Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Les robes noires contre les blouses blanches ?

« Ah, ça, mon ami, vous me voyez toute contrariée !

— Vous, ma mie ? Cela ne saurait être. Quelle est la cause de votre trouble, que je lui fasse promptement un sort ?

— J'apprends en lisant votre blog que vous en voulez à ma santé pour vous enrichir.

— Je ne comprends pas ce que vous dîtes mais puis néanmoins d'ores et déjà protester de mon innocence. Votre teint de rose est pour moi le plus précieux des trésors et je mourrais plutôt que de le flétrir.

— Mais voilà une semaine qu'un médecin déverse ses jérémiades sous un de vos billets, et vous restez coi ! Certes, l'auguste praticien, qui est une auguste praticienne, est parfaitement hors sujet puisqu'il s'agit du billet sur la médiatisation de votre cravate. Mais qu'apprends-je ? Les médecins exercent désormais la peur au ventre ? C'est l'existence même de leur art qui est menacée par vous et vos assignations pour un oui ou pour un non ?

— Mes assignations sont comme mes clients : innocentes. Je ne pratique pas la responsabilité médicale, même si je connais un peu la matière.

— Si ce n'est toi, c'est donc ton confrère, dirait la fable.

— Et elle aurait raison, car j'approuve le principe de demander des comptes à un médecin.

— Ah, vous avouez donc ? Vous haïssez les carabins ?

— Non, point, je les aime et les respecte. Des gens qui arrivent à apprendre tant de choses en buvant autant quand ils ne font pas l'amour en tout temps forcent l'admiration pour les moines que sont les étudiants en droit.

— Mais ce que dit la disciple d'Hippocrate…

— …Est une parfaite synthèse des clichés sans cesse ressassés par une profession qui n'apprécie guère ce qu'elle ressent comme une remise en cause de son autorité, ce à quoi il faut ajouter une absence de culture juridique — cette matière étant absente de leurs interminables études, alors que l'économie a été — peut-être l'est-elle encore ?— en PCEM1. Or la responsabilité n'est que la contrepartie logique et naturelle de la liberté du médecin. Loin de la fuir, ils devraient la revendiquer. À tout le moins, la rapporter à de plus justes proportions. Si tous les médecins ont entendu parler d'un confrère qui connaît un confrère qui…, combien ont été attaqués, eux personnellement, en justice ? J'entends une assignation en bonne et due forme, pas des menaces de procès. J'assume la part des avocats dans la mise en cause de la responsabilité des médecins, mais décline celle des fâcheux.Les avocats sont d'ailleurs responsables de leurs fautes et doivent en indemniser leurs clients. Si parfois certaines jurisprudences nous paraissent critiquables, nous n'avons jamais eu l'idée de remettre en cause le principe. Au contraire, c'est un argument qui éveille la confiance de nos clients. Nous ne prétendons pas à l'infaillibilité (c'est cela qui serait inquiétant) mais nous garantissons que vous serez couvert des conséquences de nos erreurs. Alors, donnez moi la main, chère lectrice, je vous emmène faire un tour dans le monde passionnant de la responsabilité médicale, où les clichés ont la vie aussi courte qu'un virus de la grippe dans le cabinet d'un médecin.

La responsabilité médicale, une vraie spécialité

Des avocats se sont spécialisés dans le droit des victimes. Le terme de victime étant très large et donc très flou, les avocats préfèrent parler de préjudice corporel : c'est cela que l'avocat veut voir réparer. Réparer une victime relève d'autres mains que les notres. C'est une spécialité reconnue, et une discipline à part entière. Les dossiers de “corpo” ont principalement trois sources : les accidents de la circulation, les infractions pénales, et la responsabilité médicale. S'y ajoute des sources ponctuelles, isolées mais au nombre de victimes élevé, comme les accidents sanitaires (sang contaminé, hormone de croissance, hépatite C) et les catastrophes maritimes ou aériennes.

Ces trois matières ont des règles de droit différentes qui leur sont applicables ; mais elles ont en commun le travail d'orfèvre que constitue l'évaluation exacte de ce préjudice, sans rien oublier. Là est tout l'art de l'avocat en “corpo”.

Mais ce n'est qu'aux règles présidant à la mise en cause de la responsabilité que je vais m'intéresser ici. À quelles conditions peut-on demander des comptes à celui qui, voulant vous soigner a failli à sa mission ?

Comme d'habitude en France, il faut distinguer selon que le médecin a agi en tant qu'agent de l'État ou en tant que praticien libéral.

Le point commun à toutes ces situations est néanmoins à garder à l'esprit : un patient venu se faire soigner a subi, à cause des soins reçus ou de l'absence des soins pertinents, un préjudice. Je reviendrai sur le préjudice. Sachez d'ores et déjà que le patient procédurier qui fait un procès pour un ongle cassé est un pur cliché. Dans la totalité des cas, ce sont des corps brisés, parfois au-delà du réparable, des vies à jamais bouleversées. Vous verrez les exemples que je donnerai.

Heureux les agents publics : ils seront couverts

Notre hypothèse est que le dommage au patient est survenu dans un établissement hospitalier (on parle d'hôpital pour un établissement de soin relevant de l'État, et de clinique pour un établissement privé ; mais il y a des pièges comme l'Hôpital américain de Paris, qui comme son nom l'indique est une clinique française située à Neuilly Sur Seine). Le contentieux relève du juge administratif, et le défendeur est l'établissement hospitalier lui-même, pas le médecin. Ceci est une application générale du fait que l'État est responsable des agissements de ses fonctionnaires, et se substitue à eux pour réparer les dommages causés. Il peut ensuite régler ses comptes avec l'agent public fautif, en demandant le remboursement des sommes payées à la victime (action récursoire, quasiment jamais utilisée à ma connaissance) et en prenant des sanctions disciplinaires à son égard.

Arrête d'être lourde (je parle à la faute)

Jusqu'en 1992, le juge administratif exigeait que la faute ayant causé un dommage soit une faute “lourde”. Cette exigence se voulait le reflet de la particularité de la pratique médicale : un médecin ne saurait être tenu de guérir son patient. Il doit faire de son mieux. La faute lourde était donc l'hypothèse où, pour simplifier, le médecin a commis une faute qu'un autre de ses collègues n'aurait pas commis. La conséquence était néanmoins funeste, eu égard à la difficulté de la preuve. Bien des patients, incapables de prouver une faute lourde, du faut qu'au moment où celle-ci a été commise, ils étaient inconscients, ou fortement diminués, et incapables de porter un jugement sur les gestes du praticien, voyaient leur demande rejetée, avec des conséquences terribles pour eux : on parle de gens devenus invalides qui n'étaient pas indemnisés de ce fait.

Le 10 avril 1992, le Conseil d'État opère un revirement et désormais exige une simple faute. C'est l'arrêt Madame V.

— Cette Madame V. était-elle une chicaneuse désirant battre monnaie sur la tête des médecins ?

— Je vous laisse juge. Les faits remontent au 9 mai 1979. Mme V. était enceinte de son troisième enfant. Son obstétricien, qui avait détecté un placenta prævia[1] lors d'une échographie, avait décidé de pratiquer une césarienne quelques jours avant le terme prévu. Jusque là, rien de plus normal. Le placenta prævia est une complication connue, certes pas bénigne, mais que l'on sait traiter pour minimiser les risques. Ilse caractérise par un risque d'hémorragie sévère, pouvant entraîner une hypotension et une chute du débit cardiaque ; ajoutons à cela que l'anesthésie péridurale présente un risque particulier d'hypotension artérielle qui était déjà connu à l'époque, et les acteurs sont en place pour la tragédie.

Acte I : le médecin anesthésiste de l'hôpital administre à Mme V., avant le début de l'intervention, une dose excessive d'un médicament à effet hypotenseur. Sur un terrain favorable. Acte II : Une demi-heure plus tard une chute brusque de la tension artérielle, accompagnée de troubles cardiaques et de nausées a été constatée ; le même praticien a ensuite procédé à l'anesthésie péridurale prévue et a administré un produit anesthésique contre-indiqué compte tenu de son effet hypotenseur. Ce qui devait arriver arriva : une deuxième chute de la tension artérielle s'est produite à onze heures dix ; après la césarienne et la naissance de l'enfant, un saignement s'est produit et a été suivi, à onze heures vingt-cinq, d'une troisième chute de tension qui a persisté malgré les soins prodigués à la patiente. Acte III : à douze heures trente, du plasma décongelé mais insuffisamment réchauffé a été perfusé provoquant immédiatement une vive douleur suivie de l'arrêt cardiaque de la patiente.

— Mon Dieu ! Mais qu'est-il arrivé à Mme V. ?

— Mme V., alors âgée de 33 ans, est restée atteinte de graves séquelles à la jambe gauche et, dans une moindre mesure, au membre supérieur gauche ; elle souffre à vie de graves troubles de la mémoire, d'une désorientation dans le temps et l'espace, ainsi que de troubles du caractère ; elle a dû subir une longue période de rééducation ; du fait de son handicap physique, elle subit un préjudice esthétique ; enfin elle exerçait la profession de maître auxiliaire dans un collège d'enseignement secondaire et qu'elle a perdu toute perspective de reprendre une activité professionnelle correspondant à ses titres universitaires.

— Et vous me dîtes que ce fut un revirement de jurisprudence ?

— Oui. En 1986, un tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait pas lieu à indemnisation. Voilà le paradis perdu de notre mélancolique esculape. Pour info : le Conseil d'État a alloué un million de francs à Mme V., 300.000 francs pour son mari pour le préjudice moral consistant à voir son épouse devenue invalide à vie et n'ayant plus tout à fait la même personnalité, et pour le trouble dans ses conditions d'existence, lui qui s'est retrouvé du jour au lendemain avec trois enfants et un adulte à charge.

— Ce n'est pas cher payé.

— Jamais devant le juge administratif.

— Faut-il toujours prouver une faute pour engager la responsabilité ?

— Non. Il existe deux cas où le patient victime est dispensé de prouver la faute : si cette faute est présumée ; et le cas particulier de l'aléa thérapeutique.

La faute présumée

— Le Conseil d'État a créé un régime de responsabilité pour faute présumée : c'est l'arrêt Dejous de 1988. Cette hypothèse s'applique à des hypothèses dans lesquelles un acte de soin courant à caractère bénin entraîne des conséquences très graves sans commune mesure avec le motif initial de l'hospitalisation. Il s'agissait principalement des infections nosocomiales[2].

— Je tremble en posant la question, mais que s'était-il passé dans cette affaire ?

— Le patient avait été hospitalisé pour subir une sacco-radiculographie[3] qui a confirmé la présence d'une hernie discale, qui a été opérée le lendemain (opération de cure de hernie discale). Il s'agissait d'une opération courante. Néanmoins, le patient s'est vu infecté par une infection méningée compliquée d'une lésion de la moelle dorsale. Cela a causé au patient des douleurs que je vous laisse imaginer, et l'a laissé atteint d'une paralysie des membres inférieurs, de l'abdomen et de la partie basse du tronc, entraînant une invalidité définitive de 80 %. Vraiment, il y a des gens qui font des procès pour n'importe quoi.

— Ne soyez pas ironique. Mais j'ai cru comprendre que vous employiez le passé ?

— Oui, les cris d'orfraie des médecins ont porté leurs fruits, puisque la loi du 4 mars 2002 sur les droits des patients (sic .) a mis fin à cette jurisprudence en matière d'infections nosocomiales. Si la même mésaventure vous arrive, vous devrez désormais démontrer qu'il y a eu une faute d'asepsie, sachant que le fait que vous avez été infectée ne démontre pas cette faute. Bonne chance. Mais vous comprendrez, c'est pour restaurer la dignité froissée des médecins.

Vous me prendrez un aléa matin, midi et soir

La jurisprudence administrative a développé trois cas de responsabilité sans faute. Cette expression, qui fait bondir les médecins, doit être bien comprise. Il ne s'agit absolument pas de dire que le médecin est responsable même s'il na commis aucune faute. C'est l'État, dans le cadre de l'exercice de ses prérogatives en matière de santé publique, pour lesquelles il s'est arrogé un monopole, qui est responsable. Le fait que ces responsabilités soient engagées sans faute exclut même toute action récursoire ou disciplinaire contre le médecin qui en serait à l'origine. Bref, le patient ET le médecin sont protégés.

Le premier cas est celui lié à l'hospitalisation des malades mentaux, et garantit les tiers. Dans les années 60, un dément qui avait été placé à l'extérieur, dans une ferme expérimentale, incendiait le bâtiment au cours d'un épisode délirant. Les propriétaires des murs ont pu être indemnisé, quand bien même ce placement dans un milieu ouvert n'était pas fautif en soi : il fallait bien essayer, et ces placements ont d'ailleurs produit de très bons effets sur d'autres malades.

S'agissant des patients, la Responsabilité sans faute couvre trois domaines :

► la technique nouvelle[4], quand on emploie une thérapeutique nouvelle dont les risques sont mal connus, et que ce recours ne s'imposait pas pour des raisons vitales et qui a eu des conséquences exceptionnelles et anormalement graves en découlant directement ;

► l'acte à risque[5], acte qui présente un risque exceptionnel mais mal connu, qui a entraîné directement un dommage anormal et d'une exceptionnelle gravité.

► et la transfusion sanguine, en cas de contamination par cette voie. Notons que la loi a créé un organisme, l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM). C'est cette organisme qui indemnise les victimes d'infections nosocomiales et affections iatrogènes[6], les transfusés infectés par le VIH (mais pas l'hépatite C), les victimes de l'hormone de croissance et les victimes de surirradiation au centre hospitalier Jean Monnet d'Épinal.

— Cette dernière précision me paraît bien étrange. Si j'ai été surirradié ailleurs ?

— Hé bien, ce n'est pas leurs ONIAM.

— Je vous sens fatigué, mon cher maître, pour en tomber au niveau des calembours. Il est temps pour vous de prendre des vacances, mais pas avant, je vous prie, de me dire s'il y a une explication à ce traitement, si j'ose dire, bien particulier ?

— Oui. La politique de la rustine et du cas par cas, qui a remplacé depuis longtemps à la tête de l'État toute vision de haut pour gérer la chose publique. La presse s'en émouvait, il importait dans l'urgence de faire quelque chose, n'importe quoi. C'est cette dernière solution qui a été retenue.

— Et dans le privé, qu'en est-il ?

Le contrat médical

— Les règles sont différentes, car c'est le Code civil qui s'applique. Le principe a été posé en 1936, par l'arrêt Docteur Nicolas contre époux Mercier. Avant cet arrêt, la jurisprudence refusait d'admettre que le lien qui unissait le patient et son médecin était un contrat.

— Qu'était-ce ?

— Bonne question. Autre chose. Une relation sui generis, de son propre genre, qui obligeait le patient à payer son médecin, mais qui dégageait le médecin de toute responsabilité contractuelle du fait de son art, considérant qu'il était déjà bien bon de consentir à s'intéresser à son patient. La responsabilité du médecin ne pouvait être qu'extra-contractuelle, les médecins étant considérés comme une classe au-dessus des contingences terrestres que sont les contrats dans le cadre de leur exercice professionnel, avec leur patient du moins. Il n'a jamais été contesté que ce qui donnait droit au médecin d'exercer en son cabinet était un contrat, de bail ou de vente. En 1936, la Cour de cassation met enfin cette absurdité à la poubelle et pose la règle qui s'applique encore aujourd'hui :

" il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l'engagement, sinon, bien évidemment de guérir le malade, ce qui n'a d'ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques (…) mais consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ".

Admirez au passage l'élégance de la langue.

L'évidence de l'énoncé est toutefois encore à ce jour restée en travers de la gorge de bien des médecins old school, comme on dit en bon français, la plupart ayant toutefois parfaitement intégré cet état de fait, et surtout compris que le mot contrat n'est pas un gros mot. Après tout, les médecins louent ou achètent les murs de leur cabinet, ainsi que tout le matériel qu'ils utilisent, ils ont passé une convention avec les caisses de sécurité sociale pour que leurs honoraires soient pris en charge par la collectivité plutôt que par leur patient, à charge pour eux de les maintenir à un niveau modéré fixé par la convention. D'où le terme de médecin "conventionné". Alors si la sécurité sociale est assez bien pour passer un contrat avec les médecins, pourquoi un patient ne le pourrait-il avec son médecin ?

Cet arrêt pose le principe, jamais démenti à ce jour, que la responsabilité du médecin ne peut être engagée qu'en cas de faute.

— Faute lourde ou faute simple ?

— Vous parlez chinois pour un juriste du droit civil. Le droit civil ne connaît qu'une faute, la faute. En matière contractuelle, c'est la violation du contrat. Si l'obligation principale du patient est de payer son médecin, l'obligation principale du médecin est de donner des soins attentifs, consciencieux et conforme aux données acquises de la science. Elle se détermine en comparant le comportement qu'a eu le médecin à celui qu'aurait eu dans les mêmes circonstances le bonus medicus, le bon médecin, consciencieux, attentif et qui se tient à jour des données acquises de la médecine. Notez bien : acquises. Pas actuelles. La jurisprudence refuse encore à ce jour d'exiger une mise à jour instantanée des connaissances des médecins, ni qu'ils soient au courant des moindres découvertes publiées. Il faut que ces données fassent consensus et soient largement répandues.

— Et l'aléa thérapeutique ?

— Rien de tel en droit privé. Les règles du droit public ne sont pas transposables en droit privé, le secteur libéral de la médecine n'exerçant pas de prérogatives en matière de santé publique. Le monopole des médecins, pénalement protégé[7], est un monopole fondé sur la protection du patient, pas de la profession médicale. Cependant, ne pas informer un patient de l'existence d'un risque lié à une technique nouvelle ou à un acte à risque est une faute.

Cela dit, il est des hypothèses où la responsabilité du médecin est engagée sur un fondement extra-contractuel, par exemple si le contrat est nul, ou si le patient, inconscient, n'a pu donné son consentement qui seul peut former le contrat. Consentement qui doit être éclairé, c'est là une autre obligation du médecin.

Au fait, docteur, j'ai quoi ?

— Ah, l'obligation d'information, n'est-ce pas là que le bât blesse certains médecins ?

— Je vous laisse la responsabilité de l'image du bât, mais oui, car là encore, beaucoup ne comprennent pas le sens de cette obligation. Le patient doit consentir au geste médical qui est la prolongation du contrat médical (dont le premier acte est le diagnostic et la proposition de traitement). Et ce consentement doit être éclairé. Éclairé par qui ? Mais par le médecin. Il est hors de question, s'agissant du corps et de la vie d'un être humain, de demander que le patient se remette entre les mains de son praticien.

— Certes, mais le patient est-il le plus à même de donner ce consentement ?

— À ce jour, on n'a pas trouvé mieux. L'information donnée par le médecin n'a pas à être une démonstration scientifique : la jurisprudence exige une « information loyale, claire et appropriée ». Elle a évolué : si autrefois elle se contentait d'une information sur les risques prévisibles, depuis deux arrêts de 1998[8], c'est la gravité du risque qui détermine l'étendue de l'obligation d'information. Si les risques les plus courants doivent être signalés, les risques les plus graves, même s'ils sont exceptionnels, doivent l'être aussi. Ces risques graves sont “ ceux qui sont de nature à avoir des conséquences mortelles, invalidantes, ou même esthétiques graves compte tenu de leurs répercussions psychologiques et sociales ” selon les mots du Conseiller Sargos, rapporteur dans les arrêts de 1998.

— Cette exigence n'est-elle pas sévère pour le médecin ?

— Ne pas la poser serait sévère pour le patient. Nous ne sommes plus dans la France des années 30 : les français sont plus éduqués, moins illettrés. On peut les traiter enfin en adultes, comme d'autres pays le font depuis longtemps, même si cela a dû se faire, là aussi, à coups de procès (oui, je pense au pays qu'un océan sépare de nous).

— Ne connaît-elle point d'exceptions ?

— Je vous reconnais bien là : vos questions paraissent naïves mais montrent bien que vous avez bien appris vos leçons. Oui, le droit est la science des exceptions, et il en va ainsi ici : il faut que le patient soit en état de recevoir l'information et de donner son consentement. L'urgence prime : si le patient est inconscient ou en danger de mort, le praticien est dispensé de son obligation d'information. De même, le code de déontologie médicale, approuvé par la jurisprudence, accepte que cacher la vérité au patient sur son état de santé n'est pas fautif, si cette vérité est celée dans l'intérêt du patient.

Ceux d'entre vous qui ont eu à fréquenter récemment un cabinet médical ont pu constater que cette obligation d'information n'est quasiment jamais respectée. Ainsi n'ai-je pas été considéré comme digne de connaître le nom de la dernière affection ayant frappé ma fille, encore moins d'être informé du choix du traitement effectué. Peut-être devrais-je aller aux consultations en robe ?

Notons pour conclure sur ce point que l'étendue de l'obligation d'information varie aussi selon la nature de l'acte de soin envisagé. En médecine “de confort”, je pense particulièrement à la chirurgie esthétique de patients dont la seule affection est l'injure du temps, l'obligation d'information est particulièrement étendue : elle doit porter sur les risques mais aussi les inconvénients pouvant en résulter. Par exemple, la pose d'implants mammaires modèle Zeppelin doit faire l'objet d'une information non seulement sur les complications possibles de l'opération, le risque de perçage des poches, mais aussi sur les douleurs au dos du fait de ce surpoids que le corps n'a jamais eu à porter.

L'obligation de sécurité, ou : prière de ne mourir que de votre pathologie dans l'enceinte du cabinet

— Est-ce là la seule obligation du médecin ?

— Non point. Ce serait dommage de faire tant d'années d'études pour avoir une seule obligation, n'est-ce pas ? Cette obligation de soin est l'obligation principale du contrat ; mais il y a une obligation accessoire, l'obligation de sécurité, qui connaît une extension régulière du fait de son attrait, puisque, contrairement à l'obligation principale de soin, qui est une obligation de moyens, l'obligation accessoire de sécurité est une obligation de résultat.

— L'obligation de moyen oblige simplement à des diligences sans s'engager sur le résultat, tandis que dans l'obligation de résultat, le fait que le résultat visé ne soit pas atteint caractérise la faute, n'est-ce pas ?

— Demogue n'aurait pas dit mieux.

— Qui est ce Demogue ?

— René Demogue, l'inventeur de la distinction obligation de moyen - obligation de résultat. L'obligation de sécurité impose au médecin, de garantir son patient de dommages qui ne sont pas liés à l'affection le frappant ou l'évolution de celle-ci. Citons ainsi la qualité des prothèses (dentaires ou de membres) et des instruments utilisés, et des accidents survenus dans l'établissement de soin, tels que des chutes de table d'opération, des brûlures causés par des instruments défectueux, etc.

Parlons faute

— Auriez-vous quelques exemple de fautes médicales retenues pour engager la responsabilité d'un médecin ?

— Trois. Une femme se présente à un hôpital pour la visite du sixième mois de grossesse. Le même jour dans la même salle d'attente se trouve une femme au nom de famille identique venue se faire ôter un stérilet. L'interne appelle la patiente au stérilet, c'est la femme enceinte qui se lève. La patiente ne parlant pas français (elle est viet-namienne), il ne fait pas d'interrogatoire et consulte le dossier. Voyant qu'il s'agissait du retrait d'un stérilet, sans faire le moindre examen qui aurait révélé une grossesse de six mois, il entreprend de retirer le stérilet avec une canule de Novack. La poche des eaux est percée, et la patiente est hospitalisée pour voir si la poche se reconstitue ou si'l faut provoquer un avortement thérapeutique. Le même médecin tentera ensuite de procéder au retrait du stérilet et n'y arrivant pas, prescrit une intervention chirurgicale. Il se produira un nouveau quiproquo est c'est la femme enceinte qui sera expédiée au bloc. Cette faute sera sans conséquence, la crise d'hystérie de la femme ayant attiré l'attention de l'anesthésiste qui reconnaîtra la patiente. Totuefois, la poche ne se reconstituera pas et le fœtus mourra. Source : cour d'appel de Lyon, 13 mars 1997.

— On croit rêver.

— Pincez-vous alors. Soit une patiente qui va voir une nutritionniste pour un problème de surpoids. Sa nutritionniste lui conseille de recourir à une liposucion, et lui conseille d'aller voir pour cela un médecin… généraliste, qui s'avère être son époux. Celui-ci va procéder dans des conditions d'asepsie épouvantables : sur une simple table de soin, la ptiente posée sur une serviette éponge souillée, après qu'elle se soit elle même enduite d'alcool à 70 pour stériliser le champ opératoire. L'opération donnera lieu à six orifice sans changement de canule (il est même douteux que le médecin ait seulement mis des gants). Quand le soir même elle sera prise de fièvre et de douleurs insupportables à la jambe, le médecin lui prescrira… du repos et une barre de vitamines. Ce n'est donc que douze heures plus tard qu'on lui diagnostiquera son embolie gazeuse, qui nécessitera sept interventions chirurgicales.

— Là, on cauchemarde.

— Non, voici un cauchemar. je serai peu disert, l'affaire est en cours. Soit des parents d'un nouveau né en pleine santé, placé en observation en réanimation néo natale car légèrement prématuré. Un jour qu'ils viennent le voir, ils apprennent qu'il est mort pendant la nuit. Aucune explication n'est donnée sur les causes du décès. Le personnel évoque vaguement une mort subite du nourrisson. Ils demandent donc une autopsie qui révèle un coup violent à la tête. Pour le médecin, pas de doute : le bébé est tombé par terre d'une grande hauteur. Car il était tenu dans des bras. Le personnel fait bloc et personne ne veut dire qui a commis la maladresse. Un non lieu est donc probable. À vous de me dire maintenant si les avocats font des misères pour des broutilles à d'honnêtes médecins qui font de leur mieux.

— Vous me permettrez de reste coite un instant.

Qui paye ?

— Parlons d'argent, voulez-vous ?

— Je suis avocat : c'est mon sujet de conversation préféré.

— Qui paye ?

— Quand la responsabilité relève d'un établissement hospitalier, l'État. Quand c'est un praticien du privé, c'est le médecin, ou s'agissant d'une clinique, la clinique elle-même. Concrètement, leur assurance, même si, contrairement à nous les avocats, les médecins ne sont pas obligés d'être assurésMISE À JOUR : obligatoire depuis la loi du 4 mars 2002 (art. L. 1142-2 du Code de la Santé Publique [Merci Poggio]. Ce qui est une folie, puisque quand un médecin se plante, les dégâts peuvent être considérables.

Qui t'a fait toubib ?

—Une question impertinente me vient à l'esprit…

— Connaissant votre esprit, je frémis avant l'impact.

— Vous n'êtes pas médecin.

— Non, mais ce n'est pas une question.

— La voici : qui êtes-vous pour dire qu'un médecin a commis une faute ?

— Personne. Pas plus que le juge, cela dit.

— Est-ce une excuse ?

— Non, mais l'ignorance est plus supportable quand elle est équitablement partagée. C'est sur ce pilier que reposent tous les comptoirs de café du commerce. De fait, pour dire qu'un médecin s'est trompé, nous faisons appel… à un médecin. Tous ces dossiers donnent lieu à une expertise judiciaire. Zythom nous parle avec talent de son activité d'expert judiciaire en informatique. Un médecin fait de même, mais n'autopsie pas des serveurs ou des disques durs.

— Cela marche comment ?

— Très simplement. On ne choisit pas son expert, c'est le juge qui le désigne. L'adversaire doit être mis en cause pour pouvoir participer aux opérations et éventuellement avoir son mot à dire sur l'expert. Cette désignation se fait en référé, aussi bien au judiciaire (art. 145 du CPC) qu'à l'administratif (art. R.532-1 du CJA). L'expert se fait communiquer le dossier médical complet, épluche les compte-rendus opératoires, convoque les parties à une réunion d'expertise où la victime sera examinée en présence des avocats, du médecin ou de l'établissement mis en cause. Les avocats en “corpo” se font assister d'un médecin conseil, qui leur apporte leurs lumières. L'expert rend ensuite un rapport répondant aux questions et remarques faites par les parties, et c'est sur la base de ce rapport que les avocats vont ensuite s'étriper en toute confraternité. Vous voyez donc que ce droit n'existe pas contre les médecins, puisque des médecins y participent. J'ajoute que dans neuf cas sur dix, les victimes se plaignent surtout de ne rien savoir, que personne ne leur ait expliqué exactement ce qui s'est passé, ce qui leur est arrivé (ou à leur proche décédé). Il y a des réunions d'expertise qui sont des moments poignants, quand enfin le médecin exprime les regrets qu'il ressent, surtout quand il réalise la gravité de l'état de la victime. Un procès en responsabilité est une épreuve pour la victime mais aussi pour le médecin. Les deux ont un travail sur eux-même à effectuer, et si celui de la victime est le plus dur, les médecins y sont les moins préparés. Il ne s'agit pas de vengeance, mais de réparation. Personne ne dit qu'ils sont indignes de leur profession (une éventuelle action disciplinaire relève de l'Ordre des médecins), mais que sur ce coup là, ils se sont plantés, et qu'il faut réparer ce qui, sans leur erreur, ne serait jamais arrivé.

L'inévitable arrêt Perruche

— Une dernière question, si vous le permettez ?

— Chère lectrice, avec moi, vous avez toute licence.

— Je n'en attendais pas moins de vous. Il me souvient d'un arrêt au nom d'oiseau qui a défrayé le chronique…

— L'arrêt Perruche.

— Celui-là même. Je crois me souvenir qu'il s'agissait d'une femme enceinte qui avait subi un examen pour diagnostiquer une éventuelle rubéole, maladie qui présente de graves danger pour le fœtus. Elle avait clairement dit que si elle était positive à ce myxovirus, elle se ferait avorter, ne désirant prendre le risque d'avoir un enfant atteint des graves malformations que provoque cette maladie.

— Votre mémoire ne vous trompe pas.

— L'examen fut négatif.

— Ô combien ! En fait, il fut positif, mais interprété à tort comme négatif.

— En effet puisqu'en réalité, elle était bien atteinte du rubivirus, et elle donna naissance neuf mois plus tard à un petit garçon atteint de graves séquelles neurologiques.

— Nicolas. Invalide à 100%.

— Il était donc acquis que si le diagnostic avait été correctement posé, la mère aurait pratiqué une IVG.

— Cela ne faisait pas l'ombre d'un doute.

— Pourtant, l'enfant fit un procès au médecin ayant commis l'erreur de diagnostic.

— Ses parents, en son nom, pour être exact.

— Et il triompha.

— Je vois mal comment il aurait pu en être autrement.

— Mais enfin ! Vous vous gaussez ? Cet enfant ne pouvait de plaindre que d'être né, que d'avoir échappé à l'avortement, puisqu'aucun traitement n'aurait pu prévenir les dommages qu'il a subis. La vie, fût-elle handicapée, est-elle un préjudice ?

— Vous parlez comme un médecin, ou pire un moraliste. Je vous demande de parler en juriste. Langue où les épithètes comptent. Nul n'a jamais prétendu que le préjudice subi par Nicolas Perruche était d'être né.

— Mais…

— Il est d'être né handicapé. Si vous escamotez cet article, vous vous condamnez à ne pas comprendre l'arrêt du 17 novembre 2000. Vous vous souvenez des trois mamelles de la responsabilité civile ?

— Absolument : la faute, le préjudice, et le lien de causalité reliant la faute et le préjudice.

— Exact. Ici, il y a eu faute : le médecin devait diagnostiquer la rubéole par le simple examen attentif des résultats (un premier échantillon a été négatif, un deuxième prélevé quinze jours plus tard positif ; le premier échantillon, testé à nouveau, fut positif, ce qui prouvait la présence d'une contamination récente par la Troisième Maladie). Le nierez-vous ?

— Non point.

— Ici, il y a eu préjudice : Nicolas est atteint depuis sa naissance de troubles neurologiques graves, frappé d'une surdité bilatérale, d'une rétinopathie qui va conduire inéluctablement à sa complète cécité, et d'une cardiopathie. Nierez-vous que cela est un préjudice ?

— J'en serais incapable.

— Enfin, il est établi que ces affections sont dues à la rubéole de la mère. Ça n'est nullement contesté d'ailleurs. Donc, il y a un lien de causalité entre la rubéole et les affections, et il est certain que si l'erreur n'avait pas été commise, Nicolas ne serait pas né handicapé ?

— Il ne serait pas né tout court.

— Donc pas né handicapé. Auquel cas il n'y aurait pas eu de préjudice. Voilà qui me semble établir un lien de causalité, sauf à insinuer que Nicolas devrait éprouver la plus grande reconnaissance à l'égard de ce médecin qui lui a sauvé la vie par erreur. Argument séduisant pour les mouvements anti-IVG, mais peut-être moins du point de vue (si j'ose dire) de Nicolas.

— Mais la vie n'est pas un préjudice !

— Non, mais la vie handicapée, oui. Vous voyez comme un épithète vous manque est tout est dépeuplé ?

— Était-il nécessaire de passer par ces circonvolutions aux limites de la morale, juste pour indemniser un enfant ?

— Laissez donc la morale où elle est, surtout si on l'invoque pour dire qu'un enfant naissant avec un tel handicap ne devrait pas être indemnisé de ce qu'il subit. Je ne l'aime pas, votre morale. Parlons plutôt du droit. Car cet arrêt avait un apport fondamental.

— Lequel ?

— Dans des hypothèses analogues, l'indemnisation des parents n'a jamais posé problème. Eux subissent un préjudice, et personne ne prétendra que c'est du fait d'être nés.

— Certes.

— Les parents de Nicolas ont d'ailleurs été indemnisés pour leur préjudice individuel consistant à devoir vouer leur vie à s'occuper d'un enfant lourdement handicapée alors qu'ils avaient exprimé leur refus d'une telle éventualité et avaient les moyens légaux de l'éviter.

— Fort bien.

— Mais cette indemnisation appartient aux seuls parents. Réparant leur malheur, libre à eux d'en faire ce qu'ils veulent.

— Y compris autre chose que s'occuper de leur enfant ?

— Absolument. Hormis un poste particulier, le “préjudice d'éducation” qui indemnise la surcharge financière qu'implique élever un enfant polyhandicapé (cela peut inclure un voire deux voire trois salaires d'assistants à domicile !). Mais ce préjudice d'éducation n'existe que tant que subsiste l'obligation d'éducation. À 21 ans, 25 au plus tard, l'enfant devenu adulte est censé se prendre en charge lui-même. Tandis que l'indemnisation affublée du masque du « préjudice d'être né » appartenait en fait à l'enfant et entrait dans son patrimoine.

— Donc devait être consacré à l'intérêt de l'enfant et couvrait ses besoins pour sa vie entière !

— Vous avez compris. Et notamment, lors du décès des parents, l'État et les autres héritiers ne viennent pas en prélever une part pour leur compte, sans obligation de prendre soin de l'handicapé en contrepartie.

— Mais alors, loin d'être une décision injurieuse pour les handicapés, c'était une décision formidablement protectrice des handicapés !

— Était. Car les médecins sont venus crier famine chez le législateur, leur chœur étant repris, la farce était complète, par des associations d'handicapés.

— Le choux qui défend la chèvre ?

— Là encore, je vous laisse la responsabilité de la métaphore légumineuse. Et une loi du 4 mars 2002, oui, celle-là même sur les droits des patients, a mis fin à cette jurisprudence rendant toute action de ce genre purement et simplement irrecevable.

— Sans contrepartie ?

— Tout comme : il y eut une promesse en contrepartie, que ces personnes lourdement handicapées seraient prises en charge par la solidarité nationale. On attend encore les décrets d'application, à ma connaissance.

— Et cela a donné ?

— Une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, à l'unanimité des 17 juges formant la grande chambre. Saluée comme il se doit par Veuve Tarquine, qui précisément exerce dans cette redoutable discipline qu'est le “Corpo”.

— La connaissant de réputation, je devine le feu d'artifice…

— Un bouquet, du début à la fin. En conséquence, la cour de cassation a jugé récemment que les réclamations portées avant la loi du 4 mars 2002 seraient encore recevables, ce par un effet rétroactif d'application immédiate©. Pour aux enfants nés après le 6 mars 2002 : Vae Victimis. Maintenant, vous aurez l'obligeance de me dire où se trouve la morale. Pour ma part, je suis de ceux qui l'ont vu périr sous les applaudissements qui ont accueillis le vote de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002. Il est vrai que dans l'hémicycle, personne ne se souvient plus de ce à quoi elle ressemble, la morale.

— Je vous trouve bien amer.

— Il y a de quoi, et encore : moi, je n'ai pas eu de clients qui ont subi les conséquences de cette loi. Je suis lâchement soulagé de n'avoir pas eu à leur expliquer la nouvelle en les regardant dans les yeux.

— Maître, je vous remercie, j'ai trop abusé de votre temps. Je vous laisse partir en vacances, vous l'avez bien mérité.

— Merci, chère lectrice, mais de grâce, je vous en conjure ! Ne m'appelez pas maître, quand je ne suis que votre très humble et très dévoué serviteur.


Adresses utiles :

Le site de l'ANADAVI, Association Nationale des Avocats de Victimes de Dommages Corporels, avec la liste des avocats adhérents. Ils sont tous compétents en la matière et adhèrent en outre à des bonnes pratiques qui s'ajoutent aux obligations déontologiques communes à tous les avocats. Je précise que je ne suis affilié d'aucune manière à cette association, je serais plutôt de l'autre côté de la barre.

Le site de l'ANAMEVA, Association Nationale des Médecins Conseils de Victimes d'accident avec dommage corporel. Auxiliaires précieux des avocats, ils les assistent lors des expertises qui visent à établir la faute et le préjudice.

Notes

[1] localisation anormale du placenta qui peut être responsable d'hémorragies sévères au cours du troisième trimestre de la grossesse. Le placenta est normalement inséré dans le fond de l'utérus, il est dit prævia lorsque ce n'est pas le cas (Wikipédia).

[2] Contractées à l'hôpital.

[3] Il s'agit de l'opacification du canal rachidien, dans lequel se trouve la moelle épinière, par injection d'un produit iodé, donnant ainsi à la radiographie une image du canal, de ses contours, et du départ des racines nerveuses. Aujourd'hui (l'affaire remonte à 1976), depuis la généralisation du scanner, cet examen est beaucoup moins pratiqué.

[4] CAA Lyon, 21 décembre 1991, Gomez

[5] CE, Ass., 9 avril 1993, Bianchi.

[6] Nées du traitement médical.

[7] L'exercice illégal de la médecine est puni de deux ans d'emprisonnement.

[8] Civ 1re, 7 oct. 1998 (J.C.P. 1998-II-10179, concl. Saint-Rose, note P. Sargos, Bull. civ. I n°287 et 291).

Commentaires

1. Le lundi 4 août 2008 à 01:19 par *Celeborn

Article tout à fait passionnant (et effectivement parfois terrifiant). Je profite de ce message pour vous remercier, vous et vos commensaux, de ce blog que je lis avec un grand intérêt. Et, pour apporter ma touche "professionnelle", je signale que si j'ai le plaisir de découvrir ici une orthographe alternative à "Hippocrate", j'ai toutefois cillé devant "un épithète vous manque ". Le féminin s'impose.

Bonnes vacances !

Eolas:
Oups… Désolé, moi et le grec. En droit, on fait du latin.

2. Le lundi 4 août 2008 à 01:30 par Poggio

L'article L. 1142-2 du Code de la santé publique (issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) dispose que les professionnels de santé exerçant à titre libéral et les établissements de santé "sont tenus de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative susceptible d'être engagée en raison de dommages subis par des tiers et résultant d'atteintes à la personne, survenant dans le cadre de l'ensemble de cette activité".

3. Le lundi 4 août 2008 à 01:55 par Paralegal

Ah ! Quel plaisir de retrouver les dialogues à destination de l'éducation de votre lectrice, dans un billet dense et intense qui retentit comme un bouquet final généreux annonçant votre départ en vacances.

Trop de matière pour pouvoir pertinnement poser tout de go les questions qui se pressent ; cela étant je ne vais pas manquer de signaler ce billet aux amis médecins avec lesquels j'ai déjà abordé ce vaste sujet, en espérant les voir venir partager ici leurs expériences et leurs opinions.

Profitez bien, et revenez-nous avec une pêche d'enfer !

4. Le lundi 4 août 2008 à 02:16 par Mathieu

Passionnant - et quelle plume !... En ce qui concerne l'exception à l'obligation d'information, et plus particulièrement la primauté de l'urgence dispensant le praticien de la dite obligation si le patient est inconscient ou en danger de mort, le patient (voire sa famille) est-il fondé en droit à se retourner après coup contre le médecin au motif de préjudices lourds que l'opération aurait causé ? Je précise : non pas parce que les préjudices en question découleraient d'une faute du toubib (la réponse étant évidemment oui dans ce cas là), mais dans l'hypothèse où le patient ferait valoir l'argument selon lequel il était raisonnable (j'entends bien que toute la question tient dans ce mot..., mais ça semble au moins pouvoir se plaider) de penser que ces risques lourds auraient raisonnablement (bis) dissuadé le patient de se faire opérer.

Autres questions, vous écrivez :

"De même, le code de déontologie médicale, approuvé par la jurisprudence, accepte que cacher la vérité au patient sur son état de santé n'est pas fautif, si cette vérité est celée dans l'intérêt du patient."

Pourriez-vous donner quelques exemples Maître ?...
Le code de déontologie médicale (et/ou la jurisprudence) justifie-t-il cette primauté de l'intérêt du patient sur son droit à l'information ?
Comment inclut-il dans cette primauté le facteur temps en vertu duquel (si j'ose dire) la dissimulation d'une vérité qui était apparue bénéfique à l'intérêt du patient à un moment donné peut ultérieurement se révéler être allé à l'encontre de ce dernier ?
Enfin, dans quels cas le patient est-il fondé en droit à contester après coup la vision que son médecin se faisait de son intérêt ?

5. Le lundi 4 août 2008 à 03:15 par marsh

Excellent billet, qui me rappelle mes cours de médecine légale.

Petites précisions:

- Les médecins qui exercent à l'hopital peuvent etre eux aussi poursuivis en civil si une faute personnelle et detachable du service est avérée. Il leur est même recommandé de souscrire une assurance. Pour les médecins libéraux, une assurance est obligatoire pour pouvoir exercer.

- Les étudiants en médecine ont des cours de droit en médecine, au cours de leur 2éme cycle. Un volume restreint certes, mais toutes les notions de responsabilités que vous avez évoqué sont couvertes.

>Mathieu
- Concernant le mensonge d'un médecin à son patient, il doit obéir à des conditions strictes, selon les recommandations en vigueur : seulement si un intérêt peut en être tiré au bénéfice du patient et seulement pour lui (par exemple cacher à un patient qu'il va mourir dans les 6 semaines, pour lui éviter l'anxiété et la dépression pendant ses derniers instants); l'obligation de l'annoncer à un parent ou à une personne désignée par le patient; et enfin que ce mensonge ne retarde pas la mise en route d'un traitement urgent, ou si il y a un risque de transmission d'une maladie (conséquence pratique: pas de mensonge possible devant un malade séropositif). Tout en sachant que ce genre de position évolue en même temps que la maladie et la dynamique de la relation médecin malade, et peut donc être révisée à tout instant.

6. Le lundi 4 août 2008 à 03:41 par Lovo

Cher Maître, vous êtes bien bon de nous prêter un comportement monacal. Peut-être mes condisciples d'Assas sont restés plus traditionnels, mais les soirées "droit" finissent désormais quand commencent les premiers cours du matin.

Un coup de plume à votre chapeau, ou l'inverse, et merci pour ce cours, dont la clarté et la concision n'ont d'égal que le pouvoir soporifique des individus qui sévissent en bas des amphithéâtres.

7. Le lundi 4 août 2008 à 04:33 par Lumina

Je suis allé voir cette loi du 4 mars 2002, et j'y lis :
« IV. - Le présent article est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna ainsi qu'à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. »

Quel besoin est-il de l'écrire ? Par défaut, un article de loi française ne s'applique-t-il pas partout en France ? Faut-il souvent ajouter cette précision dans la loi ?

8. Le lundi 4 août 2008 à 08:42 par Tjaren

Le style des dialogues rappelle Fortune de France de Robert Merle, me trompe-je ?

Eolas:
Non point, c'est voulu, mais vous n'êtes pas le premier à faire la remarque.

9. Le lundi 4 août 2008 à 09:12 par Brasil80

@Lumina

Je présume que c'est lié au fait qu'il s'agit de Communautés d'Outre Mer (ex T.O.M.) au statut particulier. Ils ne font pas partie intégrante du territoire national, au contraire des D.R.O.M., il faut donc à chaque fois préciser si çà s'applique ou pas sur ces "confettis de l'empire".

Eolas:
C'est l'article 74 de la Constitution qui pose le principe que les lois de la République ne sont pas de plein droit applicables aux TOM (elles le sont aux DOM).

10. Le lundi 4 août 2008 à 10:06 par Cimon

L'article L. 251-1 du code des assurances reprend le texte de l'article L. 1142-2 du code de la santé publique.

Plus intéressant, la mise en œuvre de la responsabilité civile médicale suit une règle particulière, celle de la "base réclamation", dérogatoire de la règle générale du "fait dommageable". Ainsi, l'assureur tenu à indemnisation n'est pas celui du praticien au moment de la survenance du sinistre, mais celui du praticien au moment de la première réclamation (article L. 251-2 du code des assurances), avec garantie subséquente pour la période de cessation d'activité.

Désolé.

11. Le lundi 4 août 2008 à 10:31 par Elise

Je profite que vous mentionniez vos futurs temps d'oisiveté pour vous conseiller d'aller lorgner du côté du cinéma Grand Action, où Paul Newman en avocat décrépi bataille contre des lobbies médico-catholiques dans Le Verdict.
Bien à vous.

12. Le lundi 4 août 2008 à 10:34 par because

@ Lumina

il y a des pans entiers du droit qui ne s'appliquent pas en Nouvelle-Calédonie. c'est le statut de la Calédonie et d'autres collectivités d'outre-mer qui conduit à cette situation. tenez : ici, pas de loi Neiertz, pas de 35 heures, pas de prud'hommes (mais un tribunal du travail). bref un juriste débarquant de l'avion n'est pas vraiment au point.

en revanche, je rassure la population : on y a vu un médecin pousser sa clientèle à porter plainte contre ses chers confrères de l'hôpital public (il faut bien donner un peu de boulot au T.A.). fort heureusement, ce triste sire est allé depuis massacrer les gens ailleurs.
je me souviens de quelques cas portés devant les tribunaux. un, notamment : un anesthésiste (clinique privée) réussissait l'exploit de surveiller deux opérations à distance (plusieurs kilomètres!). la patiente (de chirurgie esthétique) étant morte, alors que cette opération lui avait été offerte pour ses 20 ans, l'affaire est allée devant le tribunal.

13. Le lundi 4 août 2008 à 10:37 par Suzanne

A moins que les programmes changent d'une université de médecine à l'autre (ce qui m'étonnerait fortement, les programmes d'enseignement universitaire me semblant faire l'objet d'un décret), les première années ont une soixantaine d'heures de sociologie couvrant (rapidement) notamment les questions d'éthique et de déontologie. [cf. www.remede.org/spip/artic...
Il existe cependant de nombreux diplômes universitaires ouverts aux médecins et aux autres professionnels de santé axés sur les droits du patient, la responsabilité médicale et plus généralement le droit médical (notamment au sein du droit hospitalier).

14. Le lundi 4 août 2008 à 10:44 par chris

Or la responsabilité n'est que la contrepartie logique et naturelle de la liberté du médecin.

Si on remplaçait médecin par juge d'instruction qu'elle serait la suite de l'article

Cordialement

Eolas:
Un superbe hors sujet. Mais un magistrat est responsable. Souffrez cependant qu'il soit mis hors de cause quand il n'a pas commis de faute.

15. Le lundi 4 août 2008 à 10:46 par guren

La responsabilité subtile…

L’administration hospitalière autorise des médecins « du public » c’est-à-dire exerçant uniquement en milieu hospitalier à donner des consultations « privées » dans des locaux « publics ». Si une faute devait occasionner un préjudice à l’issue de cette consultation privée, vers quel juge devrait-on se tourner ?...

Eolas:
Le juge judiciaire, puisque le médecin est payé directement par le patient.

16. Le lundi 4 août 2008 à 10:53 par grum lee

j'en profiterais pour rajouter qu'il doit aussi y avoir des personnes (bêtes) qui ne vont pas chercher à se faire indemniser alors qu'elle serait entièrement dans leur droit de le faire...

je prendrais l'exemple de ma grand-mère qui a subi moult mésaventures médicales suite au diagnostic (très tardif) d'une tuberculose osseuse de la hanche.

1ère opération : on lui a retiré toute la partie de la hanche qui était irrécupérable et on lui a posé une broche/plaque métallique extérieure. Après l'opération, se plaignant de douleur, on réexamine ma grand-mère : l'intestin a été perforé durant l'opération...

2nde opération : réparation de l'instestin, et cerise sur le gateau, pendant l'opération, elle chope un staphylocoque doré (infection nosocomiale).

3e opération : on retire la broche et la plaque métallique, ma grand-mère se retrouve avec une jambe plus courte de 5 ou 6 cm par rapport à l'autre

Elle restera hospitalisé plusieurs mois à la suite de ces opérations...

Ca s'est passé avant la loi de 2002 (milieu des années 90), personne dans la famille n'a eu l'idée (ou l'envie) de tenter d'obtenir une indemnisation pour ma grand-mère, qu'elle aurait très certainement obtenue...

Eolas:
Pour l'infection nosocomiale, oui. Pour la perforation de l'intestin aussi (la maladresse du chirurgien est une faute). Pour le reste, il aurait fallu établir que le diagnostic tardif était fautif (un diagnostic tardif n'est pas fautif en soi si tous les symptômes ne sont pas perceptibles).

17. Le lundi 4 août 2008 à 11:02 par musashi

@ 14 chris, ben non, si la responsabilité du médecin est la contrepartie logique et naturelle de la liberté du médecin....c'est aussi parce qu'il y a contrat entre le médecin et son patient...(il faut lire l'article en son entier, et pas pêcher les parties qui vous intéressent)

ce n'est pas le cas avec un juge d'instruction qui agit au nom de l'Etat,

ainsi, le juge d'instruction n'est pas payé par les prévenus et ne peut donc pas s'assurer comme le fait un médecin...etc....

bref, c'est de l'analogie de café du commerce ce genre de reflexion,


Eolas:
Il n'empêche que le juge d'instruction est responsable de ses actes. Pénalement, disciplinairement, et théoriquement, civilement.

18. Le lundi 4 août 2008 à 11:04 par juriste de droit civil

"Vous parlez chinois pour un juriste du droit civil. Le droit civil ne connaît qu'une faute, la faute" ; pas tout à fait exact :
- d'une part, en matière contractuelle, la faute lourde permet d'écarter les clauses limitatives de responsabilité stipulées dans certains contrats ; et la faute dolosive d'obtenir l'indemnisation du préjudice même non prévisible (art. 1150 code civil)
- d'autre part, certaines conventions internationales subordonnent la mise en jeu de la responsabilité de tel ou tel opérateur à une "faute inexcusable" (si ma mémoire ne me fait pas défaut - car mes études commencent malheureusement à dater... - par ex dans le domaine du transport international aérien).

Eolas:
Vous auriez pu invoquer aussi la faute inexcusable cause exclusive du dommage de la victime non conductrice d'un accident de la circulation. Mes lecteurs savent que le droit est la science des exceptions.

19. Le lundi 4 août 2008 à 11:09 par Disciple de Bourgelat

Bonjour Maître
Tout d'abord, un grand merci pour cet article passionnant.
J'ai une question sur une profession où l'on apprend (et l'on boit!) tout autant que les médecins: quid de la responsabilité des vétérinaires?

Eolas:
Elle relève grosso modo du même régime, mais elle est moins souvent engagée du fait que le préjudice est peu élevé financièrement au regard des frais de procédure. Que Mirza soit morte cause certes du chagrin, mais déjà que les juges indemnisent misérablement la mort d'un enfant, je vous laisse deviner le prix d'un caniche. Il y a des exceptions, si l'animal avait une valeur économique (reproducteur, animal de compétition, chien guide d'aveugle, espèce rare). Il faut donc une faute qui a causé un préjudice (hadicap à vie, mutilation ou mort de l'animal).

20. Le lundi 4 août 2008 à 11:19 par Suzanne

Pour répondre à Guren, il me semble que cela dépende des circonstances de la faute: par exemple, si le dommage est du à une mauvaise organisation de l'hôpital, ce dernier est responsable, d'où un recours devant le juge administratif. Mais si c'est le médecin qui fait une erreur (exemple lors d'une intervention, il oublie une compresse dans le patient, qui s'infecte et cause un préjudice) dans le cadre de son secteur privé à l'hôpital, sa responsabilité peut être engagé devant le juge judiciaire.

Le recours devant le juge administratif est souvent mis en avant car en portant sur la puissance publique (l'État, l'hôpital), il porte sur une personne juridique solvable. Ce qui n'est pas forcément le cas des médecins exerçant en libéral, malgré l'assurance désormais obligatoire.

Je me pose cependant une question: l'assurance peut-elle exercer une sorte d'action récursoire contre un de ses assuré condamné? Logiquement non, mais le droit étant la discipline des exceptions, le doute m'envahit.

21. Le lundi 4 août 2008 à 11:20 par Paralegal

Voici ce qui me chatouille, ou plutôt me gratouille, depuis la lecture de votre billet par ailleurs très complet : n'y manque-t-il pas un volet pénal ?

Je ne suis pas en mesure de dire s'il est fréquent que la responsabilité pénale des médecins ou établissements médicaux publics ou privés soit recherchée et établie, mais il me semble que rien ne s'oppose — mon questionnement est, comme souvent, tout théorique, je préfère le préciser — à ce qu'un médecin du public ou du privé et/ou l'établissement soient renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire, blessures involontaires, mise en danger d'autrui ou encore omission de porter secours.

Et quand bien même le médecin serait relaxé, il pourrait être reconnu civilement responsable par la juridiction pénale, depuis la consécration qui m'est chère de la dualité des fautes pénale et civile en matière d'infractions non intentionnelles.

Alors donc, convient-il de prendre en compte la potentielle responsabilité pénale, ou bien faut-il que je consulte pour surmenage ?

Eolas:
Absolument. La faute qui aggrave la condition de la victime peut être pénale, les médecins ne jouissent d'aucune immunité particulière en cas de faute : il peut y avoir homicide involontaire, ou blessures involontaires. Cette voie permet d'obtenir une expertise sans avoir à la payer puisqu'elle est ordonnée par le juge d'instruction. Les affaires du sang contaminé et de l'hormone de croissance ont ainsi eu un volet pénal. Naturellement, le geste chirurgical normal ne saurait être qualifié de violences volontaires (une profonde entaille est pratiquée sur le corps de la victime) avec arme (bistouri) en réunion (toute l'équipe opératoire) avec préméditation (l'opération a été planifiée) ayant entraîné une mutilation (ablation de l'appendice).

22. Le lundi 4 août 2008 à 11:33 par Sylvain J

Magistral exposé dont la lecture devrait donner droit à des crédits de formation continue. Mais le pénal? la responsabilité civile, honneur du médecin, mille fois oui. L'honorable médecin est d'ailleurs assuré parce qu'une faute professionelle, sur une carrière, ça arrive.

Par contre se retrouver pris dans l'interminable machinerie pénale au titre d'une maladresse ou d'une inattention, est-ce que ce n'est pas là que le bat blesse? le hasard frappe certains patients et pas d'autres, le droit français des infractions involontaires rétablit un équilibre vengeur en frappant des médecins au gré des inattentions.

C'est certes aussi le lôt de tout conducteur lambda (ah! la belle fiction de la maitrise du véhicule), mais on ne peut pas en vouloir aux médecins de se sentir plus exposés du seul fait de leur profession.

Eolas:
Non, c'est un fait : ils le sont plus. Mais c'est eux qui ont choisi de faire leur métier d'avoir la vie d'autrui entre les mains. Ils en ont les revenus, mérités jusqu'au dernier centime, ils en ont aussi les conséquences.

23. Le lundi 4 août 2008 à 11:48 par Arwendil

"C'est certes aussi le lôt de tout conducteur lambda (ah! la belle fiction de la maitrise du véhicule), mais on ne peut pas en vouloir aux médecins de se sentir plus exposés du seul fait de leur profession."

Est-ce que les chauffeurs routiers ne sont pas plus exposés du seul fait de leur profession? Ont-ils droit à des faveurs quand ils tuent des gens à cause d'une maladresse ou d'une inattention?

Autrement un articles vraiment très intéressant et instructif merci donc.

Eolas:
Non, ils ne sont pas plus exposés à cause de leur profession. Ils ont les mêmes obligations que tout conducteur, outre celles liées à leur travail de respecter des temps de repos.

24. Le lundi 4 août 2008 à 11:53 par unread

Oh oui qu'il est intéressant ce billet.
En creux, je crois comprendre que le droit "corpo" provient essentiellement des jurisprudences, et que l'intervention du législateur, que vous dites maladroite, est récente dans le champ opératoire (ils sont assurés les parlementaires ?). J'ai bon ?

Par ailleurs, la Cour Européenne ayant condamné la France, pourquoi considérez-vous que la loi de 2002 mette un terme à la recherche d'indemnisation par la voie judiciaire ? Si le médecin ne peut être condamné, diantre, c'est la France qui le sera (le motif est simplement d'avoir épuisé les recours dans son propre état) !
Si j'ai bien suivi, certains motifs sont une garantie d'obtenir gain de cause contre la République (libre circulation...), pourquoi pas le droit des patients ?

Pour finir, informaticien de mon état, je souhaite vivement voir transposer ce concept de "connaissances établies", qui permettra j'en suis sûr de se débarrasser définitivement de certains prestataires et logiciels.

Eolas:
La CEDH a condamné la France pour l'effet rétroactif de la loi, qui a mis fin aux actions en cours. Violation de l'article 1er du premier protocole additionnel, droit de propriété, perte d'une créance acquise. Elle n'a pas encore statué sur cette loi pour ses effets pour l'avenir, mais rien ne permet de penser qu'elle la sanctionnerait.

25. Le lundi 4 août 2008 à 11:57 par Dam

Vraisemblablement le Dr House n'airait pas tenu 3 épisodes en France ... /o\

Eolas:
le docteur Gregory House a juste un problème au niveau de l'information du patient et du consentement éclairé. Cela dit, vous noterez que la directrice de l'hôpital a une solide formation juridique, et engage même pendant u ntemps un avocat à plei ntemps pour surveiller ce praticien.

26. Le lundi 4 août 2008 à 12:03 par guren

En réponse à Suzanne (commentaire n°20)…
Oui, je suis bien d’accord avec vous, on navigue à la limite des eaux territoriales.

27. Le lundi 4 août 2008 à 12:12 par guren

En réponse à Paralegal (commentaire n°21)

Le volet pénal ne doit, bien entendu, pas être mis de côté : voir en ce sens l’article 121-3 cp.

28. Le lundi 4 août 2008 à 12:13 par GNTB

@Paralegal,

Il me semble (en tout cas c'est que l'on nous apprend à la fac) que si, étant interne de garde dans un hôpital public, je refuse de me déplacer alors qu'une infirmière m'a appelé pour voir un malade et qu'au final se dernier décède faute de soin, ma faute pourra être détachée du service et à priori pourra engager ma responsabilité pénale. Je serais curieux de connaître d'autres situations pour lesquelles ma responsabilité pénale pourrait effectivement être engagée.

29. Le lundi 4 août 2008 à 12:21 par Le T

@19 Disciple de Bourgelat

Là aussi, le consentement libre et éclairé de l'animal est indispensable.

30. Le lundi 4 août 2008 à 12:27 par Cimon

@GNTB

Il me semble que la notion de "faute détachable du service" (mais le service n'est pas détachable de la faute, dixit M. Blum) est une notion de droit administratif. Dans ce cas, l'État demeure a priori responsable, sauf faute manifestement dépourvue de tout lien avec le service (et il faut y aller pour qu'il n'y ait aucun lien avec le service). Quoi qu'il en soit, la responsabilité, au sens de droit à réparation, sera engagée dans ce cas.

Au niveau de la responsabilité pénale, celle-ci peut être engagée a priori indépendamment des poursuites civiles/administratives en responsabilité. Et en général (pas dans le seul cas de la responsabilité médicale), fautes civiles et pénales sont très loin de se recouper. Les fautes pénales ne sont d'ailleurs même pas nécessairement des fautes civiles...

31. Le lundi 4 août 2008 à 12:42 par authueil

Et ce n'est pas fini, l'avant projet de loi sur la santé contient des dispositions sur l'indemnisation des accidents médicaux...

Pour le moment, il est au conseil d'Etat, on devrait le voir arriver à l'automne !

32. Le lundi 4 août 2008 à 13:12 par El Re


<<
— Vous, ma mie ? Cela ne saurait être. Quelle est la cause de votre trouble, que je lui fasse promptement un sort ?
>>

Remarque typiquement masculine, attention! les femmes veulent qu'on les écoute, qu'on compatisse avec elle, qu'on les comprenne, pas qu'on résolve leur problème.

33. Le lundi 4 août 2008 à 13:23 par Ally

Ce billet est très instructif, mais j'aurais une réserve à lui apporter.
Si les trois cas cités (je mets de côté l'arrêt Perruche que je ne connais pas, pour éviter de dire des âneries) sont édifiants, je me demande si on n'oublie pas dans ce débat une composante essentielle de la médecine: les médecins interviennent sur des hommes, pas sur des machines. Et il y a des cas, tragiques, où un patient se retrouve gravement handicapé ou invalide, voire décède, suite à une réaction ou à un événement que personne ne pouvait prévoir, même pas le médecin, sans qu'aucune faute ait été commise. J'ai dans mon entourage proche des médecins et des anesthésistes, qu'on ne peut pas soupçonner de corporatisme effrené, mais qui sont effarés de voir que les gens assimilent maintenant un soin médical à une réparation de voiture. S'il appartient au médecin de tout faire pour que les soins apportés améliorent la santé du patient au lieu de la détériorer, aucun médecin ne peut dire à un patient "ce soin est garanti 100% sans risque pour vous". Or les patients attendent un risque zéro, là où il n'y en a pas.

J'aurais donc une question. Comment, d'un côté, protéger et défendre les patients victimes d'une erreur flagrante, et de l'autre côté ne pas tomber dans l'excès qui consiste à attaquer en justice le médecin même quand on peut prouver qu'il n'y a aucune faute qui a été commise (ce qui, je vous l'accorde, est la ligne de défense la plus souvent utilisée même quand la faute est manifeste)?

Eolas:
Je suis persuadé que si quelques médecins un peu bloqués cessaient de voir en leur patients des écervelés au comportement stéréotypé de consommateurs, mais des adultes, parfaitement capables de comprendre les limites de la médecine et qui ont besoin qu'on leur explique clairement les choses, la situation s'arrangerait très vite. Il faut pendre haut et court les mandarins qui enseigneraient encore que le secret médical est opposable au patient, qui n'a pas à connaître la réalité de son état mais se remettre pieds et poings liés au praticien. Que les médecins parlent à leur patient pour lui dire autre chose que trois gélules matin midi et soir pendant huit jours. Dites-lui le nom de sa maladie, expliquez le choix du traitement que vous proposez, sollicitez son accord. Dans 99% des cas il vous répondra : c'est vous le médecin, je vous fais confiance. Hé bien ça, c'est un consentement éclairé. car les patients soupçonnent toujours une erreur quand ils ont l'impression qu'on leur cache quelque chose.

Ensuite, en cas d'accident grave, les médecins doivent comprendre que se voir assigné en référé expertise est une procédure normale, qui n'a rien d'infamante. Le patient veut avoir un avis d'expert compétent et indépendant, le cas échéant utilisable en justice, donc qui suppose la collaboration du médecin pour qu'il fournisse dossier et explications. Ce n'est pas un crime de lèse majesté que de demander à un médecin de s'expliquer sur ses choix. Si l'expertise révèle qu'ils ont été les bons, c'est tout bénéf' pour le médecin. Et si tel n'est pas le cas, c'est tout bénéf' aussi, puisque le médecin aura un confrère qui expliquera en quoi il s'est trompé. La mort inattendue d'un de vos patients n'est pas un événement anodin. À commencer pour votre patient. N'attendez pas que sa famille se dise "ha ben zut, tant pis, merci docteur". Demandez-vous plutôt : que feriez vous, vous, à leur place ?

34. Le lundi 4 août 2008 à 13:55 par Mathieu

@5 marsh

Merci beaucoup. Même si, le droit étant la science des exceptions, il n'est a priori pas inenvisageable que le droit à l'information puisse lui aussi en connaître, j'avoue que cette exception que l’on pourrait caricaturer sous les traits d’une amusante variation sur le thème du beati pauperes spiritu ne laisse pas de me sembler problématique : de quel droit le législateur, dans sa grande sagesse, a-t-il estimé qu’éviter au patient de finir ses jours en état de dépression (pour reprendre ce cet exemple et si tant est que l’on soit en mesure de prévoir que l’annonce provoquera effectivement cet effet psychologique) justifiait que le médecin lui dissimule la vérité - les conditions de cette dissimulation fussent-elles strictement encadrées ? Si je conviens bien volontiers qu’il est des vérités nuisibles, voire même fatales, ne puis-je pour autant pas arguer que c’est au patient concerné que la décision de les connaître ou de les ignorer doit (sans exception pour le coup) appartenir, et non au médecin ? Comment le législateur a-t-il pu estimé fondée une exception dépossédant un patient du droit à juger souverainement pour lui-même de ce qu'il veut ou ne veut pas savoir concernant son propre état de santé ?

35. Le lundi 4 août 2008 à 13:57 par Ally

Bon, j'ai tout relu, j'ai mieux compris, et mon commentaire n°33 n'a plus de raison d'être, puisque j'ai ma réponse.

36. Le lundi 4 août 2008 à 14:00 par Simplet

Vous ai-je bien compris quand vous écrivez que, dans le cas d'une infection nosocomiale (ou devrait on dire présumée nosocomiale), la faute n'est plus présumée mais doit être prouvée par la victime?

Si je vous ai bien compris, ça m'étonne fort: L'expertise (donc l'expert médical, certes) est celui qui dit (formellement: donne son avis) sur le caractère nosocomial ou non d'une infection, et dans ce domaine les critères des experts sont plutôt larges et généreux, et d'ailleurs non pertinents médicalement parlant: le simple délai entre une intervention et la survenue d'une infection suffit à l'expert pour la déclarer nosocomiale.
Apparemment la faute présumée, supprimée selon vous par le législateur, est réapparue par le fenêtre de l'expertise.

Eolas:
Je crains que les experts ne soient un peu plus rigoureux que vous. Le critère temporel est un critère pertinent mais insuffisant en soi. Mais il est des infections que ne s'attrapent pas en serrant la main ou en respirant ses miasmes. Certains de ces agents pathogènes ont paradoxalement la santé fragile et il leur faut une voie royale, comme une plaie ouverte, pour s'installer confortablement. Un patient qui n'a eu aucune plaie dans la période de temps entourant son opération exception faite de l'incision chirurgicale et qui se retrouve avec un staphylocoque doré peut exciper d'un autre indice de nosocomialité que la simple concomitance. Et si le même jour, plusieurs patients opérés dans le même bloc ont également été infectés, là encore, l'expert pourra commencer à supputer sans se fonder sur la simple coïncidence temporelle. À crorie que les experts savent de quoi ils parlent.

37. Le lundi 4 août 2008 à 14:17 par Mathieu

@ 33 Ally

Peut-être peut-on répondre à ta dernière question en soulignant la nécessité de dissocier les rôles et les responsabilités (ou pour le dire rapidement, l'impossibilité d'empêcher ou d'interdire aux gens d'avoir tort) : ceux du législateur sont de permettre aux plaignants de porter plainte, pas de faire que toute plainte soit fondée soit légitime, avant même qu'un tribunal l'ait reconnue comme telle. Si une telle détermination a priori était possible, l'existence même du procès et du tribunal seraient inutile. A priori, j'imagine que lorsqu'un plaignant dépose plainte, il s'estime sincèrement être victime d'une faute commise à son endroit. S'il se révèle "qu'il n'y a aucune faute qui a été commise", le tribunal rejettera sa plainte et il sera débouté. Mais c'est au tribunal qu'il appartient de déterminer le caractère excessif ou abusif d'une plainte, et partant de la rejeter. Une telle possibilité représente sans nul doute une gêne pour le praticien accusé (comme pour tout accusé du reste), mais enfin, c'est la croix de la justice que de ne pas pouvoir s'assurer a priori de ne juger que des coupables. Et puis, si le plaignant agit dans un esprit procédurier, il lui en cuira finalement à lui aussi et il n'obtiendra au final pas satisfaction.
N'étant pas juriste, j'imagine quand même que le législateur a fixé des conditions suffisamment restrictives au dépôt d'une plainte pour faute et qu'on ne peut pas déposer plainte à l'envi pour des fautes manifestement imaginaires - mais c'est peut-être là qu'il y aurait matière à progrès, je ne sais...

38. Le lundi 4 août 2008 à 14:42 par Aude

Il y a qqchose qui m'échappe concernant la loi du 4 mars 2002: le fait que la CEDH a condamné la France n'a rien changé? ça n'a pas remis en cause la loi? a part le fait que la cour de cassation a jugé recevable les affaires concernant les enfants nés avant cette loi...

39. Le lundi 4 août 2008 à 15:05 par J-net

Merci à Me Eolas pour ce billet aussi passionnant que détaillé. Je me demande si la "Doc" qui l'a suscité viendra réagir...

La façon dont les erreurs/accidents médicaux sont reconnus et indemnisés par notre Justice me semble effectivement très révélatrice de l'air du temps. Un médecin -engagé dans la défense des victimes- que j'interviewais il y a quelques mois sur ce sujet me disait que selon lui 60% des dossiers mettant en cause la responsabilité des médecins n'existeraient pas si les praticiens prenaient le temps de parler avec leurs patients: pour les informer avant, pour leur expliquer après, lorsqu'un problème survient. Le fait est qu'aujourd'hui, les malades et leurs familles hésitent de moins en moins à demander des comptes devant les CRCI et au Tribunal, quand il leur semble qu'on ne les a pas pris en charge correctement.
De l'autre côté, je suis très frappée de la façon dont le corps médical (qui travaille sous pression, dans des conditions parfois parfaitement inacceptables) réagit à cette évolution. En bonne logique, on pourrait espérer que les médecins en tirent comme conséquence: j'arrête de prendre mes patients pour de la viande, je m'adresse à leur cerveau, je les avertis des risques et des aléas... En réalité, j'ai l'intuition que le système de santé se "protège" de plus en plus en ajoutant des tas de procédures administratives destinées à se défendre si jamais un problème survient et que le patient attaque. Certaines de ces procédures sont certainement parfaitement utiles. Mais une partie me semble alourdir la machine et nous conduire vers ces scènes caricaturales, dans les séries américaines, dans lesquelles une infirmière agite des formulaires de consentement sous le nez d'un patient sub-claquant...
Cela dit, je suppose aussi que cela dépend des médecins, individuellement et des équipes, que ce soit dans le privé ou le public...

40. Le lundi 4 août 2008 à 15:06 par Ally

Maître, merci pour vos explications. Je vous assure que les exemples que j'ai en tête ne relèvent pas de la catégorie de médecins que vous décrivez. En fait, c'est plutôt l'inverse: l'anesthésiste commence par expliquer ce qu'il va injecter, quel va être son rôle au cours de l'opération et quels sont les risques de l'anesthésie, et là la patiente ne comprend pas pourquoi une opération de la cheville ou une chirurgie plastique comporte des risques vitaux et s'en indigne. Je pourrais donner d'autres exemples. C'est en ayant ces quelques exemples en tête que j'écrivais mon précédent commentaire. (Rassurez-vous, ces comportements ne sont pas la majorité de ce que vit mon entourage travaillant dans le milieu médical, sinon tout le monde aurait jeté l'éponge depuis longtemps.)
Mais ces quelques cas mis à part, je partage entièrement votre vision de la médecine, et, ça tombe bien, je connais bien des médecins qui la partagent aussi, ce qui est en soi une excellente nouvelle.

Pour le référé expertise, n'y connaissant rien et ayant encore relu trop vite votre billet, je pensais qu'une expertise ne pouvait être ordonnée que dans le cadre d'une plainte. Ce n'est pas du tout le cas, je comprends donc beaucoup mieux la démarche et je suis là encore d'accord avec vous. J'irai même jusqu'à dire que, pour un médecin consciencieux et soucieux du lien avec les patients, la mort imprévisible d'un patient est quelque chose de difficile à vivre, même si on sait qu'on n'a pas commis de faute.

J'y vois plus clair et comprends beaucoup mieux votre billet.

41. Le lundi 4 août 2008 à 15:10 par Yves D

Retour de vacances pour ma part, et je constate que la lecture de ce blog est toujours aussi passionnante (pour le style) qu'instructive.

@ Eolas
(et @ Sylvain J #22 et Arwendil #23)

Je ne partage pas pleinement la position d'Eolas sur l'analogie que certains commentateurs ont fait avec les risques liés à l'usage d'un véhicule.
Ainsi, Eolas répond : "Mais c'est eux [les médecins] qui ont choisi de faire leur métier d'avoir la vie d'autrui entre les mains."
On peut aussi répondre que les chauffeurs routiers ont aussi choisi leur profession ...
Certes, mais cette profession (routier) n'a pas pour objet principal de s'occuper de la santé d'autrui ... me rétorquera Eolas ...

Et alors ? Est-ce que la profession de médecin est "d'avoir la vie d'autrui entre ses mains" ?
Le serment médical stipule : "Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux".
Il n'y est pas question (directement en tout cas) de "vie ou de mort".

L'un des objectifs du code de la route est d'éviter les accidents (de la route), qui peuvent dégrader fortement la santé des personnes impliquées voire les tuer.

Mais on parle bien d'accident ... médical, ou de la route.

Et il est prouvé (statistiquement) qu'un accident impliquant un camion provoque plus de dommages que celui impliquant un simple vélo ...
Et que plus on conduit, plus on a de risque d'accident.

Un routier a donc plus de risques (statistique) de se retrouver dans un cas d'accident qu'un conducteur lambda.

Je conteste donc la réponse d'EOLAS lorsqu'il écrit : "Non, ils ne sont pas plus exposés à cause de leur profession.".

42. Le lundi 4 août 2008 à 15:14 par Yves D

@Dam (#25)

Pour contrebalancer ma critique précédente, j'approuve tout à fait la réponse d'EOLAS sur le fait que les USA ont depuis longtemps intégré les aspects "responsabilité légale" dans la médecine.

On constate plutôt une "dérive" (selon certains, "évolution" selon d'autres) de la pratique Française vers ce qui se fait depuis des années aux USA.

43. Le lundi 4 août 2008 à 15:18 par kiceki

Cher Eolas,

Vous êtes comme toujours à la pointe de l'actualité, puisqu'acquiescant par avance à vos critiques la Cour de cassation semble bien réticente à appliquer la loi dite "anti Perruche" dans son arrêt du 8 juillet dernier (07-1259)

www.legifrance.gouv.fr/af...

Je laisse à votre plume plus brillante que la mienne, le soin d'incorporer à votre article les conséquences de cet arrêt qui semble être de principe puisque promis à la plus large publication.

Je serai pour ma part curieux de connaitre votre avis sur la responsabilité des avocats qui aurait du conseiller, les yeux dans les yeux, aux parents d'enfants nés handicapés après la publication de la loi de ne rien entreprendre devant les tribunaux...

Bien à vous.

44. Le lundi 4 août 2008 à 15:39 par Cat

Merci beaucoup pour ce billet pédagogique. :)

C'est très intéressant pour les mekeskidi dont je fais parti.

Cat

45. Le lundi 4 août 2008 à 15:51 par Obiter dictum...

Vous simplifiez trop l'arrêt Perruche Eolas.
Puisque selon vous "la mère aurait sans l'ombre d'un doute avorté si elle avait eu connaissance de la maladie"
la question qui se pose est dès lors :
"Y a t-il un préjudice à être né handicapé plutôt qu'à n'être pas né ? "
Et ça n'est absolument pas une question de morale.

Lorsque vous dites :
"— Ici, il y a eu préjudice : Nicolas est atteint depuis sa naissance de troubles neurologiques graves, frappé d'une surdité bilatérale, d'une rétinopathie qui va conduire inéluctablement à sa complète cécité, et d'une cardiopathie. Nierez-vous que cela est un préjudice ?"

(Nous nous situons je le rappelle sur l'indemnisation de l'enfant, pas des parents)
Il est tout à fait possible de le nier puisque si le médecin n'avait pas fait d'erreur il serait né, même handicapé.

Vous lui avez demandé s'il aurait préféré ne pas naître ?

Nul n'a le droit de se plaindre de la vie car elle ne retient personne comme disait l'autre.

Eolas:
Je reconnais la simplification (on ferait des thèses sur l'arrêt Perruche) mais au moins je ne le déforme pas. Vous escamotez l'épithète handicapé, changeant ainsi le sens de l'arrêt et lui faisant dire une énormité logique et morale. Le préjudice de Nicolas Perruche n'est pas d'être né, mais d'être invalide à 100% incurable. Ce qui a été permis par la faute du laboratoire et du médecin. Je n'ai pas besoin de lui poser la question pour savoir qu'il aurait préféré ne pas naître handicapé. Car son préjudice n'est pas sa vie, mais ses séquelles neurologique, sa surdité et sa cécité. Vous lui avez demandé s'il estimait que ça ne valait rien ?

46. Le lundi 4 août 2008 à 16:18 par Hyo

"Je n'ai pas besoin de lui poser la question pour savoir qu'il aurait préféré ne pas naître handicapé."

Ca me paraît indéniable. La question à lui poser serait plutôt "auriez-vous préféré ne pas naître ou naître handicapé ?" puisque si j'ai bien compris votre billet, naître sans handicap était de toute facon impossible. (Notons que je pense que la réponse est "ne pas naître", et que la vie terrible qu'il doit mener n'en est pas une).

Eolas:
Je pense que le fait qu'il ait assigné le médecin s'étant trompé et le laboratoire n'ayant pas corrigé l'erreur répond à la question sans qu'il soit besoin de la lui poser.

47. Le lundi 4 août 2008 à 16:37 par Petruk

@46.
Pardonnez-moi mais je trouve le procédé assez atroce. En quelle que sorte on sous-entend qu'il devrait s'estimer heureux d'être vivant car si ses s....ps de parents avaient été correctement informés, il n'aurait jamais été conçu.
On pourrait peut-être envisager une décoration ou quelle chose de ce genre?

Il me semble que l'on est hors sujet en s'aventurant dans ce type de questionnement. Cette personne EST gravement handicapée ce qui constitue un préjudice. Je ne vois pas en quoi torturer cette personne en lui posant ce type de questions pourrait contribuer à diminuer son handicap et donc son préjudice.

Le raisonnement du maitre de ses lieux s'applique alors. préjudice+faute+lien de causalité = indemnisation

En tant que maikeskidit j'aprécie d'ailleurs cet effort de vulgarisation.

48. Le lundi 4 août 2008 à 16:40 par Simplet

L'échographie anténatale n'ayant pas une fiabilité à toute épreuve, la conséquence de l'arrêt Perruche a été une diminution drastique des échographistes pratiquant cet examen (www.genethique.org/parus/...

Si l'anti Perruche n'est pas appliqué comme le suggère kicéki en 43, les mêmes causes produiront probablement les mêmes effets.

Eolas:
Vous oubliez l'impact de l'arrêt Perruche dans la crise des subprimes et son influence sur cet été pourri.

L'arrêt Perruche ne parle pas d'échographie anténatale, c'est un test sanguin de dépistage des anticorps du myxovirus de la rubéole qui est à l'origine de l'affaire. À ma connaissance, une rubéole est indétectable à l'échographie. Dois-je en déduire que depuis cet arrêt, les laboratoires médicaux ne font plus de tests sanguins ?

Ayant eu un enfant postérieurement à cet arrêt, je puis vous indiquer que mon épouse n'a pas eu la moindre difficulté pour faire réaliser plusieurs échographies anténatales chez le praticien de son choix. À qui je n'ai pas fait de procès.

Ajoutons que votre lien est une lettre d'information de la Fondation Jerôme Lejeune, qui est opposée à l'avortement de fœtus porteur d'une anomalie génétique, et a manifesté une position hostile à cet arrêt. Le commentaire de cet arrêt montre d'ailleurs que son rédacteur ne s'est pas donné la peine de le lire (il parle effectivement d'échographie prénatale), ni d'essayer de le comprendre : “Cet arrêt de la Cour de cassation reconnaissait qu’il valait mieux ne pas venir au monde que naître handicapé” ; “L’arrêt Perruche risquait de conduire à un eugénisme de précaution, le diagnostic prénatal devenant l’instrument d’un droit supposé à l’enfant normal”. N'importe quoi.

49. Le lundi 4 août 2008 à 17:06 par Simplet

Je sais pas pour les subprimes et l'été pourri. Je ne suis pas économiste ni météorologue
Après, peut être aussi que les échographistes qui ne savent pas le droit se sont sentis à tort visés, et pas celui de votre femme, tant mieux pour vous.

Toutefois comme mon lien semble ne pas fonctionner, je vous donne à lire.
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"Etude sur l’échographie prénatale après l’arrêt Perruche 1

Danielle Moyse et Nicole Diederich ont mené une étude sur l’échographie prénatale après l’arrêt Perruche. Cette étude a été publiée en avril 2005.

L'arrêt Perruche

L’arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 affirmait la nécessité d’indemniser Nicolas Perruche, né handicapé du fait de la rubéole contractée par sa mère pendant sa grossesse et parce que faute de diagnostic, Madame Perruche "n'avait pu interrompre sa grossesse".

Cette décision, ainsi que deux autres arrêts de la Cour de cassation des 13 juillet et 28 novembre 2001, semblait imputer au médecin et aux laboratoires en cause, la responsabilité du handicap de l’enfant et sa naissance. Cet arrêt de la Cour de cassation reconnaissait qu’il valait mieux ne pas venir au monde que naître handicapé. Le Parlement a mis un terme à cette jurisprudence Perruche par un article dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades : l’enfant ne peut se prévaloir d’un préjudice du fait de sa naissance et l'indemnisation des parents est limitée.

Vers un eugénisme de précaution ?

La fonction initiale du dépistage prénatal est de préparer l'accouchement en permettant, par exemple, d’opérer à la naissance en cas d'anomalie. L’arrêt Perruche risquait de conduire à un eugénisme de précaution, le diagnostic prénatal devenant l’instrument d’un droit supposé à l’enfant normal. A la suite de cette décision, les échographistes et gynécologues obstétriciens brandirent la menace de cesser leur activité ou d’appliquer un eugénisme de précaution, en demandant des interruptions médicales de grossesse au moindre doute sur l’état du foetus, afin d’éviter tout risque de procès ultérieur.

L’évolution de la pratique : enquête

D'après une enquête menée entre octobre 2002 et octobre 2004 auprès d'obstétriciens et d'échographistes, l'arrêt Perruche a entraîné une importante cessation d'activité, de l'ordre de 50 %. "Parmi les radiologues qui faisaient moins de 30% d'échographies obstétricales dans leur activité globale, il y a eu un taux d'arrêt de 50%", explique le président du Syndicat des échographistes. “On retrouve les mêmes chiffres chez les échographistes exclusifs”. Les médecins concernés expliquent cette désaffection aussi bien par la crainte des procès et l'augmentation des primes d'assurance, que par les questions éthiques. Le devoir d'information devient problématique et le devoir de " tout dire" induit, d'après les praticiens, une angoisse susceptible de provoquer des demandes d'interruptions médicales de grossesse qui n'ont pas lieu d'être. Ce phénomène est renforcé par le déplacement de la date limite d'interruption volontaire de grossesse de 12 à 14 semaines depuis la loi du 4 juillet 2001.

En voie de disparition ?

Le Comité national technique de l'échographie de dépistage prénatal remettra prochainement au Ministre de la Santé un rapport sur l'échographie foetale. Ce rapport tire la sonnette d'alarme. L'arrêt Perruche a conduit bon nombre de médecins libéraux à abandonner l'échographie foetale et l'hôpital public n'est pas en mesure de compenser la diminution de l'offre échographique libérale... L'accès aux soins des moins favorisés est donc réduit, au mépris de l'objectif premier de l'échographie : diminuer la mortalité périnatale et maternelle et permettre de soigner dès la naissance.

1 - L'échographie prénatale après l'arrêt Perruche, Etudes, Danielle Moyse et Nicole Diederich, avril 2005."

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Je ne crois pas, voyez vous, que le diagnostic d'une rubéole anténatale se borne à un test sanguin....

50. Le lundi 4 août 2008 à 17:13 par Obiter dictum

"Vous escamotez l'épithète handicapé, changeant ainsi le sens de l'arrêt et lui faisant dire une énormité logique et morale."
Eolas

Un peu de recul maître, votre passion vous emporte. On peut envisager les choses sous un autre angle que le vôtre...
Quid est veritas ?




"Dans notre société matérialiste, les progrès spectaculaires de la médecine dite prédictive, le développement corrélatif des diagnostics prénataux, la dépénalisation de l’avortement et l’évolution des mentalités font que la mort ou l’infirmité ne sont plus considérés comme des phénomènes naturels pouvant survenir à l’occasion de la naissance et que la fatalité n’est plus acceptée.
(…)
Le juge, quel qu’il soit, doit se garder de statuer en équité.
(…)
Pour assouvir le besoin indemnitaire, on a également fait valoir que les praticiens sont responsables du handicap parce que leurs fautes ont permis à l’enfant de naître, sa vie étant la condition de l’émergence du handicap.
(…)
Constitue un sophisme l’argument invoquant que Nicolas P. est né avec un handicap, celui-ci étant inhérent à la personne de l’enfant, était inné. Le recours à la notion de vie handicapée par les tenants de l’indemnisation à tout prix ne saurait occulter le fait que les fautes médicales n’ont joué aucun rôle dynamique et causal dans la production du handicap que la naissance n’a fait que révéler.
Sans les fautes des praticiens, l’enfant serait peut-être mort, mais il serait mort avec son handicap. Si, dûment informée, Madame P. avait décidé de poursuivre sa grossesse, l’enfant ne serait pas né sans handicap.
Ce qui démontre s’il en était besoin que les praticiens ne sont pas responsables du handicap.
(…)
C’est donc bien la naissance et la vie de l’enfant qui sont considérées comme un préjudice.
(…)
Le postulat de la mort préférable part de l’idée qui vient de loin que certaines vies sont dommageables, ne valent pas la peine d’être vécues, sont dépourvues de qualité.
(…)
IL EST TOUT DE MEME ETHIQUEMENT EFFARANT QUE, AU PRETEXTE A COURT TERME D’INDEMNISATION ON FERME LES YEUX SUR LES APPARENTEMENTS ENTRE DES CHOIX DE VIE ELIMINABLES PAR GENEROSITE, POUR LE BONHEUR DES INTERESSES ET DES DOCTRINES QUE L’ON CROYAIT DEFINITIVEMENT CONDAMNEES.
(…)
Dans la mesure où la réparation d’un préjudice suppose l’existence d’un intérêt juridiquement protégé, l’intérêt lésé serait alors, pour l’enfant, l’interruption d’une vie jugée inopportune.
On peut douter de la légitimité d’un tel intérêt.
(…)
Si la vie handicapée est un dommage, les parents atteints d’une maladie génétique transmissible et qui décident de procréer en connaissance de cause commettraient une faute dont ils seraient responsables envers leur enfant.
La mère qui décide de ne pas avorter, sachant qu’elle va donner naissance à un enfant handicapé, inflige volontairement un dommage et commet une faute intentionnelle.
L’éventualité d’une action en justice exercée par un enfant contre ses parents ne relève nullement de la jurisprudence-fiction.
(…)
Considérer l’enfant comme un sujet de droit, n’est-ce pas ressusciter inopportunément la querelle sur l’avortement ?
(…)
Si on peut comparer une vie à une autre, la comparer avec le néant pose un problème insoluble. Malraux avait bien exprimé ce dilemme : « une vie ne vaut rien mais rien ne vaut une vie. »

Aussi formons-nous le vœu que les personnes nées avec un handicap et qui entreprendraient des études juridiques, ne puisse découvrir un jour, à la lecture de votre arrêt, que leur naissance a d’abord été un préjudice indemnisable."

Jerry Sainte-Rose

51. Le lundi 4 août 2008 à 17:16 par Xa

Je ne suis pas d'accord, Maitre, avec votre vision de l'arrêt Perruche.

En effet, la faute du médecin a engendré deux choses et non pas une seule. Elle a engendré non seulement la vie (1) et le handicap (2) et non pas une "vie handicapée". Là où ca devient intéressant, c'est que la vie n'était pas possible sans le handicap. Dès lors la question doit se poser ainsi : "Vaut-il mieux une vie handicapée ou pas de vie du tout ?" sachant que c'est deux éléments sont indissociables.

De plus, mieux encore, ce n'est pas la faute du médecin qui a provoqué le préjudice allégué (la malformation étant déjà présente sur le foetus). La faute du médecin n'a eu donc conséquence que sur la vie ou la mort du foetus et non sur le handicap qui était déjà, en germe, présent. C'est cette vie elle-même, par son caractère handicapé qui est la source du handicap.

Imaginons une machine défectueuse : ce n'est pas le fait de mettre des piles dans la machine qui la rend défectueuse. Même arretée, elle l'est déjà. Le dommage allégué était déjà présent avant même que le foetus soit considéré comme un bambin. Il n'avait pas encore le caractère d'un dommage car celui qui s'en prévaut aujourd'hui n'avait pas la qualité de personne mais le fait était là.

L'intervention thérapeutique du médecin aurait t'elle pu éviter la malformation ? La réponse est non : elle était déjà là.

52. Le lundi 4 août 2008 à 17:18 par Simplet

désolé: erratum: "Je ne crois pas, voyez vous, que le diagnostic d'une rubéole anténatale [ à conséquences foetales ] se borne à un test sanguin...."

Le fait que le lien pointe vers lien une lettre d'information de la Fondation Jerôme Lejeune peut certes poser question pour l'aspect "conséquences éthiques", toutefois je vois mal en quoi il discréditerait l'angle "évolution de la pratique", qui a chuté dans les suites (tapez perruche échographie dans Google et vous retrouverez d'autres articles du même tonneau sur l'évolution des échographies anténatales).

L'arrêt anti-anti Perruche auquel kiseki fait allusion est de juillet 2008. Je doute qu'il soit connu de beaucoup de médecins. Par ailleurs, mais vous me confirmerez, il ne me semble pas qu'il s'agisse d'un anti-anti Perruche: j'ai cru comprendre qu'il y avait une question type quelle est la loi qui s'applique dans le cas particulier (?)

53. Le lundi 4 août 2008 à 17:20 par Xa

@50
L’éventualité d’une action en justice exercée par un enfant contre ses parents ne relève nullement de la jurisprudence-fiction

Là je vous arrête : la mère est protégée dans son choix par l'autorisation de la loi.

54. Le lundi 4 août 2008 à 17:29 par Mathieu

"La question à lui poser serait plutôt "auriez-vous préféré ne pas naître ou naître handicapé ?""

Il y a bien quelque chose de paradoxal et d'absolument singulier dans cette affaire, je crois que c'est le point suivant : Pour répondre à la question (et y répondre par "ne pas naître", comme Éolas pense à juste titre que l'homme en question y a répondu), il fallait qu'il naisse et que l'erreur fût commise. L'erreur a donc permis que nous sachions que cet homme aurait, pour sa part, préféré ne pas naître.

Dans son article Éolas écrivait :

"sauf à insinuer que Nicolas devrait éprouver la plus grande reconnaissance à l'égard de ce médecin qui lui a sauvé la vie par erreur."

Je me garderai bien de dire qu'il le "devrait". Nul ne peut décider de naître, mais si la volonté de cet homme a a posteriori été conforme à celle de ses parents, il est également envisageable qu'elle aurait pu (et, pour un autre cas, pourrait) ne pas l'être. Au passage, cela ne signifie pas nécessairement que cet homme éprouverait "la plus grande reconnaissance" envers le médecin. Si, dans un tel cas de figure, toutes choses étant égales par ailleurs, sa mère avait, pour sa part, porté plainte au nom du préjudice subi, nous nous serions retrouvé dans une configuration où la faute du médecin aurait paradoxalement rendu possible que la volonté de cet homme s'exprime dans le sens vers lequel la faute est allée.

Il est ainsi permis d'envisager un cas où, le médecin n'ayant pas commis de faute et ayant ainsi permis l'IVG, n'aurait été passible d'aucune condamnation en étant pourtant allé à l'encontre de ce qu'aurait voulu homme dont l'erreur du médecin aurait entraîné la naissance. Nul n'en aurait jamais rien su.

55. Le lundi 4 août 2008 à 17:36 par Obiter dictum


Non mais allez Eolas avouez c'est un pari pour battre le nombre de com' ;) Ou envie d'un gros débat avant de partir en vacs' ??

@54 : Cass crim 4 février 1998 autorise la constitution de partie civile d'un enfant né d'un viol contre son géniteur.
Donner la vie peut donc être source d'un préjudice.

56. Le lundi 4 août 2008 à 17:46 par Hyo

@47 Petruk : *je* n'ai rien sous-entendu du tout. Encore une fois, je pense que cet enfant (il était à l'époque un enfant de 6 ans, ce n'est pas lui qui a assigné le médecin en justice mais ses parents en son nom, c'est donc eux qui ont répondu à la question) a amplement droit à une indemnisation lui permettant de vivre dignement, sinon humainement. Et qu'en outre le médecin est fautif.

Je rectifiais simplement la réponse d'Eolas, qui semblait poser la question "vaut-il mieux naître sain ou handicapé", alors que l'alternative n'a jamais été cela, mais bien entre une vie handicapée et pas de vie.

Il s'avère que certains préfèrent (pour leurs enfants, puisqu'il est impossible d'interroger l'enfant lui-même) la première solution, ce n'est pas mon cas mais c'est leur droit le plus absolu. Peut-être était-ce le cas du médecin en question, impossible de savoir. Mais en tous les cas le choix des parents, dans un sens ou dans l'autre, aurait dû être respecté. Ici, volontairement ou non, il ne l'a pas été et c'est là qu'il y a faute. Pas dans le fait d'avoir laissé naître Nicolas handicapé en tant que tel : dans le fait de l'avoir laissé naître handicapé alors que ses parents s'étaient prononcés pour un avortement thérapeutique.

57. Le lundi 4 août 2008 à 17:58 par Mathieu

Éprouver qu'on aurait préféré ne pas naître a quelque chose de contradictoire et d'absurde puisque c'est projeter rétroactivement avant sa propre existence un jugement sur celle-ci qui n'a été rendu possible et concevable qu'une fois cette existence vécue et par elle. Qui peut bien être le "je" qui dit "j'aurais préféré ne pas être" ? Un homme qui aurait contemplé son existence avant que celle-ci, et donc lui-même, ne soit ? Il n'y aurait donc personne pour porter un tel jugement "sur" une existence qui ne serait pas même la sienne.

Il est impossible de juger l'existence.

58. Le lundi 4 août 2008 à 18:02 par *Celeborn

Elle me fatigue, cette question "aurait-il préféré ne pas naître ou naître handicapé ?".

D'abord parce qu'elle est idiote (comment concevoir la première moitié de l'alternative, i.e. concevoir la non-conscience alors qu'on n'existe pas ??? Même Kant en resterait sans voix...).

Ensuite parce qu'elle amène des réflexions désagréables et faussées (du style "Nul n'a le droit de se plaindre de la vie car elle ne retient personne", comme si le suicide équivalait au fait de ne pas être né ; ou encore des délires sur la volonté du futur homme qui aurait existé si l'on n'avait pratiqué un avortement) et des poncifs éculés ("la vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie", pitié !!).

Et enfin car elle me semble à côté de la plaque : une invalidité à 100% est un préjudice, foutreciel, dans la vie de tous les jours que le bonhomme expérimente. Il attaque en justice, donc c'est qu'il le vit, ce préjudice, et qu'il le vit mal, et ce par la faute du médecin qui n'a pas, ici, fait correctement son boulot. D'où indemnisation (qui, comme le montre Eolas, paraît tout à fait "morale", pour le coup). Ca me paraît clair. Se lancer dans de mauvais paradoxes philosophico-moraux ne me semble en rien contredire les éléments de droits brillamment apportés ici par maître Eolas (qui se refuse toujours à écrire "une épithète" dans son billet initial, mais bon, ça vient du grec, alors je lui pardonne !).

59. Le lundi 4 août 2008 à 19:22 par françine

bon puisqu'il le faut: les miens:ma story du Titanic ou le combat de Françine -
d'etre née quelque part soit mais la ou je suis née c'était 8 gosses + le mari et Bonne ou Bonne.étant douée seulement apprise en cachette avec un landais des iles 'l'anglais"je suis parties pour la grande ile en Face : n'étant pas jolie en plus d'etre pas béte j'ai par mon gré et ma mauvaise fortune été sur le Titanic employée comme lady o des toilettes-
donc mon histoire ce jour la:
dans l'existence d'une dame pipi il faut:s'abord demander la piece ensuite etre aimable et toujours etre sur son quand à soi?
aprés un vague tremblement sur ce bateau j'ai cru rever quand les toilettes se sont remplies inondées j'allais criai come-on au client mais non : les anglais sont propres mais de la à pisser autant-comment sur ce bateau insubmerçible metirerde ce mauvais plan? quand sans fortune sans beauté et meme sans homme-et bien j'avais la chance ENFIN d'etre petite -ma taille à l'époque:1m 22 cms ce qui leurs permettaient d'en mettre 10 comme moi dans la chambre standard:petit personnel-
aprés avoir VOLEE un chapeau de petite fille en 2e classe (que dieu me pardonne) j'ai approchée un gras type officier de bateau et d'une petite voix: oinnns oinnns oinnnnns en serrant trés fort les poings dans mes orbitres-
bien sur il m'a demandée gentiment: Qu'est ce que tu fous la povre!-honnétement il a hésité entre le chien de Madame et moi mais en Gentlemen: j'était dans la barque enfin dans l'avenir de ma vie-
j'ai rien vu ensuite: aveuglée par le gras (au dernier moment) seulement il me sauta dessus comme ayant peur de mourir gelé-voila le début de ma longue vie avec votre pére:la nuit fut courte et chaude. si si- sur le bateau de secours bien sur...

60. Le lundi 4 août 2008 à 19:38 par Fred

@58 et @59 et vous vous êtes un idiot. Mais ça aussi ce n'est (hélas) pas considéré comme honteux.
Si vous pouviez ne pas salir mon pseudo j'apprécierai, merci

justement, quelles sont les obligations des médecins en termes d'information à leur patient. Parce que c'est vrai qu'obtenir un moindre dossier médical sans parler d'explications, il faut quasiment l'intervention de Chuck Norris.


Il y a des limites, il faut obligatoirement faire appel à un avocat pour obtenir certaines infos ou bien tout devrai être transparent idéalement sans même que l'on ai à demander?

61. Le lundi 4 août 2008 à 20:18 par gntb

Troll Detector serait-il parti en vacances avec la maître des lieux?

62. Le lundi 4 août 2008 à 20:32 par Fed2leplusbeau

Je présente à tous les lecteurs de Maître Eolas mes plus plates excuses pour les commentaires stupides que je viens de laisser, y compris ceux que j'ai laissés sous le pseudo Olivier, et tout particulièrement ceux où j'ai été injurieux et homophobe. Quelques coups de Troll Detector™ m'ont ramené à de meilleures dispositions envers l'humanité. Je ne vous embêterai plus avec mes bêtises immatures. J'ajoute que j'habite dans l'Oise, du côté de Beauvais, que je suis un abonné à neuf cegetel, et que mon adresse IP du jour est le 85.192.245.59.

63. Le lundi 4 août 2008 à 20:45 par SG

<<Il y a des gens qui parlent, qui parlent - jusqu'à ce qu'ils aient enfin trouvé quelque chose à dire.>>

c'est long mais long , et poussif . malgré tout quelques perles égaient la lecture : infecté par une infection (....) , une plaie ouverte (resic ).
qu'un medecin intervienne et voila un nouveau billet : bientôt , eolas contre les gardiennes d'immeubles , eolas et les éboueurs , eolas et le petrole cher , eolas contre Hulk , eolas contre l'éclipse de lune ??
cela dit , un medecin , contrairement à un juge , est , lui , responsable de ses actes et de ses decisions . quant aux avocats , je n'en connais pas beaucoup de condamnés .

Enfin , pour en venir au lien " ma cravate " : je ne sais plus qui a dit << celui qui se cache roule soit pour quelqu'un soit pour des interêts qu'il preféré cacher sinon , il ne se caherait pas >>

Eolas:
Moi aussi, je suis hargneux quand mon épouse a ses ragnagnas.

64. Le lundi 4 août 2008 à 20:56 par Marc

Merci pour vos billets instructifs.

65. Le lundi 4 août 2008 à 21:08 par SG

<<Les hommes n'ont que ce qu'ils méritent. Les autres sont célibataires !>>

Eolas:
La citation consiste à voler l'esprit des uns pour voler l'admiration des autres.

C'est de moi.

66. Le lundi 4 août 2008 à 21:28 par Sartorius

@49 "Je ne crois pas, voyez vous, que le diagnostic d'une rubéole anténatale se borne à un test sanguin...."

Alors vous n'êtes pas seulement "Simplet"...

67. Le lundi 4 août 2008 à 21:40 par SG

<<Il est rare qu'un homme soit lancé dans la bataille des idées sans vite devenir le comédien de ses premières sincérités.>>

Eolas:
« Poil au nez »

68. Le lundi 4 août 2008 à 22:51 par elektra

Les vétos, quand ils sont appelés pour des bêtes à concours, prennent une assurance en temps réel.

69. Le lundi 4 août 2008 à 22:53 par Lucas

Bonjour maître,
(en espérant ne pas poser une question à laquelle vous avez déjà répondu dans un commentaire précédent)
Comment le juge décide s'il y a ou non un préjudice ? Dans la plupart des cas, le bon sens doit suffire, mais lorsque c'est plus contestable, sur quoi s'appuie le juge ? Dans le cas qui nous intéresse (je parle évidement de l'arrêt Perruche), vous estimez qu'il y a un préjudice à être né handicapé plutôt que pas né, et un certain nombre de personnes pense le contraire, en toute bonne foi. Doit-on en déduire qu'un juge qui aurait été du deuxième avis aurait émis un jugement contraire ?
Le fait que la personne concernée considère qu'il y a préjudice ne me semble pas pouvoir être suffisant (puisqu'elle a intérêt à ce qu'un préjudice soit reconnu), juste nécessaire (sinon elle ne demanderait pas réparation).

Eolas:
Le préjudice ne résulte pas de la comparaison de deux situations, ou de la situation actuelle à une éventualité incompatible. Il résulte de l'examen de l'état actuel de la victime. Il n'y a pas besoin de se poser des questions métaphysiques pour déterminer qu'un enfant sourd, aveugle et avec des séquelles neurologiques graves subit un préjudice. Et j'avoue ne pas arriver à suivre le raisonnement de ceux qui prétendent qu'il n'en subirait aucun.

70. Le lundi 4 août 2008 à 23:50 par chris

Mon commentaire sur la responsabilité du juge d'instruction ne se voulait pas polémique.
Elle se voulait comme une invitation à un article sur le sujet de la même qualité que celui sur les médecins.

Cordialement

Eolas:
Sur ce sujet, déjà traité, voir ce billet.

71. Le mardi 5 août 2008 à 00:05 par Yves D

@ *Celeborn(#58)

Moi aussi elle m'agassait cette question ... "Etre ou ne pas être" finalement, non ?

Si on considère que ne pas naitre, donc ne pas être, comporte aussi l'adjonction de l'épithète "ne pas être handicapé", alors l'alternative était :
Etre (né) handicapé [suite à l'erreur de diagnostique du médecin]
ou
Ne pas être handicapé [puisque non né, si la rubéole avait été correctement diagnostiquée].

Si on accepte que le fait d'être handicapé est un préjudice (le mot handicap n'est-il pas un peut synonyme) ... Inutile de philosopher plus loin !

Merci à *Celeborn d'avoir résumé cette discussion "faussée" et finalement agaçante.

Merci à Veuve Tarquine (voir lien plus haut) d'avoir aussi résumé l'avantage que présentait l'arrêt Péruche.

Enfin merci encore à Eolas pour son oeuvre, que je veux bien croire désintéressée (au moins pécuniairement), d'éducation des lecteurs aux subtilités du droit.

Bonnes vacances Maître !

72. Le mardi 5 août 2008 à 08:30 par FRED2LEPLUSBEAU

Continuez à usurper mon pseudo Eolas, ce que vous écrivez est plus intelligent que ce que je dis...

73. Le mardi 5 août 2008 à 08:34 par FRED2LEPLUSBEAU

En fait, plus je me relis et plus je réalise que je suis un âne.

74. Le mardi 5 août 2008 à 08:52 par adrien

@71
Mais je crois que tout ce resume a cette question. Il est evident que si l'on pose la question ''etre ne ou pas'', il ne peut y avoir de prejudice. Si on se demande maintenant ''etre ne handicape ou pas'', Le prejudice est evident, et l'a demonstration d'Eolas peut etre alors consideree comme brillante et limpide.

Mais etant donnee les circonstances, la vraie question est bien ''naitre handicapee, ou ne pas naitre du tout''. Et la, la reponse me semble moins evidente. S'il voulais simplement ''ne pas naitre'' pourquoi ne se suicide-t-il pas (un peu comme le cas himbert, si mon ortographe est bonne), au lieu de demander de l'argent pour continuer a (sur)vivre? La fin de cette qusetion peut paraitre agressive, mais je pense que beaucoup se la sont posee.

Les arguments de Veuve Tarquine et d'Eolas sont fort convainquant, mais comment expliquer a qulqu'un qu'il doit debourser une grosse somme d'argent pour quequ'un qui s'accroche a une vie que le dit quelqu'un n'aurait pas du lui donner?

La victime de ces handicap a certes besoin d'une aide financiere, mais je pense plus qu'elle doit venir de l'Etat que du medecin.

75. Le mardi 5 août 2008 à 09:01 par So

@ adrien en 74. Tout comme Vincent Humbert, Nicolas Perruche n'a pas la capacité physique de se suicider. Chantal Sébire, l'avait, l'a fait mais a voulu poser cette question de société à tous, à la justice en premier. C'est aisé de ne pas vouloir se poser de question sur le handicap, la valeur d'une vie en répliquant = solution suicide.

76. Le mardi 5 août 2008 à 09:56 par Clems

"Eolas:
le docteur Gregory House a juste un problème au niveau de l'information du patient et du consentement éclairé. Cela dit, vous noterez que la directrice de l'hôpital a une solide formation juridique, et engage même pendant u ntemps un avocat à plei ntemps pour surveiller ce praticien. "

Dexter aussi pêche de ce coté là, sauf que lui c'est encore bien plus tranché.

77. Le mardi 5 août 2008 à 10:44 par petruk

@74 adrien.
Le médecin en question est assuré donc ce n'est pas lui qui va payer.
mais il a commis une faute. S'il n'y avait pas eu de faute initiale, on ne lui parlerait pas d'indemnisation.

Tourner et retourner le sujet dans tous les sens pour surtout refuser de voir ce gosse aveugle et sourd, ça me donne la nausée.

On est dans le déni. Etre adulte c'est aussi accepter de reconnaitre ses erreurs et d'en affronter les conséquences. Et figurez vous que parfois, manque de bol, elles sont terribles les conséquences.

Le médecin qui ferait tout un cirque pour refuser d'être reconnu responsable d'un préjudice qui pourrait être indemnisé par son assurance ne se grandit pas.

C'est le déni que nos juges connaissent surement très bien. Et je doute qu'il soit plus agréable à constater que celui du chauffard qui vient faucher un piéton.

78. Le mardi 5 août 2008 à 10:48 par jean philippe

Je suis assez choqué des débats sur l'arrêt Perruche ! Il s'agit d'un débat qui glisse sur le terrain de la morale or, pour une fois que le droit était plus juste que la morale, je vois pas en quoi il faudrait déplacer le débat.

Le législateur a été fortement hypocrite à mon sens car, il a lui même occulté l'adjectif "handicapé" ce qui donne "l’enfant ne peut se prévaloir d’un préjudice du fait de sa naissance et l'indemnisation des parents est limitée". Vive la démagogie ! Avec l'arrêt Perruche, l'enfant né handicapé pouvait avoir une indemnisation, grâce au législateur, il n'a plus rien. Etre handicapé occasionne des frais importants et je sais de quoi je parle ! Je mets de côté le cas extrême de Nicolas Perruche mais, quand on a un handicap relativement minime, on doit subir la discrimination à l'embauche, on doit payer certains soins non pris en charge par la sécu, on galère pour avoir un crédit... Bref, être handicapé, c'est déjà subir un préjudice financier. Ensuite, il y a le préjudice moral ! Se faire refuser des emplois, ce n'est pas agréable ! Enfin, dois-je parler du préjudice corpo ?

Certains se posent la question de savoir s'il vaut mieux ne pas naître que de naître handicapé ! Cessons un peu les débats pseudo-phylosophiques ! La réponse est évidente. Là je ne parle pas de mon cas car j'ai la chance de marcher, d'avoir une voiture normale et surtout d'avoir rencontré l'amour mais, ceux qui se posent cette question n'ont visiblement jamais rencontré de personnes invalides à 100%. Mais bon, visiblement il vaut mieux rester buté dans les idées en abordant le débat uniquement sur le plan théorique ! C'est tellement plus confortable que de constater la réalité du terrain.

L'arrêt Perruche n'était pas seulement une bonne application du droit. C'est un arrêt qui était juste ! Bien plus que la loi dite sur les droits des patients... D'autant plus que la prise en charge du handicap par l'Etat n'est que théorique.

79. Le mardi 5 août 2008 à 11:59 par ceriselibertaire

L'arrêt Perruche et la loi de 2002 montre que la loi est plus forte :
que la logique juridique,
que la morale,
que l'éthique,
que la logique tout court,
que le bon sens
Mais comme nos législateurs ne pensent qu'à ces valeurs, la loi ne peut être en contradiction avec elles. C'est donc vous, obligatoirement, qui avez tord.


80. Le mardi 5 août 2008 à 12:01 par Fricel

Question probablement idiote mais tant pis je me lance : Je comprends bien que l'action des parents soit dirigée contre le praticien, dont l'erreur a pour conséquence qu'ils doivent "vouer leur vie à s'occuper d'un enfant lourdement handicapé". Mais pourquoi l'action de l'endant n'est-elle dirigée que contre ce patricien ? Certes il a commis une faute dont la conséquence est qu'il est NE handicapé. Mais c'est sa mère qui, en contractant la rubéole, l'a RENDU handicapé. Elle a contracté la rubéole pendant qu'elle était enceinte, ce qui laisse supposer qu'elle a fait le choix, avant de concevoir son enfant, de ne pas se faire vacciner contre cette maladie alors qu'elle n'était pas immunisée. Ce comportement n'est-il pas fautif ? Un enfant peut-il exercer une telle action à l'encontre de l'un de ses parents ?

81. Le mardi 5 août 2008 à 12:17 par Abadir

La lecture de ce billet a réveillé, en moi, d'anciennes (pas si anciennes) ANGOISSES !

La veille d'une intervention chirurgicale, je suivais le cours portant sur la responsabilité médicale au sein de l'EFB (Ecole de formation des avocat, à PARIS, pour les non-initiés )!
Imaginez ma tête, le lendemain, sur la table d'opération, au moment où l'anesthésiste qui m'avais reçue en consultation (enfin, j'crois que c'était bien lui. Ai reconnu sourcilles broussailleux, couleur sel poivre...au-dessus du masque vert pas joli) m'a dit : allez, on injecte ! Respirez en comptant jusqu'à ...". En vain, ai-je compté en priant Dieu ou toute autre divinité de me ramener à la vie... Toutefois, sans avoir été opérée des amygdales ou des hémorroïdes !

J'étais déjà arrivée au pays des songes. Le beau Docteur M. me faisait des belles jambes qui allaient me permettre de danser avec mon mari swingeur !

Et encore, plus proche, quand je me suis retrouvée dans la salle d'opération de cette maternité, après une grossesse extra-pourrie (bébé va bien, il veut juste attaquer le steak ou le dessert ... du médecin, mais pas le gentil médecin), quand il a fallu m'anesthésier d'urgence pour un accouchement par voie de césarienne.... Ce que j'ai pu penser à Dame V....

Médecins et avocats devraient se rencontrer le moins souvent possible .... pour la bonne santé de tous !

Oups, j'crois que c'est une (horrible) excuse pour ne pas me farcir ma belle- sœur cet été ;-) !

82. Le mardi 5 août 2008 à 12:37 par Fx

Etant actuellement étudiant passant en 4ème année de médecine, je peux vous confirmer que le droit (général rapidement puis médical) est enseigné en PCEM1 puis lors de l'externat. Il l'est aussi de manière parcellaire dans les couloirs de l'hôpital.

J'ai bien conscience du caractère partial de mon intervention mais il ne me semble pas que l'idée des procédures abusives de patients relève du fantasme. Même si on ne m'a bien sûr jamais attaqué personnellement (d'ailleurs qui paierait pour un externe? Lui, l'hôpital ou l'université?). Quand le nom de la maladie est donné, soyez assuré que le patient (comme le médecin patient) se jette sur l'internet afin de se renseigner. Mais soigner reste un métier et le manque de culture médical peut mener à l'incompréhension de ce qui est lu (à condition que ce ne soit pas erroné) et amener le patient à contester la prise en charge, fut-elle parfaite, du médecin et de l'équipe. Et ceci, je l'ai bien observé plusieurs fois.

J'ai bien peur, dans tous les cas, que la judiciarisation de la médecine dont vous mettez en relief, à raison il me semble, les côtés bénéfiques pour le patient ne comporte bien des effets pervers. Je m'explique, de plus en plus, la pratique médicale va se limiter à des protocoles validés par essais cliniques de grande échelle auxquels le praticien devra se conformer en toute circonstance (c'est parfois bien utile pour le diagnostic anténatal). Tous les patients dont les effets thérapeutiques sortiront de la normale (la courbe normale j'entends) risquent de ne pas être indemnisés.

De moins en moins de soins personnalisés, moins de responsabilités pour les praticiens qui n'auront qu'à se conformer au protocole en vigueur (les essais étant long ils seront aussi très lents à évoluer).


Je tremble toutefois en lisant les exemples que vous donnez de fautes médicales. Soyez quand même assuré que de ma courte expérience de l'hôpital (1 an et demi) je n'ai observé strictement que du personnel attentif et consciencieux (il m'est difficile de juger de leur compétence).

83. Le mardi 5 août 2008 à 13:00 par Bouygues

Je fais construire une maison par la société X. Celle-ci sous-traite une partie des travaux à une société Y qui fait des travaux bâclés.
Je m'en apperçois, j'attaque X, la société avec laquelle j'ai contracté. Celle-ci proteste. Ce n'est pas sa faute. Elle a fait des contrôles mais ceux-ci n'ont pas permis de mettre en évidence le vice caché. Ellle est donc de bonne fois, donc inattaquable. Vous comprenez si maintenant les sociétés de construction qui rendent service aux gens en leur construisant des maisons, peuvent être condamnés pour la faute d'un autre ...

84. Le mardi 5 août 2008 à 13:26 par Achille Talon


Dommage que le médecin ne bénéficie pas d'une action en répétition de l'indu.....

et hop.

85. Le mardi 5 août 2008 à 13:44 par Obiter dictum

"Eolas:
Le préjudice ne résulte pas de la comparaison de deux situations, ou de la situation actuelle à une éventualité incompatible. Il résulte de l'examen de l'état actuel de la victime. Il n'y a pas besoin de se poser des questions métaphysiques pour déterminer qu'un enfant sourd, aveugle et avec des séquelles neurologiques graves subit un préjudice. Et j'avoue ne pas arriver à suivre le raisonnement de ceux qui prétendent qu'il n'en subirait aucun."

Je ne suis pas d'accord Eolas.
Un préjudice résulte forcément de la comparaison de deux situations.
Je suis d'accord pour dire que le préjudice résulte de l'examen de l'état actuel de la victime. Mais par rapport à son état antérieur.
Comparaison n'est pas raison mais : soit une personne sourde. Un médecin l'opère des amygdales. La personne se réveille sourde. Y a t-il un préjudice imputable au médecin ?

Euh sinon l'argument anti-moraliste ressassé est pénible. D'abord parce que la plupart du temps ceux qui l'exhibent en profitent pour dire que l'arrêt Perruche est bénéfique aux handicapés, introduisant de fait un argument moraliste. En outre, je ne veux pas être trop direct mais on s'en fout, le juge ne statue pas en équité.
En ce, la loi disposant que la cause du handicap est prise en charge par la solidarité nationale est excellente. Ce sont nos politiques qui, comme tout le monde le sait, ne l'appliqueront pas (assez).

86. Le mardi 5 août 2008 à 15:30 par linaigrette

Bonjour Eolas,

Je me souviens très vaguement d'une discussion que vous aviez eu avec Martin Winckler (médecin) mais je me trompe peut-être... En tout cas je pense que la lecture de ce "décalogue de la relation de soin" intéressera vos lecteurs :

martinwinckler.com/articl...

car je suppose que vous, vous connaissiez ce texte.

Avec mes remerciements pour vos textes et vos réponses, comme toujours.
l.

87. Le mardi 5 août 2008 à 15:39 par Lucas

Je continue à avoir du mal avec le concept de préjudice "absolu" (par opposition au préjudice évalué par comparaison avec une situation). Imaginons par exemple Nicolas tombe et se blesse (sans que personne ne soit responsable de la chute). En calquant votre raisonnement justifiant la condamnation du médecin, il y a bien préjudice (Nicolas est blessé), qui n'aurait pas eu lieu sans la faute du médecin (puisqu'il ne serait pas né), donc Nicolas peut demander réparation. Cela se passerait-il ainsi ?

88. Le mardi 5 août 2008 à 15:44 par Xa

Si vous ne faites pas une comparaison avec un enfant normal, comment définiriez vous le "préjudice" autrement qu'au moyen du "bon sens" que vous haissez tant ?

89. Le mardi 5 août 2008 à 15:55 par kara

@lucas

Le préjudice doit être direct, ce n'est qu'à cette condition qu'il peut être prise en compte par le juge. De même il faut un lien de causalité entre la faute et le préjudice. La chute de Nicolas a pour cause sa maladresse, pas sa naissance. Le médecin n'y est pour rien dans votre exemple. A contrario cela impliquerait que si Nicolas ne chutait pas, donc ne se blessait pas, il le devrait au médecin qui lui a donné naissance... Cela est absurde.

Ici il faut considérer que le médecin a eu l'occasion, qu'il n'a pas su saisir par sa faute, de déceler la maladie chez la mère qui allait entraîner, à coup sûr, le préjudice qu'il subit encore aujourd'hui.

Sa responsabilité s'arrête là -et c'est déjà pas mal- et ne peut pas être engagée si l'enfant vient à chuter par la suite, précisément car le médecin n'a aucune emprise sur ce type d'évènement.

En revanche il serait possible de rechercher la responsabilité, (même par lui), de ses parents ou des personnes qui en ont la garde si un défaut de surveillance peut leur être imputé. Mais c'est une autre histoire...

90. Le mardi 5 août 2008 à 16:19 par Antoine

Cher Maître, que pensez de la thèse selon laquelle le problème soulevé par l'arrêt Perruche est un problème de lien de causalité? En effet, si la faute et le préjudice existent bien, on peut douter de la relation de cause à effet entre eux : l'handicap de Nicolas Perruche est du à la maladie, et non à l'erreur de diagnostic. Autrement dit, même si l'erreur du médecin a empêché un diagnostic véridique, ce n'est pas cette erreur qui a contaminé l'enfant. On peut peut-être penser que la vraie coupable, c'est la nature, ou la maladie.

Par ailleurs, la Cour de cassation semble bien déterminée à ne pas appliquer la loi de 2002 sur ce point, en témoignent ses arrêts du 24 Janvier 2006 (Civ 1ère).

91. Le mardi 5 août 2008 à 16:27 par Baltazar

Il est intéressant que l'arrêt Perruche suscite toujours autant de commentaires, du questionnement légitime au grand n'importe quoi lefèvriste.

Il y a un point que les commentateurs ne devraient jamais omettre dans leur analyse d'un arrêt, c'est que le juge, certes, fait principalement du droit, mais parfois quand le droit atteint ses limites, le juge tranche aussi un litige en équité. Il rend la justice. Les cas sont relativement nombreux dans le domaine médical du fait même de la détresse humaine à laquelle fait face le juge. Le raisonnement s'inverse : de la solution juste au litige, il faut trouver un fondement juridique qui la justifie. Or celui-ci peut du coup être bancal.

On peut alors longtemps arguer que le préjudice découlait ou non de la naissance. La solution est peut être ailleurs. Tout simplement était-il inadmissible qu'une personne aussi lourdement handicapée ne bénéficie qu'avec parcimonie, voire avec franche économie, du soutien de la société. C'est d'ailleurs cette logique qui justifie que la loi Kouchner affirme que la prise en charge de tels cas relèverait à l'avenir "de la solidarité nationale". Le soutien au personne handicapée tend à se développer (mise en place de la PCH notamment) même s'il reste souvent insuffisant.

92. Le mardi 5 août 2008 à 17:15 par jean philippe

@ Antoine : Effectivement Nicolas Perruche n'est pas handicapé à cause de l'erreur du médecin mais, il est né handicapé à cause de cette erreur. Les 2 mots ne doivent pas être séparés pour comprendre le sens de l'arrêt. On peut tourner en rond durant des heures, être né handicapé est un préjudice ! Vu la gravité de certains handicaps, il ne fait aucun doute que les intéressés auraient préféré ne pas naître. Le mieux serait de leur demander avant de tenir les beaux discours qu'on a entendu suite à cet arrêt.

@ Baltazar : Que la solidarité nationale prenne en charge le handicap est une bonne chose. Encore faut-il appliquer cette règle. La PCH par exemple permet de prendre en charge l'aménagement du logement. Avant de penser à l'aménagement, il faut avoir le logement tout simplement. Comment fait une personne qui ne peut pas travailler ? Ou plus classique, une personne qui n'est jamais embauchée uniquement à cause du handicap ? Ce ne sont pas les 700 € et des poussières de l'AAH qui vont permettre de mener une vie normale. J'ai la chance de bien gagner ma vie et d'avoir eu un emploi immédiatement à la sortie des études mais, je ne peux m'empêcher de penser à ceux qui n'ont pas cette chance.

93. Le mardi 5 août 2008 à 17:30 par Mathieu

@ Antoine 90

"En effet, si la faute et le préjudice existent bien, on peut douter de la relation de cause à effet entre eux : l'handicap de Nicolas Perruche est du à la maladie, et non à l'erreur de diagnostic."

Il y a deux niveaux de causalité. Pour être tout à fait exact, le handicap est dû à l'erreur de diagnostic concernant la maladie, puisque sans cette faute, et même si la maladie était bien présente, une IVG aurait eu lieu qui aurait empêché la naissance de Nicolas et par conséquent l'existence de son handicap. Si l'erreur médicale ne constitue pas, à soi seule, une cause suffisante, elle est bien une cause nécessaire.

94. Le mardi 5 août 2008 à 18:03 par Bouygues

@90 "le handicap de Nicolas Perruche est dû à la maladie, et non à l'erreur de diagnostic."
S'il y a erreur, il y a bien faute.
S'il y a erreur, quelle est la conséquence de l'erreur: d'être "né handicapé". (et non pas d'être "né" ou d'être "handicapé")

Le problème est que tout le monde peut faire une erreur. En l'occurrence le médecin ayant fait une erreur n'est pas puni. C'est une assurance qui prend en charge le sinistre.

95. Le mardi 5 août 2008 à 18:39 par Poilauxpattes

Faute, erreur ou simple maladresse ?…

Récemment, je relatais cette singulière affaire judiciaire sur le blog d'un de vos confrères spécialiste des questions médicales.
Je vous la fais courte : une patiente atteinte d'une maladie (à priori grave) se voit confier par son médecin traitant une lettre de recommandation cachetée qu'elle doit remettre au spécialiste auquel son médecin l'adresse.
En attendant le rendez-vous, n'y tenant plus, elle ouvre la missive et lit : "Cher confrère, je vous adresse ma patiente, Mme X, atteinte de … … à laquelle il ne reste que quelques mois à vivre."

La "condamnée" a non seulement vécu plus longtemps que prévu mais a aussi trouvé la force pour traîner son médecin traitant devant les tribunaux.

Paradoxalement, c'est peut-être le préjudice moral vécu par la patiente qui lui a donné l'énergie pour combattre sa maladie et guérir !

96. Le mardi 5 août 2008 à 18:41 par joniboni

Cher maître,

une petite précision sur la suite de la loi anti-Perruche et l'appel à la solidarité nationale.

Vous écrivez que "on attend encore les décrets d'application", mais entre temps le parlement a adopté la loi du 11 février 2005 et créé la nouvelle "prestation de compensation" (v. art. L. 245-1 C. act. soc. fam.) qui est venue concrétiser la "solidarité nationale" évoquée par la loi du 4 mars 2002. Depuis loi du 19 décembre 2007, ce sont également les enfants mineurs et jeunes adultes de moins de 20 ans qui bénéficient de ce nouveau droit (qui, au départ, n'était prévu que pour les adultes entre 20 et 60 ans). Par ailleurs, les décrets d'application pour l'article 94 de la loi de 2007 viennent de paraître.

Par ces nouvelles lois, le législateur français a donc choisi d'améliorer la situation de l'ensemble des handicapés et non seulement celle des enfants nés handicapés à la suite d'une faute médicale.

97. Le mardi 5 août 2008 à 19:21 par boratkehul

Maître,

je vous trouve cynique de mentionner vos vacances alors que beaucoup de vos lecteurs sont en train de bosser ou de stagiairer (j'aime ce néologisme barbare) ;-)... trève de plaisanterie, bonnes vacances, bonne bronzette, etc...

Votre biller me rappelle mon cours de droit administratif de 2ème année, la prof quadra bcbg en moins, l'humour en plus. ;-) Par contre, si vous aviez été mon prof de droit des obligations, j'aurais sûrement mieux aimé cette matière, dont la responsabilité a été le seul chapitre que j'ai aimé....

merci à vous... attention au coup de soleil...

98. Le mardi 5 août 2008 à 19:31 par jean philippe

Un proche médecin vient de me relater le fait suivant. J'avoue ne pas avoir assez d'éléments mais, je reste assez dubitatif. Un de ses confrères neurologique aurait été assigné par son patient souffrant d'une maladie de parkinson au motif que le praticien ne lui a pas informé d'un risque de dépendance au jeu causé par un des médicaments. En l'espèce, il s'agit du Requip. Sur la notice du médicament, le risque d'addiction au jeu est indiqué. Dès lors, il me semble qu'une telle action est peu opportune.

Quelqu'un a t-il des détails sur cette affaire ?

99. Le mardi 5 août 2008 à 20:52 par oups

"Quelqu'un a t-il des détails sur cette affaire ?"

Désolé je ne connais pas votre ami médecin.

100. Le mardi 5 août 2008 à 20:55 par Orange

Je n'étudie pas encore le droit (vivement septembre) et découvre tout juste l'arrêt Perruche ; les mots sont sûrement mal choisis. Je prends bien appui, mets mon casque et attends les volées de bois vert.
Si la mère avait tout de même accepté, avec un diagnostic correct du médecin, de poursuivre sa grossesse en sachant Nicolas handicapé, ce dernier n'aurait pu il me semble se prévaloir d'aucun préjudice, bien qu'invalide à 100%. Sans faute il manque une mamelle, donc pas de responsabilité civile.
C'est alors, si je comprends bien Eolas, l'erreur du médecin qui, puisqu'elle a provoqué la décision de la mère, fait que ce préjudice est indemnisable. Il y aurait alors les handicaps non détectables ou acceptés par les parents, qui ne seraient pas indemnisables, et les autres qui le seraient.
A handicaps identiques une personne pourrait donc être indemnisée pour son préjudice (son handicap) et l'autre pas. Voilà qui me dérange puisque que les deux me semblent nécessiter autant d'être aidés.

101. Le mardi 5 août 2008 à 21:04 par Xa

@ 93

1) Comment peut-on établir la certitude que l'IVG aurait eu lieu ? Sans celà, il faut admettre une rupture de la causalité

2) Je préfère admettre que Nicolas Perruche a été "sauvé par erreur" selon les mots que réprouve Eolas plutôt que d'admettre que l'IVG est une forme de soin.

3) Il me semble également, l'argument n'est pas de moi mais je le partage, que c'est par la faute du médecin que Nicolas acquiert la qualité de sujet de droit. Aussi, il me paraît étrange qu'on puisse se plaindre du fait qui vous a donné qualité à agir en justice (indépendamment de la circonstance que ce même fait vous a laissé handicapé). C'est en quelque sorte faire son propre procès. Non ?

102. Le mardi 5 août 2008 à 21:37 par k.tasse.trof

à jean philippe (98)
un petit coup de google avec "Mediapark Frobert Jambart" signale la page (gratuite)
www.psychomedia.qc.ca/pn/...
publiée le 20 novembre 2007
j'avais remarqué un article du Monde à l'époque "Victime des effets secondaires de son traitement, un malade de Parkinson réclame 400 000 euros 21 novembre 2007 Yan Gauchard 285 mots", il est en archives (payantes)
La suite ? Comme dans les sondages : NSP (ne sait pas)

103. Le mardi 5 août 2008 à 22:20 par jean philippe

Merci beaucoup k.tasse.trof je n'ai pas encore trouvé la décision mais, le demandeur a obtenu une indemnisation inférieure à celle demandée.

La principale difficulté porte sur la preuve. Un médecin qui informe oralement le patient ne peut prouver qu'il a satisfait à son obligation. C'est sur ce point que les médecins doivent s'adapter et, le nombre de procès en sera réduit.

104. Le mardi 5 août 2008 à 22:37 par meloevry

Juste pour arrêter de parler de ce fameux arrêt Perruche sans savoir ce qu'il raconte vraiment, voilà le lien de l'arrêt sur legifrance : www.legifrance.gouv.fr/af...
Ca ne fait pas de mal de le relire -surtout pour moi, ça commence à dater tout ça !- (voir le lire pour certains), on comprend mieux quel est le lien de causalité entre la faute du médecin et le préjudice subit par l'enfant, même si, j'avoue, c'est un peu tiré par les cheveux. Mais au moins il est clairement dit que le préjudice de l'enfant est l'handicap et non le fait d'être né comme beaucoup le pensent : "Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme X... avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ".
D'autant plus que la faute du médecin ne se trouve pas dans le fait qu'il n'avait pas détecté le handicap de l'enfant résultant de la rubéole, mais dans le fait qu'après des analyses sanguines, il a affirmé à la mère qu'elle était imunisée contre cette maladie et que par conséquent l'enfant ne pouvait avoir de handicap du à la rubéole.

105. Le mardi 5 août 2008 à 22:54 par Juris

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH

A la lumière de la madeleine de Proust, tout mon TD de strat sur la responsabilité médicale m'est revenu en pleine poire. J'ai failli tomber de ma chaise!
Vite, profitons des vacances, profitons tant qu'il en est encore temps!

106. Le mardi 5 août 2008 à 23:47 par dbertier

Mille mercis cher Maître...
Outre le caractère distrayant de ce billet, sa "substantifique moelle" se trouve emplie d'informations importantes...
Je me prépare à intégrer le master de droit médical de la faculté d'Aix... et votre article me conforte dans l'idée que ce domaine du droit a non seulement vocation à "s'étoffer" mais est également source d'une réflexion passionnante...
Quelques professeurs ont pourtant tentés de me détourner de ce chemin évoquant une matière "sans enjeux, et sans lendemain"... me promettant l'absence d'emploi a la fin de ce labeur estudiantin.
Je vous remercie donc de mettre du baume au coeur d'un jeune étudiant en vacances!

107. Le mardi 5 août 2008 à 23:58 par Mathieu

@ 101 Xa

1) En vertu de l'expression explicite des parents de leur volonté de recourir à une IVG s'il avait su ce que l'erreur de diagnostic leur a laissé ignorer.

2) Je suis bien d'accord. Il me semble que c'est Eolas qui a dit "sauvé la vie par erreur", ce qui me semble tout à fait exact, même si c'est tragiquement paradoxal.

3) Je suis bien d'accord, c'est un des aspects que j'essayais maladroitement d'exprimer. D'un autre côté, après réflexion, c'est la logique même de tout préjudice : c'est lui qui a donné qualité d'agir en justice. En ce sens il ne faut pas s'étonner qu'il en soit ainsi : les plaignants ont estimé, comme toutes les victimes, qu'il aurait été préférable pour eux de ne pas subir de préjudice plutôt que d'en subir un.
Ce qu'il y a de singulier ici, c'est qu'habituellement l'existence même du plaignant n'est pas liée à l'existence du préjudice, du crime ou du délit. Mais le juge n'ayant à juger que la faute n'avait pas, pour sa part, à rentrer dans ce genre de considérations, aussi justes et intéressantes puissent-elles être. Cette dimension là échappe à bon droit au juge qui s'en tient à juger la faute et se moque du reste. Raison pour laquelle nos considérations peuvent passer pour oiseuses aux yeux de certains.

108. Le mercredi 6 août 2008 à 00:24 par Mathieu

Pour dire la chose conformément à la manière dont elle a été depuis longtemps représentée, la justice peut à bon droit et doit même nécessairement se rendre aveugle à tout un tas de choses, fussent-elles dignes de la plus haute considération dans d'autres perspectives que la sienne. C'est à mes yeux ce qui rend si nécessaire - et si difficile parfois - de s'efforcer d'apprendre à regarder les choses sub specie legis. Même si cet aveuglement volontaire a pour contrepartie que le droit a ses limites.

109. Le mercredi 6 août 2008 à 00:53 par Adrien

@74 et 77
Arreter de balayer les arguments en parlant de pseudo-philosophie. C'est vraiment cette question que Nicolas Perruche a du se poser. Il y a repondu, en attaquant le medecin. Je vous l'accorde. Mais, cette reponse est pour moi beaucoup moins evidente. Vincent Humbert lui voulait mourir.

Les arguments sur l'incapacite de se suicider me semblent peu a propos, je pense juste que quand on est vivant, notre instinct de conservation nous pousse quand meme a nous accrocher, meme a une vie merdique. L'interet de cet arret, pour moi reside dans le fait qu'un vie comme la sienne necessite des soins a plein temps, et donc de l'argent. Ce que je regrette le plus c'est qu'il faille attaquer un medecin, pour obtenir cette aide que la societe ou l'Etat devrait fournir.

Je pense que, par une telle jurisprudence, risquer de faire porter la responsabilite de la moindre naissance handicapee au medecin qui a suivi la grossesse au pretexte qu'il n'a pas detecte l'anomalie, est aussi tres grave. Excusez moi de ne pas etre uniquement dans la compassion, mais n'a-t-il pas ete dit est repete que la compassion et l'emotion n'etait pas toujours bonne conseillere quand il s'agit de loi?

110. Le mercredi 6 août 2008 à 08:52 par Джугашвили

Non, point, je les aime et les respecte. Des gens qui arrivent à apprendre tant de choses en buvant autant quand ils ne font pas l'amour en tout temps forcent l'admiration pour les moines que sont les étudiants en droit.

=> [MORT DE RIRE]

Tellement vrai...

111. Le mercredi 6 août 2008 à 08:52 par Gab

"si cette vérité est celée dans l'intérêt du patient."
Scellée (peut-être que je me trompe) ?
"Totuefois, la poche"
Toutefois?
"s'il na commis aucune faute"
n'a?
"Ilse caractérise par un risque d'hémorragie"
Il se ?
"la ptiente posée sur une serviette éponge souillée"
patiente?
"je serai peu disert, l'affaire est en cours"
Manque une majuscule: le 'je' est après le point.
"Ce qui est une folie, puisque quand un médecin se plante, les dégâts peuvent être considérables."
Phrase de trop, compte tenu de la "MISE A JOUR" qui précède :)

112. Le mercredi 6 août 2008 à 09:57 par Auguste

Sans doute aurait-il été intéressant de préciser que le coût de l'assurance professionnelle explose pour les médecins ...
et que les médecins sont des médecins, pas des juristes !!!

Enfin, ce pamphlet à destination des médecins me chagrine ...

113. Le mercredi 6 août 2008 à 10:06 par dH

Cher Maitre, n'oubliez jamais une chose: le medecin, lui, sauve des vies. Malgre tout ce que les juristes ecrivent, ayez au moins la dececnce de llaccepter.

Eolas:
Et des fois, ils en détruisent. Dans ce cas, c'est nous qui réparons. Le monde est bien fait.

Ha, et laissez donc la décence où elle est. Par décence, justement.

114. Le mercredi 6 août 2008 à 10:21 par Guillaume

Merci Maitre Eolas pour ce sujet de droit si bien traité ! Je passe le précapa en septembre et votre exposé figure désormais dans mes révisions pour le grand oral.

115. Le mercredi 6 août 2008 à 10:29 par Leo

@116 : non, cellée = cachée. Scellée = fermée. C pas la même chose

@117 : parfois il les sauve, et on l'en remercie bien bas, parfois il les rend juste invivables ou y met fin. Voir ces erreurs médicales, voir les maladies nosocomiales, voir les conséquences des vaccins (notamment celui contre l'hépatite B) etc etc etc. C'est sur ces cas-là qu'on se penche aujourd'hui, vous permettez ? Faisons le parallèle avec un plombier : normalement il arrête la fuite et répare la plomberie. Et parfois il fait un travail de gougnafier et votre chez-vous se retrouve encore plus inondé qu'avant. Vous trouveriez normal qu'un corporatisme particulier et la reconnaissance éternelle que vous devez aux plombier *compétents* vous empêche d'attaquer CE plombier qui a fait une bêtise ?

@109 : "Je pense que, par une telle jurisprudence, risquer de faire porter la responsabilite de la moindre naissance handicapee au medecin qui a suivi la grossesse au pretexte qu'il n'a pas detecte l'anomalie, est aussi tres grave." : on ne parle pas de LA MOINDRE NAISSANCE ni de "detecter l'anomalie" de toute manière que ce soit. On parle d'un test +/- : si c'est + j'avorte. 0n me dit que c'est -, j'avorte pas, mais en fait c'etait +, la bonne blague !
Il s'agit d'un défaut d'attention qui a eu des conséquences gravissimes, tout comme le défaut d'attention qui a poussé une infirmière à faire tomber un BB, un gyneco à ne pas voir que sa patiente était enceinte de 6 mois (il était bon, le rosé de ce midi ?). Les professions "à risque" comme pompier, flic, artificier, escaladeur etc sont sujettes à ce genre d'aléas : une erreur d'inattention et boum ! Mais les médecins sont les seuls qui refusent de mettre le nez dans leur caca après avoir remonté leur culotte. C'est d'autant plus grave que contrairement aux professions précitées où l'auteur de l'erreur se prend en général sa part des conséquences, le médecin ne subit pas les conséquences de ses erreurs.

116. Le mercredi 6 août 2008 à 10:52 par LEF

Maître Eolas, le Pentagone vient d'annoncer que des détenus de Guantanamo pourraient ne "jamais être libérés", y compris en cas d'acquittement par la justice car "ils sont dangereux".

Nous nous étions réjouis de la victoire du droit suite à une certaine décision de la cour suprême des USA et voilà ce que le politique fait du droit !

Je ne suis pas tout à fait hors sujet, avec une telle déclaration, il y va de la santé du DROIT

117. Le mercredi 6 août 2008 à 11:08 par En révision

Merci Maître pour ce billet. Moi qui me noie en cette période estivale dans les révisions pré passage de l'exam au CRFPA, j'aurai au moins assimilé un bout de la responsabilité médicale!
Si au passage vous avez envie de nous parler de la responsabilité des produits défectueux et de la loi de 1985 sur les accidents de la circulation, je vous en prie, faites vous plaisir...
Bonne vacances!

118. Le mercredi 6 août 2008 à 11:52 par Mathieu

@117

Il ne l'a manifestement pas oublié puisqu'il écrivait qu'il lui a "sauvé la vie par erreur". Le législateur vous (et nous) a d'ailleurs par avance répondu en estimant que l'existence de la faute, et surtout la volonté des plaignants primait sur toute autre considération concernant un éventuel "bienfait" collatéral du préjudice, fût-il vital. En l'occurrence la "science des exceptions" a semble-t-il édicté une règle sans exception.
On peut - j'allais dire on doit - discuter de la vision du législateur, je suis le premier à le faire, mais, après tout, de quel droit déposséderait-on quelqu'un du droit à décider pour lui-même de ce qu'il veut et de ce qu'il ne veut pas ? Question qui n'est autre que celle que je posais en 34 à propos de ce qui semble constituer une exception à ce principe et qui est restée sans réponse.

119. Le mercredi 6 août 2008 à 12:04 par Perruche forever

Je me souviens de cet arrêt Perruche. En TD j' étais le seul à le soutenir, tous les autres se paraient d' anti-eugénisme et défendaient la loi qui fut adopté suite à cet arrêt. Loi débile d'ailleurs qui proclame que nul ne peut réclamer un préjudice du fait de sa naissance.

Je suis entièrement d'accord avec vous sur l'interprétation de cet arrêt: on ne peut dissocier ici la naissance et le handicap sous peine d'aligner les sophismes.
Cependant vous oubliez de dire que la responsabilité civile a pour fonction de rétablir l'état antérieur au dommage (via une réparation en nature ou par équivalent) . Ce qui ici pose problème évidemment. Peut être peut-on s'en tirer en invoquant la règle infans conceptus...

120. Le mercredi 6 août 2008 à 12:35 par Mathieu

@123
À strictement parler, il est en effet intenable de parler d'eugénisme. Ceci posé, il n'est pas interdit de se demander pourquoi ce concept s'invite, fût-ce à tort, dans le débat. Qu'on soit pour ou contre, il semble bien que nous sommes dans une logique orthogéniste, et que celle-ci n'est peut-être pas si anodine et si incontestable qu'elle pourrait le paraître du fait qu'elle repose sur la liberté individuelle des parents - même si celle-ci est encadrée, Dieu soit loué.
Je précise, au cas où, que mon propos ne signifie un nullement une remise en cause du droit à l'IVG mais une simple tentative de constat, au-delà du cas Perruche.

fr.wikipedia.org/wiki/Ort...

121. Le mercredi 6 août 2008 à 12:50 par Stef

Un médecin qui n’a pas détecté un cancer qui se termine par la mort du patient, commet-il une faute ?

122. Le mercredi 6 août 2008 à 13:12 par ariana dumbledore

Au sujet de l'arrêt Perruche:

Pourrait-on le considérer sans les "fictions juridiques" qui l' entachent (enfin, entacher n'est pas le bon mot, mais je n'en trouve pas d'autre).

Ce n'est pas Nicolas Perruche qui a attaqué le médecin parce qu'il trouvait sa vie invivable. Ce sont ses parents en son nom de mineur (et même de mineur à vie). Peut-être veut-il mourir. Peut-être dans ce cas trouvera-t-il le moyen d'en faire part à quelqu'un de son entourage. Peut-être dans ce cas quelqu'un de son entourage aura-t-il la force de défier la loi pour lui apporter secours et assistance ? Je n'en sais rien. Je ne suis pas confrontée à Nicolas. Il n'empêche que ça me gêne, en partie (et j'expliquerai plus loin pourquoi), que l'on puisse considérer qu'il soit le plaignant dans cette affaire, et qu'on puisse juger comme un préjudice d'être né, même "né handicapé", même si le handicap est une trgédie (mais pas nécessairement un "préjudice").

Si le médecin avait correctement diagnostiqué la rubéole, il y aurait probablement eu avortement parce que les parents en auraient décidé ainsi. Les parents, pas Nicolas. Je suis peut-être tordue, mais je ne vois pas pourquoi (juridiquement, pas humainement, j'y reviendrai) Nicolas pourrait attaquer en justice un praticien dont l'erreur n'aurait eu aucune conséquence sur sa décision à lui (puisqu'il lui était impossible d'en prendre une, de décision). Que les parents l'attaquent, je l'admets. Mais Nicolas ?

Bon. Moi méchante. mais moi en venir aux faits : y aurait-il eu un arrêt Perruche (humainement impossible à contester) s'il y avait eu en France une solidarité nationale en faveur des handicapés ? Si les rais de la vie de Nicolas dûs à son handicap avaient été assumés paar la collectivité nationale ? Si... ben si, quoi... Si le fait d'être parents d'un invalide, ou invalide soi-même, ne vous poussait pas à plus où moins brêve échéance à être maginaux ? Ou virés de son chez-soi, comme les parents de Diane évoqués plus bas (j'exagère, mais il me semble que c'est ce qui risque d'arriver. Et je n'admets pas que Diane doive vivre dans un garage, aménagé ou pas).

123. Le mercredi 6 août 2008 à 13:16 par meloevry

@Stef (125) : tout dépend si un médecin lambda aurait, dans les mêmes conditions, détecté le cancer...
Ah ce fameux concept du bon père de famille qui se décline à toutes les professions !! (On cherche toujours qui c'est ce bon père de famille ;)...)

124. Le mercredi 6 août 2008 à 13:52 par IceCream

Bonjour à tous!

@Eolas : une question me taraude. Dressez-vous un plan avant d'écrire de si long billet?

Pour information aux personnes intéressées la faculté de droit de montpellier I propose un Master 2 "droit de la santé" (la pub j'ai le droit??? ^^).

Pour ceux qui veulent approfondir l'arrêt Perruche : RTDCiv. est votre amie! (de mémoire d'excellents articles y ont été publiés suite à cet arrêt).

Petit conseil à destination des medecins non avertis : si vous êtes praticien hospitalier et que vous excercez parallèlement en cabinet privé, mais que vous opérez dans le cadre de vos fonctions libérales à l'hopital veillez à ce que votre bail (location d'une salle d'opération par exemple) prévoit que les mesures d'asepties soient à la charge dudit hopital. Cette stipulation contractuelle vous dégage de toutes responsabilité en cas d'infection nosocomiales. Le patient infecté devra dès lors se tourner contre l'hopital et le juge administratif.

Pour ce qui est du dr. Greg House il a l'avantage d'avoir au final toujours raison... Tiens ça me rappelle quelqu'un en robe noire... (je taquine ^^). Je suis fan des deux!!! ; )

125. Le mercredi 6 août 2008 à 14:06 par Perruche forever

@ Ariana dumbledore

C'est le problème que je soulevais dans mon post: une action en responsabilité civile suppose un avant et un après préjudice. Le but de cette action est de réparer: soit en nature (je répare la voiture que je t'ai cassée) soit par équivalent (j'ai tué ton chien, je te verse de l'argent pour le préjudice moral).
Ici la réparation se fera évidemment par équivalent.
Mais le problème c'est que l'état antérieur au préjudice est celui d'un foetus, d'un enfant à naitre. Or en principe il ne peut avoir la personnalité juridique. Or pour se prévaloir d'un préjudice encore faut-il avoir la personnalité juridique. Et donc soit on considère que le préjudice du handicap est apparu à la naissance et on peut attribuer une personnalité juridique antérieure via l'infans conceptus soit on considère que le préjudice a commencé exactement au même moment que l'embryon et alors la responsabilité civile ne sert à rien.

126. Le mercredi 6 août 2008 à 14:06 par Perruche forever

@ Ariana dumbledore

C'est le problème que je soulevais dans mon post: une action en responsabilité civile suppose un avant et un après préjudice. Le but de cette action est de réparer: soit en nature (je répare la voiture que je t'ai cassée) soit par équivalent (j'ai tué ton chien, je te verse de l'argent pour le préjudice moral).
Ici la réparation se fera évidemment par équivalent.
Mais le problème c'est que l'état antérieur au préjudice est celui d'un foetus, d'un enfant à naitre. Or en principe il ne peut avoir la personnalité juridique. Or pour se prévaloir d'un préjudice encore faut-il avoir la personnalité juridique. Et donc soit on considère que le préjudice du handicap est apparu à la naissance et on peut attribuer une personnalité juridique antérieure via l'infans conceptus soit on considère que le préjudice a commencé exactement au même moment que l'embryon et alors la responsabilité civile ne sert à rien.

127. Le mercredi 6 août 2008 à 15:14 par bleu horizon

trés bon article toutefois je ne partage pas votre analyse quelques points même si celui ci est trés bien écrit.

sur les infections nosocomiales par exemple.

L'article L. 1142-1-I du Code de la santé publique dispose que les « professionnels de santé et les établissements, services et organismes » par lesquels ou dans lesquels sont réalisés « des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables qu'en cas de faute », exception faite des dommages causés par le défaut d'un produit de santé qui leur fait encourir une responsabilité sans faute.
L'alinéa 2 du même texte proclame que « les établissements, services et organismes » visés à l'alinéa précédent sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Il y a donc une obligation de résultat à la charge des établissements de santé.

C'est-à-dire, que la constatation d’une infection pendant l’hospitalisation ou à postériori une hospitalisation est considérée comme une infection nosocomiale (il y a quand même des critères de délai entre l’acte de soins et l’apparition de cette infection) c’est une présomption de faute.

Par ailleurs, Article L1142-1-1ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale :

1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services
ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un
taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ;

Pour les praticiens libéraux, la charge de démontrer le caractère nosocomial de l'infection et le lien entre cette infection et le dommage invoqué incombe toujours au patient.

Par ailleurs, l'obligation des patients n'est pas seulement pécunière.

Entre le médecin et son patient, il a y un véritable contrat synallagmatique, c'est-à-dire des obligations pour les deux parties.
Pour le patient, outre les honoraires du praticien, il est tenu « de collaborer à l'exécution du contrat, c'est-à-dire au traitement » (Savatier R., note sous Cass. crim., 3 juill. 1969, JCP 1970, II, no 16447).

sur l'arrêt perruche, je ne partage pas l'opinion du conseiller sargos, il n'y a pas de lien de causalité, le praticien n'est pas résponsable de l'infection par le virus de la rubéole.

il a bien une respponsabilité vis à vis des parents par défaut de diagnostic mais pas de l'enfant sauf si les parents avait eu aucune information de comment prévenir une telle affection
(comme par exemple pour la toxoplasmose par l'éviction des jeunes chat, l'interdiction de manger de crudités ou de la viande crue etc.)

128. Le mercredi 6 août 2008 à 15:24 par Mathieu

@126
"pourquoi (juridiquement, pas humainement, j'y reviendrai) Nicolas pourrait attaquer en justice un praticien dont l'erreur n'aurait eu aucune conséquence sur sa décision à lui (puisqu'il lui était impossible d'en prendre une, de décision)."

Dans l'hypothèse où la question se poserait : Parce qu'il est au premier chef la victime du préjudice dont l'erreur du médecin a entraîné l'existence. Non ?
Mais puisque, comme tu le dis, "ce n'est pas Nicolas Perruche qui a attaché le médecin (...), ce sont ses parents en son nom", en droit, la question que tu pose ne se pose pas. Non ?

129. Le mercredi 6 août 2008 à 15:45 par grum lee

@129 Bleu Horizon
(point de détail)
a posteriori étant une locution latine, elle se passe d'accents ;)

130. Le mercredi 6 août 2008 à 16:36 par Sartorius

@Eolas:
"ce à quoi il faut ajouter une absence de culture juridique — cette matière étant absente de leurs interminables études, alors que l'économie a été — peut-être l'est-elle encore ?— en PCEM1."

PCEM1: Sciences humaines et sociales: Ethique médicale, code de déontologie

PCEM2: Ethique médicale: Code de déontologie, Responsabilités médicales (présentées comme responsabilités pénales, civiles, administratives, déontologiques, morales), Vie/Mort

ENC (Examen National Classant sur un programme commun à toutes les facultés de médecine):
www.remede.org/spip/rubri...
Question 1 (La relation médecin-malade. L’annonce d’une maladie grave. La formation du patient atteint de maladie chronique. La personnalisation de la prise en charge médicale.)
Question 3 (L’aléa thérapeutique.)
Question 6 (Le dossier médical. L’information du malade. Le secret médical.)
Question 7 (Ethique et déontologie médicale : droits du malade ; problèmes liés au diagnostic, au respect de la personne et à la mort.)
Question 8 (Certificats médicaux. Décès et législation. Prélèvements d’organes et législation.)
Question 9 (Hospitalisation à la demande d’un tiers et hospitalisation d’office.)
Question 10 (Responsabilités médicale pénale, civile, administrative et disciplinaire.)
Question 69 (Soins palliatifs pluridisciplinaires chez un malade en fin de vie . Accompagnement d’un mourant et de son entourage.)

131. Le mercredi 6 août 2008 à 19:01 par Yves D

J'ai l'impression que le Maître des lieux est parti (en vacances)en ayant oublié de fermer les commentaires ... (d'où le n'umporte quoi des com autour des N° 110 à 114) ...

Sinon,

@ Mathieu (#124) et aux autres dissertant sur l'arrêt Perruche ...

Je ne connaissait pas ce mot "orthogénisme", qui est pourtant dans le dico de l'Académie Française:
"Étude des conditions les plus favorables à l'amélioration des sujets de l'espèce humaine; science de l'orthogénie. Synon. eugénisme. Le premier centre français d'orthogénisme ouvrira le 15 mai 1969. Créé sous l'égide du Mouvement français pour le planning familial, ce centre offrira des consultations gratuites de médecins, généralistes ou spécialistes, sur les problèmes de contraception et de stérilité (Le Monde, 23 mars 1969 ds GILB. 1980)."

La piste de l'eugénisme ayant été enfin lancée (d'abord par EOLAS en réponse à #48, puis par PERRUCHE FOREVER en #123), on doit pas être bien loin du "point godwin" ...

fr.wikipedia.org/wiki/Loi...

Bon, sinon, en cas de soirée pluvieuse, je vous conseille le visionnage de "Bienvenu à Gattaca" ...
www.allocine.fr/film/fich...

132. Le mercredi 6 août 2008 à 19:04 par Yves D

Oups, les vacances ne m'ont pas enlevé mes "fotes" quasi systématiques et qui me sautent aux yeux lorsque je me relis ... amis lecteurs, désolé ...
Vous aurez donc corrigé "Je ne connaissaiS donc ..." ; "n'Importe quoi", et les autres ...

133. Le mercredi 6 août 2008 à 20:14 par Doc

@ Grosjesus:Pour vous , je résume :
Les médecins sont des dangereux personnages paillards et ivrognes, qui, si ils n'étaient sous la surveillance des robes noires et rouges (qui elles ne provoquent jamais de dégâts qui leur soit imputables, la preuve: on ne les condamne jamais), se transformeraient en serial killer. Pour preuve, il cite de grosses catastrophes qui ont bien eu lieu du fait d'une faute médicale, qui font vraiment peur et qui sont incontestables.
Il explique ainsi que si des procès sont faits, c'est parce que :
1- les médecins en cause sont mauvais.
2-ils ne veulent pas expliquer ce qui se passe à leurs patients.
3-C'est aux médecins collectivement via leurs assurances de concrétiser la solidarité envers les personnes handicapés (il n'a pas l'air d'envisager le cas des handicapés qui ne peuvent pas mettre en cause un médecin.).
Si vous contestez son point de vue, c'est que vous n'avez aucune compassion envers les malades, les handicapés et les morts, si en plus vous êtes médecin: cela ne l'étonne pas de vous.
Voilà, je suis extrêmement confuse car ces pages lui on été inspirées par les commentaires déplacés d'une certaine "Doc", déplacés puisqu'ils polluaient un espace qui devait être exclusivement consacrés à sa cravate, commentaires du genre "Mê-ê-être, ce bordeau vous va si bien", "Mê-ê-être, merci", "Oh, mê-ê-être votre voix à des accent de Desproges, c'est troublant"

Des commentaires sous ce long billet, je retiens surtout la conclusion d'une avocate "les médecins et les avocats devraient se rencontrer le moins souvent possible."
Je suis du même avis. Je ne remettrai jamais jamais les pieds, dans un lieu où l'altérité est reçue avec autant de malveillance et d'hostilité, quand bien même elles s'enveloppent dans une habile et brillante rhétorique. C'est promis.

134. Le jeudi 14 août 2008 à 22:35 par Tob

"Les médecins sont des dangereux personnages paillards et ivrognes, qui, si ils n'étaient sous la surveillance des robes noires et rouges (qui elles ne provoquent jamais de dégâts qui leur soit imputables, la preuve: on ne les condamne jamais), se transformeraient en serial killer. "

Et ils n'ont pas le sens de l'humour, avec ça.

135. Le vendredi 15 août 2008 à 13:22 par Candide

C'est amusant de remarquer qu'il n'y a pas de spécialité (“corpo”) : bavures policières. On me dira sûrement que la police ne commet jamais d'erreur, ne fait jamais de faute...

De voir tout ça, de voir comment tout s'organise... ça en dit beaucoup sur une “société”, je trouve.

136. Le samedi 16 août 2008 à 18:34 par Ellis Lynen

En tant qu'étudiante sage-femme, je me dois de rejoindre la réflexion d'une des personnes ayant commenté votre texte (honte sur moi de ne pas tous les avoir lus, mais l'entreprise eut été fastidieuse, certains commentaires étant particulièrement inintéressants) : les sciences humaines en PCEM1 sont étudiées à raison de 4 heures par semaine, ce qui comprend certes l'économie mais aussi la déontologie, le droit, la psychologie etc. Nous avons eu la chance, à Rennes, de recevoir des intervenants extérieurs à la faculté de médecine, dont un juriste au moins, et un représentant de la médecine légale.

Malheureusement, ces cours, qui se veulent une ouverture sur les responsabilités concrètes du professionnel dans l'exercice futur de sa profession ne sont que rarement pris au sérieux. Les élèves viennent exclusivement des filières scientifiques et n'attendent parfois que cela de leurs études de médecine; la tradition du concours de PCEM1 (une absurdité soit dit au passage) ne fait qu'encourager une vision du médecin comme l'élite du monde médical, qui serait intouchable par les lois ou les hommes. Il n'y a qu'à lire certains commentaires ici même pour bien s'en rendre compte. Je pense donc que les facultés comme celle de Rennes ne sont pas à blâmer, ni leurs intervenants, pour les cours de sciences humaines.

Ainsi, même si je déplore le ton parfois extrêmement sarcastique de certains passages de votre texte quant à la profession de médecin dont on se passerait bien, Eolas, je ne peux que m'incliner bien bas pour vous remercier de l'art avec lequel vous savez rendre un sujet parfois assez abscons pour des néophytes comme moi lumineux de pédagogie; j'en ai appris plus grâce à votre texte que grâce à notre cours sur la responsabilité médicale de l'année passée.

Pour finir, je n'aurais de cesse de recommander les contacts interdisciplinaires. C'est grâce à une de mes relations qui étudie le droit que j'ai découvert ce site, et c'est grâce à ce genre de contacts que n'importe quel type de profession à tout à gagner.
Continuez ainsi, Eolas, vous êtes dans le droit chemin (et heureusement, sinon où irait la France?)

137. Le lundi 18 août 2008 à 18:01 par Diane

Sans aller jusqu'à me demander s'il valait mieux naître handicapé ou ne pas naître - j'avoue avoir du mal à prétendre connaître la réponse alors que je suis en parfaite santé - je suis parfaitement d'accord avec Maître Eolas en ce qui concerne l'arrêt Perruche. J'ai dû présenter et commenter cet arrêt, et la lecture des différents commentaires sur cette question m'a laissée perplexe.

La condamnation de cet arrêt comme une décision qui accorderait un "droit à ne pas naître" me paraît tout à fait contestable car elle repose sur une compréhension erronée de la décision. Comme le montre Maître Eolas, les conditions de la responsabilité civile étaient réunies et il s'agissait bien d'indemniser le fait d'être « né handicapé ».

L'arrêt ne dit pas qu'il y aurait un droit à ne pas naître – ce qui n'était pas discuté devant la Haute juridiction - pas plus qu'il ne dit qu'il y aurait un droit à ne pas naître handicapé. Il est des maladies que l'on ne peut déceler avant la naissance, sans qu'une faute du médecin soit en cause.

Ce que dit l'arrêt Perruche, c'est que sans la faute du médecin, les parents auraient eu le choix d 'accepter ou non cette situation, et que le fait pour l'enfant de vivre avec un handicap aurait pu être évité. Il me semble que c'est ce que le droit permet lorsqu'il admet le recours à l'avortement. Le choix a donc été fait - pour une société donnée - de considérer que naître handicapé pouvait être préjudiciable et qu'il fallait permettre aux futurs parents d'accepter ou non cette situation, non seulement pour eux mais aussi pour leur enfant. Cette décision demeure très personnelle et relève de la morale individuelle. Quand à l'enfant, peut on vraiment lui reprocher de regretter d'être né handicapé tout en sachant que cela aurait pu être évité – comme la loi le permet - sans la faute du médecin ? Du reste il ne s'agissait pas nécessairement de regretter d'être né, mais seulement de souhaiter vivre mieux.

Condamner l'arrêt Perruche en affirmant qu'il reconnaît « un droit à ne pas naître » révèle il me semble une certaine hostilité à l'égard de l'avortement. Il est dommage que la morale et le droit aient été ainsi confondus lors des débats suscités par cette décision, au risque de tendre vers un certain moralisme. Le droit a certes à voir avec la morale, mais pas seulement. Et d'ailleurs, de quelle morale s'agit-il ? Il semble nécessaire de respecter, ce qui n'implique pas nécessairement l'adhésion, le courage et la souffrance de chacun, sans pouvoir se poser en meilleur juge de leurs choix, de l'usage de leurs libertés. C'est que nos lois ont permis. Celui qui, par sa faute, prive quiconque de cette faculté, doit en réparer les conséquences. C'est ce que nos lois commandent.

138. Le mardi 19 août 2008 à 16:00 par FC

L'arrêt Perruche, et la défense que vous en faites, ne me choque pas moralement, mais intellectuellement: il repose sur un jeu de mots, et non sur un raisonnement. Sans l'erreur du médecin, l'enfant ne serait pas né handicapé, mais il serait mort, ce qui est un préjudice significatif aussi; le fait d'être vivant et handicapé n'est un préjudice que par rapport à l'état "vivant et non handicapé", pas par rapport à l'état "mort", ou "non né" si vous préférez. Parler de préjudice pour le handicap en prétendant ne pas déplorer la naissance relève du jésuitisme.

Autant l'indemnisation des parents me semble légitime, autant celle de l'enfant me semble problématique et pathogène. L'indemnisation pour préjudice ne paraît pas, dans ce cas précis, le moyen le mieux adapté pour venir en aide à l'enfant, ne serait-ce que parce qu'il préjuge de ses sentiments. Mieux aurait valu, tant qu'à faire, augmenter d'autant l'indemnisation des parents.

Quant à l'argumentaire de Veuve Tarquine, il flirte avec le reproche qu'elle adresse à ses contradicteurs: celui de mélanger le droit et la morale.

139. Le mardi 19 août 2008 à 16:13 par kiceki

Cher Eolas,

Visiblement le lien que j'ai posté en commentaire d'un récent arrêt de la Cour de cassation ne semble pas avoir retenu votre attention.

Il semblerait cependant que le passage de votre billet,

"— Un bouquet, du début à la fin. En conséquence, la cour de cassation a jugé récemment que les réclamations portées avant la loi du 4 mars 2002 seraient encore recevables, ce par un effet rétroactif d'application immédiate©. Pour aux enfants nés après le 6 mars 2002 : Vae Victimis.",

mérite d'être complété.

En effet, bien que les faits de l'espèce portaient sur un préjudice constitué avant l'entrée en vigueur de la loi, la Cour dit bien, comparant les dispositions du protocole additionnel de la déclaration des droits de l'homme à la loi de 2002 :

"Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que si une personne peut être privée d'un droit de créance en réparation d'une action en responsabilité, c'est à la condition que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que le deuxième de ces textes ne répond pas à cette exigence dès lors qu'il prohibe l'action de l'enfant né handicapé et exclut du préjudice des parents les charges particulières qui en découlent tout au long de sa vie, instituant seulement un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale, tandis que les intéressés pouvaient, en l'état de la jurisprudence applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur préjudice inclurait toutes les charges particulières invoquées, s'agissant d'un dommage survenu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi susvisée, indépendamment de la date de l'introduction de la demande en justice ;"

Ainsi c'est l'ensemble du texte que la Cour considère comme inapplicable car contraire à la Convention.

On ne peut donc pas dire que la Cour ne fait que renvoyer les enfants nés après l'entrée en vigueur de la loi aux rigueurs subies par les gladiateurs malheureux.

140. Le mardi 19 août 2008 à 20:28 par Diane

@ FC

Je reconnais là un manque de précision de ma part, ce qui est regrettable, mais je vais tâcher pour l'avenir de m'améliorer. Après avoir relu ce commentaire, je regrettais aussitôt cette phrase, avec laquelle on ne va pas bien loin et qui n'est pas exacte. Mais c'est moins en raison d'une certaine mauvaise foi qu'en raison de la difficulté à exprimer des idées qui, sommes toutes, demeurent parfois trop confuses pour mon pauvre cerveau.

Ce que j'aurai dû dire, c'est que la décision condamnait un médecin fautif à réparer, selon les termes de la Cour, « le préjudice résultant du handicap » (et non pas le préjudice d'être né handicapé). Par contre, cette décision ne consacrait nullement un « droit de ne pas naître » ou de ne pas « naître handicapé ». Si cela semble encore être un jeu de mots, en droit ces mots ne sont pas prononcés à n'importe quelles conditions (en l'occurrence ils l'ont été une fois réunies les 3 conditions de la responsabilité civile, la faute, le préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice) et ne souffrent pas de raccourci (ce que j'ai eu le tort de faire dans le précédent commentaire). Le médecin qui, par sa faute, prive les parents de leur choix d'avorter doit en réparer les conséquences, qui s'étendent il me semble à la situation de l'enfant, à ses conditions de vie, liées au handicap. Vivre avec un handicap dans certaines conditions peut être considéré – cela relève de la conception de chacun - comme un préjudice, ce qui selon la loi peut être évité par l'avortement, toujours selon la liberté de chacun. Ensuite, si l'on reconnaissait un droit de ne pas naître ou même de ne pas naître handicapé, cela poserait bien sûr certains problèmes éthiques et cela n'aurait juridiquement pas de sens. Par exemple, cela conduirait à remettre en cause la liberté pour la femme d'avorter ou non, puisque l'enfant pourrait faire valoir son droit de ne pas naître contre sa mère si cela lui est possible. Celle ci y perdrait la liberté que la loi lui accorde. Ce n'est certainement pas ce qu'autorise l'arrêt, ni les règles de la responsabilité civile, et la décision des parents de ne pas avorter ne peut constituer, juridiquement, une faute à l'égard de l'enfant.

Il eût sans doute été préférable, mais moins exact juridiquement, d'étendre l'indemnisation accordée aux parents. Cela aurait peut être évité que l'on se place, souvent à tort, du point de vue de l'enfant, en préjugeant de ses sentiments et que l'on s'interroge sur un hypothétique droit de ne pas naître, en faisant dire à l'arrêt ce qu'il n'avait pas dit. Et surtout on lui a fait dire ce qu'il n'avait dit parce que l'on a confondu droit et morale.









141. Le mercredi 20 août 2008 à 16:08 par Arkela

Votre billet fait écho à une discussion qui a lieu parmi les ergothérapeutes (dont je fait partie) qui ne trouve pas vraiment de solutions (ou du moins de réponses).
Actuellement la sécurité sociale rembourse les fauteuils roulants électriques sur avis médical (d'au moins un médecin de rééducation dit MPR et d'un paramédical (ergothérapeute le plus souvent, kiné parfois, infirmière très rarement)). Cet avis présente les capacités et incapacités de la personne, le bénéfice du fauteuil électrique et l'avis favorable. Ensuite le centre de sécurité sociale accorde (ou non mais c'est très rare) le remboursement du fauteuil électrique permettant au patient de l'acheter. Cette démarche est à renouveller à chaque achat soit environ tous les cinq à dix ans.
Or il se trouve que de nombreux confrères sont confronter à un problème bien particulier, celui des personnes handicapés physiques vieillissantes. Comme tous à chacun, les personnes handicapés physique finissent par vieillir et perdent de l'acuité visuelle et auditive et ont parfois des troubles cognitifs. Il se trouve qu'un fauteuil roulant pèse (personne non comprise) entre 100 et 250kg et qu'ils peuvent générallement atteindre les 15 à 20 km/h. Vous imaginez donc les dégâts qu'un tel engin peut faire. Il n'est donc pas rare que la question du non renouvellement du fauteuil roulant se pose (en cas de conduite dangereuse avérée comme prendre une voie bus en sens inverse ou klaxonner les piétons sur le trottoir plutôt que de changer de trajectoire...).
Pour l'instant le débat est plutôt éthique et pas juridique mais il me semble qu'une partie l'est quand même. Actuellement rien n'empèche un particulier d'acheter un fauteuil roulant électrique non rembourser par la sécurité sociale. Or il n'est pas rare que cette information ne soit pas donner. Pour caricaturer un peu se qui ce passe quand les évaluations ne sont pas bonne, il est dit au patient qu'il n'est pas possible qu'il ai un fauteuil roulant électrique et qu'il doit donc se contenter de ne plus se déplacer de façon autonome. A mon sens ce n'est pas une « information loyale, claire et appropriée ». Mais n'étant pas juriste, j'aurais bien aimer avoir une réponse plus précise sur ce point (et accessoirement savoir ce que risque un médecin ayant ce genre de pratique)

142. Le jeudi 21 août 2008 à 21:53 par Saint saulvien

Eolas, vous répondez à la note 15 que le juge judiciaire est compétent pour connaitre des litiges entre patient et médecin public en secteur libéral, « puisque le médecin est payé directement par le patient ». Il ne me semble pas que cela soit le critère de la compétence du juge. Avant 2003, l’argent devait passer par l’hôpital, qui prélevait la redevance due par le médecin (lisez le Canard enchaîné de ces dernières semaine, l’inflation de ce droit à payer fait débat), et cela n’empêchait la compétence du juge judiciaire. Désormais, les médecins en secteur libéral ont le choix d’opter entre paiement direct et intermédiation de l’hôpital pour ce faire (art. L. 6154-3 du Code de la santé publique, notamment).

A Simon qui écrit (note 10) : "L'article L. 251-1 du code des assurances reprend le texte de l'article L. 1142-2 du code de la santé publique. Plus intéressant, la mise en œuvre de la responsabilité civile médicale suit une règle particulière, celle de la "base réclamation", dérogatoire de la règle générale du "fait dommageable". Ainsi, l'assureur tenu à indemnisation n'est pas celui du praticien au moment de la survenance du sinistre, mais celui du praticien au moment de la première réclamation (article L. 251-2 du code des assurances), avec garantie subséquente pour la période de cessation d'activité. "
Le droit général des assurances a rattrapé cette exception insérée par la loi About de décembre 2002. Désormais, les clauses réclamation peuvent être insérées dans les contrats d'assurance couvrant les risques professionnels (le droit de la santé ouvrant la piste à cette généralisation qui date cependant un peu, elle vient de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, qui modifie en conséquence l’article L. 124-5 du Code des assurances).

143. Le vendredi 22 août 2008 à 06:25 par ramses

Me trouvant actuellement à Miami, je vais vous conter l'histoire d'un jeune kiné français de mes amis, venu faire un séjour en Floride le mois dernier.

Souffrant, il demande à la réception de son hôtel d'appeler un médecin à son chevet. Dans l'heure qui suit, celui-ci se présente à l'hôtel et se rend à la chambre du patient.

Avant toute auscultation, il prend une empreinte de la carte de crédit de mon ami et lui fait signer une feuille en anglais (of course), dans laquelle le patient accepte que les honoraires du médecin soient prélevés sur la carte de crédit (aucun montant n'est indiqué et aucune copie n'est laissée au patient, qui coche une dizaine de cases, exonérant de toute responsabilité le médecin pour quelque cause que ce soit (erreur de diagnostic, etc...)

De retour en France, mon ami kiné se trouve débité de 3.600 $ pour cette consultation... Vous avez bien lu... environ 2.500 € !

Réclamation auprès de sa Banque, à l'ordre des Médecins de Floride, rien n'y fait, tout est normal, Docteur !

Ce médecin, comme tous ses confrères et toutes les professions libérales, y compris les Avocats, fait sa pub avec photo dans les pages jaunes de l'annuaire...

On dit couramment que les USA ont toujours une décennie d'avance sur le reste du monde...

Voilà ce qui nous attend en 2018 :)

144. Le lundi 25 août 2008 à 17:51 par lds

Deux points à éclaircir :
Si le préjudice de Nicolas est son handicap. Le seul lien de causalité avéré est celui du handicap avec l'affection causale, à savoir la rubéole. Or ni le médecin, ni le laboratoire ne peuvent en être tenus pour responsables.
Quelle faute a réellement commise le médecin ? Si les deux prélèvements réalisés à 15j d'intervalle se sont avérés positifs, le diagnostic de rubéole ne peut être affirmés qu'en présence d'une hausse du taux d'anticorps. Or ce ne semble pas être le cas.

145. Le mardi 26 août 2008 à 15:34 par Saoulfifre

" Le choux qui défend la chèvre ?
— Là encore, je vous laisse la responsabilité de la métaphore légumineuse."

Crucifère. Crucifère, la métaphore q:^)

146. Le mardi 9 septembre 2008 à 13:27 par Lumina

#25 « et engage même pendant u ntemps un avocat à plein temps pour surveiller ce praticien. »

Son ex.

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