Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Quand les juges en perruque donnent une leçon aux juges en robe

Dans les commentaires sous le billet Verbatims, un lecteur signant Morgan Kane a attiré mon attention sur une décision (pdf) rendue par la –toute jeune- Cour Suprême du Royaume Uni. Cette Cour suprême remplace depuis le 1er octobre 2009 la Chambre des Lords comme plus haute juridiction judiciaire pour l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Irlande du Nord et l’Ecosse. image

L’Ecosse qui a un droit largement autonome du droit anglais, et dont l’équivalent du Code de procédure pénale prévoyait qu’un suspect pouvait être interrogé pendant 6 heures avant d’être assisté d’un avocat.

Des avocats écossais ont soulevé devant la Cour Suprême l’incompatibilité de cette loi avec la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (CSDH), en s’appuyant sur les désormais célèbres arrêts Dayanan c. Turquie et Salduz c. Turquie (personne outre-manche n’ayant eu l’audace de prétendre que ces décisions ne s’appliquaient qu’à la Turquie).

A l’unanimité, la Cour Suprême a décidé que la loi écossaise violait la CSDH, et que toutes les déclarations reçues en garde à vue devraient être annulées dans les procédures encore en cours.

La question de l’application immédiate de cette règle ne leur a pas échappé, d’autant que le nombre de dossiers affectés a été estimé à 76 000 par la Couronne.

Voici la réponse que les juges y apportent. Je la laisse d’abord en anglais, puis je vous en propose une modeste traduction.

There is no doubt that a ruling that the assumption [that there was anything wrong with this procedure] was erroneous will have profound consequences.  But there is no room, in the situation which confronts this court, for a decision  that favours the status quo simply on grounds of expediency. The issue is one  of law […].  It must be faced up to, whatever the consequences.

Ce qui se traduirait par :

Il ne fait aucun doute qu’une décision affirmant que la croyance que cette procédure était parfaitement conforme à la CSDH était erronée aura de lourdes conséquences. Mais il ne saurait être question, dans la situation à laquelle cette Cour est confrontée, de rendre une décision qui favoriserait le statu quo simplement sur des arguments d’opportunité. La question est de pur droit. Il faut y faire face, quelles qu’en soient les conséquences.

Ces mots devraient faire rougir de honte le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, et tous les juges qui aujourd’hui encore osent rejeter les conclusions de nullité soulevées devant eux sur Salduz, Dayanan et Brusco.

Commentaires

1. Le mercredi 27 octobre 2010 à 11:46 par Totoro

Cher Maître, belle traduction.
Peut-être simplement
“Il s’agit d’une question de droit”
plutôt que
“La question est une question de droit”.

2. Le mercredi 27 octobre 2010 à 11:46 par Julien

C’est la perruque, ça donne de la hauteur.

3. Le mercredi 27 octobre 2010 à 11:51 par OlEB, Juge de base

Je ne suis pas rouge de honte, on y a fait droit hier…

On attend plus que l’appel du parquet (et l’infirmation de la Cour :’( )

4. Le mercredi 27 octobre 2010 à 11:59 par Dagg

L’attitude de la cour est très bonne; par contre la réponse politique promet d’être tout aussi populiste qu’elle ne l’est en France.

5. Le mercredi 27 octobre 2010 à 11:59 par Swazi

Quelqu’un en Ecosse pourrait nous dire quelle sont les réactions des syndicats de policiers locaux?
Ça risque de nous éblouir…

D’une façon générale c’est le côté plaisant des anglo-saxons: on fait face au(x) problèmes nouveaux, et on le fait tout de suite.

Eolas, menacez vos juges de leur faire manger du haggis, neeps and tatties, ils vous écouteront mieux!

6. Le mercredi 27 octobre 2010 à 12:03 par Républicain

Petite correction :
Pour s’accorder à votre traduction “que cette procédure était parfaitement conforme”, il manque une négation dans la parenthèse rajoutée dans le texte anglais.
Au lieu de (that there was anything wrong with this procedure) (qu’il y avait quoique ce soit d’erroné dans cette procédure)
il faudrait lire (that there was nothing wrong with this procédure) ou, plus lourd, (that there was not anything wrong… ).

7. Le mercredi 27 octobre 2010 à 12:10 par kuk

A lire aussi le commentaire 23 de Maître Mô qui nous fait un peu de justice fiction : la cour de cassation déclare illégales les gardes à vues dans lesquelles il n’existait pas d’assistance effective d’un avocat, ni de notification du droit à ne pas s’incriminer soi-même, et ses conséquences pratiques.
On le voit, ça n’aurait pas été si terrible pour les affaires en cours et à venir.

8. Le mercredi 27 octobre 2010 à 12:16 par berli, naïf reconnu.

Des perruques pour les juges ! Et aussi les ministres !
Est-ce que ça va permettre aussi de soulever des nullités en France, puisque ça fait un autre jugement en ce sens ?

9. Le mercredi 27 octobre 2010 à 12:17 par Tarras

Ces mots devraient faire rougir de honte le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, et tous les juges qui aujourd’hui encore osent rejeter les conclusions de nullité soulevées devant eux sur Salduz, Dayanan et Brusco.

Et c’est avec un sentiment de honte que j’ai regardé un gendarme remettre des chaînes à un esclave qui pour seul crime a eu un jour l’idée vraiment saugrenue de fuir la servitude et de venir chercher la liberté en France. (cf article Des chaînes dans le prétoire)

Vous semblez écrasé par le poids de la honte, Me Eolas. Je vous en conjure, ne commettez pas l’irréparable !

10. Le mercredi 27 octobre 2010 à 12:18 par Mélusine

Persévérez, cher Maître!…

L’application du droit doit être immédiate et entière et ne peut supporter d’être opportune. Elle ne peut être renvoyée aux Calendes grecques, ou à la Saint Glin-Glin, ou encore à la Saint Michel comme disait le brave Docteur Knock.

Nous pouvons nous demander si le Conseil Constitutionel et la Cour de Cassation ne veulent aider le Gouvernment à trouver une solution à la francaise pour des raisons d’opportunité politique et électorale.

11. Le mercredi 27 octobre 2010 à 12:28 par villiv

Ah oui c’est beau ça

Dura lex, sed lex (enfin la loi telle qu’interprétée aujourd’hui par les cours supremes…)

Merci de cette leçon, à vous Eolas, et aux juges à perruques aussi ! ;-)

12. Le mercredi 27 octobre 2010 à 12:40 par Pat

Merci de nous avoir communiqué la décision maitre. On espère que leurs confrères français prendront exemple.
Je voudrais juste souligner un détail minime. La photo que vous publiez est celle des Royal Courts of Justice, où siègent la High Court of Justice of England & Wales et la Court of Appeal. La nouvelle Supreme Court est basée à Middlesex Guildhall, à coté du Parlement : http://en.wikipedia.org/wiki/Middle…

13. Le mercredi 27 octobre 2010 à 12:43 par guillaume

Hum ca l’air de mettre un joyeux bazard la bas

http://www.pressandjournal.co.uk/Ar…

14. Le mercredi 27 octobre 2010 à 13:08 par Mark

Well said!

15. Le mercredi 27 octobre 2010 à 13:18 par Mark

that there was anything wrong with …” devrait être “that there was nothing wrong with t…” je pense?

16. Le mercredi 27 octobre 2010 à 13:48 par Alex

Pour moi, le plus beau passage sur la cécité collective face aux arrêts passés de la CEDH, c’est celui-ci:

“by preferring to go their own way, those who were promoting the legislation that gave effect to the Thomson Committee’s recommendations were shutting their eyes to the way thinking elsewhere was developing. Now, sadly, 30 years on the Scottish criminal justice system must reap the consequences.” (considérant n°51)

17. Le mercredi 27 octobre 2010 à 14:05 par Frogman

« It must be faced up to, whatever the consequences. » Tsk, tsk… C’est quoi cette manière de terminer une proposition par une préposition ? This is a lax attitude to language up with which lawyers should not put. </OT></Pedantry>

18. Le mercredi 27 octobre 2010 à 14:15 par JR

Le passage suivant a éveillé en moi une question :

The Conseil d’Etat in its turn has drawn the government’s attention to the fragility, in the light of article 6 of the Convention, of article 706-88 of the code de procédure pénale, which prevents access to legal assistance at this stage: Section de l’intérieur, Projet de loi relatif à la garde à vue, 7 October 2010 (No 384.505).

Comment la Cour Suprême a-t-elle eu accès à un avis des formations administratives du Conseil d’Etat, par principe tenu secret ? La DCRI doit déjà être sur le coup…

19. Le mercredi 27 octobre 2010 à 14:26 par Gabriel

L’avis de Lord Brown (§108) sur la notification du droit à garder le silence, et le fait qu’elle soit insuffisante en elle-même, vaut également le détour. Je me demande ce qu’en penserait Synergie Officiers…

Et de conclure : «  It is clearly Strasbourg’s judgment that whatever in the result may be lost in the way of convicting the guilty as a result (wholly or partly) of their voluntary admissions is more than compensated for by the reinforcement thereby given to the principle against self-incrimination and the guarantees this principle provides against any inadequacies of police investigation or any exploitation of vulnerable suspects. »

20. Le mercredi 27 octobre 2010 à 14:29 par Daniel

Juste un commentaire sur votre photo qui correspond au Royal Courts of Justice et non au supreme court qui siege au Middlesex guildhall

21. Le mercredi 27 octobre 2010 à 15:01 par Traj'Ik

@ Marc et Républicain : “That the procedure was succesfully lead” peut-être ;) ?

Pas assez souligné je pense est le caractère unanime de la décision (12 law lords tout de même). Ce ruling de la Supreme Court ne fait qu’en gagner en portée et solennité.
Ils en ont sous la perruque ces juges-là !

22. Le mercredi 27 octobre 2010 à 15:03 par René Streit

J’ai l’impression, tous pays confondus, que les lois ont leur limite!

23. Le mercredi 27 octobre 2010 à 15:12 par Astre Noir

@ Melusine (comm 10) :

L’application du droit doit être immédiate et entière et ne peut supporter d’être opportune. Elle ne peut être renvoyée aux Calendes grecques, ou à la Saint Glin-Glin,

La Saint Glin-Glin, c’est dans moins d’une semaine

24. Le mercredi 27 octobre 2010 à 15:15 par fly in the web

Fiat justitia ruat coelum.

25. Le mercredi 27 octobre 2010 à 16:06 par TIBERE

Dites, c’est moi qui ai des problèmes de perruque ou Mme ALLIOT MARIE a bien affirmé ce matin sur France Inter que la mère de famille qui a volé un rouge à lèvre à Monoprix devrait être ravie de ne pas être mise en garde à vue mais seulement être entendue : elle pourra ainsi aller chercher ses enfants à l’école à l’heure sans attendre que l’avocat n’arrive.
J’ai failli m’étrangler.
Je propose que nous lui offrions une perruque. Visiblement ça aide

26. Le mercredi 27 octobre 2010 à 16:29 par larequier

@ OlEB (3)
Comme beaucoup qui lisent ce blog, je suis intéressé par cette décision (et par toute autre).
Le tribunal de Châlons-en-Champagne vient ce jour de rejeter ce moyen de nullité (nullité des gardes à vues) au motif qu’il aurait dû être soulevé à l’instruction.
Maigre consolation, il a ensuite annulé l’ORTC (copier-coller du réquisitoire…).

27. Le mercredi 27 octobre 2010 à 16:32 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Gabriel, 18
Ce qu’en penserait Synergie ? Peut-être ce qui est dit dans le passage suivant : “Once again the European Convention on Human Rights is looking after the interests of the criminals rather than the rights of the law-abiding majority,” he said.
C’est du Michel Ribeiro traduit en anglais, non ?

28. Le mercredi 27 octobre 2010 à 16:48 par Confrère des champs

@ TIBERE en 24

Mme ALLIOT MARIE peut m’appeler pour assister les gens entendus dans le cadre des auditions libres. J’accours, la personne mise en cause est entendue assistée de votre serviteur et tout le monde rentre chez soi avec la réconfortante certitude du devoir accompli. Ce n’est quand même pas compliqué à mettre en oeuvre et les juges strasbourgeois seront ravis.

Si en plus il est précisé à la personne “librement” auditionnée qu’elle a le droit de garder le silence et que la loi prévoit un garde-fou en disposant que l’auditionné libre ne peut être placé en garde à vue pour les faits ayant motivé son audition, ni pour d’autres faits parvenus à la connaissance des enquêteurs à la faveur de l’audition libre, alors Mme ALLIOT-MARIE m’aura convaincu que cette disposition n’est pas une nouvelle manière d’obtenir des aveux avant qu’un avocat ne vienne mettre son sale nez dans des affaires qui ne le concernent que de très loin, du genre, par exemple, du droit de toute personne à ne pas s’auto-incriminer.

Mme la Ministre peut toujours s’exclaffer comme elle l’a fait ce matin sur cette question, je soutiens que le vol d’un rouge à lèvre constitue un délit d’une particulière gravité puisque puni de trois ans d’emprisonnement. Si les aveux obtenus en audition libre (sous la promesse de ne pas placer la dame en garde à vue “à condition qu’elle soit gentille sinon c’est pas sûr qu’elle puisse récupérer ses enfants à la sortie de l’école et qu’on va devoir appeler la DASS pour qu’elle s’occupe d’eux et que ça serait dommage pour un petit truc de rien du tout” ) peuvent fonder une condamnation, celle-ci pourra constituer le premier terme d’une récidive avec application d’une peine plancher d’un an. Alors Mme ALLIOT MARIE peut toujours rigoler : grâce à l’action législative des ses amis, le vol d’un rouge à lévre, c’est devenu très grave par les conséquences que cela peut produire.

29. Le mercredi 27 octobre 2010 à 17:03 par krigatobal

@TIBERE (24)

Non, ce n’est pas vous qui avez des problèmes de perruque. MAM a bien affirmé ça, sans piper. C’est là.

Elle a d’abord louvoyé entre les propos juridiques, aberrants (1ère partie : interview) ou de pure opportunité (2ème partie : réponse aux question des auditeurs) mais tous d’une mauvaise foi qui heurtait visiblement jusqu’aux oreilles (pourtant habituées) du journaliste, avant d’atteindre son objectif : déclamer à celles des millions d’auditeurs son morceau de bravoure (selon moi busi)risible :

“J’avais dors et déjà prévu” (dans mon projet de loi de réforme de la procédure pénale) “qu’on ne puisse pas mettre de (sic) garde à vue pour un crime ou un délit qui ne serait pas puni d’une peine d’emprisonnement.” (2ème partie, à partir de 6:48).

C’est déjà ce que prévoit la procédure ACTUELLE de GAV, en cas de flagrant délit (exemple décrit par MAM) comme l’a justement rappelé le Maître de Céans dans son commentaire de l’arrêt Brusco. (Remarque : oui, j’ai bien écris “Maïtre de Céans” et non “Maître des Séants”. Il est question de GAV sans avocat, pas de séance (!) SM ici. Comment ça la frontière est parfois floue ?)

Juridique : checked
Aberrant : checked
Mauvaise foi : (subjectif je le reconnais, mais si ce n’en est pas c’est pire : incompétence) : checked
Pure opportunité (son projet de réforme) : checked
Verdict ? Bingo ! We have a winner ! (IMHO, of course)

Pour moi, elle veut accélérer la cadence pour tenter de coiffer sa prédécesseure (bon c’est presque aussi moche que procureure, auteure ou professeure et seulement deux sur les quatre sont admis) au poteau avant de (peut-être) devenir Première (!) Ministre et de céder (pro bono comme dise les avocats à qui le terme gratuit donne de l’urticaire dixit Maître Eolas) sa place à qui déjà ? Sûrement à quelqu’un qui sera un meilleur garant qu’elle-même des Droits Fondamentaux et Libertés individuelles de chaque citoyen ? Ah on me souffle que ce pourrait être un certain Brice H., vous savez le grand ami des auvergnats sauf ceux en bande mêmes désorganisées.

Il doit y avoir une erreur (au mieux de casting) quelque part…

30. Le mercredi 27 octobre 2010 à 17:21 par ratel

Ah mais les Anglais, ça compte pas, eux c’est depuis longtemps Magna Carta, habeas corpus et tutti quanti, bien loin du pragmatisme efficace de nos (regrettées) lettres de cachet.

31. Le mercredi 27 octobre 2010 à 18:05 par Gourmet

J’aime bien le “It must be faced up to”.
Car, de ce côté-ci du channel et mis à part les déclarations de façade qui ne font plus rire personne, qui fait face à ses responsabilités ?
Db

32. Le mercredi 27 octobre 2010 à 18:05 par Cartouche

Cela dit, comme la décision vient d’une juridiction britannique, on peut estimer qu’ils ont de toute façon tort.
J’espère juste que le système judiciaire anglais est pas trop engorgé, parce que annuler toutes les gardes à vue, ça va leur faire tu taff. Et pour le coup, la solution d’opportunité parait plus “sensée”, même si elle viole le droit, ils auraient peut être pu tenter le compromis. Il me semble que des fois, pour faire un peu pratique et rapide, on peut faire une concession sur le droit, comme pour la correctionnalisation des crimes.
Après ça enlève rien aux problèmes des juridictions françaises, loin de là!

33. Le mercredi 27 octobre 2010 à 18:08 par xavier

Pas “la croyance”. L’hypothèse.

34. Le mercredi 27 octobre 2010 à 18:13 par Shadoko

Le Herald est souvent plus complet que le press & journal :
http://www.heraldscotland.com/news/…

35. Le mercredi 27 octobre 2010 à 18:29 par Guerandal

Curieux tout ce battage pour pas grand chose puisque cela a déjà été dit, écrit, redit et ré-écrit dans ce blog : c’est une question d’intérêt général contre l’intérêt particulier.

Une question de curseur.

Et il ferait beau voir que les libertés individuelles viennent contrarier l’intérêt général… de pouvoir embastiller en toute quiétude.

Ce qui n’empêche pas la plupart des magistrats de soutenir mordicus qu’ils sont les garants des libertés individuelles comme l’affirme la Constitution.

36. Le mercredi 27 octobre 2010 à 18:30 par Meaz

Bémol.

La question de l’application immédiate ou non d’une jurisprudence est ancienne, et pas si simple. Dans cette histoire, si on a beau saluer le sens des responsabilités des juges de cette Cour Suprême, on oublie peut être que l’explosion prévisible du contentieux va en gêner d’autre qu’eux. A mon sens, c’est un peu comme dire; je dis le droit, démerdez-vous.

Le mot opportunité est connoté négativement. On pourrait aussi parler d’appréhension du réel. L’application immédiate de cette jurisprudence, ce sont des milliers de nullités de procédure, et peut être autant de recours devant les juges de Strasbourg. Les moyens humains et matériels vont manquer, c’est à peu près sûr. La sagesse aurait pu commander aux juges de différer dans le temps l’application de leur jurisprudence.

37. Le mercredi 27 octobre 2010 à 18:34 par Shadoko

En fait à propos de la partie entre crochets c’est un peu tordu, la phrase se réfère à « nobody thought there was anything wrong » c’est-à-dire « personne ne pensait qu’il y avait un problème ».
Or la supposition qui a été jugée erronée, c’est évidemment le contraire (ce que tout le monde pensait), donc qu’il n’y avait pas de problème (that there was nothing wrong).

38. Le mercredi 27 octobre 2010 à 19:15 par Fred

Bon, si on reprend les remarques des uns et des autres, la traduction pourrait se lire comme suit :
“A n’en pas douter, une décision reconnaissant le caractère erroné du postulat selon lequel cette procédure était parfaitement conforme (normale, justifiée), aura de lourdes conséquences. Mais il ne saurait être question, dans la situation à laquelle cette Cour est confrontée, de rendre une décision qui favoriserait le statu quo simplement pour des raisons de commodité. Il s’agit là d’une question de droit. Il convient d’y faire face, quelles qu’en soient les conséquences.”

39. Le mercredi 27 octobre 2010 à 19:24 par Swazi

Cartouche @32, Meaz @35
J’ai failli m’étouffer en vous lisant.
Pour la “concession sur le droit” Cartouche, pourquoi n’appliquerait t-on pas ce principe à la dame au rouge à lèvres dont quelqu’un parle dans un commentaire plus haut? Après tout elle voulait sûrement être belle pour aller à un entretien d’embauche, qui pourrait l’en blâmer? Et puis l’infraction n’est pas bien grosse, hein… Et notre Mauritanien d’hier, une petite “concession” au droit s’il vous plait…
Meaz… les juges disent le droit. C’est tout! Il n’est pas question pour eux de savoir qui ça va gêner, ou aider d’ailleurs. Car les bonzes qui ont avoué tout et n’importe quoi en GAV ne se sentiront pas gênés, et tant mieux.
Au(x) législateur(s) d’appliquer le droit, et celui de Strasbourg prévaut sur le droit national. M’est d’avis qu’autant d’affaires annulées sur les bases de GAV illégales vont désengorger les tribunaux (écossais) rapidement!
Et si ça remet quelques mauvais garçons et filles dans la rues, too bad. La faute au législateur, surtout pas celle de ces juges là.

Notre Conseil constitutionnel, en repoussant à juillet 2011 l’application de ses radieuses pensées, a t-il un instant songé que ce faisant ce sont nombres d’affaires qui vont sûrement épuiser tous les recours en France pour pouvoir finalement gagner à Strasbourg sur la base de nos GAV plus que bancales?
J’ai dit une bêtise?

40. Le mercredi 27 octobre 2010 à 21:17 par Hub

Ceux qui en déduisent que les juges britanniques en ont sous la perruque sous-entendraient-ils que les juges français n’en ont pas beaucoup sous la robe ?

41. Le mercredi 27 octobre 2010 à 21:29 par foo

J’ai vu cet après-midi à Grenoble une avocate plaider pour son client la nullité de ses déclarations en garde à vue du fait de la récente condamnation de la France : elle a mentionné les arrêts Salduz, Dayanan et un troisième dont j’ai oublié le nom. Ca a duré 20 bonnes minutes, au cours desquelles elle a exprimé son voeu de voir évoluer la procédure dans un sens plus respectueux des droits de la défense, pour le bien du droit lui-même. Probablement une de vos lectrices et admiratrices secrètes, Maître. :)

Ceci dit, de mon point de vue de mékeskidi, je crois que sa plaidoirie a surtout permis à son client de voir qu’elle bossait pour lui, encore qu’il n’a semblé captivé par son conseil. Je n’ai pas entendu les détails du verdict, mais je crois que les arguments de cette avocate n’ont pas porté, d’autant que selon le procureur, la preuve ne reposait clairement pas que sur les aveux obtenus en GAV.

Je finirai par une question qui n’a rien à voir : pourquoi la permanence victimes de l’ordre du coin est-elle confiée à des avocats non pénalistes ? Manque de volontaires peut-être ? J’ai senti un gouffre niveau qualité (pertinence, assurance) entre la plaidoirie de cette avocate (qui est pénaliste), et les propos de la mienne (qui ne l’est pas du tout).

42. Le mercredi 27 octobre 2010 à 21:36 par berfina

@ Ces mots devraient faire rougir de honte le Conseil constitutionnel

Dream or nightmare ?
Quand je pense qu’en 2012 l’actuel P.R siègera de droit au CC
—->

43. Le mercredi 27 octobre 2010 à 22:18 par fredo

mais quel est le problème au juste avec les avocats?
pourquoi ne pourrait t’on pas réclamer les conseils d’un avocats dès que et chaque fois que l’on en ressent le besoin?

est t’on encore dans un état de droits lorsque l’on compte sur la méconnaissance du droit d’untel pour pouvoir le condamner?

nul n’est sensé ignorer la loi… c’est la loi!
Ca veut dire que l’on ne peut se prémunir de son ignorance du droit.

Dans ce cas à quel titre m’empêcherait t’on de faire appel à un professionnel du droit pour combler mes connaissances puisque la loi ne m’autorise rien, mais m’oblige à me renseigner?

Il ne vient à l’idée de personne de m’interdire d’aller voir un médecin, pourquoi ne pourrai je pas voir un avocat?

44. Le mercredi 27 octobre 2010 à 22:29 par Cartouche

@Swazi , #38
Quand je parle d’une concession sur le droit, je veux parler d’un délai comme l’a permis le conseil constitutionnel, cela me parait plus sensé que d’invoquer une toute puissance du droit qui s’imposerait d’un coup, genre “ah les gars, ce que vous faites là, on annule tout!
-bah, comme ça d’un coup?
-c’est le droit, on s’emmerde pas du reste”
Et pour en revenir à ce que tu dis sur les affaires qui vont trainer en longueur en attendant que la garde à vue soit réformé, ça me semble pas si simple. Je parle sous le contrôle des gens qui en savent plus long que moi sur la procédure pénale, mais il me semble que de toute façon, comme les juges pour l’instant refuse d’accueillir la nullité des GAV, quand la loi aura changé, elle ne rétroagira pas pour les gardes à vue passées? Je veux dire, quand la garde à vue sera réformée, si de toute façon la nullité n’est pas retenue pour les GAV d’avant réforme, on les garde, non?
Par contre la décision du juge suprême britannique, elle, annule les gardes à vue précédentes, là est à mon avis le ratage.

45. Le mercredi 27 octobre 2010 à 22:29 par Cat

@5: C’est très bon le haggis avec des neeps and tatties !

Cat, de retour sur le continent après 3 ans en Écosse.

46. Le mercredi 27 octobre 2010 à 22:36 par Cat

Citation de l’article du Herald Scotland:

{{Scotland is the last European nation to make changes to its laws in light of a 2008 decision by the European Court of Human Rights over a Turkish man, Yusuf Salduz, who was denied access to a lawyer.

The second-last was Russia – whose President, Dmitri Medvedev, has ordered police to introduce US-style Miranda cautions among a host of other reforms.}}

Erreur, le dernier est la France, dont la réforme promet de ne pas être mieux que la situation actuelle. On va avoir un système moins respectueux (sur le papier) que la Russie.

Youpi. :(

Cat

47. Le mercredi 27 octobre 2010 à 22:39 par PEB

@fredo: La procédure française est inquisitoire. Elle a pour but de faire éclater la vérité selon l’adage confessio est regina probatio.

Notre pratique remonte au deuxième concile du Latran présidé en 1139 par Innocent II. Elle a été consacrée par Grégoire IX en 1231.

L’avocat fait naturellement écran entre le juge-enquêteur et le suspect. Seul le contact direct sans intermédiation permet d’en faire sortir tout le jus. Comme la vérité est l’essence même de la liberté, le prévenu qui s’enfonce dans le mensonge; dont le père est Satan, ne peut espérer aucun Salut.

La présence de l’avocat tue le métier et fait basculer le jugement dans un jeu de preuves et de contre-preuves à peser et à soupeser.

48. Le mercredi 27 octobre 2010 à 23:02 par Fassbinder

Bonsoir à tous,

J’ai cherché des réponses à des questions sur ce blog et je n’ai pas trouvé :

A t’on le droit d’enregistrer ou de filmer par nos propres moyens une audition par un OPJ, afin de garantir que nos propos ne soient pas déformées par la suite ?

Et par ailleurs, si le parquet ouvre une enquête pour des faits et que l’on est ‘soupçonné’ par la police de les avoir commis et même s’ils sont faux mais que l’on ne nous croit pas, est ce que l’on est déféré en comparution immédiate ?

Merci par avance de vos réponses.

49. Le mercredi 27 octobre 2010 à 23:04 par Behemothe

Voilà un beau morceau de droit, savoureux à souhait. Merci de nous en faire profiter.
Malheureusement pas chez nous,
il semble que nous soyons plus proche de l’Italie que de l’Angleterre.
et que, comme dit @PEB, nous en soyons resté à la sainte inquisition
d’ailleurs notre président n’a de cesse que de se rendre chez le saint Père
que voulez vous dieu a ses raisons que le droit ne doit pas ignorer

50. Le mercredi 27 octobre 2010 à 23:16 par Fassbinder

Oups désolée pour les lecteurs, je me suis trompée de thread je voulais poster dans le billet de ‘La gloire est arrivée’, c’est à cause de l’émotion..

51. Le mercredi 27 octobre 2010 à 23:38 par malpa

@PEB 46

Ce n’est pas parce qu’elle est inquisitoriale que la procédure française aurait pour obligation de suivre l’adage “l’aveu est la reine des preuves”, adage qui d’ailleurs ne décrit pas un principe de procédure mais à peine la conception que certains officiers de police judiciaire et magistrats instructeurs se font éventuellement de l’enquête judiciaire.

On veut bien être pris pour des Mekeskidi, mais le coup du docteur Diafoirus, faudra voir à le retravailler un peu.

52. Le mercredi 27 octobre 2010 à 23:51 par zadvocate

Il faudrait communiquer cette décision à nos juges correctionnels.

Je ne sais pas si vous avez lu mon commentaire sur votre billet relatif à l’arrêt brusco:
http://www.maitre-eolas.fr/post/201…

Rejet d’une exception de nullité, et en discutant avec le président d’audience off, on me dit que les décisions de la cour de cass priment celle de la CEDH…

53. Le jeudi 28 octobre 2010 à 01:25 par XS

A propos de syndicats de policiers, il semble que la Scottish Police Federation(SPF) soit un syndicat pratiquement obligatoire, qui se donne certaines allures d’officialité.

Sur la page de garde de son site officiel, apparaît fièrement un renvoi vers la déclaration du Secrétaire d’Etat (écossais) à la Justice Kenny MacAskill Swift action to change Scots law

C’est du Michèle Alliot-Marie, les aspects busiribles en moins. Et la loi est corrigée en moins d’une semaine, signature de HRM Elisabeth II herself comprise.

“I note today’s decision by the Supreme Court. It is a decision we did not seek but it is one to which we must respond.

“The decision overturns decades of criminal procedure in Scotland, a proud, distinctive, justice system, developed over centuries, and predicated on fairness with many rigorous protections for accused persons. It is rightly admired by other jurisdictions. This issue is about legal advice at one step in the investigatory process.

“Today’s judgement in the Supreme Court has gone against the unanimous decision last October by seven Scottish High Court judges at the Scottish Appeal Court that determined that an aspect of Scottish criminal procedure does not comply with the European Convention on Human Rights.

“We are concerned that the current devolution arrangements have created an anomaly that seems to put Scottish law at a disadvantage in comparison to elsewhere in the EU. I want to see steps taken to address this anomaly. But we cannot ignore the Supreme Court’s decision.

“And while it necessitates changes to Scotland’s justice system, these are changes that have been anticipated and planned for. For over a year, the Scottish Government, Crown Office, Scottish Legal Aid Board (SLAB), ACPOS and the Scottish Court Service have been preparing contingency plans to deal with all possible eventualities arising from this case. The Lord Advocate - in anticipation of an adverse judgement - issued interim guidance earlier this year.

“With Parliament’s support we will be making swift legislative changes to protect the victims of crime and safeguard communities. The main changes will mean introducing a right of access to legal advice before being questioned, extending the period during which a person may be detained under section 14 of the Criminal Procedure (Scotland) Act 1995, powers to adjust legal aid eligibility rules and measures to ensure certainty and finality in concluded cases.

“We will be introducing this emergency legislation to Parliament on Tuesday - and with the support of the other political parties we can complete the parliamentary scrutiny and debate process during the course of Wednesday. We anticipate the Bill receiving Royal Assent by Friday.

“In addition to these necessary legislative changes, I am today announcing that Lord Carloway, a senior High Court judge, will lead a review of Scottish criminal law and practice in the aftermath of the Cadder decision. I have asked Lord Carloway to make swift progress with his review and report to me within months - certainly in time to allow legislation to be considered for the 2011-12 Parliamentary session.

“Our distinctive justice system is one which protects accused persons. However human rights also extend to victims and to all of the people of Scotland, and the Scottish Government and justice partners will continue to fight to ensure that the rights of the victims and indeed wider society remain at the forefront of the Scottish justice system.”

54. Le jeudi 28 octobre 2010 à 01:33 par Flying™

C’est effectivement regrettable que le C.C. n’ait pas tiré pleinement les conséquences de l’illégalité du régime français des garde-à-vues …
1° D’abord pour la simple raison qu’il reconnait l’inconstitutionnalité d’une mesure mais ne semble pas s’en émeuvoir plus que ça …
2° Ensuite parce que c’est un encouragement donné au gouvernement et au législateur : continuez à proposer/adopter des lois illégales, au pire des cas, ça n’aura pas de conséquences, vous aurez une seconde chance ! La voilà la vraie conséquence concrète néfaste de cette décision. Dans cet état d’esprit, il est évident que des lois illégales continueront à émailler notre droit positif … par ce genre de décision, le C.C. parvient à brider lui-même le rôle de gardien que la Constitution lui confiait. A quand une réforme de sa composition, pour un remplacement par des membres des juridictions judiciaires et administratives exclusivement ?

Merci pour l’article intéressant sur la Cour Suprême du RUGBIN (que je découvre par cette occasion) et son arrêt ! C’est bien dans la logique anglo-saxonne de donner son plein effet aux règles de droit pour en maximiser l’effectivité … cela se rapproche finalement assez de la logique d’y voir des condamnations à dommages-intérêts très conséquentes prononcées : réparation du véritable préjudice, quelles que soient les conséquences pour l’auteur de la faute, quitte à faire s’effondrer une industrie. Au moins les prochains qui seraient tentés par la même faute y réfléchiront à deux fois avant de se lancer dans la même voie !

Désolé pour le blabla, à plus !

55. Le jeudi 28 octobre 2010 à 02:54 par greg

chicanes de Trad:
1—D’accord avec 6 et 15 pour la logique de l’incise, à moins que l’antécédent (référé entre crochet) soit plus complexe, comme l’a souligné Shadoko en 37 qui doit avoir raison.(de tte façon avec votre intro, ça passe.)
2— “to Favour x” /serait mieux rendu par “céder à”(au status quo), “faire place à”
(un peu comme ‘to humour someone’ /n’est pas ‘le faire rire’, mais ‘le ménager, prendre en compte sa susceptibilité’)

—plus au fait (avis de béotien):
Ne serait-il pas plus réaliste de contraindre les pouvoirs de la police pendant la GAV, avant l’arrivé de l’avocat ? Parce qu’on peut parier que les retards, légaux ou pas, seront légion !

— une effet collatéral ?
Comme le révèle XS _53, une conséquence de ce droit au défenseur va être d’allonger la durée légale de GAV en Ecosse !
« The main changes will mean introducing a right of access to legal advice before being questioned, extending the period during which a person may be detained under section 14 of the Criminal Procedure (Scotland) Act 1995… »
Cela reste sans doute quand même préférable ainsi.
Mais cela montre que le code est un système, et qu’il peut être illusoire d’en changer un détail (surtout quand il s’agit du J.d’instruction !!) sans repenser l’équilibre de l’ensemble.

56. Le jeudi 28 octobre 2010 à 03:09 par greg

NB=rectif.: pour “to favor x” / ‘préférer’ serait sans doute meilleur que ‘céder au’, dans le contexte.
Sorry

57. Le jeudi 28 octobre 2010 à 06:09 par Maître Mô

Cher Eolas,

C’est toujours bon, de vous lire, mais là, bon sang, qu’est-ce que c’est bon !!

Allez, on se le répète, tellement c’est simple, évident, et… Légal ?

“Il ne saurait être question de rendre une décision qui favoriserait le statu quo simplement sur des arguments d’opportunité. La question est de pur droit.”

Ah, mon Dieu, que c’est bon. Vois, Thémis, certains de tes nobles sujets t’honorent encore !

Je ne demande pas mon changement de Barreau, parce que j’ai les oreilles décollées, alors la perruque… Mais le cœur y est !

58. Le jeudi 28 octobre 2010 à 07:38 par Koudou

Quelle leçon !

59. Le jeudi 28 octobre 2010 à 07:50 par salah

Dans le même entretien sur France Inter ,MAM a soutenu qu’elle n’avait pas à se prononcer sur les décisions de justice et qu’elle n’y est pour rien – qui voudrait dire qu’il n’y a pas d’instrumentalisation du dossier – dans l’action du procureur général de Versailles qui veut dépayser un volet de l’affaire Bettencourt dans sa juridiction .
Jusque là tout va bien . Sauf que quelques minutes après ,dans le même entretien ,elle trouve qu’il était parfaitement normal qu’elle ait demandé au procureur de faire appel dans une autre affaire : l’affaire Fofana.

Comme quoi ,le pragmatisme politique mélangé à la sauce juridique finit par proposer la recette classique du « cas par cas ».
Il n’est pas surprenant que le projet de loi sur la garde à vue soit rédigé avec le même esprit sélectif du « cas par cas » . Ce qui signifie que les affaires pour la ministre ne sont pas pareilles parce qu’il faut prévoir que les gens qui seront impliqués ne sont pas pareils .

60. Le jeudi 28 octobre 2010 à 08:40 par ranide

Moi j’avoue que le passage que j’ai préféré c’est celui où notre Garde a soutenu, et hélas sans rire, que ce qui posait problème dans la phase d’enquête au regard de la CEDH, ce n’était pas le procureur mais… le juge d’instruction

61. Le jeudi 28 octobre 2010 à 08:50 par olivierm

je suis perdu … Elle est où la monarchie ?

62. Le jeudi 28 octobre 2010 à 09:05 par OlEB, Juge de base

@ Cartouche

Vous dîtes “comme les juges pour l’instant refuse d’accueillir la nullité des GAV”. Je ne pense pas qu’on puisse dire “les juges”.

La Cour de cassation, par une motivation plus que contestable, a décidé de reporter les effets de sa jurisprudence à l’entrée en vigueur du projet de réforme de la GAV ou au plus tard le 1er juillet prochain. Mais beaucoup d’autres juges (plus de base, c’est vrai) ont décidé d’être intransigeant sur les principes, certains depuis Dayanan et/ou Salduz, d’autres depuis Brusco et en tous cas depuis la décision du C. Const et encore plus depuis l’arrêt de la Cour de cassation qui en profite pour lever l’ambiguïté nullité/inopposabilité en ce qui concerne la sanction.

Je connais au moins une dizaine de collègues qui ont cette position. Il faut d’ailleurs noter que la Cour de cass, jusqu’ici, a toujours affirmé que les juges du fond n’étaient pas liés par sa jurisprudence et je pense que c’est même notre de devoir de résister quand ladite jurisprudence n’emporte pas la conviction (loin de là).

Le problème est qu’en second rideau, il y a des Chambres des appels correctionnels et surtout des chambres de l’instruction qui, majoritairement, un peu comme la Chambre criminelle de la C. cass selon Jules sur son blog, préfèreraient s’arracher trois bras plutôt que de relâcher un potentiel coupable et/ou annuler une procédure.

NB : dans la décision évoquée dans mon premier commentaire (je n’étais qu’assesseur donc je n’ai pas la motivation exacte) nous avons annulé les PV d’audition du prévenu mais on l’a quand même déclaré coupable au vu des autres éléments (certes minces) de la procédure.
NB : c’était une CI donc pas de purge des nullités de l’ordonnance de renvoi. Cette question n’a pas encore été abordée dans nos contrées…

63. Le jeudi 28 octobre 2010 à 09:51 par Altruisme

A la question: comment la Cour a-t-elle pu viser un avis de section du conseil d’état du 7 octobre 2010 non publié?
Réponse:
car la Cour était en visite officielle au palais royal a ce moment la…
Comme quoi, les cocktails au frais de la République ont du bon!!!!

Au delà, je me permets une question:
La singularité des systèmes juridiques français (droit écrit) et anglo-saxo (common law) n’est elle pas la source d’explication à la timidité de nos institutions?

64. Le jeudi 28 octobre 2010 à 10:05 par Théodoric

habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum…

1679 ! Plus d’un siècle avant l’abolition de nos lettres de cachet.

Les juges en perruque ont eu le temps de se faire une culture.

« Dis monsieur…. c’est quand qu’on est civilisés, nous ? »

65. Le jeudi 28 octobre 2010 à 10:13 par N.

@Altruisme

Au contraire, il me semble que la décision de la Cour de Cassation ressemble à de la Common Law : elle écarte une application à la lettre du droit en prenant en considération les conséquences de sa décision, prévient sur sa manière de juger à l’avenir…

66. Le jeudi 28 octobre 2010 à 10:21 par Esquire

Sur la question “common law” / “pas common law”, je ne crois pas que ce soit le critère déterminant.

Quand la Cour Suprême U.S. a décidé Miranda v. Arizona (384 U.S. 436) en 1966, elle l’a appliqué aux requérants dans les affaires concernées: elle ne pouvait pas refuser de le faire, ç’eût été une violation de l’article III de la Constitution Fédérale, qui limite la compétence du pouvoir judiciaire fédérale aux “cases” et aux “controversies”. En revanche, elle a ensuite, dans une décision beaucoup moins connue, refusé de l’appliquer aux appels en cours au moment où la décision a été rendue (à l’inverse des anglais): Johnson v. New Jersey, 384 U.S. 719 (1967)(les règles ne s’appliqueront “qu’aux procès commencés après la date de notre décision”).

Attention aussi aux comparaisons un peu trop hâtives: la Cour Suprême UK a certes fondé sa décision sur des considérations d’équité pour les requérants, mais aussi sur sa conclusion (par. 58) que, du fait de la posture particulière (contrôle d’une loi écossaise) elle n’avait pas le pouvoir de faire autrement (par. 57-58), et Lord Hope indique même qu’il aurait souhaité pouvoir faire usage de ce pouvoir s’il avait existé. Il est très possible que sa conclusion sur l’absence de pouvoir ait été influencée par le reste des considérations évoquées (la critique de l’administration écossaise est très, très raide), mais nos amis anglais sont très stricts sur l’interprétation de leurs propres pouvoirs.

67. Le jeudi 28 octobre 2010 à 10:35 par miss

@ 29 plutôt “prédecesseresse”??

68. Le jeudi 28 octobre 2010 à 10:39 par Teejee (mékeskidi de base)

@ Berfina, 42
“Quand je pense qu’en 2012 l’actuel P.R siègera de droit au CC”
En 2012 dans le cas le plus optimiste…

69. Le jeudi 28 octobre 2010 à 11:36 par Eugène Pierre

Cher maître, je vous trouve bien sévère avec le conseil constitutionnel lorsque vous dites qu’il devrait rougir de honte d’avoir repoussé au 1er juillet l’abrogation des dispositions inconstitutionnelles sur la garde à vue. En effet, cette possibilité a été expressément voulue par le pouvoir constituant (article 62 de la Constitution) : on peut être contre cette disposition mais elle existe et est au sommet de notre ordre juridique (en rappellant que le CC ne se prononce pas sur la conventionnalité des lois).
Cela dit, pour la Cour de cassation, vous avez raison, ce report dans le temps d’une décision de jurisprudence est totalement prétorien et constitue une violaton flagrante de l’article 55 de la Constitution sur la supériorité des traités sur les lois. D’ailleurs, cette interpréation juridique ne m’a pas empeché, en tant qu’observateur assez impliqué de ces questions, de pousser un “ouf” de soulagement à le lecture de cet arrêt injustifiable de la Cour de cassation!

70. Le jeudi 28 octobre 2010 à 12:33 par claude

Nous souhaitons vivement que l’enquête remplace la garde à vue et l’aveu; et on pense à une enquête d’une longueur raisonnable. Ensuite on envisage un renvoi devant une juridiction pénale de jugement; puis l’usage d’une voie de recours, puis le prononcé d’une peine et enfin l’exécution de la peine. En ce cas, on souhaite une procédure pas trop longue.
Dans un pays islamiste , on préconise une longue enquête préalable. Une longue enquête qui aboutit à des aveux et à une exécution immédiate à mort, cela dure une semaine.

71. Le jeudi 28 octobre 2010 à 15:47 par beni

@Eugène Pierre (69) :
Tout d’abord je m’interroge sur votre nom. Est-ce un pseudo en hommage à l’auteur du traité de droit parlementaire ?

Concernant le Conseil constitutionnel, il a certes usé d’un pouvoir qui lui a été octroyé par la Constitution mais il n’était pas tenu de le faire, bien au contraire. Et on peut donc lui reprocher d’y avoir eu recours. De même que le Parlement adopte parfois en toute légalité des lois qui me semblent absolument iniques. Ca n’est pas parce que c’est légal que ça n’est pas critiquable.

Enfin, j’ajouterai que si le Conseil constitutionnel n’est pas juge de la conventionnalité des lois, il aurait très bien pu considérer que, compte tenu de la contrariété des dispositions litigieuse à la CEDH, et donc aux Droits de l’Homme car c’est de celà qu’il s’agit, il paraissait opportun de ne pas retarder les effets de sa décision. C’est ce qu’a jugé la Cour suprême. Ca n’est pas parce qu’il n’applique pas directement la CEDH qu’il ne doit pas la prendre en considération quand il statue en opportunité. Or, sur la date d’abrogation des dispositions inconstitutionnelles, il statue en pure opportunité me semble-t-il.

72. Le jeudi 28 octobre 2010 à 17:19 par krigatobal

@29 miss :
“prédecesseresse” vraiment ? Vous trouvez que ça sonne mieux ? Je diverge…

Quelques recherches semblent placer grammaticalement “prédécesseur” parmi les épicènes (noms d’un seul genre). En voici quelques autres exemples parmi les noms communs :

un agresseur, un amateur, un assassin, un auteur, un bandit, un bâtonnier, un bourreau, un brigand, un censeur, un charlatan, un défenseur, un démon, un déserteur, un escroc, un expert, un fantassin, un faux-monnayeur, un filou, un forçat, un fossoyeur, un goinfre, un imposteur, un individu, un juge, un juré, un magistrat, un malfaiteur, un ministre, un monarque, un oppresseur, un otage, un paria, un possesseur, un prédateur, un prédécesseur, un professeur, un reporter, un sauveur, un successeur, un supporter, un tâcheron, un témoin, un tirailleur, un tyran, un usager, un voyou…

Vous aussi vous trouvez le champ sémantique… comment dire… interpellant ? Et le fait que justement il n’y aurait aucun équivalent à tout ça… ;-)

Ok, bien que n’étant pas en GAV j’avoue tout de même en avoir éliminé quelques-uns parmi la liste trouvée ici.

73. Le jeudi 28 octobre 2010 à 17:20 par krigatobal

EDIT : Désolé je voulais dire @67 miss bien sûr. @29 c’était moi !

74. Le jeudi 28 octobre 2010 à 18:15 par OlEB, Juge de base

@ krigatobal

Je propose : une agresseuse, une amatrice, (assassin je sèche), une auteure voire une auteuse (ouh c’est laid), une bandite, une bâtonnière (il y en a), une bourrelle, une brigande, une censeuse, une charlatane (?!?), une défenseuse (Bof ! par contre je crois qu’il existe la défenseure des enfants), une démone, une déserteuse, (escroc je sèche aussi, escroque peut-être ??), une experte, (fantassine, j’y crois pas trop), une faux-monnayeuse, une filoute, une forçate (bof aussi), une fossoyeuse, une goinfre, une imposteuse, (individu, j’ai pas d’idée), une juge, une jurée, une magistrate, une malfaiteuse (mouais…), une ministre, une monarque (?), une oppreseuse, une otage, une paria, une posseseuse (de bonne foi…), une prédatrice, une prédécesseuse (j’aime mieux), une professeure, une reporter (c’est anglais, c’est normal), une sauveuse, une successeure (ça doit être ça même si je préfère successeuse), une supportrice, une tâcheronne (pas sûr pour les 2n), une témoin (c’est pas beau non plus), une tirailleuse (pas toujours sénégalaise), une tyrante, une usagère, et enfin (but not least) une voyoute…

Franchement, y’en a plein qui passent le correcteur d’orthographe :D

75. Le jeudi 28 octobre 2010 à 18:33 par Eugène Pierre

@ 71 (beni)
Je ne peux pas être d’accord avec votre analyse. Contrairement à la Cour de cassation qui peut “écarter” l’application d’une disposition législative non conforme à une disposition conventionnelle, le conseil constitutionnel peut seulement abroger une disposition anti-constitutionnelle.
En gros, cela veut dire que la Cour de cass pouvait faire une application immédiate de sa décision en imposant une interprétation des articles 63-1 et suivants du CPP.
En revanche, le consei constit pouvait uniquement abroger les articles 63-1 et suivants du CPP! Du jour au lendemain, la garde à vue disparaissait purement et simplement de notre ordre juridique jusqu’à promulgation d’une nouvelle loi! Cela aurait-il vraiment été raisonnable?

76. Le jeudi 28 octobre 2010 à 20:17 par Arghhh

C’est pas parce qu’on a inventé les droits de l’homme qu’on est obligé de les respecter..! Respecter les droits de l’innocent et de l’union européenne? Et pis quoi encore?

77. Le jeudi 28 octobre 2010 à 20:31 par PMB

Petit troll pour signaler cette lettre :

http://chroniquesjudiciaires.blogs….

78. Le jeudi 28 octobre 2010 à 23:42 par oneiros

Prendre des leçons de la part des anglais…
Dur dur mais bon, on en a besoin je crois et c’est bien qu’ils nous les donnent.

79. Le vendredi 29 octobre 2010 à 03:47 par krigatobal

@OlEB, Juge de base (74)

Je plussoie à vos diverses propositions. Quelques remarques à propos des vôtres :
1/ assassin (dont la théorie ayant longtemps prévalu veut qu’il provienne du nom donné aux soldats d’Hassan_ibn_al-Sabbah) : meurtrière ? ;-) Occasion de poser la question : quelle différence sémantique ? Juridique ?
2/ une auteuse est effectivement très laid mais auteure (de vue ?) n’est moins moche qu’à l’oral…
3/ une bâtonnière était pour moi une majorette. Je reconsidère, donc.
4/ une bourrelle je crains qu’on ne devine pas bien le masculin… D’ailleurs y-en-a-t-il eu d’officielles ?
5/ une défenseuse non, trop proche de la défonceuse des bricolos. Défenseure des enfants, OK mais défenderesse n’est-il pas admis ?
6/ un escroc / une femme ? … Comment ça sexiste ? et prétendre que tous les escrocs ne pourraient être que mâles c’est quoi ?
7/ une fantassine, j’y crois pas non plus. Bécassine n’est pas loin…
8/ une forçate non. Une “travailleuse forcée” ? … Trop connoté ?
9/ une prédécesseuse, j’aime mieux également. Vous pensez tellement comme moi que vous touchez au sublime.
10/ une successeuse, j’aime bien aussi et c’est cohérent avec le précédent mais gare au lapsus en u.
11/ une tâcherone (moi je ne mettrais qu’un ‘n’) : je dois vraiment avoir l’esprit mal tourné mais ça m’évoque aussi les quartiers chauds…
enfin, 12/ une voyoute c’est comme une filoute, ça vous donne un petit côté sympa, c’est plus de la catégorisation de délinquant, c’est à peine péjoratif. On a envie de lui proposer l’audition libre illico.

Et pour paraphraser @beni en 71 : “Ce n’est pas parce que ça passe le correcteur orthographique que ça n’est pas critiquable.” Et inversement ajouterè-je.

80. Le vendredi 29 octobre 2010 à 07:16 par Morgan Kane

Explications ne valant pas prise de position :

Article 62 de la Constitution :
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.
Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »

C’est donc bien le constituant qui a donné au Conseil constitutionnel le pouvoir de moduler dans le temps les effets d’une annulation.

L’origine de ce mécanisme doit être trouvée dans l’arrêt du Conseil d’ Etat:
CE Assemblée, 11 mai 2004, n° 255886 et autres, Association AC !

Jusque là, quand le juge administratif annulait un acte administratif, cette annulation non seulement prenait effet immédiatement, mais avait même un effet rétroactif, l’acte annulé étant censé n’avoir jamais existé. Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat se donne le pouvoir de limiter dans le temps les effets des annulations qu’il prononce «  s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets »en prenant « en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation ».
Cette limitation dans le temps doit être prévue « sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci à contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, » ce qui signifie que les droits des personnes ayant engagé des actions contre des décisions individuelles doivent être sauvegardés.

En l’espèce le but de la limitation était de ne pas donner un effet immédiat à l’annulation très large de l’arrêté en date du 5 février 2003, par lequel le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a agréé les accords d’application numérotés de 1 à 12 relatifs à la convention du 1er janvier 2001 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage. En effet, une annulation immédiate aurait pour effet d’interrompre le versement des allocations et le recouvrement des cotisations assurance-chômage.

Le Conseil d’Etat retarde au 1er Juillet 2004 les effets de cette annulation et préserve els droits des personnes ayant engagé une action contentieuse.

Sans faire un cours de droit, le fondement de cette jurisprudence tient au principe de sécurité juridique et à à la volonté de concilier les droits des particuliers et l’intérêt général.

Elle a eu des conséquences positives en ce sens que, par exemple, le Conseil d’Etat a protégé les justiciables des effets de ses revirements de jurisprudence, en décidant que le nouveau recours qu’il institue ne pourra être exercé, sous réserve des actions en justice ayant le même objet et déjà engagées avant la date de lecture de sa décision, qu’à l’encontre des contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à cette date.

Cf. CE, Assemblée, 16 Juillet 2007, n° 291545 Société Tropic Travaux Signalisation.

La décision du Conseil constitutionnel et l’arrêt de la Cour de Cassation ne préservent pas les droits des personnes ayant engagé une action contentieuse et accordent un délai manifestement long aux autorités pur modifier le code de procédure pénale.

81. Le vendredi 29 octobre 2010 à 12:25 par S

Ce n’est certes pas un point fondamental, mais je lis sur un site certes non fiable (Wikipédia), et je crois l’avoir entendu également au sujet des lords juridiques, que les juges de la Cour duprême du R-U siègent en costume de ville et sans perruque.

82. Le vendredi 29 octobre 2010 à 18:05 par Emmanuel M

On pourrait en faire une analyse plus constitutionelle

“La plus haute autorité judiciaire britannique, qui s’estime apte à juger de la question, décide que le pouvoir judiciaire à préséance sur le pouvoir exécutif, et que ce dernier devra s’adapter”.

On peut comprendre que les juristes s’en réjouissent, mais du point de vue ‘un mekeskidi c’est plutôt consternant

83. Le samedi 30 octobre 2010 à 15:49 par Scytales

Emmanuel M, votre consternation n’est pas très “constitutionnelle”.

Heureusement que la plus haute juridiction britannique s’est estimée apte pour juger de la question : c’est la mission que lui confère la constitution du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord… (J’ai écrit constitution avec une minuscule, car la constitution britannique est largement coutumière et non écrite).

Ce faisant, elle n’a donc pas décidé qu’elle avait préséance sur le pouvoir exécutif, mais elle a simplement exercé son office : elle a tranché la plainte d’un Homme qui se plaignait d’avoir subis un traitement contraire aux droits qui lui avait pourtant été accordés.

Placez-vous dans une situation dans laquelle vous pourriez vous-mêmes estimer que vos droits sont violés pour savoir si vous seriez toujours aussi consterné qu’une juridiction vous donne raison.

Supposons que l’Administration fiscale décide d’imposer vos revenus marginaux dans la tranche supérieure à celle que prévoit la loi de finance pour vos revenus. Votre imposition est donc significativement augmentée. Vous vous en plaignez auprès de l’Administration. Elle vous explique qu’elle a décidé de faire ainsi pour tout le monde, parce que l’Etat a besoin d’argent. Vous exercer alors un recours devant le juge de l’impôt. Seriez-vous consterné que ce juge vous donne tord, parce qu’il estimerait que l’Administration (le pouvoir exécutif) a un motif particulièrement opportun d’imposer tout le monde plus lourdement, fusse en violant la loi, parce que dans la conjoncture actuelle, L’Etat a un besoin légitime de faire rentrer plus de sous ? Ou seriez-vous conterné que le juge vous donne raison, parce que cela reviendrait à donner au pouvoir judiciaire la « préséance sur le pouvoir exécutif » ?

84. Le lundi 1 novembre 2010 à 17:55 par bernadic

Quoi donc!

La République devrait prendre exemple sur les emperruqués de la monarchie d’en face!

Eux c’est eux et nous c’est nous…

Fissa fissa, à la Lanterne.

85. Le mardi 2 novembre 2010 à 10:00 par récap59

Bonjour Emmanuel M (82)

“La plus haute autorité judiciaire britannique, qui s’estime apte à juger de la question, décide que le pouvoir judiciaire à préséance sur le pouvoir exécutif, et que ce dernier devra s’adapter”

Préséance : « droit de s’asseoir, de prendre place, de siéger ; place où l’on s’assied ; ordre dans lequel on est assis »

http://fr.wiktionary.org/wiki/pr%C3…

Cela m’étonnerait que la plus haute autorité judiciaire britannique s’intéresse à ce genre de question, qui concerne plutôt le chef du protocole.

De toute façon la loi relève du pouvoir législatif, pas du pouvoir exécutif, or c’est la loi écossaise qui a été censurée.

Enfin, en statuant que les traités internationaux ne sont pas de simples chiffons de papier mais engagent réellement leurs signataires, la Cour Suprême du Royaume Uni n’est à aucun moment sortie du pouvoir judiciaire.

Si vous signez un contrat et refusez ensuite de l’honorer, il y aura toujours un juge, même en France, compétent pour vous rappeler les obligations auxquelles vous avez librement consenti.

De même que le droit de mentir et de tromper autrui ne fait pas partie de la liberté individuelle, le droit de violer les traités qu’on a signés (surtout sans le dire) ne fait pas partie du pouvoir législatif (ni de l’exécutif) en tout cas pas dans un état de droit.

De plus il ne suffit pas comme vous le faites de suggérer que la plus haute autorité judiciaire britannique n’aurait pas dû s’estimer apte à juger de la question, il faut encore dans ce cas préciser qui, à votre avis, serait compétent pour en juger.

86. Le mardi 2 novembre 2010 à 19:23 par JP Ribaut-Pasqualini

@S. en 81,

Vous avez partiellement raison, les photos disponibles sur le net montrent les juges de la Cour suprême sans perruque, mais revêtant de superbes robes ! Tout se perd décidément, le port de la perruque comme le port de la toque.

87. Le mercredi 3 novembre 2010 à 13:34 par SB

@JP Ribaut-Pasqualini : j’avais précisé “siègent” :-) car je parlais du costume à l’audience. De même, il me semble qu’à la Chambre des lords, les juges portaient dans certaines occasions une tenue spécifique (en tant que membres de cette chambre, pas en tant que juges).

@Pat: la confusion s’explique peut-être par le fait qu’il existe une “supreme court of judicature” qui n’a rien à voir avec la Cour suprême du R-U.

88. Le mercredi 3 novembre 2010 à 18:45 par D.B

LE CONSEIL D’ÉTAT
ET LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

la Constitution se situe au sommet de la hiérarchie des normes, L’article 55 de la Constitution de 1958 énonce que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ….Il juge également que le gouvernement est tenu de laisser inappliquée une loi incompatible avec le droit communautaire, c’est-à-dire qu’il ne peut légalement prendre les décrets d’application d’une telle loi ….
Cependant, le maintien de dispositions législatives incompatibles avec les engagements internationaux de la France engage la responsabilité de l’État, c’est-à-dire qu’un particulier qui aurait subi un préjudice du fait de l’application de ces dispositions peut en obtenir réparation …….
Cependant, compte tenu notamment du fait que la transposition en droit interne des directives communautaire revêt désormais le caractère d’une obligation constitutionnelle (cf. ci-après), la jurisprudence Cohn-Bendit a été tout récemment abandonnée par le Conseil d’Etat (CE, Ass., 30 octobre 2009, Mme P…, n° 298348).

N° 298348 Mme P. Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit communautaire, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques ….
Tout est ici
http://www.conseil-etat.fr/cde/fr/d…

89. Le jeudi 4 novembre 2010 à 00:28 par trouble fete

Il faut peut-etre lire l’intégralité de cette décision pour ne pas la considérer avec les yeus de Chimene. Esquire a justement fait remarquer que la Cour Supreme regrette de ne pouvoir différer les effets du jugement dans le temps. Lord Hope a fait référence a la décision du Conseil Constitutionnel et déplore visiblement ne pas avoir le meme pouvoir. Il constate que la loi n’a pas octroyé cette possibilité a la cour. La premiere phrase du paragraphe 59 est éloquente de ce point de vue (Had it been open to us to do so, I would have wished to exercise the inherent power in this case). Cela édulcore les propos rapportés par le maitre de ces lieux.
La Cour Supreme constate également que le principe de sécurité juridique a une base jurisprudentielle solide a Strasbourg.
Enfin, vous aurez sans doute remarqué que la cour se refuse a casser le verdict de culpabilité et renvoie l’examen de cette demande a la cour d’appel écossaise, il n’est pas du tout garanti que la cour d’appel casse le verdict pour défaut d’avocat en GAV. Cela peut sembler illogique mais cette décision est cohérente avec le droit anglais (en l’espece anglo-saxon) qui est d’une grande souplesse dans l’examen des nullités de procédure, contrairement a la France ou ces nullites sont souvent considérées comme d’ordre public faisant nécessairement grief.
Outre-Manche, ces nullités ne peuvent prospérer que si elles ont causé un grief (unfairness).
Il faudrait une réforme avec davantage d’ambition sur le role de l’avocat en GAV et abandonner les demi-mesures sujettes a devoiement comme “l’audition libre”, ce serait l’occasion de réfléchir sur le régime des nullités procédurales si une assistance effective est donnée au mis en cause des le début de la procédure. On aura peut-etre fait réellement progresser l’état de droit.

90. Le samedi 6 novembre 2010 à 01:47 par Scytales

« Il faut peut-etre lire l’intégralité de cette décision pour ne pas la considérer avec les yeus de Chimene. Esquire a justement fait remarquer que la Cour Supreme regrette de ne pouvoir différer les effets du jugement dans le temps. Lord Hope a fait référence a la décision du Conseil Constitutionnel et déplore visiblement ne pas avoir le meme pouvoir. Il constate que la loi n’a pas octroyé cette possibilité a la cour. La premiere phrase du paragraphe 59 est éloquente de ce point de vue (Had it been open to us to do so, I would have wished to exercise the inherent power in this case). Cela édulcore les propos rapportés par le maitre de ces lieux. » (trouble fête, comm. n°89).

Juste après que Lord Hope affirme qu’il aurait souhaité disposer du pouvoir de différer les effets de son jugement (1er phrase du §59), mais qu’il constate que la loi ne lui accordait pas un tel pouvoir dans le cas présent (2e phrase du §59), il ajoute que : « De surcroît, il ne serait pas juste de refuser à l’appellant… une décision permettant de réparer la violation de son droit issu de la Convention (3e phrase du §59 : « Furthermore, it would not be right to deny the appellant… an appropriate remedy for breach of the Convention right. »)

Dans le même paragraphe, Lord Hope poursuit en constatant que dans son arrêt Salduz, la CEDH n’a nulle part laissé entendre qu’elle venait de dégager une interprétation nouvelle de la convention, ce qui aurait pu constituer un argument pour ne pas appliquer la jurisprudence Salduz aux situation juridiques antérieures à l’arrêt de la CEDH. Au contraire, le juge anglais relève que, dans son arrêt, qui date de 2008, la CEDH a sanctionné une violation de la convention commise en 2001.

En d’autres termes, Lord Hope n’avait donc aucun argument pour dire que les effets de la décision de la Cour ne vaudraient que pour l’avenir, sans remettre en cause les situations acquises.

« Enfin, vous aurez sans doute remarqué que la cour se refuse a casser le verdict de culpabilité et renvoie l’examen de cette demande a la cour d’appel écossaise, il n’est pas du tout garanti que la cour d’appel casse le verdict pour défaut d’avocat en GAV. » (trouble fête, comm. n°89)

Il me semble que vous prêtez à ce passage (§64) une portée qu’il n’a pas.

A l’appellant, qui lui demande de casser le verdict de culpabilité, la Cour suprême répond qu’une telle solution ne serait envisageable que s’il existait une possiblité que les premiers juges eussent aboutti à un autre verdict s’ils n’avaient pas eu connaissance de l’interrogatoire mené par la police sans l’assistance d’un avocat. Or, la Cour suprême constate qu’elle ne peut affirmer que le verdict eut été différent en l’absence de cet interrogatoire.

Elle renvoie donc l’affaire à une Cour d’appel qui rejugera… mais sans pouvoir se fonder sur cet interrogatoire : à elle de trouver dans les autres éléments du dossier de quoi fonder une culpabilité. Ou pas.

En d’autres termes, il y a dans ce dossier d’autres indices ou éléments de preuve qui méritent d’être examinés par un tribunal.

La solution serait la même en France : l’annulation d’une garde à vue (peu importe le motif de nullité) ne prive pas de validité les autres indices et éléments de preuve recueillis indépendamment de la garde à vue. Un procès peut donc tout à fait se tenir pour que ces autres éléments soient soumis à l’appréciation d’un tribunal.

Cela n’a rien d’illogique. Au contraire, pour utiliser une image, on ne verrait pas pourquoi on n’aurait pas le droit, pour écrire un jugement, de se servir des crayons, des feutres, des plumes d’oie ou des marqueurs (toutes les autres preuves recueillies durant l’enquête) quand on vous a seulement interdit de vous servir de stylos à bille (les interrogatoires de GAV).

Par ailleurs, il me semble que lorsque vous écrivez que : « le droit anglais… est d’une grande souplesse dans l’examen des nullités de procédure, contrairement a la France ou ces nullites sont souvent considérées comme d’ordre public faisant nécessairement grief. Outre-Manche, ces nullités ne peuvent prospérer que si elles ont causé un grief (unfairness). », cela ne reflète pas tout à fait la réalité de la procédure pénale française.

En France aussi, le principe est qu’il n’y a pas de nullité sans grief (Cf. l’article 802 du code de procédure pénale). Les exceptions, c’est-à-dire les nullités prévues par la loi, sont plutôt rares. Les exceptions d’ordre public, c’est-à-dire celles qu’un tribunal peut décider de relever d’office, même si personne ne le lui demande, encore plus (ne me vient à l’esprit que le cas de la nullité d’une citation en justice tardive délivrée à l’encontre d’un prévenu qui ne se présente pas à l’audience).

91. Le mardi 23 novembre 2010 à 18:00 par Neville

Et Hop, une de plus ! La France condamnée à Strasbourg pour défaut d’examen d’une garde à vue par un juge indépendant, le Parquet n’étant pas un tel juge indépendant aux yeux de la CEDH.

Mes logiciels, comme mes clients, sont libres. Ce blog est délibéré sous Firefox et promulgué par Dotclear.

Tous les billets de ce blog sont la propriété exclusive du maître de ces lieux. Toute reproduction (hormis une brève citation en précisant la source et l'auteur) sans l'autorisation expresse de leur auteur est interdite. Toutefois, dans le cas de reproduction à des fins pédagogiques (formation professionnelle ou enseignement), la reproduction de l'intégralité d'un billet est autorisée d'emblée, à condition bien sûr d'en préciser la source.

Vous avez trouvé ce blog grâce à

Blog hébergé par Clever-cloud.com, la force du Chouchen, la résistance du granit, la flexibilité du korrigan.

Domaine par Gandi.net, cherchez pas, y'a pas mieux.