La décision du CSM dans l'affaire Burgaud
Par Eolas le vendredi 24 avril 2009 à 16:28 :: Actualité du droit :: Lien permanent
CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Conseil de discipline des magistrats du siège
24 avril 2009
M. Fabrice BURGAUD
DÉCISION
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par le garde des sceaux, ministre de la Justice, contre M. Fabrice Burgaud, substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, sous la présidence de M. Vincent Lamanda, premier président de Cour de cassation, en présence de M. Francis Brun Buisson, conseiller-maître à la Cour des comptes, M. Jean-Claude Becane, secrétaire général honoraire du Sénat, M. Dominique Chagnollaud, professeur des universités, M. Dominique Latournerie, conseiller d'Etat honoraire, M. Jean-François Weber, président de chambre honoraire à la Cour de cassation maintenu en activité de service, M. Hervé Grange, premier président de la cour d'appel de Pau, M. Michel Le Pogam, président du tribunal de grande instance des Sables-d'Olonne, M. Luc Barbier, juge au tribunal de grande instance de Paris, Mme Gracieuse Lacoste, conseillère à la cour d'appel de Pau, et M. Xavier Chavigné, substitut du procureur général près la cour d'appel de Bordeaux, membres du Conseil supérieur de la magistrature,
Assistés de Mme Sylvie Ménotti, secrétaire général de la première présidence de la Cour de cassation, secrétaire du conseil de discipline ;
Vu les articles 43 à 58 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994, modifiée, sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, modifié, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche du garde des sceaux, en date du 18 juillet 2006, dénonçant au Conseil supérieur de la magistrature les faits motivant des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. Fabrice Burgaud, actuellement substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;
Vu l'ordonnance du 27 juillet 2006, désignant MM. Dominique Latournerie et Hervé Grange en qualité de rapporteurs ;
Vu le rapport de MM. Dominique Latournerie et Hervé Grange, du 3 décembre 2008, dont M. Burgaud a reçu copie ;
Vu la note du garde des sceaux en date du 20 janvier 2009 et le mémoire en défense déposé, pour M. Burgaud, le 5 février 2009 ;
Vu la décision rendue par le Conseil supérieur de la magistrature, le 26 juillet 2007 ;
Vu la décision n° 308108 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, en date du 20 février 2008 ;
Vu la décision rendue par le Conseil supérieur de la magistrature, le 2 février 2009, rejetant la demande de M. Burgaud tendant au retrait de la procédure de la note du garde des sceaux du 20 janvier 2009 ;
Vu le code de procédure pénale et, notamment, son article préliminaire et ses articles 81, 175 et 706-53 ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Attendu que le Président a rappelé qu'aux termes de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 sus-visée, l'audience est publique, mais que, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le Conseil de discipline ;
Qu'aucune demande n'ayant été formulée en ce sens, le président a déclaré que l'audience se tiendrait publiquement
Attendu que M. Burgaud est présent à l'audience, assisté par M. Jean-Yves Monfort, conseiller à la Cour de cassation, MM. Jean-Yves Dupeux et Patrick Maisonneuve, avocats au barreau de Paris ;
Attendu que la parole a été donnée à Mme Dominique Lottin, directrice des services judiciaires, assistée de M. Pascal Prache, sous-directeur, et de Mme Béatrice Vautherin, magistrat à l'administration centrale, qui a rappelé les faits reprochés ;
Que le président a ensuite demandé à Mme Sylvie Ménotti, secrétaire de la formation disciplinaire du Conseil, de donner lecture de l'acte de saisine, puis a donné la parole à M. Dominique Latournerie et à M. Hervé Grange pour la lecture de leur rapport ;
Attendu que, pour chaque grief, la parole a été donnée, successivement, à Mme Lottin, à M. Burgaud, aux membres du Conseil qui souhaitaient poser des questions et aux avocats de M. Burgaud, ce dernier ayant eu, à chaque fois, la parole en dernier ;
Qu'à la demande de M. Burgaud, ont été entendus les témoins suivants :
- M. Cyril Lacombe ;
- M. Didier Wallet ;
- M. Didier Beauvais ;
- Mme Claire Montpied ;
- Mme Pascale Leclercq ;
- M. Jean-Claude Monier ;
- M. Gérald Lesigne ;
- Mme Odile Mondineu-Hederer ;
- M. Jean-Claude Chilou ;
- M. Patrick Sendral ;
- M. Gérard Lafond de Lageneste ;
- Mme Déborah Bohee ;
- M. Frédéric Veaux ;
- M. Michel Debacq ;
- Mme Emmanuelle Perreux ;
- M. Jean-Amédée Lathoud ;
- Mme Laurence Le Vert ;
- M. Christophe Regnard ;
- M. Jean-Claude Marin.
Attendu qu'à la suite de l'examen des différents griefs et après audition des témoins, le président a donné la parole à Mme Lottin, directrice des services judiciaires, pour ses observations, à l'issue desquelles celle-ci a demandé le prononcé, à l'encontre de M. Fabrice Burgaud, de la sanction d'exclusion temporaire maximale d'une durée d'un an;
Que M. Monfort, Maître Dupeux et Maître Maisonneuve, conseils de M. Burgaud, ont, alors, eu la parole pour présenter leurs arguments et moyens de défense, M. Burgaud ayant pu s'exprimer en dernier ;
Attendu qu'au terme des débats, l'affaire a été mise en délibéré, avis ayant été donné que la décision serait rendue le vendredi 27 mars 2009 à 14 heures ; qu'à cette dernière date, les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au vendredi 24 avril 2009 à 14 heures ;
Attendu qu'en vertu de l'indépendance des magistrats du siège garantie par la Constitution, leurs décisions juridictionnelles ne peuvent être critiquées, dans les motifs et dans le dispositif qu'elles comportent, que par le seul exercice des voies de recours prévues par la loi ; que, dès lors, ceux des actes d'information du juge d'instruction qui ont une nature juridictionnelle échappent à l'examen de la formation disciplinaire ; que, toutefois, ce principe rencontre la limite que le Conseil constitutionnel a rappelée dans sa décision n° 2007-551 DC du 1er mars 2007, tenant à la constatation préalable aux poursuites disciplinaires d'un manquement, par une décision de justice devenue définitive; qu'au surplus, lorsqu'un juge a, de façon grossière et systématique, outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine, de sorte qu'il n'a accompli, malgré les apparences, qu'un acte étranger à toute activité juridictionnelle, des poursuites disciplinaires peuvent être engagées ;
Attendu que, s'il n'appartient pas à la juridiction disciplinaire d'apprécier, a posteriori, la démarche intellectuelle du magistrat instructeur dans le traitement des procédures qui lui sont confiées, les carences professionnelles de celui-ci peuvent, néanmoins, être sanctionnées lorsqu'elles démontrent, notamment, une activité insuffisante, ou un manque de rigueur caractérisé, de nature à nuire au bon déroulement de l'information, un défaut d'impartialité, de loyauté ou de respect de la dignité de la personne ;
Attendu qu'aux termes de l'alinéa 1 er de l'article préliminaire du code de procédure pénale, « la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserverl'équilibre des droits des parties » ; que la mission du juge d'instruction résulte des dispositions du chapitre premier du titre troisième du code de procédure pénale et, plus spécialement, de l'article 81 qui dispose : « le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge» ;
Attendu que l'acte de saisine précise que chacune des insuffisances professionnelles ne saurait, en soi, constituer une faute disciplinaire, mais que leur accumulation tout au long de la procédure, peut, néanmoins, être considérée comme traduisant une conscience insuffisante de ses obligations par le magistrat, pouvant difficilement s'expliquer par la seule inexpérience professionnelle ; que, dans ses écritures du 20 janvier 2009, le garde des sceaux relève : « En définitive, ce ne sont pas tant des insuffisances professionnelles qui sont reprochées à M. Fabrice Burgaud qu'une accumulation de manquements dont la répétition, tout au long de la procédure, démontre le caractère systématique voire volontaire ;
La mise en évidence de pratiques consistant notamment à écarter du dossier les éléments favorables à la défense par une disjonction ou parle classement inapproprié de certaines pièces du dossier, à mettre en oeuvre des investigations et interrogatoires selon des modalités ne permettant pas de livrer une vision rigoureuse et impartiale des faits en cause, à faire état des éléments étrangers à la procédure pour conforter l'accusation, à notifier tardivement des expertises dans des conditions ne permettant pas aux mise en cause de les contester utilement, conduit à établir le caractère délibéré d'un comportement qui ne peut être attribué à l'inexpérience d'un jeune magistrat, dont l'investissement a été légitimement souligné ; Au surplus, ces pratiques ont compromis, pour les autres magistrats qui sont intervenus dans la procédure judiciaire, à la fois le contrôle d'un dossier rendu confus par manque de rigueur, et la remise en question d'éléments présentés de façon péremptoire, par manque d'impartialité » ;
Attendu qu'il convient de rechercher, au vu de ces éléments, si le dossier de la procédure instruite par M. Burgaud révèle des manquements de nature à recevoir une qualification disciplinaire, notamment à partir des divers griefs que l'autorité de poursuite articule à l'encontre de M. Burgaud ;
1) Examen des griefs :
Grief 1 -1 tiré des conditions dans lesquelles l'audition des mineurs a eu lieu sur commission rogatoire, en date du 6 mars 2001 ;
Attendu que, selon l'acte de saisine, le regroupement des premières auditions des enfants par les services de police agissant sur commission rogatoire, près d'une vingtaine durant la seule journée du 6 mars 2001, aurait dû susciter, de la part de M. Burgaud, des interrogations sur les conditions matérielles dans lesquelles elles se déroulaient, dès lors qu'elles étaient effectuées sous son contrôle ;
Attendu que l'enquête de l'inspection générale des services judiciaires relève qu'un petit nombre seulement des auditions s'est déroulé conformément aux prescriptions des dispositions de l'article 706-53 du code de procédure pénale, en présence de l'un des deux parents ou de l'assistante maternelle ; qu'au commissariat de police de Boulogne-sur-Mer, seul M. Wallet, capitaine de police, avait reçu une formation à l'audition des mineurs et qu'un certain nombre d'auditions a été assuré par d'autres fonctionnaires ; que, selon M. Wallet, le regroupement des auditions répondait à des instructions de M. Burgaud, ce que celui-ci a confirmé, en invoquant la nécessaire coordination entre les auditions des enfants et celles des adultes ; que, selon M. Burgaud, M. Wallet ne lui avait jamais fait part de difficultés particulières recueillies par des fonctionnaires de police qui n'avaient pas reçu de formation à l'audition des mineurs ; que l'inspection estime, au vu des précisions fournies par M. Wallet, que M. Burgaud avait nécessairement connaissance des conditions matérielles rudimentaires dans lesquelles se déroulaient ces auditions ; qu'elle relève que celles-ci apparaissent souvent brèves, peu circonstanciées et, en tout cas, dépourvues d'éléments factuels ; qu'indépendamment de l'appréciation de leur sincérité, elles se sont ainsi révélées difficilement exploitables, dès lors que, souvent, elles ne permettaient, ni vérifications ni recoupements ; que, selon l'inspection, ces auditions n'ont que très rarement fait l'objet de l'enregistrement audiovisuel prévu par le code de procédure pénale, conditions dont M. Burgaud avait nécessairement eu connaissance ;
Mais attendu que M. Burgaud, qui a fait réaliser l'audition concomitante des enfants et des adultes, pour éviter tout risque de concertations ou de pressions, a confié l'exécution de sa commission rogatoire au seul service de police disposant localement d'un personnel formé en matière d'auditions de mineurs, en la personne de M. Wallet ; qu'il avait pris la précaution, d'une part de requérir deux médecins pour examiner les mineurs, et de s'assurer que ceux-ci étaient accompagnés d'un personnel social spécialisé, conformément aux dispositions de l'article 706-53 précité, d'autre part de déconseiller l'enregistrement, lorsque les victimes déclaraient avoir été filmées par les auteurs des sévices, pour ne pas aggraver leur traumatisme, ainsi que l'avaient, d'ailleurs, préconisé les travaux parlementaires évoqués dans une circulaire du garde des sceaux du 20 avril 1999 ; que l'absence d'enregistrement vidéo des auditions résulte, essentiellement, du refus des mineurs exprimé dans ces conditions ; que M. Burgaud ne peut se voir reprocher l'insuffisance de formation des fonctionnaires de police mis à sa disposition par le commissaire de police de Boulogne-sur-mer pour l'exécution de la commission rogatoire qu'il lui avait délivrée ;
Attendu qu'aucun manquement ne peut être reproché à M. Burgaud de ce chef ;
Grief 1-2 tiré du délai dans lequel sont intervenues les auditions des mineurs par le juge ;
Attendu que, selon l'acte de saisine, les auditions des mineurs sont toutes intervenues tardivement, soit un an après les premiers signalements et plus de dix mois après l'ouverture de l'information ;
Attendu que l'inspection relève que, compte tenu des nombreuses déclarations des enfants, souvent contradictoires ou évolutives, il aurait été souhaitable qu'elles fussent rapidement et méthodiquement recueillies par le juge d'instruction, ce qui aurait peut-être permis à celui-ci de mieux apprécier la crédibilité des accusations portées ;
Mais attendu qu'après les premiers signalements, en décembre 2000, puis l'ouverture de l'information, en janvier 2001, M. Burgaud a fait entendre les enfants par la police, agissant sur commission rogatoire, en mars 2001 ; qu'à la suite de nouvelles déclarations des enfants Delay devant le juge des enfants , le 28 mai 2001, mettant en cause d'autres adultes, le juge d'instruction a entendu les mineurs le 13 décembre 2001 après s'être assuré, en recourant à l'avis d'un expert psychologue, que ces auditions pouvaient être réalisées sans dommage et que l'administrateur ad hoc qu'il avait désigné pour chacun, s'était constitué partie civile ; qu'il en résulte que M. Burgaud, qui instruisait parallèlement une centaine d'autres dossiers et a dû participer à une session d'assises en qualité d'assesseur durant la période considérée, n'a pas tardé déraisonnablement à entendre les mineurs ;
Attendu qu'aucun manquement ne peut être retenu, de ce chef, à l'encontre de M. Burgaud ;
Griefs 1-3 tiré du caractère peu critique des auditions et 1-4 tiré de ce que M. Burgaud n'aurait pas interrogé les mineurs sur les circonstances précises des agressions dénoncées ;
Attendu, en premier lieu, que l'acte de saisine fait valoir que les auditions réalisées par le juge d'instruction sont, pour la plupart, très peu critiques, celui-ci n'ayant pas mis les enfants face à leurs contradictions et ne les ayant pas entendus sur les aspects invraisemblables ou inexacts de certains faits ;
Attendu que le rapport de l'inspection cite, à titre d'exemple, le cas d'A.B., à qui aucune question n'a été posée sur le viol qu'elle prétendait avoir simultanément subi de la part de trois hommes dont «deux auraient mis leur devant dans (son) devant», alors que le juge d'instruction était en possession, le jour de l'audition, du rapport d'expertise établi par un médecin concluant à l'intégrité de la membrane hyménale ;
Attendu, en second lieu, que, d'après l'acte de saisine, d'une manière générale, le juge n'a pratiquement jamais interrogé les mineurs sur les circonstances précises dans lesquelles ils auraient été victimes des agressions sexuelles dénoncées ;
Attendu que l'inspection constate à cet égard que M. Burgaud s'est attaché principalement à identifier les majeurs ayant participé aux faits, relevant aussi qu'il pose fréquemment aux enfants une question générale du type : « Quelles sont les personnes qui t'ont fait du mal ? » ou « que te faisait (tel mis en examen) ?» ;
Attendu que, si l'on ne peut méconnaître la difficulté d'entendre des mineurs très jeunes, ayant, souvent, une faible capacité de concentration, de compréhension et de verbalisation, sur des faits d'abus sexuels dont ils auraient été victimes, d'autant plus que les accusations étaient reprises par certains adultes et que les conclusions des experts psychologues avaient conforté, sinon validé, les déclarations des enfants, il n'en demeure pas moins que l'examen des auditions des mineurs révèle, de la part du juge d'instruction, d'incontestables négligences, maladresses et défauts de maîtrise dans les techniques d'audition et d'interrogatoire ;
Attendu qu'il en est ainsi pour les auditions des enfants D.D., réalisées les 13 décembre 2001 et 11 janvier 2002, J.D., les 13 novembre 2001, 6 mars 2001 et 27 mars 2001, K.D., les 18 janvier 2001 et 14 décembre 2001, A.B., les 15 février 2001 et 27 mars 2001 et A.L., le 22 mai 2002 ; qu'il résulte de l'examen du dossier que le juge d'instruction n'a pas relevé, ni approfondi, au cours de ces auditions ou postérieurement, des contradictions flagrantes dans les déclarations de ces mineurs, alors qu'il disposait des éléments lui permettant de le faire, se contentant d'accumuler les déclarations, sans y apporter une quelconque approche critique ; qu'ainsi D.D., dans son audition des 13 décembre 2001, mettait en cause Franck Lavier comme étant l'une des personnes l'ayant agressé sexuellement, alors que, le 7 mars 2001, il avait déclaré que les membres de la famille Lavier ne lui avaient rien fait ;
Attendu que la même absence d'approfondissement se retrouve dans le cas du mineur J.D. qui, lors de son audition du 13 décembre 2001, désignait Thierry Dausque comme faisant partie des personnes l'ayant sodomisé et lui ayant imposé des fellations, alors que, sur présentation d'un album photographique le 6 mars 2001, il avait déclaré, désignant cette même personne : « je le connais, il vient chez ma marraine Monique, il ne fait rien, c'est sûr » ;
Attendu qu'une expertise médicale avait été déposée le 17 janvier 2001, mentionnant l'intégrité de la membrane hyménale d'A.B., M. Burgaud n'a pas cherché à faire expliciter plus avant les accusations de cette mineure de neuf ans dans son audition du 27 mars 2002, au cours de laquelle celle-ci a réitéré ses précédentes déclarations du 15 février 2002, où elle avait désigné trois hommes comme lui ayant fait subir, en même temps, les sévices sexuels précités ;
Attendu qu'au cours de son audition du 22 mai 2002, A.L., mineure, certes âgée de moins de six ans, mettait en cause une douzaine de personnes qu'elle n'avait pas accusées auparavant ou qu'elle avait mises en cause avec beaucoup moins de précision, le juge d'instruction ne l'a interrogée, ni immédiatement , ni ultérieurement, sur ces changements ; que le juge d'instruction n'a, pas davantage, relevé la mise en cause nouvelle faite par A.B. d'un certain « Jean-Marc » qui se serait allongé sur sa demi-soeur A.L., ce que celle-ci n'avait jamais déclaré ;
Attendu que les autres auditions précitées de D., J. et K.D., A.B. et A.L., contiennent les mêmes négligences, maladresses et défauts de maîtrise, dans la conduite des auditions des mineurs ;
Grief 2-1 tiré du refus de confronter les mis en examen à leurs accusateurs ;
Attendu que l'acte de saisine reproche à M. Burgaud d'avoir refusé d'organiser des confrontations séparées entre les mis en examen et leurs accusateurs ;
Mais attendu que ce grief, portant sur des décisions de nature juridictionnelle du magistrat instructeur, ne peut être retenu à l'encontre de M. Burgaud, dès lors qu'il ne résulte nullement de l'autorité de la chose jugée que le juge aurait outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine ; qu'il a, d'ailleurs, été abandonné par le garde des sceaux, dans sa note du 20 janvier 2009 ;
Grief 2-2 tiré du caractère insuffisant des vérifications effectuées à la suite des déclarations recueillies ;
Attendu que, selon l'acte de saisine, l'inspection a observé que, compte tenu des enjeux et en l'absence d'éléments matériels exploitables, il était essentiel de mettre à l'épreuve la solidité des accusations portées par les enfants en procédant, autant que possible, aux vérifications et recoupements permettant de lever les incohérences et les contradictions qu'elles pouvaient comporter ;
Attendu que ce grief tenant à la méthode du magistrat instructeur est à joindre à l'examen des griefs 3 ;
Griefs 3 tirés de l'absence de méthode du juge d'instruction ;
Attendu que, selon les propos introductifs de l'acte de saisine, un manque de méthode de la part du magistrat instructeur est «constaté, tant dans le traitement de nombreuse dénonciations que dans la conduite des investigations, interrogatoires et confrontation » ;
Grief 3-1 tiré de l'absence de méthode pour analyser les dénonciations ;
Attendu que l'acte de saisine, reprenant les termes du rapport de l'inspection générale des services judiciaires, relève que, « face à une accumulation de dénonciations, M. Burgaud n'a pas assuré une réelle direction de la police judiciaire en donnant aux policiers agissant sur sa délégation des instructions claires » ; qu'il ajoute que « sans porter une quelconque appréciation surf évaluation des preuves, M. Burgaud a été dans l'incapacité de mettre en place une méthode adaptée, afin d'analyser avec prudence et logique les dénonciations de plus en plus nombreuses, imprécises et fluctuantes qui lui étaient adressées ; qu'ainsi, en mettant en examen et en demandant le placement en détention provisoire de personnes dont la situation était très proche de celle d'autres individus non poursuivis, le juge a pu susciter, chez les premières –et leurs avocats– un sentiment d'incompréhension, voire d'arbitraire; qu'un défaut de maîtrise peut également être relevé dans la conduite des investigations relatives à la situation des personnes mises en examen, dès lors que, comme souvent dans ce type d'affaires, les charges reposaient sur les accusations portées par les enfants et quelques adultes ; qu'il y avait donc lieu de rechercher, par recoupements, les éventuelles incohérences ou contradictions et de vérifier les points qui pouvaient l'être » ;
Attendu que ce manque de rigueur dans l'interrogatoire des adultes mis en examen ou d'auditions des mineurs et le défaut d'approfondissement de leurs déclarations apparaissent, de manière répétée, au sujet de faits et dénonciations particulièrement graves :
- dans les auditions de D.D., les interrogatoires de Myriam Badaoui et les documents s'y rapportant, des 21 mai 2001, 28 mai 2001, 5 juin 2001, 27 août 2001 et 5 octobre 2001; que cette dernière, après avoir dit le contraire, soutenant qu'une enfant prénommée Priscillia, décrite comme étant «une copine d'école de D.», avait bien été violée par Thierry Delay, comme le jeune D. le laissait entendre, et mettant en cause également Francis Fortin, grand-père de l'enfant ; que les investigations ultérieures ont confirmé que D.D. n'avait jamais été dans la classe de Priscillia S., que les deux enfants ne se connaissaient pas, et qu'il s'agissait de Prescillia V.; que le juge d'instruction n'a, à aucun moment, fait état de ces éléments de contradiction, ni ne les a exploités ou présentés à ceux qui avaient proféré les accusations ;
- dans son audition du 27 février 2002, la mineure A.B. évoquait la présence de ses frères et soeurs lors de ses viols, sans dire s'ils avaient subi le même sort de la part des trois hommes qu'elle accusait, contrairement à ses précédentes déclarations devant les policiers ; que le juge d'instruction n'a pas approfondi, lors de cette audition ni à aucun autre moment, la question de ces viols, alors que la crédibilité de la mineure se posait, notamment, au regard des constatations médicales faites sur ses frères et soeurs ;
- dans les auditions des 5 juin 2001 et 4 juillet 2001 de K. et D.D., désignant, à partir d'un album photographique, M. Martel, chauffeur de taxi, et Mathieu Martel, décrit comme étant le fils du précédent, impliqués dans des agressions sexuelles ; qu'il a été établi qu'aucun lien de parenté n'existait entre ces deux personnes ; que cet élément, de nature à faire reconsidérer l'exactitude, voire la sincérité et la spontanéité des déclarations de ces deux mineurs quant à l'implication de Pierre Martel, n'a pas été exploité par le juge d'instruction ;
- dans le rapport administratif de l'UTASS et les auditions des 7 juin 2001, 17 juillet 2001 et 30 novembre 2001 de D.D. mettant en cause Odile Marécaux, ce mineur, interrogé sur le fait qu'il connaissait le prénom de Mme Marécaux, et, plus généralement, sa famille et impliquait les époux Marécaux dans des scènes de viols qu'il décrivait très précisément ; or, D.D., dans sa précédente audition par les services de police, avait montré deux photographies différentes pour désigner M. Marécaux et n'avait pas reconnu son épouse dans un cliché sur lequel il identifiait une femme qu'il connaissait ; par ailleurs, l'avocat de Mme Marécaux avait fait mentionner au procès-verbal ces contradictions et approximations ;
- dans l'audition du 13 décembre 2001 de D.D., ayant déclaré que ses frères n'étaient pas avec lui lorsque Pierre Martel l'avait conduit chez les époux Marécaux, alors qu'il avait dit, précédemment, le contraire à la police ; que ces contradictions n'ont appelé aucune question ou investigation de la part du juge d'instruction ;
- dans l'audition du 13 décembre 2001 de J.D., déclarant au juge d'instruction que les époux Marécaux avaient commis des viols et agressions sexuelles sur lui, alors que, devant les policiers, le 4 juillet 2001, il avait dit ne pas connaître les numéros 25 et 26 correspondant aux époux Marécaux sur l'album photographique qu'on lui présentait ; que la défense avait, d'ailleurs, relevé ce point ; que ces contradictions et approximations portant sur des accusations graves pour ceux qu'elles visaient, n'ont appelé aucune question ou investigation de la part du juge d'instruction ;
- dans l'audition du 27 août 2001 de Myriam Badaoui et dans l'exploitation des auditions par la police de Sabine Joly le 15 juin 2001, de Daniel Legrand père et fils le 15 novembre 2001, les enquêteurs ont formulé des questions en présentant des éléments considérés à charge sur des crimes commis en Belgique, comme s'ils provenaient de déclarations, alors que ces éléments résultaient de leurs propres recherches ; que le juge d'instruction, dans les interrogatoires et auditions, lors desquels ces faits ont été évoqués, n'a pas remis en cause cette présentation inexacte des policiers ;
- dans l'audition du 11 janvier 2002 de J.D., lors de laquelle ce mineur évoque le meurtre d'un garçon d'un an, alors que, dans ses précédentes auditions, il parlait d'un meurtre d'une petite fille, sans que cette contradiction, portant sur des faits criminels, soit relevée par le magistrat ;
- dans l'interrogatoire du 26 septembre 2001 de Roselyne Godard, dans lequel est formulée, par le juge, l'affirmation que quatre enfants mineurs la mettaient formellement en cause, sur photographies, pour avoir participé aux faits de viols dont ils avaient été victimes, alors que les déclarations de ces enfants pouvaient apparaître plus ambigües ou différentes ; dans ce même interrogatoire du 26 septembre 2001 de Roselyne Godard, mais aussi dans ceux de Thierry Dausque du 9 octobre 2001, d'Alain Marécaux du 28 novembre 2001, de Pierre Martel du 16 novembre 2001, lors desquels le magistrat instructeur a affirmé, sans plus de nuance, l'impossibilité de concertation des accusateurs de ces différents mis en examen ; qu'en réalité, à ce stade, chacun des mis en examen avait eu légalement la possibilité de savoir ce que les autres avaient dit, en prenant connaissance de la procédure mise à leur disposition ;
Grief 3-2 tiré des vérifications omises, abandonnées ou tardivement engagées ;
Attendu que l'acte de saisine, relève que « les quelques vérifications nécessaires ont parfois été omises, abandonnées ou tardivement engagées » ; qu'il observe, ensuite, à titre d'illustration, que certaines déclarations très précises émanant d'une personne mise en examen, portant sur des considérations matérielles, n'ont pas fait l'objet de vérifications, pourtant aisées à réaliser ; qu'il poursuit, en indiquant que les révélations de cette mise en examen intervenue en mai 2001, faisant apparaître l'existence possible d'un réseau international de pédophilie, avaient donné une dimension nouvelle au dossier, sans que le juge d'instruction exploite rapidement ces informations et les vérifie sans tarder, attendant plusieurs mois avant de réagir ;
Attendu que le juge d'instruction, bien qu'il ait accepté, par ordonnance du 1er février 2002, rendue après une demande faite par une partie, le principe d'une recherche d'une possibilité de relations entre les enfants Marécaux et Delay, n'a pas fait procéder à des investigations ni fait réaliser alors d'expertise médicale des enfants L., bien que, par ordonnance du 19 avril 2002, il eût estimé qu'il y avait lieu d'accueillir une telle demande présentée par la défense ;
Attendu qu'un mineur victime ayant indiqué aux policiers que Pierre Martel avait commis des faits d'agression sexuelle sur son frère D.D., le jour de la fête des mères de l'an 2000, les policiers ont demandé à cet adulte son emploi du temps du 28 mai 2000 ; qu'ils ont ensuite vérifié, lors d'investigations réalisées le 7 juin 2002 les déclarations du couple Martel, qui se sont révélées exactes sur le fait que, ce jour là, le mari avait disputé une compétition de golf et que ce couple avait reçu sa famille ; que le magistrat instructeur n'a pas exploité ces éléments avant de délivrer un avis de fin d'information ;
Attendu que ces constatations font apparaître des négligences, maladresses et défauts de maîtrise dans la conduite des auditions et interrogatoires et actes non juridictionnels relevant des attributions habituelles du juge d'instruction ;
Griefs 3-3, 3-4 et 2-2 regroupés, tirés du fait que les interrogatoires et confrontations étaient insuffisamment approfondis et peu exploitables, et de l'absence de réaction du juge d'instruction en cas de revirement ;
Attendu que l'acte de saisine, reprenant le rapport de l'inspection générale des services judiciaires, indique : "le magistrat instructeur a conduit des interrogatoires et des confrontations insuffisamment approfondis et peu exploitables, les questions étant posées dans des termes généraux et portant rarement sur des faits précis, les déclarations consignées apparaissant vagues et donc difficilement vérifiables », et que, «lorsqu'une personne mise en examen opérait un revirement sur un point pourtant essentiel ... le juge n'y réagissait pas » ;
Attendu que l'examen de l'interrogatoire récapitulatif de Myriam Badaoui, réalisé le 5 juin 2002, fait apparaître que le juge d'instruction lui a indiqué qu'A.B. et F.G. auraient pu être victimes de David Delplanque, ce à quoi Myriam Badaoui a acquiescé, sans qu'aucune précision ne lui soit demandée, alors que, pour sa part, il s'agissait d'une première mise en cause ; qu'il en a été de même au sujet des accusations de viols commis sur Jean-Marie Ringot par Franck Lavier, d'autant plus que ce dernier niait ces faits ; qu'il en a encore été ainsi pour des accusations de viols mettant en cause Dominique Wiel, émises par D.P., que Myriam Badaoui a, là encore, confirmées sans donner le moindre détail et sans qu'elle soit questionnée plus avant ; qu'on retrouve également de telles approximations dans les questions du juge d'instruction à Myriam Badaoui concernant des agressions sexuelles et viols qu'aurait commis M. Delay sur les mineurs C.L. et F.G. ; que Myriam Badaoui a acquiescé à ces faits, alors qu'elle ne les avait jamais évoqués jusque là dans de multiples interrogatoires antérieurs, et sans qu'il lui soit alors demandé plus de précisions dans cet interrogatoire récapitulatif ;
Attendu qu'au cours de ce même interrogatoire, Myriam Badaoui :
- a déclaré au juge d'instruction qu'elle ignorait si Dominique Wiel avait agressé sexuellement et violé J.R., alors que, lors d'un précédent interrogatoire, elle l'avait accusé d'avoir commis de telles " pénétrations et fellations sur (...) les petits garçons de Madame P.", J.R. étant le plus jeune de ses fils ; que cette évolution dans les accusations portées par Myriam Badaoui n'a pas été relevée par le juge d'instruction, bien que Dominique Wiel fût mis en examen pour crimes et agressions sexuels sur J.R. ;
- a dit, au sujet de l'agression sexuelle subie par D.D., objet d'une enquête de la police n'ayant pas abouti, qu'elle pensait « seulement maintenant » que l'agression était le fait de son mari, après avoir cru qu'elle était le fait d'un tiers, alors qu'elle avait donné une autre version de ces faits lors de précédentes déclarations ; que le juge d'instruction n'a cependant pas relevé cette contradiction pouvant amener à s'interroger sur la sincérité et le sérieux des propos de cette personne mise en examen ;
Attendu que ces mêmes imprécisions répétées se trouvaient déjà dans l'interrogatoire de Myriam Badaoui du 24 mai 2002 concernant les accusations de viols et agressions sexuelles sur D.P., portées par cette dernière à l'encontre de Thierry Dausque, Aurélie Grenon, Franck Lavier, Daniel Legrand fils et François Mourmand et sur Anthony Brunet, par Franck Lavier et Daniel Legrand ; que ces imprécisions n'ont donné lieu à aucune investigation ultérieure ;
Attendu qu'ayant notifié à Franck Lavier, Dominique Wiel, Daniel Legrand et Therry Delay les 6 mai 2002, 15 mai 2002, 23 mai 2002 et 27 mai 2002 la circonstance aggravante d'actes de torture ou de barbarie, le juge d'instruction a indiqué qu'il ressortait des investigations que les deux mineurs D. avaient été violés à l'aide d'un chien ; que Myriam Badaoui avait effectivement fait de telles déclarations divergentes de celles des deux mineurs concernés, l'un ayant parlé d'actes commis, non sur lui, mais sur deux chats et sur son chien, chez lui, ainsi que sur des animaux à la ferme, tandis que l'autre enfant avait parlé de cochons, vaches, chèvres et avait dit avoir été sodomisé par un mouton ; que ces auditions n'ont, pas davantage, fait l'objet de relances et approfondissements de la part du magistrat instructeur ;
Attendu que dans la confrontation entre Karine Duchochois du 27 février 2002 et ses trois accusateurs, le juge d'instruction a opposé à celle-ci la précision et la concordance des déclarations de Myriam Badaoui et d'Aurélie Grenon ; qu'en réalité, Myriam Badaoui venait de dire qu'A.B. et A.L. avaient été violées par Karine Duchochois, ce qu'Aurélie Grenon. ne disait pas ;
Attendu que de multiples exemples comparables apparaissent dans les confrontations et interrogatoires de David Delplanque des 14 août 2001, 5 octobre 2001 et 25 février 2002, d'Aurélie Grenon, des 18 septembre 2001 et 26 février 2002, de Myriam Badaoui, des 2 mai 2001, 27 août 2001, 17 décembre 2001 et 16 janvier 2002, portant des accusations sur plusieurs sujets distincts ; qu'ainsi, l'interrogatoire de David Delplanque du 5 octobre 2001, s'il contient des mises en cause relativement précises à l'encontre de onze personnes, comporte aussi des accusations générales de crimes ou délits sexuels de treize autres personnes, y compris contre lui-même, sans aucune précision de sa part, de temps, de lieu et d'action, et sans qu'il lui ait été demandé d'en fournir ; que, lors d'une confrontation avec son mari du 16 janvier 2002, Myriam Badaoui avait soutenu que son époux lui avait fait vendre un caméscope après que le juge des enfants lui avait retiré, par ordonnance du 28 décembre 2000, le droit de visite sur ses enfants ; que la preuve de la vente de ce matériel, intervenue le 11 octobre 1999, était cotée au dossier bien avant la confrontation ; que cette anomalie, qui pouvait remettre en cause la sincérité des déclarations de Myriam Badaoui, n'a pas été relevée par le juge d'instruction à un quelconque moment ;
Attendu, sur l'absence de réaction du juge d'instruction face à des revirements d'un mis en examen ou des révélations nouvelles et importantes, qu'il convient de se référer à l'audition du 3 juillet 2002 de J.N., dans laquelle ce dernier avait déclaré que Thierry Delay avait fourni le bâton avec lequel Dominique Wiel l'avait violé, tandis que son complice prenait des photographies ; qu'il s'agissait là d'une évolution dans les déclarations de ce mineur qui, dans son audition antérieure par la police, n'avait pas signalé la présence de Thierry Delay, qu'il n'avait pas identifié sur l'album photographique ; que, de plus, J.N., lors de sa première audition, avait déclaré ne pas connaître les D.; que ces précisions et révélations portant sur des infractions graves, mettant en cause un nouveau protagoniste d'une scène déjà évoquée, n'a pas entraîné de questions ou d'approfondissement de la part du juge d'instruction ;
Attendu que cette même absence de réaction se retrouve dans l'audition du 7juin 2002 de F.G., déclarant que Pierre Martel lui avait dit qu'il emmenait les enfants D. en Belgique et qu'il lui avait proposé de l'y conduire ; que ces propos contenaient, en effet, une modification non négligeable par rapport à ceux tenus précédemment devant les policiers, F.G. ayant déclaré que cette information, sur les agissements de Pierre Martel en Belgique, lui était parvenue par sa mère ; que ces éléments n'ont pas, pour autant, entraîné de question spécifique de la part du juge d'instruction ;
Attendu que ce dernier n'a, pas davantage, réagi lorsque Myriam Badaoui, au cours de son interrogatoire du 24 mai 2002, a déclaré qu'elle n'avait pas personnellement violé A.T., alors qu'elle avait dit le contraire, lors d'une confrontation du 27 févrierAttendu que ce dernier n'a, pas davantage, réagi lorsque Myriam Badaoui, au cours de son interrogatoire du 24 mai 2002, a déclaré qu'elle n'avait pas personnellement violé Anthony Brunet, alors qu'elle avait dit le contraire, lors d'une confrontation du 27 février 2002 ;
Attendu que tous les constats portant sur les griefs 2-2, 3-3 et 3-4 de la saisine apparaissent comme autant de négligences, maladresses et défauts de maîtrise dans les auditions, interrogatoires et confrontations menés par le juge d'instruction ;
Grief 3-5 tiré de l'absence de synthèse dans les procès-verbaux de confrontations ;
Attendu que l'acte de saisine, reprenant les termes du rapport d'inspection, soutient que « d'une manière générale, les questions posées par les avocats appelaient, en raison de leur nombre parfois très élevé et des réponses fluctuantes qu'elles entraînaient de la part des personnes mises en examen, une intervention du magistrat avant le terme de la confrontation afin d'arrêter chaque version des faits. En l'absence d'une telle précaution, une impression d'une grande confusion se dégage de certains procès-verbaux de confrontation » ;
Mais attendu que, pour utile que puisse apparaître l'idée de procéder à une synthèse des différentes et multiples versions des parties avant le terme de la confrontation, il ne s'agit là que d'un moyen envisageable, parmi d'autres, pour contribuer à la manifestation de la vérité ; qu'il n'appartient pas au conseil de discipline de définir, de façon théorique, les méthodes du juge d'instruction dans son activité non juridictionnelle, mais d'examiner, dans le cas de l'espèce, les investigations conduites, au regard de la finalité essentielle de la fonction d'instruction qu'est la recherche de la manifestation de la vérité ;
Attendu que ce grief n'est donc pas fondé ;
Griefs 3-6 et 3-7 tirés de l'absence de prise en compte d'éléments à décharge et de l'existence de questions du juge induisant les réponses, et grief tiré de pratiques délibérément partiales et attentatoires aux droits de la défense ;
Attendu que, selon l'acte de saisine, « s'agissant en outre du traitement des éléments susceptibles d'intervenir à décharge, la mission d'inspection a estimé que l'examen du dossier tendait à confirmer la critique suivant laquelle certains n'avaient pas été pris en compte par M. Burgaud dans la conduite de ses investigations » et que, par ailleurs, « l'examen des procès-verbaux établis par le magistrat fait apparaître des questions susceptibles, par leur formulation, de suggérer la réponse ou de l'orienter dans le sens de l'accusation » ;
Attendu que, dans ses écritures du 20 janvier 2009, l'autorité de poursuite ajoute que « la mise en évidence de pratiques consistant notamment à écarter du dossier des éléments favorables à la défense (...), à mettre en oeuvre des investigations et interrogatoires selon des modalités ne permettant pas de livrer une vision (...) impartiale des faits en cause, à faire état d'éléments étrangers à la procédure pour conforter l'accusation, (...) conduit à établir le caractère délibéré d'un comportement qui ne peut être attribué à l'inexpérience d'un jeune magistrat » ;
Mais attendu, d'une part, que ces griefs reprennent, en réalité, une série de critiques déjà analysées quant aux maladresses et défauts de maîtrise du juge d'instruction dans son activité non juridictionnelle; qu'il est donc inutile d'y revenir, d'autant plus que les procès-verbaux d'auditions, interrogatoires et confrontations auxquels se réfèrent ces griefs sont les mêmes, pour la plupart, que ceux critiqués dans les autres griefs; qu'il convient donc de renvoyer à ce qu'il en a déjà été mentionné, notamment dans l'analyse des griefs 2-2, 3-3 et 3-4 ;
Et attendu, d'autre part, qu'il n'apparaît pas, dans l'analyse des procès-verbaux et investigations, de quelque nature qu'ils soient, réalisés par M. Burgaud, que ce dernier ait, à un quelconque moment, failli à ses devoirs d'impartialité et de respect des droits de la défense ou ait mis en oeuvre des pratiques délibérément favorables à l'accusation des personnes mises en examen, quelles qu'aient été, par ailleurs, les négligences, maladresses et défauts de maîtrise déjà examinés et retenus comme tels, commis, au cours de l'instruction, notamment lors des auditions et interrogatoires ;
Attendu qu'il s'ensuit que ces griefs doivent être écartés ;
Grief 3-8 tiré de la présentation de certains faits comme acquis alors qu'ils ne résultent que de déclarations de victimes ou de mis en cause ;
Attendu que l'acte de saisine, reprenant les éléments du rapport d'inspection, se réfère aux interrogatoires de M. Delplanque du 5 octobre 2001 et de Myriam Badaoui du 5 juin 2002 ; que d'autres interrogatoires méritent d'être également évoqués ;
Attendu qu'il convient d'observer que ce grief recoupe, au moins en partie, certains autres précédemment analysés ;
Attendu que, lors de l'interrogatoire de première comparution de Roselyne Godard du 12 avril 2001, deux questions du juge d'instruction sont ainsi formulées : « les quatre enfants du couple vous reconnaissent formellement sur photographie comme étant l'un de leurs agresseurs » et « comment expliquez-vous que les quatre enfants qui ont été entendus dans des pièces séparées par les enquêteurs, fassent des déclarations similaires vous concernant », alors qu'à ce stade, l'un des quatre enfants n'avait pas mis Roselyne Godard en cause, mais seulement son mari, en déclarant : « Elle (Roselyne Godard) ne faisait rien, mais son mari... » ;
Attendu que, lors de l'interrogatoire de David Delplanque du 5 octobre 2001, le juge d'instruction, à travers ses questions, a cité les noms de dix neuf personnes comme ayant participé à des faits de viols, à l'annonce desquels le mis en examen a été amené à réagir ; qu'il ressort de la lecture de ce procès-verbal que la formulation des questions donnait l'impression de tenir pour acquises la culpabilité de ces dix neuf personnes ;
qu'une telle présentation constitue une maladresse et un défaut de maîtrise dans la manière de conduire les interrogatoires ;
Attendu que M. Burgaud a dit à François Mourmand, lors de son interrogatoire du 9 janvier 2002, que les déclarations de Daniel Legrand fils et de Myriam Badaoui, à propos des viols et du meurtre de la fillette belge, étaient précises et convergentes ; mais attendu que, au vu des déclarations dont le juge d'instruction disposait, il ressortait que
- pour Daniel Legrand, l'homme aurait la soixantaine et, pour Myriam Badaoui, 50 ans,
- pour Daniel Legrand, la fillette avait les cheveux frisés assez courts et, pour Myriam Badaoui, elle avait deux couettes,
- pour Daniel Legrand, la fillette portait des baskets blanches, alors que, pour Myriam Badaoui, elle portait des tennis rouges avec des dessins fantaisies,
- pour Daniel Legrand, les viols avaient eu lieu par terre sur une couverture, alors que, pour Myriam Badaoui, ils avaient eu lieu sur le canapé clic-clac,
- pour Daniel Legrand, les enfants D. étaient présents au début des actes, Myriam Badaoui, les ayant fait partir « quand ça s'est passé » alors que, pour Myriam Badaoui, ses enfants étaient chez Mme Fouquerolle,
- pour Daniel Legrand, le corps de la fillette avait été mis par Thierry Delay et Myriam Badaoui dans un sac de couchage rouge, alors que, pour Myriam Badaoui, il avait été mis par son mari dans un drap rose avec des petites fleurs violettes,
- pour Daniel Legrand, François Mourmand avait juste assisté à la scène, alors que, pour Myriam Badaoui, François Mourmand avait violé la fillette,
- pour Daniel Legrand, ce furent Thierry Delay et l'homme arrivé avec la fillette, qui s'étaient débarrassé du corps, alors que, pour Myriam Badaoui, ce furent deux déjà cités, mais aussi François Mourmand et, qu'en outre, Daniel Legrand avait été sollicité ;
Attendu que, cette présentation, à François Mourmand, de faits considérés comme acquis, alors qu'ils ne l'étaient pas, révèle des négligences, maladresses et un défaut de maîtrise ;
Attendu que, lors du dernier interrogatoire de Myriam Badaoui du 5 juin 2002, M. Burgaud a formulé des questions très affirmatives sur le rôle et l'implication de Daniel Legrand pour des actes criminels très graves, utilisant, notamment, des phrases du type : « il ressort de l'enquête que Daniel Legrand-père, était une des personnes les plus importantes du réseau de pédophilie avec votre mari ; c'est lui qui s'occupait de vendre les cassettes et photographies pornographiques, est-ce exact ? » ou encore « il ressort de la procédure que les faits ont été commis avec un chien avec la participation de Daniel Legrand-père. Quel a été son rôle précis ? » ; que ces formules, qui ne se référaient à aucun des éléments précis du dossier, constituent une maladresse et un défaut de maîtrise de la part du juge d'instruction ;
Attendu que, dans ce même interrogatoire récapitulatif du 5 juin 2002, M. Burgaud est revenu sur les faits qui auraient été commis en Belgique, sans, pour autant, évoquer les recherches qui avaient été réalisées et s'étaient révélées infructueuses ; que ceci traduit également un défaut de maîtrise ;
Grief 3-9 tiré du retard dans le versement au dossier de pièces susceptibles de constituer un élément à décharge ;
Attendu que l'acte de saisine reprend le rapport de l'inspection qui a relevé : « le retard intervenu dans le versement au dossier des pièces d'une enquête classée sans suite relative à des faits d'agression sexuelle dont, courant 1999, D.D. avait dit être victime et, notamment, un certificat médical susceptible de faire apparaître qu'à l'époque des faits reprochés à Mme Polveche-Marechaux, l'enfant n'était affecté d'aucune lésion établissant l'existence d'agressions sexuelles. Cette pièce, susceptible de constituer un élément à décharge et dont le versement au dossier aurait dû intervenir au plus tard au mois de juin 2002, n'y a en effet été versée que huit mois plus tard, et n'a jamais pu être exploitée au cours de l'instruction » ;
Mais attendu que ce rapport de l'inspection contient une analyse de ces éléments, amenant à conclure que le premier refus de M. Burgaud traduit un malentendu entre celui-ci et M. Berton, avocat d'une des parties, le magistrat n'ayant pas compris que l'avocat réclamait, en réalité, la réparation d'une omission, dont il était difficile de lui faire grief ;
Attendu, par ailleurs, que, dans sa note du 20 janvier 2009, le garde des sceaux a déclaré abandonner ce grief ;
Attendu que l'examen des pièces du dossier confirme que ce grief n'a pas de fondement ;
Attendu que, concernant le grief tiré de l'absence de méthode du juge d'instruction, à l'exception des griefs 3-5, 3-6, 3-7 et 3-9, il ressort de l'examen du dossier par le conseil de discipline une maîtrise incertaine de M. Burgaud dans la conduite de ses investigations ; que les nombreuses auditions et confrontations montrent que ce magistrat s'est, le plus souvent, contenté d'enregistrer les dénonciations et les déclarations des personnes entendues, sans tenter de clarifier les positions de chacun des mis en examen, victimes ou témoins, ou par la mise en évidence des contradictions apparues ; que cette méthode n'a pas contribué à clarifier un dossier très complexe, caractérisé par des déclarations évolutives émanant, souvent, de très jeunes enfants ;
Grief 4 tiré des méthodes de confrontations collectives ;
Attendu que l'acte de saisine indique : « selon l'inspection, M. Burgaud a eu recours à des méthodes de confrontations collectives peu propices à l'émergence d'éléments à décharge : sur 17 confrontations auxquelles le juge a procédé, seules 3, qui concernent toutes M. Delay, n'ont pas été effectuées selon cette technique. Dans les autres cas, les personnes mises en examen niant les faits qui leur étaient reprochés, ont toutes été chacune à leur tour, confrontées, dans un même acte aux adultes qui portaient des accusations contre elles (...). Le scénario de ces « confrontations collectives », systématiquement mises en œuvre, a été immuable en ce que Mme Badaoui confirmait ses accusations, parfois en les développant, avant que les autres personnes ne s'expriment. (...) La méthode de confrontation collective imposée par le magistrat instructeur a cependant reçu l'aval de la chambre d'instruction dans la mesure où celle-ci a confirmé (...) les ordonnances de M. Burgaud ayant refusé des confrontations séparées. Cependant, et dès lors que certaines parties et leur avocat étaient opposés aux confrontations groupées, par crainte de pressions et manipulations, et l'avaient fait savoir très tôt au juge d'instruction par plusieurs courriers ou démarches orales, il est permis de penser qu'il aurait été souhaitable de prendre en compte ces observations. La mission d'inspection estime que M. Burgaud a manifesté une rigidité surprenante en maintenant sa manière de procéder malgré les protestations, parfois virulentes des personnes mises en examen et de leurs conseils »
Mais attendu que ces pratiques, dès lors qu'elles ont fait l'objet de décisions juridictionnelles, validées par la chambre de l'instruction en juin et en octobre 2002, ne peuvent servir de fondement à une poursuite disciplinaire; qu'au surplus, dans sa note du 20 janvier 2009, le garde des sceaux a déclaré abandonner ce grief ;
Grief 5-1 tiré du nombre insuffisant d'interrogatoires ;
Attendu que l'acte de saisine fait valoir : « l'inspection constate que, si M. Delay, M. Legrand-fils, M. Delplanque et surtout Mme Grenon et Mme Badaoui ont été très souvent interrogés et confrontés, M. Dausque et M. Mourmand ont eu, pour leur part, relativement peu l'occasion de s'expliquer sur les faits qui leur étaient reprochés, alors même qu'ils en ont fait la demande par écrit à plusieurs reprises, et qu'ils étaient détenus (...). M. Dausque et M. Mourmand décédé en juin 2002 n'ont plus jamais été entendus à partir du début du mois de janvier 2002. Par ailleurs, il s'est parfois écoulé beaucoup de temps avant que certaines personnes mises en examen ne soient entendues (...). » ;
Mais attendu qu'en l'espèce, le nombre total d'interrogatoires, auditions et confrontations menés par M. Burgaud, eu égard à la multiplicité des actes à réaliser dans ce dossier particulièrement lourd et ayant connu une accélération de la quantité des investigations à conduire durant la période pendant laquelle M. Burgaud en a eu la gestion et eu égard, plus généralement, à la charge de travail induite par les autres dossiers de son cabinet et les activités juridictionnelles annexes, il n'apparaît pas que le nombre d'interrogatoires de certains mis en examen ait été d'une insuffisance telle qu'on puisse y trouver un manquement; qu'il s'ensuit que ce grief ne peut être retenu ;
Grief 5-2 tiré de difficultés relatives à l'assistance d'un mis en examen par un avocat lors d'un interrogatoire ;
Attendu que l'acte de saisine indique « qu'il a été relevé dans le cas de M. Dausque que M. Burgaud n'a pas attendu de connaître la désignation de l'avocat d'office qu'il avait sollicitée pour fixer son interrogatoire puisqu'il a convoqué celui-ci le jour même où il transmettait la demande à l'ordre des avocats ; que (...) cette façon de procéder ne pouvait être considérée comme sans incidence sur les droits de la défense d'une personne mise en examen dans un interrogatoire qui, certes, n'était pas un interrogatoire au fond et encore moins une confrontation, mais -s'agissant d'un interrogatoire de curriculum vitae- des éléments de personnalité qui pouvaient lui être favorables » ;
Mais attendu qu'il ressort du dossier que le juge d'instruction a, certes, convoqué le mis en examen le jour même où il adressait une demande d'avocat d'office à l'ordre des avocats, mais qu'il a bien convoqué, ce même jour, dans les délais légaux, M. Tachon, avocat ayant assisté M. Dausque lors de sa mise en examen ; que Maître Tachon, même s'il n'a fait qu'une brève apparition lors de cet interrogatoire, est bien venu aux côtés de M. Dausque devant le juge d'instruction ; qu'il n'apparaît pas qu'il ait fait valoir une quelconque difficulté au sujet de cette convocation, pas plus que M. Dausque lui même ;
Attendu que l'analyse des circonstances de fait et de droit concernant ce grief ne fait apparaître aucun manquement susceptible d'une qualification disciplinaire ; qu'au surplus, dans sa note du 20 janvier 2009, le garde des sceaux a déclaré abandonner ce grief ;
Grief 5-3 tiré du délai de notification des expertises ;
Attendu que l'acte de saisine reprend, sur ce point, le rapport d'inspection qui « relève que des retards ont affecté la notification de certaines expertises. En particulier, l'examen du dossier révèle que 18 expertises ont été notifiées plus de 3 mois après avoir été remises au juge d'instruction et que ce délai avait atteint 9 mois dans un cas, 7 mois dans 5 cas et 6 mois dans 6 cas. Ces retards, qui mettent en évidence un manque de rigueur dans la conduite de l'instruction, n'ont pas été sans incidence sur les droits des parties dans la mesure où ils les ont privées, pendant plusieurs mois, de la possibilité de demander des compléments d'expertises ou des contre-expertises » ;
Mais attendu que ces délais, aussi longs soient-ils pour certains, trouvent leur origine dans des absences de personnel et l'insuffisance des moyens du greffe, ces difficultés matérielles et ce manque de moyens humains ayant été dénoncés par le juge d'instruction dès 2001, tant auprès du président du tribunal, du premier président de la cour d'appel qu'auprès du président de la chambre de l'instruction ; que, dès lors, ils n'apparaissent pas de nature à constituer un manquement susceptible d'une qualification disciplinaire ;
Grief 5-4 tiré des modalités de notification des expertises ;
Attendu que l'acte de saisine expose que le rapport d'inspection « met également en relief des modalités de notifications inadéquates de certaines expertises, qui ont pu ainsi être notifiées de manière groupée. Ainsi, M. Burgaud a notifié à chacune des personnes mises en examen, 21 expertises le 26 mars 2002, 15 expertises le 16 mai 2002 et 9 expertises le 16 juillet 2002. En procédant ainsi, et dès lors que dans le même temps il n'accordait aux parties qu'un délai de 10 jours pour présenter des observations ou demander un complément d'expertise, le juge d'instruction n'a pas donné aux intéressés la possibilité d'étudier sérieusement le travail des experts et d'en tirer toutes les conséquences utiles à leur défense » ;
Attendu que, concernant le délai de 10 jours retenu par le juge d'instruction pour que les parties et leurs avocats fassent valoir leurs observations ou demandent des contre-expertises, cette durée, même si on peut souhaiter qu'elle soit adaptée au mieux aux enjeux d'un dossier et permette un exercice réel des droits de la défense, n'apparaît pas, en l'espèce, d'une brièveté telle qu'elle en serait critiquable au point de constituer un manquement; qu'il faut observer, à titre de comparaison, que si, à l'époque, le code de procédure pénale n'indiquait pas de délai minimum, un tel délai était usuel; que ce n'est que postérieurement que le code de procédure pénale a fixé une durée minimale de 15 jours ;
Attendu que, concernant la notification groupée de très nombreuses expertises, cette pratique n'apparaît pas, en soi, critiquable, dès lors qu'elle est mise en oeuvre à un moment où l'état d'avancement du dossier permet, tant aux parties qu'à leurs défenseurs, d'exercer pleinement et effectivement leurs droits ; que tel était bien le cas, en l'espèce, pour les 21 expertises notifiées le 26 mars 2002, et les 15 autres notifiées le 16 mai 2002 ;
Attendu que la conclusion doit, en revanche, être différente pour les 9 expertises notifiées le 9 juillet 2002 et a fortiori pour les 3 notifiées le 7 août 2002 ; qu'en effet, alors que le juge d'instruction allait rendre un avis de fin d'information quelques semaines plus tard, il a notifié 9 expertises ; que, le jour de l'avis prévu à l'article 175 du code de procédure pénale, il a notifié les 3 autres expertises ;
Attendu que, si l'on ne peut qualifier ces pratiques d'atteinte aux droits de la défense, car celle-ci pouvait, malgré tout, s'exercer, certes dans des conditions moins favorables qu'à une autre période moins avancée de l'information, mais dans un cadre procédural respectant la légalité, elles constituaient, en revanche, une maladresse du juge d'instruction dans sa pratique de notification, à une période décisive de l'avancement de son dossier ;
Grief 5-5 tiré de l'utilisation d'une procédure portant sur des faits étrangers à l'information ;
Attendu qu'il est fait référence à une copie d'une procédure d'enquête préliminaire que les enquêteurs du commissariat de Boulogne-sur-Mer avaient jointe, le 24 avril 2002, aux procès-verbaux réalisés lors de l'exécution d'une commission rogatoire délivrée par M. Burgaud ;
Attendu que l'acte de saisine indique, en effet, que ce dernier " n'a jamais été saisi de ces faits qui ne lui ont été communiqués qu'à titre de simples renseignements, la procédure ayant fait l'objet d'une ouverture d'information le 5 juin 2002 au cabinet d'un autre juge d'instruction du tribunal, lequel a, le 11 juin 2003, rendu une ordonnance de non lieu sans qu'intervienne aucune mise en examen. Néanmoins, le 23 mai 2002, M. Burgaud a interrogé longuement M. Legrand père sur ces accusations en lui faisant observer qu'il était mis en cause, une fois de plus, pour des viols sur mineur (...)" ;
Mais attendu que le juge d'instruction pouvait exploiter tout élément versé à son dossier, dans le respect des règles de procédure pénale, en procédant, comme ce fut le cas en l'espèce, à des vérifications sommaires, sans accomplir d'actes coercitifs ; que l'exploitation qu'il en a faite ne fait pas apparaître de manquement ;
Grief 5-6 tiré du fait que l'avis de fin d'information aurait été délivré prématurément ;
Attendu que l'acte de saisine expose que « la mission observe également que l'avis de fin d'information, en date du 7 août 2002, a été délivrée prématurément. En premier lieu, M. Burgaud a notifié le même jour à toutes les parties, en leur laissant un délai de 10 jours (...), les expertises médico-légales des mineurs (...) (3 mineurs). Il a, ce faisant, pris le risque de donner l'impression d'attacher peu d'importance aux observations que les parties pourraient formuler sur ces expertises ; ll a, en second lieu, notifié l'avis de fin d'information alors qu'il n'avait pas encore statué sur toutes les demandes d'actes dont il était saisi. Ainsi, il a statué les 8 et 14 août 2002 sur les 2 demandes présentées par Me Lescène, reçues à son cabinet le 15 juillet 2002. De la même manière, il a rejeté, le 23 août 2002, la demande de Me Berton parvenue à son cabinet le 30 juillet 2002. Là encore, le magistrat a pu laisser croire que son opinion sur ces demandes était préconçue. L'inspection relève que, dans ces conditions, il n'est pas surprenant qu'un second avis de fin d'information ait dû être délivré le 20 janvier 2003 par le successeur de M. Burgaud (...)" ;
Attendu, d'une part, que, concernant la notification simultanée de trois expertises et de l'avis de fin d'information, ce grief est le même que le grief 5-4 déjà examiné ci-dessus et sur lequel il a été statué; qu'il n'y a donc pas lieu d'y revenir ;
Attendu, d'autre part, que M. Burgaud a notifié, le 7 août 2002, l'avis de fin d'information à toutes les parties, alors qu'il n'avait pas encore répondu à deux demandes d'actes reçues à son cabinet les 15 juillet 2002 et 30 juillet 2002, émanant de deux avocats ; qu'il y a répondu, les 8, 14 et 23 août 2002 ; qu'au-delà même du risque de devoir revenir sur cet avis de fin d'information en cas de contestation de ses ordonnances rendues dans de telles conditions, ce qui a été le cas, il apparaît que le juge d'instruction, en agissant ainsi, a commis, à un stade particulièrement sensible de son dossier, une maladresse ;
II) Sur l'application de la loi du 6 août 2002 portant amnistie :
Attendu que l'article 11 de la loi du 6 août 2002 dispose : « Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires (...) ; que, toutefois : « sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs » ;
Attendu que, si l'analyse des griefs précédemment examinés a permis de constater que des négligences, des maladresses ou des défauts de maîtrise ont été commis, à plusieurs reprises, par M. Burgaud, dans l'exercice de ses fonctions de juge d'instruction, il n'a porté atteinte, ni aux droits de la défense, ni au respect du principe du procès équitable ; qu'il n'a pas commis de manquement à l'honneur ; que, pas davantage, les pratiques critiquées prises séparément, ni même de façon accumulée, ne portent atteinte à la probité ou aux bonnes moeurs ; que, dès lors, les agissements et pratiques, qui pourraient être retenus à son encontre comme constitutifs d'une faute disciplinaire et qui seraient antérieurs au 17 mai 2002, sont amnistiés ;
Attendu que seuls les faits commis à compter du 17 mai 2002 peuvent être retenus ;
III) Sur la qualification des faits à compter 17 mai 2002 :
Attendu qu'en dehors des décisions de nature juridictionnelle, l'examen de l'ensemble des pratiques de M. Burgaud, a permis de constater un certain nombre de négligences, maladresses et défauts de maîtrise dans la conduite de l'information à compter du 17 mai 2002; qu'il en est ainsi :
- des auditions, interrogatoires et confrontations, en date du 22 mai 2002 concernant Amanda Lavier, du 23 mai 2002 pour Daniel Legrand, du 27 mai 2002 pour Thierry Delay, des 24 mai 2002 et 5 juin 2002 concernant Myriam Badaoui, et du 3 juillet 2002 concernant J.N., du 7 juin 2002 concernant F.G.,
- des défauts d'investigation concernant les époux Martel entre la réception du procès-verbal de police, nécessairement postérieure à sa rédaction du 7 juin 2002, et l'avis de fin d'information du 7 août 2002,
- des notifications d'expertises des 9 juillet 2002 et 7 août 2002,
- de l'avis de fin d'information délivré, le 7 août 2002, avant d'avoir répondu à toutes les demandes d'actes dont il avait été saisi ;
Attendu que certains actes précités contiennent, en eux-mêmes, plusieurs négligences, maladresses ou défauts de maîtrise, en particulier l'interrogatoire récapitulatif de Myriam Badaoui du 5 juin 2002 ;
Attendu que les négligences, maladresses ou défauts de maîtrise retenus à l'encontre de M. Burgaud ne révèlent ni une activité insuffisante, ni un non respect de la loi ou de la jurisprudence en matière de procédure pénale, ni une absence d'impartialité ou de loyauté de nature à porter une atteinte aux droits de la défense qui n'ont, d'ailleurs, été relevés par aucune des parties ou par la chambre de l'instruction ;
Attendu que, toutefois, si chacun de ces défauts de maîtrise, ces négligences ou ces maladresses, ne constitue pas, pris séparément, un manquement susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, leur accumulation constitue, en l'espèce, un manque de rigueur caractérisé, de nature à nuire au bon déroulement de l'information et, en conséquence, un manquement, par M. Burgaud, aux devoirs de son état de juge d'instruction ;
IV) Sur la sanction :
Attendu que si, compte tenu de l'horreur des faits révélés concernant de très jeunes victimes, comme du nombre et de la durée des détentions provisoires prononcées, l'affaire dite "d'Outreau" a connu un profond retentissement médiatique, ces circonstances ne sauraient être imputées à M. Burgaud, la décision de mise en détention ne relevant pas des compétences du juge d'instruction ;
Attendu que les insuffisances retenues dans le dossier à l'origine de l'acte de poursuite n'ont pas été relevées dans les nombreuses autres procédures dont M. Burgaud avait la charge ; que, pour ce dossier, le travail du juge d'instruction n'a suscité, à aucun moment, d'observations de la part des magistrats, parfois très expérimentés, du siège ou du parquet, qui étaient appelés à suivre ou à contrôler l'information ; qu'en outre, aucune demande d'annulation de la procédure n'a été présentée par la défense à la chambre de l'instruction ; que l'affaire dite "d'Outreau" constituait, notamment du fait du grand nombre de personnes mises en cause, comme de celui des jeunes victimes, un dossier d'une difficulté tout à fait exceptionnelle ; que, par ailleurs, M. Burgaud dont l'investissement professionnel n'est pas contesté, n'a pas disposé de moyens humains et matériels lui permettant de traiter ce dossier dans les meilleures conditions ;
Attendu que ces circonstances et la nature du manquement retenu pour des faits postérieurs au 16 mai 2002 justifient que soit prononcée, à l'égard de M. Burgaud, la sanction de la réprimande avec inscription au dossier ;
PAR CES MOTIFS :
Après en avoir délibéré à huis clos, statuant en audience publique, du 2 au 6 février 2009 pour les débats, et, le 24 avril 2009, date à laquelle la décision a été rendue ;
Constate que l'ensemble des faits de nature à constituer des fautes disciplinaires antérieurs au 17 mai 2002 sont amnistiés ;
Prononce, à l'encontre de M. Burgaud, pour les faits postérieurs au 16 mai 2002 constitutifs de fautes disciplinaires, la sanction de la réprimande avec inscription au dossier, prévue à l'article 45-1° de l'ordonnance du 22 décembre 1958 sus-visée.
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