Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Pourquoi le fraudeur de la gare du nord ne fera pas appel

Avec un contraste saisissant par rapport au battage médiatique d'alors, le fraudeur de la gare du nord dont l'interpellation avait entraîné de graves désordres à la fin du mois de mars a été jugé hier par le tribunal correctionnel de Paris. D'où l'intérêt de renvoyer le jugement à une date ultérieure, pour que les esprits soient calmés. La presse était présente, néanmoins, et Libération propose un petit résumé d'audience comme ce journal sait si bien les faire (on a l'ambiance mais pas le droit).

Les qualifications retenues étaient : violences volontaires aggravées (des coups ayant entraîné 6 jours d'incapacité totale de travail, contravention de 5e classe, mais sur un agent de la RATP, ce qui en fait un délit), rébellion (résister par la violence à une personne chargée d'une mission de service public) et menaces de mort.

Le prévenu a été condamné à six mois de prison ferme.

C'est une peine se situant dans la fourchette haute de ce qui est habituellement prononcé : le casier judiciaire du prévenu mentionnait sept condamnations, mais aucune qui ne constituait une récidive semble-t-il. Le tribunal a-t-il tenu compte des événements postérieurs à son arrestation ? Sans nul doute. Quand bien même il n'était pas mêlé aux faits qui ont suivi, un tribunal ne juge pas une rébellion sans conséquence et une rébellion qui aboutit au saccage de plusieurs commerces et à de graves violences contre des policiers de la même façon.

Une condamnation sévère, sans être démesurée.

Pourtant, le condamné ne fera pas appel. Pourquoi ?

C'est probablement en accord avec son avocat, qui a dû faire le calcul suivant.

En cas d'appel, le client est maintenu en détention. Vu le trouble exceptionnel à l'ordre public causé par l'infraction, il n'y a aucune chance pour une mise en liberté. Par contre, il y a de fortes chances que le parquet général oriente cette affaire vers l'autre 10e chambre, avec un risque non négligeable d'aggravation s'il n'y a pas des motifs solides de faire appel. Je précise que "Je trouve que la peine est trop sévère" n'est pas considéré comme un motif sérieux de faire appel, la cour d'appel estimant que les juges du tribunal sont plus qualifiés pour la jauger que le prévenu lui même. En tout état de cause, avec les délais d'audiencement, l'appel sera jugé dans six mois, soit quand le prévenu sera libérable, l'effet suspensif de l'appel l'ayant privé du bénéfice des réductions de peine (puisqu'il est en détention provisoire, et non en exécution de peine).

Autre branche de l'alternative : pas d'appel. Dans 10 jours, la peine devient définitive. Il bénéficiera des réductions de peine, 7 jours par mois soit 42 jours. Il a été incarcéré le 30 mars, de mémoire, donc a déjà effectué un mois. Ca nous fait donc :

30 mars + 6 mois : 30 septembre. Moins 42 jours de réduction de peine : date de sortie le 18 août. Avec la grâce du 14 juillet, il devrait bénéficier d'un mois supplémentaire : sortie le 18 juillet. Soit dans deux mois et demi. Sachant qu'à mi peine, soit mi-juin, il pourra solliciter du juge d'application des peines une libération conditionnelle, s'il a un bon dossier pour cela (ce que j'ignore). Il a un mois et demi pour monter son dossier, chercher un travail, réunir les justificatifs, ce ne sera pas trop long.

Bref, son avocat l'a très bien conseillé en lui disant de ne pas faire appel.

C'est aussi à ça que nous servons. A montrer à nos clients que l'appel n'est pas forcément la solution, et à évaluer les conséquences des choix que la procédure nous offre pour évaluer lequel est le plus conforme à l'intérêt bien compris de notre client.

Commentaires

1. Le jeudi 3 mai 2007 à 18:19 par melliflu

"Il a un mois et demi pour monter son dossier, chercher un travail, réunir les justificatifs, ce ne sera pas trop long."

Pour la demande de libération conditionnelle, le facteur "chercher un travail" est primordial ?

2. Le jeudi 3 mai 2007 à 18:28 par Frédéric

Pourquoi une agression sur un agent de la RATP est qualifié de délit plutôt qu'une contravention ? Quel statut ont ces agent pour justifier celà ?

3. Le jeudi 3 mai 2007 à 18:29 par Salomon Ibn Gabirol

@ Eolas: "C'est aussi à ça que nous servons. A montrer à nos clients que l'appel n'est pas forcément la solution, et à évaluer les conséquences des choix que la procédure nous offre pour évaluer lequel est le plus conforme à l'intérêt bien compris de notre client."

Pouvez-vous expliquer cela a l'avocat du conservateur de la BnF, qui avait pris 2 ans avec sursis et pas de peine d'amende en premiere instance, et qui a pris en janvier dernier 3 ans dont 15 mois fermes et 75.000 euros d'amende en appel?

Il semble que certains avocats s'asseoient sur l'interet de leurs clients et prennent je ne sais quel plaisir a les bercer d'illusions....: "je vous assure, M. le conservateur, j'ai parlé au JAP, il va prononcer votre remise en liberté le 3 mai, c'est sur. Il a ete TRES SENSIBLE a votre desistement du pourvoi en cassation".

Nous sommes le 3 mai, l'examen de la demande de remise en liberté a duré moins de deux minutes et a ete evidemment rejeté, le desistement du pourvoi enlevant toute raison d'etre a la demande de remise en liberté (je ne sais plus s'il s'agit de liberté provisoire ou conditionelle, je ne suis pas penaliste).

Ce conservateur, incarceré depuis le 26 janvier et que son avocat n'est pas venu voir a Fleury-Merogis pendant 2 mois, espere depuis 6 semaines, sur les dires de son avocat, sortir le 3 mai. Il allait de mieux en mieux jusqu'a aujourd'hui. La rechute n'en sera que plus dure.

Un conseil: evitez certains tenors du barreau, et preferez parfois de jeunes avocats, motivés, passionnés et dont la liberté de leurs clients leur importent plus que tout le reste.

4. Le jeudi 3 mai 2007 à 18:30 par LtR

ça c'est envoyé !

5. Le jeudi 3 mai 2007 à 18:52 par Nono Le Rouje

Ce que je retiens de l'article de Libé, c'est que le récit des évènements tel qu'il est relaté n'a pas grand chose à voir avec ce dont je me souviens à l'époque. J'avais cru comprendre que le contrôle avait mal tourné et que des gens avaient pris la défense du pris en faute, mais pas que celui-ci avait insulté et aggressé l'agent responsable du contrôle. Alors que les articles de l'époque, dans mon souvenir, laissaient plus à croire à une certaine aggressivité des contrôleurs au départ, sans coup de boule du contrôlé.

Serait-ce une idée que je me fais ou pas ?

6. Le jeudi 3 mai 2007 à 18:53 par Flying™

@Frédéric, n° 2:

Je n'ai jamais fait de droit pénal, mais je pense pouvoir affirmer qu'une agression, sur quelque personne qu'elle porte, est au moins un délit ...

Nenni. Lisez mon billet précédent sur la classification tripartite : vous verrez qu'une agression peut être une simple contravention.

Eolas

7. Le jeudi 3 mai 2007 à 19:01 par Sartorius

@ Frederic:

C'est l'article 222-13 du Code Pénal qui s'applique ici je suppose.

"Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises :
[...]
4º ter Sur un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs [...] dans l'exercice de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur [...]"

(J'espère ne pas me faire vertement réprimander par Eolas.)

C'est exactement ça. Le barreau vous tend les bras.

Eolas

8. Le jeudi 3 mai 2007 à 19:03 par Ulysse

"Il a un mois et demi pour monter son dossier, chercher un travail, réunir les justificatifs, ce ne sera pas trop long."
et je suppose que si en un mois et demi de prison il ne trouve pas de travail, ça sera trés défavorable?!

Maitre, est il réellement possible (hors cas particuliers de romanciers, financiers, politiques...) de trouver un travail en étant incarcéré?

Oui. Ne serait-ce que pour ceux qui avaient un travail avant d'être incarcérés et un employeur compréhensifs (ils sont nombreux). Ils ont aussi des amis, de la famille, des gens qui leur veulent du bien. Tous les délinquants ne sont pas désocialisés. Et l'emprisonnement est une puissante motivation.

Eolas

9. Le jeudi 3 mai 2007 à 19:03 par refi

Cet avocat, au fort bon conseil, ne serait pas Maître Eolas par hasard ?

Je ne me permettrai jamais de parler d'un dossier dans lequel je suis intervenu et encore plus de me vanter ainsi indirectement.

Eolas

10. Le jeudi 3 mai 2007 à 19:06 par hag

et oui certains avocats sont aussi utiles pour décourager les justiciables, que ce soit au pénal ou au civil, de faire des recours qui iraient à l'encontre de leur intérêt
en tant que magistrat, j'ai toujours pensé que la possibilité de faire appel devrait n'être ouverte qu'à partir du lendemain de la décision
la nuit porte parfois conseil et peut faire retomber la colère (même si elle est compréhensible)

Pour les insomniaques, il y a aussi le désistement, qui en matière pénale est possible pendant un mois et fait tomber l'appel incident du parquet. Il y a des colères qui mettent plus de dix jours à retomber.

Eolas

11. Le jeudi 3 mai 2007 à 19:07 par Sartorius

@ Flying:

Article R 625-1 du Code Pénal :

"Hors les cas prévus par les articles 222-13 et 222-14, les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale du travail d'une durée inférieure ou égale à huit jours sont punies de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. [...]"

(J'espère ne pas aggraver mon cas ^^)

12. Le jeudi 3 mai 2007 à 19:46 par tonyo

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le mécanisme de réduction de peine? Vous semblez dire qu'il est automatique de réduire une peine de 7 jours par mois, n'y a-t-il pas quelques conditions? Les juristes ont beau avoir leur jargon, j'imagine qu'une condamnation à 6 mois de prison fait référence à des mois de 30 jours, pas 23!

La loi prévoit un crédit de réduction de peine qui est acquis au condamné, sauf à ce qu'il lui soit retiré par décision du JAP s'il commet des fautes graves pendant sa détention. Ce crédit est de trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes et de sept jours par mois pour les fractions inférieures à une année, dans la limite de deux mois par année. Ex : peine de 35 mois. Crédit de trois mois (année 1) + 2 mois (années 2), reste 11 mois. cela fait onze semaines, soit théoriquement presque trois mois, mais on plafonne à deux mois. Total du crédit : 7 mois, peine ffective = 28 mois.

Eolas

13. Le jeudi 3 mai 2007 à 19:56 par Violette

Merci pour cet éclaircissement Maître, on entend tellement vite, dès qu'un jugement est prononcé : "et Machin compte faire appel" que c'est surprenant pour cette fois-ci (mais bien pesé comme vous le montrez)

Mes cours de droit me manqueraient presque ;-)

Les vrais appels se font au greffe, une fois le dossier relu. Les appels formés devant la presse sont toujours prématurés et parfois infondés.

Eolas

14. Le jeudi 3 mai 2007 à 19:58 par blop

De toute facon, c'est bien connu, les feuilles mortes se ramassent a l'appel.

Oui, bon, je sors...
(tu vois, je n'ai pas oublie)

15. Le jeudi 3 mai 2007 à 20:05 par poufpouf

>>> l'effet suspensif de la peine l'ayant privé du bénéfice des réductions de peine (puisqu'il est en détention provisoire, et non en exécution de peine).

J'ai relu trois fois cette phrase mais je ne comprends toujours pas.
Cela aurait (peut-être) un certain sens si c'était "l'effet suspensif de l'appel" et pas de "la peine"...mais je ne suis sûr de rien.

Vous avez raison, je rectifie.

Eolas

16. Le jeudi 3 mai 2007 à 20:31 par Appuleius

Question aux éventuels publicistes de passage concerant cet aspect des faits :

"une rébellion qui aboutit au saccage de plusieurs commerces"

Une action en responsabilité sans faute de l'Etat du fait des attroupements est elle envisageable ?
-art 92 de la loi de janvier 1987 -

Il me semble que cette loi s'applique aux manifestations et défilés : un attroupement spontané ne peut engager la responsabilité de l'Etat, mais on peut soulever sa carence à assurer la protection des personnes et des biens. L'avis des publicistes m'intéresse aussi.

Eolas

17. Le jeudi 3 mai 2007 à 21:02 par Mani

@Salomon plein de sagesse et de cabrioles

C'est un fait que certains confrères prêtent plus d'attention à leur chiffre d'affaires qu'à leurs clients.

Pour autant, je ne pense pas que la réalité de cette trahison recoupe systématiquement la distinction "jeune qui n'en veut" / "ténor du Barreau".

Il est cependant de bon conseil de rappeler que s'adresser, pour les questions sensibles, à un cabinet "artisanal" augmente les chances de voir ses intérêts défendus avec humanité, compétence, mesure et rigueur.

Le problème est que notre métier change et que les institutions, tout comme nos ordres, nous dirigent vers la prestation de service qui a autant de rapport avec la défense des intérêts des justiciables que NS avec la compassion envers les délinquants.

Quid de l'avocat dans une société de capitalisme débridé ?

18. Le jeudi 3 mai 2007 à 21:05 par célia

@ Appuleius :
Effectivement il me semble qu'une action en responsabilité sans faute de l'administration du fait des attroupement serait possible en l'espèce sous reserve que :
- le dommage soit causé par des actes constitutifs de crimes ou de délits
- le dommage soit en relation directe avec l'attroupement et non causé par des individus isolés/groupes/bandes amées agissant de manière préméditée.
A noter enfin que le conseil d'Etat a considéré que les "violences urbaines" causés par des "jeunes gens" entrent dans la definition legislative d'attroupement et st dc susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat (CE, 29 décembre 2000, AGF)...
(sauf erreur de ma part!)

19. Le jeudi 3 mai 2007 à 21:09 par DavidLeMarrec

Oui, bien sûr, la chose est de bon conseil.

Mais dans le cas où celui qui a été condamné souhaite prouver son innocence (en la supposant réelle), dans les deux cas, il n'est pas la fête. Même s'il est plus sage, y compris dans ce cas-là, de purger - à moins de souhaiter 'laver son honneur', ce qui suppose un bonus de taule pour ce faire.

Je sais bien, la Justice n'est pas censée se tromper.

20. Le jeudi 3 mai 2007 à 21:40 par Neville

N'étant pas pénaliste spécialisé en exécution des peines, je me permets de vous poser une question qui me semble logique : vous dites que le condamné peut espérer la réduction de peine de 7 jours par mois d'une part, et d'un mois par l'effet de la grâce présidentielle du 14 juillet d'autre part.

Comment calcule-t-on ce délai d'un mois ? Est-ce un mois de 30 jours ou de 31 jours ? Parce que dans ce dernier cas, il bénéficierait d'une réduction de peine de 7 jours sur un mois... qu'il n'aurait pas à purger. Ce qui serait illogique !

Les mois se calculent de quantième à quantième. Février est ainsi égal à mars. En cas de besoin de conversion, on prend une durée de trente jours.

Eolas

21. Le vendredi 4 mai 2007 à 00:28 par AMIDESJAP

Bonsoir Maître,

pensez-vous réellement que le JAP en un mois et demi va pouvoir audiencer le dossier de la personne, le compléter, accorder une permission de sortir, qui est le préalable à toute libération conditionnelle...

C'est, me semble t'il donner de faux espoir à une personne qui par sa situation n'en a pas besoin..

Existe t'il des référés en matière d'application des peines..? un peu comme un référé détention ou liberté?
(mise à part la possibilité de suspension de la peine)

Merci de me rassurer sur ce point.


Bien sur que oui, un JAP peut audiencer cette affaire en un mois et demi. Je parle d'expérience. Le SPIP fait un travail efficace, et l'avocat peut apporter sa contribution. Et non, il n'y a pas de référé en matière d'application des peines. La matière ne se prête pas à une procédure d'urgence en l'absence de contestation sérieuse.

Eolas

22. Le vendredi 4 mai 2007 à 07:14 par hag


au sujet des désistements d'appel, jusqu'à il y a peu, sauf erreur, en matière pénale le désistement ne faisait pas tomber l'appel incident du parquet et j'ai vu des aggravations pour 'sanctionner' l'appel 'ab irato', idem au civil en matière de divorce conflictuel par exemple

Oui, il me semble que c'est la loi du 15 juin 2000 qui a créé cette règle, pour soulager les cours d'appel des audiences de désistement, et que la loi Perben II a exigé que ce désistement se fasse en la même forme que la déclaration d'appel.

Eolas

23. Le vendredi 4 mai 2007 à 09:01 par bbr

seule la lecture du billet maitre.eolas.free.fr/jour... permet d'apprécier à sa juste valeur la précision apportée par Eolas "le casier judiciaire du prévenu mentionnait sept condamnations, mais aucune qui ne constituait une récidive semble-t-il."

24. Le vendredi 4 mai 2007 à 10:31 par trust

Une petite précision toutefois sur la circonsance aggravante tenant à la qualité de la victime, en l'espèce contrôleur RATP,
un arrêt du 15 NOV 2006 N° de pourvoi : 05-84222, tempère l'utilisation systématique de cette circonstance :
en fait la )cour précise le "dans l'exercice de ses fonctions" de l'art 222-13 4°ter.

En effet elle souligne qu'il ne suffit pas à l'agent d'appartenir à un service public ou un réseau de transport public pour que la circonstance aggr soit retenue mais que l'activité de l'agent doit se rattacher "directement à l'exécution de l'une des missions de service public spécifiquement imparties à cette société"

Dès lors je me pose la question de savoir si le contrôle des billets est une mission de service public spécifiquement impartie à cette société (La mission RATP n'est elle pas de transporter des voyageurs?)

Pour ma part j'en doute et les contrôleurs sont plutôt "dépositaire de l'autorité public", ainsi relèvent de l'art 222-33 4° et non du 222-33,4°ter. Ils feraient des actes de puissance public et non de service public.(une distinction fondamentale en droit public non?)

Le tribunal correctionnel de Dunkerque me donne tort dans un arrêt du 21 janv 1983, les contrôleurs même non assermentés sont "chargés d'un ministère de service public".

Ainsi d'un point de vue strictement juridique (et pas humain) il serait interressant d'interjetter appel et de se pourvoir en cassation pour avoir une réponse à cette question (la protection pénale du contrôleur releve-t-il de 222-33, 4° ou 222-33, 4°ter?)
Mais nous sommes humain donc nous ne ferions pas appel ;-)

Qu'en pensez-vous Me EOLAS?

25. Le vendredi 4 mai 2007 à 11:33 par Francis

Merci pour toutes ces explications (réductions de peine par exemple) c'est dommage que dans la presse ou d'autres émissions lectures... nous n'entendions quasiment jamais des explications aussi claires.
Ce que je retiens c'est qu'en cas d'appel le seul avis d'un avocat si il n'est pas vraiment motivé par des arguments massues de celui-ci est à réfléchir car dans pas mal de cas finalement n'est-ce pas l'avocat qui a le plus d'intérêt dans l'appel ? (frais d'honoraire dossier quasiment déjà existant...) surtout avec les gros clients qui ont beaucoup d'argent. Enfin voila c'est une réflexion qui m'est venue à l'esprit en vous lisant.

26. Le vendredi 4 mai 2007 à 14:51 par hungarian fear

Eolas écrit "Il me semble que cette loi s'applique aux manifestations et défilés : un attroupement spontané ne peut engager la responsabilité de l'Etat, mais on peut soulever sa carence à assurer la protection des personnes et des biens. L'avis des publicistes m'intéresse aussi."

Article 92 de la loi du 7 janvier 1983, devenu article L. 2216-3 du Code général des collectivités territoriales : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens" .

L'absence de spontanéité n'est pas exigée. Exemple de charmants jeunes gens, refoulés à l'entrée d'une boite de nuit, qui décident de franchir douves et ponts levis de la citadelle musicale pour traduire leur contentement aux gentils propriétaires : CE, Section, 13 décembre 2002, n° 203429, Compagnie d'assurances les Llyod"s de Londres et autres.
Le tout est que les badauds mal intentionnés se lancent dans la commission d'infraction, avec lesquels les dommages susceptibles d’indemnisation doivent être en lien direct de causalité.

Tentatives musclées de visites inopinées des magasins de chaussures sportives et de portable par les personnes présentes pour y développer le téléchargement gratuit de biens corporels (sans licence globale prévue, c'est dire), plus la relance de l'industrie vitrière dans le Nord de Paris : il doit y avoir matière à réflexion pour appliquer la loi.

Approche captivante sur les évènements francilien (et autres) de novembre 2005: AJDA 2006, p. 736, les réflexions du professeur Nathalie Albert, toujours aussi pointue en responsabilité administrative.

C'est là la différence entre les publicistes et l'art : les deux sont beaux mais seul le second ne sert à rien. Merci de ces précisions.

Eolas

27. Le vendredi 4 mai 2007 à 15:09 par hungarian fear

Eolas écrit "on peut soulever sa carence à assurer la protection des personnes et des biens."

Certes, mais là, l'origine du bordel Gare du Nord étant a priori dans le contrôle de ticket, ça sent l'opération de police judiciaire (recherche d’infraction), donc compétence judiciaire.

À moins d'estimer que les mesures de police administrative nécessaires au respect de l'ordre public n'étaient pas prises, ou insuffisamment, why not, là c'est le juge administratif, faute simple si la réglementation gare du nord était défaillante, ou faute lourde s'il s'agit d'erreur dans sa mise en œuvre matérielle...

en panne de Chapus, cher Eolas ?

28. Le vendredi 4 mai 2007 à 16:06 par Juge du siège (en TGI...)

"Je trouve que la peine est trop sévère" n'est pas considéré comme un motif sérieux de faire appel, la cour d'appel estimant que les juges du tribunal sont plus qualifiés pour la jauger que le prévenu lui même... Hélas...
Ce type de raisonnement, malheureusement largement répandu chez les magistrats des cours d'appel, me paraît tout à fait scandaleux: il consiste à nier l'existence d'un deuxième degré de juridiction, chargé par la loi de réexaminer l'ensemble des faits, la personnalité du prévenu, et par conséquent de confirmer ou réformer la peine prononcée en première instance.
Il s'agit en fait d'un moyen bien commode de gestion des flux dans une cour d'appel: on intimide les personnes qui auraient l'outrecuidance de croire en l'existence d'un deuxième degré de juridiction par le risque d'une peine plus sévère que rien ne justifierait pourtant.
Ou comment mettre le code pénal au service de la LOLF...

29. Le vendredi 4 mai 2007 à 17:33 par Jerome

hungarian fear (post 26)> Ce que j'aime chez Eolas, c'est que je comprend ce qu'il raconte.
La, j'ai... rien compris.
Dommage, ça avait l'air intéressant.

30. Le vendredi 4 mai 2007 à 17:53 par hungarian fear

cher Jérôme, je te pris d'excuser mon manque de pédagogie.

Pour faire plus clair, l'Etat garantit contre les dommages causés par les crimes et délits perpétrés lors de rassemblements ou attroupements. C'est un principe établi depuis 1983.

Quand je dis "garantit", c'est que l'éventuelle victime doit prouver l'existence de l'infraction (vol, dégradation, incendie...), le lien avec son préjudice (boutique dévastée par exemple): l'Etat doit le dédommager, peu importe les mesures prises pour éviter ce genre de débordement (c'est une forme de responsabilité sans faute, typologie adoptée par opposition à celle où une faute doit être prouvée).

La question soulevée par Eolas était la suivante: cette garantie joue t elle pour les seuls cas de manifestation --donc quelque chose de nécessairement organisé, avec des gros malabars soucieux de rattraper d'éventuels casseurs -- ou aussi pour un rassemblement spontanée ?
La loi ne différencie pas, elle parle d'attroupement ou de rassemblement.

Donc si l'idée te vient spontanément avec une foule rencontrée par hasard à la sortie d'un PSG OM de casser une boutique, son propriétaire pourra demander à l'Etat de réparer les pots cassés en payant pour.

Ca va déjà mieux ?

31. Le vendredi 4 mai 2007 à 19:53 par Jerome

hungarian fear> Merci, c'est plus compréhensible par le gars pas dans le domaine!
Du coup, une question, les jeunes gens refoulés à l'entrée d'une boite de nuit cassant des trucs, c'est une foule, donc l'état paye, donc les gens ne payent rien? Ca va me motiver à faire des attroupements... J'ai dû louper quelque chose :)

32. Le samedi 5 mai 2007 à 00:34 par Marie-Christine BLIN

@ juge du siège en TGI

merci, cela fait du bien de constater qu'il existe encore au sein de la magistrature assise quelques rescapés qui croient aux vertus de l'appel.

33. Le samedi 5 mai 2007 à 15:25 par Ashe

"Avec la grâce du 14 juillet, il devrait bénéficier d'un mois supplémentaire"

Il me semble que l'une des propositions de Monsieur sarkozy est de supprimer la grâce présidentielle. Est-ce à dire que cette suppression ne pourra pas intervenir avant le prochain 14 juillet, ou bien que même si elle est toujours en vigueur,il n'en fera pas application ?

34. Le dimanche 6 mai 2007 à 10:22 par adrastee

pour ajouter ma (petite) pierre à votre réflexion sur la responsabilité de l'Etat du fait des attroupements je voudrais ajouter que la jurisprudence exige un équilibre subtil entre le caractère volontaire de l'infraction (le caractère accidentel exclut la responsabilité de l'Etat) et l'absence de préméditation.

Quand à l'application de ce texte aux manifestations, j'ai un doute ...
Il me semble au contraire qu'un attroupement se distingue des manifestation du fait de leur caractère spontanné. Une manifestation est autorisée alors qu'un attroupement ne l'est pas et se caractérise par le trouble à l'ordre public qu'il cré ce qui permet (et oblige) l'Etat de le disperser éventuellement par la force après sommation.

Il ne me semble pas que le caractère judiciaire de l'opération de police entre en compte ici.

pour répondre à Jerôme à propos de l'effet incitatif de cette loi à commettre des infractions en attroupement :

1- si tu te fais piquer dans un attroupement à démolir une vitrine, tu est responsable pénalement (emprisonnement + amende) et civilement (dommages et intérêts à la victime pour réparer son préjudice)

2- ce texte a pour objectif d'ouvrir droit à indemnisation aux victimes lorsque les auteurs des crimes et délits ne sont pas clairement identifiés et/ou que les dégradations ne sont pas clairement imputable à "chaque" auteur.
L'Etat est alors responsable parce qu'il a échoué dans sa mission de protéger les citoyens des effets de ses attroupement qu'il devait disperser s'ils troublaient l'ordre public.

L'hypothèse type est celle des émeutes d'octobre novembre 2005 : a peu d'exceptions près, on ne sait pas vraiement qui son les auteurs et qui a fait quoi, mais on sait qu'il y a eu des attroupements.

La situation est tout à fait différente si un groupe de copains se retrouve dans le but d'aller bousiller des bagnoles. là on est exclusivement dans une responsabilité civile et pénale et l'Etat ne prend pas le relais même si on ne sait pas en définitive qui sont les auteurs.
L'attroupement ne se présume pas de la simple pluralité d'auteurs.

35. Le lundi 7 mai 2007 à 10:06 par Vulgus pecum

C'est une question annexe à ce débat mais pour laquelle j'aurais souhaité avoir des explications de votre part :

Pourriez-vous nous dire, Maître, ce qui motive un juge ou un tribunal au moment du prononcé d'un jugement d'assortir ce dernier de l'EXECUTION PROVISOIRE ou non., et quels en sont les conséquences (au civil, au pénal ou aux assises) ?
Merci pour votre réponse.

36. Le lundi 7 mai 2007 à 14:14 par hungarian fear

@ adrastee
merci d'être venu préciser certains de mes propos en indiquant les tenants et les aboutissants du système de la garantie de l'Etat.

Par contre vous écrivez :
"Quand à l'application de ce texte aux manifestations, j'ai un doute ... Il me semble au contraire qu'un attroupement se distingue des manifestation du fait de leur caractère spontanné. Une manifestation est autorisée alors qu'un attroupement ne l'est pas et se caractérise par le trouble à l'ordre public qu'il cré ce qui permet (et oblige) l'Etat de le disperser éventuellement par la force après sommation."


la réglementation sur la voie publique des manifestations tient dans le Décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l’ordre public.
il n'y est pas question d'autorisation mais de déclaration préalable, permettant si besoin à l'autorité de police d'interdire la manif.
pour ce qui est de la manifestation, si elle est organisée pour tout casser, je doute que l'autorité de police n'interdise pas.
si elle le fait, les victImes pourront actionner pour faute la responsabilité de l'Etat, qui s'est mis le compas dans l'oeil en examinant la tangibilité des risques pour l'ordre public et l'organisation des mesures de sécurité + la loi de 1983.

Si la manifestation est licite, mais déborde de façon imprévisibile, par le fait de personnes inconnues, là l'article 92 de la loi de 1983 seule joue.

Me semble-t-il, en tout cas.

37. Le lundi 7 mai 2007 à 16:08 par Apokrif

« Vu le trouble exceptionnel à l'ordre public causé par l'infraction, il n'y a aucune chance pour une mise en liberté. »

Si le trouble exceptionnel auquel vous faites allusion, ce sont les affrontements qui ont suivi, je ne vois pas en quoi le condamné en est responsable (et, donc, en quoi son incarcération, qui a un coût pour lui et pour la société, permettrait de faire des économies en évitant d'autres émeutes)

« Je précise que "Je trouve que la peine est trop sévère" n'est pas considéré comme un motif sérieux de faire appel, la cour d'appel estimant que les juges du tribunal sont plus qualifiés pour la jauger que le prévenu lui même. »

Et la cour d'appel, elle n'est pas plus qualifiée que le tribunal correctionnel pour en juger ? (sinon, autant rejeter d'office tous les pourvois en cassation, en disant que des magistrats sont plus qualifiés que des condamnés pour interpréter la loi)

38. Le mardi 8 mai 2007 à 19:20 par Cleyo

Réponse au billet n°21, où Maître Eolas indique d'un JAP peut audiencer une demande de libération conditionnelle en un mois et demi : A paris, peut-être.... mais pas partout, pas partout... sauf à remuer ciel et terre, pour un dossier exceptionnel et un motif de sortie impérieux et urgent (femme gravement malade, etc). Sinon, les délais sont extrêmement longs. Tellement que pour un mois et demi il n'est même pas utile de déposer un dossier....

L'article D.285 du CPP prévoit que le détenu doit être visité dans les plus brefs délais par membre du SPIP, qui sont les yeux et les oreilles du JAP. Ce sont souvent eux qui montent le dossier, le JAP pouvant se saisir d'office (712-4 du CPP, ce qui est heureux si tous les avocats pensaient comme vous que ce n'est même pas la peine de déposer une requête), surtout quand le prévenu est père d'un enfant. La LC pouvant être accordée sans audience, elle prend souvent effet dès le premier jour où elle est légalement possible. Je ne crois pas que Paris soit moins engorgé que les autres tribunaux (et ça marche aussi à Créteil, à Nanterre et à Bobigny), c'est surtout que les avocats désertent les couloirs des JAP. Pourtant, on peut aider à monter un dossier, en fournissant à l'agent du SPIP les documents dont il a besoin, en obtenant des promesses d'embauche appuyées d'un Kbis montrant leur sérieux, en apportant les preuves de la réinsertion notamment un relevé de compte CARPA montrant l'indemnisation des victimes, etc. Le JAP : l'essayer, c'est l'adopter.

Eolas

39. Le jeudi 10 mai 2007 à 19:47 par adrastee

@ hungarian fear
exact !
en fait il y a attroupement dès lors qu'il n'y a pas de déclaration. Mais ça doit effectivement laisser une possibilité pour le cas où la manif se fait déborder...

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