Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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samedi 21 juin 2008

Cachez moi ce despote que je ne saurais voir

Jacques Chirac a fait savoir qu'il boycotterait les cérémonies du 14 juillet, probablement à cause de la présence de Bachar Al-Assad, Satrape de Syrie.

Il est vrai que du temps de sa présidence, jamais il ne se serait permis d'accueillir un dictateur en France.

Au fait, c'était quoi, déjà, le nom de ce grand démocrate, reçu à Paris en février 2003 ?

Jacques Chirac sert la main à Robert Mugabe, lors du sommet Franco-Africain de Paris, en février 2003(Photo AFP)

Oh. Oups.


Mise à jour 23h37 : Il risque de faire frisquet, ce 14 juillet. La promotion de l'École Militaire Interarmes (EMIA) de Coëtquidan qui défilera sur les Champs-Élysées est baptisée Lieutenant de la Bâtie, du nom d'Antoine de la Bâtie, officier parachutiste mort à 28 ans lors de l'attentat contre le Drakkar, du nom de l'immeuble qui abritait les soldats français à Beyrouth, détruit lors d'un attentat suicide commis le 23 octobre 1983. Attentat commandité par le papa de notre nouvel ami au Moyen-Orient, qui avait fait 58 morts. C'est un pur hasard, le nom de la promo ayant été choisi il y a deux ans. Notons qu'Al Assad se tiendra à quelques dizaines de mètres de l'ambassade des États-Unis, qui a perdu le même jour dans un autre attentat du même type 248 Marines.

Oh, oui, qu'il va faire froid, ce matin là.

(Source)

vendredi 20 juin 2008

Brice l'Haruspice

Il m'épatera toujours.

Brice Hortefeux, notre Ministre de tout ce qui flotte (que ce soit dans notre cœur, en haut d'une hampe ou dans la Marne), annonce triomphalement que le nombre d'étranger clandestins a diminué de 8% en un an. Pas 7%, pas 9% : 8%.

Le nombre de clandestins. Peste. J'ignorais qu'on avait fait un recensement. Y a-t-il aussi un annuaire ?

J'adore quand le gouvernement annonce sans rire des résultats que nul ne peut vérifier : ils sont toujours à sa gloire, comme le monde est bien fait.

Mais il y a plus drôle encore : c'est quand il essaie de donner sa méthode pour sonder l'insondable.

Un chiffre qu'il obtient à partir de quatre indicateurs.

Il observe d'abord que le nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat (AME), de septembre 2006 à mars 2008, a reculé de 6,2 %. Ensuite, le nombre de reconduites à la frontière s'est accru en un an, du 1er juin 2007 au 31 mai 2008, de 31 %, atteignant 29 729. Par ailleurs, sur la même période, 22 403 personnes ont été refoulées à l'entrée du territoire, soit une diminution de 3 %, "signe que notre politique de dissuasion commence à porter ses fruits". Enfin, 26 400 demandeurs d'asile ont été déboutés en 2007 contre 32 000 en 2006.

Mettez tous ça dans un marmite, ajoutez de la bave de crapaud mort d'insolation et trois feuilles de mandragore, laissez mijoter, et abracadabra : vous avez 8%, un beau chiffre, meilleur résultat “depuis une génération”, ajoute le ministre, qui décidément s'est dit que si on peut jouer du pipeau, on peut aussi bien jouer du tuba.

Parce que déduire de la baisse d'attributions de l'AME qu'il y a moins d'étrangers, c'est déjà audacieux en soi. On fera remarquer que la seule déduction qui peut en être faite est… qu'il y a moins d'étrangers qui la demandent, et que le fait de donner son nom et une adresse à une administration, dans le sain climat qui règne ces temps-ci a de quoi décourager même des étrangers bien malades. La peur est une explication tout aussi valable que l'absence. Et pour parler chiffres, l'AME, c'est 192.000 bénéficiaires. 6,2%, c'est 11.900 personnes. Ces 192.000 excluent les étrangers présents depuis moins de trois mois, ceux qui ne peuvent prouver trois mois de séjour (les SDF, par exemple) et ceux qui gagnent leur vie et payent des impôts (les salariés clandestins par exemple, et ceux qui travaillent avec la carte de séjour d'un autre).

En outre, le nombre de reconduites à la frontière aurait augmenté, et le nombre d'étrangers refoulés à la frontière aurait diminué. Que l'augmentation du nombre de reconduites fasse baisser le nombre de clandestins, je l'admets volontiers. Mais le fait qu'on refoule moins d'étrangers à la frontière peut aussi vouloir dire qu'il y en a plus qui entrent. Le nombre global d'étrangers se présentant à la frontière a-t-il diminué ? On ne le sait pas. Ce n'est cependant pas impossible car, il faut lui rendre cet hommage, la Police aux Frontières déploie en effet un zèle remarquable pour dissuader les étrangers de venir en France. Même les scientifiques. Même les touristes.

Le Monde a fait un remarquable travail en analysant la méthode de calcul des certains chiffres. La conclusion est impitoyable : Brice Hortefeux a gonflé les chiffres de l'immigration de travail. Méthode bien connue pour le chômage : si on ne peut changer la réalité, on change de formule de calcul.

Bref, ce n'est plus du tuba, c'est de la fanfare.

Mais bon, après tout ce n'est qu'une question de vase communiquant : on baisse artificiellement des chiffres pour en faire augmenter d'autres, ceux des sondages. Communication, tout n'est que communication. La preuve : notre président, quand il fait son mea culpa, reconnaît des erreurs… de communication. Et que dit l'entraîneur de l'équipe de France de football après une humiliante élimination, dernière de son groupe ? Qu'il a commis une erreur… je vous laisse compléter la phrase.

Après la rétroactivité d'application immédiate, l'inconstitutionnalité à effet différé

Le Conseil constitutionnel a validé hier la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (décision n° 2008- 564 DC du 19 juin 2008). L'humanité vit donc ses dernières heures avant l'anéantissement, ce qui n'empêche pas le Conseil d'innover juste avant le Maïs de l'Apocalypse.

Première innovation : la Charte de l'Environnement, intégrée à la Constitution en mars 2005, a pleine valeur constitutionnelle, et s'impose donc au législateur :

Ces dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle ; … elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif ; … dès lors, il incombe au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, de s'assurer que le législateur n'a pas méconnu le principe de précaution et a pris des mesures propres à garantir son respect par les autres autorités publiques. (§18)

Affirmation tempérée par le fait que ce principe de précaution n'est pas absolu (c'est à dire qu'il ne suppose pas la certitude de l'absence de tout risque, comme l'espéraient certains parlementaires) :

Le fait que les conditions techniques auxquelles sont soumises les cultures d'organismes génétiquement modifiés autorisés n'excluent pas la présence accidentelle de tels organismes dans d'autres productions, ne constitue pas une méconnaissance du principe de précaution. (§21)

Deuxième innovation, qui est une pure création du Conseil, est l'inconstitutionnalité à retardement, ou loi-Cendrillon.

Le Conseil a en effet décelé une inconstitutionnalité dans le texte qui lui était soumis : un renvoi à un décret en Conseil d'État pour fixer des règles (les informations du dossier constitué par l'exploitant d'OGM qui doivent être accessibles au public) alors que la Constitution confie à la loi seule le pouvoir de définir les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, et les principes fondamentaux de la préservation de l'environnement. C'était de fait permettre au Gouvernement d'agir dans le domaine de la loi. C'est contraire à la Constitution. Enfin, pas tout de suite.

Car face à cette incompétence négative (le refus du législateur de légiférer, laissant ce fardeau au gouvernement), le Conseil se trouvait face à un dilemme. Il faut légiférer sur ce point, sinon la loi perd tout son sens. Annuler cette délégation anticonstitutionnelle ne suffit pas à régler la question, puisque ces règles doivent être posées par le pouvoir législatif.

Dès lors, la seule solution était de déclarer en l'état toute la loi contraire à la Constitution, pour l'empêcher d'entrer en vigueur tant qu'elle n'aura pas été à nouveau examinée par le législateur.

Ou d'improviser.

C'est cette deuxième voie qui a été choisie :

La déclaration immédiate d'inconstitutionnalité des dispositions contestées serait de nature à méconnaître une telle exigence (de transposition de directives européennes qui auraient dû l'être depuis longtemps, ça alors, la France, en retard ?) et à entraîner des conséquences manifestement excessives ; … dès lors, afin de permettre au législateur de procéder à la correction de l'incompétence négative constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2009 les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. (§58)

Bref, cette loi est conforme à la Constitution jusqu'au douzième coup de minuit de la Saint Sylvestre ; après quoi, telle une loi-Cendrillon, elle deviendra… une citrouille ?

Sauf erreur de ma part, c'est une première.

À ma droite, on louera le pragmatisme du Conseil et son inventivité pour étendre ses capacités de décision (après l'invention des réserves d'interprétation qui sont des déclarations de conformité sous condition, voici la déclaration de conformité à durée déterminée, qui s'auto-détruira dans six mois), et applaudira cette décision qui évite d'envoyer au pilon une loi accouchée dans la douleur et permet au Gouvernement de faire l'économie d'un nouveau concours de lâcheté (non que les candidats manquent, cela dit), à charge pour lui de faire voter en vitesse un amendement (au pif, dans le projet de loi "responsabilité environnementale" qui arrive mardi prochain ? Je rejoins Authueil dans ses prédictions. ).

À ma gauche, on se scandalisera des libertés prises par la Conseil avec la Constitution, qui ne prévoit nulle part cette possibilité de “retenez-moi ou j'annule cette loi”, et y verront un cadeau fait au pouvoir en place, une annulation totale de la loi étant une gifle pour le Gouvernement, et aurait été immanquablement présenté par l'opposition comme une victoire contre les OGM, ce qui eût été une manipulation des faits, certes, mais politiquement exploitable ; un peu comme un non irlandais en somme.

En attendant, nos campagnes reverront bientôt refleurir le MON810. Ça tombe bien l'action n'a fait que +25% depuis le début de l'année (contre +111% sur un an), je me demandais si je ne devais pas vendre. Comme le Conseil constitutionnel, j'ai bien fait de différer.

Rebondissement dans l'affaire Placid

Piqûre de rappel ici.

La cour de cassation a cassé le 17 juin cet arrêt de la cour d'appel de Paris. Cette cassation ne concerne que l'éditeur et l'auteur, le dessinateur de la couverture, qui a donné son nom à cette affaire, ayant renoncé à se pourvoir en cassation.

Après avoir écarté trois arguments inefficaces (le refus de la cour de réentendre les témoins cités devant le tribunal, ce qui est effectivement autorisé par le Code de procédure pénale ; l'amnistie des faits alors que la loi d'amnistie de 2002 excluait ces faits du bénéfice de l'amnistie ; la diffamation n'aurait pas été assez caractérisée alors que la cour avait bel et bien relevé l'imputation de pratique à grande échelle de contrôles “au faciès”), la cour retient le quatrième, sur l'exception de bonne foi.

La cour de cassation rappelle d'abord le raisonnement de la cour d'appel : « l'arrêt, après avoir admis que l'auteur de l'ouvrage poursuivait un but légitime en informant les lecteurs de l'état de la législation régissant les contrôles d'identité et des droits des citoyens en cette matière, et qu'aucune animosité personnelle à l'égard de la police nationale n'était démontrée, retient que “les éléments versés aux débats par Michel S… et Clément X…, s'ils illustrent l'existence d'un débat sur la pratique des contrôles d'identité, n'établissent pas pour autant ni l'augmentation de pratiques discriminatoires en ce domaine, ni même la part très significative que représenteraient, selon ce passage, les pratiques illégales de la police, pratiques dont Clément X... lui-même prétend qu'il ne peut pas en rapporter la preuve, ni dès lors les chiffrer” ; que les juges ajoutent que les pièces produites “n'apportent aucun élément démontrant la réalité et l'ampleur du phénomène dénoncé” ».

Les choses ainsi posées, la cour de cassation pulvérise cet arrêt par un bref attendu : « en subordonnant le sérieux de l'enquête à la preuve de la vérité des faits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». Fermez le ban, et envoyons les parties respirer l'air frais de la Normandie pour y recevoir justice (l'affaire est renvoyée devant la superbe cour d'appel de Rouen, je conseille aux parties d'emporter avec elles leur appareil photo le jour de l'audience, le palais est un bijou, notamment la salle des pas perdus).

La cour d'appel s'est en effet un peu mélangé les pinceaux, en confondant l'exception de vérité et la bonne foi, qui ne suppose pas la preuve de la vérité des faits, mais la poursuite d'un but légitime, l'absence d'animosité personnelle, la prudence dans l'expression, et la possession d'éléments lui permettant de s'exprimer ainsi.

Placid doit-il se mordre les doigts de ne pas s'être pourvu ? Non, et, chers lecteurs vous aurez déjà deviné pourquoi. Sinon, relisez mon indispensable Blogueurs et Responsabilité Reloaded, vous avez un bon cas pratique.

Vous avez trouvé ? Hé oui : Placid était poursuivi pour injure, et non diffamation, et l'exception de bonne foi ne joue pas pour l'injure (seule la provocation excuse l'injure).

Et pour répondre à la dernière question que vous vous posez : oui, on en est bien à sept années de procédure pour 800 euros d'amende.

jeudi 19 juin 2008

Affaire du mariage annulé à Lille : l'exécution provisoire a été suspendue

Une brève (je suis charette, comme on dit) pour expliquer une info qui n'a guère d'importance en réalité : le premier président de la cour d'appel de Douai a suspendu l'exécution provisoire du jugement du tribunal de grande instance de Lille du 1er avril 2008 ; annulant le fameux mariage pour erreur du mari sur une qualité (pour lui) essentielle (ce que savait son épouse), ces parenthèses sont devenues hélas indispensables.

Explications : À la demande de l'épouse, j'insiste là dessus : à la demande de l'épouse, le jugement du 1er avril a été assorti de l'exécution provisoire, c'est-à-dire que le juge a ordonné qu'il soit exécuté même si une partie faisait appel.

Cette faculté est prévue par l'article 514 du Code de procédure civile (CPC), qui pose le principe que l'appel est suspensif de tout jugement, sauf ceux pour lesquels l'exécution provisoire a été ordonnée par le juge ou est de plein droit (par exemple, les ordonnances de référé[1], art. 489 du CPC). L'exécution provisoire signifie que le jugement doit être mis à exécution, même s'il y a appel.

Cependant, la partie qui succombe peut avoir de bonnes raisons de s'opposer à l'exécution provisoire, raisons qui en plus ont pu se révéler après que le jugement a été rendu. L'article 524 du CPC permet donc de saisir en référé le premier président de la cour d'appel pour qu'il suspende l'exécution provisoire en attendant que la cour d'appel statue sur le fond du litige. Ce “référé premier président” ne peut aboutir que dans les cas suivants, prévus à l'article 524 : si elle est interdite par la loi ou si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Par exemple, vous avez été condamné à payer une somme à la société Untel S.A., mais vous avez de bonnes raisons de soupçonner que cette société va faire faillite : si vous la payiez et que vous gagniez votre appel, vous n'auriez aucune possibilité de récupérer cette somme indûment payée.

Dans notre affaire, pourquoi le tribunal a-t-il ordonné l'exécution provisoire ?

Ben… Parce que l'épouse, défenderesse, le demandait. Pour une fois que quelqu'un prêtait attention à ce qu'elle voulait, c'est ballot. L'épouse ayant exprimé son accord avec la demande du mari, le juge pensait, à raison, que ni le demandeur ni la défenderesse ne feraient appel de ce jugement leur donnant à tous deux satisfaction (il n'avait pas pensé au procureur général). Autant leur permettre de faire transcrire l'annulation du mariage le plus vite possible, sans même avoir à attendre les certificats de non appels ou l'échange des consentements, si on ose dire, sous la forme d'un acte d'acquiescement au jugement.

Et pourquoi le premier président de la cour d'appel a-t-il ordonné la suspension de l'exécution provisoire ?

Il l'a fait à la demande du parquet, qui a fait appel de cette décision dans les circonstances que l'on sait. L'argument est facile à deviner et est difficilement contestable : permettre la transcription de l'annulation permettrait aux époux de se remarier, au risque de voir le premier mariage rétabli si la cour d'appel fait droit à la demande du parquet. La situation ne serait pas « inextricable » comme le dit un magistrat cité par Le Monde (inextricable s'entendant au sens de : “difficile à expliquer en peu de mots”). Il faudrait dans cette hypothèse une nouvelle action en annulation de mariage, portant sur le second pour bigamie, mais cette fois ci la morale serait sauve, le fondement ne serait plus l'article 180 du Code civil mais l'article 147 du Code civil. Permettre un mariage potentiellement nul est une conséquence manifestement excessive. Il est temps qu'on signifie clairement à ces époux qui se croient on ne sait où que leur bonheur conjugal regarde la Nation toute entière.

Ce qu'il faut retenir est que cette décision ne préjuge absolument pas du fond, qui sera tranché en septembre, si les avoués le veulent bien. Enfin, c'est l'audience qui se tiendra le 22 septembre. L'arrêt sera plus probablement rendu en octobre-novembre. En attendant, le jugement reste valable, mais il est privé provisoirement d'effet.

Donc, de facto, nos mariés sont de nouveau mariés, avec les compliments de la République, qui fera leur bonheur de gré ou de force. Laissez le champagne au frais, quel que soit votre opinion du jugement, il est trop tôt pour le boire. Rendez-vous à la rentrée.

Notes

[1] Rappelons que les demandes en référé sont des demandes qui sont examinées dans un délai relativement bref par un juge unique, qui peut prendre des mesures provisoires, soit urgentes soit ne se heurtant à aucune difficulté ou contestation sérieuse, et ne préjugent pas de la décision sur le fond d'un litige.

mercredi 18 juin 2008

On n'a plus tous les jours trente ans

Ça y est, la loi sur la prescription en matière civile est au J.O. du jour. C'est, dans l'indifférence générale, une des plus importantes réformes du droit civil depuis l'adoption du Code civil qui vient d'entrer en vigueur. Et elle entre en vigueur demain.

Version : “les juristes parlent aux juristes”.

En matière mobilière et personnelle, le délai de prescription extinctive de droit commun passe à cinq ans, contre trente ans auparavant.

Les prescriptions particulières prévues par le Code civil sont ainsi modifiées :

— La responsabilité des avocats se prescrit par cinq ans (contre dix auparavant pour l'assistance en justice et trente pour le conseil : on va faire des économies en stockage d'archives). La prescription de deux ans pour nos émoluments disparaît : elle s'aligne sur la prescription quinquennale de droit commun. Art. 2225 nouveau du Code civil.

— La responsabilité pour dommage corporel (uniquement corporel) se prescrit par dix ans, vingt ans en cas de crime commis sur un mineur, du jour de la survenance du dommage. Oui, ce ne sont pas les mêmes règles pour la prescription de l'action publique, on va s'amuser. (art. 2226 nouveau)

— La prescription acquisitive de droit commun en matière immobilière reste à trente ans, l'imprescriptibilité extinctive est réaffirmée. Art. 2227 nouveau.

— La prescription acquisitive abrégée par vingt ans disparaît. Désormais, on usucape par trente ans, ou par dix ans en cas de possession de bonne foi et par juste titre.

— Enfin et surtout c'est un monument qui déménage. En fait de meubles, possession vaut titre, NOTRE en fait de meubles possession vaut titre n'est plus l'article 2279 du Code civil. Désormais, il sera l'article 2276. Vous, je ne sais pas, mais moi, j'ai l'impression de voir un ami d'enfance déménager. Même s'il ne va pas loin, ce ne sera plus jamais la même chose.

Version : les juristes parlent aux mékéskidis.

La prescription désigne le fait d'acquérir ou de perdre un droit en raison de l'écoulement d'un laps de temps. Si le droit s'éteint, on parle de prescription extinctive. Si on acquiert le droit, on parle de prescription acquisitive, ou usucapion, du latin usus capio, “je prends par l'usage”.

Depuis le Code civil de 1804, le délai de droit commun pour la prescription était de trente ans. Votre médecin vous ampute de la mauvaise jambe (ne riez pas, ça arrive), vous aviez trente ans pour lui faire savoir que non, ça ne vous en faisait pas une belle, de jambe. C'est la prescription extinctive. Si des squatteurs occupent pendant trente ans votre villa dans le Lubéron, au bout de trente ans, si vous n'avez rien fait, elle est à eux. C'est la prescription acquisitive.

En matière mobilière (tout bien meuble, c'est à dire que l'on peut déplacer : une table comme un animal), une autre règle s'applique : le possesseur de l'animal est présumé en être le propriétaire. C'est le sens de la formule en fait de meubles, possession vaut titre, cauchemar des étudiants de 1re année de droit.

Je vous fais grâce de la définition de la possession, qui est autre chose que le fait d'avoir la chose dans la main. Les plus curieux peuvent se référer à l'entrée correspondante de l'indispensable dictionnaire du droit privé.

À partir de demain, les droits s'éteindront au bout d'un délai d'inaction de cinq ans.

À qui cela bénéficie-t-il ?

Certainement pas au citoyen lambda. Une longue prescription le protège au contraire, lui donnant le temps de réagir, de rechercher les preuves de son droit, de ne plus être sous influence. Ce sont tous les notables et professionnels qui se frottent les mains : médecins, avocats, notaires, chefs d'entreprises et mandataires sociaux, dont les activités les exposent à engager leur responsabilité personnelle (et c'est d'ailleurs ce qui justifiait en partie des traitements pouvant paraître démesurés : il sera intéressant d'observer l'évolution des rémunérations des grands chefs d'entreprise après ça : on parie qu'ils ne vont pas baisser pour autant ?).

Notons, on n'est jamais mieux servi que par soi-même, que les règles de prescription concernant l'État sont inchangées : si vous ne payez pas un impôt, c'est pendant dix six ans que l'État pourra vous le réclamer[1].

Cette évolution est d'ailleurs symbolique d'un changement de valeur de la société que je trouve préoccupant.

Lors de la naissance du droit français moderne, au début du XIXe siècle, la principale action de l'État sur les citoyens, outre l'action fiscale, était l'action pénale. Or l'État, estimant que le trouble à l'ordre public finit par s'éteindre avec le temps, avait fixé des délais de prescription assez courts : un an pour les contraventions, trois ans pour les délits, dix ans pour les crimes. Les actions des citoyens, en revanche, étaient protégées par la loi car c'était les droits des individus qui étaient concernés : dans le doute, c'était trente ans.

Or un mouvement récent tend à allonger le délai pendant lequel l'État peut poursuivre une infraction. Les crimes contre l'humanité ont été déclarés imprescriptibles, même si l'affaire Boudarel a révélé que cela ne pouvait s'appliquer, pour les faits antérieurs au 1er mars 1994, qu'aux crimes commis par les puissances de l'Axe, et non aux crimes contre l'humanité commis au nom du communisme, par exemple[2]. La prescription des crimes sur mineurs a été rallongée en 1998 pour être fixée en 2004 à vingt ans, à compter de la majorité de leur victime, c'est à dire jusqu'au jour de ses trente huit ans. Pour les délits, il a été porté à dix ans à compter de la majorité pour les mineurs, et à vingt ans à compter de la majorité pour certains délits comme, les agressions sexuelles, mais aussi tenez-vous bien, les violences ayant entraîné plus de huit jours d'incapacité totale de travail (vous vous souvenez de Thomas, qui vous a poussé dans les escaliers en 6e, vous vous étiez fait une entorse : faites-vous plaisir, faites-le citer devant le juge des enfants pour vos 37 ans), ou l'atteinte sexuelle sans violence ni contrainte ni surprise (vous vous souvenez de Julien, 18 ans, qui au Camping du Beau Rivage, vous avait embrassé quand vous aviez quatorze ans ? Il vous a mis la main aux fesses et vous a plaqué quand vous lui avez dit non ? Citez-le en correctionnelle pour vos 37 ans, vous aurez de ses nouvelles, comme ça, et il sera inscrit au FIJAIS comme délinquant sexuel à 41 ans après une vie sans histoire, il devra aller pointer chaque année au commissariat, imaginez la tête de son épouse et ses enfants, quelle douce vengeance…).

Bref, alors que sous Napoléon, que nul n'accusera d'avoir traité à la légère les intérêts de l'État, l'action du citoyen était mieux protégée que celle de l'État, c'est à un renversement des valeurs que nous assistons, dans une société se disant pourtant libérale (oui, Bertrand, au sens politique, bien sûr). À tel point d'ailleurs que dans certains cas, l'État garde le pouvoir de poursuivre alors même que la victime a perdu ce pouvoir par la prescription (cas des violences sur mineurs, l'action de la victime s'éteindra le jour de ses 28 ans, alors que l'État peut poursuivre l'auteur des coups jusqu'aux 38 ans de la victime, quand bien même elle aura perdu le droit de réclamer réparation). À croire que c'est l'État qui est la vraie victime, comme si au fond, le corps de ses citoyens lui appartenait plus qu'à eux-même.

J'exagère ? Vraiment ? Rapprochez cela d'infractions comme le défaut de port de la ceinture de sécurité ou de défaut de casque à moto, qui est une infraction qui ne peut faire de mal… qu'à celui qui le commet. Idem pour la consommation de stupéfiants, quand ces substances sont produites par leur propre consommateur. Se ruiner la santé, est-ce un délit contre la chose publique ?

Napoléon ne l'aurait même pas rêvé, nous l'avons fait. Ça vaudrait parfois le coup de s'interroger, non ?

Mais je m'égare, terminons-en avec la prescription.

Quelles sont les règles d'entrée en vigueur ?

Pour les prescriptions extinctives en cours, on distingue deux hypothèses.

1°) Les prescriptions auxquelles il reste moins de cinq ans à courir.

Pas de changement : elles se prescriront à la date initialement prévue.

2°) Les prescriptions en cours auxquelles il reste plus de cinq ans à courir.

Un nouveau délai de prescription de cinq ans partira à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

Exemples : Une action se prescrit par trente ans depuis le 1er janvier 1980 : date d'exctinction le 1er janvier 2010, elle reste inchangée. Une action se precrit par trente ans depuis le 1er janvier 2000, date d'extinction le 1er janvier 2030. Un nouveau délai de cinq ans courra à partir du 19 juin 2008, extinction le 19 juin 2013.

C'est à dire que le 19 juin 2013, c'est 25 années de prescription qui vont tomber le même jour. Chers confrères, révisez vos dossiers, l'année 2013 risque sinon de coûter bonbon à notre assureur. Merci pour lui.

Pour mémoire, la prescription par trois mois en matière de presse est inchangée.

Notes

[1] En fait, six ans en cas de défaut de déclaration, et trois ans en cas de déclaration inexacte.

[2] Crim., 1er avril 1993, Boudarel, bull. crim. n°143

Les avoués anticipent leur disparition…

… en cessant d'exercer leurs fonctions.

La chambre nationale des avoués a annoncé, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue hier, que les avoués “cesseraient d'apporter leur concours au bon fonctionnement de la justice” et ce dès aujourd'hui.

Pour bien connaître et (donc, ajouterais-je) apprécier les avoués, je rends hommage à leur rigueur, même dans la colère : le mot grève, qui serait ici totalement abusif, est soigneusement évité. Si une chose devait résumer les avoués, c'est bien ça.

Une chose qui surprendra ceux qui les connaissent est la violence du communiqué, hélas introuvable à un format numérique (le site de la chambre nationale a comme dernière actualité un avis du 10 avril annonçant les épreuves orales de l'examen d'aptitude aux fonctions d'avoués pour le 20 novembre prochain…). Les avoués accusent directement le Garde des Sceaux de mentir, d'agir de manière irréfléchie, de faire preuve d'inconséquence, et de mépris à leur égard. Oui, je sais, ça fera rire dans les cités de Seine Saint Denis, mais de la part d'une profession qui a fait de la délicatesse et du tact une de leur plus hautes vertus, je vous assure qu'on a jamais vu cela de mémoire d'avocat.

Si le mouvement est suivi, c'est toute la procédure d'appel en matière civile et commerciale (y compris de référé) qui menace d'être paralysée : sans avoué, une procédure ne peut avancer, hormis les dossiers d'ores et déjà en état d'être plaidés. Les affaires sociales et surtout pénales, qui sont dispensées du ministère d'avoué, ne sont pas affectées.

Ça donne quoi, dans vos cours d'appel respectives ?

mardi 17 juin 2008

Devine qui rentre à la maison ce soir ?

La France renoue avec son glorieux passé de campagnes éclairs, et a décidé unilatéralement de mettre fin à sa participation à l'Euro 2008.

Drapeau Français

Le drapeau français est tricolore, bleu, blanc et rouge, de proportion 2:3, aux trois bandes égales. C'est la Constitution qui le consacre comme symbole de la République, article 2. Depuis la loi du 18 mars 2003, l'outrage au drapeau au cours d'une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques est puni de 7500 euros d'amende, et de 6 mois d'emprisonnement et 7500 euros d'amende s'il est commis en réunion. Le parquet enquête pour savoir si la prestation de l'équipe de France ne constitue pas un tel outrage… Ce délit n'a à ma connaissance jamais été poursuivi, ce qui pour notre amie Véronique indiquera que cette loi a été rudement utile et efficace, je suppose.

Si le drapeau tricolore s'est très vite répandu, son origine exacte est méconnue. La version la plus couramment acceptée est que le rouge et le bleu sont les couleurs de Paris insurgée, auxquelles Lafayette a ajouté le blanc royal, pour tenter de réconcilier la Révolution et la Royauté. Une autre interprétation est que les trois couleurs de taille égales symbolisent la devise de la République : liberté, égalité, fraternité, ou les trois ordres de l'ancien régime. La théorie de la devise est battue en brèche par le pavillon français, où la bande rouge est plus large que la bande blanche qui est plus large que la bande bleue (cf. ci-contre).Pavillon français 

Le drapeau tricolore a succédé au drapeau blanc sur champ de fleur de lys, drapeau de l'ancien régime, et au pavillon blanc, symbole de la Royale. Drapeau blanc au champ de lys

C'est à ce drapeau que nous devons de vivre en République. En effet, aux débuts de la IIIe république, après la chute du Second Empire, un gouvernement d'Union nationale a été proclamé. Léon Gambetta en a profité pour proclamer la République aux Tuileries le 4 septembre 1870. Mais aux élections du 8 février 1871, les royalistes sont largement majoritaires (400 sièges contre 200 républicains et 30 bonapartistes) à la première chambre des députés. Mais ils sont divisés en deux camps irréconciliables : les légitimistes (180 députés) d'un côté, qui veulent rétablir sur le trône le descendant des Bourbons, Henri d'Artois, duc de Bordeaux, comte de Chambord, et les orléanistes, qui veulent continuer la dynastie inaugurée par Louis-Philippe Ier, roi des Français, en la personne de Philippe D'Orléans, Comte de Paris. Les royalistes sont trop heureux de laisser Thiers s'occuper du sale travail : négocier la capitulation, écraser la Commune de Paris.

Les deux camps tentent une fusion, qui échouera en décembre 1871 face à l'intransigeance du comte de Chambord qui refusera de recevoir le comte de Paris et proclamera son attachement au drapeau blanc :

La France m'appellera et je viendrai à elle tout entier avec mon dévouement, mon principe et mon drapeau. (…) Non, je ne laisserai pas arracher de mes mains l'étendard d'Henri IV, de François Ier et de Jeanne d'Arc. C'est avec lui que s'est faite l'unité nationale ; c'est avec lui que vos pères, conduits par les miens, ont conquis cette Alsace et cette Lorraine dont la fidélité sera la consolation de nos malheurs. (…) Je l'ai reçu comme un dépôt sacré du vieux roi, mon aïeul, mourant en exil ; il a toujours été pour moi l'inséparable souvenir de la patrie absente ; il a flotté sur mon berceau, je veux qu'il ombrage ma tombe. Dans les plis glorieux de cet étendard sans tache, je vous apporterai l'ordre et la liberté. Français, Henri V ne peut abandonner le drapeau blanc d'Henri IV. »

Drapeau que ni les Républicains ni les Orléanistes ne peuvent accepter (Louis-Philippe avait adopté le drapeau tricolore). Et voilà le retour de la monarchie retardé. Aux élections suivantes, les républicains gagnent 99 sièges. Les bonapartistes se rallient aux monarchistes pour contrer la menace républicaine. Thiers a laissé la place à Mac Mahon comme président de la République, qui ne cache pas que sa seule ambition est d'occuper le poste jusqu'à ce qu'un roi lui demande de le quitter. Mais une nouvelle tentative de rapprochement des deux camps royalistes échoue à nouveau sur l'exigence du drapeau blanc. Les royalistes vont alors décider de temporiser en attendant très cyniquement la mort du comte de Chambord. Ils vont donc voter une loi qui va fixer à sept ans la durée du mandat présidentiel, durée supérieure à l'espérance de vie estimée du comte. Vous voyez donc que le septennat avait une origine monarchiste…

Mais rien n'y fera : le camp républicain progressera et, victime de leur désunion, les royalistes laissent passer la loi qui proclame définitivement la République le 30 janvier 1875 (amendement Wallon) à une voix près, et aux élections de 1876, les royalistes sont balayés (323 sièges aux républicains, 40 aux orléanistes, 24 aux légitimistes, et 74 aux bonapartistes).

Les couleurs que nous utilisons actuellement ne sont pas tout à fait celles d'origine : elles ont été éclaircies lors de la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (mais j'avoue ne pas avoir retrouvé les textes officiels sur la question).

Ironie de l'histoire, les trois pays qui ont partagé notre groupe ont tous un drapeau qui doit quelque chose au nôtre : la Roumanie a un drapeau s'inspirant du nôtre (le blanc est remplacé par l'or, symbole de prospérité et des champs de blé roumains), l'Italie également, et le drapeau des Pays-Bas a remplacé l'Orange de la famille royale par le rouge lors de l'occupation française de 1794, et l'a conservé car il est plus visible en mer (et les Néerlandais sont un peuple de marins s'il en est).

Allez, vivement le Tournoi des Six Nations.

Images wikipédia.

lundi 16 juin 2008

Merci Bernard

Par Dadouche



Rachida Dati était ce matin l'invitée du 7/10 de France Inter, où elle a répondu aux questions d'auditeurs (après avoir peu répondu à celles de Nicolas Demorand).

A 8 h 48, Bernard, de l'Eure, lui a tenu à peu près ce langage : "pourquoi cet acharnement contre les jeunes ? L'aménagement de la majorité pénale, le nouvelle révision de l'ordonnance de 45, la multiplication des CEF, la construction d'EPM qui sont pleins à peine terminés de construire... N'est-ce pas là qu'il faut donner la priorité à la réinsertion ?

Dans la réponse de la Ministre, les informations suivantes, qu'il ne paraît pas inutile de compléter :

-il n'y a aucune surpopulation carcérale des mineurs

C'est vrai (au plan national, parce que localement ça dépend où).
Encore heureux, compte tenu du nombre de places ouvertes cette année. En effet, 4 établissements pénitentiaires pour mineurs ont été ouverts, chacun d'une capacité d'environ 60 places.

- depuis un an le nombre de mineurs détenus a diminué de près de 4 %

Si l'on observe ici les dernières statistiques mensuelles relatives aux mineurs écroués, on constate que le nombre de mineurs détenus a oscillé entre 600 et 825 durant les deux dernières années. Au 1er mai 2008, ils étaient 771, soit dans la moyenne. Au 1er mai 2007, ils étaient 712.

- la plupart des mineurs considérés comme primo-délinquants, quand ils sont jugés pour la première fois, ont en réalité déjà commis des infractions, majoritairement 20, 30 ou 40 affaires.

J'aimerais connaître les statistiques qui permettent cette affirmation, qui contredit complètement l'expérience de nombreux juges des enfants. Les Parquets n'ont pas attendu la circulaire prise en 2007 par Mme la Ministre pour poursuivre les mineurs auteurs d'infractions pénales.
J'ai pris mes fonctions de juge des enfants en 2006 et, dans la juridiction où j'exerce, les mineurs étaient déjà systématiquement poursuivis s'ils avaient déjà fait l'objet d'une ou deux mesures alternatives, voire immédiatement pour les faits d'atteintes aux personnes.

- le taux de réponse pénale [1] est passé de 87 à 92 % depuis 1 an.

C'est vrai. Et ça ne fait que suivre l'évolution constatée depuis plusieurs années.
On apprend en effet dans l'annuaire statistique de la justice 2007 que ce taux a progressé pour les mineurs de 77, 1 % en 2001 à 85, 5 % en 2005.
Précisons que dans le même temps le taux de réponse pénale général (majeurs et mineurs confondus) est passé de 67, 3 à 77,9 %.

- la délinquance des mineurs a diminué depuis 1 an, parce que dès la première infraction il y a une réponse.

En valeur absolue, le nombre d'affaires poursuivables impliquant des mineurs a augmenté entre 2001 et 2006, passant de 139 579 à 148 592.
Mais dans le même temps, la part des mineurs dans la délinquance n'a cessé de diminuer, passant de 10,5 % en 2001 à 9,7 % en 2006, comme on l'apprend dans le passionnant rapport de l'Assemblée Nationale sur l'exécution des décisions pénales concernant les mineurs.
Que les plus matheux d'entre vous me corrigent si je me trompe, mais cela signifie me semble-t-il que la délinquance des mineurs, et ce depuis plusieurs années, progresse moins vite que la délinquance des majeurs.

Si on rajoute une autre variable, celle de la part d'affaires poursuivables dans le nombre d'affaires traitées chaque année par les parquets, qui ne fait que croître (26, 9 % en 2001, 30,2 % en 2005) notamment grâce à un meilleur taux d'élucidation, on a le sentiment que la délinquance n'augmentait pas tant que ça, notamment celle des mineurs.

Encore faut-il définir ce que l'on entend par "réponse". Là encore, le très fouillé rapport de l'Assemblée Nationale sur l'exécution des décisions pénales concernant les mineurs démontre qu'aucune évaluation qualitative de l'effet de cette réponse n'est actuellement possible. La réponse ne peut pas simplement consister à passer devant le juge et attendre 2 mois que la mesure éducative décidée soit mise en place. Mais c'est un autre débat...

- les mineurs qui sont dans les CEF ne sont pas des enfants comme on peut les imaginer dans l'inconscient des uns et des autres mais ont pour la plupart commis des actes de nature criminelle

D'après les chiffres de l'édifiant rapport de l'Assemblée Nationale sur l'exécution des décisions pénales concernant les mineurs, 722 mineurs ont été pris en charge dans des CEF en 2006. La même année, 729 mineurs ont été incarcérés.
Sachant que ce sont environ 500 mineurs qui sont chaque année condamnés pour crime en France (529 en 2005), que ceux poursuivis pour les crimes les plus graves sont incarcérés et que bon nombre de ceux qui restent ne font pas l'objet d'un placement en CEF , peut on raisonnablement soutenir que la majorité des mineurs placés en CEF le sont à la suite d'actes criminels ?
Non. Cela contredit par ailleurs complètement mon expérience de terrain : parmi tous les mineurs que je suis qui ont eu à séjourner dans un CEF, aucun n'avait commis de faits criminels. La grande majorité sont en réalité des multiréitérants de délits du type extorsion, vol avec violences, violences aggravées, trafic de stupéfiants etc...
Il y a dans les CEF des mineurs poursuivis pour des actes criminels. Ce ne sont pas "la plupart" des mineurs placés dans ces établissements.

- la plupart des mineurs pris en charge dans les CEF sont alcooliques depuis l'âge de 8 ans ou 11 ans

Bon ben là, je ne sais pas quoi dire, les bras m'en sont tombés (il faut dire qu'ils ne tenaient déjà plus très bien après tout ça)...
De nombreux mineurs (et pas que des délinquants) ont des consommations abusives d'alcool et de toxiques. Le rapport de la Défenseure des Enfants "Adolescents en souffrance : plaidoyer pour une véritable prise en charge" fait ainsi état des statistiques suivantes : 22 % des 15-16 ans consomment du cannabis une fois par mois ; à 15 ans un jeune sur trois déclare avoir déjà été ivre ; 28 % des 15-19 ans disent avoir été ivres quatre fois dans l'année ; 30 à 40 % des premières relations sexuelles ont lieu sous alcoolisation.

Là encore, je ne peux faire état que de mon expérience personnelle (cela dit, des mineurs délinquants, je pense que j'en ai croisé plus que la Ministre), mais si effectivement de nombreux mineurs placés en CEF ont des consommations d'alcool et de toxiques, parler d'alcoolisme dès 8 ou 11 ans pour la plupart d'entre eux me paraît une généralisation pour le moins surprenante.

En cette saison du bac, c'était mon commentaire composé de la parole ministérielle.
Sujet de philo de l'année prochaine : "Peut-on croire n'importe qui ou dire n'importe quoi ?"

Merci Bernard (de l'Eure).

Notes

[1] rapport entre le nombre d'affaires effectivement poursuivies ou faisant l'objet d'une alternative aux poursuites et celui des affaires poursuivables, c'est à dire des infractions pénales caractérisées dont l'auteur a été identifié

Nouveau prix Busiris à Rachida Dati

S'il fallait un récidiviste du prix Busiris, ça ne pouvait être qu'elle : madame Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice, reçoit ce jour un deuxième prix Burisis, qui lui aurait échappé l'Académie n'eût-elle été particulièrement vigilante. Rachida Dati, cachant avec difficulté sa fierté pour sa deuxième récompense.

Après plusieurs jours de débats bien arrosés acharnés, l'Académie lui décerne ce deuxième prix pour avoir tenu, sur l'intranet du ministère de la justice, donc inaccessible au public, EDIT : lors de la réception des intervenants du procès Fourniret les propos suivants :

« La loi sur les peines planchers a déjà été appliquée : 9250 décisions ont été rendues par les tribunaux, c'est la preuve que cette loi était nécessaire et attendue ».

Rappelons que le principe posé par cette loi est qu'en cas de récidive, une peine plancher (de un à quatre ans pour les délits selon leur gravité) s'applique automatiquement et s'impose au juge, sauf à ce qu'il motive, c'est à dire explique, sa décision de ne pas y recourir, cette motivation ne pouvant selon la loi que porter sur les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur ou les garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. En cas de deuxième récidive, le juge ne peut écarter l'application des peines plancher que si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion, garanties qu'il doit expliciter dans son jugement (art. 131-19-1 du code pénal).

Tout d'abord, le caractère juridiquement aberrant saute aux yeux : le fait qu'une loi prévoyant une peine automatique et s'imposant au juge est appliquée n'est pas la preuve que celle-ci était « nécessaire et attendue » : c'est au mieux la preuve… qu'elle est automatique et s'impose au juge. Ce d'autant qu'avant la loi sur les peines plancher, aucun obstacle juridique n'empêchait les juges de prononcer des peines égales voire supérieures à ce plancher.

Voyons à présent le caractère contradictoire et la mauvaise foi.

D'après l'annuaire statistique de la justice, chaque année, c'est un peu plus de 50.000 délits qui sont jugées en état de récidive[1]. C'est à dire que la récidive est mentionnée dans la citation en justice du prévenu, ou que le juge décide au cours des débats de relever cet état s'il n'était pas mentionné dans la citation (ce qui arrive fréquemment, l'extrait de casier judiciaire n'étant généralement commandé qu'au moment de la comparution devant le tribunal). Ce chiffre de 50.000 ne tient donc pas compte des prévenus en état de récidive pour lesquels cette circonstance aggravante n'a pas été mentionnée.

La loi sur les peines planchers est en vigueur depuis 10 mois. Au prorata temporis, c'est environ 42.000 décisions portant sur des délits commis en état de récidive qui ont dû être jugés (c'est sûrement plus, les mois de juillet et août connaissant une baisse d'activité, seules les comparutions immédiates et les procédures urgentes ou soumises à délai étant jugées). Sur ces 42.000 affaires, 9.250 ont vu l'application de la loi sur les peines plancher, soit de l'ordre de 22%.

Donc la loi sur les peines plancher, voulue automatique et s'imposant au juge, ne s'applique que dans à peine 20% des cas où elle est censée l'être. Bref, écarter la peine plancher est devenu le principe, et l'appliquer l'exception (état de fait confirmé par mes impressions de prétoire, Fantômette ayant également ce sentiment, mais nous reconnaissons le caractère non scientifique de l'Eolassomètre® et du Pifafantômètre™). Faire de ce qui devrait être un constat d'échec un bilan triomphal démontrant que la loi était « nécessaire et attendue » est contradictoire et caractéristique de la mauvaise foi.

Enfin, faire ce bilan volontairement triomphal d'une année de son, heu… activité, appelons ça comme cela, à la Chancellerie au mépris de la réalité des faits, alors même qu'elle semble perdre le soutien de son seul et unique protecteur, le président de la République, caractérise le mobile d'opportunité politique dit de “danse du ventre”.

Ajoutons à cela la circonstance aggravante de récidive, qui, on ne cesse de nous le répéter, doit faire l'objet d'un traitement sans faiblesse, et voici un prix qui, décidément, a trouvé en la personne du garde des sceaux une deuxième famille.

L'Académie présente toutes ses félicitations à la récipiendaire.

Notes

[1] Je ne tiens pas compte des crimes commis en état de récidive, la loi ne s'applique qu'aux crimes commis à partir du 12 août 2007, et les délais de procédure font qu'aucun de ces crimes n'a été jugé à ce jour.

vendredi 13 juin 2008

Avis de Berryer : Philippe Chevallier

Peuple de Berryer, sèche tes larmes irlandaises, et viens t'esbaudir au palais ! Et un vendredi, par dessus le (libre) marché, si tu habites par quelque idée saugrenue hors du ressort de notre bien-aimé tribunal. Philippe Chevallier

La prochaine conférence BERRYER aura lieu le vendredi 27 juin à 21h15, l'invité sera Monsieur Philippe CHEVALLIER comédien.

Monsieur Jean François Pédinelli, 7ème secrétaire, se chargera du rapport.

Deux sujets seront proposés aux candidats :

1er Sujet : Un chevalier surgit il hors de la nuit?

2ème Sujet, qui pourrait être un de mes titres de billet, mais je ne sais si c'est un compliment : peut-on être un chevalier hélas pas leste?

Je vous rappelle que les réservations ne sont pas possibles et qu’il est préférable d’arriver de bonne heure, compte tenu de nombre très limité de places assises.

Reddition

Un petit mot à tous mes lecteurs, un peu en forme de capitulation, je le crains.

Depuis quatre ans, ce blog connaît un succès croissant et constant. De plus, il connaît de temps en temps des pics d'audience, qui, s'ils retombent rapidement, ne retombent jamais au même niveau qu'avant, signe que des lecteurs attirés par un événement ponctuel se plaisent et restent.

J'en suis ravi, mais depuis l'affaire du mariage annulé, un cap a été franchi. Outre des billets à 1500 (j'ai fermé les commentaires à ce chiffre), 700, 400 commentaires (le précédent record était à 370 environ), quasiment plus aucun ne reçoit moins de 100 notules.

Je m'efforce de tous les lire et, pour participer à la discussion qui se crée ainsi, qui est parfois plus intéressante que le billet, d'y répondre par insertion dans le commentaire.

Mais c'est désormais impossible face à un tel volume de commentaires, sauf à consacrer à ce blog un temps tel que cela nuirait à ma pratique ; et de cela il n'est pas question.

Je vous demande donc de me pardonner de ne pouvoir vous répondre à tous et de devoir donner l'impression d'abandonner une discussion en plein milieu. Comprenez que tous les billets vivant simultanément, quand je reviens d'une audience, c'est par dizaines que se comptent les messages à lire, quand ce n'est pas au-delà de la centaine. Et j'ai une épouse et des procureurs qui se languissent tous de moi et me le font sentir, chacun à leur façon (et je ne sais lesquelles des deux convocations sont les plus dirimantes).

Ma vigilance s'en ressent aussi, et si vous estimez qu'un commentaire n'est pas à sa place, n'hésitez pas à me le signaler via ce formulaire.

Mes excuses vont tout particulièrement aux nonistes venus se faire fesser sous mes billets sur l'Europe : je ne puis satisfaire tout le monde et en suis fort marri.

Je ne suis qu'un homme.

Référendum irlandais : premiers résultats en faveur du Níl

La participation a été plutôt faible hier, de l'ordre de 50% des trois millions d'électeurs sont allés voter.

Les premiers résultats (à prendre avec des pincettes, tous les dépouillements n'avaient pas commencé lors de la publication de ces chiffres et portent sur un faible nombre de bulletins) sont les suivants : sur Dublin, 60% pour le non, 40% pour le oui (dans les quatre districts, Sud-Ouest, Nord-Ouest, Central et Nord-Est). Dublin sud-est est encore plus en faveur du non, c'est de l'ordre de 70%. Limerick publie une première tendance à 59-41.

Tipperary Sud est pour le oui, mais à 50,3% : c'est un long chemin à parcourir. Tipperary nord est à 50-50.

Galway Ouest est à 56% pour le non. Galway Est est à 50-50. Mayo penche pour le oui à 60%.

Sligo-Leitrim est à 66% pour le non, Roscommon-Sud Leitrim à 55%, Donegal Sud-Ouest à 55% aussi, Donegal Nord-Est à 63%. La tendance est donc généralisée.

Les nonistes peuvent mettre le champagne au frais pour aller trinquer avec leur nouveaux amis anti-avortement. On a les amis qu'on peut.

La crise institutionnelle n'est pas finie, semble-t-il.


EDIT 15h00 Mon avant-dernière phrase (« Les nonistes peuvent mettre le champagne au frais pour aller trinquer avec leur nouveaux amis anti-avortement. On a les amis qu'on peut. ») a provoqué des réactions étonnées, disant que de tels propos n'étaient pas dignes de moi. Ma tête ayant un peu refroidi, et après une relecture distanciée, je dois reconnaître que c'est exact et que je me suis un peu laissé emporter par ma déception face au probable succès du Non en Irlande.

Je retire ces propos, et présente mes excuses aux partisans de l'avortement que j'aurais insulté par mes propos maladroits. Je respecte votre combat, même si je ne le partage pas ; vous ne méritez pas d'être ainsi traités.

jeudi 12 juin 2008

En V.O. pour le moment

Billet rapide pour mes lecteurs anglophones. Mais c'est tellement beau et tout frais, je ne veux pas vous en priver.

(…)Our basic charter cannot be contracted away like this. The Constitution grants Congress and the President the power to acquire, dispose of, and govern territory, not the power to decide when and where its terms apply. Even when the United States acts outside its borders, its powers are not “absolute and unlimited” but are subject “to such restrictions as are expressed in the Constitution.”

(…) Because our Nation’s past military conflicts have been of limited duration, it has been possible to leave the outer boundaries of war powers undefined. If, as some fear, terrorism continues to pose dangerous threats to us for years to come, the Court might not have this luxury. This result is not inevitable, however. The political branches, consistent with their independent obligations to interpret and uphold the Constitution, can engage in a genuine debate about how best to preserve constitutional values while protecting the Nation from terrorism. (…).

(…)We hold that petitioners may invoke the fundamental procedural protections of habeas corpus. The laws and Constitution are designed to survive, and remain in force, in extraordinary times. Liberty and security can be reconciled; and in our system they are reconciled within the framework of the law. The Framers decided that habeas corpus, a right of first importance, must be a part of that framework, a part of that law.

The determination by the Court of Appeals that the Suspension Clause and its protections are inapplicable to petitioners was in error. The judgment of the Court of Appeals is reversed. The cases are remanded to the Court of Appeals with instructions that it remand the cases to the District Court for proceedings consistent with this opinion.

It is so ordered.

Supreme Court Of The United States, 553 U. S. (2008), Boumediene v. Bush, 12 juin 2008. (PDF)

Pollution

Ça commence à devenir irrespirable, Paris. On avait déjà eu droit à Khadafi, aux services secrets chinois, et maintenant, lui ça, et avec les honneurs en prime. Ah, ça, le parti Baas ne peut pas nous compter parmi ses ennemis.

Le rapport Lamanda publié

C'est sur le site de la Documentation Française.

Rapport Lamanda.

Merci qui ? Merci Aliocha !

L'Europe a-t-elle imposé la semaine de 65 heures ?

C'est ce que ne craint pas d'affirmer l'Humanité à la Une. Une de l'Humanité du 10 juin 2008 : L'Europe vote la semaine de 65 heures ! Sous mon billet allusif au référendum irlandais qui se tient aujourd'hui (fingers crossed), quelques nonistes ont repris l'antienne de l'Europe fossoyeuse des droits sociaux, quitte à m'interpeller en Espagnol :

[¿] creo que ent[i]ende el castellano, que piensa usted de este art[í]culo? no [h]e encontrado ning[ú]n articulo en Le Monde [ó] Le Figaro.[1] On ne doit pas faire peur à populace?

El Gobierno califica la jornada de 65 horas de "agresión"

L'argument du «on nous cache tout on nous dit rien» a fait long feu, car Le Monde avait publié un article à ce sujet dans la langue de Molière 10 heures avant el grito escandalisado de mi nonisto. Pas grave. Quand on a raison, il ne faut pas se laisser décourager par les faits :

Il n'était placé ni en première page, ni en page Europe. Quant au second auquel il se réfère, daté de hier matin, il n'était pas visible en page Europe hier soir. Remarquez qu'aucun des articles n'est encore placé, (il est 13h41) en première page.

Puisqu'on vous dit que c'est un complot et qu'on vous cache tout, ne laissez pas une vulgaire publication dans un quotidien comme Le Monde vous faire changer d'avis : le peuple ne lit que la première page et le Sudoku, c'est pour ça que les nonistes pensent à sa place.

Et pendant cette démonstration du complot des élites médiatiques, la nouvelle principale, la semaine de 65 heures n'est pas discutée. Parlons plutôt de la minute de publication de l'article et du numéro de la page dans Le Monde, c'est bien plus intéressant. Vive les écrans de fumée.

Bon, arrêtons-là le noniste-bashing, si je m'écoutais, je ne ferais que ça du matin au soir tellement c'est drôle.

Alors, ce crime contre la démocratie et les 35 heures, cet assassinat de l'Europe sociale, cette victoire du dumping social, ça donne quoi en fait ?

Comme d'habitude en ce qui concerne le processus législatif européen, tous les documents sont disponibles, gratuitement. Encore faut-il aller les voir.

L'article 137 du traité instituant la Communauté Européenne prévoit que la Communauté soutient et complète l'action des États membres en vue d'améliorer le milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Parmi les objectifs de l'Union se trouvent la croissance et l'emploi. Oui, je sais, quelle horreur. Un plan quinquennal, appelé “agenda social” fixe régulièrement les axes de la politique sociale de l'Union. Le dernier agenda, adopté en 2006, a posé deux axes prioritaires : le plein-emploi et l'égalité des chances. Oui, c'est affreux.

Afin de favoriser la réalisation de ces objectifs tout en évitant une distorsion de la concurrence par du dumping social, l'UE fixe par voie de directive des normes minimales à respecter. Minimales, on ne parle pas d'harmonisation.

La dernière directive en date est la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Ce qui signifie que le projet a été adoptée en 2003, que c'est la 88e directive de cette année, qu'elle a été prise en application du Traité instituant la Communauté Européenne (nom actuel du Traité de Rome de 1957), et qu'elle a été adoptée selon la procédure de codécision, c'est à dire votée par les deux organes législatifs de l'Europe, le Conseil qui réunit les ministres compétents des 27 États membres (15 à l'époque) et le Parlement Européen.

Cette directive fixe un maximum du temps de travail hebdomadaire, heures supplémentaires comprises, à 48 heures ; plus exactement, elle reprend cette limite qui résultait d'une précédente directive de 1993 (93/104/CE). Elle a également instauré (art.3) un temps de repos minimum de onze heures entre deux périodes de travail que notre droit si progressiste ne connaissait pas (j'ai une copine qui travaillait à la Poste qui a dit merci à cette directive qui a mis fin à des journées qui finissait à minuit et reprenaient à 8 heures lors des changements de service de jour et de nuit). En tout état de cause, la directive précisait bien (art. 24) que :

Sans préjudice du droit des États membres de développer, eu égard à l'évolution de la situation, des dispositions législatives, réglementaires et contractuelles différentes dans le domaine du temps de travail, pour autant que les exigences minimales prévues dans la présente directive soient respectées, la mise en oeuvre de la présente directive ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs.

Bref : vous restez libre de vous organiser comme vous voulez, mais primo, vous respectez les normes minimales de cette directive, et deuzio, si votre législation actuelle est plus favorable pour les travailleurs, vous ne pouvez pas invoquer cette directive pour détériorer leur situation. Le dumping social de l'UE dans toute son horreur, le voilà.

Toutefois, l'Angleterre avait obtenu une clause d'opt-out (art. 22 de la directive) exemptant de cette durée hebdomadaire maximale en cas d'accord du salarié, le royaume de Sa Très Gracieuse Majesté ignorant cette barbarie continentale qu'est la durée maximale du travail.

L'UE est en train d'adopter la future directive qui remplacera celle de 2003. Cette procédure porte le nom de COD/2004/0209 : C'est une procédure de CODécision (vote du Conseil ET du parlement), lancée en 2004, c'est la 209e de l'année. La fiche Pre-Lex n'est pas à jour du Conseil du 10 juin au moment où j'écris ces lignes.

Le projet de directive a été adopté en première lecture par le parlement en mai 2005. Le Parlement a voté la suppression de la clause d'Opt-out.

Cependant, le Royaume-Uni a réussi à rallier à sa position des pays de l'Est, et le Conseil a rétabli sa clause d'Opt-out. Néanmoins, les pays opposés à cette clause d'exemption (parmi lesquels la France, l'Espagne, la Suède) ont obtenu que même en cas d'accord de dépassement des 48 heures posés par la directive, un maximum de 65 heures soit respecté, si le salarié donne son accord, et à condition que la loi garantisse que le salarié ne subira pas de préjudice sur sa carrière s'il ne donne pas son accord, qu'un registre soit tenu de ces périodes de travail et puisse être communiquées aux autorités à leur demande, et que la période de onze heures entre deux périodes de travail soit respectée. Le projet va repartir au Parlement européen (session de décembre 2008), ce qui promet des débats animés.

En outre, cette directive vise à tenir compte de deux arrêts de la CJCE : les arrêts SIMAP (2000) et Jaeger (2003), qui qualifiaient le temps de garde des médecins interne de temps de travail.

Le projet de directive prévoit donc de distinguer selon que la période de travail est continue ou comporte des périodes d'inactivité, ces dernières pouvant ne pas être décomptées du temps de travail maximal (mais sont néanmoins rémunérées).

Bref, on n'en est qu'au stade de l'adoption. L'Europe n'a rien voté, c'est un des deux organes législatifs qui a adopté un texte qui n'est pas définitif. J'ajoute que la mention des 65 heures comme maximum figure déjà dans le document initial qui date du 22 septembre 2004, le pseudo-scoop de l'Huma est un peu faisandé.

Enfin, la question que tout le monde se pose ici : les 65 heures en France , c'est pour quand ?

C'est pour jamais.

Il s'agit ici d'un maximum que la directive interdit de dépasser. Mais elle n'interdira pas aux États membres d'adopter des dispositions plus favorables, et elle ne touche pas à l'actuel article 24 de la directive qui interdit aux États d'invoquer cette directive pour aggraver la situation des travailleurs. Et d'ailleurs, quelle est la position du gouvernement français ?

«La France n’a pas l’intention d’abandonner la moindre de ses garanties sociales», a dit Xavier Bertrand, indique Libération, organe pro-sarkoziste s'il en est. Bref, si vous voulez travailler 65 heures, il vous faudra aller en Angleterre ou en Estonie.

— Oui, dira un noniste (une fois n'est pas coutume), mais il est là le dumping social européen : les ouvriers lituaniens… non, pas les lituaniens, on n'en a rien à foutre de ceux-là[2], même si j'en connais un, moi, de lituanien ; si les ouvriers estoniens et granbretons travaillent 65 heures, comment nos braves ouvriers aux 35 heures pourront-ils faire face ? C'est la fin de nos usines, elles vont toutes partir pour Riga ou York !

Alors que précisément, l'UE impose des limites : durée maximale, et surtout accord du salarié sans conséquence en cas de refus. Sans l'UE, vous croyez qu'on pourrait obtenir de telles garanties contre le dumping social ? Comparez avec le droit social chinois, pour voir. Pourtant, c'est un gouvernement de gauche qui est au pouvoir, là-bas…

Bref : un énième mensonge noniste, ou la énième preuve qu'ils ne comprennent rien à ce qu'ils jugent et condamnent, je ne sais pas lequel est le pire (au moins, un menteur peut s'arrêter de mentir, de temps en temps). L'Europe veut nous soumettre pieds et poings liés à l'ultralibéralisme ? Non, c'est tout le contraire. Mais que vaut un argument face à un cliché ?

Mais voyez : leur message a pris quelques minutes à être proféré. Entre convaincus, pas besoin de démonstration. Il m'a fallu près de deux heures pour rédiger ce billet et faire les recherches pour vous mettre les liens vers les documents pertinents. Vous voyez pourquoi c'est un combat perdu d'avance ? Parce que mes adversaires ne s'adressent pas à la raison, mais à la peur, à l'inquiétude, donnent quelques liens vers un article en langue étrangère et hop le tour est joué.

Mais ce n'est pas grave, je ne baisserai pas les bras, tout simplement parce que ce combat, je m'en fiche. Ce n'est pas à mes adversaires que je m'adresse. Ces billets s'adressent à mes lecteurs de bonne foi qui veulent comprendre l'Europe et ne gobent pas les couleuvres nonistes. Comptez sur moi pour vous mettre au régime sec.

Et maintenant, place aux complaintes des Caliméro du Non qui vont se plaindre de mon ton à leur égard et se garderont bien d'expliquer en quoi si si si, cette directive va bien imposer les 65 heures demain en France. Spanking time !

Notes

[1] Je crois que vous comprenez l'espagnol ?Que pensez vous de cet article ? Je n'ai pas trouvé un article dans Le Monde ou Le Figaro. Titre de l'article : Le Gouvernement qualifie la semaine de 65 heures «d'agression».

[2] Quelqu'un sait-il où on peut trouver une vidéo de ce grand moment de socialisme internationaliste ? Je n'ai pas réussi à la dénicher.

mercredi 11 juin 2008

Brèves de justice

Deux nouvelles rapides pour cause d'agenda chargé :

Suite de l'histoire des gendarmes qui ont assigné en référé le ministre de la défense :
Le divorce de 1790 ne sera pas annulé cette fois ci, les gendarmes ont fait une erreur sur les qualités essentielles de la juridiction judiciaire. Le juge des référés s'est déclaré incompétent, estimant que la mise en demeure faite aux gendarmes d'avoir à démissionner sous peine de sanctions n'était pas une voie de fait. Les gendarmes ont de toutes façons d'ores et déjà démissionné. Du coup, un référé administratif pour que les gendarmes se refassent une virginité judiciaire me paraît avoir peu de chance d'aboutir, faute d'urgence, et la décision attaquée ayant déjà épuisé ses effets. Défaite judiciaire, mais victoire médiatique.

On ne peut être juge et partie, mais peut-on être juré et partie ?
C'est la question que se pose un peu hâtivement la presse en relatant l'histoire d'un homme a été tiré au sort pour être juré d'assises… à la session qui le jugera pour une accusation de meurtre. Un peu hâtivement car comme d'habitude, lire mon blog aurait évité une dépêche qui présente comme insolite et cocasse une situation impossible puisque la loi a prévu depuis longtemps cette hypothèse. J'ai déjà parlé de la désignation des jurés d'assises dans un vademecum en trois parties (et un, et deux et trois, c'est tout). Mes lecteurs ont donc pu s'esclaffer face à un emballement médiatique, car ils savent que nous sommes au mois de juin. Dès lors, ils ont immédiatement compris que le tirage au sort ne concernait que la liste préparatoire, faisant suite à l'arrêté préfectoral pris au mois d'avril par le préfet pour fixer le nombre de personnes devant être tirées au sort dans chaque commune. Chaque citoyen tiré au sort a reçu une lettre lui demandant sa profession. C'est cette lettre qui est à l'origine de la dépêche.

Mes lecteurs savent aussi qu'en septembre se réunira la commission de révision de la liste, qui écartera les tirés au sort inaptes à être jurés.

Et enfin mes lecteurs, qui sont fort doctes, savent également que la loi exclut de la liste les personnes devant elles même comparaître devant une cour d'assises (on parle d'état d'accusation), ou qui font l'objet d'un mandat de dépôt ou d'arrêt.

Bref, que cette affaire n'en est pas une et n'atteindrait même pas le stade de l'anecdote si les journalistes avaient fait leur travail (en l'espèce lire l'article 256 du CPP ou à défaut mon blog) et avaient recherché une autre source que le propre avocat de l'accusé (on ne peut être juge et partie, remember ?). L'avocat de l'accusé, ravi de l'aubaine, en a profité pour former une demande de renvoi du procès et de remise en liberté au nom de la présomption d'innocence et afin de permettre à son client d'assumer ses obligations civiques. Demande qui va immanquablement se fracasser sur les récifs de l'article 256 du Code de procédure pénale. Avec en prime une formule choc qui a fait florès : sa chance sur un milliard, alors que dans les Bouches du Rhône, les probabilités d'être juré sont de l'ordre de 2000 (nombre de jurés tirés au sort dans le département, arrêté préfectoral du 7 mars 2007) sur 1.260.808 (nombre d'inscrits sur les listes électorales en 2007, source : ministère de l'intérieur) soit… 0,16% chaque année ; plus en fait car il faut exclure les électeurs de moins de 23 ans et ceux qui sont détenus (les mauvaises langues diront que dans ce département, ce sont bien souvent les mêmes).

Une non affaire qui a fait l'objet à ce jour d'une reprise dans 48 organes de presses à en croire Google actualité. Mention spéciale à 20 Minutes qui ne se pose pas de questions et affirme qu'il sera même juré à son propre procès. Ce n'est pas parce qu'on est gratuit qu'on doit ne pas valoir grand chose.

Que des journalistes trouvent l'histoire amusante et décident d'en faire un article pour boucher un trou, je peux le comprendre. Mais là où je peste et je trouve qu'on en arrive à la faute, c'est que reprendre des histoires pareilles sans se poser de questions contribue à donner l'impression que vraiment, la justice, c'est n'importe quoi, puisqu'un homme peut être juré à son propre procès. Et une goutte d'eau dans la mer des clichés sur la machine stupide qui fonctionne en vase clos sans qu'un gramme de “bon sens” ne vienne humaniser tout ça etc. etc.

Alors que le Code de procédure pénale, et avant lui le Code d'instruction criminelle de 1810 avaient prévu cette hypothèse. Ce qu'ils n'avaient pas prévu, c'est que les journalistes puissent s'abandonner à la facilité.

Projet de loi pénitentiaire : Chéri, j'ai inventé l'eau tiède ?

Par Gascogne


J'ai entendu et lu dans de nombreux média, ce matin, que le projet de loi pénitentiaire, serpent de mer que les professionnels attendent depuis des décennies, serait dans les tuyaux. Des fuites savamment orchestrées ont permis à l'AFP d'avoir une copie du projet, qui s'est ainsi retrouvé dans la plupart des journaux. Aucun avant projet n'a bien sûr été communiqué aux syndicats professionnels, la presse restant le principal contact du Ministère.

J'ai tout d'abord tiqué lorsque j'ai entendu à la radio que l'objet principal de la loi était une extension du placement sous "bracelet électronique" afin d'éviter la détention provisoire. Renseignements pris sur le site du Nouvel Observateur, qui en publie les principaux points, le nouveau texte reprendrait le principe que "toute personne mise en examen doit demeurer libre", lequel existe déjà dans le Code de Procédure Pénale. Il ajouterait que la personne mise en examen pourrait toutefois être assignée à résidence sous surveillance électronique.

Pourtant, lorsqu'on lit l'actuel article 138 du Code de Procédure Pénale, on peut y découvir que la loi du 9 septembre 2002 a prévu l'assignation à domicile sous surveillance électronique comme une obligation du contrôle judiciaire : "Le contrôle judiciaire astreint la personne concernée aux obligations suivantes : 2° Ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ; L'obligation prévue au 2° peut être exécutée, avec l'accord de l'intéressé recueilli en présence de son avocat, sous le régime du placement sous surveillance électronique, à l'aide du procédé prévu par l'article 723-8. Les articles 723-9 et 723-12 sont applicables, le juge d'instruction exerçant les compétences attribuées au juge de l'application des peines."

Donc, sauf disposition dont les journalistes ne parlent pas, ce qui reste tout à fait possible, il s'agit là d'un effet d'annonce. La seule disposition intéressante consiste en une "simplification" du placement sous bracelet électronique, qui est il est vrai un peu compliqué actuellement (enquête sociale, accord obligatoire de l'intéressé et des personnes vivant au foyer, vérifications tenant à la ligne téléphonique...). Reste à savoir ce que cela recouvrira.

Il est ensuite indiqué que les possibilités d'aménagements de peine sont étendues aux peines ou reliquats de peine allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement, contre un an actuellement (art. 723-15 du CPP). L'objectif est louable, bien qu'il fasse partie de ces injonctions contradictoires que le législateur lance de plus en plus souvent aux juges pénaux : incarcérez toujours plus (lois sur la récidive, peines planchers), mais éviter une exécution pure et simple de ces peines. J'y vois tout de même une réserve de taille. Tous les travailleurs sociaux et les JAP vous diront qu'un aménagement de peine au delà de six mois est très difficile à tenir pour le condamné. En effet, autant la personne incarcérée subit passivement sa peine en prison, autant dans le cadre d'un aménagement de peine, par exemple une semi-liberté ou un placement sous surveillance électronique, le condamné doit faire l'effort de participer à sa restriction de liberté, en rentrant tous les soirs dans son quartier de semi-liberté, ou en ne sortant pas de chez lui. Ce qui, au bout de quelques mois, peut devenir très difficile, participer à son propre enfermement n'étant pas nécessairement très naturel.

Autre nouveauté : l'obligation, sauf opposition du condamné ou risque de récidive, d'exécuter sous forme de placement sous bracelet électronique les peines inférieures ou égales à six mois et dans les cas où il reste quatre mois à exécuter (a priori, ce ne sont pas des conditions cumulatives, qui seraient difficiles à remplir). Une fois de plus, on ne fait pas confiance au juge qui doit décider sans possibilité de choix. Une "compétence liée" de plus. Peut-être bientôt le transfert de ce genre de mesures à l'administration.

Au titre des mesures tenant au fonctionnement des prisons, on trouve une limitation des jours de placement en cellule disciplinaire à 21 jours, et jusqu'à 40 jours pour les violences physiques, contre 45 jours actuellement pour les fautes du premier degré (art. D 251-3 du CPP).

Enfin, la loi pénitentiaire reviendrait une fois de plus sur l'encellulement individuel, principe qui s'est transformé en exception depuis de nombreuses années, ce qui ne devrait pas changer puisque la nouvelle loi prévoit, tout comme la précédente du 12 juin 2003 (art. 716 du CPP), une possibilité de dérogation pour les cinq années à venir. La France devrait encore écoper de quelques condamnations devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Je passe sur les dispositions concernant la prise en charge des détenus à leur arrivée, ainsi que les missions du personnel pénitentiaire, lesquelles, de ce que je peux en lire, ne bouleversent en rien ce qui existe actuellement.

Au final, je ne doute pas que la grande loi pénitentiaire prévoira surtout plus de moyens pour faciliter la réinsertion, et donc l'absence de récidive, des détenus. Actuellement, un Conseiller d'Insertion et de Probation, élément central de la prise en charge des détenus, gère entre 120 et 150 dossiers de personnes condamnées.


Mise à jour du 12 juin 2008 :

La Chancellerie est réactive : un décret vient d'être publié au JO de ce jour concernant l'encellulement individuel et l'allongement des durées de parloir, deux dispositions qui doivent il me semble faire partie de la loi pénitentiaire. Les textes d'application avant les textes à appliquer, si ça ce n'est pas de l'efficacité...

Décret n° 2008-546 du 10 juin 2008 relatif au régime de détention et modifiant le code de procédure pénale

lundi 9 juin 2008

Rachida Dati, dans la bibliothèque, avec le chandelier

C'est fait, et cela devrait être annoncé dans deux jours. Les avoués vivent leurs dernières mises en état : la profession disparaîtra le 1er janvier 2010, les avoués deviendront avocats. Rachida Dati l'a annoncé au Président de la chambre nationale des avoués.

Bienvenue dans notre profession, chers maîtres.

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