Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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C'était un tribunal

La réforme de la carte judiciaire entre en vigueur au premier janvier. Partout en France, sauf à Paris qui en a pourtant trop (pas moisn de 20 pour une seule ville), des tribunaux d’instance ferment peu à peu. Voici en guise d’épitaphe pour l’un d’eux le billet d’un magistrat, Maboul Carburod…z, qui y a siégé dans une autre vie.


Au détour d’une route, une petite ville médiévale, comme tant d’autre en France. Ancien bailliage, elle a toujours eu sa maison de justice et pouvait s’enorgueillir d’un tribunal qui siégeait de manière ininterrompue au même lieu depuis plus de six cents ans. Certes, le tribunal de première instance avait perdu son président, son juge d’instruction, son avoué et avait été reclassé comme tant d’autre comme tribunal d’instance. Il ne manquait pas de charme ce bâtiment, niché au cœur de la ville face à la collégiale du XIème siècle. Certes, il n’était pas paré de ces colonnes, symboles de la justice triomphante, mais sa façade riante, les fenêtres cachées derrière des fleurs, ravissait le regard du passant et adoucissait l’austérité de l’activité qui y était exercée. Une volée de marches en fer à cheval, une simple porte en bois et un hall immense terminé par un escalier qui montait vers la salle d’audience. Elle était belle, cette salle, avec ses plafonds à la française, ses vitraux derrière le président, sa Marianne et un mobilier Restauration du meilleur goût. Les avocats disposaient de leurs pupitres avec des lampes vertes. C’était un autre temps où la justice prenait son temps.

La chambre du conseil avec sa belle table, sa bibliothèque était chaleureuse. Mais surtout, cette chaleur était celle du personnel qui vous accueillait : Un sourire, un mot aimable, l’envie de bien faire. Ce tribunal, les juges l’aimaient. C’était un bol d’air dans la course au travail vite fait. Il était hors du temps, encore un peu au XIXème, dans cette petite ville de province, mais déjà dans le XXIème avec ses ordinateurs.

Ce tribunal, comme tant d’autres, était à lui tout seul une petite famille. Tout y était partagé, les joies et les peines, les naissances. Il avait son barreau particulier, fier d’y plaider, ses huissiers, ses gérants de tutelle, tous fidèles.

Certes, il ne rentrait pas dans les critères de la rentabilité. Son service invisible aux yeux des technocrates, auprès des personnes protégées car vulnérables, de ceux qui les assiste, des populations fragilisées, n’était pas comptabilisé.

Un jour, la nouvelle est tombée. Pas assez rentable, il doit fermer. Son juge et la greffière ont fait part de son décès. Passé cet éclat, l’activité a repris. Le cœur n’y était plus. Le juge est parti et n’a pas été remplacé, l’intérim étant confié à un collègue d’une autre juridiction. La greffière a pris sa retraite. C’était trop triste de fermer. Une remplaçante par intérim est alors venue. Et le miracle a eu lieu. Chacun s’est pris d’affection pour ce lieu, son histoire, son charme. Mais ce n’était qu’un mirage.

Aujourd’hui, ce tribunal ferme. Il est vide. Plus d’audience, plus d’archives, plus de dossiers. Les meubles sont partis. Tout à l’heure, les clés seront rendues à la mairie. Aucune célébration particulière pour ce lieu tant chargé d’histoire, juste une lâche indifférence. Lorsque les clés seront rendues, le bâtiment bruissera des plaidoiries du passé. Il tombera dans l’oubli.

Alors, une dernière fois, la famille se réunit. Ce tribunal si cher à nos cœurs ne pouvait disparaître dans l’indifférence. Trop d’amitié nous lie, trop de bons souvenirs nous habitent pour ne pas laisser là, ceux qui restent et devront faire la route pour rejoindre la grande ville, celle du tribunal regroupé, si proche et si lointaine, où le justiciable, cet anonyme, est sans visage. Cette ultime réunion, c’est le déjeuner d’après enterrement. Il y a la joie de se retrouver, mais aussi la nostalgie de ce qui fut une période heureuse de nos histoires. On se racontera quelques souvenirs, on rira, puis il y aura, de retour dans ma voiture pour repartir, un certain vide, le sentiment d’une histoire qui se termine, où rien ne sera plus comme avant.

Certes, je l’avais quitté ce tribunal, il y a quelques années. Ce n’était plus le mien, mais il l’était encore un peu, comme son enfant que l’on confie à d’autres pour en prendre soin. Aujourd’hui, un tribunal se meurt, un tribunal est mort, et j’ai comme une larme au coin de l’œil, comme de la peine au fond du cœur.

Commentaires

1. Le vendredi 11 décembre 2009 à 11:19 par violon21

Avec un peu de chance, on y fera un centre socio-culturel en remplacement…

2. Le vendredi 11 décembre 2009 à 11:20 par Solo

Doté d’un minaret ?

3. Le vendredi 11 décembre 2009 à 11:30 par mamzelle carnetO

resquiat in pace

(je pense qu’on ne va rien en faire pendant longtemps)

4. Le vendredi 11 décembre 2009 à 11:34 par DMonodBroca

Ville médiévale… ancien bailliage… depuis 600 ans… collégiale du XIème siècle… mobiler restauration… c’était un autre temps…
un temps où l’histoire n’était pas en option…

5. Le vendredi 11 décembre 2009 à 11:49 par mauhiz

@4 Oh oui, l’apprentissage obligatoire de l’histoire a eu des effets si bénéfiques sur le peuple français… par exemple on a bien compris que l’extrême droite c’était mal, et on a jamais plus voté pour eux. (désolé pour le léger HS)

C’est triste de fermer un tribunal aussi charmant, il faut espérer que les économies réalisées renflouent le budget des autres. Personnellement je n’y crois guère…

6. Le vendredi 11 décembre 2009 à 12:01 par Fleuryval

C’est émouvant comme du Lanzmann.

7. Le vendredi 11 décembre 2009 à 12:20 par hassan

seriez vous traumatisé par ces histoires de minarets mon cher “Solo” ?

8. Le vendredi 11 décembre 2009 à 13:20 par Mlle Ellute

C’est en effet bien triste et très révoltant. Si seulement cette histoire était anecdotique! mais on retrouve ce genre de situation un peu partout. La rentabilité dirige le monde, et ce n’est pas une rentabilité qui prend en compte la valeur des lieux et des êtres, la valeur des sourires. Ça ne se chiffre pas les sourires, alors c’est comme si ça n’existait pas. Et pourtant je suis persuadée que c’est une perte monstrueuse ici comme ailleurs.
Je ne connaissais pas ce tribunal mais mon cœur se révolte chaque fois que j’entends ce genre d’histoire car cela rappelle cruellement le monde dans lequel nous vivons.

9. Le vendredi 11 décembre 2009 à 13:22 par Tro choi

Et oui, c’est effectivement triste…

10. Le vendredi 11 décembre 2009 à 13:37 par olivierm

Ce qui me surprend dans ce billet, c’est la notion (et la mention) de rentabilité.
On ne demande pas à la justice d’être rentable, on attend qu’elle soit équitable, humaine tout en étant distante.
Qu’il y ait des notions de “productivité” relative à l’occupation d’un tribunal, certes mais pas de rentabilité.
Ne peut-on décharger un tribunal surchargé vers un tribunal moins occupé (dans les limites d’une territorialité pré-définie) ?
Cela doit exister en France des tribunaux surchargés ?

11. Le vendredi 11 décembre 2009 à 14:19 par LEF

Mais, Monsieur le Juge, l’histoire ne se termine pas, elle recommence ! C’est, au contraire, le retour 600 ans en arrière ! La province est à l’abandon, juste bonne à servir comme fournisseur de titres de noblesse pour quelques élus.

Seul Paris est Grand. On va rester entre amis à Paris, on aura chacun sa maison des champs dans les Hauts de Seine et on servira des petits pois à l’étouffée pour amuser les convives.

Et l’Histoire se poursuivra…

12. Le vendredi 11 décembre 2009 à 14:21 par Tendance

Encore heureux si l’activité transférée vers un autre Tribunal n’est pas, faute de place, vouée à de dérouler dans des Algeco, comme à Agen.

13. Le vendredi 11 décembre 2009 à 14:48 par Petit pois sournois

Un petit HS, qui ne l’est pas tant puisque l’on parle de rentabilité…

Vient de paraître au J.O. un décret du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile, qui modifie donc certains articles du code de procédure civile.
La majorité de ces modifications n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2011. Mais elles ne retiennent comme représentant des parties que l’avoué. Or la suppression de cette profession est en route et sera très probablement réalisée à cette date (même si, comme l’a très justement exposé Maître Eolas dans un précédent billet, cette suppression est absurde).
Donc il faudra concevoir, rédiger, faire signer et publier un décret rectificatif, qui occupera au moins un quart de page du J.O. Bien sûr, c’est peu, mais multiplié par le tirage du J.O. (en 2008, plus de 12 000 abonnements)….

Alors qu’il suffisait d’attendre quelques mois, pour sortir l’édition définitive !

@ LEF
Pourquoi voulez-vous étouffer les petits pois ?

14. Le vendredi 11 décembre 2009 à 15:56 par violette

Rentabilité ? Mais pour qui ? En Haute-Garonne, c’est le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens qui disparait au 1er janvier prochain. Résultat, pour les justiciables non motorisés qui habitent le sud du département et qui auront une audience à 8 heures 30 à Toulouse à laquelle ils devront ou voudront assister, il leur faudra partir la veille car il n’y a pas de train permettant d’être à Toulouse pour le début d’audience. La chancellerie avait bien imaginé des audiences foraines en déplaçant le juge, la greffière, les dossiers pour les audiences auxquelles les parties ont l’habitude d’assister (matière familiale et correctionnelle), mais ……… c’est trop cher. Donc tant pis pour le justiciable. Et pendant ce temps, le palais de justice de Saint Gaudens continue à fonctionner et à être occupé par le seul Tribunal d’instance (le tribunal de commerce est déjà rattaché à Toulouse), donc est chauffé et entretenu aux 3/4 vide. Vous avez dit rentabilité ?

15. Le vendredi 11 décembre 2009 à 16:00 par LEF

@ Petit pois sournois

Si ça tenait qu’à moi, je les aurais étoffés !

16. Le vendredi 11 décembre 2009 à 16:39 par vemac

“Chronique d’une mort annoncée”…. les Cours d’Appel vont suivre ..du moins certaines d’entre elles….

Plus la Justice s’éloigne, moins le justiciable l’encombre…c’est tout bon pour le budget de l’aide juridictionnelle….

Qui a dit que les “incivilités” étaient responsables du sentiment d’insécurité ? Et de ne pas pouvoir aller chez l’avocat pour cause de trop de moyens pour s’y rendre, de se faire condamner ( au pénal comme au civil) sans avoir été entendu “pour cause de trop peu d’importance”, vous trouvez çà rassurant ?

17. Le vendredi 11 décembre 2009 à 16:58 par Bibi, une auteur sur Agitare rem

Pourquoi ne pas réserver l’un des départements de la région parisienne pour y regrouper tout ce qui concerne la justice?
Voila qui serait rentable, non?
Les plaignants qui y parviendraient auront ainsi été déja indirectement triés, et pourquoi ne pas plaider, argumenter, requérir par téléphone.
Voila qui serait rentable! Et nul …

18. Le vendredi 11 décembre 2009 à 16:59 par Arnaud

Moi citoyen français, j’exige près de chez moi:
Un commissariat, un tribunal, un hôpital, une caserne, un centre culturel, une gare (mais étrangement pas de rails… parce que les gens veulent que le train s’arrête près de chez eux mais pas qu’il y roule… bizarre…), un aéroport, une poste, une agence France Télécom, une maternité, une université…

Et tout ça sans augmenter mes impôts.

Merci d’avance.

19. Le vendredi 11 décembre 2009 à 17:32 par marsan

merci pour ce billet cher Eolas -
Dans une autre vie et pendant 11 ans, j’ai été juge d’instance, c’est à dire un juge proche des justiciables mais aussi un juge social car au Tribunal d’Instance, la grosse activité outre le civil ce sont les mesures de protection des majeurs - quel bonheur de courir la campagne pour visiter à domicile ou dans les maison de retraite nos “petits vieux” et de leur apporter souvent une présence, une écoute et aussi une solution à leurs problèmes.
Ces juges là vont disparaitre comme vont disparaitre - peut être - nos collègues juges d’instruction.
Vous trouverez ci joint un lien vers une pétitiion concernant ces derniers.
Si je mets ce lien, cher Eolas, c’est parceque les trois syndicats de magistrats appelent à signer cette pétition :

http://www.egjp.org/pétition%20con…
http://www.egjp.org

20. Le vendredi 11 décembre 2009 à 17:50 par Mimine

snif…

21. Le vendredi 11 décembre 2009 à 17:54 par ramon

Avallon ?

22. Le vendredi 11 décembre 2009 à 17:59 par Maboul Carburod....z

@21

Il n’y a rien à gagner, mais c’est exact. Y fûtes-vous ?

23. Le vendredi 11 décembre 2009 à 18:34 par marmotte

Ah ! la rentabilité ! la littérature est déjà sous sa coupe, depuis une bonne dizaine d’années, écrivez n’importe quoi, si cela fait vendre, c’est bien ! J’avais trouvé, par hasard, un jour sur le Net, la longue plainte d’une psychologue chargée de la réinsertion, à qui, au nom de la rentabilité, on enlevait la possibilité de faire VRAIMENT son travail, elle était limite dépressive. J’en passe et sûrement des plus navrants…

24. Le vendredi 11 décembre 2009 à 18:36 par Bob

Ce billet est émouvant comme souvent la nostalgie, mais il ne prouve pas grand chose. La permanence éternelle de chaque tribunal n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République non plus qu’un principe général du droit. La mutabilité, c’est-à-dire l’adaptation à l’évolution des besoins collectifs et aux exigences de l’intérêt général, est, en revanche, une loi du service public.
Les même descriptions nostalgiques ont été faites lors de la fermeture des mines de Lorraine, et pourtant il ne viendrait à l’idée de personne de dire qu’il fallait les maintenir en activité au nom de leur glorieux passé (bon, je reconnais que la comparaison n’est pas des plus évidentes, mais quand même).
Après, vous pourrez toujours dire qu’en l’espèce, la fermeture de ce tribunal ne se justifiait pas en raison de considérations tenant à son activité, à sa situation géographique, ou à tous autres critères. Mais vous ne le faites pas.

Vous pourrez également me dire que le but de votre message était juste d’exprimer de la tristesse personnelle devant la disparition d’un lieu qui a compté dans votre vie. Dans ce cas là, mon commentaire n’aurait aucun intérêt.

25. Le vendredi 11 décembre 2009 à 19:14 par Maboul Carburod....z

J’exprimais en premier lieu de la tristesse pour une histoire humaine qui se termine. En second lieu, je sais que ce tribunal était très petit et voué à disparaître.

Au delà des critères d’appréciation que je ne discute pas pour celui-ci, je n’oublie ni l’histoire ni les hommes et les femmes. Je regrette l’indifférence.

26. Le vendredi 11 décembre 2009 à 19:16 par tinotino

Merci M. le Juge,

Je vais avoir à connaître ce moment courant 2010, non pas en tant que magistrat, ni avocat, mais en tant que force de l’ordre, et nous le déplorons, tout comme ceux qui exercent dans ce fameux tribunal amené à disparaître. Si le justiciable y perd en proximité, les enquêteurs également.

Je m’associe à votre peine, et la partage…

Mes sincères condoléances !!!

27. Le vendredi 11 décembre 2009 à 20:02 par Leslie

Je suis désolée… :(

28. Le vendredi 11 décembre 2009 à 21:41 par Dom

Aujourd’hui, je devais aller chercher un paquet à la poste. Comme, au nom de la rentabilité, on a supprimé les bureaux de poste de quartier, aller chercher un paquet à la poste est devenu une véritable expédition. Et comme on a regroupé, dans le ressort d’un seul bureau de poste, une demi-douzaine de bureaux de postes de quartier, la queue est multipliée par trois (seulement par trois, parce qu’on a augmenté les effectifs du bureau de poste survivant).

D’où question sur la rentabilité globale de l’opération : en plein sommet de Copenhague, on peut se demander si le fait d’obliger tous les usagers à prendre leur voiture (ou leur moto, ou le bus) pour se rendre au bureau de poste survivant au lieu d’y aller à pied, c’est vraiment “rentable”. A l’heure du “travailler plus pour gagner plus”, on peut se demander si obliger le quidam à perdre deux heures pour aller chercher un paquet à la poste (parce qu’on ne peut pas y aller en dehors des heures de bureau…), c’est vraiment “rentable”. Ou bien pour qui c’est rentable.

29. Le vendredi 11 décembre 2009 à 21:44 par L'optimiste

Versons une dernière larme sur cette petite bourgeoisie provinciale…. privée de SON TRIBUNAL et de son thè mondain chez Monsieur le Président… et chez Môssieur le Bâtonnier ( “la justice de proximité” ?) et passons enfin aux choses sérieuses.
Allez voir ce qui se passe tous les jours en “comparution immédiate” et vous aurez une idée….de la justice au quotidien… dela misère , de l’application des droits de l’homme!…et de la surpopulation carcérale.S’il faut défendre une cause,j’ai fais mon choix!

Eolas:
Je regrette que vos capacités d’indignation vous limitent à une seule cause. Vous ne réalisez pas que cette justice que regrette Maboul Carburod…z est precisement l’anti-comparutions immédiates. Le temps où la justice prenait son temps.

30. Le samedi 12 décembre 2009 à 00:03 par ramon

@22 maboul carburod z

Non, je n’y fûtes pas.
Juste un soir de décembre , à Avallon, une étape vers les Alpes.

Et en se baladant dans la petite ville, un tribunal à la façade riante et non pas triomphante.
Dans la pénombre du soir, un civil , ouvrant avec sa clé, une simple porte en bois, suscitant l’hypothèse ” magistrat-logement de fonction”.

Une scène banale et quotidienne , mais illustrant assez bien la notion de justice de proximité.

Votre récit ayant ravivé ce souvenir, j’ai formulé , au hasard, la question que vous avez validée.

31. Le samedi 12 décembre 2009 à 00:46 par Monseigneur

Bonsoir,

Dans la petite ville ou j’exerce ma coupable prélature, on trouve un lieu semblable. Il fut cour de haute et basse justice, jusqu’à la Révolution, puis de justice de paix jusqu’à la précédente réforme judiciaire.
Sur les murs de la salle de haute justice où les arrêts de mort ou de bannissement étaient rendus, le jugement de Salomon, celui de la femme adultère, les aventures de Suzanne et l’allégorie de la vertu châtiant le vice invitent encore des juges absents à la clémence et à l’équité.
Les cachots du rez-de-chaussée abritent les réserves de spiritueux municipales à la bonne température et la salle de basse justice est devenue simplement de réunion.

Les temps ont passés et, la réforme étant maintenant presque quinquagénaire, la nostalgie est remplacé par la conservation du patrimoine. Les “gluons” des activités de vos prédécesseurs, sourdent pourtant encore des murs teintant étrangement l’atmosphère de ce lieu pour les mékeskidis de passage.

Pour les petites gens, le fait d’être jugé “loin” de chez eux, à au moins 20 km, a peut-être amélioré la justice, pas forcément le sentiment qu’il en ont.

Sérieusement, Y-a-t-il eu des évaluations des précédentes réformes judiciaires conduisant à la suppression des “petits tribunaux” et si oui, la réforme actuelle en-a-t-elle tenu compte ?

32. Le samedi 12 décembre 2009 à 05:12 par Remy

Non ! Pas le mobilier restauration du meilleur goût ! Pas la belle table de la chambre du conseil noooon ! C’est inhumain !!!!!

33. Le samedi 12 décembre 2009 à 08:37 par marsan

@ bob 24

a écrit : “La mutabilité, c’est-à-dire l’adaptation à l’évolution des besoins collectifs et aux exigences de l’intérêt général, est, en revanche, une loi du service public.” et je suis d’accord avec vous car rien n’est pire que l’immobilisme.
Ce qui nous différencie c’est apparemment pour vous le critère de fond est la rentabilité.
Ce peut être un des critères à prendre en considération mais celui du service public que la République doit à tout un chacun me semble tout aussi pertinent, surtout quand on sait que la quasi totalité des Tribunaux d’instance était logé et chauffé gratuitement.
Les habitants du Haut Médoc et ceux de la Haute Landes seront à 100 kilomètres et plus d’un tribunal. Quelle sera la conséquence de ces disparitions ? tout simplement le droit d’agir en justice diminuera (ce qui est certainement un des buts de la réforme) il laissera la place aux pratiques parfois limites des huissiers de justice en matière d’exécution ou de loyers impayés …
Quand on sait combien il est difficile pour un justiciable ordinaire de franchir la porte d’un tribunal là on est sur qu’il ne le fera pas

Adishatz et bon week end

34. Le samedi 12 décembre 2009 à 09:06 par Gwenwed

Concernant Paris, c’est déjà plus qu’entamé. La nationalité a été regroupée, le reste est en train de suivre. Dans moins de deux ans, les TI d’arrondissement auront disparu.

35. Le samedi 12 décembre 2009 à 09:38 par Maboul Carburod....z

@ Ramon
Il y eu y a bien longtemps un logement de fonction pour un concierge qui a disparu il y a vingt ans. Mon successeur garait parfois son vélo au Tribunal et partait les soirs ou les week-ends pour de longues balades. C’est sans doute lui que vous avez rencontré.

Pour les autres lecteurs :
Je ne disconviens pas que toute organisation humaine est vouée à disparaître et à être refondée. L’institution judiciaire n’y échappe pas. Je réfléchis depuis plusieurs années aux réformes qui sont proposées et pense à la devise de la République :”Liberté, Egalité, Fraternité”.

L’égal accès au juge me paraît non négociable et créer des obstacles à cet accès est potentiellement dangereux. Or, les réformes actuelles, qu’elles soient civiles ou pénales, poussent à cet éloignement physique et moral.

Le regroupement des tribunaux n’a pas été pensé en terme d’accès mais d’efficacité supposée, sans que le maillage territorial ait été réfléchi en terme de distance, et que les bâtiments n’aient été adaptés.

La Chancellerie espérait que les collectivités territoriales suppléeraient cet état de fait par la création de Maisons de Justice et du droit, qui sont financées pour la plus grande partie par elles. Elles n’ont pas voulu s’investir à la place des fonctions régaliennes de l’Etat.

L’impression donnée est donc celle d’une désertion. Il est illusoire de croire que les publics les plus fragiles iront chercher leurs requêtes sur internet.

Je suis de ceux qui pensent que la réforme nécessaire aurait dû commencer par une réflexion sur les fonctions régaliennes et la structure de l’organisation judiciaire. Nous ne referons pas le débat, il est hélas clos.

Restent des hommes et des femmes, qui comme ailleurs, vivent la fin d’une époque, avec, je le concède, la sécurité de l’emploi, ce qui est une grande différence.

Mais la course au rendement par le regroupement de moyens de plus en plus ressérés aura des conséquences sur la manière dont les procès seront abordés. Vous voyez, nous ne sommes pas si loin des questions de fond sur les procédures.

36. Le samedi 12 décembre 2009 à 09:45 par melianos

Ce que je ne comprend pas dans tout ça, c’est comment on peut parler de rentabilité pour un tribunal.

Après tout, l’argent qui y rentre est payé par des impôts, non ?

37. Le samedi 12 décembre 2009 à 09:49 par Maboul Carburod....z

La Chancellerie dispose de logiciels qui calculent mécaniquement selon les statistiques les équivalent temps plein en temps de travail. Un tribunal ne peut fonctionner à moins de deux fonctionnaires outre le magistrat. Or, certains avaient si peu d’activité que les fonctionnaires ne travaillaient pas à temps plein pour le ministère.

Trois solutions :

  1. fermer le tribunal
  2. répartir différemment la gestion des contentieux entre les tribunaux en modifiant les cantons de rattachement ou les contentieux gérés
  3. permettre un accueil universel pour tous les contentieux dans ces tribunaux

38. Le samedi 12 décembre 2009 à 09:57 par bébert

Très émouvant.
Comme d’autes je ne comprends pas ce que la question de la rentabilité vient faire dans la justice. Les notions de proximité, de service à la population devrait primer.

39. Le samedi 12 décembre 2009 à 10:47 par MarJac

J’ai bien apprécié ce texte digne d’un Alphonse Daudet.
Et pendant ce temps, l’ex Garde des sceaux pousse la chansonnette et gesticule dans un clip lamentable et dérisoire.
Je ne suis pas nostalgique, j’enrage de tant d’indifférence, de tant de mépris, de tant de cynisme.

40. Le samedi 12 décembre 2009 à 12:03 par YR

@ Arnaud (18) :
Vos demandes sont raisonnables. C’est justement à nos élus de mettre en oeuvre une politique d’aménagement du territoire à partir d’un budget donné.
Tournez vous vers eux pour obtenir que vos impôts, à moyen constant, aille vers les réalisations que vous souhaitez.

Mais j’ai bien compris à votre ton que vous souhaitez plutôt que seuls quelques uns aient accès à tout cela, pourvu que cela ne vous coûte pas cher en impôt…

Quant à savoir quel sera le coût pour vous d’accéder à ces services en les payant directement plutôt qu’indirectement.
Enfin, du moment que vous payez moins d’impôt, n’est-ce pas ?

Vous faites partie de ceux qui ont un tribunal, une poste, une gare, un hopital et tout le reste à proximité, c’est çà ?

41. Le samedi 12 décembre 2009 à 17:27 par vemac

Monsieur l’Optimiste,

Il y a bien longtemps que même les bourgeois de province, qui vous saluent bien bas, ne sont plus reçus par le Président pour boire le thé…lui même n’en a plus le temps …et les relations sont au “froid fixe” ….Saviez vous que les comparutions immédiates existent même chez les “ploucs” ?… et allez dire à un justiciable ” du civil “qui se déplace en mobylette qu’il lui faudra faire 50 km de plus pour aller voir son, pardon, “Le” juge…..que son dossier n’est pas “honorable” parce que sans rapport avec le pénal …et que finalement s’il doit ne plus voir ses enfants c’est moins grave que le reste….bien sûr vous avez raison sur les compa et les conditions de la détention mais pourquoi faire un choix.?…tout est important …ce qui compte c’est le curseur du justiciable pas celui du juge ou de l’avocat…sinon il suffirait d’avoir eu à connaître un dossier impliquant la peine de mort pour que plus rien ne soit important !Ne méprisez pas le petit et le sans grade sous prétexte qu’il n’a rien fait de pénalement répréhensible…faut il qu’il tue ses enfants pour qu’à vos yeux il trouve grâce ? est ce à ce prix qu’enfin et seulement vous honorerez la robe que vous portez ?
Albert Naud écrivait à propos de ces avocats qui courraient les audiences des “juges de paix” :”Il y a dans cet effort crevant et modeste une grandeur qui dépasse celle du Bâtonnat et laissera, derrière le Barreau disparu, une trainée de sueur et de gloire”….tout est combat!

42. Le samedi 12 décembre 2009 à 17:58 par hervé

Bonjour,

Et que deviennent tous ces lieux abandonnés par la justice ? Restent-ils la propriété du Ministère de la Justice ? Si oui, qu’en fait-il ? Sont-ils donnés/vendus aux collectivités locales qui les abritent ? Si oui, sous quelles conditions ?

43. Le samedi 12 décembre 2009 à 18:15 par Maboul Carburod....z

Pour la pluspart, les Tribunaux d’instance appartiennent déjà aux communes qui les mettaient à disposition de l’Etat depuis les lois de décentralisation. De même et dans l’ensemble, les TGI appartiennent aux conseils généraux. La réforme a été pensée en oubliant ce point, ce qui fait que l’Etat n’a aucun terrain à vendre pour financer ses restructurations.

44. Le samedi 12 décembre 2009 à 19:16 par gilberto

@Arnaud ( 18)

vous avez oublié les Centres des impôts….

45. Le samedi 12 décembre 2009 à 23:43 par Marianne

C’est un aparté, et je m’en excuse car je souhaite un renseignement: Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, Bâtonnier de Paris, intervient demain dans un colloque intitulé “Les ruses du nouvel antisémitisme contemporain: « l’antisionisme »”, aux côtés de Gilles William GOLDNADEL, avocat bien connu pour attaquer en justice ceux qui critiquent la politique de l’état d’Israël.
Est-ce que, à votre connaissance, Maître Christian CHARRIERE-BOURNAZEL approuve les actions de ce type de personne?

Eolas:
Le Bâtonnier Charrière Bournazel n’a ni à approuver ni désaprouver une action en justice. Car elle n’est pas intentée par un avocat mais par le client de celui-ci. Quant à votre accusation d’attaques systématiques, voici. Je trouve la politique actuelle de l’État d’Israël honteuse. Si je ne suis pas assigné dans les prochains jours, je me verrai contraint de vous considérer comme une menteuse.

46. Le dimanche 13 décembre 2009 à 09:57 par Caton

Bob (24) n’a pas tort de rappeler que la “mutabilité” du service public concerne la Justice comme les autres services publics.
Mais la mutabilité n’est pas la casse des services publics telle qu’elle est consciemment organisée depuis 2007 sous couvert de la réforme des politiques publiques.
Aujourd’hui, ce sont les lieux de Justice qui sont touchés, demain ce seront les juges et leur indépendance, encore qu’ils n’en fassent pas un usage excessif vis-à-vis du “système”.
La privatisation des services publics, ou leur disparition sous couvert de restructuration, vient de connaître un tournant amusant…
Le régime sarkozyste s’apprêterait à confier à un cabinet privé, Mercuri Urval, le recrutement des préfets pour “élargir les viviers de recrutement, en portant une attention particulière à la parité hommes-femmes et à la diversification des origines culturelles, sociales et professionnelles des futurs membres du corps »…A quand un cabinet privé pour recruter les procureurs pour les mêmes fausses raisons?
Casse à tous les étages: people au gouvernement ignorant( pas tous) ce qu’est une administration- syndrome Dati- et compensant leur incompétence par de bons sondages, déstabilisation des corps de l’Etat jugés insuffisamment fiables et pourtant!, hypertrophie des cabinets ministériels tellement plus dévoués et sûrs, désarmement des contrôles des élus sur tous les plans( voir le contrôle de légalité devenu inexistant dans les préfectures et les projets de dépénalisation de la délinquance financière touchant les élus) et suppression d’effectifs…
Le billet sur la disparition de ce tribunal m’a amené un peu loin, j’en suis navré mais…

47. Le dimanche 13 décembre 2009 à 10:05 par Tro choi

Oui, bonne question!!

Qu’est ce qu’ils deviennent ces bâtiments?

Laissé à l’abandon (je ne pense pas quand même..), transforme en je ne sais quoi, vendu … etc?

48. Le dimanche 13 décembre 2009 à 14:42 par Dom

@ Arnaud (18)

Vous ironisez : Et tout ça sans augmenter mes impôts.

Curieux, moi je n’ai pas remarqué que mes impôts diminuaient quand on supprime les tribunaux, les gares, les buraeux de poste et les maternités… En fait, j’ai même l’impression inverse, en ce qui concerne la fiscalité locale !

49. Le dimanche 13 décembre 2009 à 17:27 par Marianne

Je n’avais pas utilisé le terme de « systématique ». Chacun pourra choisir le qualificatif qui lui convient :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles…

Je préfère retenir votre: « Je trouve la politique actuelle de l’État d’Israël honteuse. »
Bien Cordialement ;-)

50. Le dimanche 13 décembre 2009 à 23:27 par Térence

Bouh, y a p’u d’tribunal !

Mignon et bien peigné ce bon Eo !

;-)

51. Le mercredi 16 décembre 2009 à 14:06 par Maz

Ce billet décrit, ni plus ni moins, les dommages collatéraux liés au manque de budget de la Justice, par ailleurs tant décrié sur ce blog. La réforme de la carte judiciaire s’inscrit dans ce sens. Rationnaliser l’ensemble des tribunaux en France. Si la fermeture duTI d’Issoudun peut permettre d’éviter des erreurs d’instruction au TGI de Bobigny, il n’y a rien à regretter.

52. Le jeudi 17 décembre 2009 à 18:41 par Evoweb

Un très court rappel chiffré pour montrer que ce type de fermetures / suppressions / limitations / restrictions / etc. est amené à se multiplier : http://www.ifrap.org/reaction4580.h…

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