Aujourd’hui, 9 mai, est la journée de l’Europe, en souvenir de la déclaration de Robert Schuman qui fut l’étincelle de concupiscence qui entraîna la conception de l’Europe (avec une fausse couche en 1954).
Mon pessimisme de l’année dernière demeure sur le plan politique, puisque la Grèce envisage de sortir de la zone euro, que la Hongrie a adopté une Constitution incompatible avec les valeurs de l’Europe, et qu’en France, les ministres de l’intérieur xénophobes se succèdent tandis que la liberté de circulation est présentée comme une vulnérabilité face à “l’invasion” de 25.000 Tunisiens, ce qui doit bien faire marrer les Tunisiens qui font face à plus de 200.000 réfugiés libyens.
Néanmoins, un petit vent frais vient dissiper quelque peu ces nuées. En un an, la bataille de la garde à vue a été remportée, grâce à l’Europe. Il reste des poches de résistance, comme l’absurde refus de l’accès au dossier, mais c’est plus de la mesquinerie que du jusqu’au-boutisme. Elles seront rapidement réduites.
L’Europe nous permet, depuis décembre, de considérablement vider les centres de rétention administrative, lieu d’internement des étrangers en instance de reconduite forcée, faute pour la France de s’être conformée dans les délais à une directive.
Et voici qu’à présent l’Europe m’offre sur un plateau la tête de ma Némésis, l’abominable délit d’entrave à l’exécution d’une mesure d’éloignement. Je vous avais dit tout le mal que je pensais de ce délit et surtout de la mauvaise interprétation qui en était fait par la jurisprudence. La Cour de Justice de l’Union Européenne vient de rendre un arrêt très important, sur lequel je reviendrai le plus tôt possible, qui estime contraire au droit européen tout délit punissant de prison le seul fait d’être en séjour irrégulier. Exit le délit d’entrave à l’exécution d’un éloignement, mais aussi, et ce n’est pas une mince affaire, exit le délit de séjour irrégulier. Donc exeunt les gardes à vue d’étrangers sans papier, préalable indispensable à la prise d’un arrêté de reconduite à la frontière. La justice va enfin cesser d’être la complice de l’exécutif en se prêtant à cette mascarade consistant à placer en garde à vue et donc à priver de liberté des étrangers qu’elle n’a pas un instant l’intention de poursuivre, le temps pour les préfectures de prendre un arrêté de placement en rétention. J’y reviens très vite dans un billet dédié, il y a urgence à répandre l’information.
Quels que soient les vents mauvais qui soufflent, l’Europe reste une forteresse inébranlable des droits de l’homme.
Alors comme il est désormais de tradition, des paroles de sagesse et de la musique pour fêter cette belle Europe dont on a plus que jamais besoin.
La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent.
La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d’une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre.
L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée. L’action entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Allemagne.
Robert Schuman, 9 mai 1950
Texte intégral de la déclaration Schuman.
9e symphonie de Beethoven, BBC Philarmonic Orchestra, direction : Gianandrea Noseda.