«Les juges sont le dernier maillon de la chaine sociale.…»
Par Eolas le jeudi 23 octobre 2008 à 05:03 :: Magistrats en colère :: Lien permanent
Par Antigone, magistrat
Les juges sont le dernier maillon de la chaîne sociale.
C'est lorsque tout et tout le monde a échoué en amont qu'ils sont saisis: quand le couple craque, quand la famille n'élève plus, quand l'école ne transmet plus rien, quand les services sociaux perdent pied, quand la médecine a fait une erreur, grave, quand l'employeur exploite, quand le salarié triche, quand l'handicapé est maltraité, quand la grand-mère est dépouillée, quand l'immigré est refoulé, quand la femme est battue, quand le père est privé de ses enfants, quand le prisonnier est desespéré, quand les libertés fondamentales sont bafouées.
C'est quand tout fout le camp, et c'est le rôle de la justice de tenter de répondre à ces maux, d'écouter les souffrances et les révoltes, de mesurer les conflits, de discerner les responsabilités, pour tenter d'apporter une réponse juste, adaptée, motivée, compréhensible. Pas pour tout régler, pas pour compenser les insuffisances ou les absolues carences des autres acteurs sociaux, politiques ou institutionnels.
C'est un métier exigeant et ingrat, un métier discrédité parce que terriblement mal connu, c'est un métier où, comme chez les médecins, les profs ou les avocats, les personnalités ne sont pas toujours à la hauteur des attentes, les compétences à la mesures des enjeux, les décisions justifiées. Les juges ont leurs insuffisances, ils sont perfectibles, ils le savent, et aspirent à la collégialité pour apprendre et discerner, à la formation pour comprendre et acquérir, à la mobilité pour s'ouvrir et se renouveler.
C'est un métier passionnant, qui bouscule, dérange et peut faire grandir, qui exige à la fois humilité et dynamisme, sérenité et détermination, écoute et autorité. C'est un métier où l'autre est essentiel, argile imprévisible et vulnérable, ou roc inatteignable. C'est un métier que j'aime pour toutes ces raisons.
Et c'est pour toutes ces raisons que je serai mobilisée le 23 octobre. Pour dire que la justice mérite mieux, beaucoup mieux. Que pour l'améliorer, il ne faut pas une gouvernance fondée sur le mépris et la démagogie, l'ignorance des causes et la désignation facile de boucs-émissaires. Pour dire que la justice a besoin de juges qualifiés, outillés, disponibles. Et respectés.
Pour dire aussi que rien ne changera tant que la politique restera au service du politique et le politique au service de son image.
Commentaires
1. Le jeudi 23 octobre 2008 à 10:58 par Thomas
2. Le samedi 25 octobre 2008 à 00:49 par Alceste
3. Le samedi 25 octobre 2008 à 19:57 par Le Papé