Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Quelques bonnes raisons de supprimer le juge d'instruction (2) - séparer l'usage du pouvoir coercitif de la contrainte

Par Paxatagore


Je poursuis timidement mon propos (cf. mon billet d'hier) en examinant un autre thème.

Dans notre pratique actuelle, celui qui détient le pouvoir de contrainte est, grosso modo, celui qui enquête. L'OPJ qui place en garde en vue est celui qui réalise l'enquête. La garde à vue est contrôlée par le magistrat qui est en charge de l'enquête (procureur de la République ou juge d'instruction). Il en va de même pour les perquisitions, les réquisitions, les écoutes téléphoniques, les mandats, etc. Toutes décisions pour lesquelles celui qui ordonne doit, ou devrait, mettre en balance l'intérêt qu'il peut attendre de la mesure envisagée, d'une part, et le désagrément qu'il représente pour la personne qui est contrainte, ses droits, ses libertés. Ce contrôle, à vrai dire, n'est jamais réellement fait. De là vient qu'on place facilement en garde à vue, qu'on perquisitionne à tout va, qu'on pratique des écoutes téléphoniques... De là vient surtout qu'il n'y a aucune doctrine jurisprudentielle sur la proportionnalité entre mesure de contrainte et intérêt de l'enquête.

Soyons honnêtes à ce sujet. Évitons de sortir les grands arguments de principes. Si la police place les gens en garde à vue, c'est pas pour leur offrir des droits pendant le temps où on va les interroger. C'est pour les interroger tranquillement en faisant usage d'une dose raisonnable de pression (notez bien que ce n'est pas une critique de ma part). Etc.

Le raisonnement de la proportionnalité entre la fin et les moyens est même parfois difficile à tenir. En matière de détention provisoire, par exemple, où le sacro-saint principe de présomption d'innocence se heurte à toute argumentaire raisonnable sur la question. Je préférerai qu'on évacue cette dimension mystique de la présomption d'innocence et qu'on demande clairement au juge d'arbitrer entre la probabilité qu'une personne soit coupable et la gravité des faits qui lui sont imputés.

Notre système français repose entièrement sur cette confusion, le même individu (OPJ, procureur, juge d'instruction...) devant faire une balance entre des intérêts contradictoires. Plus exactement, entre certains intérêts qui sont le principe même de son action, ceux sur lesquels il est évalué par ses chefs (la résolution des affaires, la sortie des dossiers...) et des intérêts qui sont de grands principes qui ne donnent lieu à aucune évaluation concrète. Autant dire que tout repose sur la conscience individuelle. Heureusement, notre culture judiciaire n'est pas trop répressive. Mais il me semble qu'un système qui repose exclusivement sur la bonne volonté de ceux qui le servent n'est pas idéal.

Je préfère donc imaginer un système où les mesures coercitives seraient confiées à un juge - je l'appelle le juge de l'enquête préliminaire. Sollicitées par le procureur ou les avocats, il pourrait autoriser les perquisitions, les écoutes téléphoniques, prononcer les contrôle judiciaire ou les placement en détention provisoire, ou encore délivrer des mandats. Donnons lui des principes : qu'il mette en balance, dans chaque décision, l'intérêt que représente la résolution de l'affaire, d'une part, la contrainte qu'elle représente pour les personnes concernées, de l'autre. Qu'il donne la priorité aux mesures les moins coercitives. Certaines décisions seraient prises, par nature, hors de tout débat contradictoire (les écoutes téléphoniques), d'autres, par nature, après un tel débat (la détention provisoire).

Ainsi, on sépare clairement deux fonctions distinctes et, je l'espère, les libertés seraient mieux protégées. Les enquêtes n'en seront pas mieux menées, il faut être très clair à ce sujet : il est même probable qu'elles seront moins parfaites.

C'est aussi parce que nous (juges) sommes très laxistes avec la liberté des autres qu'on a pu se laisser se développer une justice si pauvre. Qu'on cesse de maintenir les suspects en détention provisoire plus de 3 mois, un délai parfaitement raisonnable pour réaliser l'essentiel des investigations dans la quasi totalité des dossiers criminels, pour peu que l'Etat mette les moyens. Et peut-être qu'alors on consentira à mettre un peu d'argent pour payer nos experts à leur juste valeur et on consentira à réorganiser le fonctionnement de la police de façon à ce que les affaires soient traitées rapidement même après la garde à vue.

Cela nous emmène à mon troisième argument : supprimer le juge d'instruction pour mettre fin à la dualité des modes d'enquête.

Commentaires

1. Le lundi 12 janvier 2009 à 14:54 par Fred

Et c'est ainsi que, près e 1000 ans après les anglais, Paxatagore invente le Coroner et l'enquête préliminaire.

A quand l'Habeas Corpus ?

2. Le lundi 12 janvier 2009 à 14:56 par Nemo

C'est assez drôle que le débat se tienne a posteriori sur une "fusée intellectuelle" de notre Président.

Je trouve qu'il eut été opportun que le débat fût ouvert a priori en invitant les professionnels et experts de la justice pénale avant de décider péremptoirement qu'il faut supprimer ce trublion de la justice qu'est le juge d'instruction...force est de constater que sa suppression est tout sauf une évidence.

3. Le lundi 12 janvier 2009 à 15:31 par GroM

Fred, le Coroner ne sert que dans les cas de décès suspects, ce qui est loin d'être le cas du juge d'instruction. Sur les 5% d'enquêtes pénales qui lui sont confiées, la plus grande partie n'est pas constituée des homicides, mais des affaires de viols et de stupéfiants.

Il me semble toutefois important de rajouter une fonction à ce juge de l'enquête : celle d'ordonner à la police certains actes d'instruction demandés par la défense, et qui aurait été refusés par le parquet.

4. Le lundi 12 janvier 2009 à 15:37 par Flying Rabbit

Il me tarde de lire votre 3ème argument. Le seul avantage que je trouve à la suppression du JI (pas un seul autre ne m'a séduite jusque là, au regard des désavantages) est l'éventuelle harmonisation des procédures d'investigations.

Ce qui m'ennuie est que c'est, à mon sens, la meilleure formule qui disparaitrait (l'instruction) au profit de celles qui me heurtent le plus (les enquêtes préliminaires et de flagrance) au regard de la discussion de la preuve et donc de l'organisation de nombreux arguments de la défense. Une fois le dossier bouclé, la discussion est quasiment impossible, il faut donc pouvoir la discuter avant...Or, c'est impossible pendant l'enquête.

5. Le lundi 12 janvier 2009 à 16:05 par Shad

Paxatagore a raison d'aborder le débat de manière dépassionné pour que l'on puisse y voir plus claire sur ce par quoi l'on va remplacer le juge d'instruction (sous réserve que l'annonce ne reste pas lettre morte). Ce débat est complexe et loin d'être clos; étant précisé qu'effectivement l'idée de suppression n'est pas nouvelle et quelle avait été avancée par des personnes dont on ne peut douter de la qualité des idées et de l'absence d'arrières pensées politiciennes (Mireille Delmas-Marty; Antoine Garapon, Denis salas...) . Ceci étant dit, il reste que le cadre dans lequel semble se dessiner cette réforme est très éloigné de celui des auteurs que je viens de nommer. Ceux-ci avaient tous envisageaient des changements de fond de la procédure pénale sans lesquels, une telle suppression serait une grave régression. On a déjà abondamment abordé la question du statut du parquet sur ce Blog, il en est d'autres. Je me contenterais dans citer quelques-une et de les interroger à l'aune des idées qui animent ce gouvernement sur la Justice:

Tout d'abord, le rôle de l'audience: dans une procédure de type accusatoire, l'enquête effectuée par la police sous la direction du parquet est très courte, puisqu'une grande partie de l'information se fait contradictoirement, oralement et publiquement à l'audience (c'est déjà le cas aux Assises). Quid du rôle de l'audience dans notre système où elles sont habituellement très courtes (un grand nombre de dossiers en une demi-journée ou journée) et où l'on en a pris l'habitude en haut lieu de considérer que ça coûte trop cher, que c'est inutile voire dangereux (il s'y dit beaucoup trop de choses!)?

Le prix à payer dans ce type de procédure est ensuite le coût du procès: très cher. Le passage devant le juge a lieu dans des conditions certes très luxueuses pour les droits de la défense mais joue dès lors un rôle marginal: l'essentiel des affaires est évacué dans le cadre du plea bargaining c'est-à-dire de la négociation avec le procureur dans un rapport de force très souvent déséquilibré.

J'ai déjà évoqué d'autres aspects sur ce blog, mais au risque de me répéter: quid d'une théorie des nullités, d'un droit de la preuve, d'un régime de placement en détention provisoire très exigeants, si le juge conserve en l'état le peu de légitimité qu'il a dans ce pays, face à la légitimité démocratico-médiatique d'un garde des sceaux ou d'un président dictant ostensiblement et plus systématiquement (décomplexés qu'ils seront) au parquet ça façon de faire? N'oublions pas que faire du parquet une simple partie à l'instance (avec toute la puissance de l'Etat... ce qui est un peu contradictoire) c'est aussi renoncer à une éthique de magistrat en vertu de laquelle c'est l'Etat, la Loi et l'intérêt général que l'on sert. Ce qui se traduit par le fait que s'il apparaît que le prévenu est innocent à l'audience et bien l'on requiert la relaxe même si ça fait chuter les statistiques ou si le garde des sceaux ou quelqu'un d'autre a déjà présenté aux médias la personne comme coupable... (ne vous inquiétez pas c'est une hypothèse de travail purement fictive).

6. Le lundi 12 janvier 2009 à 16:08 par malpa

Certes, M. Nemo (2), mais étiez-vous déjà avec nous quand Paxatagore, le 15 décembre dernier, avait déjà ouvert le débat ici ? Dès sa première phrase, Paxatagore nous informait qu'un débat existait de fait parmi les justiciers juristes, magistrats et autres auxiliaires de la justice.

Maintenant, que le président de la République, ayant lu le billet de Paxatagore, personne ici n'en doute, ait pensé opportun de lancer une fusée en catastrophe pour avoir l'air d'avoir eu l'idée le premier, qui en attend moins d'un homme politique ?

C'est d'ailleurs pourquoi Paxatagore, ses colocataires, son proprio, ses contradicteurs et ses commentateurs n'espèrent qu'une chose : qu'une bonne idée tombe dans l'oreille d'un politicien opportuniste et la Justice n'y perdra pas.

7. Le lundi 12 janvier 2009 à 16:51 par justicié

@ Si la police place les gens en garde à vue, c'est pas pour leur offrir des droits pendant le temps où on va les interroger. C'est pour les interroger tranquillement en faisant usage d'une dose raisonnable de pression

entre offrir (tiens c'est cadeau) et garantir les simple droits du à l'homme il y a de la marge. Que la GAv soit un momont nécessaire dans certains cas est une chose, que ce moment ne soit pas contrôlé (me faites pas rire avec le proc qui peut si il veut) en est une autre. La GAV est un moment gris, d'ailleurs de tonalité plus noire que blanche. Il devrait etre obligatoire que la totalité de la GAV soit enregistrée video et audio y compris pendant les periodes de repos, cela ne remettrais pas en cause les questions et les reponses faites, mais simplement evacuer des pratiques limites. J'ai vécu une époque où les PV pour toutes questions ne la resumait que par la mention S.I j'ai toujours refusé de signer ces PV, sur le moment ça n'aide pas top, mais je me suis toujours réservé pour le juge, grand bien m'en à fait. mais bon c'était il y a déjà longtemps

8. Le lundi 12 janvier 2009 à 17:13 par la Biscotte

D'accord mais concrètement, ce "juge de l'enquête préliminaire" risquera fort de devenir une simple chambre d'enregistrement dans la pratique, surtout si on le noie sous les requêtes en ce sens..

Et puis comment refuser une écoute téléphonique, une perquisition (la défense n'étant évidemment pas présente pour argumenter en sens contraire) sans qu'ensuite, on vienne reprocher au juge en question que si l'enquête a foiré, c'est à cause de son refus ?

Quant à la délivrance de mandat, je vois pas trop l'intérêt, ces derniers n'ayant que pour but de faire venir un justiciable récalcitrant ou en fuite devant le tribunal..

Paxatagore:
Je ne suis pas sur qu'on va noyer le juge de l'enquête. Au contraire, il va bien falloir sélectionner un peu les demandes si on veut que le juge réponde vite. Sans doute le juge refusera-t-il peu de demandes, mais il se formera petit à petit une jurisprudence plus restrictive qu'aujourd'hui. Les enquêteurs devront apprendre à motiver un peu leurs demandes pour obtenir satisfaction. Le juge pourra de son côté motiver ses refus. Mais je reconnais que ça suppose qu'on accepte le jeu de balance que j'évoquais entre droits individuels et efficacité de l'enquête.
La délivrance d'un mandat, qui emporte la possibilité de se faire embastiller même quelques heures, est constitutionnellement réservée aux magistrats du siège.

9. Le lundi 12 janvier 2009 à 17:18 par STA

Bravo pour ce papier pondéré et précis.

10. Le lundi 12 janvier 2009 à 17:23 par Eolas

La biscotte a raison sur la question de la chambre d'enregistrement (mais en matière d'écoutes, quoi de plus naturel qu'une chambre d'enregistrement ?). Parce que le juge d'instruction va laisser des traces pendant encore une génération, avec tous les magistrats qui l'auront été un jour ou auront travaillé avec eux. Et quand un procureur ou policier directeur d'enquête viendra demander au JEP de Paxatagore l'autorisation d'accomplir tel ou tel acte coercitif, il ne se dira pas, en bon juge anglo-saxon : est-ce vraiment une atteinte à la liberté proportionnée au but poursuivi, et reposant sur des charges suffisantes ? mais : n'est-ce pas ce que j'aurais fait si j'avais été juge d'instruction dans ce dossier ? Et là, c'est l'autorisation assurée.

Voyez un peu les séries policières américaines (qui certes présentent une vision déformée et romancée) : très souvent, les policiers, certains de tenir un coupable, sont désespérés de ne pas avoir d'éléments suffisants pour obtenir du juge un simple mandat de prélèvement d'ADN ou pour fouiller sa maison. Rappelons qu'en France, il suffit d'être poursuivi par la clameur publique pour qu'un OPJ puisse forcer votre porte à 6 heures du matin sans même avoir à en référer à un magistrat. Est-ce qu'un JEP français pourrait être aussi sourcilleux à l'égard du respect du sommeil des citoyens ? J'en doute, vu le nombre de présidents de correctionnels qui, quand je me plains du caractère disproportionné d'une longue garde à vue avec menottes et pantalon qui tombe : « Mais c'est bien fait pour lui ».

11. Le lundi 12 janvier 2009 à 17:25 par Citoyen mitoyen

Votre idée du "juge de l'enquête préliminaire" me paraît très bonne - sur le papier - mais cela ne risque t-il pas aussi de rallonger/alourdir/compliquer les enquêtes, les procédures et les jugements ?

Par ailleurs, est-ce que quelqu'un sait si une commission a été nommée pour définir le rôle et les pouvoirs exacts du nouveau juge DE l'instruction ?

Bon sinon Paxatagore, deux fautes se sont glissées dans le 3e paragraphe : "toute argumentaire raisonnable" et "Je préférerai_" (avec un "s" à moins qu'il ne s'agisse du futur simple)

12. Le lundi 12 janvier 2009 à 17:29 par La Biscotte

La délivrance d'un mandat, qui emporte la possibilité de se faire embastiller même quelques heures, est constitutionnellement réservée aux magistrats du siège.

Pas le mandat de recherche qui peut être délivré par le Parquet.

Quant à sélectionner les demandes, ça me paraît impossible, ne serait-ce par exemple que pour ce qui est des perquisitions.. Les enquêteurs peuvent être amenés à en faire plusieurs par jour (dossier de stup'), et le juge ne pourra pas attendre qqles jours pour répondre, il devra statuer dans l'urgence (sinon, aucun intérêt de perquisitionner si le suspect a eu le temps de repasser chez lui et de faire le ménage..)

Paxatagore:
Sur ce point, on peut parfaitement imaginer que des enquêteurs qui envisagent une "opération stups" soient amenés à définir préalablement leurs "objectifs", c'est-à-dire les personnes qu'ils souhaitent interpeller et préciser ceux pour lesquels ils souhaitent faire des perquisitions aux endroits habituels (domicile, voiture...). En le motivant. Pas en faisant comme aujourd'hui, taper la perquise pour voir.

13. Le lundi 12 janvier 2009 à 17:34 par La Biscotte

Je rejoins Me Eolas sur ce point : je vois mal notre bon président donner à un magistrat du siège l'autorisation de faire les perquisitions, qui jusque-là sont en fait à la discrétion des policiers/gendarmes, sans que nulle autorisation ne soit nécessaire..

Je rappelle que notre guide étatique a permis les garde-à-vue de 96 heures (!!!!!!), la rétention de sûreté, les peines planchers, le jugement des fous etc..

Personne ne peut honnêtement penser que sa réforme de la procédure pénale aboutira à un meilleur respect des libertés publiques !!

14. Le lundi 12 janvier 2009 à 17:52 par La Biscotte

Le souci, c'est que beaucoup d'affaires de stup' débutent...par une perquisition !

Cas classique : un vol, des violences, les policiers font une perquis' et trouvent de l'héroïne / cannabis.. S'ensuit une incidente pour les stup', avec des fois mise à jour d'un gros trafic..

Parce que les "tontons" qui dénoncent aux policiers l'arrivée prochaine de 5 kilos de cocaïne, ça existe surtt dans les séries policières (l'excellent Engrenage par ex).

Dans la vraie vie, ça tombe hélas pas du ciel.

15. Le lundi 12 janvier 2009 à 17:59 par La Biscotte

J'apprends, de source bien informée, que la chancellerie s'était rendue compte il y a qqles temps que la réforme voulue et votée par le Parlement, à savoir la mise en place de la collégialité de l'instruction (qui a entraîné la création des pôles), qui devait entrer pleinement en vigueur en janvier 2010, n'était pas possible en l'état (pas assez de moyens pour mettre des JI en renfort, pas assez de locaux, de greffiers etc..).

D'où en fait l'annonce de la réforme il y a qqles jours..

Les mots me manquent..

16. Le lundi 12 janvier 2009 à 18:01 par La Biscotte

J'apprends, de source bien informée, que la chancellerie s'était rendue compte il y a qqles temps que la réforme voulue et votée par le Parlement, à savoir la mise en place de la collégialité de l'instruction (qui a entraîné la création des pôles), qui devait entrer pleinement en vigueur en janvier 2010, n'était pas possible en l'état (pas assez de moyens pour mettre des JI en renfort, pas assez de locaux, de greffiers etc..).

D'où en fait l'annonce de la réforme il y a qqles jours..

Les mots me manquent..

17. Le lundi 12 janvier 2009 à 18:17 par Lumen tenebis

Là où on peut être pantois sur vos billets, c'est qu'aucun moment ne pointe la question de l'indépendance notamment vis-à-vis des affaires politico-financières. Certes, les annonces ont soigneusement éludées cette question : mais juge d'instruction ou pas, l'important est sur la question de l'indépendance lors des enquêtes ainsi que leur déclenchement (cf. constitution de partie civile).

18. Le lundi 12 janvier 2009 à 18:18 par Lumen tenebis

La garde à vue : C'est pour les interroger tranquillement en faisant usage d'une dose raisonnable de pression

Et personne ne réagit ! Toujours l'Inquisition, toujours la Question ! On vous fout dans une cellule qui pue, on vous fouille au corps, on vous laisse entendre que cela va durer, durer... pour vous faire craquer et éventuellement avouer un peu n'importe quoi.

Les bavures judicaires et policières ne sont pas prêtes de disparaître.

19. Le lundi 12 janvier 2009 à 18:29 par jijin

trois mois ?

dites... vous travaillez des fois ? vous imaginez ce que c'est que 3 MOIS concernant l'habitude du travail, l'hygiène de vie liée à un travail, etc... notamment quand il s'agit d'un travail manuel ou semi-manuel ?

mais ça va pas la tête chez les juges ! 3 mois à ne rien faire pour un manuel, c'est 6 mois à s'y remettre...

d'autant que 3 mois c'est quasi une saison et de nombreux travaux manuels sont toujours axés sur la météo : construction, agriculture, ...

et je parle pas des industries de services.

Faudrait voir à remettre les pieds dans le plat commun des fois... !

Eolas:
Actuellement, le mandat de dépôt est de 4 mois en matière correctionnelle et d'un an en matière criminelle. Ce que propose Paxatagore, c'est de le réduire de 25% voire de 75%.

20. Le lundi 12 janvier 2009 à 18:54 par Lulu

@ Biscotte;

Je ne crois pas que votre analyse soit la bonne.

Oui, la chancellerie et plus particulièrement la direction des affaires criminelles et des grâces, a réalisé depuis longtemps déjà que la collégialité de l'instruction prévue au 1er janvier 2010 est inapplicable en l'état (le Parlement aussi en a parfaitement conscience, selon vous pourquoi les parlementaires ont-ils voté cette disposition début 2007 en prévoyant qu'elle ne s'appliquerait que trois ans plus tard?).

Là où vous vous trompez en revanche, c'est que la chancellerie ne semblait pas du tout avoir connaissance du projet de M. SARKOZY avant les premières fuites la veille de son discours. La DACG avait consulté les organisations professionnelles, dont l'Association Française des Magistrats Instructeurs me semble-t-il, et selon les rumeurs de couloir, ce qui semblait le plus probable, jusqu'à la semaine dernière, était que la Garde des Sceaux propose cette année au Parlement un texte différant une nouvelle l'entrée en vigueur de la collégialité (ou un texte en restreignant le champ d'application).

Pour avoir quelques contacts à la Chancellerie, où se trouvent quelques collègues de promo, qui avec leurs collègues tentent tant bien que mal de préparer le 1er janvier 2010 et les mutations des collègues, qui s'annoncent encore plus casse-tête à organiser que d'habitude, je peux vous assurer que l'annonce présidentielle a vraiment pris de court les services de la Garde des Sceaux.

Quand on vous dit que c'est une fusée intellectuelle, c'est vraiment une fusée intellectuelle...

21. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:03 par ramses

Dans les tribulations récentes d'un célèbre chauffeur de taxi, je me pose plusieurs questions :

  • Comment se fait-il que quelqu'un, titulaire de plusieurs condamnations, dont la dernière récente de 6 mois de prison ferme, se trouve toujours en liberté ?

  • Comment se fait-il qu'une agression à l'arme blanche ne soit pas considérée comme une tentative de meurtre ?

  • Comment se fait-il qu'un mutisme en garde à vue semble entrainer une peine plus faible que des aveux ?
  • Comment se fait-il qu'un présumé schyzophrène soit en détention préventive, plutôt qu'en hôpital psychiatrique ?

Merci de m'éclairer...

22. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:06 par La Biscotte

Soyons honnête : la garde-à-vue cellule qui pue/menaces des enquêteurs, quand elle concerne le trafiquant de drogue ou le violeur de petite fille, elle dérange personne..

Un minimum de pression, oui, mais ça permet d'obtenir aussi les aveux des coupables. Dans une grande majorité des affaires comme les viols, il n'y a souvent aucune preuve "objective" (pas d'ADN, de temoin, de vidéo..), surtout quand les faits sont anciens, et donc c'est parole de l'un contre parole de l'autre.

Du coup, sans aveux, ya pas grand-chose pour bâtir un dossier, surtout aujourd'hui où la parole de l'enfant est grandement remise en cause (post-Outreau).

Alors oui, la garde-à-vue est utile à ce titre.

Je parle évidemment du seul fait de se retrouver à disposition des enquêteurs pendant 24 ou 48 h, pas des conditions de détentions inhumaines (cellule qui pue..), c'est un autre problème. L'intervention de l'avocat reste un des meilleurs moyens de préserver un minimum de garanties (il pourra notamment rassurer le gardé à vue sur l'étendue des menaces proférées par les enquêteurs). Connaître ses droits reste un des meilleurs remparts contre les abus, pour que le pauvre quidam ne prenne pas pour argent comptant le policier ou le gendarme trop zélé qui lui dit "mais si avouez, comme ça vous sortez de garde-à-vue, et tout ira mieux.."

23. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:08 par débo

Enfin un juge qui arrive à parler des problèmes de la Justice avec neutralité et objectivité !

24. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:13 par papy

Si la justice devient dépendante du pouvoir cela va devenir rigolo si le successeur de S. à des comptes à régler avec lui.

25. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:15 par La Biscotte

A Lulu : merci de votre analyse, vous avez des meilleures sources que les miennes !

A Ramses : concernant le cas de M.NACERI, sans avoir son casier et sa fiche pénale sous les yeux, on peut quand même penser que pour la peine de 6 mois ferme, s'il n'y a pas eu de mandat de dépôt à l'audience (=incarcération immédiate), la loi prévoit une convocation devant le JAP pour examiner un éventuel aménagement des peines (c'est obligatoire), donc il était sans doute en attente de cette convocation (JAP surchargé, délais allongés, blablabla..)

Pour la qualification criminelle non retenue, sans avoir le dossier sous les yeux, difficile de se prononcer, mais : une agression à l'arme blanche n'égale pas forcément meurtre, encore faut-il prouver que l'intention de l'auteur était bien de tuer la victime. Si c'était vraiment le cas et que le JI a décidé de "correctionnaliser" (=transformer un crime en délit), de tte façon la victime comme le parquet garde le droit de demander la qualification à la hausse et donc le renvoi devant la cour d'assises.

Cela dit, un renvoi en correctionnel sera + rapide qu'aux Assises (les Assises sont + qu'encombrées), et la peine prononcée pas forcément moins sévères (les jurés des assises pouvant être fan de Taxi..). AU final, pas de quoi s'émouvoir de cette qualification..

26. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:22 par La Biscotte

Quant au schizo en prison plutôt qu'en HP, c'est hélas pas nouveau, environ 30% des détenus en France devrait en fait être en HP du fait des troubles psychiatriques dont ils souffrent..

Le problème, c'est qu'il y a pas assez de place en HP (vous me direz, y en a pas + en prison), et surtout la tendance ces dernières années chez les médecins était de reconnaître de moins en moins l'irresponsabilité pénale chez les auteurs de crimes ou délits. Il faut ainsi compter avec la pression de la société (famille de la victime sauvagement assassinée qui pourrait s'émouvoir de la non-incarcération de l'auteur..).

Il faut savoir qu'à ce titre, les juges ne sont pas médecins, ils se rangent donc derrière les avis des psychiatres pour savoir si une personne est ou non "folle" (= donc irresponsable pénalement).

Certains psychiatres ont aussi pu développer l'idée que la sanction, le passage devant le tribunal voire l'incarcération pouvait être utile au malade dans son processus de guérison.. Reste à expliquer ça à la famille du détenu qui s'est fait assassiné par son codétenu psychopathe..

27. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:23 par La Biscotte

Comment se fait-il qu'un mutisme en garde à vue semble entrainer une peine plus faible que des aveux ?

Là par contre j'ai pas compris...

28. Le lundi 12 janvier 2009 à 19:48 par georges

C'est vraiment intéressant de voir enfin des arguments dans les deux sens, avec un vrai débat. Parce qu'autant la méthode choisie par Sarkozy est comme d'habitude ridicule voire flippante, autant ca ne veut pas dire que le fond est nécessairement mauvais. Bref, un débat c'est toujours bon à prendre.

Hors-sujet total, mais je ne sais vraiment pas où poser la question et ça m'ennuie depuis un moment : un avocat à qui son client aurait avoué sa culpabilité (pour caricaturer, mettons dans une affaire de meurtre) a-t-il légalement le droit de continuer à assurer sa défense en prétendant croire à l'innocence du type?

Eolas:
Voyez ici : lien

Je ne parle évidemment par de morale, je me demande simplement si la loi a prévu ce cas. Je me doute que ce serait difficile à appliquer de toute manière, mais enfin ce ne serait la première loi inapplicable.

Merci :)

29. Le lundi 12 janvier 2009 à 20:04 par Maboul Carburod....z

L'exposé de Pataxagore est important et propose une réponse construite au problème posé. Cette prospective est intéressante. Je ne souscrit pas automatiquement à l'exposé sur la responabilité et le statut du parquet qui mérite d'être fouillé par l'apport d'éléments de droits étrangers.

Je m'interroge cependant sur les moyens accordés pour que cette réforme n'aboutisse pas à un encombrement des juridictions.

Ce que je vois se dessiner est :

  • le développement des ordonnances pénales ;
  • le développement des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;
  • le développement des comparutions immédiates pour les récidives ;
  • une place résiduelle pour les audiences de jugement contradictoire pour les faits les plus graves.

Cette hiérarchisation ne doit pas aboutir à un éloignement du juge des justiciables sous l'effet de la gestion de masse des dossiers.

J'attends la suite de l'exposé pour les audiences pénales de jugement.

30. Le lundi 12 janvier 2009 à 20:05 par Maboul Carburod....z

@ Véronique : Oups, je corrige : "je ne souscris"

31. Le lundi 12 janvier 2009 à 20:48 par georges

Merci pour la réponse si rapide.

32. Le lundi 12 janvier 2009 à 21:00 par Derek

Il faut absolument supprimer le juge d'instruction, car il instruit toujours à charge et jamais à décharge!

Regardez: encore une preuve ici! Plusieurs juges d'instruction pris en flagrant délit d'instruire à charge, contre le pré-avant-projet de réforme de Maître Sarkozy. Encore un avocat de la défense dont les droits sont bafoués! Et pourtant c'est un avocat-magistrat, alors imaginez les simples prévenus.

Qu'on les convoque immédiatement place Vendôme! Encore que je peine à trouver la base légale de la convocation...

(Mon commentaire est bien sûr à prendre au second degré.)

33. Le lundi 12 janvier 2009 à 21:14 par Frédéric Lamourette

De là vient surtout qu'il n'y a aucune doctrine jurisprudentielle sur la proportionnalité entre mesure de contrainte et intérêt de l'enquête.

A vrai dire si, il y a un arrêt : Cass. crim. 4 janv. 2005 : la décision de placer en garde à vue une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction relève d’une faculté que l’officier de police judiciaire tient de la loi et qu’il exerce, dans les conditions qu’elle définit, sous le seul contrôle du procureur de la République ou, le cas échéant, du juge d’instruction.

Il semble que les juges n'exercent qu'un contrôle de l'opportunité du placement en garde à vue, et non de légalité. Pourtant, ce dernier contrôle serait envisageable au regard des conditions posées par le CPP...

Paxatagore:
Cet arrêt indique clairement qu'il n'y a pas de contrôle autre que de légalité : soit la garde à vue était licite, et alors elle est validée. Soit elle ne l'était pas et elle est annulée. Point de contrôle d'opportunité de la part du juge correctionnel. Le contrôle d'opportunité n'appartient qu'au magistrat qui dirige l'enquête - celui-là même qui a intérêt à la garde à vue.

34. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:03 par La Biscotte

Il semble que les juges n'exercent qu'un contrôle de l'opportunité du placement en garde à vue, et non de légalité. Pourtant, ce dernier contrôle serait envisageable au regard des conditions posées par le CPP...

Les 2 en fait : quand les enquêteurs placent qqun en garde-à-vue, ils ont l'obligation d'en aviser immédiatement le substitut ou le JI (selon que c'est dans la cadre d'une enquête classique ou d'une ouverture d'information). Ce dernier peut donc vérifier si la garde-à-vue se justifie, et en ordonner la fin si ce n'était pas le cas (ex: garde à vue d'un témoin).

Pour ce qui est de la légalité (=respect de la procédure, notification des droits etc..), il faudra attendre l'arrivée de la procédure pour que le magistrat puisse vérifier sur pièces. Si le JI s'aperçoit qu'il y a une nullité (par exemple que les droits n'ont pas été notifiés à temps), il doit saisir la cour d'appel en nullité de l'acte.

35. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:12 par La Biscotte

Reste évidemment tout le problème du "TTR" = traitement en temps réel. En gros, la permanence téléphonique où certains substituts passent leur journée à recevoir des coups de téléphone des policiers et gendarmes (une centaine par jour dans les gros tribunaux) qui les avisent, en temps réel donc, des placements en garde-à-vue et des enquêtes en tout genre.

Le substitut se base donc uniquement sur le rapport téléphonique de l'enquêteur pour prendre la décision de prolonger une GAV par exemple. Avec parfois des surprises quand la procédure "papier" arrive et qu'elle ne correspond pas vraiment à ce que l'enquêteur racontait au tèl.. (exagération du préjudice, mauvaise synthèse des faits etc..).

La qualité des enquêtes n'y gagne pas, au profit de la rapidité de la réponse pénale.

36. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:17 par Frédéric Lamourette

Oui, je sais tout cela. Précisément, je parlais d'un arrêt de la Cour de cassation sur le placement en garde à vue, seulement lui, pour lequel la Cour refuse le contrôle de légalité, alors qu'elle l'effectue, par exemple, à propos des notifications tardives de droits au gardé à vue (conditionnées par une "circonstance insurmontable")

37. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:18 par La Biscotte

...l'explosion du nombre de garde-à-vue depuis quelques années n'aide évidemment pas à permettre aux magistrats de pouvoir effectuer un vrai contrôle sur ces dernières.

Il est pourtant de la responsabilité du Parquet (qui contrôle donc l'immense majorité des GAV) de ne pas tout accepter (par ex, des GAV pour les conduites en état d'ivresse avec des petits taux d'alcoolémie, pour des abandons de famille etc..)

Mais la pression des chiffres imposée par en haut contraint les enquêteurs à faire du zèle à ce niveau.

38. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:19 par La Biscotte

Je vois ce que vous vouliez dire.

Mais comment un tel contrôle pourrait être possible dans les faits ?

39. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:30 par Lucas Clermont

C'est intéressant et plaisant à lire. Néanmoins, n'y a-t-il pas la tentation intellectuelle de tirer des plans sur la comète en révolutionnant le système alors qu'il paraît plus facile de :

  • Aller dans le sens d'une plus grande indépendance du parquet. Comment cela se passait sous le gouvernement de Jospin ?
  • Augmenter substantiellement le budget de la justice, ce qui ne représente pas un effort financier considérable.

Dans le fond cette nouvelle proposition de Nicolas Sarkozy, n'est-elle pas l'éternel moyen de ne pas chercher les clés là où on les a perdues, mais plutôt sous le lampadaire médiatique où elles ne sont pas.

40. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:35 par Diego

@55 : ah Lucas, après René Girard, Watzlawick... Éclectique ce blog. Oui en effet un peu de changement 2 nous changerait un peu...

41. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:39 par La Biscotte

J'aimerais qu'il paraisse + facile de rendre le parquet indépendant et d'augmenter le budget de la justice (rappel : la France se situe au trentième et quelques rangs en Europe concernant le budget de la justice..).

Hélas, ce n'est définitivement pas la volonté du gouvernement actuel.

Sous Jospin, le statut du parquet était le même, à la différence que le garde des sceaux ne passait pas son temps à expliquer leur métier aux procureurs..

42. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:40 par QaHlaKlaM

Dans l'attente d'une rafle de Troll Detector, je propose la plantation - auprès de chaque Tribunal - d'un chêne sous lequel un émissaire de notre Bienheureux suzerain pourra rendre justice.

43. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:43 par La Biscotte

Mais dans le discours de Sarkozy se cache effectivement bcp de solutions faciles pour remédier au manque de moyens dans la justice : déjudiciariser en masse (moins de contentieux à traiter pour les juges, mais cela prive le justiciable d'un accès au juge justement), recourir au juge de proximité qui coûte moins cher qu'un magistrat à former (au fait, vous aimeriez vous être opéré par un chirurgien de proximité ?) etc..etc..

44. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:46 par Frédéric Lamourette

@ la Biscotte, en instaurant un vrai contrôle de légalité, c'est-à-dire en faisant des conditions de la mise en GAV (et non plus seulement de la compétence policière en la matière...) des conditions de droit, soumises en dernier lieu au contrôle de la Cour de cassation.

45. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:47 par La Biscotte

Bon, il a pas mentionné le chêne, mais pour le reste, c'est un peu le sens de son discours = donner tt pouvoir au parquet, ce dernier étant repris en main plus que sévèrement par la chancellerie.

Bon, reste à trouver une solution pour permettre au parquet de prononcer la sentence. On pourrait réformer la procédure de CRPC pour rendre accessoire l'accord du prévenu, et l'étendre aux crimes..

46. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:48 par La Biscotte

D'accord, mais quelles seraient ces conditions alors ?

47. Le lundi 12 janvier 2009 à 22:50 par La Biscotte

Le problème, c'est que les raisons d'une GAV sont on ne peut plus factuelles, c'est vraiment du cas par cas.. Comment la CCASS pourrait-alors contrôler cela, sachant que ce n'est pas son rôle ?

48. Le lundi 12 janvier 2009 à 23:05 par Frédéric Lamourette

Eh bien en fait, je n'en ai aucune idée... Je pense simplement qu'il doit être possible, comme en matière de détention provisoire, de définir abstraitement des causes juridiques de placement en GAV. Je suis un doux rêveur...

49. Le lundi 12 janvier 2009 à 23:12 par DMonodBroca

"Mais il me semble qu'un système qui repose exclusivement sur la bonne volonté de ceux qui le servent n'est pas idéal."

Il me semble que si, au contraire.

Pourquoi penser que le Système palliera le manque de bonne volonté de ceux qui le servent ?

C'est parce qu'on s'abandonne à cette idée fausse, à cette foi dans un hypothétique Système meilleur que le précédent, que, de réforme en réforme, on en vient à construire ces inextricables usines à gaz juridiques !

50. Le lundi 12 janvier 2009 à 23:14 par ramon

Merci, Me Eolas, d'avoir laissé , en l'état et pour l'exemple, les messages grosiers et stupides ci-dessus. On se croirait sur un blog ordinaire.

Et c'est la démonstration a contrario de l'impérieuse nécessité de Troll Détector.

Maintenant que la preuve est faite, si vous pouviez faire le ménage, on retrouverait la qualité particulière de votre blog.

51. Le lundi 12 janvier 2009 à 23:23 par PrometheeFeu

Je pense que l'idée de Paxatagore est bonne. Malheureusement, je pense que Maitre Eolas a raison et que le juge de l'enquête risquerait de tout simplement devenir une chambre d'enregistrement surtout au début. Au fils du temps, j'imagine que les juges de l'enquête trouveraient une certaine indépendance, mais cela risquerait de prendre du temps a moins que l'on fasse le choix de n'y mettre que des juges qui n'ont jamais étés juges d'instruction. Une reforme intéressante serait de créer une audition préliminaire qui ne s'occuperait que de la forme. Vous l'avez dit vous même Maitre Eolas, les juges n'aiment pas relâcher vos clients coupables même quand ils le devraient pour des questions de formes et je doit avouer que je ne fais pas confiance aux juges de relaxer si le procureur n'est pas allé vérifier les indices de l'innocence qu'il préfère démonter a coup de rhétorique. On pourrait imaginer un juge dont le rôle soit simplement de décider quels sont les pièces du dossiers acceptables, quels sont les arguments recevables et au final de décider si finalement le dossier est assez solide pour aller en jugement sur le fond. Je sais que la Cours de Cassation opère ce contrôle post hoc, mais on gagnerait du temps a simplement interdire au juge de voir des pièces ou d'entendre des arguments qui ne sont pas recevables du point de vue de la procédure. Vous l'avez dit cher Maitre et je le crois: La procédure, c'est la première garantie des droits.

52. Le lundi 12 janvier 2009 à 23:24 par William

Bonsoir,

En réponse à La Biscotte, sous 26 : "Il faut ainsi compter avec la pression de la société (famille de la victime sauvagement assassinée qui pourrait s'émouvoir de la non-incarcération de l'auteur..)."

Nous avons eu le cas très récemment (mi-décembre 2008) en Belgique : il y a un an, une femme policière a été abattue par des gangsters, sans avoir eu la moindre chance de se défendre (abattue en sortant du véhicule). Un suspect a été appréhendé et mis en détention préventive (non, on n'a pas encore changé le nom ici). Suite à une "erreur" (pour rester poli) du greffe de la prison dans la transmission d'un appel contre le maintien en détention, le détenu aurait dû être libéré. Suite à des pressions urgentes du Ministre de la Justice sur le Directeur de la prison, l'intéressé a été maintenu en détention sans titre le temps de rapidement trouver une autre affaire où il était impliqué et de délivrer un nouveau mandat d'arrêt pour le maintenir en prison, sur base de cette affaire. Le Ministre de la Justice a justifié son attitude en disant qu'il ne voulait pas devoir expliquer à la famille de cette femme policière que c'était suite à une erreur administrative que le suspect avait été libéré. Le Ministre de la Justice n'est plus Ministre ...

Bien cordialement, William.

Paxatagore:
Ca me paraît être le signe d'une certaine vitalité démocratique (même si peut être d'autres facteurs sont en jeu dans la démission du ministre de la justice ?). Cela dit, peut-être aussi pourrions nous enfin disposer d'un droit des nullités substantielles qui soit capable de nous éviter de libérer des gens pour des erreurs de date ou de signature qui sont frustrantes pour tout le monde.

53. Le lundi 12 janvier 2009 à 23:48 par Bardamu

Biscotte fait jurisprudence : ignorez les insultes et elles s'en vont. Bien joué. Toutefois, speak french my dear : CCASS. Car vous savez, ça coûte du carbone une recherche Google (voyez le "quotidien de référence" ou ce qu'il en reste, aujourd'hui) ! Cour de cassation (et comme ça j'économie quelques recherches Google et contribue à sauver la planète). Je retiens : "vous aimeriez vous être opéré par un chirurgien de proximité".

54. Le mardi 13 janvier 2009 à 06:19 par Emmanuel M

Quel Excellent article

Particulièrement ce passage, avec lequel je ne peux qu'être d'accord.

iSoyons honnêtes à ce sujet. Évitons de sortir les grands arguments de principes. Si la police place les gens en garde à vue, c'est pas pour leur offrir des droits pendant le temps où on va les interroger. C'est pour les interroger tranquillement en faisant usage d'une dose raisonnable de pression (notez bien que ce n'est pas une critique de ma part). Etc./i

Concernant la GAV, cette magnifique situation créatrice de droit, je n'ai pas très envie que la maréchaussée vienne me créer des droits pendant 48 heures. Mais bon, si on pouvait créer quelques droits pour la JI qui a mis l'ancien directeur de Libé au dépôt, ça serait un juste retour de baton.

Remarquez, les policiers sont des gens étranges : s'il n'apprécient pas vos réponses ou votre ton, plutôt que d'être agressifs, il vous créent, gratuitement, des droits pendant quelques heures.

iLe raisonnement de la proportionnalité entre la fin et les moyens est même parfois difficile à tenir. En matière de détention provisoire, par exemple, où le sacro-saint principe de présomption d'innocence se heurte à toute argumentaire raisonnable sur la question. Je préférerai qu'on évacue cette dimension mystique de la présomption d'innocence et qu'on demande clairement au juge d'arbitrer entre la probabilité qu'une personne soit coupable et la gravité des faits qui lui sont imputés./i

Ce serait une bonne idée. Réduire le délai de jugement des affaires aussi, d'ailleurs. Mais effectivement, faire entrer officiellement la probabilité de culpabilité telle que le JLD la perçoit au cours de l'enquête comme critère prépondérant de la mise en détention provisoire serait une excellente chose

55. Le mardi 13 janvier 2009 à 08:08 par La Biscotte

faire entrer officiellement la probabilité de culpabilité telle que le JLD la perçoit au cours de l'enquête comme critère prépondérant de la mise en détention provisoire serait une excellente chose Cela reviendrait, ni plus ni moins, à supprimer le principe de la présomption d'innocence..

Sur la garde-à-vue (GAV) (je retiens la remarque Bardamu ), un bémol quand même : elle est bel et bien créatrice de droits, même s'il ne faut pas s'arrêter à ça. Un exemple venu : un mineur suspecté d'avoir commis des vols est entendu par la police, mais sans être placé en GAV. Il reconnaît les faits. Problème : sans GAV, il n'a pas pu bénéficier du droit 1) de pouvoir consulté un avocat immédiatement 2) d'être vu par un médecin (entre autres). Je juge avait alors saisi la cour d'appel pour faire annuler cette audition, mais curieusement cette dernière l'a validée, considérant qu'il appartenait aux policiers de décider ou non du placement en GAV.. (c'est là que je suis tombée de ma chaise)

Quant à nos amis les trolls, un principe redoutable en attendant l'intervention du maître des lieux : Don't feed the troll !

Paxatagore:
C'est l'état de la jurisprudence. Eolas en a parlé récemment et c'est peu dire que je partage son analyse.

56. Le mardi 13 janvier 2009 à 08:29 par Oui mais...

Oui à la réforme de l'instruction, mais quid de l'indépendance du parquet? ce serait le pied!

57. Le mardi 13 janvier 2009 à 08:50 par La Biscotte

Sur l'indépendance du Parquet :

Il ne s'agit pas, à mon sens, de dénuer au gouvernement le droit de mener une politique pénale au niveau national (il faut bien une certaine cohérence entre tous les procureurs de France).

Une mesure simple serait un gros progrès pour l'indépendance de notre justice :

- attribuer au CSM la discipline et la nomination des procureurs (généraux et de la République).

Evidemment, c'était surtout valable lorsque M.SARKOZY n'avait pas encore modifié la composition du CSM pour remplacer les magistrats majoritaires par ses copains à lui..

58. Le mardi 13 janvier 2009 à 08:56 par La Biscotte

Paxatagore : un lien siouplaît ?

Paxatagore:
Euh, un lien vers quoi ?

59. Le mardi 13 janvier 2009 à 09:08 par Gascogne

Un autre point de vue sur le blog de Jean-Paul Garaud, député UMP et ancien magistrat.

60. Le mardi 13 janvier 2009 à 09:09 par LEF

Encore une fois on cherche à résoudre un ensemble de problèmes en inventant un concept nouveau, une espèce de fusée intellectuelle, et en nous vantant les mérites théoriques de ce nouveau concept. Encore une fois on ne s'attaque pas aux dysfonctionnements qui sont à l'origine des problèmes. Je ne suis toujours pas convaincue de la nécessité de supprimer le JI, je trouve tous les arguments à côté de la plaque. Quel que soit le nouveau concept et quels que soient ses mérites théoriques, d'autres problèmes surgiront et, le laxisme sur les dysfonctionnements perdurant, on ira chercher un autre nouveau concept. Bref, je préfère les tirs au but aux tirs en corner. C'est bien beau la théorie, mais on ignore tout de la trajectoire réelle de cette fusée intellectuelle et de ses dégâts collatéraux potentiels.

61. Le mardi 13 janvier 2009 à 09:12 par v_atekor

Un message pour remercier les intervenant de ce blog qui éclairent ce débat complexe.

62. Le mardi 13 janvier 2009 à 09:32 par La Biscotte

Si on m'avait dit un jour que j'applaudirais (en tant que juge du siège j'en ai le droit moi !) des propos tenus par M.GARRAUD...

63. Le mardi 13 janvier 2009 à 09:33 par Pascal

Et pour arranger encore plus les choses.

Que les fonctionnaires de police ou les militaires de la Gendarmerie assurant des missions de police judiciaire rejoigne ce pôle de l'enquête où les pressions politiques ne pourraient se faire. Les enquêtes pourraient ainsi s'exercer sans pression des chiffres mais simplement dans l'optique de l'application de la Loi dans le meilleur intérêt de chacun victime ou autres... Enfin, c'est une belle utopie^^

64. Le mardi 13 janvier 2009 à 09:57 par ceriselibertaire

J'ai lu uniquement ce billet sans les commentaires et j'ai eu du plaisir à le lire (c'est un ressenti). Ce billet rappelle que la balance est le symbole de la justice. Plaise à Dieu aux hommes de s'en souvenir.

65. Le mardi 13 janvier 2009 à 11:29 par toto

LEF (60)

Fusée intellectuelle oui ! C'est le mode de fonctionnement sarkoziste : le but est de chambouler ce qui existe depuis des lustres, c'est un but en soit. Les conséquences ? Forcément des problèmes surgiront mais c'est pas grave, on trouvera des solutions, on rectifiera en temps et en heure mais au moins on aura modifié le système.

Je cite Sarko à propos de la suppression de la pub : dans 2 ans personne ne se souviendra qu'il y avait de la pub sur les chaines publiques. Eh bien il pourrait dire la même chose sur la suppression du juge d'instruction.

RdV ds 2 ans pour juger sur pièces !

66. Le mardi 13 janvier 2009 à 12:09 par Petruk

@Paxatagore 33. Il y a quelque chose que je n'ai pas du comprendre. Si la garde à vue est annulée, cela signifie que la privation de liberté de l'ex-ancien gardé à vue a eu lieu en dehors d'un cadre légal. On peut considérer qu'il y a eu séquestration et poursuivre les auteurs?

Paxatagore:
Non.

67. Le mardi 13 janvier 2009 à 12:29 par ceriselibertaire

Cette proposition est donc liée à l'inapplicabilité de la réforme de la collégialité de l'instruction Amendement proposé en décembre 2006 par MM. Houillon et Geoffroy suite la commission d’enquête parlementaire sur l’ affaire dite d’Outreau.

2 ans de perdu donc. 2 ans. Et le gouvernement ose encore parler de réforme. M. Houillon ose parler de 55 réformes appliquées depuis le début de la législature (son site) alors que la sienne est morte et enterrée.

Réforme : oubliez ce mot. Et utilisez "poudre aux yeux" à la place. (c'est une proposition)

68. Le mardi 13 janvier 2009 à 12:35 par malpa

@ Petruk (66)

Vous reprenez vos lacets, votre portable et votre montre et vous dites "au revoir m'sieurs dames, excusez du dérangement" et vous rentrez chez vous, si j'ai bien lu ici :

(...)La seule possibilité de recours est a posteriori, devant le tribunal correctionnel, s'il est saisi. Nous pouvons alors soulever la nullité de la procédure, qui est d'ailleurs à ce moment irrécupérable si les règles de la garde à vue n'ont pas été respectées : le calcul n'est pas toujours bon du point de vue de la politique pénale. Et bien souvent, des tribunaux rechignent à sanctionner de nullité la procédure, quand la culpabilité est certaine. À la place, ils prononcent des peines dérisoires (cas courant : une amende avec sursis) : allez expliquer à votre client qu'il faut aller en appel, en cassation et le cas échéant à Strasbourg. Et si l'affaire est classée sans suite, le gardé à vue ne peut prétendre à la moindre indemnisation. Je ne parle même pas d'excuses. La liberté du citoyen est à la disposition de la justice. Fichu droit napoléonien.

Ça me fait remarquer que cette phrase La liberté du citoyen est à la disposition de la justice est également la réponse à l'objection qui me démangeait suite à votre

Je préférerai qu'on évacue cette dimension mystique de la présomption d'innocence et qu'on demande clairement au juge d'arbitrer entre la probabilité qu'une personne soit coupable et la gravité des faits qui lui sont imputés.

69. Le mardi 13 janvier 2009 à 12:59 par Petruk

@Malpa, @Paxatagore. Merci. Je me rappelle maintenant avoir lu ce passage.

70. Le mardi 13 janvier 2009 à 18:08 par la Biscotte

Paxatagore : le lien vers les écrits de Me Eolas sur la jurisprudence concernant la garde-à-vue

71. Le mardi 13 janvier 2009 à 22:46 par Benjamin Bayart

@Eolas (28) et Paxatagore (55)

Je viens de relire cet ancien billet (sur défendre les coupables). Et, j'en ait retenu ça (vers la fin): Il serait inadmissible que l’on valide des arrestations arbitraires, des gardes à vue illégales qui s’apparentent dès lors à de la séquestration, des aveux obtenus par la contrainte. L’Etat qui tolèrerait cela ne serait pas un Etat de droit. C’est l’honneur des juges de refuser de condamner des personnes poursuivies dans ces conditions.

Or, si je lis bien ce que nous dit le commentaire 55, et ce que vous aviez vous-même indiqué sur le sujet récemment, et que Paxatagore relaie en réponse, c'est qu'on y est.

Donc, on est d'accord sur ce point, c'est inadmissible.

Mais, sauf erreur de ma part, ce n'est pas lié à un changement récent de la loi sur le sujet (ça, j'aimerais bien que quelqu'un qui connaît le droit confirme ou infirme) mais bien d'une décision de la justice, indépendante.

Si on en vient, en suivant les propos du Maître, à considérer que la justice valide les séquestrations arbitraires, peut-on penser que toute indépendante qu'elle soit, elle ne sert plus à grand chose? Finalement, ce n'est pas le pouvoir en place, qui supprime les libertés, c'est bien la justice. Puisqu'à vous lire, Maître, nous ne serions plus dans un État de droit, il est intéressant de noter que c'est la justice qui nous en a fait sortir.

Ce qui pourrait conforter cette idée qui traîne: les juges ont le choix de ne pas appliquer les peines plancher quand ils trouvent que c'est injuste. S'ils les appliquent un peu trop systématiquement, c'est de leur choix, l'exécutif et le législatif ne seraient pas plus à blâmer que le judiciaire, finalement.

Si jusque-là, j'ai bon (i.e. je ne me suis pas trompé sur la source purement judiciaire de cette décision), il me semble que ça peut faire un point de départ intéressant sur ce qu'il faut faire de l'indépendance de la justice, et sur le rôle qu'il faut donner à cette justice indépendante. Avec au moins deux axes: en serions nous là si l'indépendance était plus forte (et si non, à quoi sert-elle); la garantie des libertés par le judiciaire est-il un pilier ou non de cette justice indépendante?

72. Le mardi 13 janvier 2009 à 23:54 par didier specq

Dans vos échanges, il me semble que manque un élément essentiel: où se niche la légitimité des magistrats (du parquet comme du siège)? Ils ne sont pas élus, ils ne sont pas épaulés (comme en cours d'assises où subsiste -avec les jurés- ce vieux souci démocratique) par des citoyens tirés au sort... Tout le monde parle de l'indépendance des magistrats comme si c'était le nirvana! Mais pourquoi des gens, même honorables, issus d'une grande école établie à Bordeaux auraient-ils le droit de juger les citoyens de base sans être contrôlés sinon par leurs pairs? L'utopie de l'autogestion (condamnée partout aujourd'hui mais si populaire voici trente ans) ne survivrait que pour les magistrats?

Didier Specq

Paxatagore:
C'est une question très large que vous posez et que vous posez à mon sens de façon biaisée. Vous oubliez que les magistrats ne jugent pas en leur âme et conscience exclusivement mais dans les cadres et limites posées par la loi.

73. Le mercredi 14 janvier 2009 à 08:50 par DM

@Paxatagore: "Qu'il donne la priorité aux mesures les moins coercitives."

Mouais. Il n'y a pas en France, il me semble, la culture juridique qu'il peut y avoir par exemple aux États-Unis au sujet du respect des libertés individuelles (comparé aux grands débats américains sur ce qui porte ou non atteinte aux premier et au second amendement, nos bavardages sur la Déclaration de 1789 et la CEDH font pâle figure).

Il me semble, au vu des déferlantes médiatiques au sujet de "bavures" de la justice, que le public attend que l'on emprisonne immédiatement les coupables (avant donc les délais de plusieurs mois, voire années, usuels avant jugement pour les affaires compliquées) et qu'on libère immédiatement les innocents.

C'est bien sûr impossible, car cela demande aux juges d'être devins.

Tant qu'il y aura cette demande du public, il y aura des problèmes.

74. Le mercredi 14 janvier 2009 à 18:07 par valentin

Pour peu que l'Etat mette les moyens

Tout est dit.

A mon avis, l'Etat n'a aucun intérêt à mettre les moyens dans la justice. Une meilleure justice, cela veut dire moins de délinquance et donc une perte du fond de commerce pour les politiques dont le leitmotiv est l'insécurité. Et si les gens ont autre chose à faire qu'à penser à avoir peur, alors ils se mettront à réfléchir à des sujets qui mettraient les politiques dans l'embarras, comme le pouvoir d'achat, comme la légitimité de la représentation nationale, comme l'environnement, ...

75. Le mercredi 14 janvier 2009 à 23:53 par didier specq

Cher Paxatagore, quand je vous parle de la légitimité des magistrats (autrement dit, pourquoi des gens qui ont fait les bonnes études ont-ils le droit de juger les autres), vous me répondez très classiquement qu'ils ne jugent qu'encadrés par des lois. Donc, leur légitimité, c'est l'application honnête de la loi. Quelle blague! La loi est très malléable. Prenez par exemple, une agression sexuelle présumée sur un enfant d'une famille modeste à Roubaix. Je prendrais, pour faciliter ma démonstration, une agression sexuelle qui n'a laissé aucun trace physique. L'enquête policière va aboutir sur un procureur de permanence à Lille. Selon que le policier est plus ou moins convaincu, selon le procureur répondant au téléphone (certains doutent, d'autres pensent a priori qu'une horreur est arrivé), le même dossier un peu vide va être classé sans suite, ou devenir une procédure simplifiée sans instruction, ou une citation directe, ou une instruction criminelle, ou une instruction où le crime (si l'on retient la pénétration) va être correctionnalisé et devenir une simple atteinte sexuelle pour passer plus vite devant le TGI. Le même dossier! Et tout ça sans contrôle réel. Aujourd'hui, par exemple, les viols (dans les départements très peuplés où les cours d'assises sont surchargées) sont à 90% correctionnalisés alors que la loi (avec des définitions impulsées par le mouvement des femmes) en fait un crime. Qui décident ces énormes interprétations de loi, qui décident de choisir telle ou telle procédure? Les magistrats sans contrôle réel. Or, que vous le vouliez ou non, c'est contestable. Qui décide par exemple aujourd'hui que les accidents du travail ce n'est pas très intéressant -il n'y a qu'à voir les années qui passent avant que le dossier soit audiencé- mais que les violences conjugales, ça doit se retrouver si possible tout de suite en comparution immédiate?

Didier Specq chroniqueur judiciaire à Nord-Eclair

76. Le jeudi 15 janvier 2009 à 07:53 par Paxatagore

D@Didier Specq. Vous évoquez une situation que je connais bien, pour exercer dans la même région. A mon sens, il faut distinguer plusieurs choses. (1) Sur la question de la politique pénale, en effet, il me semble légitime que ce soit le gouvernement qui la décide - il ne faut pas méconnaître toutefois les inconvénients qui peuvent en découler, puisque la priorité donnée à certaines infractions implique nécessairement que d'autres sont moins prioritaires (vous citez à juste titre les accidents du travail, pour lesquels il y a une conjonction entre la faiblesse des moyens donnés à l'inspection du travail - responsabilité du gouvernement - et, clairement, chez les magistrats, le sentiment que ces affaires sont de moindre importance, au moins pour les accidents légers. Ne laissons toutefois pas croire que les accidents du travail restent tous impunis). (2) Sur la légitimité à juger, ce qui est très différent de la légitimité de conduire une enquête et de porter une accusation publique - les anglo-saxons ayant résolu cette difficulté en disant que tout le monde est légitime à accuser -, elle résulte de compétences techniques, compte tenu de la technicité de la loi - on peut le regretter, mais on vit dans un monde technique. Je ne sais pas réparer un moteur de voiture, je ne tiens pas à ce qu'un garagiste applique tout seul la loi à mon litige - mais aussi compte tenu de la procédure. C'est la procédure suivie qui fait la légitimité de la décision judiciaire, le fait que chacun a eu la parole, a pu exprimer son point de vue, que les différents intérêts se soient exprimés. Après, on a parfois besoin de quelqu'un qui connaisse la loi, parfois besoin de quelqu'un qui tranche, souvent de quelqu'un qui connaisse la loi et qui va trancher après avoir écouté tout le monde. Est-ce que cela suppose d'être élu ? A mon sens, pas nécessairement.

77. Le jeudi 15 janvier 2009 à 08:38 par didier specq

Cher Paxatagore,

Je suis assez d'accord avec votre distinction sur la compétence pour accuser et sur la sagesse pour juger. Du moins c'est un peu comme ça qu'on pourrait résumer votre point de vue. Il n'empêche qu'un contrôle populaire devrait s'effectuer sur la façon dont on accuse et les choix qui s'effectuent, notamment sur les infractions qui ne sont pas jugées prioritaires. Le même raisonnement s'applique encore plus pour la fonction de juge: la légitimité, dans une société démocratique, ne peut provenir, en dernière analyse, que du peuple. L'acte de juger, y compris durant une procédure avant le jugement lui-même, n'est pas qu'une technique, c'est une sagesse, une pratique qui s'ancre dans une société. Dans l'affaire d'Outreau, les 64 magistrats qui sont intervenus et n'ont rien vu n'ont commis aucun erreur technique. Mais ils étaient si loin des réalités populaires... La parole d'enfants traumatisés flanqués d'éducatrices leur suffisait face aux dénégations d'une dizaine de braves gens, quelquefois quinquagénaires, jamais condamnés, niant malgré trois années d'incarcération provisoire et qui n'avaient aucun élément matériel contre eux... Je vous signale d'ailleurs que ce sont les jurés qui commencent à douter à Saint-Omer. Je pense que des jurés (tirés au sort, formés pendant quelques semaines et assistant les juges pendant une année ou deux) devraient être présents systématiquement aux côtés des juges et peut-être aux côtés des accusateurs... Au bout de quelques années, en France, il y aurait ainsi quelques milliers de gens capables d'expliquer, dans les réunions de famille, ce que vraiment signifie l'acte de juger. Didier Specq, chroniqueur judiciaire à Nord-Eclair

78. Le jeudi 15 janvier 2009 à 10:56 par Paxatagore

@Didier Specq. Votre dernière proposition est intéressante mais pas très sérieuse. Peu de gens accepteraient de telles contraintes, non ? Je diverge avec vous sur la légitimité par le peuple.

79. Le vendredi 16 janvier 2009 à 03:53 par didier specq

Cher Paxatagore,

Peu de gens accepteraient de telles contraintes, dîtes-vous? Bien sûr que si. Si, bien entendu, les gens sont rétribués au minimum au smic (pour ceux qui, sans emploi à temps complet touche moins que le SMIC) et, pour les autres, exactement comme le salaire qu'ils auraient touché si... Bien entendu, être juré, si l'on est tiré au sort, ne serait pas obligatoire. Evidemment, ça poserait des problèmes dans le privé mais on peut penser qu'une caissière d'Auchan, au retour, serait plus appréciée par son employeur si elle a été jurée deux ans et a donc bénéficié d'une formation juridique de base qui peut être utilisée par son employeur. Je vous signale par ailleurs qu'un tiers du salariat en France est employé dans la fonction publique territoriale, hospitalière ou nationale. Eux, ça ne devrait pas leur poser trop de problèmes. Enfin, il faut signaler que le système des jurés (à part qu'ils sont élus) marche dans les conseils de prud'hommes. Il y a beaucoup d'appels mais cette juridiction est celle qui a le meilleur taux de confirmation devant une cour d'appel. Les jurés un peu partout et vraiment tirés au sort pourraient donc donner une vraie légitimité populaire à la justice. Evidemment, un tel projet risquerait de donner des boutons à tous ceux qui pensent savoir parce qu'ils ont eu un diplôme... Bon d'accord, ma dernière phrase est un peu démago. Amicalement. Didier Specq, chroniqueur judiciaire à Nord Eclair.

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