Une journée ... « ordinaire »
Par Eolas le mercredi 23 avril 2014 à 01:26 :: Greffiers en colère :: Lien permanent
Par Marion, greffière en tribunal d’instance
08h00 : après 1h de route (réforme de la carte judiciaire merci !!), début d’une longue journée de travail, chargée comme toutes les précédentes, chaotique comme toutes les suivantes. J’ose prendre 5 min de mon temps pour me servir un café, c’est le seul moment de répit et de plaisir que j’aurai en cette journée !
08h10 : j’attaque par l’ouverture du courrier, toujours une montagne, tout en assurant l’accueil téléphonique et juridictionnel. Les justiciables ne sont pas toujours agréables, patients, compréhensifs. « non le service tutelle ne répond pas au téléphone ce matin, les greffières sont toutes en audition » « Oui pour vous pacser au tribunal, c’est gratuit… Ah non par contre, vous ne pouvez pas prendre rendez- vous le samedi (ou le soir après 19h !!), car le tribunal est fermé. Ah et bien désolé d’avoir aussi le droit de nous reposer » « non nous ne sommes pas compétents pour cela… pardon monsieur je parle de compétence territoriale, inutile de vous répandre en insultes contre les fonctionnaires ! »
10h40 : j’attaque maintenant la régie, loin, très loin des fonctions juridictionnelles d’un greffier. Et pourtant, il en faut bien un pour faire le boulot. Est-il nécessaire d’indiquer que le régisseur endosse une responsabilité personnelle et pécuniaire pour laquelle il ne perçoit aucune contre-partie indemnitaire ?
11h00 : je rajoute une petite laine, le chauffage coûte trop cher dans le maigre budget qui nous est alloué.
12h30 : je savoure la pause déjeuner d’1/4 d’heure. J’avale vite fait un sandwich et un thé, tout en refoulant le justiciable qui ne comprend pas pourquoi je refuse de lui répondre « puisque vous êtes là, qu’est ce que cela change pour vous de me répondre ?? » bien entendu, ma pause déjeuner ne mérite pas un minimum de respect.
12h45 : je remets du papier dans le photocopieur, je vérifie qu’il y a encore du toner dans le fax (faudrait pas créer un nouvel incident procédural non plus !), je traficote la machine à affranchir pour qu’elle daigne faire son boulot d’affranchisseuse et je cherche désespérément s’il ne reste pas un stylo bleu dans le placard à fournitures. Non, le ravitaillement sera fait en juin. D’ici là, il faudra venir avec nos propres fournitures. Tant qu’ils nous demandent pas d’amener notre papier toilette…
13h00 : revoici le fameux justiciable qui attendait, sournoisement, derrière la porte l’horaire de réouverture ! Il n’est pas content du tout le justiciable, il a dû perdre ½ heure de son temps, si précieux, pour avoir un renseignement que n’importe quel site internet juridique lui aurait fourni. « vous comprenez, j’ai un métier MOI !! » « et d’après vous, je fais quoi ici ? des maquettes en allumettes ? »
13h30 : renfort au service tutelles. Nous avions fourni un effort sur-humain en 2013 pour assurer un renouvellement de toutes les mesures en cours. Nous avions eu d’ailleurs de généreux remerciements, mais attention surtout pas en prime bien entendu.
C’était sans compter sur le vieillissement de la population, et l’augmentation journalière du nombre de nouvelles mesures à ouvrir. Le service tutelle majeur : un travail titanesque, le tonneau des danaïdes, l’enfer . Les auditions s’enchaînent donc. J’évite de justesse le coup de canne de la petite dame qui « non vraiment ne veut pas entendre parler de tutelle ». Nous en rirons surement un jour avec le magistrat de cette petite dame, mais pour le moment nous en prenons pour notre grade.
15h00 : je trouve encore l’énergie de relire les jugements TPBR. C’est signé, c’est parfait, il ne reste plus qu’à notifier…aux 25 parties et leurs avocats. Ça tombe bien, j’avais fait le plein de la photocopieuse ce midi ! Et quelle joie de savoir que, dans 15 jours à peine, j’aurai la chance de photocopier l’entier dossier pour la cour puisque, inévitablement, il y aura recours.
16h30 : ça y est, le cap est franchi ! Je suis désormais officiellement en heures supp, qui ne me seront pas payées. Pourtant, il y a encore à faire, pas le choix. Satanée conscience professionnelle !! Tiens d’ailleurs, le SAR m’appelle, il me faut rendre (encore ??!! ) des statistiques avant la fin.. du mois ? de la semaine ? Non de la journée !
17h00 : mon heure préférée, l’heure du classement. Ah les joies du classement ! Les AR, les courriers divers… les dossiers qu’on ne retrouve pas, évidemment… il faudrait d’ailleurs penser à demander une armoire de rangement supplémentaire, car déplacer les piles pour trouver le bon dossier, c’est usant. Suis-je bête ? nous n’avons même pas de crédit pour les stylos …
17h30 : la quille, enfin ! Et c’est reparti pour 1h de trajet. Je salive déjà à l’idée d’ouvrir ma fiche de paie ce soir en rentrant. « Chouette, mon salaire a encore baissé . Quel plaisir d’assumer autant de fonctions et de responsabilités professionnelles sans un minimum de reconnaissance »
Hier, notre ministre nous a rendu un hommage…. un hommage ?? c’est pour les personnes décédées habituellement ? Il est certain qu’à ce rythme là, on sera bientôt tous décédé. Pour le moment, je suis morte de rire… je ris jaune, et je vois rouge !
Commentaires
1. Le mercredi 23 avril 2014 à 11:24 par Iconoclaste
2. Le mercredi 23 avril 2014 à 13:42 par marion
3. Le mercredi 23 avril 2014 à 16:51 par Balbylon
4. Le mercredi 23 avril 2014 à 22:45 par le chat qui miaule de colère
5. Le jeudi 24 avril 2014 à 08:53 par regis
6. Le jeudi 24 avril 2014 à 10:49 par Balbylon
7. Le jeudi 24 avril 2014 à 13:40 par Maêllefélidéjustice
8. Le jeudi 24 avril 2014 à 22:53 par Egidio
9. Le vendredi 25 avril 2014 à 07:56 par marion
10. Le vendredi 25 avril 2014 à 10:27 par Balbylon
11. Le vendredi 25 avril 2014 à 11:23 par marion
12. Le samedi 26 avril 2014 à 00:46 par greffier
13. Le mardi 29 avril 2014 à 18:22 par Joinbet Affiliate Program up to 25% share