24 heures[1], c'est un claquement de doigts. C'était hier, c'était là, à l'instant. C'est fugace, c'est court. C'est le laps de temps entre deux berceuses chantées à ma fille.
24 heures, pour un avocat, c'est le délai dans lequel, quand on fait appel d'une décision de placement en détention provisoire, on peut demander un examen immédiat de cette demande par le président de la chambre de l'instruction (le "référé-liberté").
24 heures, c'est le délai d'appel d'un jugement d'un tribunal correctionnel statuant sur une demande de mise en liberté [2], ou contre une ordonnance du juge d'application des peines en matière de réduction de peine, ou de modalité d'exécution des mesures de liberté conditionnelle, ou encore du juge des libertés et de la détention en matière de rétention administrative[3].
24 heures, c'est le dernier délai pour les parties avant l'audience d'assises pour se dénoncer mutuellement la liste des témoins cités.
24 heures, c'est le temps qu'il faut à Jack Bauer pour sauver le monde.
Ca passe vite.
Mais pas toujours.
Jeudi 14 février 2008, jour de la Saint-Valentin, l'audience du juge des libertés et de la détention de Paris, statuant en matière de rétention administrative, avait 78 dossiers à traiter. L'audience a commencé vers neuf heures. Elle s'est achevée un peu après neuf heures. Le lendemain matin.
Je n'y étais pas, Dieu merci.
Mais avis à la population. La machine folle est officiellement emballée. On atteint les limites. On ne peut pas aller plus loin, car au bout de 24 heures, c'est l'audience suivante qui commence. Sauf à terme à employer tous les juges ayant le grade suffisant (il faut être vice-président pour être juge des libertés et de la détention) à cette activité.
C'est moi ou bien il y a comme un problème, là ?
On essaye d'expulser des avocats qui vivent et travaillent en France depuis 46 ans.
On expulse des étrangers déjà en partance pour leur pays pour un coût de 3000 à 11000 euros.
On arrête des enfants à l'école.
On consacre deux fois plus d'argent à la police des étrangers qu'à l'accès au droit et la défense en justice des plus démunis (600 millions d'euros contre 300 millions).
Les juridictions administratives sont paralysées par l'afflux du contentieux des étrangers qu'elles doivent traiter en urgence absolue.
Et maintenant, les juges judiciaires affectés au contentieux des étrangers siègent 24 heures.
C'est assez dingue pour vous comme ça, ou c'est bon, on peut aller encore plus loin dans la démence ?
Notes
[1] Merci à ma consoeur Stéphanie pour l'idée du titre du billet.
[2] Devinette pour les étudiants en droit qui font de la procédure pénal : dans quelle hypothèse le tribunal correctionnel a-t-il à connaître des demandes de mise en liberté ?
[3] Il s'agit des étrangers frappés par un arrêté de reconduite à la frontière que le préfet décide de priver de liberté afin de permettre une exécution forcée de la mesure. Au bout de 48 heures, ils doivent être présentés à un juge qui statuera sur la légalité de la privation de liberté et l'opportunité de sa prolongation, qui ne peut excéder 15 jours, renouvelables une fois, pour un total de 32 jours.