Les juges et les médias
Par Eolas le jeudi 23 octobre 2008 à 06:02 :: Magistrats en colère :: Lien permanent
''Par une juge d'instance, qui précise qu'elle ne viendra pas lire les commentaires, « le contexte actuel est suffisamment fragilisant pour ne pas m'exposer en vain », dit-elle. Qu'un magistrat dise ça est terrible.''
Des juges ayant travaillé des années,
Se trouvèrent fort dépourvus
Quand une ministre fut promue.
Plus une seule réforme claire,
Réfléchie et cohérente.
Ils allèrent s'en émouvoir,
Auprès de leurs syndicats,
Les priant de s'offusquer,
Militer et informer
En se servant des médias.
Les médias sont peu curieuses,
C'est la leur moindre défaut.
"Quelle langue aride parlez-vous?"
Dirent-elles à ces démarcheurs.
"Nuit et jour, nous parlons droit
Et Justice, ne vous déplaise".
"La Justice, cette utopie,
Chantez là seuls maintenant".
D'après "La cigale et la fourmi" de Jean de la Fontaine.
Une mauvaise parodie pour un mauvais procès : les magistrats en colère sont souvent moqués et rapidement oubliés.
Après tout, a-t-on le droit de se plaindre quand on est fonctionnaire ? Les magistrats croient-ils avoir les plus mauvaises conditions de travail parmi les Français ?
Cela dit, dans quelle entreprise est-on obligé d'attendre une augmentation budgétaire pour se chauffer en hiver ? Dans quelle entreprise envisage-t-on parfois de demander aux clients d'apporter leur ramette de papier et leur stylo B billes pour pouvoir travailler ? Dans quelle entreprise doit-on faire face B une charge de travail infiniment lourde moralement tout en subissant des injonctions contradictoires incessantes ("incarcérez/libérez"; "faites du chiffre/économisez"...) sans pouvoir porter plainte pour harcèlement moral ?
Et si le problème ne résidait que dans un manque de moyens humains et financiers...
Mais être magistrat aujourd'hui, c'est constater chaque jour :
- l'insécurité juridique liée B des réformes incessantes, hâtives et mal réfléchies ;
- la menace qui pèse sur les libertés publiques avec la multiplication des tentatives de reprise en mains de la magistrature (réforme de l'Ecole nationale de la magistrature, convocations de magistrats en dehors de toute procédure...), les mécanismes visant à déresponsabiliser l'individu au profit d'automatismes dangereux (peines plancher)... ;
- le désengagement de l'Etat du tissu social, avec le transfert aux départements des responsabilités autrefois dévolues aux juges des enfants (maltraitance des mineurs) et aux juges de tutelles (mesures de protection civile des personnes fragilisées par leur parcours personnel ou la situation économique)... sans les moyens financiers et humains indispensables...
L'état des prisons est un scandale mais aucun objectif ambitieux n'est politiquement poursuivi. Combien de Français ont entendu parler du numerus clausus en dépit de l'action du collectif "Trop, c'est trop"?
C'est drôle de lire des magistrats qu'ils sont soit complètement grégaires soit furieusement individualistes. C'est assez incompatible quand on prend le temps d'y réfléchir.
En fait, les magistrats sont surtout prisonniers de leur devoir de réserve et de leur interdiction de se mettre en grève.
De surcroît, leurs syndicats n'ont aucune couverture médiatique même quand ils multiplient les communiqués de presse. Est-ce un manque d'incarnation personnelle ? Les médias aiment mettre en avant des personnalités. Dans la magistrature, elles sont statutairement obligées de se cacher...
C'est pourquoi nous avons besoin du soutien des médias et de la population.
Commentaires
1. Le jeudi 23 octobre 2008 à 07:47 par utodeb
2. Le jeudi 23 octobre 2008 à 08:35 par Thierry
3. Le jeudi 23 octobre 2008 à 13:34 par LDiCesare
4. Le samedi 25 octobre 2008 à 03:25 par Vox Populi