Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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jeudi 29 septembre 2011

jeudi 29 septembre 2011

Petit Vade Mecum d'urgence sur la contribution pour l'aide juridique

Ce billet s’adresse avant tout à mes confrères, indirectement aux magistrats qui vont devoir dès samedi se dépatouiller avec ça, mais risque d’être abscons pour mes lecteurs mekeskidis, car je vais devoir employer un vocabulaire technique.

Samedi 1er octobre entre en vigueur la contribution pour l’aide juridique, un droit de 35 euros qui doit être acquitté pour l’engagement d’une procédure devant les juridictions judiciaires et administratives.

Le décret vient de sortir, et entre les exceptions et les exemptions, on s’y perd.

Donc voilà où on en est.

Le principe

Le principe est simple : une procédure engagée, 35 euros. Quel que soit le nombre de parties. La loi de finance rectificative qui a institué ce droit prévoyait un paiement par voie électronique pour les avocats et avoués, mais rien n’a été mis en place. le décret prévoit qu’en cas d’impossibilité, ce droit est acquitté par voie de timbre mobile, c’est à dire le bon vieux timbre fiscal (ça rappellera des souvenirs aux vieux publicistes). Premier problème : la loi ne prévoit pas cette possibilité pour les auxiliaires de justice, mais seulement pour les particuliers. Pas sûr que le décret soit légal, ce qui promet des recours en annulation. Vive l’incertitude juridique.

Les timbres sont à accoler sur l’acte introductif d’instance déposé au greffe de la juridiction (et non sur le greffier ou sur le juge) : sur la requête introductive devant les juridictions administratives, le second original pour une assignation (inutile d’envoyer un exemplaire timbré à l’huissier, collez-les lors du placement), ou la déclaration d’appel.

Le droit n’est dû qu’une fois par procédure, même si elle fait l’objet de saisines multiples d’une juridiction. Ainsi si vous relancez une procédure après péremption d’instance, désistement ou caducité de la citation, ou si vous saisissez une juridiction après une décision d’incompétence, vous n’avez pas à payer à nouveau (mais devrez produire la saisine originelle dûment timbrée pour prouver votre recevabilité).

Pour la même raison, une requête en rectification d’erreur matérielle, en interprétation ou en complément d’une décision, est exemptée. Idem pour la saisine en rétractation, modification ou contestation d’une ordonnance sur requête (mais l’ordonnance sur requête exigera elle le paiement du droit de 35€).

De même, si vous faites un référé expertise (qui suppose paiement du droit), et que vous saisissez ensuite au fond sur la base de cette expertise, la saisine au fond est exemptée du droit, qui a déjà été acquitté.

Enfin, bien que ce ne soit pas expressément dit, l’intervention n’est pas une introduction d’instance, et dispense donc du paiement de ce droit (voilà qui encouragera les parties civiles à se constituer devant le juge répressif).

Les exceptions

Elles sont nombreuses, sinon ce ne serait pas drôle.

Sont dispensés du paiement du droit de 35 euros :

  • - Les procédures au titre de l’aide juridictionnelle, totale ou partielle ;
  •  -Les procédures introduites par l’État (je mentionne pour info, je doute qu’Il me lise), et par le ministère public, qui est son Prophète, ce qui exclut toutes les instances pénales SAUF les citations directes par la partie civile et les plaintes avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction ;
  • - Les requêtes devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), et les demandes au titre du SARVI, qui n’est pas une procédure judiciaire ;
  • - Les procédures devant le juge des enfants ;
  • - Les procédures devant le juge des libertés et de la détention ;
  • - Les procédures devant le juge des tutelles ;
  • - Les procédures de surendettement (on peut comprendre pourquoi…)
  • - Les procédures de redressement et liquidation judiciaire, et de redressement amiable des exploitations agricoles ;
  • - Les recours contre les décisions individuelles relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile : refus de titre avec ou sans OQTF, recours devant la CNDA, contentieux des RATATA, etc. (Ouf) ;
  • - Le référé liberté devant le juge administratif (mais PAS le référé suspension ni le référé mesure utile) ;
  • - La demande d’Ordonnance de Protection devant le juge aux affaires familiales (c’est pour les victimes de violences conjugales) (art. 515-9 du Code civil) ;
  • - La demande d’inscription sur les listes électorales devant le président du tribunal d’instance (art. L. 34 du Code électoral) (ouf aussi, trouver des timbres fiscaux le dimanche, c’est pas évident) et les contestations d’élections professionnelles et de désignation de délégués syndicaux ;
  • - La contestation des dépens d’une instance devant le TGI).
  • - La saisine d’une juridiction de renvoi après cassation.
  • - Les procédures soumises au procureur de la République, au greffier en chef, ou au secrétariat d’une juridiction (certificat de nationalité par exemple) ;
  • - Les procédures aux seules fins de conciliation, de certificat, d’acte de notoriété, de recueil de consentement.
  • - Les demandes incidentes, à condition de mentionner l’instance principale à laquelle elle se rattache
  • - Les assignations en divorce, le droit de timbre ayant été acquitté lors de la requête initiale ; (Merci OlEB)
  • - Les demandes d’indemnisations de détention provisoire indue (1e instance et appel) ;
  • - La demande aux fins d’autorisation d’accueil d’embryon devant le président du TGI ;
  • - Les saisies des rémunérations du travail, sauf intervention d’un créancier extérieur à la procédure ; Rectificatif : les saisies des rémunérations du travail sont soumises au droit  de timbre, seules sont dispensées les contestations de la saisie et l’intervention à une saisie en cours quand on est déjà créancier (hypothèse de l’actualisation de la créance) (merci Ratapignata)et OlEB ;
  • - Opposition à ordonnance résiliant un bail d’habitation pour inoccupation ;
  • - Opposition à injonction de payer ou de faire, le droit ayant été acquitté pour obtenir l’injonction.
  • - Demande d’exécution d’une décision du juge administratif.

La sanction

C’est l’irrecevabilité, constaté d’office par le juge (président du tribunal, président de chambre, juge de la mise en état ou formation de jugement selon le cas), sans débat si c’est un avocat qui a présenté la requête ou déposé la citation. Sinon, il doit solliciter les observations des demandeurs sans avocat. Cette irrecevabilité n’empêche pas le juge civil de statuer sur les demandes d’article 700 (on pense bien sûr à celles présentées par le défendeur).

Attention, cette irrecevabilité n’est pas susceptible d’être couverte devant le juge judiciaire (art. 62-5 du CPC), mais elle peut l’être devant le juge administratif même après expiration du délai de recours (art. R.411-2 du CJA).Oui, c’est pas juste.

Le juge administratif est dispensé de demander la régularisation si le requérant est représenté par un avocat, sinon il doit demander la régularisation.

En cas de décision d’irrecevabilité erronée, vous avez 15 jours pour saisir le juge ayant prononcé cette irrecevabilité pour qu’il la rapporte sans débat. S’il maintient son refus, c’est le recours de droit commun.

La récupération

Ce droit est dû au titre des dépens par la partie qui succombe, sauf décision expresse du juge. Pour le civil/commercial/prud’hommal : art. 695, 1° du CPC. Pour l’administratif : Art. R. 761-1 du CJA.

Et l’aide juridictionnelle alors ?

Si elle est accordé, le requérant est exempté du paiement. Il en est justifié par la production d’une copie de la décision octroyant l’AJ avec l’acte introductif. Si la demande est en cours, il est produit copie de la demande. En cas de rejet de la demande d’AJ, de retrait ou de caducité, la contribution doit être acquittée dans le mois qui suit devant les juridictions judiciaires ; devant les juridictions administratives, le juge doit demander la régularisation avant de prononcer l’irrecevabilité (théoriquement il peut le faire sans solliciter la régularisation si un avocat représente le requérant, mais ce serait contraire au procès équitable à mon sens).

Merci de me signaler mes erreurs et oublis, je mettrai ce billet à jour si nécessaire.

À vos timbres fiscaux.
——
Mise à jour 1 : ajout des élections professionnelles et interprétation de l’art. 1114 du CPC.
——
Mise à jour 2 : rectification sur la saisie des rémunérations du travail.

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