Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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CNE, suite : Ceteris Paribus veut signer le certificat de décès.

Ceteris Paribus, dont je salue la résurrection du blog après un long sommeil, veut avoir le monopole de la vie après la mort et émet une respectueuse opinion dissidente à mon billet d'hier et insiste pour débrancher le respirateur du CNE.

Voilà qui me permet un commentaire un peu plus détaillé, la citation de l'arrêt de la cour m'ayant conduit à faire un billet fort long, et contraint à limiter mes commentaires.

Son argument le conduisant à être le fossoyeur du CNE est le suivant : la question principale n'est pas celle du motif de licenciement (doit-il être réel et sérieux, ne pas être abusif, ou être simplement valable ? Doit-il être notifié préalablement ou révélé devant le juge ?) mais celle de la procédure. L'article 7 de la convention 158 interdit le licenciement pour motifs personnels ou de travail sans que le salarié n'ait été eu la possibilité de s'expliquer. Si l'ordonnance du 2 août 2005 n'exclut pas la procédure spéciale en matière disciplinaire, elle en dispense bel et bien l'employeur pour des motifs liés au travail, ce qui caractérise la violation de la convention 158, et donc impose de signer le certificat de décès.

If I may answer...

Avec tout le respect que j'ai pour Ceteris Paribus, et il sait qu'il est grand, le raisonnement qu'il fait ici est un pur raisonnement de droit public appliqué à un problème de droit privé (ce qui me fait penser que ma note en la matière devient urgente). Le publiciste a l'habitude de juger de la légalité d'un acte, et de l'anéantir si ce principe de légalité n'est pas respecté. Le juge administratif, et en dernier lieu le Conseil d'Etat a le pouvoir de réduire à néant jusqu'aux décrets et ordonnances du gouvernement. Et c'est ce que fait Ceteris Paribus ici : il prend l'ordonnance du 2 août 2005, qui crée le CNE, il la compare à une norme supérieure (une convention internationale), constate que la première ne respecte pas les règles de la seconde, et en déduit l'illégalité de la première.

Le droit privé est plus souple dans son raisonnement, et c'est la rigidité dont fait preuve la cour d'appel de Paris que je critique précisément. Pour ma part, je pense qu'une interprétation de l'ordonnance du 2 août 2005 à la lumière de la convention 158 était possible, l'incompatibilité n'étant pas absolue. En l'espèce, il suffisait d'exiger de l'employeur, qui sait pourquoi il rompt le contrat, que préalablement à une rupture pour cause de travail, il donne à son salarié la possibilité de s'expliquer, sans avoir pour autant besoin de respecter les formalités de l'entretien préalable, qui ne sont pas exigées par la convention 158.

S'il rompt un CNE pour motifs lié au travail, et n'apporte pas la preuve qu'il a mis le salarié en mesure d'apporter ses explications (même par e-mail : "Cela fait trois jours que j'attends les contrats du dossier Ceteris et que vous me dîtes que vous me les enverrez le lendemain, mais je n'ai toujours rien reçu ; pourriez vous m'expliquer les raisons de ce retard ? La semaine dernière, j'ai déjà dû attendre deux jours pour une simple lettre à la société Paribus. Ca commence à faire beaucoup, je vous ai déjà manifesté mon mécontentement. J'attends vos explications avant de prendre une décision vous concernant."), il sera condamné pour un licenciement non valable au sens de l'article 7 de la convention 158.

On m'objectera que le CNE devient une usine à gaz, puisqu'il faut, outre le texte de l'ordonnance, tenir compte d'un autre texte et appliquer le premier en l'adaptant au second. Je suis d'accord. C'est le résultat inévitable de l'empilement de textes qui semble être la seule forme de réforme que les gouvernements successifs ont été capables de faire. Tout nouveau texte crée des zones d'ombre que les premières jurisprudences permettent d'éclairer. Les règles de compatibilité seront donc posées par la jurisprudence, et la chambre sociale de la cour de cassation a du pain sur la planche pour encore longtemps.

Mais franchement, la solution de la cour d'appel de Paris est-elle meilleure, qui écarte l'ordonnance en bloc, requalifie le CNE en CDI et constate que la rupture est automatiquement fautive pour l'employeur faute de lettre de licenciement motivée ? Et condamne un employeur à 15.000 euros de dommages intérêts pour un CNE qui a duré deux mois ?

Mise à jour : Perseverare diabolicum, Ceteris Paribus itère ses remontrances.

Commentaires

1. Le mardi 10 juillet 2007 à 13:31 par Stéphane Antoine

Cher Maître je m'incline devant l'aisance et la fluidité de vos explications, toujours pédagogiques et lumineuses, dont je vous envie la maîtrise.
Pourrait-on imaginer un cas d'espèce qui permettrait au publiciste et au praticien du judiciaire "privé" (il doit exister une meilleure expression, mais elle m'échappe) de s'entendre.
Une structure para-publique, ou remplissant à des degrés divers des missions de service public, qui aurait engagé un contractuel avec un CNE, pourrait-elle se voir traduite devant un TA -en cas de rupture du dit CNE- par le licencié mécontent ?

2. Le mardi 10 juillet 2007 à 13:45 par nouvouzil

'préalablement à une rupture pour cause de travail'

Diable!

3. Le mardi 10 juillet 2007 à 13:48 par henriparisien

Il y a un point que je ne comprends pas dans l’argumentation qui considère comme illégal le CNE à cause d’une convention internationale.

Les pays anglo-saxons ont ratifié cette convention. En matière de licenciement, les recours du salarié sont nuls (sauf accord contractuel). Alors deux solutions :
- Pour une raison que j’ignore, la convention est moins restrictive pour ses pays ;
- Notre système de droit est plus contraignant dans l’intégration d’une convention internationale.

En sortant d’un cadre juridique, il me semble que la résistance que manifeste les tribunaux des prud’hommes contre le CNE peut-être analysé comme une défense corporatiste. Les conflits liés au licenciement concernent plus de 90 % des actions portés devant ses tribunaux (statistique personnelle tirées des trois séances auquel j’ai assisté comme public).

4. Le mardi 10 juillet 2007 à 14:25 par ALEXIS NEKSIS

@ stéphane antoine: le CNE étant un contrat de droit privé 5par détermination de la loi), le TA est incompétent pour en connaître.
C'est le juge prud'homal qui sera saisi comme pour n'importe quel type de litige relatif à un contrat privé (contrat de travail de droit commun ou contrats aidés par exemple emplois-jeunes )
@ Me eolas: à quand votre prochain billet sur l'organisation juridictionnelle française et un autre billet sur le bilan de la nouvelle procédure contentieuse des OQTF du point de vue de l'avocat?

5. Le mardi 10 juillet 2007 à 14:25 par ALEXIS NEKSIS

@ stéphane antoine: le CNE étant un contrat de droit privé 5par détermination de la loi), le TA est incompétent pour en connaître.
C'est le juge prud'homal qui sera saisi comme pour n'importe quel type de litige relatif à un contrat privé (contrat de travail de droit commun ou contrats aidés par exemple emplois-jeunes )
@ Me eolas: à quand votre prochain billet sur l'organisation juridictionnelle française et un autre billet sur le bilan de la nouvelle procédure contentieuse des OQTF du point de vue de l'avocat?

6. Le mardi 10 juillet 2007 à 15:53 par Bébèrt

J'avais de vagues remords à ne plus acheter la presse quotidienne et la lecture de ces deux billet m'en a guéri. On est loin des vagues articles gribouillés à la va-vite et au frontispice desquels sont apposés des pseudo-titres originaux. Articles qui sont jetés aussitôt entre les rouleaux de rotatives subventionnées par l'Etat.

7. Le mardi 10 juillet 2007 à 16:12 par abns

Henriparisien : "il me semble que la résistance que manifeste les tribunaux des prud’hommes contre le CNE peut-être analysé comme une défense corporatiste"

Voulez vous dire que les employeurs qui composent à 50% les tribunaux des prud'hommes manifesteraient une opposition "corporatiste" au CNE ?

8. Le mardi 10 juillet 2007 à 16:25 par henriparisien

Je me suis trompé, le seul pays anglo-saxon qui est ratifié cette convention est l’Australie. Je n’ai aucune idée de la législation du travail en Australie et mon argument ne tient plus.

J’ai retrouvé également le texte de la convention ici www.ilo.org/ilolex/cgi-le...

Le conseil d’état a été appelé à valider le CNE. Il l’a fait en considérant que l’article 2.b de la convention permettait d’exclure les salariés signataire d’un CNE :
2.b) les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas la période d'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable;

Mais si on ne retient pas cet argument on trouve :
L’Article 7 : Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées.

Donc entretien préalable obligatoire.

Article 9.2. Afin que le salarié n'ait pas à supporter seul la charge de prouver que le licenciement n'était pas justifié, les méthodes d'application mentionnées à l'article 1 de la présente convention devront prévoir l'une ou l'autre ou les deux possibilités suivantes:
a) la charge de prouver l'existence d'un motif valable de licenciement tel que défini à l'article 4 de la présente convention devra incomber à l'employeur;
b) les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention devront être habilités à former leur conviction quant aux motifs du licenciement au vu des éléments de preuve fournis par les parties et selon des procédures conformes à la législation et à la pratique nationales.

Le petit a) impose la nécessité pour l’employeur de motiver le licenciement.
Le petit b) fait référence à la pratique nationale. En France, la pratique nationale est la motivation du licenciement par l’employeur.

Donc on se retrouve dans le cadre du CNE avec exactement la même procédure de licenciement qu’en cas de CDI. La seule différence étant les questions de formes (délais pour la préparation de l’entretiens, présence d’un tiers, délais de quelques jours francs pour annoncer la décision prise etc…) qui permettait aux tribunaux de condamner des employeurs sans regarder le fond du dossier.

Le contrat unique voulu par Sarkosy me semble passer par la dénonciation de cette convention internationnale. Le brésil l’a d’ailleurs fait en 1996.

Vous citez l'article 9.2, qui impose soit la motivation préalable (le a) soit l'habilitation des organismes citées au 8 de forger leur conviction à partir des éléments de preuve apportés par les parties. Or les conseils de prud'hommes sont des organismes visés par l'article 8 car ce sont des juridictions. Donc, comme je le suggère, il suffit que les CPH puissent juger librement au vu des preuves apportées par les deux parties pour que la convention soit respectée sur ce point. Et l'employeur qui se refuserait à apporter des explications invoquant le dispositif du CNE comme l'autorisant à licencier sans avoir à s'expliquer s'exposerait à être condamné pour licenciement abusif. Pour le reste : avez-vous lu mon billet ? Je réponds précisément aux arguments que vous soulevez.

Eolas

9. Le mardi 10 juillet 2007 à 16:50 par Conjugaison

Dites... comment faites vous pour avoir autant de temps à consacrer à votre espace en ligne avec votre job d'avocat ?

J'ai de très bons stagiaires.

Eolas

10. Le mardi 10 juillet 2007 à 17:08 par Alex K

Mon Cher Eolas,

après le droit pénal et la procédure pénale, maitenant le droit du travail à la lumière de conventions internationales.

Vous n'êtes donc pas simplement un pénaliste passionné, mais plus généralement un passionné du droit.

C'est beau, il y en a peu des comme vous, ou alors leur passion est à éclipses avec des périodes d'ennui profond, comme la mienne...

A quand votre commentaire sur le thème "les lettres d'intention sont-elles mortes", ou sur les nouveaux moyens de défense des sociétés cibles d'une OPA depuis la transposition de la directive OPA par la loi Breton?

Avec vous je m'attends à tout, mais en tous les cas seulement à des bonnes surprises.

Un confrère quelques fois admiratifs, quelques fois intrigué, quelques fois amusé.

11. Le mardi 10 juillet 2007 à 17:40 par Raph

Vous parlez de rigiditer du droit public.. Je parle de sa logique :p

12. Le mardi 10 juillet 2007 à 17:46 par Salomon Ibn Gabirol

Cher Raph,

Que vous maltraitiez l'orthographe sur votre blog, ca vous regarde. Attention cependant, l'effet repulsif est garanti. Mais de grace, faites un effort quand vous commentez sur les blogs des autres. "Rigidité". Pas "rigiditer".

13. Le mardi 10 juillet 2007 à 17:52 par Alex K

@ Salomon Ibn Gabirol

Philosophe parmi les poètes, poète parmi les philosophes,

un peu de l'indulgence pour les fautes d'orthographe qu'il nous arrive de commettre, surtout lorsqu'elles sont guidées par l'empressement de poster un commentaire à l'attention du maître des lieux !

14. Le mardi 10 juillet 2007 à 17:55 par Bieb

Mon cher Maître,

Sauf votre respect, je trouve votre exemple de "mise en mesure du salarié de prendre connaissance des motifs et de s'expliquer" plutôt mal choisi.

Ne pensez vous pas, en effet, que la production d'un tel échange d'e-mails soit susceptible d'amèner le Juge Prud'homal à considérer que l'employeur a entendu se placer sur un terrain disciplinaire ? (promesses non tenues du salarié suscitant le mécontentement bien légitime de l'employeur)

Dès lors, la procédure discipliniare est requise et son omission (la notification de la sanction par courrier motivé surtout) privera le "licenciement" de cause réelle et sérieuse...

15. Le mardi 10 juillet 2007 à 18:58 par Stéphane Antoine

je reviens à la charge, en essayant d'affiner mon cas.
Si un chef d'établissement public local d'éducation décide d'embaucher des vacataires sous CNE, il devra au préalable avoir reçu l'aval du conseil d'administration dudit EPLE. Les syndicats de cet EPLE seront donc motivés à attaquer la décision de contracter un CNE devant le TA, par la procédure de leur choix, par exemple REP, en produisant comme moyen la non-conventionnalité du CNE ? possible ou me trompé-je encore ?

16. Le mardi 10 juillet 2007 à 19:00 par henriparisien

Excusez moi, Maître si j’insiste…

Mais en voulant à toute force sauver le CNE et le faire entrer dans le cadre de la convention 158, vous êtes en train de le transformer en CDI. Au moins quant aux conditions du licenciement.

La seule différence porte sur la base de négociation des indemnités dues au salarié. Et celle du CNE lui sont plus favorables.

En passant, même la dénonciation de cette convention est complexe. Elle ne peut se faire qu'a partir de mars 2009 et ne prendrait effet qu'a partir de mars 2010.

Le CNE est un CDI, un CDI avec un régime dérogatoire les deux premières années, qui devient un CDI ordinaire le premier jour de la troisième année.

Eolas

17. Le mardi 10 juillet 2007 à 19:24 par Raph

@Salomon Ibn Gabirol :
Exact, je l'ai vu lorsque j'ai cliqué sur "envoyer", mais je ne voulais pas faire un post pour corriger ma première erreur..

18. Le mardi 10 juillet 2007 à 20:50 par jean philippe

Le CE at-il eu l'occasion de se prononcer sur le CNE ?

Oui .

Eolas

19. Le mardi 10 juillet 2007 à 21:40 par ALEXIS NEKSIS

@stephane antoine: je ne sais pas si le Maître des lieux sera d'accord pour une réponse précise à une question s'apparentant à de la consultation.
Donc, pour rester sur un plan général, et par application de la théorie de l'acte détachable du contrat de droit privé, le TA peut connaître des actes de passation dudit contrat et examiner les illégalité affectant l'acte unilatéral comme les vices propres au contrat
@Me eolas: et pour le billet sur la JA et le ctx des étrangers ?

20. Le mardi 10 juillet 2007 à 22:02 par Clems

J'adore la réplique de Ceteris Paribus, surtout la chute. Quand je pense qu'il y a 4 jours, je vous taquinais en vous expliquant que maintenant, je voulais bien signer un CNE.

On peut dire que je peux ouvrir le champagne tout de suite quoique, je vais finir par le regretter ce CNE, vous ne voulez pas le sauver ?

21. Le mardi 10 juillet 2007 à 22:22 par Esurnir

Plus je lis les commentaires plus je m'interoge sur l'utiliter de la justice administrative et me demmande pourquoi ne pas ratacher le ta au tgi et rapatrier la section contentieuse du conseil d'etat vers une chambre du quai de l'horloge.

En tout cas j'attends avec impatience votre billet sur cette separation.

22. Le mardi 10 juillet 2007 à 22:23 par siarres

Maître je trouve que vous instituez un débat furieusement excitant ,
Pour Stéphane Antoine et Alexandre Nevsky je dirai ;OUI il faut saisir le TA , mais sans illusions .
Si le TA admettait la non conformité à la norme internationale alors que le CE s’y est collé avec son habituelle docilité ce serait une révolution . Allez donc faire entendre aux TA que la multiplication des servitudes d’ordre public sur le foncier sont contraire au protocole numéro 1( la propriété) de la CEDH et vous m’en direz des nouvelles.
En fait l’arbitraire politique est la raison d’être de la dualité des juridiction .J’attend le billet que notre hôte nous a promis la dessus ( si si il l’a promis !) avec délectation .

23. Le mardi 10 juillet 2007 à 22:58 par Stéphane Antoine

à tous : merci de votre intérêt et de vos réponses, même, et surtout, théoriques.
C'était un "cas d'école" - c'est le cas de le dire - sans aucune réalité, et je ne venais pas à la pêche à la consultation gratuite. L'exemple en lui-même est sophistique : quel serait l'inntérêt pour un chef d'EPLE d'aller conclure un CNE quand il a déjà une batterie de statuts d'emplois précaires, et une population abondante de travailleurs à temps partiel, ou à temps limité (les étudiants).
Si je posais la question c'était pour faire sortir du bois Me Eolas et l'amener à se prononcer sur les liens ou l'absence de liens unissant les jurisprudence civiles et administratives. Il nous avait auparavant fait espérer un topo sur le thème, et instillait fréquemment des remarques destinées à paver son chemin de mauvaises intentions et à nous tenir en haleine ( "quiconque entame une instance devant la juridiction administrative ne vivra pas assez longtemps pour la voir aboutir" - je cite de mémoire)
Je reconnais cependant que cet exemple était extravagant, pour des raisons culturelles et sociologiques évidentes, personne au sein de l'administration ou de ses démembrements n'irait conclure un CNE...

24. Le mardi 10 juillet 2007 à 23:55 par DORLET

Bonjour,

Sur la dérogation à l’article 7

Pour disposer d’une rupture valable au sens de l'article 7 de la convention 158, vous suggérez qu’il suffirait que l’employeur « donne à son salarié la possibilité de s'expliquer, sans avoir pour autant besoin de respecter les formalités de l'entretien préalable », comme ce serait le cas avec un échange de courriels.

Il faut, me semble-t-il, revenir aux finalités de l’article 7 de la convention internationale. Il s’agit de permettre au salarié « de se défendre contre les allégations formulées ». A défaut de leur énonciation écrite, seule leur formulation orale permet au salarié d’en prendre connaissance. Et cela, qu’est-ce, si ce n’est l’entretien préalable, même si le respect du formalisme et des possibilités d’assistance ne seraient pas exigés ?

Par ailleurs, ce qui est discuté n’est pas la conformité d’une rupture particulière par rapport à l’article 7 de la convention internationale, mais le fait que l’ordonnance instituant le CNE, en excluant l’entretien préalable, déroge ou non à la convention internationale.

En l’absence de garanties de défense, comment peut-on conclure à l’absence de dérogation ?

Sur la dérogation à l’article 9

Dans votre précédent billet, vous prétendez qu’il est partial de considérer que « l’ordonnance dispense l'employeur d'apporter la preuve que la rupture est fondée ». N’est-ce pas, pourtant, ce que l’ordonnance fait, en écartant l’application de l’article L 122-14-3 du code du travail ? Vous prétendez qu'il n'y aurait que la dispense « d'une motivation préalable dans une lettre encadrant rigoureusement le débat judiciaire ». Se référer à l’énonciation préalable des motifs, c’est souligner la non application de l’article L 122-14-2 du code du travail. Or, l’un et l’autre de ces textes sont écartés.

Mais revenons à la convention internationale. Les deux alternatives de l’article 9-2 ont pour finalité de ne pas faire supporter au seul salarié la charge de la preuve du licenciement, ce qui semble avoir été perdu de vu, au long de vos échanges.

Le droit commun du licenciement (article L 122-14-3 du code du travail) correspond à la seconde alternative offerte (le petit b de l’article 9-2), selon laquelle les juridictions forment « leur conviction quant aux motifs du licenciement au vu des éléments de preuve fournis par les parties ».

Dans le CNE, le droit commun du licenciement est temporairement écarté et il n’a pas été prévu un aménagement de la charge de la preuve spécifique, comme celui des heures supplémentaires (article L 212-1-1 du code du travail) que vous présentez à tort comme généralisable dans votre précédent billet.

Pour une conformité à la convention internationale, il eût fallu que le texte fasse reposer la charge de la preuve sur l’employeur, comme le préconise le petit b) de l’article 9-2. Tel n’est évidemment pas le cas, du moins lorsque le motif n’est pas de nature disciplinaire…

Suggérer, comme vous le faites, que « les CPH [pourraient] juger librement au vu des preuves apportées par les deux parties », serait admettre l’existence d’un aménagement de la charge de la preuve. Or, il n’en est rien…

Invoquer l'article 8 du nouveau code de procédure civile selon lequel « le juge peut inviter les parties à fournir les explications de fait qu'il estime nécessaires à la solution du litige » change-t-il quelque chose à la charge de la preuve ? L’article 9 du même code ne rappelle-t-il pas que la charge de la preuve incombe au demandeur, en l’occurrence, le salarié, et ce, que soit invoqué un abus de droit, ou l'absence de motif valable au sens de l’article 4 de la convention internationale…

En l’absence d’aménagement du régime de la preuve, je ne vois pas comment on pourrait conclure à l’absence de dérogation !

Merci de m’éclairer sur mes égarements éventuels.

25. Le mercredi 11 juillet 2007 à 20:03 par didier Schneider

@ Siarres : "Allez donc faire entendre aux TA que la multiplication des servitudes d’ordre public sur le foncier sont contraire au protocole numéro 1( la propriété) de la CEDH et vous m’en direz des nouvelles."

oui mais la même CEDH admettrait l'argument suivant : la servitude sur 'un bien' permet la liberté de circulation de l'enclavé. La liberté de circulation d'un individu et de sa famille est supérieure à la jouissance totale d'une surface. l'intérêt général prime sur l'intérêt particulier. poussé à l'extrême, l'intérêt général donne la notion irlandaise de la propriété foncière, notion là bas toute relative. Et c'est loin d'être une nation foulant les droits de l'homme au pied.

Méditez : quand la liberté du plus fort oppresse, la loi protège le plus faible.

26. Le jeudi 12 juillet 2007 à 00:17 par siarres

Merci @didier Schneider pour ce sujet de méditation , « la loi libère ,la liberté oppresse » .On a construit tous les système concentrationnaire sur le discours de l’intérêt collectif ,le bien de tous vaut bien quelques sacrifices ....Mais pour en revenir à la servitude nécessaire à l’enclavé et sa famille , il vaut mieux ne pas la demander au juge administratif car justement il ne la donnerait pas , c’est le juge civil qui la donne avec une contrepartie pécuniaire . Il n’y a donc pas de vol dans ce cas , c’est pourquoi - vous avez raison - la CEDH l’admettrait .
En revanche les servitudes qu’on impose par la voie administrative n’ont généralement pas d’intérêt pour des personnes précises qui sont pourtant supposés en avoir l’usage .On sait bien que l’intérêt public c’est l’intérêt de « personne » ca ne sert qu’a ceux qui manipule le concept .Par exemple :Les POS sont des collections énormes de bavardages vaseux qui ont pour but réel de ruiner l’un et d’enrichir l’autre ,mais sans intérêt pour le public qui de toute façon est obligé d’acquérir une surface pour se loger .

27. Le jeudi 12 juillet 2007 à 18:36 par blaireaudeprovince

Tiens, quand on aura fini avec les obsèques du CNE, ça vous dirait d'aller un peu voir du côté du CESU (le "chèque emploi service universel", ce joli petit document faisant office de contrat de travail, de bulletin de paye, et de je ne sais quoi encore)...

Hormis son incontestable utilité et finalité pour créer des emplois auprès et par des particuliers, associations et autres employeurs autorisés, côté droit il y a du flou artistique, de l'approximatif et du pas très net qui annonce de belles plaidoiries devant les prud'hommes !

Qu'en pensez-vous ?

28. Le jeudi 12 juillet 2007 à 21:28 par philippe


Il faut aussi se souvenir des conditions de création du CNE(et du défunt CPE).JP Raffarin après 3 échecs(régionales et cantonales européennesde 2004,référendum de 2005) est remplacé par D de Villepin qui annonce ces mesures sortis d'un chapeau magique,à la tribune de l'assemblée nationale.Je me souviens très exactement d'avoir entendu ce discours à la radio,dans ma voiture et d'avoir pensé in petto que tout ça ne tiendrait pas bien longtemps.Le tout a été créé sur la base d'une ordonnance adoptée par une majorité déjà de type "Godillot"Cette mort éventuelle du CNE est cependant moins ridicule que celle du CPE.Le tout laisse à penser que la création de l'éventuel contrat de travail unique ne va pas être une partie de plaisir.Mais enfin,qui de sérieux en doute?

29. Le jeudi 12 juillet 2007 à 23:35 par Emrys Myrdyn

@ Stéphane Antoine et par ALEXIS NEKSIS : le CNE n'étant pas autorisé pour les administrations ou organismes publics, rien qui serait public ne pourrait s'en prévalir et le TA aura tout à fait compétence pour le lui faire remarquer.

EM

30. Le vendredi 13 juillet 2007 à 09:55 par ALEXIS NEKSIS

@ 29: il s'agit d'un débat sur le fond de l'éventuel litige (éventuelle méconnaissance du champ d'application de la loi créant le CNE par l'autorité administrative), la compétence étant une question préalable, un recours dirigé contre un CNE devant le TA serait voué au rejet comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître sans avoir à examiner ledit moyen..

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