Dans la hotte du Père Noël
Par Eolas le dimanche 30 décembre 2007 à 23:00 :: General :: Lien permanent
Je voudrais vous signaler trois ouvrages qui constituent selon moi un must-have pour un avocat pénaliste. Les vieux routards connaîtront sans doute, surtout pour le premier d'entre eux, mais pour les petits jeunes, ils viennent tous les trois de sortir et sont à jour, profitez-en.
Ces ouvrages s'adressent aux praticiens professionnels. Pour les étudiants (sauf les auditeurs de justice et les élèves-avocats, qui ne sont plus tout à fait des étudiants), tournez les talons et allez lire les traités qui décortiquent la matière. Ici, on a affaire à des livres qui tiennent dans la poche et peuvent remplacer avantageusement un Code à l'audience.
Le premier intéressera indifféremment avocats et magistrats. Il trône sur le bureau de bien des procureurs à l'audience et des trois est le seul qui mérite l'épithète d'indispensable.
C'est le Guide des Infractions de Jean-Christophe Crocq, qui est magistrat (Editions Dalloz, 9e édition, 46 euros[1]). La nouvelle édition a réussi l'exploit de contenir plus d'informations en réduisant de taille, grâce à l'emploi du papier "Bible" du même type de celui utilisé dans les Codes. La nouvelle édition passe au bi-chrome rouge et noir, ce qui ajoute à sa lisibilité.
C'est un mémento des infractions prévues par le droit français qui, s'il n'est pas exhaustif, tend à l'être, et regroupe en un seul volume les infractions des différents codes (code pénal, code de la route, code de la santé publique, code de commerce, etc.) et lois autonomes (loi de 1881 sur la presse...), en mentionnant les peines principales et complémentaires encourues par les personnes physiques et morales, les particularités procédurales (juge unique, régime de la presse), et si la tentative est punissable ou non. Les définitions sont données sous la forme devant figurer dans les citations en justice, et il y a même le numéro NATINF[2] pour les procureurs.
Et ce n'est pas tout. Le livre s'ouvre sur un très long chapitre sur les poursuites pénales, qui constitue un mémento très complet de la procédure pénale, depuis l'enquête de police au déroulement de l'audience, avec un chapitre sur le droit des victimes et comment former une demande en dommages-intérêts en cas de préjudice corporel lourd (avec la nomenclature Dintilhac expliquée) dont la lecture devrait être obligatoire dans les CRFPA. Il est extraordinairement complet et à jour des lois du 5 mars 2007.
Le second s'adresse plus spécifiquement aux avocats. Il s'agit du Guide de la défense pénale de mon confrère François Saint-Pierre, éminent pénaliste s'il en est (Editions Dalloz, 5e édition, 42 euros). C'est un mémento de l'avocat en charge de la défense. Une bonne prise en main nécessite une première lecture in extenso, tandis que les deux autres ouvrages sont faits pour être consultés ponctuellement pour trouver l'information que l'on cherche. Il présente les droits de la défense en six chapitres (le droit à un avocat, le droit de connaître l'accusation, le droit de contester l'accusation, le droit de contester la légalité de l'accusation, le droit de contester le jugement et le droit de contester le juge), sous forme de droits-actions, c'est à dire en présentant les enjeux pour l'avocat et précisant comment il peut agir pour faire valoir ces droits.
La procédure pénale est en effet comme une locomotive sur des rails. Seule la présence de l'avocat est nécessaire, pas son action (contrairement à la procédure civile, ou l'avocat est le machiniste), et un avocat passif comme une vache dans son champ ne gênera pas le déroulement de la procédure, au contraire : la locomotive roulera tranquillement vers la condamnation. L'avocat pénaliste doit être actif, pour faire dérailler la locomotive (c'est la nullité de la procédure, ou le non-lieu, la relaxe ou l'acquittement obtenus contre les réquisitions du ministère public) ou l'aiguiller vers une autre destination (c'est à dire une peine différente de celle requise par le parquet). J'arrête ici ma métaphore ferroviaire, mais ce qu'il faut en retenir est qu'un avocat avec des lacunes en droit pénal pourra se donner l'illusion d'être partie au procès alors qu'il n'en sera que spectateur. Et ce livre donne les outils pour être acteur. Chaque chapitre rappelle les textes applicables (code de procédure pénale, mais aussi ordonnance de 1945 sur les mineurs), cite quelques arrêts de référence, pose les règles de droit positif et en prime, pose les débats en jeu sur le thème du chapitre, l'auteur allant même jusqu'à glisser des suggestions de réforme dont la pertinence nourrit la réflexion.
Il se construit sur un rappel historique de la procédure pénale, qui montre avec une tragique acuité comment tous les progrès des droits de la défense ont été immanquablement rapportés par une loi postérieure, ou grandement neutralisés par la jurisprudence, les seuls progrès récents et durables étant dus à la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme. Ca fait du mal à lire, mais paradoxalement, c'est aussi très sain pour se rappeler à quoi sert un avocat de la défense. Quelques dérives dans la pratique par certains magistrats instructeurs (pas tous, loin de là, dieu merci !) sont dénoncées avec pertinence, et je vous encourage à lire le chapitre sur l'abus de droit que constitue la garde à vue de suspects dans le cadre d'une instruction (§112.7), et le paragraphe « Choses vues : exemples de faux en écritures judiciaires » (§434.7), dont je confirme la véracité, en ayant été témoin moi-même. Le ton n'est pas du tout polémique, et le respect de l'auteur pour les magistrats ne fait aucun doute, ce qui le rend tout particulièrement légitime à dénoncer certains comportements anormaux bien qu'hélas trop rentrés dans les mœurs (comme les enquêtes de personnalité ordonnée lors d'une instruction hors la présence de l'avocat sans qu'aucun texte ne l'autorise).
Enfin, le troisième, lui, s'adresse plus aux magistrats, mais devrait intéresser aussi les avocats pénalistes. Il s'agit du Guide des peines, de Bruno Lavielle, Michaël Janas et Xavier Lameyre, tous trois magistrats (Editions Dalloz, 4e édition, 42 euros). Retour à un ouvrage technique, une compilation de fiches pour trouver rapidement tous les renseignements dont on a besoin. C'est un ouvrage pour les juges d'applications des peines, mais la matière s'étant considérablement judiciarisée depuis la loi Perben II, l'avocat a un rôle de plus en plus important à y jouer, et dieu sait qu'un dossier d'aménagement de peine bien monté par un avocat, qui saura réunir les éléments pertinents, en tout cas bien mieux que la famille désemparéed'un détenu contactée par le SPIP, et qui soutiendra sa demande et répliquant s'il le faut aux objections du ministère public lors du débat contradictoire devant le JAP, a de bien meilleures chances d'aboutir. Le livre décrit toutes les peines, y compris les peines complémentaires ou alternatives, avec leurs modalités pratiques d'exécution, et rappelle à quelles infractions elles s'appliquent (c'est donc le complément du Guide des infractions, qui fait la liste des peines prévues par infractions), et reprend tous les éléments utiles pour les mesures d'aménagement pouvant être prononcées. Un avocat n'ayant pas pour le moment de formation en droit de l'application des peines au cours de sa formation professionnelle, c'est à lui de se prendre en main. La matière doit être étudiée par un ouvrage technique complet (en l'occurrence, je ne connais pas mieux que le Droit de l'application des peines de Martine Herzog-Evans, Editions Dalloz, collection Dalloz Action, 78 euros [3]), mais une fois les bases acquises, le guide présente l'avantage d'être synthétique et complet, et d'être plus transportable. Là aussi, malgré son aspect technique, la réflexion d'ensemble n'est pas absente, et le blues du JAP que constitue le chapitre 04 (« Où s'arrêteront nos peines ? ») est d'une richesse que je recommande par sa réflexion sur la politique pénale récente.
Full Disclosure : Je me suis acheté ces trois ouvrages, comme je me suis acheté les éditions antérieures, dont je ne connais pas les auteurs personnellement. Je n'ai pas d'actions chez Amazon, et ne touche aucun revenu de par ces liens. L'un des auteurs de ces ouvrages a eu la gentillesse de me contacter pour m'offrir un exemplaire de son livre, ce dont je le remercie encore, mais j'avais prévu de vous parler de ces trois excellents livres depuis longtemps.
Commentaires
1. Le lundi 31 décembre 2007 à 00:02 par Salomon Ibn Gabirol
2. Le lundi 31 décembre 2007 à 00:09 par bruno
3. Le lundi 31 décembre 2007 à 00:16 par Térence
4. Le lundi 31 décembre 2007 à 00:22 par Thalamos
5. Le lundi 31 décembre 2007 à 00:28 par Térence
6. Le lundi 31 décembre 2007 à 01:01 par Michèle BAUER
7. Le lundi 31 décembre 2007 à 01:05 par S.
8. Le lundi 31 décembre 2007 à 01:23 par Kerri
9. Le lundi 31 décembre 2007 à 09:54 par un étudiant en droit public
10. Le lundi 31 décembre 2007 à 10:15 par Lulu
11. Le lundi 31 décembre 2007 à 10:33 par OX
12. Le lundi 31 décembre 2007 à 10:57 par Mani (marguerite's phane)
13. Le lundi 31 décembre 2007 à 11:52 par Mani (marguerite's phane)
14. Le lundi 31 décembre 2007 à 11:58 par chantal
15. Le lundi 31 décembre 2007 à 12:09 par OX
16. Le lundi 31 décembre 2007 à 12:39 par Térence
17. Le lundi 31 décembre 2007 à 12:41 par hugarian
18. Le lundi 31 décembre 2007 à 12:47 par X.
19. Le lundi 31 décembre 2007 à 13:47 par simple étudiant
20. Le lundi 31 décembre 2007 à 13:51 par Thalamos
21. Le lundi 31 décembre 2007 à 14:09 par mauvais esprit
22. Le lundi 31 décembre 2007 à 14:16 par bruno
23. Le lundi 31 décembre 2007 à 15:10 par Térence
24. Le lundi 31 décembre 2007 à 17:08 par Lulu
25. Le lundi 31 décembre 2007 à 17:11 par Vicnent
26. Le lundi 31 décembre 2007 à 17:33 par Térence
27. Le lundi 31 décembre 2007 à 18:12 par Kerri
28. Le lundi 31 décembre 2007 à 18:18 par Dieulepere
29. Le mardi 1 janvier 2008 à 11:13 par X.
30. Le mardi 1 janvier 2008 à 12:11 par Noob
31. Le mardi 1 janvier 2008 à 14:32 par Lucca
32. Le mardi 1 janvier 2008 à 23:02 par Luc
33. Le mercredi 2 janvier 2008 à 00:51 par Noob
34. Le mercredi 2 janvier 2008 à 20:12 par etudiantnendroit
35. Le mercredi 9 janvier 2008 à 04:59 par hervé
36. Le mercredi 16 janvier 2008 à 16:47 par gruik