confisque votre voiture et annule votre permis, le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Les intérêts de la victime. Ca, c'est un ajout de la loi Clément sur la récidive du 12 décembre 2005. L'irruption de la victime à tous les stades du procès pénal est une tendance parfois irritante de notre époque tant on détourne le procès pénal de sa finalité et de ce qu'il est vraiment : un individu face à la société dont il a transgressé les règles. Mais la prise en compte de ses intérêts au niveau de la peine est parfaitement naturelle, et les juges n'ont pas attendu le législateur pour en faire un paramètre de la peine. C'est d'ailleurs un très bon argument pour la défense : il faudra réparer, or la prison, privant de travail, empêche la réparation, ou la retarde d'autant. Comme quoi, les intérêts de la victime sont parfois opposés à ceux de la société, qui a plus à gagner à une neutralisation durable.

La nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné : il y a toujours un après la peine depuis le 9 octobre 1981. Il faut préparer cet après, car le retour à la liberté après une longue incarcération (et quatre ans, c'est long) est difficile. On passe d'un univers très encadré (vous n'ouvrez aucune porte vous même et n'allez nulle part sans permission) à être livré à soi même, et souvent à la solitude. Il ne faut donc pas insulter l'avenir par la peine. D'où une nécessaire phase de transition, de retour progressif à la liberté sous certaines contraintes. Là se situe le coeur de la libération conditionnelle.

Prévenir la commission de nouvelles infractions. Redondance avec la protection de la société, mais le législateur de 2005 était obsédé par la récidive. Cette prévention, outre la menace de la sévérité en cas de récidive (dont l'efficacité me paraît très douteuse, j'y reviendrai quand je parlerai des peines plancher), il y a aussi le traitement médical ou psychologique, le sevrage alcoolique, qui nécessite aussi une certaine forme de contrainte, qui ne peut être exercée que pendant l'exécution de la peine. La libération conditionnelle sert aussi à cela.

Ces principes s'imposent d'abord à la juridiction de jugement. Dans le cas Cantat, la juridiction était lituanienne, mais ces principes ne sont pas non plus inconnus sur les rives de la Baltique. Une bonne plaidoirie doit à mon sens donner l'opinion de l'avocat sur ces quatre points. C'est en tout cas plus pertinent que l'invocation de l'enfance malheureuse (il y a des présidents de correctionnelle qui viennent de la DDASS, l'excuse passera très mal) ou que "la prison ne sert à rien puisque le prévenu a toujours récidivé", que j'ai entendu récemment dans un prétoire avant que le tribunal ne prononce une peine largement supérieure aux réquisitions du parquet.

Mais une peine s'étalant dans le temps, il ne serait pas bon de la traiter comme une parole sacrée et intangible. Un condamné peut changer, et la longue période d'observation continue qu'est un emprisonnement permet de le constater. C'est là qu'intervient le juge d'application des peines (JAP). Il a de par la loi des pouvoirs étendus mais pas illimités pour modifier la peine en cours d'exécution. Il peut la suspendre, la fractionner (un étudiant condamné à 6 mois de prison ferme fera deux fois trois mois pendant ses vacances scolaires ce qui n'interrompra pas ses études), la réduire pour bonne conduite, donner des autorisations de sorties (une journée à quelques jours, pas plus) et enfin octroyer la libération conditionnelle.

La libération conditionnelle suppose que le condamné ait exécuté une durée d'emprisonnement égale à celle lui restant à accomplir. Ce qu'on appelle la mi-peine, qui n'est pas égale à la moitié de la peine, ce serait trop facile, les réductions de peine devant être décomptées. C'est la première condition, mais pas la seule. Ajoutons que le droit étant la science des exceptions, un condamné ayant un enfant de moins de dix ans avec qui il vit habituellement est dispensé de cette condition de mi peine. La société considère que l'intérêt de l'enfant doit pouvoir justifier une grande clémence.

Une fois que la mi-peine est franchie, le JAP peut, soit d'office (le JAP doit examiner chaque année la situation des condamnés admissibles à cette mesure), soit à la demande du condamné, envisager une libération conditionnelle. Les critères pris en compte sont l'exercice d'un travail à la sortie, les efforts faits en vue d'indemniser les victimes, l'assiduité à un enseignement ou une formation en cours de détention, le suivi d'un traitement médical contre les causes du passages à l'acte, et les conditions qui attendent le condamné à la sortie. Le dossier pénitentiaire est pris en compte, puisque l'avis de l'administration pénitentiraire est sollicité, et un condamné multipliant les incidents et les punitions aura peu de chance de bénéficier d'une telle libération. Un SDF aura bien plus de mal à obtenir une libération conditionnelle qu'une personne attendue par sa famille qui lui a trouvé un emploi. C'est ainsi.

L'intérêt de la libération conditionnelle est que la peine est toujours en cours d'exécution : le libéré reste sous l'autorité de la justice. La libération est conditionnelle. Le droit est aussi la science des épithètes, auquel le public ne prête jamais assez d'attention. Le JAP impose des obligations au libéré (ne pas changer de domicile sans autorisation, répondre aux convocations ou recevoir le travailleur social chargé de son dossier) qui, s'il ne les respecte pas, encourt un retour en prison, qui peut être très rapide, le JAP pouvant révoquer la mesure et décerner mandat d'arrêt sans avertir le condamné. Il y a donc un suivi, et une menace. On est loin du retour à la liberté de fin de peine, ou plus aucun suivi n'est par définition possible (sauf pour les délinquants et criminels sexuels condamnés à un suivi socio judiciaire, car le droit est la science des exceptions).

Ainsi, Bertrand Cantat bénéficiera-t-il d'une telle libération parce qu'il a accompli la moitié de sa peine depuis l'été dernier ; il a intégralement indemnisé les parties civiles qui avaient demandé des dommages-intérêts lors du procès (les enfants de la victime, ses parents s'y étant refusé) ; les risques de récidive paraissent inexistants ; il a de très bonnes conditions d'accueil à l'extérieur et peut espérer aisément retrouver un travail, que ce soit son ancienne activité de chanteur ou tout autre travail. Il est probable qu'il a pu fournir des promesses d'embauche satisfaisantes. Il a un dossier pénitentiaire exemplaire, n'ayant jamais été puni disciplinairement.

Tiens, en rédigeant ce billet, je découvre que Le Figaro publie le jugement du JAP de Toulouse.

Voilà un document précieux.

On apprend donc que la demande a été sollicitée le 22 juillet 2007. On ne peut pas dire que le JAP agisse dans la précipitation. Il a bien un contrat de travail avec Universal Music (oui, un chanteur très marqué à gauche qui travaille pour une multinationale, je ne vois pas où est le problème ?) renouvelé en 2005, des revenus issus de ses droits d'auteur et interprète, qu'il a deux enfants dont il souhaite pouvoir s'occuper - sa fille a 4 ans, son fils 10. La famille de la victime a été consultée qui a exprimé son désaccord, estimant que Bertrand Cantat aurait bénéficié de conditions privilégiées durant sa détention et invoquant l'exemplarité de l'affaire en matière de violences conjugales. L'administration pénitentiaire a donné un avis favorable. Le ministère public ne s'oppose pas (il a un mal fou à être d'accord, c'est un blocage), à condition que la période de suivi ne soit jamais réduite, et que le condamné poursuive à l'extérieur sa prise en charge thérapeutique et s'abstienne de toute intervention publique ou diffusion d'oeuvre relative aux faits (pas de livre, pas d'interview), ce à quoi le condamné a dit qu'il était d'accord.

Le juge explique ensuite sa décision : il constate sa compétence pour statuer seul (peine de moins de dix ans), que le condamné est à mi peine, et répond aux parties.

Sa réponse à la famille de la victime mérite d'être reprise ici, pour les Monsieur Prud'homme qui se scandalisent sans savoir.

Monsieur Cantat et son conseil ont rappelé les conditions de vie carcérale ayant entouré les quatorze mois d'emprisonnement subis à Vilnius, avec notamment un placement en isolement dans une cellule de 6m² située en sous sol, seulement éclairée par un soupirail et une ampoule allumée nuit et jour, une surveillance permanente à travers un miroir sans tain en raison du risque d'un passage à l'acte suicidaire, ou encore l'impossibilité, pour des raisons linguistiques, de bénéficier du soutien psychologique qui lui était à l'époque particulièrement indispensable ;

S’agissant ensuite de l’incarcération subie à MURET, il convient de relever que M.CANTAT, contrairement à certaines allégations ayant pu circuler dans la presse, n’a en aucune manière bénéficié d’un "traitement de faveur" caractérisé par une plus grande liberté de circulation à l’intérieur de l’établissement, de plus larges horaires d’ouverture des cellules , et la prise de repas en commun, l’organisation de sa vie quotidienne ne lui est évidemment pas spécifique, mais réservée à la centaine de détenus affectée au bâtiment dit "de confiance", car ne présentant ni problème de réadaptabilité, ni dangerosité de nature sociale ou psychiatrique.

Loin de lui valoir, comme e pu le penser la partie civile sur le base d’informations erronées, un statut privilégié et des conditions de détention "que bien des prisonniers lui envieraient", la notoriété de M. Cantat l’a au contraire placé dans un contexte singulièrement éprouvant.

Ainsi, et clans la suite de l’incendie [1] survenu au cours de sa détention en Lituanie, et dont le caractère criminel est depuis avéré, M. CANTAT a reçu plusieurs lettres le menaçant de mort, notamment dans les débuts de son incarcération au Centre de Détention faisant actuellement l’objet d’enquêtes auprès du Parquet de TOULOUSE, d’autres sont parvenues à l’approche du débat contradictoire, et même en cours de délibéré. A l’intérieur de l’établissement, un climat de représailles avait également entouré son arrivée et nécessité pour sa sécurité un transfert rapide vers un autre bâtiment, certains détenus ayant utilisé sa faiblesse psychologique pour “s’autoproclamer protecteur” en lui faisant croire qu’il était la cible d’un “contrat” à l’extérieur.

Par ailleurs, toujours en lien direct avec l’extrême médiatisation entourant cette affaire, M. CANTAT a dû affronter de graves atteintes à la vie privée, parmi lesquelles le détournement et la publication dans l’hebdomadaire "VOICI"[2] (édition du 21 février 2005) de sa fiche d’inscription à l’université de Toulouse Le Mirail - ce qui l’a conduit à abandonner les études de philosophie qu’il souhaiter mener par correspondance auprès de cet établissement- , et surtout la parution d’une quinzaine de clichés photographiques pris à son insu en plusieurs moments et lieux du son quotidien carcéral (“VSD” édition du 21 au 27 février 2007, condamnation de la 17e Chambre Civile du TGI de Paris en date du 1er octobre 2007),

Au regard de la durée effective et de la pénibilité de l'emprisonnement subi, la mesure de libération sollicitée par M. CANTAT ne saurait donc être considérée comme prématurée, étant enfin observé que sa sortie définitive eu situe à moins de deux ans, comme étant fixée au 29juillet 2009[3].

Voilà pour ceux qui trouvent que Bertrand Cantat s'en sort trop bien et a passé de joyeuses vacances.

Enfin, rappelons que le fait d'être une personne publique, un "pipole" comme on dit en français moderne, que l'on soit auteur ou victime, n'implique pas la mise à disposition du public de sa vie privée et l'invitation à proférer des jugements aussi définitifs que fondé sur du néant. Laissons ces personnes vivre en paix. A ce titre, je réitère mon avertissement. Les commentaires donnant un avis dont nul, à commencer par moi, n'a que faire sur les divers protagonistes de cette affaire,seront supprimés.

Notes

[1] de sa maison personnelle, NdEolas

[2] Dont je salue au passage la rédaction qui, je le sais, me fait l'amitié de me lire et celle plus grande encore de ne pas s'intéresser à moi

[3] Par le jeu des réductions de peine et décrets de grâce.

dimanche 14 octobre 2007

Cette coupe du monde me déçoit...

... ils ne passent plus que des rediffusions.

Non, je ne peux pas...

Maitre Eolas est en robe blanche aux couleurs du 15 anglais

C'est trop dur.

Car elle resservira un jour

Maitre Eolas en robe d'avocat, vu de dos, range dans un placard sa robe de supporter, bleue avec l'écusson du 1( de France et des épitoges bleu lblanc rouge

samedi 13 octobre 2007

Pensée du soir

Allez, pleurez comme des femmes ce que vous n'avez pas su gagner comme des hommes.

Devine qui vient dîner ce soir ?

Nos amis australiens nous ayant inopinément fait faux-bond, préparez le plum pudding, le porridge, la jelly et la Marmite®, ce sont nos pires amis, ou nos meilleurs ennemis, comme vous préférez, qui débarquent ce soir : la terrible, orgueilleuse, et perfide Angleterre. Quelle joie de la retrouver !

Drapeau de l'Angleterre

Voici donc le drapeau  anglais, dit drapeau de Saint George. Il vous dira sans doute quelque chose : il rappelle en effet celui de la Géorgie, que nous affrontâmes il y a peu.

La croix rouge sur fond blanc est un emblême très répandu dans la chrétienté, Saint Georges étant le Saint Patron, outre de l'Angleterre et de la Géorgie, de l'Aragon, de la Catalogne, du Canada, de l'Ethiopie, de la Grèce, de la Serbie et du Montenegro, du Portugal, de la Russie et même de la Palestine, ainsi que des villes de Beyrouth, Barcelone ou Moscou. C'est ainsi que le symbole du club de footabll de Barcelone, le fameux Barça, comporte la croix de Saint George.FC Barcelone

Ce symbole remonte aux Croisades, où il était le symbole des chevaliers et soldats français, le pape ayant décidé que les anglais porteraient une croix blanche sur fond rouge, les germains ayant une croix bleue et jaune, devenue le drapeau suédois. Les Anglais ont néanmoins adopté le croix rouge sur fond blanc, et la croix de St George est ainsi devenue le symbole des croisés dans leur ensemble, étant à son tour adoptée par les Templiers. Lors de la Réforme, tous les drapeauxs représentant des saints ont été abandonnés en Angleterre à l'exception de celui de St George. Dans la Navy, le drapeau de Saint Georges indique un navire amiral.

Le drapeau du Royaume Uni s'appelle le drapeau de l'Union, ou Union Jack dans la marine ("Jack" indiquant un pavillon de marine), car il est composé de la réunion des drapeaux des trois couronnes réunies sur la tête des rois d'Angleterre, chacun représenté par une croix liée à un saint : la croix de Saint George pour l'Angleterre, la croix de Saint André pour l'Ecosse, et la croix de Saint Patrick pour l'Irlande. Cette union s'est faite en deux temps : en 1606, quand James VI d'Ecosse devient roi d'Angleterre sous le nom de James Ier, les croix de Saint George et Saint André sont réuniesNaissance du drapeau d'Union pour faire le premier drapeau d'Union. Puis en 1801, la croix de Saint Patrick est ajoutée quand l'Acte d'Union (Acte désignant une loi) fusionne les royaumes d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande pour former le Royaume Uni, dénomination encore officielle de nos voisins d'Outre Manche. Le pays de Galles n'est pas représenté dans ce drapeau car il ne s'agit pas d'un royaume mais d'une principauté, dirigée par les héritiers du trône d'Angleterre (actuellement le Prince Charles, Prince de Galles, le titre de princesse étant vacant nonobstant le second mariage du prince).

L'équipe joue ainsi isolément car le Royaume Uni n'a pas de fédération de rugby. A la place, chaque royaume a sa propre fédération, reconnue par l'IRB. Il en va de même au football, d'où les matchs de qualification pour l'Euro 2008 contre l'Ecosse.

Le symbole du XV d'Angleterre est la rose rouge. RFUIl s'agit d'une allusion à la rose rouge des Lancastre, famille opposée à celle d'York au cours de la guerre des Rose, qui aboutit à la chute de la maison des Plantagenêts, dont Lancastre et York étaient deux branches, au profit de la maison des Tudor. Je ne crois pas que la fédération anglaise prête allégance à la maison des Lancastre cinq cent ans après la fin du conflit, mais le maillot de l'équipe d'Angleterre étant blanc (couleur royale, comme le maillot du Real Madrid, que je me devais de citer ayant mentionné le Barça afin d'éviter une autre guerre civile), une rose blanche ou la rose des Tudor (rouge et blanche pour marquer la réconcilation du royaume) serait peu visible sur le maillot.

L'Angleterre n'ayant pas d'hymne officiel propre, c'est bien le God Save The Queen qu'entonne le XV d'Angleterre, qui est pourtant l'hymne du Royaume Uni. Une scène fort cocasse a lieu quand l'Angleterre joue contre l'Ecosse à Murrayfield, quand l'hymne (lui aussi non officiel) écossais, Flower Of Scotland, est entonné, car on voit la Princesse Anne, fille de la reine Elisabeth et Duchesse d'Edimbourg, chanter de bon coeur cet hymne nationaliste célébrant la victoire des Ecossais contre les Anglais à Bannockburn en 1314 (la bataille qui clôt le film Braveheart). Au  Royaume Uni, le pragmatisme est la vraie religion d'Etat.

Mais en réalité, le XV à la rose a un hymne non officiel, qui galvanise autant les Anglais qu'une Marseillaise fait oublier la fatigue aux Français. Priez, mes amis, priez pour ne point entendre résonner cet hymne païen (même si c'est un gospel) près de la basilique qui accueillit l'Oriflamme...


Le Swing Low, Sweet Chariot, la kryptonite universelle.


Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home
Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home


L'histoire de cette chanson se confond avec l'histoire de notre vieille rivalité rugbystique qui nous oppose à nos cousins d'Outre Manche. En fait, une vieille rivalité oppose l'Angleterre à un peu tout le monde, et c'est une des équipes les plus cordialement détestées, chacune de ses (trop rares) défaites étant savourée d'un hémisphère à l'autre, mais la France jouit d'une position de détestation cordiale privilégiée.

Tout d'abord, l'Angleterre n'a accueilli la France dans le concert des nations rugbystiques qu'avec réticence en 1910. Le sport de l'aristocratie anglaise était en France pratiquée par les paysans rugueux du sud, et l'Anglais n'aimait guère se mélanger. Il faut dire qu'au début, la France a tout fait pour lui donner raison. En 1913, la foule envahit le terrain pour assommer l'arbitre de France-Ecosse. La France est exclue du tournoi, mais sauvée si j'ose dire par la première guerre mondiale qui suspend le tournoi, qui reprend en 1918 toutes rancoeurs oubliées au nom de la fraternité d'armes. En 1927, c'est la première victoire contre les Anglais (le pays de Galles résistera jusqu'en 1948). En 1931, la France est à nouveau exclue pour son comportement violent jusqu'en 1939. En fait, deuxième guerre mondiale oblige, la suspension durera jusqu'à la reprise du tournoi en 1947. En 1952, l'Angleterre accuse la France de professionnalisme des joueurs (ironie de l'histoire, l'Angleterre sera la première à passer au professionnalisme dans les années 90 : en Angleterre, le pragmatisme est religion d'Etat) et des joueurs français sont définitivement exclus de la sélection pour apaiser les Anglais. Voilà donc le terreau de la rivalité. La fleur éclora à la fin des années 80.

En 1988, le XV d'Angleterre était en train de traverser une des plus mauvaises passes de son histoire, battu notamment par la France plusieurs années de suite, y compris sur son sol sacré, à Twickenham. L'Angleterre jouait face à l'Irlande, et avait perdu 15 de ses 23 derniers matchs du Tournoi des Cinq Nations, tournoi qu'elle n'avait plus gagné depuis 1980. En deux ans et demi, les supporters de Twickenham n'avaient vu qu'un seul misérable essai marqué par les Anglais. A la mi temps, l'Irlande menait 3 à 0. Et puis comme cela arrive parfois au rugby, l'espoir changea de camp, le combat changea d'âme, et tout à coup, rien ne semblait plus pouvoir arrêter les Anglais, qui gagnèrent 35 à 3, dont trois essais marqués par Chris Oti, qui faisait ses débuts de jour là. Les collégiens d'une école bénédictine de Woolhampton qui assistaient au match entonnèrent alors un gospel en l'honneur d'Oti, Swing Low, Sweet Chariot, que la foule reprit en choeur.

Ce fut le signal d'une résurrection, et d'un nouvel âge d'or pour le XV à la rose, l'époque de Will Carling et Brian Moore, époque qui se construisit sur le dos de l'équipe de France. Pendant sept ans, nous ne gagnerons jamais, et toujours pour la même raison : être poussé à la faute par les Anglais, de préférence à 20 mètres en face de nos poteaux, ce qui donnait trois points aux Anglais, et faisait résonner le Swing Low. Le clou était enfoncé par Will Carling qui félicitait les Français vaincus d'un "Good game" dont l'évocation fait encore monter les larmes aux yeux des joueurs de l'époque. Il faudra des années pour que le XV de France vole aux Anglais leur sang froid, ce qui rend l'absence totale de faute française lors de la deuxième mi temps du dernier match absolument extraordinaire. La tension avec l'Angleterre sera à son comble, et les mêlées sont les occasions "d'explications" qui n'ont pas toujours fait honneur aux valeurs du rugby.

Cette rivalité prendra fin brutalement, du jour au lendemain, lors de notre inoubliable victoire en petite finale de la coupe du Monde en 1995 (19 à 9), où enfin, la série noire prendra fin, et au plus beau moment, la Coupe du Monde. Les joueurs Français sont tous allés serrer la main de Will Carling abattu en lui disant un "Good game !" chantant avec l'accent du sud ouest. La partie s'est en réalité terminée le lendemain à l'aube, les joueurs des deux équipes s'étant donné rendez vous pour faire une fête de tous les diables jusqu'à l'aube, enterrant définitivement la hache de guerre. Cela sera aidé par le virage vers le professionalisme, des Anglais venant jouer en France et des Français allant jouer en Angleterre (Raphaël Ibanez, capitaine du XVde France joue dans le club londonien des Wasps, et Sébastien Chabal joue dans le club de Sale, près de Manchester), ce qui comblera un peu le fossé d'incompréhension, les Anglais allant jusqu'à recruter un entraîneur français, Pierre Villepreux en 1995.

Cette époque a laissé une tradition, une rivalité qui fait que vaincre l'autre équipe est un plaisir sans nul pareil, mais la terrible tension 1988-1993 a disparu. On la rejoue pour s'amuser. Il n'empêche : arriver en finale en piétinant les Anglais serait une coupe d'ambroisie. Aller, comme en 2003, jouer la petite finale parce que les Anglais nous auront barré la route serait une coupe de vinaigre. Et j'ai soif.

Alors, plus que jamais... ALLEZ LES BLEUS ! ! !



Our Australian friends having unexpectedly defected, prepare the plum pudding, the porridge, the jelly and have the Marmite® ready. Our worst friends, or best enemies, as you wish, are coming to town tonight : the dreadful, proud and deceptive England. What a joy to see her !

Here is the English flag, also called the Saint George flag. He may remind you of something : he looks quite like Georgia's flag, the country we recently met.

The red cross on a white field is a very common symbol in the Christianity, Saint George being the holy patron, beside England and Georgia, of Aragon, Catalonia, Canada, Ethiopia, Greece, Serbia, Montenegro, Portugal, Russia, even Palestine, as of the cities of Bayreuth, Barcelona or Moscow. This is why St George's cross is part of the Barcelona's Football Club's crest.

This coat of arms dates from the Crusades, where it was the symbol of French knights and soldiers, the pope having given them this symbol, the symbol given to the English, a white cross over a red field, and a yellow cross over a blue field for the Germans (which has become the Swedish flag). Nevertheless, the Englishmen took the red cross as their symbol, and St George's cross became the symbol of all crusaders, and later of the Templar knights. During the Reformation, England abandoned all the flags symbolizing saints, except St George's. In the Navy, The flag of St George is  the rank flag of an Admiral.

The flag of United Kingdom is the Union flag, or Union Jack in the Royal Navy, as it is composed of the flags of the three crowns united above the head of the kings of England, each kingdom represented by a cross representing a saint: St George's cross for England, St Andre's for Scotland and St Patrick's for the Ireland. This union was made in two times: in 1606, when James VI became king of England under the name of James I, the cross of St George and St Andre were merged into the first Union flag. In 1801, the cross of St Patrick was added by the Act of Union 1801, merging the kingdom of England, Scotland and Ireland into the United Kingdom.Wales is not represented in the flag as it is not a kingdom but a principality, led by the heir to the throne (now Prince Charles, the princess title being vacant even after the second marriage of Prince Charles).

England's team plays alone because the United Kingdom has no Rugby Football Union. Instead, each kingdom has its own Union, part of the IRB. It is the same in football, this is why we had recently qualifying games against Scotland.

The English Rugby Union team symbol is the red rose. It alludes to the red Lancaster rose, the family who opposed the York Family during the War of the Roses, which led to the downfall of Plantagenet house, whom both Lancaster and York family descended, and the rise of Tudor house. I don't think the Rugby Football Union pays allegiance to the Lancaster 500 years after the end of the conflict; but the team's shirt being white, the royal color, as is the Real Madrid shirt (I HAD to talk about the Real,as I mentioned the Barça, to avoid another civil war) a white rose or the Tudor's Rose would not have been visible.

England has no hymn of its own, and so the team will sing 'God Save The Queen', although it is United Kingdom's anthem. One funny scene happens each time England plays at Murrayfield as Scotland's unofficial anthem 'Flower of Scotland' is played : Princess Ann, daughter of the queen and Duchess of Edinburgh sings wholeheartedly this song glorifying Scotland's victory at Bannockburn in 1314 (the Battle ending Braveheart). In United Kingdom, pragmatism is the real State religion.

But indeed England as an unofficial anthem, which strengthens the English just as a Marseillaise makes the French forget exhaustion. Pray, O my friends, pray not to hear this heathen song (event though it is a gospel) near the Basilica which use to hold the Oriflamme, Kings of France's warflag...

The Swing Low, Sweet Chariot, the universal kryptonit.

Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home
Swing low, sweet chariot
Coming for to carry me home

The story of this songs is also the story of our long rivalry with our cousins from the other side of the Channel (this twenty-miles wide and thousand-year deep chasm...). As a matter of fact, and old rivalry opposes England to the whole world, and it is the most cheerfully hated team, each of his (too rare) defeats being appreciated from one hemisphere to the other, but France enjoys a cheerfully hatred privileged position.

First, England only reluctantly accepted France amongst the rugby nations in 1910. The English aristocracy sport was played in France by the tough southern peasants, and the English would not mix. We must admit that at first, French made their best to show them how right they were. In 1913, the crowd assaults the referee of France vs Scotland. France is banished from the 5 nations championship, but the Great war prevent it, and when the championship is resumed in 1918, all is forgotten because of the brotherhood of war. In 1927, it's the first victory against England (Wales will resist until 1948). In 1931, France is again banished for violence until 1939. In fact, it will be until 1947, when the championship is resumed after World War II. In 1952, England accuses French player of professionalism (which is ironic as England will be the first to become professional in 1995; In United Kingdom, pragmatism is the real State religion) and French players must be forever banned to appease the English. Here is the soil of the rivalry. The flower will blossom at the end of the 80's.

In 1988, England's team was having one of the most difficult time of its existence, beaten by France several years in a row, including on its Holy Ground, Twickenham. England was playing Ireland, had lost 15 of its 23 previous games, hadn't won a Championship since 1980, in in two and a half years, Twickenham's crowd had only seen one try. At halftime, Ireland was leading 3-0. And as it sometimes happens in the events of history, hope changed of side, the fight changed its soul, and nothing seemed to be able to stop the Englishmen, who ended winning 35-3, inclunding ding three tries by first-selected Chris Oti. A choir from Wollhampton public school, in the audience, began singing a gospel to honor Oti, Swing Low Sweet Chariot. The whole crowd joined in.

This was the signal of a resurrection and of a new golden age for English team, the time of Will Carling and Brian Moore, all at France's expense. For seven years, we will never win, and always for the same reason: driven to foul play, and if possible 20 yard from our posts, full front, giving three cheap points to the English, and making the Swing Low sound. Our coffin was closed by Will Carling congratulating the defeated players by a "Good game!" whose sole souvenir still drives these players to tears today. That's what makes France total absence of penalty during the second half of the game against the All Black a feat. Tension with England was at its high, and the scrum was the place for conducts which did not precisely belonged to the values of rugby.

This rivalry ended abruptly, in one night, during our unforgettable victory  during the third place match at 1995 world cup (19 - 9). French players all went to shake hands with Will Carling to tell him "Good game!". Actually, the match ended later that night, the players of both team having joined for a party which ended at dawn, and ended this rivalry. It was also helped by the professionalism era, which saw French players going to England, and English to France. Raphael Ibanez, France's captain, plays at the London Wasps, and Sebastien Chabal at Sale Sharks. English even hired a French coach in 1995, Pierre Villepreux.

This time has left a tradition, a will to win  that makes a victory special, but the terrible tension of 1988-1995 has ended. But nevertheless : reaching final by winning the English would be a treat. Going, like in 2003, to the small final would be a spoonful of vinegar. And I'm thirsty


So, more than ever... ALLEZ LES BLEUS ! ! !

jeudi 11 octobre 2007

Suites sur "Avocats d'Urgence"

A la suggestion d'un lecteur, j'extirpe des abîmes des commentaires que plus personne ne lit sous ce billet un petit échange entre votre serviteur et deux magistrats du parquet. Je pense qu'en effet, ils méritent une plus grande visibilité et intéresseront tous les lecteurs de ce blogue.

Lincoln est le premier à s'exprimer (j'ai ajouté au texte original quelques retours à la ligne pour faciliter la lecture ; les liens hypertexte sont de moi également) :


La lecture de certains commentaires appelle plusieurs observations de ma part:

- d'une part, sur le rôle, le ton adopté par certains magistrats du parquet: je crois qu'il faudrait réellement faire une vraie pédagogie sur le rôle du ministère public, sur ce qu'il est pour y voir plus clair. Je pense que le positionnement du parquet est sans nul doute le positionnement le plus difficile et étrangement actuellement, il est souvent très décrié. On le juge agressif: je trouve ça fort étrange lorsque l'on sait que le ministère public est justement là pour donner des repères, un cadre clair à des gens qui ont perdu tout repère.

Je prends l'histoire de l'extorsion: certes, ces jeunes évoluent dans un milieu difficile, pour autant, est-ce bien acceptable de violenter quelqu'un pour lui soutirer cinq euros ? Je rappelle souvent à mes déférés que dehors, ce n'est pas la loi de la jungle, œil pour œil, dent pour dent. On ne peut pas, sous prétexte que l'on s'estime ou se croit victime de tel ou tel, se faire justice, on ne peut pas non plus se revendiquer victime - de son milieu, de son quartier, de son histoire familiale - et se faire justice. Sans le respect des règles, notamment de droit, il n'y aurait plus de place pour la justice institutionnelle et chacun se croyant dans son bon droit appliquerait sa règle c'est à dire celle du plus fort.

En général, l'opposition systématique défense/ministère public repose sur la distinction philosophique libre arbitre/déterminisme. Nous (ministère public) rappelons toujours que chacun a toujours le choix - ce qui fait d'ailleurs qu'il est humain, civilisé -, le choix de ne pas franchir la ligne jaune, et qu'il n'y a donc pas de déterminisme. C'est parfois au prix d'efforts, de sacrifice, que ce choix doit être fait, mais il existe. Le déterminisme, c'est l'abolition de la responsabilité: or, ne plus être responsable de ses actes, c'est "vivre à la manière d'un caillou". Il y a un contexte évidemment qui permet de comprendre mais qui ne permettra jamais de justifier l'infraction - sauf cas très particulier: cf. les faits justificatifs -. Ce clivage est permanent et récurrent et il polarise souvent les débats.

Avoir un réquisitoire équilibré comme il est proposé, c'est aussi très souvent ouvrir la brèche à des plaidoiries assassines où le ministère public ( de plus en plus souvent mis en cause personnellement, avec, pour cette fois, une réelle agressivité de l'avocat et un président qui en général estime que finalement c'est le jeu si le parquet s'en prend plein la tête) est taxé de lâche, qu'il ne va pas jusqu'au bout de sa logique et donc finalement il est faible. Il est vrai de façon générale que plus un discours est fin, nuancé, plus il est exposé à la critique - ce que l'on constate très régulièrement sur ce forum -. Ayez un discours non monolithique, tentant de démontrer la complexité d'une situation - et il n'y a guère plus complexe que l'humain - et vous vous heurterez à des plaidoiries souvent très violentes.

Le réquisitoire du ministère public est, me semble-t-il, beaucoup plus complexe comme art oratoire que la plupart des autres discours du procès. On rappelle qu'il prend ses réquisitions, selon le CPP actuel, "pour le bien de la justice", ce qui n'est pas rien. Or, sollicitez la relaxe, et les victimes vous détesteront - d'autant que l'indivisibilité jouant, et la parole libre à l'audience ayant manifestement tendance à s'effacer des mémoires, vous êtes considéré à l'origine des poursuites -, demandez une peine qui n'est pas une peine plancher dans une situation de récidive, vous êtes un iconoclaste irrespectueux du désir divin du peuple français représenté par son chef de l'Etat et son parlement, demandez du ferme, vous êtes un répressif assoiffé d'incarcération, ne comprenant pas que "la prison, ça ne sert à rien, ça ne résoudra pas la situation "(quelle rengaine entendue mille fois dans la bouche des avocats... OK, mais que proposez-vous d'utile maître dans ces situations récurrentes où SME sur SME se sont succédés, que le sursis simple est impossible et que l'amende n'est manifestement pas adaptée, sans parler du TIG...) ?

En bref, le parquet est le récipiendaire permanent de toutes les frustrations, y compris à l'interne.

Le ministère public est décidément une fonction bien plus complexe qu'elle n'y paraît, très très loin de la caricature qu'on en fait du méchant - généralement un peu débile, du moins franchement pas fin -tendant son doigt vengeur vers le malheureux prévenu pris dans les rets d'une histoire familial chaotique. La fermeté s'impose dans le discours, d'une part par souci de rappel à la loi, d'autre part, parce que l'infraction, même sans victime, est toujours un heurt contre la société. Ce n'est guère par goût d'"engueuler" les gens (on s'en passerait bien) mais institutionnellement, le parquet a une fonction de "memento legis". La fermeté n'empêche pas l'humanité (thème à la mode), ni la lucidité, mais avant le pardon, il faut le temps de la sanction, de préférence intelligente.

Il faudrait aussi parler du risque acceptable pour le parquet qui est souvent un vrai casse-tête: jusqu'où peut-on aller pour le parquet dans l'admission du risque acceptable (ex sur la détention provisoire, les aménagements de peine milieu fermé) ? Il faudrait aussi parler du positionnement institutionnel: pourquoi demander la détention et pas le contrôle judiciaire dans ce cas précis en sachant que chaque acteur du procès va devoir jouer son rôle à plein et que les repères seront plus clairs pour la personne ?

A l'heure actuelle, le statut du ministère public est loin d'être enviable et de plus en plus complexe.

Exemple de schizophrénie massive: augmenter les aménagements de peine nous dit-on mais attention, au moindre incident pendant un aménagement, on viendra demander des comptes pour savoir pourquoi le parquet n'a pas fait appel du jugement de cet odieux pédophile qui a récidivé (alors que tout dans le dossier permettait de penser à une salvatrice réinsertion et une dangerosité encadrée). Diminuer les poursuites pénales, privilégier les alternatives aux poursuites sauf que les alternatives aux poursuites ont en fait mordu sur d'anciens classements, ce qui fait que désormais on est sommé de répondre à tout - et souvent n'importe quoi - et qu'au final, nul n'est satisfait car tout simplement la justice pénale n'a pas VOCATION, pas les MOYENS a tout régler - très très loin de là - et n'est souvent pas la bonne solution. Un ex: les non représentations d'enfants: il est génial de poursuivre quelqu'un qui refuse de laisser ses enfants (le tout après avoir fait des rappels à la loi, des médiations pénales etc...), mais le problème est-il résolu une fois le SME prononcé puisque personne ne le révoquera car "cela ne servira à rien".

Il y aurait tant de choses à dire et je sais que je m'éloigne très passablement du sujet premier mais je ne peux m'empêcher de bondir à certaines réactions (ce doit être le défaut de la jeunesse car j'oubliais quand on est jeune magistrat, on est incompétent, sans expérience et souvent très arrogant et méprisant pour rappeler la loi à des gens plus âgés...qui eux connaissent la vie ? Mais c'est à partir de quand que l'on a de l'expérience ? 40, 50, 60 ?). Pourtant, tous mes collègues savent que le parquet, bien au contraire, c'est l'école de l'humilité dans la magistrature mais c'est un autre sujet...


Réponse de votre serviteur :


Vous avez choisi le parquet pour être populaire ?

Plus sérieusement, pas grand chose à redire à votre point de vue. Pour ma part, je n'attaque jamais le procureur personnellement, pas plus que je ne le ferais à l'égard d'un confrère. Ca ne me viendrait pas à l'esprit. Généralement, quand les réquisitions sont sévères, je les ignore dans ma plaidoirie (ça fait un peu "ça ne vaut même pas la peine de parler de ça", mais c'est mieux que sauter à la gorge du procureur) et quand elles me plaisent (pas de prison ferme requise en comparution immédiate, ou pas de maintien en détention), je les approuve au contraire et y apporte mes arguments. Par contre, je n'hésite jamais à plaider sur la peine, voire à faire une contre-proposition aux réquisitions du parquet, c'est à mon sens comme ça qu'on est pris en compte par le juge.

Mais, car il y a un mais. (...)Il y a des maladresses de forme qui desservent le ministère du procureur, et une phrase de votre collègue Matthieu Debatisse qui m'a fait bondir.

Que le procureur parle au nom de la société, qu'il rappelle la responsabilité individuelle pour ses actes (j'exècre le déterminisme tout comme vous), fort bien. J'approuve, étant moi même un des membres de cette société et chérissant presque autant que vous la paix civile qui y règne (je fais aussi du droit des étrangers, je sais comment ça se passe ailleurs).

Mais la répétition et la routine font parfois donner dans la facilité. Vous êtes, face au prévenu, dans une position de supériorité à tout point de vue. Vous avez l'autorité. Vous avez le pouvoir. Vous avez l'éducation. Face à vous, aucun prévenu ordinaire n'a la moindre chance. Et en plus, les déférés, vous les voyez seuls. Alors vous pouvez retourner chacune de ses phrases contre lui, le mettre face à ses contradictions, démonter ses mensonges à mi mot. Il se noiera sans même que vous ayez besoin d'appuyer sur sa tête. Ajouter à cela l'humiliation en lui parlant avec une dureté excessive qui évoque du mépris, à mi chemin entre le père qui gronde un enfant et un instituteur qui corrige un cancre a un effet contre-productif : le prévenu laissera passer l'orage en vous disant ce que vous voulez entendre sans écouter ce que vous dites. Ce travers se retrouvant souvent chez les jeunes procureurs, je pense que c'est une façon de dépasser le manque de confiance en soi qui ne s'estompe qu'avec l'âge (et encore, partiellement).

Je le cite souvent en exemple, mais allez écouter Philippe Bilger requérir. Il ne crie pas, il n'humilie jamais l'accusé, au contraire, il cherche à le comprendre. Et souvent, il y parvient. Et du coup, il est très souvent suivi. Pour ce travers, je pense tout particulièrement au procureur de l'affaire d'extorsion dans le cadre du déferrement (rien à redire à l'audience, il a un ton plus modéré). Ce n'est pas nécessaire de se comporter ainsi. Appelez ça de l'humanisme d'avocat. Mais je ne crois pas que ça serve à quoi que ce soit.

La phrase du procureur Debatisse qui m'a faite bondir, d'autant plus haut que c'est un procureur que j'estime pour avoir croisé le verbe avec lui à la 23e et que je trouve excellent (réquisitions motivées, reprenant l'ensemble des éléments du dossier, qui montre qu'il le connaît ce qui dans le cas d'une CI n'est pas évident, et en cas de nullité soulevée, un vrai débat juridique en réplique, bref, le rêve des avocats et le cauchemar des prévenus), c'est au début du documentaire, après le déferrement pour menaces de mort pour 20 euros. Je le cite : "Il n'a pas encore vu son avocat, donc la sincérité qu'il va avoir devant moi, elle a à mon sens plus de valeur que celle qui vient après l'entretien avec l'avocat qui lui aura peut être expliqué un certain nombre de choses sur... (hésitations) sur l'intérêt qu'il aurait à dire de la vérité (...)".

Mon dieu. Le mythe de la vérité qui sort des gardes à vue et qui ne se manifeste que si l'avocat est tenu au loin. Celui qui a fondé les affaires Dils, d'Outreau. La légende de l'avocat qui bâtit le baratin de son client, qui l'aide à mieux mentir. On vous apprend encore ça à l'ENM ? En tout cas, la suite du documentaire démontre la fausseté de cette croyance : l'avocat commis d'office lui dit ce qu'il y a dans le dossier (c'est la première fois qu'on le lui dit), le fait parler de lui, mais ne lui dis "le mensonge qu'il faudra raconter" ; et in fine, le client ment à l'avocat, comme il a menti au procureur, comme il a menti aux policiers, il ne nous croit pas quand on lui dit que son intérêt est de dire la vérité car le déni face à l'évidence est interprété comme une absence de prise de conscience de la gravité de l'acte, et s'il estime finalement que le mieux, c'est de reconnaître après qu'on ait plaidé la relaxe, il le fera sans hésiter car il n'aura même pas compris ou écouté ce qu'on lui a expliqué lors de l'entretien. Voilà ce qui se passe dans les aquariums qui nous sont généreusement attribués au P12.


Là dessus intervient Parquetier :


j'lai pas vu, j'lai pas vu malheureusement,

Mais bon, sur les derniers commentaires au sujet du substitut du Procureur, lors du défèrement:

1°) l'intéressé sait-il à qui il a affaire ? normalement oui, car les policiers qui le défèrent ne manquent pas de le lui dire "maintenant tu vas voir le procureur" (oui, c'est souvent "tu", et pas forcément pour de mauvaises raisons), mais il est préférable de se présenter, beaucoup d'entre nous le font et c'est ce que j'enseigne à mes auditeurs en stage.

2°) sait-il qu'il a le droit de se taire ? oui. On doit lui dire: "voilà ce que je vous reproche, ce sur quoi vous allez être jugé", on détaille, et ensuite on lui dit que s'il a quelque chose à dire on l'écoute.

Pour que les choses soient bien claires et que le type ne croie pas qu'il est déjà en train d'être jugé, personnellement j'insiste bien là dessus: "vous allez être jugé tout à l'heure par le tribunal, mais si vous avez quelque chose à dire dès maintenant je le note". Histoire qu'il ne me refasse pas toute la garde à vue, d'ailleurs je n'aurais pas le temps ni les moyens de l'écouter pendant une heure. Contrairement à ce que vous pensez peut-être, les gens ont envie de réagir quant on leur dit ce qui leur est reproché,et on aurait plutôt envie de leur demander d'être un peu plus concis dans leurs observations. Et quand, rarement, ils vous répondent "j'ai rien à dire", croyez-moi on s'en contente parfaitement.

3°) sur la forme,
c'est vrai que beaucoup de jeunes collègues ont un air "forcé" quand ils montent sur leurs grands chevaux. Ce n'est pas facile. Certains parents à qui on dit "sois plus sévère" sont comme ça aussi. L'autorité c'est inné, mais ça s'acquiert aussi avec l'âge, et puis chacun son tempérament. Personnellement je préfère un ton mesuré, voire froid, (s'il est nécessaire de faire le méchant-ce n'est pas toujours nécessaire), d'autres sont plus dans le volume sonore et l'agitation. Les auditeurs en stage demandent souvent des conseils à ce sujet. J'aurais tendance à dire "sois toi-même, ne force pas ta nature, tu trouveras ton style", mais par contre je trouve désastreux qu'un magistrat du parquet soit incapable de dire avec force certaines vérités aux gens quand ça s'impose.

4°) faut-il faire "la morale" aux gens ? Au moment du déferrement, ce n'est pas très utile, sauf s'il y a un truc précis auquel on pense qu'ils devraient réfléchir avant l'audience, histoire de faire progresser un peu les choses, par exemple "et pour la victime, vous n'avez jamais envisagé de vous excuser?". C'est plutôt à l'audience que c'est parfois utile voire nécessaire. Personnellement je préfère d'ailleurs que ce soit le procureur qui fasse la morale plutôt que le Président, qui écorne parfois dans la foulée l'exigence d'impartialité. Il faut bien que le prévenu voie un peu les faits qu'il a commis, à un moment ou à un autre de l'affaire, avec d'autres yeux que les siens et que ceux de son avocat qui va plaider ensuite, qu'il entende comment c'est perçu par "la société qui l'accuse", d'autant qu'il va être puni, quand même. Autant qu'il comprenne pourquoi, si c'est possible. C'est le rôle pédagogique de l'audience, et il est important que le procureur y tienne pleinement sa place. Monter sur ses grands chevaux à cette occasion peut être nécessaire.

Et puis en conclusion, je dirais qu'on est pas des robots. S'il faut se garder de donner aux faits une résonance trop personnelle, il n'est pas forcément mauvais de laisser voir son indignation devant un comportement parfaitement odieux. Mais l'exercice est très difficile et une telle personnalisation peut être contre-productive: c'est là que le type n'écoute plus. Laisser voir l'indignation "type" du corps social est à mon avis suffisant...

A vrai dire je ne l'ai fait qu'une seule fois en 10 ans, dans un dossier d'accidents mortels du travail, où le type se foutait tellement de l'intégrité physique des gens, et le dossier révélait tellement le cynisme économique sous jacent, que ça donnait vraiment la nausée.


Bon, entre nous, c'est quand même pas mieux quand les magistrats du parquet s'expriment librement ?

Gaudeamus

Un petit message perso, pour une fois, j'implore votre indulgence.

J'apprends aujourd'hui que trois élèves avocats, à la formation pratique desquels j'ai participé lors de leur stage en cabinet ont été reçus au Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat, l'une d'entre elle fort bien placée parmi les lauréats. Bravo à tous les trois, chers nouveaux confrères. Je vois que les seaux de thé que je vous ai fait boire et les déjeuners que je vous ai gâchés à vous interroger sur la déontologie ont porté leurs fruits.

Bienvenue au barreau. Vous allez déguster, stresser, angoisser, avoir mal eu ventre de peur, rentrer tard pour repartir tôt ; vous allez adorer.

lundi 8 octobre 2007

La séquence du spectateur

Je suis enseveli sous les mails qui me signalent un documentaire ce soir sur France 3 alors oui, je le relaie ! Ce soir, à 20H55, France 3 diffuse un documentaire de Dominique Lenglart intitulé "Avocats d'Urgence", qui parle du concours de la Conférence du stage et du quotidien des secrétaires une fois élus. Je ne pourrai hélas le voir (tout enregistrement sous format informatique bienvenu).

Vous pouvez voir une bande annonce sur le site de France 3, et le document a l'air intéressant, notamment car ils ont obtenu l'autorisation d'aller filmer à l'Hotel Dieu, aux urgences médico judiciaires, dites le Cusco, du nom de la salle où se trouve ce service.

Un bref commentaire sur la bande annonce : le premier monsieur qui apparaît est procureur de la République (substitut, en fait). Il reçoit les personnes déférées et décide au cours d'un bref entretien que l'on voit ici soit de les citer immédiatement devant le tribunal correctionnel en comparution immédiate, soit d'ouvrir une instruction judiciaire, ou de le renvoyer sur une voie plus classique et plus lente . Devant lui, le déféré devient prévenu et il a enfin droit à ce qu'un avocat consulte son dossier. Cela fait généralement 48 heures qu'il a été arrêté. Les droits de la défense ont encore des progrès à faire.

Ensuite, la charmante jeune femme au vocabulaire choisi et précis, est Clotilde Lepetit, conquième secrétaire de la promotion 2006, avocate commise d'office qui prépare soit une comparution immédiate (mais elle ne se trouve pas dans les bureaux habituels) soit une mise en examen (même remarque que précédemment, on devrait faire venir la télé plus souvent).

Les pieds en robe marchent dans la cour du mai du palais. Ils se dirigent des grilles du boulevard du palais vers les marches qui mènent à la galerie Marchande ; au fond, on aperçoit le greffe de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction. Un peu plus loin, c'est la Buvette du palais...

La dame à la 22e seconde, celle qui n'aime visiblement pas les stupéfiants, est un autre procureur, à l'audience de la 23e, celle qui juge les comparutions immédiates. Elle est en train de requérir.

En voix off, une avocate essaye de négocier avec les gendarmes une cigarette pour son client, en état de manque et qui se prépare à passer devant le tribunal. Refus catégorique du gendarme (qui respecte le règlement, je ne lui en tiens aucune rigueur) : c'est interdit, loi Evin. C'est pour son bien, en fait. Ca change tout.

Le traveling dans la cour du mai continue : voici les escaliers. A droite, la voûte mène à la buvette.

38e seconde : retour au procureur, qui rappelle ici que la diplomatie, c'est par l'ENA, pas par l'ENM.

40e : une autre avocate commise d'office. Ne vous méprenez pas sur ses propos. Elle n'espère pas que son client va pleurer pour attendrir les juges (ça ne marche pas à la 23e...) mais un client roide et stoïque donne une image d'absence de remords, et quand c'est de retour au dépôt qu'il fond en larmes, on enrage un peu de cette fierté mal placée qui dessert le prévenu.

48e : le prévenu n'étant plus au secret comme lors de la garde à vue, c'est à l'avocat commis d'office qu'il appartient souvent de prévenir les proches, la famille, surtout pour qu'ils viennent sans délai avec des pièces utiles. Souvent, quand le prévenu est étranger, on se prend cette petite claque : "Non, à Paris, j'ai personne". Et là, on pense en son for intérieur à la chance que l'on a d'avoir quelqu'un quelque part qui nous attend. Je parierais mon épitoge que c'est exactement ce que se dit le confrère à ce moment.

55e : Mon confrère Ambroise Liard, huitième secrétaire de la promotion 2006, plaide. Son client est libre, et est assis devant lui. Il doit s'agir d'une personne ayant refusé d'être jugé en comparution immédiate et qui a obtenu de ne pas être maintenue en détention pendant le délai qu'elle a sollicité. C'est donc probablement une audience de renvoi, où les secrétaires de la conférence ont le monopole des commissions d'office, monopole qui n'est pas absolu toutefois en fonction des disponibilité des la dirty dozen.

1'08" : Mon confrère Jean-Yves Leborgne, excellent avocat pénaliste, qui dit que le discours est une arme, et notre seule arme. En l'espèce, lui est tireur d'élite. Il faut l'entendre plaider un jour dans sa vie.

1'11" : Le Pont Au Change, avec à gauche le tribunal de Commerce, Quai de Corse et à droite, le palais, avec la tour de l'Horloge qui fait l'angle.

1'17" : Mon confrère Ambroise Liard qui enfile sa robe. Notez l'épitoge herminée, signe distinctif des secrétaires de la conférence.

1'30" : Salle haute de la bibliothèque de l'ordre, les impétrants au concours de la conf' se préparent à le passer. Un très grand moment d'angoisse.

S'ensuivent quelques discours de candidats.

Si vous voulez réviser ce qu'est la Conférence, c'est ici.


[Spoiler Alert] : Aurélie Cerceau est neuvième secrétaire de la conférence 2007.

Je sais que vous ne répondez pas aux demandes de consultations...

... me disent des lecteurs tentant d'obtenir une consultation juridique.logo

Hé bien qu'ils se réjouissent : cette semaine est la première semaine des avocats et du droit. Le Conseil national des Barreaux, l'organe qui nous représente au niveau national (Au fait, mon chèque de cotisation est au courrier, il ne va pas tarder à vous parvenir, promis...) organise cette semaine une vaste campagne de publicité et met à votre disposition un numéro azur pour que vous soyez mis en relation avec un avocat, de préférence spécialisé dans le domaine qui vous intéresse, afin qu'il réponde à vos questions juridiques. Le numéro est le 0810 313 313. Prix d'un appel local.

N'hésitez pas, si vous avez recours à ce service, à dire ci dessous si vous en avez été satisfait, combien de temps il vous a fallu pour être mis en communication, et les inévitables ratés de cette première. Je n'aurai même pas à faire remonter vos témoignages, je sais que je suis lu par quelques huiles du CNB (Je vous ai dit pour mon chèque ? Il est dans l'enveloppe, promis...). Et puis ça m'intéresse à titre personnel de savoir quelle expérience vous avez eu de cette initiative à laquelle, full disclosure, je n'ai pu participer du fait d'un déplacement à l'étranger.

dimanche 7 octobre 2007

Hé, les amis...

Vous comprenez pourquoi j'aime le rugby, maintenant ?

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