Est-ce bien raisonnable ?
Par Dadouche le mardi 2 décembre 2008 à 01:53 :: Commensaux :: Lien permanent
Par Dadouche
Ayant depuis peu lancé mon propre élevage de taupes, je dispose, tout frais tout chaud, du rapport de la Commission Varinard [1]de Réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative aux mineurs délinquants, intitulé « Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs ».
Bon, soyons modeste, vu les fautes de frappe et la mise en page défaillante du document dont je dispose, ce n'est pas la version qui atterrira sur la bureau de la Garde des Sceaux (que mille bénédictions pleuvent sur ses invitations à déjeûner). Mais presque.
Rappelons à titre liminaire la mission assignée à cette commission :
La lettre de mission adressée par la Ministre au Président de cette commission assigne au groupe de travail trois axes de réflexion :
- assurer une meilleure lisibilité des dispositions applicables aux mineurs,
- renforcer la responsabilisation des mineurs notamment en fixant un âge minimum de responsabilité des mineurs et en assurant une réponse pénale adaptée et une sanction adéquate graduée et compréhensive par tous,
- revoir la procédure et le régime pénal applicables aux mineurs.
Alors, il dit quoi ce rapport "raisonnable" ? Je vais le détailler ci-dessous.
Ce ne sont pas des appréciations de fond, mais uniquement des éléments factuels, éclairés éventuellement par la situation existante, pour nourrir le débat au delà des gros titres
En ce qui me concerne, j'y trouve des propositions intéressantes, voire pour certaines attendues des praticiens. D'autres me laissent plus dubitative.
Il est intéressant de noter que la commission s'est fixée comme objectif de formuler des propositions "raisonnables", adjectif qui traduit précisément la volonté de la commission de proposer des réformes efficaces mais constitutionnellement acceptables et susceptibles d’être comprises par le plus grand nombre dans un domaine qui suscite les passions.
En principe donc, pas de révolution, mais des "innovations fondamentales". Voyons voir ça...
La préservation des principes ?
C'est en tout cas ce qu'affirme le rapport. La Commission souhaite, dans le cadre d'un Code de la justice pénale des mineurs, affirmer les principes fondamentaux du droit pénal des mineurs dans :
- un article préliminaire reprenant les principes supra-législatifs de la justice pénale des mineurs, notamment tels que consacrés par la décision du Conseil Constitutionnel du 9 août 2002 et les textes internationaux
- un livre 1er déclinant les principes directeurs de la justice pénale des mineurs qui en découlent :
- relatifs à la responsabilité pénale :
- - Principe de primauté de l’éducatif dans ses deux branches : la finalité éducative de toute réponse pénale à l’encontre du mineur et le caractère subsidiaire de la peine.
- - Principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge.
- - Principe du caractère exceptionnel des peines privatives de liberté.
- relatifs à la procédure pénale :
- - Principe de spécialisation ou d’une procédure appropriée.
- - Principe de nécessaire connaissance de la personnalité du mineur : si le principe de l’instruction obligatoire est écarté, il demeure que la personnalité du mineur doit être évaluée de manière suffisamment approfondie et prise en compte avant toute décision.
- - Principe de nécessité d’une réponse à toute infraction : toute infraction commise par un mineur de plus de douze ans doit donner lieu à une réponse, qu’elle émane de la société civile, qu’elle soit alternative aux poursuites ou juridictionnelle, à moins que les circonstances particulières liées à la commission des faits et à la personnalité du mineur justifient, dans son intérêt, le classement sans suite de la procédure.
- - Principe de cohérence de la réponse pénale : la réponse apportée à un acte de délinquance, adaptée à la gravité des faits, doit s’inscrire dans la cohérence du parcours du mineur.
- - Principe d’implication permanente des parents et autres représentants légaux du mineur : ils doivent être systématiquement informés et convoqués à toutes les étapes de la procédure.
- - Principe de l’assistance obligatoire d’un avocat et du défenseur unique pour le mineur. L’avocat suit le mineur tout au long de la procédure et/ou les procédures suivantes La commission recommande de généraliser le système déjà mis en place dans plusieurs juridictions.
- - Principe de publicité restreinte.
Quels mineurs ?
La Commission propose de fixer à 12 ans l'âge de la responsabilité pénale, avec une présomption de discernement.
Traduction : avant douze ans, pas de responsabilité pénale, après douze ans, un mineur peut être déclaré coupable d'une infraction sauf s'il rapporte la preuve de l'absence de discernement au moment des faits.
Dans l'état actuel du droit, c'est le juge qui évalue si le mineur avait le discernement nécessaire à la responsabilité, quelque soit son âge, mais il ne peut prononcer pour les enfants de moins de 13 ans que des mesures et sanction éducatives.
Il est à noter que la fixation claire d'un âge de responsabilité pénale correspond aux exigences internationales en matière de droit des enfants.
La Commission propose également de fixer un âge de majorité pénale à 18 ans, qui n'est pas explicitement fixé dans les textes, qui se réfèrent aux "mineurs".
Enfin, pour s'assurer que les sauvageons sont bien des mineurs de 12 à 18 ans, il est proposé d'inscrire dans la loi qu'en cas de doute sur l'âge du mineur, c'est l'âge le plus bas résultant des investigations qui doit être retenu.
Devant quels juges ?
Une des grandes craintes des praticiens, aiguisée par une tentative d'expérimentation menée par la Ministre, était de voir proposer une séparation des fonctions civiles et pénales du juge des enfants. En effet, celui-ci connaît à la fois de la protection des mineurs en danger[1]et des infractions pénales commises par les mineurs.
La Commission, manifestement après des débats animés, a abandonné cette hypothèse de travail et propose le maintien de cette double compétence. Elle relève notamment que celle-ci permet au juge d'avoir une action préventive et que la connaissance du terrain et des partenaires institutionnels est un vecteur d'efficacité évident.
Elle souligne enfin que nos amis bataves se mordent les doigts d'avoir abandonné la double compétence et la rétablissent dans certaines juridictions, tandis que les magistrats allemands dénoncent régulièrement les dysfonctionnements causés par la distinction en vigueur Outre Rhin.
La spécialisation des juridictions pour mineurs est donc affirmée, y compris à travers une formation initiale et continue de tous les intervenants.
Cependant, comme il faut bien changer quelque chose, on changera la terminologie : les enfants sont des mineurs, qu'on se le dise.
C'est donc devant le juge des mineurs ou le tribunal pour mineurs qu'ils comparaîtront.
La Commission justifie ainsi ce glissement sémantique : la définition du mot « enfant » renvoie à la première période de la vie humaine, de la naissance à l’adolescence. Or, les pédopsychiatres soulignent que laisser de côté le phénomène de l’adolescence et de la puberté n’est pas de nature à restaurer l’image de soi du mineur. En effet, ils soulignent que la commission d’infractions est souvent la marque d’une valorisation de soi défaillante, d’autant que les auteurs de ces infractions, certes de plus en plus jeunes, sont le plus souvent des adolescents qui comprennent fort bien le sens du mot « mineur ».
Quels mineurs en prison ?
C'est LA question qui a retenu l'attention, y compris en ces lieux (ce n'était pas nécessairement celle qui me torturait le plus, les rumeurs de suppression des mesures éducatives étant pour moi bien plus anxiogènes).
D'abord un bref rappel du régime actuel :
- condamnations : tout mineur âgé de 13 ans au moment des faits peut être condamné à une peine d'emprisonnement pour un crime ou un délit.
- en matière criminelle :
possible dès 13 ans - en matière correctionnelle :
- possible dès 16 ans pour tout délit faisant encourir une peine de trois ans d'emprisonnement ou en révocation d'un contrôle judiciaire
- possible entre 13 et 16 ans en révocation d 'un contrôle judiciaire avec placement en CEF qui ne peut être ordonné que pour des délits faisant encourir 7 ans d'emprisonnement ou pour des délits faisant encourir 5 ans d'emprisonnement si le mineur a déjà fait l'objet d'une mesure éducative pénale.
le régime proposé :
- condamnations :
- en matière criminelle :
possibilité de prononcer une peine d'emprisonnement dès 12 ans
- en matière correctionnelle :
-possibilité de prononcer une peine d'emprisonnement à partir de 14 ans
-avant 14 ans : possibilité de placement dans un établissement offrant la même prise en charge qu'un CEF
- détention provisoire :
- en matière criminelle : possible dès 12 ans
- en matière correctionnelle :
- impossible avant 14 ans (pas de révocation du contrôle judiciaire)
- possible entre 14 et 16 ans en révocation d'un contrôle judiciaire (mêmes modalités qu'entre 13 et 16 ans actuellement)
- possible à partir de 16 ans aux mêmes conditions qu'actuellement.
quels mineurs en garde à vue ?
Le droit positif distingue actuellement la retenue (avant 13 ans, douze heures renouvelable une fois) et la garde à vue (après 13 ans, avec des régimes différents avant et après 16 ans).
La commission propose le régime suivant :
- - avant 12 ans : retenue possible pour une durée de 6 heures renouvelable une fois
- - de 12 à 14 ans : garde à vue de 24 heures, renouvelable une fois en cas de délit puni de 5 ans d'emprisonnement ou si l'infraction est commise en réunion, avec désignation obligatoire d'un avocat
- - de 14 à 18 ans : garde à vue de 24 heures renouvelable une fois avec examen médical obligatoire (actuellement facultatif pour les plus de 16 ans)
Que faire des mineurs de moins de douze ans ?
N'étant pas pénalement responsables, ces mineurs sont, en conclut la Commission, exclus de la sphère pénale.
Elle propose qu'ils soient suivis par le juge des enfants dans le cadre de l'assistance éducative et qu'ils puissent faire l'objet, quand ils sont impliqués dans les faits les plus graves, de placement spécifiques et contenants.
Quelles réponses apporter aux infractions commises par les mineurs ?
La Commission part du postulat qu'une réponse systématique à tout acte de délinquance est nécessaire, et qu'elle doit être compréhensible, progressive et rapide.
Il s'agit de non seulement traduire la réprobation de la société face à un comportement qui vient questionner les règles qu’elle pose mais aussi et peut être surtout la « préoccupation » pour le mineur que son passage à l’acte doit faire naître.
Par ailleurs, si c’est l’ensemble de la société qui se trouve interpellée par la transgression constatée, c’est également le corps social dans son entier qui porte la responsabilité de la réponse apportée, qui n'est donc pas nécessairement judiciaire.
La Commission propose donc, pour associer la société civile au traitement de la délinquance, de déjudiciariser la première infraction, qui serait traitée, par le biais de mesures éducatives, d'un projet scolaire ou d'un médiation familiale, par une instance ad hoc issue du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance saisie par le Parquet. La procédure serait ensuite classée sans suite.
Toujours dans cet esprit d'implication de la société civile, les entreprises publiques auraient l'obligation d'accueillir des mesure de réparation ou de travail d'intérêt général, tandis que des bénévoles (il ne faut pas oublier les questions bassement matérielles) pourraient être associés à la mise en place de ces mesures.
Les alternatives aux poursuites seraient maintenues et même clairement énumérées par les textes, jusqu'à un avertissement final solennellement notifié au mineur par le Procureur de la République. Une fois cette étape franchie, plus d'alternative aux poursuites possible sauf si le mineur n'est impliqué dans aucune procédure pendant deux ans.
Il existerait donc une obligation de poursuite une fois passé un certain stade, qui n'est cependant pas défini dans la proposition de la Commission.
La Commission dresse par ailleurs la liste (impressionnante il est vrai) de toutes les mesures et sanctions éducatives qui peuvent être mises en oeuvre à un stade ou un autre de la procédure par le Procureur ou le Juge des enfants. Elle constate que les cadres juridiques qui y correspondent sont mal compris des mineurs, qui, d'après une étude, ne comprennent la sanction qu'à l'aune de de qu'elle leur "coûte". Ainsi, une mesure de placement (mesure éducative) serait plus difficilement vécue qu'une peine d'emprisonnement avec sursis simple (sanction pénale).
Il est proposé d'abord de distinguer les mesures pré-sentencielles (antérieures au jugement) et post-sentencielles (postérieures au jugement).
Pourraient être ordonnées avant jugement :
- - des mesures d'investigations sur la personnalité du mineur (recueil de renseignements socio-éducatifs, mesure d'investigation et d'orientation éducative, expertise)
- - une mesure de suivi éducatif provisoire ou probatoire en milieu ouvert qui pourrait être assortie d'obligations spécifiques telles que l'obligation de réparer, de suivre une scolarité, de se soumettre à des soins
- - un contrôle judiciaire cantonné aux obligations adaptées aux mineurs
- - une mesure de placement
Dans la catégories des mesures post-sentencielles, la Commission propose de regrouper les actuelles mesures et sanctions éducatives sous la seule appellation de sanctions éducatives, estimant que le terme "mesure" est trop proche du vocabulaire de l'assistance éducative et qu'il n'y a rien d'infamant à poser une sanction.
Un mineur pourrait donc être condamné à une sanction éducative ou à une peine.
Les sanctions éducatives sont ainsi énumérées :
- - la dispense de sanction ou de peine
- - l' avertissement judiciaire (qui remplacerait l'ésotérique admonestation)
- - la remise judiciaire à gardien et aux personnes qui en ont la garde, mesure qui serait revalorisée pour favoriser l'implication des parents dans le processus de sanction
- - le suivi éducatif de milieu ouvert, éventuellement assorti d'obligations
- - le placement en établissement éducatif
Ces sanctions pourraient être prononcées pour un an au maximum, même si les mesures de placement ou de milieu ouvert pourront être prolongées pendant un an après la majorité, pour compenser la disparition de la mesure de placement sous protection judiciaire.
S'agissant des sanctions pénales, peu de changements proposés.
Pas question de toucher aux peines planchers ou aux dispositions d'exclusion de l'atténuation de responsabilité pour les plus de 16 ans (trop récentes pour pouvoir être évaluées paraît-il).
Les délais d'épreuve en matière de sursis avec mise à l'épreuve et de travail d'intérêt général seraient cependant réduits à 18 mois maximum (au lieu de 3 ans actuellement), durée plus proche de la "temporalité du mineur".
Parmi les "innovations fondamentales" annoncées, il est proposé de créer de nouvelles mesures :
- - sanction de placement séquentiel : le mineur scolarisé mais désoeuvré le week-end serait placé dans un établissement éducatif à chaque fin de semaine
- - peine principale de placement sous surveillance électronique (qui est actuellement un aménagement d'une peine de prison)
- - peine d'emprisonnement de fin de semaine (incarcération pendant 4 week-ends successifs)
- - peine de confiscation de certains biens du mineur, même sans rapport avec l'infraction (ça apprendra aux parents à leur offrir une Wii, un scooter ou un lecteur DVD )
Une nouveauté technique : la Commission propose que le cumul des peines et des sanctions éducatives puisse être explicitement autorisé.
Comment juger les mineurs ?
La question de la temporalité s'est à nouveau posée à la Commission qui, tout en souhaitant rapprocher le temps de l'infraction et le temps du jugement, pose comme condition préalable la connaissance de la personnalité du mineur.
Cette exigence existe dans le droit positif, l'article 8 de l'ordonnance de 45 prévoyant l'obligation de diligenter une enquête sociale et un expertise psychologique.
Faute de moyens et compte tenu des pressions toujours plus grandes pour un jugement rapide des mineurs, ces exigences sont peu respectées et on oscille souvent entre des investigations poussées pour les situations les plus inquiétantes et de brefs rapports (voire une simple notice de renseignements) pour les mineurs plus "rassurants".
La Commission recommande que des éléments de personnalité soient recueillis dès le stade de l'enquête par les services de police ou de gendarmerie, puis que la première saisine du juge des enfants donne systématiquement lieu à une évaluation approfondie, sous la forme d'une mesure d'investigation dont la durée serait limitée à 3 mois renouvelable.
Un dossier unique de personnalité (inspiré de ce qui se fait dans certaines juridictions) serait ensuite alimenté par tous les rapports concernant le mineur et utilisé pour toute procédure ultérieure.
La présence obligatoire des services éducatifs à l'audience permettrait enfin une discussion contradictoire des éléments apportés.
La question de la connaissance de la personnalité du mineur étant réglée, place à une nouvelle procédure en matière délictuelle. La Commission recommande la généralisation de la procédure officieuse, devenue instruction simplifiée, enfermée dans un délai de six mois renouvelable, sans formalisme sauf pour certains actes (en réalité, presque tous les actes).
La procédure est donc définitivement détachée de la procédure d'instruction sur laquelle elle était calquée, y compris dans ses aspects les moins adaptés à la justice des mineurs (délai de 3 mois prévu par l'article 175 du CPP par exemple).
Toute décision de renvoi devant une juridiction donnerait en revanche lieu à une ordonnance notifiée aux parties.
la Commission reprend partiellement l'idée soutenue par l'Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille d'une possible césure du procès pénal en proposant que le juge puisse, dès la première audience, lorsque les faits sont reconnus, statuer sur la culpabilité et les intérêts civils, et mettre en oeuvre une mesure probatoire ou d'investigation pour statuer plus tard sur la sanction.
Enfin, la Commission multiplie les possibilités de saisine directe des juridictions de jugement, jusque là exceptionnelles. Elle considère que dès lors qu'une première procédure avec mesure d'investigation et ouverture d'un dossier de personnalité permet de connaître le mineur, la phase d'instruction n'est pas nécessaire dans bon nombre de cas et peut être "économisée" dans un objectif de célérité.
Le parquet pourrait ainsi délivrer des convocations par officier de police judiciaire devant toutes les formations de jugement. Et il va y en avoir...
Quelles juridictions pour juger les mineurs ?
Un mineur peut actuellement être jugé par diverses juridictions :
- - contraventions des quatre premières classes : juge de proximité
- - contraventions de cinquième classe et délits : juge des enfants en chambre du conseil ou Tribunal pour Enfants (un juge des enfants et deux assesseurs non professionnels)
- - crimes : tribunal pour enfants statuant en matière criminelle (auteur âgé de moins de 16 ans lors des faits) ou Cour d'assises des mineurs.
La commission propose que le mineur relevant à la fois du TPE criminel et de la Cour d'Assises des mineurs pour des même faits commis sur une longue période avant et après ses 16 ans (hypothèses principales : viols intrafamiliaux ou braquages en série) soit jugé uniquement par la Cour d'assises des mineurs, ce qui éviterait deux procès pour de mêmes faits.
Expliquant sa démarche par une volonté d'instaurer une gradation non seulement dans les sanctions prononcées mais aussi dans les juridictions devant lesquelles le mineur comparaît, la Commission propose la création de deux nouvelles juridictions, en redéfinissant celles existantes.
Le nouvel arsenal comprendrait (outre le juge de proximité qui conserverait sa compétence) :
- - le juge des mineurs statuant en chambre du conseil (qui pourrait prononcer des sanctions éducatives)
- - le tribunal des mineurs statuant à juge unique (qui pourrait prononcer des peines), siégeant dans une salle d'audience en présence du Procureur pour les infractions faisant encourir jusqu'à 5 ans d'emprisonnement, sauf si le mineur est détenu ou en récidive, avec renvoi de droit devant le juridiction collégiale si le mineur le sollicite
- - le tribunal des mineurs (dans sa composition actuelle) pour les infractions faisant encourir plus de 5 ans, les mineurs en récidive et les mineurs comparaissant détenus, outre les hypothèses de renvoi par le tribunal des mineurs statuant à juge unique
- - le tribunal correctionnel pour mineurs (composé d'au moins un juge des mineurs sur trois magistrats), saisi par le juge des mineurs ou le juge d'instruction (la saisine serait donc facultative), pour juger les mineurs poursuivis avec des majeurs, les mineurs devenus majeurs au moment du jugement, les mineurs de 16 à 18 en état de "nouvelle récidive" et les jeunes majeurs pour les faits commis entre 18 et 19 ans.
L'idée générale semble être d'assurer, par une solennité de plus en plus grande, une progressivité dans le traitement de la délinquance des mineurs.
On peut noter que le tribunal pour mineurs à juge unique est explicitement conçu pour empiéter sur le nombre de jugements en chambre du conseil, en favorisant la présence du ministère public, et très inspiré de la distinction juge unique/collégiale déjà prévue (et dénoncée par l'expression "juge unique, juge inique) pour les majeurs.
Le tribunal correctionnel pour mineurs n'a pas fait consensus au sein de la Commission, puisque cette proposition a été adoptée à une voix près. Il est quant à lui manifestement très inspiré de la Cour d'assises des mineurs (notamment quant aux seuils d'âge et à la possibilité de juger ainsi en une seule audience mineurs et majeurs impliqués dans une même procédure).
La place (et le contrôle ?) du Parquet est en tout cas très revalorisée dans le processus judiciaire, par la possibilité de saisines directes et de présence accrue aux audiences
L'exécution des décisions relatives aux mineurs
La commission a été studieuse et n'a pas manqué de lire le très instructif rapport parlementaire sur l'exécution des décisions pénales relatives aux mineurs. Elle s'est donc intéressée à l'effectivité et la rapidité d'exécution des décisions.
Dans ce domaine, elle propose ainsi :
- - le maintien de l'exécution provisoire
- - la généralisation des bureaux d'exécution des peines
- - la création d'un mandat de placement délivré au Directeur Départemental de la Protection Judiciaire de la Jeunesse aux fins de procéder sans délai au placement d'un mineur (comme ça le juge ne pourra pas s'opposer à une lieu de placement qu'il juge inapproprié...), ce qui suppose l'effectivité de possibilités d'accueil immédiat dans le dispositif local
- - la création d'un cadre juridique pour la prise en charge des mineurs en fugue, en permettant au service de police ou de gendarmerie qui le découvre de le retenir jusqu'à l'arrivée d'un représentant du lieu de placement
- - la création d'internats scolaire
- - la mise en place de nouvelles possibilités d'accueil sur de courtes périodes de mineurs présentant des troubles psychiatriques
- - l'inscription de toutes les sanctions éducatives au bulletin n° 1 du casier judiciaire
En ce qui concerne l'application des peines, la Commission n'est pas en reste des frénésies actuelles d'aménagement de peines.
Elle préconise une obligation d'aménagement des peines dont le reliquat est inférieur à un an (et aux deux tiers de la peine quand le reliquat est supérieur à un an).
Certains de ses membres ont fait remarquer que, alors que la décision d'incarcération apparaît comme un ultime recours, l'obligation d'aménagement (à laquelle il peut être dérogé par ordonnance motivée) peut sembler paradoxale.
Consciente des réalités, la Commission préconise l'attribution de moyens financiers supplémentaires pour renforcer les structures nécessaires à ces prises en charges (places de semi liberté, placement à l'extérieur etc...)
Et les parents dans tout ça ?
La Commission affirme à plusieurs reprises un objectif de plus grande implication des parents, qui devront être systématiquement convoqués (avec possibilité de jugement contradictoire à signifier et non plus par défaut s'ils ne comparaissent pas) et dont le rôle serait revalorisé par la remise judiciaire à gardien nouvelle formule.
Elle préconise également qu'ils soient mieux informés de la procédure par une plaquette qui leur serait distribuée.
Enfin, l'amende civile qui peut être prononcée en cas de non comparution des parents (et qui ne l'est jamais) pourrait être remplacée par une infraction spécifique, sanctionnée notamment par une stage de parentalité.
Ma victime, où est ma victime ?
Elle est là , évidemment.
Dans les mesures d'amélioration du traitement des victimes, la Commission propose la distribution d'un livret d'information et de meilleures conditions d'accueil, avec des permanences au sein des barreaux.
Dans la catégorie "schmilblick", elle prône le développement de la justice restaurative à tous les stades de la procédure, en prévoyant que tout suivi éducatif implique un travail sur la place de la victime et les conséquences de l'acte commis sur elle
Dans les mesures techniques (sans doute les plus utiles) figurent : l'obligation des civilement responsables de fournir les références de leur assureur, l'obligation pour les assureur des civilement responsables de proposer dans un délai préfix une indemnisation aux victimes et le maintien de la possibilité de saisir la CIVI pour les faits commis par les mineurs de moins de 12 ans
Plus vite, plus vite
La Commission pose, tout au long de son rapport, un objectif d' accélération raisonnée de la réponse pénale.
Elle y incite par des dispositions techniques de raccourcissement des procédures (saisine directe des juridictions, dossier unique de personnalité) mais surtout par l'instauration de multiples délais.
Elle constate en effet que les juges des enfants, tenus par des délais stricts en matières d'assistance éducative, sont tentés de jouer sur les délais au pénal pour ne pas crouler sous la charge. La solution est donc de leur fixer également des délais stricts en matière pénale (trois mois pour audience une requête, révision de toutes les situations tous les six mois, délai plus bref pour les mesures d'investigation).
Alors, raisonnable ou innovant ?
Quoi que l'on en pense sur le fond, la Commission a fait un travail assez dense, en soulevant des points qui posent de vraies questions. Les praticiens (qui ne seront sans doute pas tous d'accord) doivent prendre le temps de l'analyser.
Lucide, la Commission écrit d'ailleurs dans sa conclusion : Sans doute, les propositions pourront apparaître timorées à ceux qui attendaient une sorte de grand soir d'un alignement, pourtant impossible, avec la justice des majeurs pour les 16 à 18 ans. Dans le même temps, elles seront certainement jugées inacceptables par ceux qui considèrent toujours qu'il y a une totale incompatibilité entre sanction et éducation.
A première vue, et n'ayant fait qu'un travail de "dépiautage" pour vous fournir rapidement les éléments factuels du débat, je serais tentée de dire :
Bravo aux propositions suivantes :
- - le dossier unique de personnalité
- - un code unique et réécrit, où on trouve toutes les dispositions applicables au mineur sans naviguer sans cesse de l'ordonnance au code de procédure pénal en gardant un oeil sur le code pénal
- - l'affirmation explicite de la spécificité du droit pénal des mineurs et des juridictions pour mineurs
- - le maintien affirmé de la double compétence civil/pénal
- - la clarification et le regroupement des mesures éducatives
- - la création d'une nouvelle mesure d'investigation approfondie mais dans un délai plus rapide
- - la possibilité de césure de la procédure (qui permet de traiter rapidement les demandes des victimes et de laisser au mineur de temps d'évoluer)
- - la réforme de la procédure d'instruction
Résolument non à :
- - la multiplication des juridictions de jugement (il n'y a qu'à prévoir une bonne fois pour toutes la présence du Parquet en chambre du conseil et basta)
- - la création du tribunal correctionnel pour mineurs (méprisant pour les assesseurs du TPE et peu respectueux du principe de spécialisation, sans parler de l'usine à gaz en juridiction)
- - la possibilité d'incarcérer des mineurs, même criminels, dès 12 ans
- - la peine d'incarcération ou de placement de fin de semaine
Une certaine réserve sur :
- - la déjudiciarisation de la première infraction pénale ("déjudiciariser" et "pénal", ça ne va vraiment pas ensemble)
- - l'avertissement final
- - la multiplication de délais que l'état actuel des cabinets des juges des enfants ne permettra pas de tenir, sauf à faire de l'abattage
- - l'obligation d'aménagement de peine ("Jordan, je viens de révoquer ton sursis avec mise à l'épreuve parce que tu ne respectais pas tes obligations, je vais maintenant t'accorder un placement extérieur. Mais attention, hein, tu vas avoir des obligations à respecter...")
Et les sous ?
C'est toujours la grande question quand on parle de réforme.
La Commission, dans son rapport, n'envisage la question que dans deux propositions : l'affectation pour chaque juge des enfants de deux fonctionnaires et l'allocation des moyens nécessaires pour les structures permettant les aménagements de peines.
Elle fait preuve en conclusion d'une honnêteté désarmante : On ne peut nier que, parce que la commission était composée de nombreux professionnels, ses débats ont parfois été animés voire pollués par la question des moyens. Il en a été ainsi chaque fois qu'une innovation proposée paraissait, au moins sur le plan des principes, conduire à ce que les moyens attribués à la justice pénale des mineurs et particulièrement à l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse soit renforcés. La commission n'a pour autant jamais ignoré les problèmes de rationalité budgétaire. Chaque proposition a été expertisée du point de vue de sa faisabilité y compris en termes de postes indispensables. Il faut notamment souligner qu'une plus grande maitrise du temps éducatif, en substituant à un temps long souvent peu productif un temps plus court mais avec un suivi plus intensif, n'induit pas forcément des moyens supplémentaires. Il reste cependant à indiquer, avec toute la réserve qui s'impose à notre commission qu'il n'est pas contestable qu'une réforme totalement réussie, puisqu'elle est avant tout fondée sur la célérité, implique que ceux qui doivent la mettre en œuvre soient plus nombreux.
Et maintenant ?
On attend.
Dans un communiqué, la Garde des Sceaux (que mille rayons de soleil éclairent sa prochaine inauguration de CEF) a rappelé ne pas avoir encore reçu le rapport et souligné qu'aucune décision n'avait donc encore été prise sur les suites qui seront données à chacune des recommandations qu'il contient.
Mais au moins vous, vous savez ce qu'il y a dans le rapport[2].
Commentaires
1. Le mardi 2 décembre 2008 à 04:03 par pollicarpe
2. Le mardi 2 décembre 2008 à 06:10 par Ancilevien
3. Le mardi 2 décembre 2008 à 08:30 par Jeune étudiant en droit
4. Le mardi 2 décembre 2008 à 10:06 par Cédric Darval de Bayen
5. Le mardi 2 décembre 2008 à 10:16 par jean philippe
6. Le mardi 2 décembre 2008 à 10:19 par Constantin
7. Le mardi 2 décembre 2008 à 10:27 par Charp
8. Le mardi 2 décembre 2008 à 10:46 par Youkoulélé
9. Le mardi 2 décembre 2008 à 11:19 par Tache d'Huile
10. Le mardi 2 décembre 2008 à 11:37 par Phi
11. Le mardi 2 décembre 2008 à 11:42 par Lazarre
12. Le mardi 2 décembre 2008 à 12:00 par Citoyen mitoyen
13. Le mardi 2 décembre 2008 à 12:00 par Ferdi
14. Le mardi 2 décembre 2008 à 12:18 par benver
15. Le mardi 2 décembre 2008 à 12:33 par Rachid
16. Le mardi 2 décembre 2008 à 12:36 par villiv
17. Le mardi 2 décembre 2008 à 13:04 par Voltaire
18. Le mardi 2 décembre 2008 à 13:18 par FuMaNchU
19. Le mardi 2 décembre 2008 à 13:21 par Bernard
20. Le mardi 2 décembre 2008 à 14:00 par ASHM
21. Le mardi 2 décembre 2008 à 15:01 par Cédric Darval de Bayen
22. Le mardi 2 décembre 2008 à 15:14 par STA
23. Le mardi 2 décembre 2008 à 15:47 par L'Enkostik
24. Le mardi 2 décembre 2008 à 16:34 par mussipont
25. Le mardi 2 décembre 2008 à 17:34 par L'Enkostik
26. Le mardi 2 décembre 2008 à 18:13 par hatonjan
27. Le mardi 2 décembre 2008 à 18:14 par justice
28. Le mardi 2 décembre 2008 à 18:16 par mussipont
29. Le mardi 2 décembre 2008 à 21:31 par Charp
30. Le mardi 2 décembre 2008 à 23:07 par siarres
31. Le mardi 2 décembre 2008 à 23:18 par KJI
32. Le mercredi 3 décembre 2008 à 00:01 par Axonn
33. Le mercredi 3 décembre 2008 à 10:22 par DUVAL UZAN
34. Le mercredi 3 décembre 2008 à 14:00 par jijin
35. Le mercredi 3 décembre 2008 à 14:13 par étudiante en droit
36. Le mercredi 3 décembre 2008 à 15:39 par Youkoulélé
37. Le mercredi 3 décembre 2008 à 17:21 par M
38. Le mercredi 3 décembre 2008 à 22:39 par mourkos
39. Le jeudi 4 décembre 2008 à 18:13 par Marcel
40. Le samedi 6 décembre 2008 à 14:23 par Minerva
41. Le dimanche 7 décembre 2008 à 22:22 par maman ariel
42. Le lundi 8 décembre 2008 à 18:45 par RSSA