Je le confesse, j’ai quelques prix Busiris qui attendent leur annonce mais sont d’ores et déjà acquis. Il faut dire que du neuf se prépare sur le front de ce prix, je vous en reparlerai bientôt.
Et puis tout à coup, en pensant à ce prix, ça a fait tilt. Comment ne m’en étais-je pas souvenu plus tôt ?
Le prix Busiris est né le 9 mai 2006, un jour que je défiais la mort (je circulais dans Paris à vélo) en écoutant la radio. Le conseiller politique de Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre de l’intérieur et impétrant à de plus hautes fonctions, était l’invité la matinale de France Inter. C’était les débuts de l’affaire Clearstream, Dominique de Villepin était premier ministre et pas encore prévenu (ni avocat, d’ailleurs…).
Le journaliste lui posa LA question que tout le monde attendait, sachant que quand ce conseiller politique ouvrait la bouche, c’était les mots du ministre de l’intérieur qui sortaient. « Dominique de Villepin doit il démissionner ? »
Voici quelle fut sa réponse, qui fut le premier prix Busiris, et qui reste la référence académique.
“Il y a une règle qui doit s’appliquer à tout le monde, aussi bien à vous qu’à moi, qu’à Dominique de Villepin, qui est la règle de la présomption d’innocence. On ne peut pas faire fonctionner une démocratie en se basant simplement sur des articles de presse, fussent-ils parfaitement bien documentés.
Jusqu’ici tout va bien.
Ceci étant dit, il y a aujourd’hui un doute qui pèse sur cette affaire (…). C’est un doute considérable qui fait peser une menace sur le fonctionnement même du gouvernement, de l’Etat, et je ne pense pas qu’on puisse rester très longtemps dans cette situation.(…) Il faut lever ce doute, et malheureusement le temps de la justice est tellement long qu’on ne peut pas imaginer que la justice lève ce douter à court terme.(…). Ou bien le premier ministre est en mesure d’apporter des preuves irréfutables que cette affaire a été montée de toutes pièces et qu’il n’y est pour rien ou bien il faudra que le président de la République tire les conséquences de cette situation et change de premier ministre.
En somme, Dominique de Villepin est présumé innocent, c’est une nécessité démocratique. Mais il doit prouver son innocence ou démissionner, car on ne peut attendre que la justice passe. Aberrance, contradiction, mauvaise foi, opportunité.
Ces propos résonnent formidablement aujourd’hui.
Il est tout d’abord savoureux de les relire en sachant que trois ans et demi plus tard, Dominique de Villepin était relaxé.
Mais surtout il est délicieux de les relire en faisant le parallèle avec l’affaire Woerth d’aujourd’hui, où tout le Gouvernement entonne à l’unisson le couplet de la présomption d’innocence.
Car en mai 2006, le conseiller politique de Nicolas Sarkozy, c’était François Fillon.