Après la rétroactivité d'application immédiate, l'inconstitutionnalité à effet différé
Par Eolas le vendredi 20 juin 2008 à 13:27 :: Actualité du droit :: Lien permanent
Le Conseil constitutionnel a validé hier la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (décision n° 2008- 564 DC du 19 juin 2008). L'humanité vit donc ses dernières heures avant l'anéantissement, ce qui n'empêche pas le Conseil d'innover juste avant le Maïs de l'Apocalypse.
Première innovation : la Charte de l'Environnement, intégrée à la Constitution en mars 2005, a pleine valeur constitutionnelle, et s'impose donc au législateur :
Ces dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle ; … elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif ; … dès lors, il incombe au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, de s'assurer que le législateur n'a pas méconnu le principe de précaution et a pris des mesures propres à garantir son respect par les autres autorités publiques. (§18)
Affirmation tempérée par le fait que ce principe de précaution n'est pas absolu (c'est à dire qu'il ne suppose pas la certitude de l'absence de tout risque, comme l'espéraient certains parlementaires) :
Le fait que les conditions techniques auxquelles sont soumises les cultures d'organismes génétiquement modifiés autorisés n'excluent pas la présence accidentelle de tels organismes dans d'autres productions, ne constitue pas une méconnaissance du principe de précaution. (§21)
Deuxième innovation, qui est une pure création du Conseil, est l'inconstitutionnalité à retardement, ou loi-Cendrillon.
Le Conseil a en effet décelé une inconstitutionnalité dans le texte qui lui était soumis : un renvoi à un décret en Conseil d'État pour fixer des règles (les informations du dossier constitué par l'exploitant d'OGM qui doivent être accessibles au public) alors que la Constitution confie à la loi seule le pouvoir de définir les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, et les principes fondamentaux de la préservation de l'environnement. C'était de fait permettre au Gouvernement d'agir dans le domaine de la loi. C'est contraire à la Constitution. Enfin, pas tout de suite.
Car face à cette incompétence négative (le refus du législateur de légiférer, laissant ce fardeau au gouvernement), le Conseil se trouvait face à un dilemme. Il faut légiférer sur ce point, sinon la loi perd tout son sens. Annuler cette délégation anticonstitutionnelle ne suffit pas à régler la question, puisque ces règles doivent être posées par le pouvoir législatif.
Dès lors, la seule solution était de déclarer en l'état toute la loi contraire à la Constitution, pour l'empêcher d'entrer en vigueur tant qu'elle n'aura pas été à nouveau examinée par le législateur.
Ou d'improviser.
C'est cette deuxième voie qui a été choisie :
La déclaration immédiate d'inconstitutionnalité des dispositions contestées serait de nature à méconnaître une telle exigence (de transposition de directives européennes qui auraient dû l'être depuis longtemps, ça alors, la France, en retard ?) et à entraîner des conséquences manifestement excessives ; … dès lors, afin de permettre au législateur de procéder à la correction de l'incompétence négative constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2009 les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. (§58)
Bref, cette loi est conforme à la Constitution jusqu'au douzième coup de minuit de la Saint Sylvestre ; après quoi, telle une loi-Cendrillon, elle deviendra… une citrouille ?
Sauf erreur de ma part, c'est une première.
À ma droite, on louera le pragmatisme du Conseil et son inventivité pour étendre ses capacités de décision (après l'invention des réserves d'interprétation qui sont des déclarations de conformité sous condition, voici la déclaration de conformité à durée déterminée, qui s'auto-détruira dans six mois), et applaudira cette décision qui évite d'envoyer au pilon une loi accouchée dans la douleur et permet au Gouvernement de faire l'économie d'un nouveau concours de lâcheté (non que les candidats manquent, cela dit), à charge pour lui de faire voter en vitesse un amendement (au pif, dans le projet de loi "responsabilité environnementale" qui arrive mardi prochain ? Je rejoins Authueil dans ses prédictions. ).
À ma gauche, on se scandalisera des libertés prises par la Conseil avec la Constitution, qui ne prévoit nulle part cette possibilité de “retenez-moi ou j'annule cette loi”, et y verront un cadeau fait au pouvoir en place, une annulation totale de la loi étant une gifle pour le Gouvernement, et aurait été immanquablement présenté par l'opposition comme une victoire contre les OGM, ce qui eût été une manipulation des faits, certes, mais politiquement exploitable ; un peu comme un non irlandais en somme.
En attendant, nos campagnes reverront bientôt refleurir le MON810. Ça tombe bien l'action n'a fait que +25% depuis le début de l'année (contre +111% sur un an), je me demandais si je ne devais pas vendre. Comme le Conseil constitutionnel, j'ai bien fait de différer.
Commentaires
1. Le vendredi 20 juin 2008 à 13:58 par GroM
2. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:16 par Ferdi
3. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:26 par Ferdi
4. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:27 par Raveline
5. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:29 par Lilou
6. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:31 par Maitre Yogi
7. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:32 par jp
8. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:33 par Serge Slama
9. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:35 par villiv
10. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:37 par Serge Slama
11. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:45 par YR
12. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:48 par Clm
13. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:50 par Giudice
14. Le vendredi 20 juin 2008 à 14:51 par Taikila
15. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:02 par Clm
16. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:02 par Serge Slama
17. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:07 par Serge Slama
18. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:11 par Serge Slama
19. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:13 par GroM
20. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:19 par Serge Slama
21. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:19 par Clm
22. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:19 par Thau
23. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:28 par Джугашвили
24. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:32 par David Alexandre
25. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:32 par Serge Slama
26. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:36 par X.
27. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:39 par Serge Slama
28. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:40 par Quidam LAMBDA
29. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:54 par toto
30. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:54 par David Alexandre
31. Le vendredi 20 juin 2008 à 15:55 par arbobo
32. Le vendredi 20 juin 2008 à 16:17 par Neko
33. Le vendredi 20 juin 2008 à 16:24 par arbobo
34. Le vendredi 20 juin 2008 à 16:28 par Ferdi
35. Le vendredi 20 juin 2008 à 16:44 par Neko
36. Le vendredi 20 juin 2008 à 17:09 par Indi
37. Le vendredi 20 juin 2008 à 17:21 par Justice et procès. Le blog de LM
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39. Le vendredi 20 juin 2008 à 17:33 par David M.
40. Le vendredi 20 juin 2008 à 17:35 par Indi
41. Le vendredi 20 juin 2008 à 19:13 par Justice et procès. Le blog de LM
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43. Le vendredi 20 juin 2008 à 21:36 par Thomas
44. Le samedi 21 juin 2008 à 00:05 par Raph
45. Le samedi 21 juin 2008 à 08:58 par Silas Haslam
46. Le samedi 21 juin 2008 à 09:03 par Silas Haslam
47. Le samedi 21 juin 2008 à 10:04 par APARIS
48. Le samedi 21 juin 2008 à 10:13 par APARIS
49. Le samedi 21 juin 2008 à 10:14 par APARIS
50. Le samedi 21 juin 2008 à 10:37 par doctorante
51. Le mardi 15 juillet 2008 à 16:27 par Derek