Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Facebook est-il un mouchard ?

L'art de prendre des notes est difficile, et je concède avoir une tendance à un débit élevé quand je m'exprime (les magistrats ont une capacité d'attention relativement réduite, surtout en fin d'audience, et il faut parfois faire passer un message en très peu de temps). La charmante journaliste du Post qui m'a interviewée au téléphone est donc toute pardonnée de n'avoir fait qu'une retranscription partielle de mes propos, surtout qu'elle a enduré avec le sourire mes sarcasmes sur son média.

Néanmoins, je dois à mes lecteurs une plus grande rigueur qu'aux siens, ceux-là ayant été nourris, tels de voraces Romulus, à la mamelle de l'exigence, tandis que les lecteurs du Post sont à l'abri de l'indigestion les sujets de fond étant abordés avec retenue.

Lepost.fr a donc sollicité mes lumières sur une affaire reprise par La Libre Belgique : dans deux affaires judiciaires jugées aux États-Unis, le procureur a tiré argument des pages Facebook des prévenus pour demander, et semble-t-il obtenir des peines plus lourdes. La journaliste du Post se demandait si cela serait légal en France. Ma réponse telle que retranscrite dans l'article, je le crains, ne rend pas hommage à la pédagogie dont j'ai tâché de faire montre :

“Oui.”

Je vais donc me permettre de développer un peu, ce qui évitera que mes éventuelles fulgurances intellectuelles ne soient à jamais perdues (ou à défaut de fulgurance, que mes erreurs soient redressées par un aréopage de lecteurs infiniment plus compétents que moi).

Les affaires en cause

Les deux affaires étaient les suivantes, d'après le récit qu'en fait la Libre Belgique : dans la première, Joshua Lipton, qui avait bu autre chose que du thé avant de conduire, a blessé une personne. Poursuivi pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, il a été condamné à deux ans fermes quand le procureur a exhibé une photo de lui hilare, prise à une soirée festive postérieure aux faits, où il était déguisé avec l'uniforme orange des prisonniers.

Dans la deuxième, Lara Buys était poursuivie pour homicide involontaire pour avoir causé, lors d'un accident, la mort du passager de sa voiture, elle même conduisant en état d'ivresse. Le procureur, qui pensait dans un premier temps demander du sursis, a découvert sur la page Facebook de l'intéressée une photo de celle-ci, une verre d'alcool à la main, plaisantant sur le sujet de la boisson, photo mise en ligne postérieurement aux faits.

À ma connaissance, cela n'est jamais arrivé en France, mais cela serait parfaitement possible.

Quel intérêt ?

L'enjeu d'une audience correctionnelle est double : d'abord établir la culpabilité du prévenu, qui très souvent ne fait pas de difficulté ; puis fixer la peine.

Pour fixer cette peine, la loi laisse le juge libre, lui donnant juste des instructions sur la fin recherchée. C'est l'article 132-24 du Code pénal :

Dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce une peine d'amende, elle détermine son montant en tenant compte également des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction.

La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions. (…)

Vous remarquerez que cette formule mêle sans ordre logique des éléments favorables au condamné (favoriser son insertion ou sa réinsertion) avec des éléments défavorables (protection de la société, prévention de l'itération voire la réitération del 'infraction). Cela est dû à des modifications subséquentes, la mention des intérêts de la victime ayant été rajoutée de manière saugrenue par un législateur ne sachant plus où déverser ses larmes (la peine ne regardant en rien la victime), et la prévention de la réitération par le même législateur ne sachant plus où écrire que la récidive ce n'est pas bien, de peur que ce détail ait échappé aux juges ces deux derniers siècles.

Juste un détail en passant, tout de même : cet ajout de la mention de la prévention de la réitération est due à la loi Clément du 12 décembre 2005. Or c'est précisément la prévention du risque de réitération qui a principalement motivé la détention provisoire dans l'affaire d'Outreau. Dormez en paix, tout va bien : le législateur s'occupe de tout.

Ha, et puisque je suis dans le législateur-bashing, une dernière : la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 (article 68) relative à la prévention de la délinquance avait ajouté à cet article un aliné ainsi rédigé :

« En matière correctionnelle, lorsque l'infraction est commise en état de récidive légale ou de réitération, la juridiction motive spécialement le choix de la nature, du quantum et du régime de la peine qu'elle prononce au regard des peines encourues. »

Cet alinéa a été abrogé par l'article 4 de la loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (dite loi sur les peines planchers). Je ne ferai pas l'injure de rappeler à mes lecteurs que s'il y a eu des élections générales dans l'intervalle, elles n'ont pas abouti à un changement de majorité politique. Vérité en mars, erreur en août. Nouvelle illustration de la politique de gribouille. Deux lois en cinq mois, pour faire un pas en avant, un pas en arrière, et ça compte pour deux réformes. Dormez en paix, tout va bien : le législateur s'occupe de tout.

Je m'égare, mais je ne voulais pas que Benoît Raphaël croie que j'en veux particulièrement à son site. J'en veux à tout le monde, je suis dans ma période Alceste.

Revenons en au sujet

Le débat sur la peine est donc un vrai débat, trop souvent escamoté de l'audience, alors qu'il peut être profondément juridique, en cas de casier garni, par exemple.

Dans des affaires graves de blessures involontaires voire homicide commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique (peines encourues : respectivement trois à sept ans et cinq à dix ans selon les circonstances), aucun obstacle légal n'empêche un procureur d'aller chercher des éléments rendus publics sur internet par le prévenu tendant à démontrer que la contrition dont il fait montre à la barre semble feinte et établir qu'il a continué à avoir une consommation alcoolique analogue à celle ayant provoqué l'accident jugé. Dès lors que n'importe qui y a accès, le procureur peut en faire état (même si, entendez-moi bien, le procureur n'est pas n'importe qui). Les seules conditions sont qu'il ait eu accès légalement à ces données, et qu'elles aient été communiquées à la défense en temps utile pour permettre le débat contradictoire.

J'ai fait ainsi état d'une affaire où je suis intervenu ou un prévenu a passé un mauvais quart d'heure quand le procureur a fait état d'un texte de rap publié sur le site du groupe auquel appartenait le prévenu où il menaçait de représailles la personne qu'il pensait être à l'origine de la dénonciation ayant abouti à sa présence en ces lieux. N'ayant pas assisté aux délibérés, je ne puis dire si cela a influé sur sa peine, mais j'ai ma petite idée, ayant cru remarquer que les juges avaient tendance à interpréter les menaces sur autrui comme un indice du chemin restant à parcourir avec l'amendement du condamné. Cet incident est passé totalement inaperçu, mais c'était une page perso horriblement[1] web 1.0, pas Facebook qui est tellement plus trendy. Pourtant, c'est la même chose, juste moins 2.0.

Procureur de la République wants to be your friend…

Donc, c'est possible. Est-ce que ça va devenir fréquent ? Non, je ne le pense pas. Facebook n'est pas si répandu que ça en France, et cela tient du phénomène de mode. C'est un site qui amuse les étudiants, les jeunes, et les candidats au bâtonnat, pas les prévenus habituels des audiences-pochtrons. Et parmi les utilisateurs, ceux qui publient en masse des détails sur leur vie privée et leurs sorties sont encore plus rares. Bref, ce serait du temps de perdu pour le parquet, qui a autre chose à faire, comme remplir de passionnants formulaires statistiques qui semblent mettre la Chancellerie en joie.

En conclusion, évitez de conduire après avoir bu, vous pourrez continuer à faire ce que vous voulez sur Facebook (sauf m'envoyer des invitations à des applications stupides, je les refuse toutes systématiquement).

Notes

[1] Sérieusement. À côté, la page d'Étienne Chouard, c'est du Vermeer.

La discussion continue ailleurs

1. Le mardi 29 juillet 2008, 10:58 par Ma petite parcelle d'Internet...

Changeons-nous les idées...

Cela fait près de trois semaines que ces histoires de faille DNS monopolisent la bande passante et le temps de cerveau disponible. Heureusement pour nous, le monde ne s'est pas pour autant arrêté de tourner...

Commentaires

1. Le mercredi 23 juillet 2008 à 17:58 par Raph

"sauf m'envoyer des invitations à des applications stupides, je les refuse toutes systématiquement"
Pourquoi ? Vous ne voulez pas savoir quel personnage Walt Disney vous correspond le mieux, quel alcool êtes vous ou quelle couleur correspond le mieux à votre caractère ?

N'oublions pas de préciser que n'importe quel employeur va vérifier sur google vos nom et prénom ainsi que sur facebook.

La solution existe : interdire votre profil aux inconnus et n'accepter que des personnes que vous connaissez...

2. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:03 par Audrey

Ben mince alors, vous vez donc un profil facebook? Je m'en vais de ce pas vous inviter à partager ma "friend list"!

Bon le résultat, c'est donc qu'il vaut mieux ne pas détailler sa vie privée sur facebook. Une personne sensée l'aurait deviné mais visiblement, à voir certains profils et certains groupes, le bon sens n'est pas la chose du monde la mieux partagée. Il semblerait maintenant que les employeurs se documentent sur la vie privée des candidats à l'embauche via facebook. Est ce permis? Un candidat refoulé pourra-t-il exercer un recours parce que sa vie privée aura déplue à l'employeur?

3. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:05 par Le T

Mouchard, certainement pas, ce n'est ni le procureur qui force les prévenus à poster des photos de leurs beuveries, ni Facebook qui va retransmettre par l'initiative de ses responsables ces documents aux services du proc'.

Recueil d'informations consultables, oui, mais là encore, que ce soit dans cette situation ou pour des entretiens d'embauche ou autre, un filtre sur les informations personnelles, c'est quand même le B A BA (ou un pseudonyme, mais vous êtes bien placé pour le savoir)

4. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:07 par Damien B

"sauf m'envoyer des invitations à des applications stupides, je les refuse toutes systématiquement"

Technique ma foi pas très optimale, il vaut mieux aller deux clics plus loin et bloquer définitivement l'application.

5. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:10 par Le T

@2
1.C'est interdit par le Code du travail, un employeur n'a pas le droit d'aller sur Internet, c'est à peine s'il a le droit de lire les CV qui lui est envoyé.
2.Un candidat pourra bien sûr faire un recours pour Facebookskrimination, si l'employeur ou le recruteur trouve ça bien d'envoyer des lettres au candidat non retenu en leur disant que c'est à cause de leur profil Facebook qu'il n'a pas eu le poste.

6. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:15 par Vicnent

1/ non, ce n'est pas du Vermeer, c'est du word sauvé en html :
<html xmlns:v="urn:schemas-microsoft-com:vml"
xmlns:o="urn:schemas-microsoft-com:office:office"
xmlns:w="urn:schemas-microsoft-com:office:word"
xmlns="ht|tp://www.w3.org/TR/REC-html40">

2/ Quitte à refuser toute demande d'application sur Facebook, autant demander à Facebook de le faire pour soi. :-)

7. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:28 par Philippe Lestang

Peut-être ai-je lu trop rapidement, mais il me semble qu'un aspect de la question de principe est de savoir si la page en question sur Facebook est accessible à tous ou seulement à quelques amis. Le fait que l'accusation ait pu en faire état semble vouloir dire que ces pages étaient en accès libre. Mais s'il s'agit de pages accessibles seulement à quelques amis, est-ce sur ordre d'un juge que leur contenu a été connu? Vous voyez je pense quel problème j'essaie de poser.
Dit autrement: un juge peut-il ordonner la consultation d'une page qui n'est accessible normalement qu'à quelques amis?

8. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:36 par 1bR

J'ignorais que vous étiez sur Facebook, donc l'avocat de dos, c'est bien vous ? ? ?
Ou est ce un énorme Fake...?
Je vous ai Friend Request :)
Mais je risque de ne pas être le seul ;)

9. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:40 par oliv

Vous vous placez dans quelle catégorie, Maître ? L'étudiant, le jeune, ou le candidat au bâtonnat ?

10. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:44 par Lucca

Mais z'êtes une vrai vedette journalistique.
La semaine dernière un article de Charlie Hebdo évoquait le prix Burisis (sans préciser qui le décerne).
Hier, z'êtes interviouvé par Post.fr.
aujourd'hui, LibéLyon reprendre le billet "welcome back" de Dadouche et cite le post n°11 de Caton.

Seriez pas en train de devenir un bloggeurinfluent ???

Non, pas la tête, pas la tête, je sors de chez le coiffeur !

11. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:52 par Jiminy aliocha cricket

Ah ! (sourire radieux) Quel bonheur de vous voir ainsi compréhensif et magnanime vis à vis d'une journaliste. Dans mes bras Eolas, ce billet est parfait en la forme. La critique est légère. Le billet du blog complète et éclaire l'article de presse de manière parfaitement légitime. La pique contre le support est pertinente sans être brutale. Impeccable, rien à redire.

12. Le mercredi 23 juillet 2008 à 18:58 par Paralegal

Je ne saisis toujours pas ce qu'incluent exactement les "éléments rendus publics sur Internet" et auxquels "n'importe qui a accès", que l'accusation peut donc verser au débat.

Peut-on considérer que les éléments sont rendus publics alors qu'il est nécessaire de s'inscrire sur le site, ce qui est le cas si je ne m'abuse de FaceBook (oui, je ne suis ni CSP ++ ni djeune on dirait, donc pour ma part je n'accède pas à ces données) ?

Et comment établir que les propos ou éléments exposés sont bien imputables au prévenu s'il utilise un pseudo ? Il peut toujours nier en disant que c'est un sosie -pour les photos- ou un homonyme -pour les propos.

13. Le mercredi 23 juillet 2008 à 19:04 par Double Face

Votre "la mention des intérêts de la victime ayant été rajoutée de manière saugrenue par un législateur ne sachant plus où déverser ses larmes (la peine ne regardant en rien la victime)" est très provocateur. Il est très méprisant de croire que les droits de la victime devraient se limiter à des compensations financières. Les victimes sont très demandeuses de la reconnaissance de la culpabilité du prévenu. J'ai dit "reconnaissance de la culpabilité" ce n'est effectivement pas la peine. Mais la peine est souvent interprété comme un indice de gravité.

Pour proposer une peine, le procureur peut constater que le prévenu ne semble pas changer son comportement malgré sa comparution. En l'occurence, ce que dit le journal est différent: "Jay Sullivan a alors convaincu le juge que Joshua n'était qu'un fêtard sans remords qui s'amusait alors même que sa victime était encore à l'hôpital.". Son comportement était une provocation envers sa victime.

Concernant Facebook, c'est tout Internet qu'il faut incriminer. Internet est une base de données (peu structurée) de données nominatives. Et Internet n'a même pas obtenu d'autorisation de la CNIL.

Internet est un réseau de mouchards.

14. Le mercredi 23 juillet 2008 à 19:30 par Que la Justice soit forte et que la Force soit Juste

Ne peut on pas remettre en cause la loyauté du procédé...En effet, si un procureur s'inscrit sur Facebook pour avoir accès à ces données en se faisant passer pour un utilisateur lambda...le principe du procédé déloyal pourrait être invoqué en France...C'est un petit limite mais il me semble que cela peut être jouable non?

Eolas:
En quoi un procureur ne serait pas un utilisateur lambda ?

15. Le mercredi 23 juillet 2008 à 19:42 par Alceste

On attachait autrefois des draps ensemble pour s'échapper du troisième étage. On fabrique aujourd'hui des réseaux de mouchoirs pour attrapper les fêtards.
La technique avance, mais le système D perdure. Ca fait plaisir.

16. Le mercredi 23 juillet 2008 à 19:49 par Dadouche

@ Lucca
Je ne m'étendrai pas pour ne pas causer une crise de tachycardie à notre Aliocha, mais, s'agissant de l'article de Libélyon, "reprendre" n'est pas exactement le terme que j'aurais choisi.

17. Le mercredi 23 juillet 2008 à 20:43 par Que la Justice soit forte et que la Force soit Juste

@Maître Eolas

Il le peut...mais l'utilisation qu'il en fait est quand même sujette à polémique...Enfin, je viens de jeter un œil sur la charte de facebook et mon argument tombe à l'eau car l'accès aux données personnelles figurent dans les conditions générales d'adhésion et ce de façon très fine.

"Par ailleurs, le contrat passé avec les utilisateurs de Facebook[8] spécifie que toutes les données entrées sur le site (messages, éléments de profils, photos etc.) ont leurs droits concédés sous licence à Facebook qui a le droit de les utiliser pour ses publicités, de les revendre à des tiers, de les sous-licencier, etc., tant que ces informations sont laissées sur le site par lesdits utilisateurs. De plus Facebook se réserve le droit de les conserver archivées sans limite de durée."

"Elles la considèrent comme d'autant plus pernicieuse qu'elle se met en œuvre avec la parfaite collaboration des utilisateurs de Facebook, qui n'ont pas nécessairement conscience des dangers d'une telle concentration d'informations entre les mains d'une entreprise privée, de leur vente à d'autres entreprises[11], ou de leur mise à disposition aux autorités fédérales américaines à leur demande[12]. Il semblerait également que les employés de Facebook puissent avoir accès aux pages de tous les utilisateurs du service[13]."

Source: fr.wikipedia.org/wiki/Fac...

18. Le mercredi 23 juillet 2008 à 21:11 par verel

En conclusion, évitez de conduire après avoir bu,
Je ne suis pas juriste et je n'ai évidemment pas les qualités éminentes d'Eolas dans ce domaine
Mais je trouve assez satisfaisant de voir que ses explications juridiques aboutissent à cette conclusion, ma foi pleine de bon sens!

19. Le mercredi 23 juillet 2008 à 21:22 par Romain Vigier

Tout comme #7, je me pose la question suivante: les données publiées visibles uniquement à un nombre restreint de personnes (triées sur le volet, bien évidemment) peuvent-elles être utilisées par le juge?

À vous entendre, il semblerait que non: le juge étant un « utilisateur lambda » (et a priori ne faisant pas partie des heureux élus triés sur le volet), il n'aura pas accès à ces données (sauf si on les lui communiquait). Cependant, ni dans l'article publié sur Le Post, ni ici, ce point n'est soulevé.

Pourriez-vous, s'il vous plaît, éclairer ce recoin sombre de notre ignorance?

20. Le mercredi 23 juillet 2008 à 21:59 par henriparisien

@Philippe Lestang et Romain Vigier

Sans être juriste, je ne vois pas trop ce qui pourrait s'y opposer. Il me semble que dans le cadre d'une enquête pénale un journal intime lu sans le consentement de l'auteur, une conversation enregistrée à l'insu des participants peuvent être produite sans problème.
Alors des informations sur facebook....

21. Le mercredi 23 juillet 2008 à 22:12 par Petit Troll

Je change de pseudo (mais pas d'IP) le temps de dire une connerie.

A quand un Fesse-Bouc à la française? Chacun met les photos de ses fesses sur un site collaboratif Web 2.007, et raconte sa sexualité.

Par pitié, pas le Troll Detector, ça doit fait mal à l'ego.

22. Le mercredi 23 juillet 2008 à 22:14 par Double Face

La question du contrat est une bonne question. Ces contrats sont-ils valides ?
Je viens juste de m'inscrire sur Facebook (piètre concurrent de mon FesseBouc) sous un pseudonyme bidon. Le contrat comporte de nombreux textes additionnels accessibles sous forme de liens. Ces textes additionnels parfois en langue anglaise et font eux-même référence à d'autres textes via des liens. Je n'ai testé que l'existence d'un niveau 3 (lien de lien du contrat principal). Est-ce un vrai contrat ?
De plus Facebook utilise sans me prévenir l'execution de programme Javascript (donc sur mon ordinateur) provenant d'autres sites que le sien. Est-ce bien légal ?

Si ce contrat est illégal, un procureur peut probablement en tirer parti (?)

23. Le mercredi 23 juillet 2008 à 22:36 par Mussipont

Eolas, continuez à faire l'Alceste, cela vous réussit très bien, merci pour vos pépites d'humour, et particulièrement pour le dernier lien ! :)

24. Le mercredi 23 juillet 2008 à 22:46 par gc

@10 : et vous avez oublié l'évocation dans le Canard Enchaîné de l'affaire de la dénonciation par l'assistante sociale, parue il y a quelques semaines, en citant "nommément" « l'avocat Maître Eolas »

25. Le jeudi 24 juillet 2008 à 00:46 par Aude

Vous n'acceptez aucune application sur fessebook??? Vous avez tort, récemment j'ai fait un test "quelle connasse êtes-vous" et j'ai appris beaucoup de choses...dans le genre introspection, c'est 'achement moins cher qu'une psychanalyse!

Sinon, puisque le côté Alceste peut s'exprimer, je dois dire que le site de Chouard est encore plus moche qu'avant...mais y'a plus les mémentos pour apprendre à utiliser excel..c'est ballot c'était le seul intérêt du site^^

26. Le jeudi 24 juillet 2008 à 00:57 par XS

Pas mal tout cela.
On pourrait se demander si les "enquêtes de moeurs" ou autres "dossiers de RG" qui ont toujours été faits, sont légaux. Si oui, depuis 1978, la CNIL devrait suivre tout cela, et garantir un droit d'accès.

@2,@5
Normalement les recruteurs doivent aussi s'interdire de contacter l'employeur précédent (ou actuel!) d'un candidat pour lui demander son avis. En effet, ils ne sont pas concernés par le contrat de travail entre ce salarié et son actuel ou ancien employeur. Pourtant une chasseuse de têtes m'a confirmé que c'était une pratique courante (entre services DRH et "chasseurs") .

Je ne pense pas que ce type de comportement ait jamais été poursuivi. Il serait de toute façon difficile à prouver.

27. Le jeudi 24 juillet 2008 à 01:10 par juge de TGI

J'ai eu à me poser récemment la question existentielle suivante, au sujet de Facebook.
Un avocat de mes amis, exerçant dans le ressort de mon TGI, avec lequel j'ai habitude de boire un verre, voire plusieurs (comme ce soir, vu l'heure, hips!), me demande de l'accepter comme ami sur Facebook.
La ville, sans être petite, n'est pas non plus immense. Je refuse et l'en informe à la machine à café le jour d'après.
Un peu parano peut-être, je m'interroge sur la possibilité de récuser un juge ayant accepté comme "ami" sur Facebook l'avocat d'une des parties...

28. Le jeudi 24 juillet 2008 à 01:41 par bud

"syntax error"
2 fois : empire vs emprise

29. Le jeudi 24 juillet 2008 à 02:05 par Esurnir

@juge de TGI: L'honnêteté de l'avocat n'est pas vraiment a mettre en doute, celle de l'avocat qui s'opposera a lui et -pire- du justiciable qui découvrira ce fait (collusion entre mon/leur avocat et le juge) est moins probables. Je pense que vous lui avez faites une fleur en le refusant.

30. Le jeudi 24 juillet 2008 à 08:04 par Le_Pompiste

Le Janus en 13 a tout-à-fait raison : au-delà de Facebook, l'INTERNET dans son ensemble est un outil redoutable. Elu conseiller municipal de mon microscopique village, je figure comme tel (y compris mon adresse, mon téléphone est dans l'annuaire) dans les pages alimentées par la République. S'il ny a pas d'étiquette politique associée, je confesse avoir aussi signé quelques pétitions, qui permettent de cerner très précisément mes opinions.
Ma profession est facilement accessible aussi, via quelques publications, qui par leur date indiquent clairement mon âge. Si ma bobine vous intéresse, l'association (botanique...) à laquelle j'appartiens vous la montrera sans états d'âme (il n'est pas exclu que je sois porteur d'un verre non vide). La même chose est accessible pour le reste de ma famille, je suis cerné en quelques clics. Laissez donc tomber Facebook, vous êtes déjà à poil sans vous en douter.

31. Le jeudi 24 juillet 2008 à 08:16 par yellowrose

@27 Juge de TGI
Il me semble que de toute façon la probabilité que les avocats, juges, greffiers et procureurs se connaissent est forte, après tout soit ils ont été à l'école ensemble, soit ils se croisent au tribunal. Plus la vie sociale (voir "Boulevard du Palais", sinon les livres du Commissaire Maigret, ou les parties de bridge et dinners en ville sont de mise).
Ce n'est donc pas "un scoop" que de les voir "amis" dans le Facebook. Et de deux côtés de la barre au tribunal.

32. Le jeudi 24 juillet 2008 à 08:18 par yellowrose

@30 Le_Pompiste
Un élu est un homme (et rarement femme en France) public, par définition.

33. Le jeudi 24 juillet 2008 à 08:34 par Lulu

Boulevard du Palais? Cette série où une "collègue" très courtement vêtue fait à peu près tout et n'importe quoi sauf de l'instruction?

Yellowrose, je vous l'assure, ce n'est pas dans cette nouillerie que vous trouverez un aperçu réaliste de la vie professionnelle et personnelle des magistrats et avocats.

Quant à Simenon, écrivain immense, je lis et je relis toujours avec autant de plaisir "lettre à mon juge". Mais je lis ses romans et ses nouvelles pour leurs qualités littéraires, pas pour le descriptif du monde judiciaire qui a considérablement évolué, au point que je me reconnais peu ou pas du tout dans les descriptions de Simenon.

Au fait, je ne connais personne qui joue au bridge.

34. Le jeudi 24 juillet 2008 à 09:14 par Double Face

@Le_Pompiste
Quand on s'appelle Dupont ou Durand, on peut encore échapper à la collecte d'informations, mais quand on a un nom (ou un prénom) rare on peut être facilement traqué.
Il y a 1.500 pages avec mon nom que je ne partage qu'avec 60 personnes !!!

@juge de TGI: Etait-ce Maître Eolas ? Si oui, c'est ENORME !!!

35. Le jeudi 24 juillet 2008 à 09:16 par Guignolito

Si en France, le danger avec Facebook est moindre, je suppose que c'est aussi parce que les djeun'z (délinquants, ça va de soi) utilisent plutôt Skyblog.

Avez-vous connaissance d'une affaire où le procureur s'est servi du Skyblog du prévenu pour réclamer une peine plus lourde ?

Eolas:
Non, mais ça ne veut pas dire que ce ne soit jamais arrivé.

36. Le jeudi 24 juillet 2008 à 09:55 par Journaliste

Cher Maître Eolas,
Affirmer que l'article du Post n'a pas "rendu hommage" à la pédagogie dont vous avez fait preuve est à mon sens un peu exagéré. L'article reprend 7 questions qui vous ont été posées. Effectivement l'une de vos réponses est traduite par un simple oui. Mais ce oui est développé au fil des questions suivantes. Un journaliste doit, quand il apporte une nouvelle information, être le plus clair possible. Ce que je pense avoir fait ou du moins essayé de faire! En outre, les points essentiels de cette question abordés sur votre blog sont présents dans mon article! Néanmoins, je dois reconnaître que les spécialistes du droit apprécieront toutes vos précisions et citations du code pénal. Je vous souhaite une très bonne journée, et j'espère que l'occasion de vous interviewer à nouveau se présentera!
Cordialement
La journaliste du Post! (www.lepost.fr/article/200...

37. Le jeudi 24 juillet 2008 à 10:11 par Panacotta

@2 : même si ce n'était pas permis de consulter le profil Facebook d'un candidat, comment prouver que la décision de ne pas retenir ledit candidat est due aux informations que l'employeur aurait trouvé dans son profil ?

38. Le jeudi 24 juillet 2008 à 10:16 par aliocha

@journaliste : Chère consoeur, ne prenez pas la mouche, Eolas vous a traitée avec une délicatesse inhabituelle chez lui quand il évoque la presse, mais que voulez-vous, je crains qu'aucun journaliste ne trouve jamais totalement grâce aux yeux d'un juriste,
nous devons faire court, ils n'aiment que le long,
nous devons traduire, ils s'indignent contre cette "trahison",
nous devons vulgariser, ils n'y voient qu'imprécision,
nous devons allez vite, ils crient : "précipitation"!
nous devons rapporter des faits, ils répondent :"et la contradiction ?"

39. Le jeudi 24 juillet 2008 à 10:16 par Augustissime

"la peine ne regardant en rien la victime"
En voilà une belle absurdité.

Si l'on suit votre raisonnement et pour prendre un exemple, la brave Madame Jaurès qui a vu l'assassin de son mari acquitté en 1919 n'avait rien à y redire. Cela ne la regardait pas. Tout au plus pouvait-elle se plaindre d'avoir été condamnée aux dépens et de n'avoir pas reçu une indemnisation de Raoul Villain. Si elle a mal digéré la décision du tribunal, c'est donc qu'elle était vénale.

Eolas:
Non, si l'on suit mon raisonnement, on ne dit pas ça car on fait la différence entre la décision sur la culpabilité et la décision sur la peine (c'est pas comme si j'avais consacré un paragraphe de mon billet à la question, non plus…). Oui, la déclaration de culpabilité intéresse la victime, puisque c'est à cette condition qu'on est reconnu victime. Feu Mme veuve Jaurès avait toutes les raisons de se plaindre de cette décision. Mais Villain eût-il été condamné, feu Mme veuve Jaurès n'avait pas à exiger la guillotine plutôt que le bagne. C'est ça qui ne la regardait pas. L'a compris maintenant ? Du coup, le reste de votre commentaire est sans intérêt.


Certes la fonction de la justice n'est pas de venger les victimes, mais la sanction fait évidemment partie de la réparation du dommage. Si un milliardaire vous estropie volontairement, vous pouvez attendre de la justice non seulement qu'elle le condamne à vous verser un chèque, mais aussi qu'elle le sanctionne. Elle ne doit pas cette sanction seulement à la société, mais aussi à vous.

Pour le reste, vous oubliez qu'avoir un compte Facebook, et encore plus un Skyblog, constitue à l'évidence en soi une circonstance aggravante.

40. Le jeudi 24 juillet 2008 à 10:32 par clems

Mais ca sert a quoi facebook ? J'ai toujours rien compris à ce machin. C'est pour faire semblant d'avoir des amis ? Il faudra vraiment un jour m'expliquer en quoi c'est intéressant, important d'avoir un compte sur un réseau social.

41. Le jeudi 24 juillet 2008 à 10:35 par Thau

@Augustissime
Vous écrivez "Certes la fonction de la justice n'est pas de venger les victimes"
et "la sanction fait évidemment partie de la réparation du dommage" puis "Elle ne doit pas cette sanction seulement à la société, mais aussi à vous."
N'y-a-t'il pas une forme de contradiction dans vos propos ?

D'ailleurs, en quoi la sanction peut-elle faire partie de la réparation des dommages ?

42. Le jeudi 24 juillet 2008 à 10:39 par Thau

Heureusement que je n'ai pas découvert le site d'Etienne Chouard avant le 29 mai 2005, j'aurais surement voté oui.

@aliocha
Belle journée pour vous. Vous avez trouvé une alliée et Mussipont est revenu.

43. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:01 par Augustissime

@Eolas
Belle défense dont je déduis que vous estimez que Madame Jaurès aurait dû s'estimer satisfaite si Raoul Villain avait été condamné à 5 francs d'amende et à un sermon du juge ("Vilain Villain, c'est pas bien de tirer au revolver dans la nuque des gens").

Une victime est fondée à exiger une sanction appropriée, pas seulement à se voir reconnaître le statut de victime.

Eolas:
Belle défense qui oblige à prendre des arguments absurdes pour tenter de démontrer qu'elle est valable. En attendant, la partie civile peut faire appel d'un non lieu (art.187 du CPP, de mémoire), mais ne peut pas faire appel sur la peine. Damned ! Aurais-je raison ?

44. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:09 par Mussipont

Coucou Aliocha et Thau ! Nous en sommes déjà à 2 posts de la mémé-à-moustache, croyez vous que cela soit suffisant pour commencer à faire déraper les commentaires? ;)

45. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:14 par Appuleius

Je découvre le concept du facebooking dans un blog juridique... décidément passé 35 ans on est Has been !

46. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:14 par Double Face

@39 Eolas
Cette question mériterait un billet en soi.

47. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:27 par Paralegal

Eolas : "la déclaration de culpabilité intéresse la victime, puisque c'est à cette condition qu'on est reconnu victime"

Est-ce toujours vrai ou était-ce pour simplifier ? Qu'en est-il des infractions non intentionnelles, où par le jeu de la distinction entre faute pénale et faute civile, la seconde est susceptible d'être établie sans que la première le soit ?

Eolas:
C'est toujours vrai, puisqu'on distingue l'état de victime et le droit à réparation.

48. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:29 par Augustissime

@Thau
Demander une juste sanction, c'est tout simplement demander justice.

Est-ce une demande de vengeance ? Oui, si l'on considère que la demande de condamnation est mûe par la volonté d'infliger du mal en retour. Non, si l'on considère que la sanction fait partie de la remise en ordre de la société et du retour à la sérénité de la victime.

La distinction qu'introduit Eolas entre la reconnaissance de culpabilité et la peine est oiseuse. Le quantum de peine est tout aussi important pour que la victime se sente reconnue comme telle que la simple déclaration de culpabilité.

Eolas:
Je serais mauvaise langue, je verrais dans votre affirmation un argument d'autorité asséné sans autorité.

49. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:43 par aliocha

@mussipont : Tenez-vous tranquille facétieux ami, Augustissime ne fait pas sa mémé à moustache aujourd'hui en ce sens qu'il ne refuse pas de participer à une liesse bloguesque suscitée par Eolas, il alimente un débat avec des arguments intéressants. Il n'est donc pas temps de déraper à mon sens. Accessoirement, je vous signale qu'Eolas depuis l'affaire de la virginité-nullité fait preuve de la plus grande sévérité vis à vis des dérapages et que la sanction tombe désormais sans appel : fermeture du billet.
@thau : je vous laisse le soin d'expliquer à Mussipont que vous l'avez traité de mérou sous un autre billet, il se pourrait que votre camaraderie en prenne un coup (sourire fielleux) !

50. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:53 par tschok

Bonjour Eolas,

J'espère que la période Alceste est passée et que cela n'a pas été trop douloureux.

Sur le sujet:

"Les seules conditions sont qu'il ait eu accès légalement à ces données, et qu'elles aient été communiquées à la défense en temps utile pour permettre le débat contradictoire."

J'y rajouterais une condition de fond: pouvoir s'assurer que le prévenu est bien l'auteur des propos qui lui sont reprochés. Or, sur internet on peut pister un ordinateur, mais on n'est pas toujours certain de l'identité de la personne qui se trouve derrière le clavier.

A la limite du sujet:

"Le débat sur la peine est donc un vrai débat, trop souvent escamoté de l'audience, alors qu'il peut être profondément juridique, en cas de casier garni, par exemple."

Tout à fait.

Dans un procès pénal, il y a trois questions:

1- L'identité du prévenu: c'est le problème de l'identification de la personne, donc un travail de police judiciaire, essentiellement. Le rôle du casier judiciaire à Nantes et des antiques "sommiers", celui des plus ou moins modernes fichiers divers, en passant par les petites fiches perso des OPJ doivent ici être mis en avant.

Paradoxalement, la multiplication des fichiers rend plus complexe leur utilisation. La simple lecture d'un casier B1 devient parfois difficile quand elle se combine avec des identités approchantes et les mentions au STIC, notamment, qui peuvent apparaître dans le dossier, et qui ne sont pas nécessairement cohérentes.

Les nécessités du traitement en temps réel peuvent conduire le parquet à glisser dans un dossier un B1 sans plus de vérification que de compiler le nombre de pages de l'envoi du fax par Nantes.

En principe, le tribunal doit faire deux choses en début d'audience: contrôler l'identité du prévenu (par la vérification de son état civil en le lui demandant ou la remise de sa CNI ou d'une autre pièce d'identité, s'il est libre, et la vérification de son casier, en général en lui demandant si les condamnation qui y figurent s'appliquent bien à sa personne).

Ces formalités sont un peu légères.

- Il n'est pas rare qu'un prévenu fasse état d'une identité qui n'est pas la sienne, sans que personne ne le vérifie de façon approfondie (j'ai vu le cas il n'y a pas un mois). Lorsque cette identité alléguée est réelle, c'est à dire qu'elle appartient bien à une personne, mais pas celle qui est jugée, cela signifie qu'un tiers pourra être condamné sans le savoir pour des faits qu'il n'a pas commis.

- Il n'est pas rare que soit versé aux débats un casier B1 dont les mentions sont contestées par le prévenu, sans qu'il soit possible à l'audience de vérifier la véracité de ses dires (j'ai vu le cas il n'y a pas deux mois).

Sur cette première phase du procès pénal, je puis donc dire que mon quotidien ne me rend pas confiant. Mais je pense que les choses sont en voie d'amélioration.

2 - La question de l'innocence et de la culpabilité: c'est la question centrale, celle qui mobilise l'attention du juge comme celle de l'avocat ou du public.

Un fois cette question tranchée, tout le monde va se coucher.

Pourtant, s'ouvre effectivement un autre chapitre, encore plus important: celui de la peine. Comment punir celui qui a fauté?

Problème passionnant. Mais hors sujet.

3 - La peine: ici, un souvenir perso, douloureux. Je défends un bonhomme pour une infraction routière banale punie d'une peine d'emprisonnement. Dans son casier, une condamnation ancienne aux assises pour un crime. Une erreur de jeunesse. Rien depuis. Le type s'est marié, a des enfants, un job. Je plaide. Peine ferme! Je suis catastrophé, et lui aussi d'ailleurs.

Je me précipite chez le JAP (sa condamnation, encore chaude n'avait pas 20 minutes) qui m'accueille à bras ouverts en me disant qu'il n'avait pas l'habitude de voir des avocats et que c'était bien dommage. D'ailleurs, personne ne savait où était son bureau, à l'époque. J'ai dû chercher (en fait, c'est simple, le JAP est soit vers le sous sol soit vers les combles).

Là, j'ai pris conscience que le métier d'avocat au pénal comportait un troisième volet: après l'instruction et la plaidoirie, le suivi du condamné en application de peine.

Les lois récentes ont considérablement étoffé la matière qui doit être considérée véritablement comme un nouveau "marché", si j'ose dire.

Plus profondément, notre société se veut à la fois plus répressive, mais aussi plus "intégrationniste". S'il est effectivement question d'être capable d'envoyer en flux tendu les gens en prison (attention au fond de verre fatal, celui qui vous sépare de 39 mgr/l de 40mgr car la différence, c'est 2 ans de prison) il est aussi question de les en faire sortir en flux tendu également.

La liberté qui est refusée au niveau de la peine, de plus en plus souvent, peut être obtenu au niveau de son application.

Je me permets d'insister sur ce point: quand je suis entré dans la carrière, le taux de relaxe était de 6 - 6,5%. Aujourd'hui il est de 4 - 4,5%.

La courbe du taux de relaxe a suivi celle de la croissance française: 1,5 point dans la vue,ce qui confirmerait le fait qu'une société moins prospère devient plus punitive.

Tant que la croissance restera ce qu'elle est notre société restera punitive (c'est une hypothèse, ais elle paraît probable).

D'un autre côté cette faible croissance ne permet pas de financer une politique carcérale à la hauteur des ambitions punitives de la société.

Résultat: l'application des peines, c'est l'Amérique!

C'est un continent, une nouvelle frontière, un New deal!

Conne et régressive dans sa politique pénale, la France est forcée à l'intelligence par son manque de moyens dans sa politique carcérale.

Lombroso au départ, Beccaria à l'arrivée.

Rendons un hommage appuyé aux technocrates du TTR. En amorçant la machine répressive, ils vont la rendre finalement plus intelligente.

Enfin, avec un peu de bol.

51. Le jeudi 24 juillet 2008 à 11:59 par The duck

Me dites pas que c'est passé inaperçu, mais il existe un truc genre "maître Eolas expliqué aux enfants" dans un manuel scolaire, hihihi!
j'ai vu ça là: polemos.hautetfort.com/ar...

52. Le jeudi 24 juillet 2008 à 12:02 par Bébèrt

Lors du mémorable match de cette semaine, un nouveau supporter a été arrêté pour atteinte à la pudeur. Maître Eolas, 34 ans ....

edition-speciale.lefigaro...

53. Le jeudi 24 juillet 2008 à 12:10 par Paralegal

@ Eolas 47 :
J'avais en effet confondu "statut de victime" et "droit à réparation" en lisant votre phrase trop vite.

Comme le dit Double Face et comme le démontrent les interrogations d'Augustissime, un billet sur cette passionnante distinction sanction/réparation qui n'est pas nécessairement facile à appréhender, avec un peu de droit comparé sur la place de la victime dans le procès pénal, serait très utile.

PS : Sans vous commander, va-t-on savoir si la directive retour a un effet boomerang ?

54. Le jeudi 24 juillet 2008 à 12:10 par Double Face

@Bébèrt : ENORME !!!!!!!!!

Alors Maître qu'avez vous à dire pour votre défense ?

55. Le jeudi 24 juillet 2008 à 12:23 par tschok

Ceci est un com sur le précédent billet, fermé trop rapidement pour moi (c'est agaçant!).

Eolas, vous avez eu une fulgurance comme je les aime bien.

Je m'explique.

Vous dites:

"Poudre aux yeux

Il n'est pas de bonne loi qui ne contienne des dispositions inutiles (...)

— Le référendum d'initiative populaire.

Tellement encadré (...) qu'il n'est qu'une virtualité.

— La limitation de l'usage du “49-3”.

Sur ce qu'est le 49-3, voir cet article. Désormais, son usage sera limité à une loi par session (...)

— Limitation du recours à l'urgence législative.

(..).

Hé bien fini l'urgence !

— La réforme du Conseil Économique et Social.

C'est un organe qui ne sert à rien (...)"

Fin de votre citation.

Si vous remarquez bien, les 4 points dont vous parlez sont relatifs à la manifestation d'un pouvoir, celui du peuple (le référendum), celui du gouvernement (le 49-3), celui du chef de l'Etat (l'urgence) et celui de la technocratie planificatrice (Le CES qui, je vous le concède, a perdu son sens depuis l'abandon de la notion de plan et de stratégie globale, de relativisation de la notion d'aménagement du territoire avec la régionalisation et de décentralisation du "dialogue social", qui bascule vers l'unité de base économique, l'entreprise).

Tous ces pouvoirs ont été castrés, diminués, atomisés, comme s'il était dangereux qu'ils conservent ou acquièrent la plénitude de leurs fonctions.

Dans une démocratie de copropriétaires, les pouvoirs sont castrés. C'est ainsi. Ce n'est même pas que le pouvoir arrête le pouvoir, car cela suppose des "contre pouvoirs", ce dont nous avons horreur (vous aimez vraiment les journalistes? Ne dites vous pas vous même que l'avocat n'est pas le protecteur des libertés individuelles, mais le défenseur de son intérêt particulier?).

Ce n'est pas Montesquieu que nous aimons ici. Ce que nous aimons ici, c'est ce que ma concierge aime: des gens qui essuient leurs pieds avant de monter l'escalier et qui ne font pas de bruit dans les étages.

La médiocrité.

Mais il y a un point sur lequel nous ne sommes pas médiocres: la démocratie, dont nous sommes à la fois les parents et les enfants, c'est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple.

Nous on en a fait le pouvoir des médiocres, par les médiocres et pour les médiocres.

Et ça, c'est un véritable tour de force.

Réussir un truc pareil, en France, avec l'histoire qu'on a, il fallait le faire.

Même les Américains n'y sont pas parvenus, c'est tout dire.

56. Le jeudi 24 juillet 2008 à 12:25 par Augustissime

"En attendant, la partie civile peut faire appel d'un non lieu (art.187 du CPP, de mémoire), mais ne peut pas faire appel sur la peine. Damned ! Aurais-je raison ?"

Non, rassurez-vous, il y a peu de risques.

Si je vous résume, la partie civile ne peut pas faire appel sur la peine, DONC la peine ne la regarde pas (d'ailleurs le CPP prévoit l'expulsion des victimes du tribunal par les gardes dès la culpabilité prononcée, non ?).

Eolas:
Vous ne parviendrez pas à me faire perdre mon temps aujourd'hui, vos délires ne m'intéressent pas. Si vous en êtes réduit à dire de telles sottises, alors vous êtes manifestement en vacances. Ce n'est pas mon cas.


Si vous dépassiez un peu la simple lecture du CPP français, vous saisiriez toute l'absurdité de ce DONC.

Pour sortir des arguments d'autorité, voici un passage d'un article hollandais, traduit par mes soins :
"Les victimes n'ont pas seulement des attentes vis-à-vis de la procédure, elles en ont aussi vis-à-vis du résultat du procès. Elles désirent que certains critères de sanction soit respectés. [...] Les victimes ne sont pas plus sévères que le public (Erez, 1994).[...] L'importance de l'issue du procès sur la satisfaction de la victime est confirmé par Erez, Roeger, and Morgan (1997)(p. 56). Ils ont montré que la satisfaction vis-à-vis de la justice est déterminée par la satisfaction quant aux résultat du procès. Les victimes, dans cette étude, apparaissent comme voulant plus de peines de prison, et des peines plus longues, que celles qui sont prononcées [...] et elles veulent aussi plus de sanctions financières, de travaux d'intérêt général, et de retraits de permis de conduire. Contrairement à ce qui est généralement attendu, les souhaits des victimes ne vont pas seulement vers une punition plus sévère, mais s'étendent aux autres objectifs de la loi, parmi lesquels la réparation."

www.sciencedirect.com/sci...

Vous vous rendez ?

57. Le jeudi 24 juillet 2008 à 12:36 par aliocha

@eolas : la faena a été bien courte aujourd'hui ;) Reste à savoir si l'estocade est réussie ou si l'animal risque encore de donner des coups de corne...Les paris sont ouverts, Mussipont, Thau, vous jouez ?

58. Le jeudi 24 juillet 2008 à 12:37 par didier Schneider

"Alors Maître qu'avez vous à dire pour votre défense ?"

qu'il n'a pas 34 ans, mais un peu plus !

59. Le jeudi 24 juillet 2008 à 12:51 par Augustissime

@aliocha : Nul besoin de coups de cornes quand l'adversaire est déjà monté à l'arbre.

Eolas:
D'en bas, tout ce qui est haut semble petit.

60. Le jeudi 24 juillet 2008 à 13:12 par Lucas Clermont

Le parquet n'a pas de temps à perdre à rechercher ses informations sur Facebook, parce qu'il traîne, le parquet, chez Eolas. Si jamais Eolas est une balance et qu'il raconte ce qu'il y a dans les commentaires recouverts du tampon troll detector de Gascogne et Dadouche, il y en a qui sont mal, parce qu'ils vont manger grave ! Ne serait-ce qu'à cause du corporatisme des magistrats. Tsss !

61. Le jeudi 24 juillet 2008 à 13:16 par Freudy

Eh oui, les procureurs "Américains" se prennent maintenant pour des psychologues. Les pauvres.

62. Le jeudi 24 juillet 2008 à 13:44 par Phil

@Eolas

J'aimerais avoir une précision sur la relation entre condamnation et statut de victime.

Vous dites que c'est lorsque l'accusé est condamné que la victime est reconnue.
Qu'en est-il des situations où il est certain que l'acte criminel a été commis mais que l'accusé est acquitté parce qu'il n'a pas été prouvé qu'il en était bien l'auteur ?
Y a-t-il un moyen de reconnaître (et éventuellement indemniser) une victime sans avoir condamné l'auteur faute de l'avoir identifié clairement ou bien l'existence juridique d'un fait criminel est-elle assujettie à la condamnation d'un auteur identifié ?

63. Le jeudi 24 juillet 2008 à 13:52 par pepe

@augustissime
Eolas se place du point de vue juridique. Le CPP lui donne raison.
Le législateur a décidé que la victime n'avait rien à dire sur la peine.
C'EST COMME CA.

On peut discuter comme vous de la psychologie de la victime, de ses attentes au demeurant légitimes, de l'éventuelle indifférence coupable du législateur, mais là, on ne fait pas du droit, mais de la politique.

64. Le jeudi 24 juillet 2008 à 13:57 par rotalsigel

"Facebook n'est pas si répandu que ça en France, et cela tient du phénomène de mode. C'est un site qui amuse les étudiants, les jeunes, et les candidats au bâtonnat, pas les prévenus habituels des audiences-pochtrons. Et parmi les utilisateurs, ceux qui publient en masse des détails sur leur vie privée et leurs sorties sont encore plus rares. Bref, ce serait du temps de perdu pour le parquet, qui a autre chose à faire, comme remplir de passionnants formulaires statistiques qui semblent mettre la Chancellerie en joie."

Eolas a aussi fait une thèse en sociologie dirait-on...

65. Le jeudi 24 juillet 2008 à 13:58 par tschok

@ Augustissime,

Si la distinction entre reconnaissance de culpabilité et la peine était oiseuse, la justice ne verrait aucun inconvénient à condamner des innocents dans le seul but de soulager des victimes.

Certes elle le fait parfois, mais dans un moment d'inadvertance.

Même en vous donnant raison, vous auriez tort (provocateur, va): souvent la victime est indifférente à la peine, mais tient à la reconnaissance de culpabilité du prévenu, qui la libère du poids de la sienne (dieu sait pourquoi, les victimes se sentent souvent coupables, sentiment qui n'est pas pour rien dans le désir de justice).

PS: Eolas: j'avais fait auparavant un com pas HS, mais il s'est perdu dans les limbes (désolé). Cet après midi je serai donc trolleux.

66. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:00 par David Alexandre

@ Phil : Je me permet d'essayer de vous répondre. Le statut de victime, tout comme celui d'auteur, est subordonné à la reconnaissance de l'existence d'une infraction. Or la reconnaissance de l'infraction nécessite que notamment les faits matériels et intellectuels de la transgression de l'interdit soient rattachés à une personne (le mise en cause, le prévenu, l'accusé...). Donc si on n'établit pas que l'on a la bonne personne à reconnaître en tant qu'auteur, on ne peut juridiquement reconnaître ni existence de l'infraction ni existence de la victime.

Si mon raisonnement est faux, je laisse les plus brillants que moi me corrigé. Eolas, notamment.

Il n'y a pas moyen d'indemniser une victime en dehors de la présence d'un auteur (sauf situation spéciale telle que les attentats terroristes car il y a un fond d'indemnisation des victimes).

67. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:03 par tschok

@ Phil,

Sur le "statut" de victime, je vous précise qu'une convention collective est en cours de rédaction.

Entre autres choses elle prévoira au bénéfi e de la victime la prise en charge des tickets déj par l'auteur du délit au delà de trois mois d'ITT.

C'est une avancée attendue.

68. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:07 par Glu

Gloup l'adresse maitre.eolas.free.fr/ est hs et on y trouve ce message (inquiétant) suivant

Le serveur a compris la requête, mais refuse de la satisfaire. (c'est déjà çà NDC (note du commentateur))

Une démarche d'authentification n'y fera rien et cette requête ne doit pas être renouvelée (ah bon, mais je renouvelle quand même NC). Si la méthode invoquée est différente de HEAD et le serveur souhaite rendre public la raison pour laquelle il refuse le traitement, il le fera dans l'entité liée à cette réponse (c'est clair comme du jus de c... ou de b... NDC). Ce code d'état est souvent utilisé lorsque le serveur ne souhaite pas s'étendre sur les raisons pour lesquelles il refuse un accès, ou parce que c'est la seule réponse qui convienne (et vlan, j'aimerais que le serveur s'étende davantage NDC).

Vous tentez d'accéder à une ressource qui vous est interdite (ben, c'est le site d'Eolas, c'est interdit maintenant??? NDC).
Il se peut que le compte concerné soit suspendu (Cf. Console de Gestion) (j'ai eu peur, mais on peut y aller tout de même en passant par les chemins d'écoliers, on ne va pas se laisser emm.... par un serveur récalcitrant)
A voir pour remettre ce serveur à la raison.
Glu

69. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:11 par tschok

@ David Alexandre,

Votre analyse, exacte, n'est cependant pas exhaustive:en matière d'accident de la circulation, le statut de victime peut être reconnu à une personne qui est l'auteur de l'infraction.

De même en cas de violences réciproques, prévenus et parties civiles sont mutuellement victimes et auteurs.

Pour aller plus loin, il existe des cas de victimation diffuse: par exemple le tabagisme passif.

Je ne peux attribuer mon cancer du poumon à tel fumeur précis, donc je l'impute à tous les fumeurs à qui j'interdis de fumer partout où c'est compatible avec les libertés individuelles.

Ici, c'est la simple existence d'un préjudice éventuel qui qualifie la "victime".

Le même raisonnement est appliqué pour la rétention de sureté.

70. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:16 par tschok

@ Aliocha (com 38),

Vous seriez pas une victime, vous?

Je sens en vous comme un potentiel.

71. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:17 par tschok

@ Mussipont,

Alors, ça dérape assez ou il faut donner un coup de barre supplémentaire?

72. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:27 par tschok

@ Verel (com 18)

"En conclusion, évitez de conduire après avoir bu,
Je ne suis pas juriste et je n'ai évidemment pas les qualités éminentes d'Eolas dans ce domaine".

Qu'est ce que vous entendez par à, exactement?

73. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:28 par Caroline

@ Augustissime, la peine n'est pas uniquement là pour satisfaire les victimes (peine sanction, rétribution, réparation...). La plupart du temps lesdites victimes souhaitent simplement voir reconnu leur préjudice, comme une sorte de reconnaissance officielle qui passe par la déclaration de culpabilité; mais elles comprennent parfaitement qu'elles n'aient aucune action sur le quantum de la peine. Obtenir une peine en soi est souvent assez symbolique pour elles.

Il suffit de leur expliquer calmement et gentillement, et si si elles acceptent que l'action publique soit exercée par le ministère public qui proposera une peine, et que les victimes elles, ne sont titulaires que de l'action civile. Après vous trouverez toujours des exemples exceptionnels où les victimes sont insatisfaites de la peine et le crient haut et fort, je ne dis pas que ça n'arrive pas, je dis que si on explique bien aux victimes leur place dans le procès pénal, elles le comprennent.

Après on peut troller sur la place de la victime dans le procès pénal, il y aurait fort à dire.

74. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:51 par Le Chevalier Bayard

Facebook reconnaîtra-t-il un jour sa culpabilité ?

Eolas:
La culpabilité a envoyé une friend request à Facebook. Elle attend son acceptation.

75. Le jeudi 24 juillet 2008 à 14:58 par Humstel

"que mes erreurs soient redressées par un aréopage de lecteurs infiniment plus compétents que moi"
Hahaha.

76. Le jeudi 24 juillet 2008 à 15:20 par villiv


mouaih, les procureurs pourront aussi essayer de trouver d'autres photos encore plus "utiles" via GOOGLE-PHOTOS (www.google.com/accounts/S...

après, il pourra tenter de chercher quelques passages croustillants de la vie de tel ou tel prévenu sur GOOGLE-BLOGS

euh, sinon, il pourra également... bah, non, plus rien, il n'aura pas le temps pour faire autre chose ;-)


77. Le jeudi 24 juillet 2008 à 15:29 par Le Chevalier Bayard

Eolas : la culpabilité est-elle victime de la mode ?

78. Le jeudi 24 juillet 2008 à 15:33 par Joel

@Journaliste (36)

Moi aussi, je trouve que Eolas est un peu severe.
Il est tres clair, et bien ecrit, votre article, et si on le compare avec le billet d'Eolas, il le resume bien sans le trahir.

Je suis comme Eolas et beaucoup de gens ici : je n'ai pas beaucoup de respect pour le travail de la plupart des journalistes francais.
Mais la il n'y a pas grand chose a redire, vu le format de l'article, que vous ne choisissez pas. D'ailleurs Eolas critique plus votre journal que votre article.



79. Le jeudi 24 juillet 2008 à 15:39 par tschok

Chevalier Bayard:

Une question, pour votre prochain concours de la conf du sage, nan du stage: facebook est il le seul endroit où l'on se fiche de soi-même?

Trollement vôtre.

80. Le jeudi 24 juillet 2008 à 15:43 par lulu

à Tschok

"Je me permets d'insister sur ce point: quand je suis entré dans la carrière, le taux de relaxe était de 6 - 6,5%. Aujourd'hui il est de 4 - 4,5%. La courbe du taux de relaxe a suivi celle de la croissance française: 1,5 point dans la vue,ce qui confirmerait le fait qu'une société moins prospère devient plus punitive.

Tant que la croissance restera ce qu'elle est notre société restera punitive (c'est une hypothèse, mais elle paraît probable)."

Mouais...

Il me paraît difficile de tirer des conclusions aussi tranchées à partir du simple constat (fait par vous-même de manière empirique) d'une baisse légère du "taux de relaxe".

Est-ce que cela ne signifie pas, tout simplement, que le parquet se préoccupe plus qu'avant de vérifier que les dossiers qui partent à l'audience soient des dossiers solides?

Beaucoup de procédures sont désormais gérées par des mesures alternatives aux poursuites; il n'est pas impossible que les difficultés juridiques susceptibles d'entraîner une relaxe y soient moins visibles que lors d'une audience correctionnelle.

81. Le jeudi 24 juillet 2008 à 15:44 par Le Chevalier Bayard

@ 79 tschok

Non trollement drôle !

Bien à vous.

82. Le jeudi 24 juillet 2008 à 15:47 par tschok

@ Caroline,

"Il suffit de leur expliquer calmement et gentillement..."

En leur tenant la papatte?

Personnellement, je suis terrifié à l'idée de devenir une victime. Non seulement il faudra que j'endure un préjudice, mais en plus il faudra que je supporte le compassionnel légèrement condescendant de certains de mes contemporains.

Deux raisons de flinguer son psy.

83. Le jeudi 24 juillet 2008 à 16:04 par Dadouche

Rassurez vous braves gens, vous pouvez continuer à exposer vos turpitudes sur Facebook, les procureurs ne viendront pas vous chercher des poux dans la tête (en tout cas pas depuis leur lieu de travail) : l'accès à Facebook est impossible depuis les équipements du Ministère de la Justice.

En revanche, je peux continuer sans entrave à m'arracher les cheveux en lisant les skyblogs de quelques unes des ados que je suis et qui, à 14 ans et demi, se présentent comme "folles de sexe" et écrivent des poèmes sur la mort en style SMS.

L'essentiel, c'est qu'Eolas soit en consultation libre...

84. Le jeudi 24 juillet 2008 à 16:06 par tschok

@ Lulu,

Je suis d'accord avec vous.

En toute logique la baisse de 1,5 point du taux de relaxe peut avoir plusieurs causes.

Il est difficile de privilégier celle qui est la plus déterminante.

Peut être que la seule et vraie cause est toute simple: la police et le parquet (et le juge d'instruction) font mieux leur travail si bien que plus de coupables sont présentés à leur juge, et moins d'innocents.

Je serais le premier à m'en féliciter (et surtout à vous féliciter).

Mais... je vous retourne la question: êtes vous vraiment certaine que cette hypothèse soit la meilleure?

Un justiciable comme DSK partage t'il votre avis? Et encore, lui a eu de la chance, le parquet ayant lui-même convenu à l'audience de la vacuité du dossier.

Certes, l'affaire était un peu exceptionnelle.

Le TTR, pour n'évoquer que l'aspect le plus quotidien de la matière pénale, a eu d'immenses mérites (apporter une réponse pénale rapide à des situations qui 'étaient pas prises en compte auparavant, faire prendre au parquet une certaine initiative sur la police).

Mais il faut aussi convenir qu'il a généré un sentiment d'auto satisfaction et d'aveuglement statistique dont certains magistrats ont du mal à se départir.

Le fait est que le TTR est fondée sur une logique punitive et les résultats sont là: baisse du taux de relaxe de 1,5 point alors que le nombre d'affaires traitées à augmenté - je ne sais pas - mais peut être de l'ordre de 20% ou 30%.

L'écart entre les deux courbes (affaires traitées- taux de relaxe) démontre que l'amélioration de la productivité conduit à la baisse du taux de relaxe.

La justice punit plus, c'est indéniable.

L'enjeu moderne est de savoir si elle munit mieux.

Je n'aime pas trop les slogans mais, pour être bref, je dirais qu'il faut passer d'un modèle "surveiller et punir" à un modèle "servir et protéger".

Dans ce cadre là, la démarche qualité devient essentielle.

Alors, je vous pose une question dont la réponse m'intéresse beaucoup: en prend on le chemin?

85. Le jeudi 24 juillet 2008 à 16:14 par aliocha

@Tschok : Tout journaliste cotoyant de manière habituelle les avocats et s'occupant de droit s'expose à susciter leur insatisfaction pour les raisons précédemment évoquées. La question est : qui est la victime de qui ? Réponse : les deux mon général. Mais comme je suis d'un naturel optimiste, je ne désespère pas qu'un jour avocats et journalistes se comprenent et donc j'y travaille, modestement. Il faut imaginer Sisyphe heureux !
@Augustissime : vous désertez ?
@joel : on ne pourrait pas changer de bouc-émissaire de temps en temps, pourquoi ne pas remplacer les journalistes par les teinturiers, les restaurateurs, les enseignants, que sais-je ? ça finit par être lassant ce snobisme de la haine des journalistes qui irrigue le web....

86. Le jeudi 24 juillet 2008 à 16:16 par Mussipont

@tschok et aliocha : en fait le billet a dérapé dans un sens très intéressant. Finalement, la mémé-a-moustache a son utilité!

87. Le jeudi 24 juillet 2008 à 16:36 par aliocha

@Mussipont : Allons mon ami, vous imaginez Tintin sans Milou, Talon sans Le Funeste, Iznogoud sans Dilat Larath ? Pas possible, tout héro a besoin de son faire-valoir !

88. Le jeudi 24 juillet 2008 à 17:07 par tschok

@ Aliocha,

Moi, j'aime bien les journalistes. Je m'en sens très proche car c'est un métier auquel est attaché malgré tout un certain prestige, une utilité sociale et politique, un rôle historique qui font qu'on a du mal à imaginer que celui qui l'exerce a aussi une préoccupation assez matérialiste que je connais bien: gagner sa journée (là, je me la coule douce d'ailleurs).

Rien n'est plus difficile que de devoir gagner sa journée avec des grands principes. Ils sont nourrissants pour l'esprit mais laissent le corps insatisfait.

Pour revenir plus précisément à votre propos, en tant que juriste je ne me conçois pas comme un gardien du temple du droit.

Si les journalistes veulent raconter des bêtises, qu'ils le fassent, cela ne me dérange pas. De mon côté je ne me prive pas non plus, y compris dans mon propre domaine, que je découvre chaque jour un peu plus.

PS: et Tanguy et Laverdure, Black et Mortimer. Etc.

89. Le jeudi 24 juillet 2008 à 17:11 par tschok

@ Mussipont,

Je guette la réponse de Lulu.

Je devrais dire: Madame Lulu, magistrat de son état.

C'est drôle les blogs, non?

90. Le jeudi 24 juillet 2008 à 17:24 par aliocha

@Tschok : Quand j'ai commencé dans la presse après avoir laissé tomber le métier d'avocat, je disais à qui voulait bien l'entendre que c'était un métier tellement formidable que c'était à se demander pourquoi on était payé à le faire. Mais, voyez-vous, c'est pas des choses à dire devant un patron, parce que l'affreux animal immédiatement en profite et relève d'un "excellente question, venez dans mon bureau qu'on en discute". Alors depuis, je me tais, faut bien manger ;)

91. Le jeudi 24 juillet 2008 à 18:00 par tschok

Aliocha!

Rho!

Vous avez laissé tomber le métier d'avocat?!

N'en dites pas plus, mon peace maker s'affole.

Enfin, heureusement, vous n'êtes pas devenue magistrat. L'honneur est sauf.

92. Le jeudi 24 juillet 2008 à 20:05 par Marcel

@Augustissime : Que la victime veuille, c'est une chose, ça ne lui donne pas raison ni droit pour autant. La justice pénale est avant tout destinée à servir la société, pas la victime. Si elle peut faire les deux, c'est tant mieux Mais ce n'est pas à la victime de choisir la peine. Qu'elle donne son avis, ça me paraît son droit le plus strict, elle est l'une des intéressée de l'affaire après tout. Qu'il ne soit pas suivi, c'est et ça doit rester le droit le plus strict du tribunal. Sinon, la justice n'apporte plus rien d'intéressant par rapport à un simple système de vengeance.

93. Le jeudi 24 juillet 2008 à 20:35 par Augustissime

Marcel, nous sommes tout à fait d'accord si vous me suivez sur un point précis : la victime peut être insatisfaite de la peine prononcée et son avis devrait compter, comme dans certains pays qui se soucient de la satisfaction des usagers de la justice.

94. Le jeudi 24 juillet 2008 à 21:44 par Double Face

@Marcel: Concernant le droit de la victime, on ne peut pas botter en touche comme ça.
J'avais déja (@13) signalé gentiment à Maître Eolas que son passage sur le droit des victimes était très provocant.
Ce n'est évidemment pas à la victime de choisir ni d'influencer la peine du coupable. J'imagine (je ne travaille pas dans le domaine du droit) que le juge fonde sa décision sur l'intérêt pour la société et pour le coupable. J'espère aussi qu'il a une petite pensée pour la victime.
La question du droit des victimes est une demande de la société, et même si ce droit n'existe pas actuellement ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas l'inventer. Ce que demandent les victimes c'est que la justice s'adresse à eux, et pour autre chose que des dommages et intérêts.
Prenons un exemple moins polémique, je tue une personne. La police m'arrête, on me met en garde à vue, il y a de nombreux indices contre moi, je suis inculpé ... Je mets fin à mes jours. Il n'y aura jamais de coupable, malgré les évidences. Etant présumé innocent je le resterais dans la mort. Et peut-être même (???) que ma famille pourra porter plainte contre quiconque me dira coupable.
Je crois qu'il faudrait inventer un système dans lequel la justice s'adresserait à la victime, en expliquant les choses (le jugement, la fin des poursuites ...) de façon didactique. Malheureusement le système actuel n'envoie aucun message aux victimes, et les laisse souvent seuls avec leur desespoir.
Il me semble en plus que c'est à vous d'imaginer la solution.

95. Le jeudi 24 juillet 2008 à 22:58 par bruno

à quoi servirait Facebook, en France il y a Maxi ;-)

96. Le jeudi 24 juillet 2008 à 22:59 par Le Chevalier Bayard

"La victimologie ou l'empire de l'émotion compassionnelle"

Elle conduit à ce qu'Hannah Arendt appelle "les politiques de la pitié" (Essai sur la révolution Paris Gallimard, 1967, p.121). Cet "élan impérieux qui nous attire vers les hommes faibles".

Le principal ressort moral de nombre de décisions politiques n'est pas le souci de justice ou l'affirmation de la souveraineté nationale, mais la reconnaissance de la souffrance de l'autre.

Est-ce donc une véritable demande de la société ?

"La victime, au sens moderne apparaît alors, lorqu' il y a confusion des genres entre l'intime et le social. Elle devient alors une - institution - soumise à toutes les exploitations et à tous les dangers nés de la disparition entre le privé et le public.

L'institution victimaire, comme on la connaît aujourd'hui interpelle la société et peut l'obliger à changer pour éviter le renouvellement du trouble qui a causé le préjudice.Cette fonction régulatrice de la victime dans l'exercice de son devoir et de ses droits de citoyen est positive jusqu'à un certain point.

Mais chacun peut comprendre que si, cette force politique de la victime prend le pouvoir, elle se retournera contre les victimes et contre la collectivité tout entière. Pourquoi ? Parce que l'intervention politique et sociale de la victime est déséquilibrée. La force que lui donne la puissance de l'émotion n'est plus guidée par des objectifs rationnels.

Et son investissement médiatique et collectif vient ruiner le devoir qu'elle a de se réparer parce que la publicité qui accompagne cette action est incompatible avec la reconstruction de son intimité" ("Le temps des victimes" Maître Daniel Soulez larivière et Caroline Eliacheff, psychanaliste, p. 273 - Editions, Albin Michel)

97. Le vendredi 25 juillet 2008 à 04:58 par Esurnir

@Dadouche: www.videojug.com/film/how...

98. Le vendredi 25 juillet 2008 à 12:05 par Que la Justice soit forte et que la Force soit Juste

@Augustissime

Vous pensez réellement que la peine pourra apaiser la douleur de la victime?
La victime a une place déjà très importante dans la justice pénale française et au delà de la simple question sur le droit à réparation .

Je vous invite à lire le commentaire de Fantômette sur cette question sous le billet sur l'arrêt de la CEDH et le mien (n°50) et vous me direz sincèrement après cela si vous pensez toujours que la victime est une laissée pour compte.

La justice n'est pas là pour faire dans les bons sentiments, elle est là pour rendre une décision juste et MESUREE en fonction des faits et de la personnalité du prévenu... et non pas en fonction des litres de pleurs qu'elle versera à l'audience...

99. Le vendredi 25 juillet 2008 à 12:16 par Que la Justice soit forte et que la Force soit Juste

Il s'agit peut être de propos sarcastiques et extrêmes certes, mais certains justement se laissent envahir par des sentiments tels que la compassion; comme l'a très bien rappelé Chevalier Bayard "la puissance de l'émotion n'est plus guidée par des objectifs rationnels" et la Justice, elle, doit l'être.

100. Le vendredi 25 juillet 2008 à 13:08 par tschok

@ Double Face (com 94),

Il me semble que vous avez à la fois tort et raison.

1- Vous avez tort lorsque vous suggérez que le justice tient la victime pour quantité négligeable.

Il est évident que le fait qu'une infraction ait créé ou non une victime a une influence sur le quantum de la peine. Il est également évident que le juge prend en compte la gravité du préjudice subi par la victime, en application de la loi tout simplement.

D'autre part, la prise en charge des victimes s'est nettement améliorée, dans trois directions: l'information de la victime sur ses droits dans la procédure, l'exercice de ses droits, qui ont été élargis (cf un com plus haut, je crois) et le soutien psychologique.

En ce qui concerne la réparation, des progrès ont été accomplis par la mise en place de fonds d'indemnisation qui permettent, dans certains cas, une indemnisation rapide du préjudice non couvert par une assurance (on peut citer les fonds de garantie en matière d'accident de la circulation ou d'attentat terroriste).

Par ailleurs, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales existe.

Dire que la victime est la grande oubliée de la justice est donc complètement inexact.

Ce souci accru pour la victime correspond en gros à deux tendances, très profondes dans notre société. L'une est positive, l'autre, je crois, est négative.

La tendance positive correspond à une interrogation de la société sur le sens à donner à la notion de solidarité dans le cadre républicain, qui se réfère à la nation de fraternité, plutôt datée et à consonance religieuse. Ces réflexions, menées notamment autour d'Alain Touraine, ont conduit à élaborer une notion de solidarité moderne qui consiste,schématiquement, "à prendre soin des nôtres".

L'évolution des droits des victimes s'inscrit dans ce cadre, moderne.

Mais il y a aussi un côté obscur,c'est la tendance négative: en bref, cette tendance est liée à l'évolution du politiquement correct vers une société de l'hyper susceptibilité du Moi. En gros, ce courant intellectuel considère qu'il y a victime dès lors qu'il y a souffrance et que cette souffrance peut être même légère, voire très légère. C'est en fait l'expression d'une souffrance qui fonde la victime, même si cette souffrance n'est pas réelle ou 'est pas imputable à une personne identifiée.

Ainsi par exemple, les riverains de la faculté de Jussieu ont demandé à bénéficier d'un soutien psychologique en raison du trouble psychologique qu'engendrait selon eux la durée des travaux de désamiantage.

Nous ne parlons pas de la gêne occasionnée par le chantier, mais de son impact sur la psyché des riverains qui "souffrent".

Cela signifie l'air de rien que les avocats qui gèrent les dommages aux avoisinants lors de travaux urbains vont devoir intégrer dans leurs prévisions des troubles de nature psychologique.

L'évolution s'est faite en trois temps:

Premier temps, le politiquement correct: je chasse de mon vocabulaire tous les mots discriminants ou offensants pour les minorités: l'aveugle devient mal ou non voyant, le pédé devient gay, le bougnoule devient personne de couleur, etc.

Deuxième temps: puisque personne ne supporte plus l'offense, alors j'ai le droit d'être hyper susceptible et tout le monde a le droit de l'être, car nous sommes tous égaux. Dès lors, nous allons tous sanctionner tout ce qui peut constituer une offense selon deux grands axes: le harcellement au sens large et la discrimination.

Troisième temps: en agissant ainsi, j'ai participé avec les autres à la création d'un peuple de victimes potentielles qui, maintenant qu'il est reconnu dans le vocabulaire en tant que minorité qui souffre et reconnu par le droit en tant que victime, entend bien porter ses revendications devant un juge au cours d'un procès qui constitue l'instant libératoire.

Aujourd'hui, nous en sommes là. Ces deux tendances s'affrontent et on ne sait laquelle va l'emporter.

Il est possible que cette situation évolue vers une situation nouvelle avec l'émergence récente d'une troisième tendance: l'apparition d'une morale religieuse décomplexée qui entend substituer ses règles à celles de la loi laïque.

Comme vous le voyez, les choses ne sont pas figées: la situation a bougé, bouge et bougera encore.


2- Là où vous avez raison: la victime a son mot à dire.

Oui, mais jusqu'où? Jusqu'à la contestation de la peine? Pour l'instant, c'est non.

Mais, le commentaire de Marcel (com 92) dont je partage l'opinion, montre bien que ce n'est pas un choix en logique, mais en valeur: pour l'instant, nous avons décidé que la partie civile ne pouvait pas contester la peine car nous ne souhaitons pas faire de la justice un instrument de la vengeance personnelle de la victime.

Mais on pourrait très bien changer d'avis, c'est juste une question de valeur.

Reste à savoir ce que cela donnerait de vivre dans une société où la vengeance est institutionnalisée.

Ce serait sans doute une société plus violente que celle d'aujourd'hui.

101. Le vendredi 25 juillet 2008 à 14:31 par Lulu

"Prenons un exemple moins polémique, je tue une personne. La police m'arrête, on me met en garde à vue, il y a de nombreux indices contre moi, je suis inculpé ... Je mets fin à mes jours. Il n'y aura jamais de coupable, malgré les évidences. Etant présumé innocent je le resterais dans la mort. Et peut-être même (???) que ma famille pourra porter plainte contre quiconque me dira coupable.
Je crois qu'il faudrait inventer un système dans lequel la justice s'adresserait à la victime, en expliquant les choses (le jugement, la fin des poursuites ...) de façon didactique. Malheureusement le système actuel n'envoie aucun message aux victimes, et les laisse souvent seuls avec leur desespoir.
Il me semble en plus que c'est à vous d'imaginer la solution."

Cher Double Face, je pousse un soupir accablé devant l'étalage de tant de poncifs éculés.

Lisez donc le deuxième alinéa de l'article 177 du CPP:

"Lorsque l'ordonnance de non-lieu est motivée par l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-2,122-3,122-4,122-5 et 122-7 du code pénal ou par le décès de la personne mise en examen, elle précise s'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés."

En clair: le décès de la personne mise en examen ne fait pas obstacle à ce que le juge d'instruction émette, en définitive, un avis sur les charges réunies à son encontre.

Cette décision n'est pas que symbolique, puisqu'elle permet aux parties civiles d'obtenir une indemnisation sur le plan civil. Dans un de mes dossiers, la partie civile a pu saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, alors que le mis en examen s'était suicidé, sur la base de mon ordonnance de non-lieu qui indiquait grosso modo, qu'il y aurait eu des charges suffisantes pour le renvoyer devant la juridiction de jugement s'il avait encore été en vie.

La CIVI a satisfait à la demande d'indemnisation de la victime.

De manière générale, nos ordonnances de mise en accusation ou de non-lieu sont motivées et notifiées à toutes les parties, y compris les parties civiles. Celles-ci ne sont peut-être pas d'accord avec la décision que j'ai prise, mais elles savent pourquoi je l'ai prise. Et elles peuvent faire appel.

Enfin, n'oubliez pas que les parties civiles peuvent demander à être auditionnées par le juge d'instruction. Dans les affaires graves, criminelles ou correctionnelles complexes, l'audition de la partie civile est quasiment systématique et ce même si on n'a pas nécessairement besoin de recueillir ses explications sur le fon de l'affaire. A l'occasion de cette audition, le juge d'instruction peut résumer le dossier, expliquer à la partie civile les subtilités de procédure, le temps que tout cela va durer, etc...

Enfin nous pouvons ordonner toute expertise permettant d'établir le préjudice de la victime. Là encore dans les affaires graves, beaucoup de juges d'instruction (dont je fais partie) systématisent l'examen médico-psychologique de la victime pour établir son préjudice physique mais aussi son traumatisme moral. Je travaille avec des psychiatres qui font ce que l'on appelle de la victimologie.

En bref, Double Face: la partie civile a une place importante dans la procédure. Laissez tomber les clichés.

102. Le vendredi 25 juillet 2008 à 14:59 par tschok

@ Lulu,

Certes les poncifs éculés méritent le "n" qui leur manquent et vous n'avez pas tort d'y aller avec énergie.

Cependant, Double Face manifeste une pensée qui est commune, mais pas vulgaire.

Or, vous citez un terme, la victimologie, qui exigerait que vous en disiez plus, en votre qualité de juge d'instruction, si je puis me permettre.

Je vous devine bien plus compétente que moi pour en parler.

Personnellement, j'y vois une clé.

Déjà dans le mot: la victimologie, c'est de la science. Ce n'est plus de l'émotion.

Exit la thèse de Chevalier Bayard.

Je veux dire par là que la victimologie me semble capable de rationaliser avec utilité un ensemble de faits que notre émotivité nous rend incapable d'aborder avec la sérénité qu'exige le processus judiciaire.

Il vous faut donc en parler à la lumière des cas que vous avez traités.

Cette invitation n'est naturellement pas un ordre.

Déjà votre exemple sur ce que peut faire la CIVI dans un cas d'extinction de l'action publique est extrêmement intéressant.

Bon, évidemment, un vendredi après midi, votre droit à jouer relâche est quasi constitutionnel.

Mais si vous pouviez quand même, à l'occasion que vous jugerez appropriée, nous faire part de vos réflexions sur un sujet que vos fonctions vous appellent naturellement à explorer avec rigueur, je vous en serais gré éternellement, ne serait ce que pour mon information personnelle.

103. Le vendredi 25 juillet 2008 à 15:07 par tschok

PS: J'ai été trop rapide:

Ce n'est pas Chevalier Bayard qui a tort, c'est la thèse qu'il expose qui doit être combattue.

104. Le vendredi 25 juillet 2008 à 15:15 par Joel

@aliocha(85)

Mais c'est important, les journalistes, et c'est vraiment agacant, la quantite d'articles faux ou imprecis (ou mal recopie, et sans le dire, d'un article du New York Times de la semaine precedente) qu'on trouve dans Le Monde par exemple. Critiquer "la plupart des journalistes", c'est aussi implicitement faire des eloges aux autres, dont je suis sur que vous faites partie.


105. Le vendredi 25 juillet 2008 à 16:42 par Fantômette

@ Tschok

Que la victimologie soit une science, c'est une observation sur laquelle j'émettrai pour ma part quelques réserves.

Le mot recouvre des spécialités (à ma connaissance) qui relèvent de plusieurs domaines : aussi bien la psychiatrie (c'est ce dont parle Lulu) que la sociologie, le droit pénal, la criminologie...

Je vois autant de raison de lui coller cette étiquette de "science" que d'en faire une idéologie, de la façon, en tout cas, dont elle est identifiée en France. Admettons qu'il en aille pas tout à fait de même au Québec, ou en Belgique, quoique je ne sois pas experte en la matière. Lorsque le terme apparaît dans un discours de politique pénale, autant dire que je m'apprête à être déçue par ce qui va suivre.

Le débat - à ce que je vois un débat saute-billet - se poursuit donc sur la place de la victime dans le procès pénal, au sens large.

Inutile de dire que ce n'est à nouveau pas sur ce point précis que je vais me trouver en désaccord avec Eolas. La victime n'a pas son mot à dire sur la peine. Je ne dis pas qu'elle n'a pas UN mot à dire. Elle veut le dire, elle y pense très fort, et elle est tout à fait persuadée qu'elle détient une forme de vérité sur la peine la plus adaptée à l'agression, que dis-je à l'agresseur.

Pour autant, son mot ne devra pas être dit lors du procès pénal.

C'est une vérité objective en ce sens où c'est bien, en tout état de cause, l'état du droit positif sur la question.

Au-delà, c'est également un élément crucial de notre entier système de politique criminelle . C'est une philosophie pénale, si le terme ne doit pas vous faire fuir, utilisé sans précaution un vendredi après-midi.

Tschok, je pense que vous vous trompez quand vous en faites une question de valeur. Je pense que c'est pire que cela. C'est plus grave encore. La "vengeance institutionnalisée", c'est n'est plus de l'institutionnalisé. L'institutionnalisé, c'est par définition du médiatisé.

Faire du tiers impartial, faire du juge, le porte parole et la chambre d'écho de la victime, c'est n'en faire plus rien. Ce n'est plus en faire un tiers. C'est en faire un double.

Et par ailleurs, je ne crois pas (je ne vous donne que mon opinion) que cela soit accorder à la victime sa juste place. La victime n'est pas au procès pour s'entendre dire ce qu'elle veut entendre, pour dire les choses quelque peu brutalement.

Elle entendra ce qu'elle ne veut pas entendre, mais ce qu'il est juste qu'elle entende. Que d'une part, elle n'a pas la maitrise du procès. Que le procés ne sera pas l'histoire inversée de son agression : elle toute puissante, face à l'agresseur désarmé.

Que d'autre part, à la fin du procès, répond la fin de l'agression.

Le moment du verdict n'est pas la condamnation de la victime à l'être et à le demeurer. C'est la reconnaissance AU PASSE d'un statut de victime. On évalue un dommage. On lui fixe un prix. On condamne le prévenu à réparer. Le fait que cela soit rarement fait, ou rarement intégralement est un problème, oui.

Mais cela c'est la fin pour la victime de son histoire de victime.

Oui, fixer un prix à l'agression, paraît souvent iréel, ou décevant, ridicule ou même insensé. Il ne faut pas se contenter d'y voir une question d'argent. Le prix de la douleur. Il faut y voir l'idée que la douleur est fixée. Qu'elle n'est pas - ou qu'elle peut ne pas être - sans limite.

J'y vois, pour ma part, une porte ouverte, pour les victimes qui auront le courage de l'emprunter.

Illusoire ? Peut-être pour certains. Et quand bien même ? Allons nous donner l'idée inverse aux victimes ? Leur faire croire, quand elles-mêmes le disent, que le passé n'aura jamais de fin, que leur souffrance jamais ne butera sur aucune forme de réparation ?

Alors la peine constitue t-elle une forme de réparation ? Deux souffrances s'annulent-elles ? On l'a fréquemment pensé dans l'histoire de l'humanité. Je n'y ai jamais cru. Je n'ai jamais compris comment deux peines pourraient faire autrement que de s'aditionner.

Trop long pour être développé ici, et précisé, car ne dire que tout cela est encore trop simple, et maladroit. J'espère d'ailleurs ne heurter personne par ces quelques mots que j'écris trop rapidement.

Bon week-end à tous.

106. Le vendredi 25 juillet 2008 à 16:43 par Le Chevalier Bayard

@ 102 tschok

Permettez-moi, fort prosaïquement, de replacer l'épigraphe de mon post dans le sens de la forme interrogative ce qui n'apparaît pas, manifestement, à sa lecture en l'absence du signe de ponctuation ce dont vous me pardonnerez.

Cela étant, d'embée, s'agissant de la victimologie, je vous précise qu'en cette matière je suis un peu philistin.

Ayant assez de recul sur moi-même (vous avez pu l'observer) pour en avoir avec les autres; j'aime souvent rappeler, à la manière de mon maître de philosophie, à qui un jour on reprochait de parler de religion alors qu'il était athée répondait : "Autant dire qu'il faut, pour pouvoir parler légitimement de la musique de Beethoven, être sourd, sous prétexte que Beethoven, lui, l'était !"

Donc, ce que je tentai de souligner en exergue c'est la dérive de cette "nouvelle science" apparue dans les années 60 sur le continent américain en ayant la (mauvaise) réputation d'être l'"art de blâmer la victime".

C'est ainsi qu'à partir des années 70, le féminisme a eu une action décisive sur le changement d'orientation de la victimologie, quelle que soit la nature du péjudice.

En effet, à partir du modèle des femmes battues et violées, la victimologie a intégré les apports de l'étude des traumatismes pour se mettre entièrement au service de la reconnaissance de l'"être-victime". Ce qui est bien le moins puisque, sans victime, pas de victimologie.

Ce qui fait dire aux deux auteurs que je citais dans mon précédent post :

"La dérive quasi inévitable dont certains victimologues sont conscients est de considérer la victime comme un être à part, englué dans la souffrance engendrée par le traumatisme en faisant abstraction de la situation politique, sociale et psychique.

Rejoignant les idéaux du DSM III (Diagnostic Manual for Mental Disorders), la "bonne" victime n'a pas d'inconscient : elle ne jouit pas, elle n'est pas ambivalente, elle ne rationalise pas, elle met tout en oeuvre pour être "reconnue", indemnisée et pour que l'auteur de son traumatisme soit puni afin qu'elle puisse "faire sondeuil" et de reconstruire.

Ces victimes-là n'existent pas et n'existeront jamais, mais qui va le reconnaître ?

D'ajouter, :"On ne peut pas ne pas remarquer à quel point la victimologie est en phase avec l'idéologie de la société où elle prospère : avant les années 70, elle n'a pas contribué à faire reconnaître les victimes puisque, confirmant les a priori qui régnaient, il s'agissait de démontrer qu'elle n'étaient pas innocentes.

Sous les coups de butoirs des victimes elles-mêmes et de ceux et celles qui les défendaient, elle a fini par se mettre au service des victimes, accompagnant un mouvement qui a trouvé un immense écho dans le monde "médiatico-politico émotionnel."

Et, enfin, de rappeler encore :" il faut savoir que depuis 1990, la création de dipômes universitaires de troisième cycle de victimologie consacre ses nouvelles orientations. Thèses, mémoires, recherches, publications ayant pour le sujet les victimes abondent.

La victimologie attire de plus en plus de juristes, professionnels de terrain, tandis que les étudiants en psychologie prennent d'assauts les UER de victimologie car les débouchés professionnels sont vastes." (pages 49 et 50)

107. Le vendredi 25 juillet 2008 à 17:08 par Double Face

@tschok
J'ai écrit ce post car je ne voulais pas laisser passer tel quel 2 propos lancés sans modération "la mention des intérêts de la victime ayant été rajoutée de manière saugrenue par un législateur ne sachant plus où déverser ses larmes" (Billet d'Eolas)(Désolé) et "La justice pénale est avant tout destinée à servir la société, pas la victime" (@92 Marcel)
J'ai essayé de montrer qu'il existe forcément un droit de la victime, et j'ai évité les pocifs la veuve éplorée, la fillette violée ...
Il se trouve que je suis d'accord avec vous. Je ne pense pas que la victime doit influencer la sentence du coupable.
Je n'ai pas dit que la justice tenait la victime pour quantité négligeable. Je pense qu'il faudrait un petit peu plus de pédagogie de la sentence. J'aborde cette question non pas parce que j'ai été victime de quoi que ce soit, mais parce que je suis stupéfait que chaque fois qu'on voit à la télévision un procès se terminer, la famille de la victime est toujours très mécontente de la sentence comme si la seule peine d'un crime soit la peine de mort. Il me semble que le juge devrait pouvoir expliquer à la victime le pourquoi de la sentence.
C'était mon propos.

108. Le vendredi 25 juillet 2008 à 17:20 par Double Face

@lulu:
Je n'ai insulté personne, et je crois qu'on m'a mal lu.

"Ce n'est évidemment pas à la victime de choisir ni d'influencer la peine du coupable."
"je ne travaille pas dans le domaine du droit" (donc j'ai le droit d'être un peu naïf/idiot)
"Ce que demandent les victimes c'est que la justice s'adresse à eux, et pour autre chose que des dommages et intérêts."
"Je crois qu'il faudrait inventer un système dans lequel la justice s'adresserait à la victime, en expliquant les choses (le jugement, la fin des poursuites ...) de façon didactique."

Qu'ai-je fait pour mériter des posts insultants ?
Je remercie tschok de m'avoir répondu poliment.

109. Le vendredi 25 juillet 2008 à 17:52 par tschok

@ Fantômette,

La victimologie est une science "frankenstein": c'est une entité créée à partir de petits bouts d'autres disciplines.

Classiquement se posera, le moment venu, le problème de son autonomie.

Pour l'instant, cette "science" n'a pas 20 ans: elle n'est qu'une pratique, plus ou moins méthodique, pour le meilleur et souvent pour le pire (Outreau).

Côté pratique, j'attends Lulu. Côté science, je m'en remet à l'avenir.

Est ce une idéologie?

Si vous le voulez, mais je prétends justement qu'elle doit se détacher de l'approche victimaire, qui est idéologique, et qui ne met jamais fin au procès (la rétention de sureté) alors que le jugement correspond au désaisissement du juge.

Avec leurs conneries de souffrance, les pro-victimes n'en finissent jamais. L'addition n'a plus de fin. Il faut toujours y mettre une rallonge. La rétention de sureté participe aussi de cette logique qui n'en finit pas et qui ne surmonte pas la souffrance au point d'en imaginer dans le futur!

(faut quand même être sacrément taré pour en arriver là).

Le jugement n'est plus satisfactoire. Le juge lui-même devient coupable, s'il refuse d'être, comme vous le dites très justement, le double de la victime.

Dans mon esprit, la victimologie doit permettre une analyse tendue vers un but: prendre soin des nôtres, pour le dire à la Touraine (quoique je doute qu'il ait employé cette expression trop évocatrice pour être précise).

Cette analyse doit être très fine, de la même façon que l'analyse des troubles post traumatiques chez les anciens combattants a exigé une certaine finesse, alors que la guerre existe depuis fort longtemps et que les sociétés sont passées pendant longtemps à côté des souffrances de leurs anciens soldats sans plus s'en préoccuper que cela.

Et puis, à un moment, quelqu'un décide de creuser, de s'intéresser au sujet.

Il faut sortir de l'esprit paysans, même érudit (Véronique).

Il faut être moderne.

Ce n'est qu'une intuition et je reconnais volontiers que je pourrais me tromper, mais je pressens dans la victimologie un gisement digne d'intérêt.

Notamment j'y vois l'intérêt de permettre une réparation du délit autrement que par la peine, qui peut demeurer mais n'est plus l'outil principal.

Après tout, si j'étais une victime, qu'est ce que j'en aurais à faire qu'on envoie untel en prison, du moment qu'on sait comment prendre soin de moi?

C'est parce que je crains qu'on ne prenne pas soin de moi que je m'accroche, hargneux, à l'idée qu'on enverra untel en prison et que j'y trouve une sorte de plaisir coupable, un peu sale, mais un plaisir compensateur.

Si nos sociétés offrent aux victimes une autre compensation, plus utile, alors la peine devient secondaire.

C'est cela l'intérêt que j'entrevois.

Sinon, pour le reste je suis d'accord avec vous.

110. Le vendredi 25 juillet 2008 à 18:03 par tschok

Chevalier Bayard,

Dans votre commentaire j'ai du mal à distinguer ce qui relève de la victimologie- qui est à la base une discipline clinique- de la victimation ou de la victimisation ou de l'approche victimaire, qui est le système idéologique au sein duquel cette discipline, d'essence médicale, s'est dans un premier temps développée.

Aujourd'hui, il me semble que la victimologie a accumulé des expériences qui font que la question de son autonomie par rapport au système idéologique qui l'a portée va se poser.

Après tout, être victime est un fait objectif matériellement vérifiable.

C'est précisément ce que le procès d'Outreau nous a légèrement fait perdre de vue.

111. Le vendredi 25 juillet 2008 à 18:10 par Que la Justice soit forte et que la Force soit Juste

@Double Face
"Je crois qu'il faudrait inventer un système dans lequel la justice s'adresserait à la victime, en expliquant les choses (le jugement, la fin des poursuites ...) de façon didactique."


Cela existe déjà dans notre procédure pénale actuelle...

Je refais un copié collé de mon précédent commentaire pour éviter de répéter les mêmes choses sous des formulations différentes....

"Dans un premier temps, il faut savoir que la partie civile (une fois constituée et reçue) a des droits similaires à ceux de la défense notamment l'accès au dossier pénal et la possibilité de déposer des requêtes.

Je m'explique, l'article 80-3 du CPP oblige le juge d'instruction d'aviser la victime de l'ouverture de l'information judiciaire et de son droit à se constituer partie civile.

L'intérêt de se constituer partie civile, outre d'obtenir réparation du préjudice subi, est d'avoir accès au dossier pénal et devient ainsi "acteur" du procès pénal et bénéficier de divers droits.

La victime a une réelle place dans la procédure, l'idée véhiculée par les médias selon laquelle que celle-ci subie la procédure est totalement fausse.

Alors quels sont ces droits me diriez-vous et qu'est ce viendrait faire mentir cette idée de passivité?

La partie civile a tout d'abord le droit à un juge (normal me diriez vous), mais un juge impartial et indépendant, si il y a un doute sur ces qualificatifs, elle peut selon l'article 662 du CPP demander le "dessaisissement d'une juridiction pour cause de suspicion légitime" , elle peut même faire récuser le magistrat pour les mêmes raisons( article 668 du CPP).

Je passe sur le droit d'être assisté par un avocat.

Ensuite, la PC (partie civile) a droit à l'information sur ses droits mais également sur le déroulement de la procédure en ayant accès au dossier pénal par le biais de son avocat, ce dernier a les mêmes droits que le conseil du mis en examen. Il peut demander copie des pièces de la procédure par exemple.

Pourquoi copie du dossier pénal? Non! ce n'est pas pour en faire son livre de chevet ;-) mais pour pouvoir participer à cette procédure.

Elle participe par sa présence tout d'abord et ses déclarations mais elle ne peut être entendue en qualité de témoin, on ne peut être juge et partie comme témoin et partie.

C 'est là que cela devient intéressé, la PC peut formuler des demandes d'actes.
Au départ, c'est à dire avec la loi du 4 janvier 1993, ces actes étaient limités aux auditions de témoin, d'interrogatoire, confrontation ou encore transports sur les lieux.

Or depuis, la loi du 15 juin 2000, ce droit a été étendu à tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité (article 82-1 du CPP).

Elle peut demander expertise, complément d'expertise même contre-expertise, cette même loi lui permet désormais de poser les questions qu'elle souhaite à l'expert.
Pire, si les conclusions de l'expert seront de nature à conduire le juge à déclarer un non lieu ces compléments et contre expertise sont de droit (167-1 du CPP). Ah là là, la bataille des experts, j'en ai des anecdotes à conter la dessus...

Elle peut aussi bien entendu demander des actes permettant d'apprécier le préjudice subi...

Enfin, elle peut surtout contraindre le juge de se prononcer sur la suite à donner au dossier selon trois cas:

-à l'expiration du délai prévisible d'achèvement de la procédure qui lui a été notifié par le juge d'instruction en début d'information
-à l'expiration du délai légal qui est d'un an en matière correctionnelle ou de 18 mois en matière criminelle
-lorsqu'aucun acte n'a été accompli pendant une durée de quatre mois."

112. Le vendredi 25 juillet 2008 à 18:13 par tschok

@ Double Face (com 107),

Et bien justement, c'est ce dont nous parlons!

C'est l'alternative au discours débile du type: "hein Madame, vous êtes contente, hein. Le violeur de votre fille a été condamné à 30 ans de prison, vous êtes contente hein. C'est grâce à notre nouvelle loi. Vous ne l'oublierez pas, hein, lors des prochaines élections?

- C'est un scandale! Il aurait mérité perpet!"

113. Le vendredi 25 juillet 2008 à 18:41 par Double Face

@Que la Justice soit forte et que la Force soit Juste
J'avais bien reprécisé que "je ne travaille pas dans le domaine du droit" c'est pour cela que je ne sais pas que ça fait déjà partie de la procédure actuelle. Cette fois j'ai bien compris.

@tshok:
Je n'ai pas de solution à proposer.
Le juge ne pourrait-il pas expliquer à la victime pourquoi 30 ans est une peine adaptée/suffisante ? Encore une fois, c'est une proposition d'un ignare en droit.

Est-ce une fatalité qu'en matière de crime la victime ne soit jamais contente du verdict (sauf peine maximum) ? Je proposais de faire de la pédagogie.
Par pitié, ne me sautez pas à la gorge ! Je crois que je préférerais le Troll Detector.

Dommage pour Facebook (comme souvent les billets commencent bien et finissent mal). Je me suis inscrit sur ce site, et je l'ai beaucoup testé. C'est très potache, mais c'est génial !!!

114. Le vendredi 25 juillet 2008 à 18:56 par Que la Justice soit forte et que la Force soit Juste

@Double Face

Ravie que cela a pu vous faire découvrir une partie de notre procédure pénale. Au fait ne vous en faîtes pas personne ne vous en veut ou ne désire vous sautez à la gorge ;-)

Il s'agit juste de l'agacement, entendre sans cesse que la victime n'a pas de place dans la procédure, qu'elle est une laissée pour compte...commence sincèrement à m'exaspérer.

Je pense Double Face qu'il ne faut se laisser bercer par le discours de la Pensée Unique mais essayer d'adopter un point de vue objectif et ne pas se laisser aller à la défense du plus faible bien plus noble et plus facile...nous ne sommes pas des zorros (oops des hancock? non des spider man? non...euh, je ne sais plus :-) )

Votre point de vue en tant que profane du droit comme vous dîtes, est très intéressant car il permet de se rendre compte pourquoi le gouvernement est dans une phase d'inflation législative pénale et ce au détriment des principes les plus fondamentaux de notre droit.

NB: Ne soyez pas dupes cette inflation n'a pas commencé avec Sarkozy mais elle débutait déjà sous le gouvernement Jospin avec cette fameuse loi sur la présomption d'innocence.

115. Le vendredi 25 juillet 2008 à 19:02 par Le Chevalier Bayard

Tschok

Pour l'essentiel, je crois que j'ai été clair ! A aucun moment je n'ai évoqué la distinction que vous formulez.

Pour le surplus, je rappelerai, modestement, que parallèlement aux travaux sur le traumatisme, la victimologie a commencé à se développer à la fin des années 40 en Europe.

Elle a donc plus de 20 ans d'existence contrairement à ce que vous affirmez !

Réplique en miroir de la criminologie, le terme lui-même a été utilisé pour la première fois, tenez ! je vous le donne donne en mille !-....par, par,... un AVOCAT autrichien, Benjamen Mendelsohn, lors d'une intervention à un congrès de psychiatrie en 1947, intitulée "De nouveaux horizons bio-psychosociaux : la victimologie".

En assurant la défense des accusés, il lui était apparu que la victime avait un rôle dans le passage à l'acte criminel.

"Etonnant non !"

Approche victimaire, victimation, victimisation....Ah! vous avez aussi oublié...victimiser ! Humble béotien dans ce domaine je ne m'aventuerai pas dans l'exercice d'une logorrhée logomachique confinant à une dialectique purement éristique dans laquelle vous excellez probablement !

Fantômette

Merci, pour votre éclairante contribution !

116. Le vendredi 25 juillet 2008 à 23:55 par Axonn

à rapprocher des militaires israéliens qui se sont fait taper sur les doigts pour avoir mis sur Facebook des photos de missions sensibles !

Bien sûr Facebbok n'est pas en cause, il n'est qu'un accélérateur de cette erreur (ne pas comprendre qu'est-ce qui est confidentiel).

Pour moi c'est un bon jugement, qui rappelle un peu que Facebook n'est pas un panneau d'affichage d'une salle réservée à une bande de potes, mais un espace d'informations diffusées publiquement.

117. Le samedi 26 juillet 2008 à 12:11 par Fantômette

@ double face

Ce n'est nullement une fatalité que la victime soit insatisfaite de toute condamnation inférieure au maximum encouru.

Je mets plutôt la pédagogie que vous prônez à la charge de l'avocat de la partie civile que du juge, mais il est vrai que de nombreuses parties civiles viennent se défendre sans avocat. A tort, à mon avis, mais passons, tout le monde pensera que je ne prêche que pour ma paroisse. Qu'au moins il soit écrit que si elles n'ont pas droit à l'AJ, et n'ont pas les moyens ou l'envie d'avoir un avocat tout au long de cette procédure, qu'elles prennent la peine d'en consulter UN, juste pour UNE consultation (un pénaliste). Il existe des consultations gratuites un peu partout, souvent dans les mairies et et les maisons du droit.

@ Tschok

Votre approche est intéressante. Je crois qu'elle est hautement compatible avec la nécessité, j'insiste, de (re) donner à la victime sa juste place au sein du procès pénal.

@ Chevalier Bayard,

Vous n'avez pas compris le propos de Tschok, ce qui a pu se produire si vous n'avez lu que celui qui a été adressé. Lisez également celui qu'il m'a adressé, puis de nouveau le vôtre, à la lumière du mien.

118. Le samedi 26 juillet 2008 à 13:11 par Double Face

@Fantômette
J'espère que ce n'est pas une fatalité. Je pense que le moyen de faire comprendre le jugement est la pédagogie (si c'est pas la pédagogie, c'est les baffes).
Cette pédagogie serait à la charge de l'avocat. Oui bien sur, mais c'est le système actuel qui n'est pas totalement satisfaisant.
Vu du coté de la victime (ou de l'inculpé) la Justice (avec un grand J) c'est le juge, celui qui prononce la peine (la peine = la vérité car c'est la reconnaissance du fait).
C'est pour ça que je me demandais si le juge ne pourrait pas jouer le rôle de pédagogue. Mais je n'ai pas de solution à proposer.

119. Le samedi 26 juillet 2008 à 14:27 par Le Chevalier Bayard

Fantômette

Je vous remercie de votre attention.

Mais encore une fois et, quitte à me répéter, mon propos n'était pas de faire l'exégèse de la victimologie mais, très modestement, d'attirer l'attention sur les excès parfois de sciences dites "nouvelles" qui en se mettant au service exclusif des victimes deviennent des relais qui font, en quelque sorte, le pont entre la psychiatrie dans sa fontion diagnostique et la justice dans sa fonction réparatrice.

Ces relais deviennent des - institutions créatrices d'emploi et de savoir-faire - en principe pour le meilleur. C'est la raison pour laquelle il n'est pas interdit d'y jeter un regard critique et bienveillant, toujours pour le meilleur.

C'est en tout cas ce que l'avocat et le psychanaliste auteurs du "Temps des victimes" que je cite, ont tenté de mettre en lumière en proposant d'éclairer le lecteur citoyen que je suis .

Aussi pour la contribution au débat, qui vous l'avez rappelé n'est pas le thème du billet d' Eolas, j'en accepte cependant la digression en remerciant Tschok de pousser l'analyse et de forcer la réflexion.



120. Le dimanche 27 juillet 2008 à 18:34 par Fantômette

@ Double Face

Je comprends bien ce que vous dites - je crois, du moins.

Mais remettez le en question. Vous répétez ce que l'on dit un peu partout. J'ai pour ma part une tendance naturelle à remettre en question un peu tout et n'importe quoi, mais par-dessus tout ce que l'on dit un peu partout.

Voyons voir un peu.

La peine = la vérité ? Si le condamné ne part pas en prison, c'est que la victime a menti ? C'est que rien ne s'est passé ?

Je me demande si à force de nous le répéter sans cesse, on ne va pas finir par rendre vrai ce qui est du domaine, un p'tit peu tout d'même, de l'incantatoire.

Vous êtes victime d'une agression. Vous êtes blessé. Et si un juge ne vient pas vous confirmer la réalité de votre expérience, vous n'allez plus y croire vous-même ? Il suffira que vous ne puissiez pas prouver les faits pour que les faits cessent d'être réels ? Pour peu que vous ne puissiez identifier votre agresseur, et qu'aucune poursuite n'ait lieu, que se passe t-il avec votre propre souvenir ? N'y croirez vous plus ? Vous sombreriez alors dans la folie.

Si une personne est arrêtée, suspectée, traduite en justice, mais si, faute de preuve elle est relachée, la réalité subirait-elle, peut-être de façon encore plus exacerbée, une distorsion identique ?

Vous prêtez une sorte de pouvoir terrifiant à nos magistrats. Ils ne disposent pas de celui-là, croyez moi. Ils ne changent rien à la réalité. Ils la qualifient.

Comme je l'ai dit - je crois - plus haut, ou sous le précédent billet, j'ai parfois dans mon bureau des victimes qui me disent cela : si le prévenu est relaxé, alors ça veut dire que rien ne s'est passé. Je leur remets gentiment les idées en place, en deux phrases. "Vous, vous savez ce qui s'est passé. Lui (ou elle), sait ce qui s'est passé".

La formule me convient, par son amibiguité même, car vous remarquerez sans doute qu'elle reste valable même lorsque j'ai des raisons de douter de la véracité de ce que me raconte la victime. Et cela arrive.

La Vérité existe peut-être. Mais le Juge se contente de dire la vérité ++judiciaire++. Judiciaire. La Vérité tout court ("qu'est ce que la vérité?") eh bien, depuis deux mille ans que l'on se pose la question, elle court toujours.

121. Le dimanche 27 juillet 2008 à 21:44 par Cédric

Merci du conseil, je ne "pokerai" aucun procureur sur Facebook...

122. Le jeudi 31 juillet 2008 à 22:58 par Floormaster

Euh... Au risque de m'éloigner de la substance des débats de ces posts, j'aimerais effectuer une petite observation.

A la base, on a un problème de preuve en l'espèce, et j'ai l'impression que le système de preuve en France relève d'un système un peu vétuste, et non uniquement en droit pénal, particulièrement lorsque l'on touche à la preuve issue des NTIC.

Exemples choisis :

En droit de la famille, J'ai vu l'apparition des itiniraires Mappy pour justifier des déplacements et surtout de leurs montants, procédé très utile en matière de calcul du montant de la pension alimentaire versée au titre du devoir d'éducation et d'entretien... C'est au premier venu de constater les errances de ce logiciel, en suivant un itinéraire qu'il lui a donné. Mais bon, tout le monde l'utilise et ça ne gêne personne.

En droit du travail, des employés prouvent leurs heures de présence au bureau avec des "screenshots" où l'on voit dans l'explorateur le screenshot avec en face la date et l'heure de la dernière modification. Avec un petit peu de connaissances en informatique, cette fonction est tout à fait modifiable, et il n'y a pas besoin d'être Einstein.

En droit immobilier, la force probatoire accordées aux photos m'afflige, et même si le client peu diligent a refusé de prendre la charge d'une expertise contradictoire, il ne m'aspire que de la pitié. A l'audience, une des parties avait fourni une photo du mur litigieux avec une bouteille à côté. Le débat s'est joué sur cette bouteille, apparemment jetée négligemment à côté du mur, et qui ne pouvait manifestement et en aucune manière de l'avis du Président avoir été posée dans le but de tromper sa religion. La question était de savoir si la bouteille était une bouteille de 1,5 litre, ou de 75 cl. Pourquoi? Pour que le juge puisse se faire une idée exacte de la taille du mur. Affligeant...

Enfin, pour finir, sur ladite photo de Facebook, il est possible à tout le monde de voir la "display picture", et c'est probablement sur celle-ci que le débat s'est centré. Un verre plein peut être un verre de n'importe quoi, et être hilare n'a jamais été un crime. Il est évident que même en niant en bloc, les juges auraient été fortement impressionnés, mais bonjour l'objectivité de la preuve...

123. Le vendredi 1 août 2008 à 10:34 par MT Chedeville

Très intéressant, moi qui étudie la gestion de l'image de soi sur le Net et donc souvent les conséquences de Facebook sur mon blog, je vais reprendre votre intervention et cette information qui abonde dans mon sens.
MTC

124. Le mardi 5 août 2008 à 22:37 par Je tolère

Maitre Eolas est en effet sur Facebook.
Or, lorsque votre profil (ou bien peut être votre nom de famille un peu différent de ceux des amis de Maitre Eolas, c'est une hypothèse ou un doute que j'émets, rien de plus) - bien que tout beau, tout propre de parfait étudiant en droit, qui jusque là, était un fidèle lecteur des billets du blog de Maitre Eolas - ne lui plait pas, eh bien, celui ci vous retire, ni vu, ni connu, de sa liste de contacts après vous avoir accepté en ami dans un premier temps. Je ne comprends donc à ce jour toujours pas pourquoi celui ci m'a si vite rayé de la liste même si vous me direz, ce n'est que facebook, c'est puéril. Mais, bon que voulez vous, on ne mélange pas les torchons et les serviettes apparemment...

125. Le lundi 18 août 2008 à 02:13 par Apokrif

Le nommé "Maitre Eolas" sur FB est-il celui qu'il semble être, ou est-ce un honeypot des RG qui veulent ficher vos fréquentations (et qui n'ont pas les compétences techniques pour aspirer ce blog et extraire le nom ou pseudo des auteurs de commentaires) ?

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