Point de vue d'une petite main
Par Eolas le jeudi 23 octobre 2008 à 06:11 :: Magistrats en colère :: Lien permanent
Par Sharl Dalauz, assistant de justice
Assistant de justice au sein du parquet d'un tribunal de taille relativement conséquente (considérant que cette juridiction est devenue un pôle de l'instruction, qu'elle compte une dizaine de parquetiers et qu'elle va bientôt subir une augmentation d'activité consécutive à la réforme de la carte judiciaire), je suis attaché au service du Substitut du Procureur de la République en charge des mineurs.
En fonction depuis deux ans et demi, j'ai assisté à la grande valse des magistrats, ceux qui nous quittent et ceux qui les remplacent, rencontrant en grande majorité des gens formidables. Je tiens d'ailleurs à profiter de cette tribune pour faire une véritable déclaration d'amour mêlée d'admiration aux parquetiers avec lesquels je travaille.
Je fais partie d'une équipe composée de substituts dynamiques dont la moyenne d'âge est approximativement d'une trentaine d'années. Il s'agit d'individus faisant preuve d'un grand professionnalisme et dotés, pour ceux que je connais, d'une éthique sans failles. En dépit de la masse décourageante de dossiers à traiter et de l'urgence perpétuelle dans laquelle ils œuvrent, ils prennent le temps nécessaire pour peser leurs choix et prendre la bonne décision. Ils suivent chaque cas avec soins, coordonnent l'action des enquêteurs en même temps qu'ils rendent des comptes à leur hiérarchie. Mes substituts sont courageux.
Que celui qui n'a jamais passé une journée dans le bureau jouxtant celui du substitut de permanence ne prétende pas avoir une idée de l'intensité de leur mission. La sonnerie du téléphone retentit sans interruption toute la journée durant, sans compter celle du portable réservé aux cas d'urgence qui vient souvent, et parfois même lorsqu'il n'y a pas urgence, se greffer sur la première pour former une mélodie assourdissante et épuisante. Les heures passées au bout du fil par un parquetier en 24 heures feraient pâlir de jalousie toute adolescente qui se respecte. La permanence, c'est une semaine, jour et nuit, quand vous déjeunez, quand vous dormez, mais aussi pendant que vous gérez vos dossiers. (car la pile de courrier ne se fige pas par magie pendant cette période) Et dire qu'ils sont encore courtois avec leur 46 ème interlocuteur... si si je vous assure je les observe et les écoute!
Je pense que le mythe du fonctionnaire plus occupé à compter ses heures de travail qu'à les accomplir n'est pas applicable aux magistrats. Le magistrat sait précisément l'heure à laquelle commence une audience mais un peu moins celle à laquelle elle se terminera. Cette considération en entraîne une autre, celle de la vie de famille. Ce métier demande une disponibilité et une flexibilité importantes et il faut savoir qui ira chercher le marmot à la crèche en cas d'imprévus.
Les exemples de ce type sont nombreux. Je me fais le défenseur de « mes magistrats » car ce sont des gens biens qui ont pris le temps, au milieu de ce tumulte quotidien, de m'apprendre beaucoup de choses qui me seront précieuses. Aujourd'hui, leur indépendance est menacée et la garantie de pouvoir exercer leurs fonctions correctement n'est plus assurée. Je ne ferai pas le procès de la personne (la nommer serait lui faire honneur) qui a mis le feu aux poudres mais je n'en pense pas moins et cette mobilisation générale constitue la plus belle des sanctions.
Le rassemblement qui aura lieu demain sera beau et il a demandé une nouvelle fois des efforts. « Mes magistrats » ont pris sur le temps pour sonner la révolte et tenter de faire passer le message en sollicitant les médias locaux, afin de relayer leur message. Ils aiment ce qu'ils font et sont prêts à se défendre pour continuer à le faire du mieux qu'ils peuvent. Ils ne se laissent pas gagner par le découragement et n'attendent plus depuis bien longtemps des remerciements. Ils accomplissent simplement leur tâche.
Je n'ai témoigné qu'en faveur du parquet car je ne peux pas parler de ce que je ne connais pas. J'apporte également tout mon soutien à tous les autres corps. Je pense toutefois que la cause est commune dans ces moments-là, sans distinction.
Pour ceux qui pourraient penser que le jeune assistant que je suis est trop passionné pour être objectif, caressant certainement le doux rêve de devenir un grand Procureur de la République, je puis vous affirmer que vous vous trompez. Je ne serai pas magistrat, ce n'est pas ma voie. Je respecte leur travail mais ce ne sera pas le mien. J'ai simplement donné un avis sur des gens que je côtoie et que je respecte.
Commentaires
1. Le jeudi 23 octobre 2008 à 09:35 par Gascogne
2. Le jeudi 23 octobre 2008 à 09:44 par Calinoux
3. Le jeudi 23 octobre 2008 à 20:02 par hatonjan
4. Le vendredi 24 octobre 2008 à 12:18 par Alain