Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Parlons programme : les propositions de Nicolas Sarkozy sur la justice. (Le pavé du week end)

Chose promise, chose due. Voici mon commentaire des 16 propositions de l'UMP en matière de justice. Le prochain épisode sera sur François Bayrou.

C'est un pavé, vous avez de quoi tenir jusqu'à lundi. Bon week end.

1. Réformer la carte judiciaire autour d'une cour d'appel par région et d'un tribunal de grande instance par département. Moins de tribunaux d'instance, mais des tribunaux plus importants.

La carte judiciaire française est un héritage de l'Ancien Régime, et ne correspond pas à la carte des régions administratives, à laquelle elle est largement antérieure. Son dessin correspond plus aux anciennes provinces, et fait apparaître quelques bizarreries, que je rechigne à qualifier d'anomalies. Par exemple, certains départements sont fort bien pourvus en tribunaux de grande instance, le record étant détenu par le département du Nord, qui n'a pas moins de sept tribunaux de grande instance (Dunkerque, Hazebrouck, Lille, Cambrai, Valenciennes, Avesne sur Helpe et Douai, siège de la cour d'appel) ; de même, les cours d'appel n'ont pas leur siège dans les principales métropoles régionales, mais dans les villes où se trouvait la résidence du seigneur de la province, ce qui fait que des grandes villes comme Lille, Clermont-Ferrant ou Marseille ne sont pas le siège d'une cour d'appel, ces juridictions siégeant à Douai, Riom, ou Aix-en-Provence.

La proposition vise ici à aligner la carte judiciaire sur la carte administrative de la France. Je n'ai guère d'opinion sur cette question, qui est une pure question organisationnelle, qui me concerne peu. Avocat au Barreau de Paris, j'exerce devant un tribunal de grande instance dont le ressort est celui d'une ville qui est aussi un département, et les juridictions devant lesquelles je plaide le plus souvent (les tribunaux de grande instance de Créteil, de Bobigny, de Nanterre, de Versailles et de Pontoise) ont une compétence départementale, puisque issue de la réforme de 1967 ayant morcelé les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise. Tout au plus relevè-je une certaine anomalie que le département des Yvelines, d'une taille considérable pour la région parisienne, n'ait qu'un seul tribunal de grande instance à Versailles, qui plus est, complètement excentré, tandis qu'un département d'une taille sensiblement équivalente, comme la Seine-et-Marne, ait trois tribunaux de grande instance : Meaux, Melun et Fontainebleau. L'opinion des magistrats sur la question sera intéressante : amis lecteurs qui portez une robe à la simarre de soie noire, votre avis m'intéresse. Toujours est-il que cette organisation peut éventuellement poser problème pour les barreaux d'avocats qui parfois sont réduits à être des micro-barreaux, mais la loi prévoit depuis longtemps la possibilité pour des barreaux voisins de s'associer et se fondre en un barreau unique afin de mettre en commun leurs moyens. Une telle réforme sera en tout cas très coûteuse à mettre en place, ce changement de carte judiciaire impliquant des déménagements, des créations de nouveaux tribunaux de grande instance plus grands pour réunir des services auparavant disséminés sur le territoire, et une profonde révision des postes de magistrats, greffiers, et autre personnel administratif des tribunaux. Je ne suis pas sûr que la simplification que suppose cette réforme vaille vraiment le coût qu'elle implique, mais là-dessus, je reste encore une fois dans l'expectative de commentaires plus éclairés.

2. Spécialiser davantage les juridictions et créer des chambres spécialisées au niveau national ou interrégional pour les contentieux difficiles, techniques ou rares.

J'avoue me prendre à rêver de demander mon admission sur titre au sein de la magistrature afin d'obtenir ma mutation dans une de ces juridictions spécialisées dans le contentieux rare. Par exemple, je suis volontaire pour présider la future Chambre Nationale des Dégâts causés par des Météorites. Je promets que le dossier que j'aurai à traiter tous les dix ou douze ans sera examiné avec une diligence et une célérité qui feront honneur au traitement mensuel que je recevrai. Ironie mise à part, mais il n'y avait pas de raisons que seule Ségolène Royal fût victime de mon goût pour moquer les puissants, l'idée proposée ici par l'UMP est déjà en application. Le tribunal de grande instance de Paris est en effet doté d'une compétence nationale pour bien des contentieux extra-ordinaires. C'est pour cela par exemple qu'au moment où j'écris ces lignes se tient à Paris le procès sur la catastrophe de l'Erika, dont les plaques de mazout ne sont pas que je sache venues lécher le pied des murs de la Cour de Cassation. En matière de terrorisme, le tribunal de grande instance de Paris a également une compétence nationale, ce qui explique que les procès de terroristes corses, basques ou islamistes s'y tiennent quelque soit l'endroit où ont eu lieu leurs attentats. A défaut de la nouveauté, je peux déduire que cette proposition vise à renforcer ce mouvement, et à créer des juridictions spécifiques sur le modèle espagnol de l'Audiencia Nacional plutôt que refiler le bébé au tribunal de grande instance de Paris.

Je ne puis que regretter que ces contentieux « difficiles, techniques ou rares » ne soient pas explicités. Mais il paraît qu'être candidat à la présidentielle dispense d'entrer dans les détails qui ennuient l'électeur ou de se préoccuper du financement selon le principe bien connu de « l'intendance suivra », principe qui nous a valu des succès du type de Dien Bien Phû.

3.Revaloriser le statut des magistrats, c'est-à-dire réévaluer leurs traitements et augmenter les moyens mis à leur disposition pour exercer leurs fonctions.

Voilà enfin une proposition qui réconciliera Nicolas Sarkozy avec la magistrature. J'ignore en revanche les raisons de l'hostilité du ministre-candidat à l'égard des greffiers ainsi exclus de toute augmentation. L'augmentation des moyens revient à une augmentation du budget de la justice, aucun objectif chiffré n'étant indiqué ici, contrairement à Ségolène Royal, et comme nous le verrons, à François Bayrou, qui parlent tous deux d'un doublement de ce budget. Il y a donc un consensus entre les principaux candidats pour la nécessité d'augmenter le budget de la justice, mais comme ce consensus existait déjà il y a cinq ans, vous me pardonnerez de faire preuve d'un optimisme modéré.

4.Séparer les carrières du siège et celles du parquet, pour garantir l'indépendance des juges du siège.

Cette proposition figure également dans le programme de Ségolène Royal, à ceci près que la candidate socialiste propose que cette séparation soit effective au bout de 10 ans de carrière. Nicolas Sarkozy propose une séparation immédiate et vraisemblablement dès la formation, bien que cela ne soit pas précisé. Je vous renvoie à mes explications dans le billet sur le programme de Ségolène Royal sur cette séparation, mon peu d'enthousiasme pour l'idée n'ayant pas varié depuis.

5.Permettre l'application d'une vraie politique pénale gouvernementale, en créant notamment un poste de procureur général de la nation.

Les compétences de ce procureur général de la Nation ne sont pas précisées. Actuellement, c'est le ministre de la justice, Garde des Sceaux, qui est le supérieur hiérarchique du parquet. Il a directement sous ses ordres les procureurs généraux, qui sont à la tête des parquets des cours d'appel, qui ont eux-mêmes sous leurs ordres les procureurs de la République, à la tête des parquets des tribunaux de grande instance.

La proposition formulée ici changerait la pointe de la pyramide en substituant au Garde des Sceaux un procureur général de la nation, dont on peut supposer qu'il serait lui-même magistrat de carrière. Là encore, l'absence de détails du programme laisse en suspends beaucoup de questions. Le procureur général de la nation sera-t-il hiérarchiquement soumis au Garde des Sceaux, auquel cas c'est une réforme pour rien, la situation restant la même. Le procureur général de la nation sera-t-il indépendant, auquel cas on aboutirait de facto à une indépendance du parquet, qui était déjà une proposition du candidat Chirac en 2002.

Si tel était le cas, c'est une véritable révolution judiciaire qui est proposée ici, qui bouleverserait une grande partie de la conception de la politique pénale française. En effet, la politique pénale, c'est à dire le choix des priorités en matière de poursuites pour chaque parquet, est coordonnée au niveau national actuellement par le gouvernement. Cette solution n'a rien de choquante, puisque le gouvernement est issu de la majorité parlementaire, parlement qui a dans la constitution pour fonction de contrôler l'activité du gouvernement et au besoin de l'interpeller sur telle ou telle question, voire le renverser. Ainsi, cela permet à la politique pénale d'être contrôlée à la fois par l'exécutif et par le législatif, étant entendu que les décisions elles-mêmes sont rendues par des magistrats parfaitement indépendants.

Dans ce cas, se posera la question de la légitimité du procureur général de la nation. Le Garde des Sceaux est un homme politique, qui est membre du gouvernement, sous la surveillance directe de la présidence de la République, garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire, et comme je l'ai indiqué, sous celle du parlement. Le pouvoir exécutif est légitime ; il est prévu par la Constitution et émane du Parlement ou du suffrage universel direct. Il n'en va pas de même de ce procureur général de la Nation, et se pose dès lors la question des conditions de sa nomination, de sa révocation, et des éventuelles instructions qu'on pourrait lui donner. Vous voyez que lancer une idée comme cela sans entrer un tant soit peu dans les détails ne permet vraiment pas de se faire une opinion sur l'opportunité et la qualité de la suggestion.

6.Faire évoluer la composition du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) vers une majorité de membres non magistrats.

Cette proposition relève d'un consensus des principaux candidats. Rappelons que le Conseil Supérieur de la Magistrature a une double fonction. Il intervient dans la nomination et dans la discipline des magistrats. Il est composé de 18 membres, le président de la République en étant le président de droit, et le Garde des Sceaux, ministre de la justice, le vice-président. Outre ces deux augustes membres, il comprend 16 membres dont quatre ne sont pas des magistrats, les douze autres membres étant eux des magistrats élus par leurs pairs, qui sont répartis entre les deux formations différentes du Conseil de la Magistrature. La formation qui examine les questions relatives aux magistrats du siège, c'est à dire les juges, comporte 5 magistrats du siège et un magistrat du parquet, tandis que la formation examinant les questions relatives à un membre du parquet comportent cinq magistrats du parquet pour un du siège.

Comme je l'avais expliqué dans ce billet sur la responsabilité des magistrats, la formation disciplinaire des magistrats du siège prend la décision de sanction, hors la présence du président de la République et du ministre de la justice, pour garantir l'indépendance des juges, tandis que la formation jugeant disciplinairement un membre du parquet ne fait que formuler un avis, la décision finale étant prise par le Garde des Sceaux, comme pour tout fonctionnaire.

Cette composition et ses règles de compétence ne sont pas innocentes. L'actualité récente en a donné un exemple. A la suite de l'affaire d'Outreau, le Garde des Sceaux a marqué sa ferme volonté de sanctionner le premier juge d'instruction ayant eu à connaître de cette affaire, l'estimant responsable de ce désastre judiciaire, car il va de soi que le parlement n'a voté que d'excellentes lois, et que le gouvernement s'est assuré que la justice avait tous les moyens nécessaires pour faire correctement et promptement son travail.

Or le Conseil Supérieur de la Magistrature, formation du siège, a refusé de sanctionner ce magistrat, estimant qu'il n'avait commis une faute disciplinaire. Le Garde des Sceaux s'est néanmoins interrogé sur la question de savoir s'il pouvait prononcer une sanction à l'égard de ce magistrat, qui depuis a fait l'objet d'une promotion l'ayant amené au parquet d'un grand tribunal de grande instance que je connais particulièrement bien. Vous voyez donc toute l'importance qu'il y a dans ces garanties d'indépendance : si un magistrat du siège ayant courroucé un ministre de la justice n'était plus à l'abri sous prétexte qu'il passait du siège au parquet, c'est toute l'indépendance des juges qui est ainsi remise en cause.

Je connais fort peu, pour ne pas dire pas du tout, le Conseil Supérieur de la Magistrature, qui n'est pas une juridiction devant laquelle j'ai eu l'honneur de plaider. Le Conseil Supérieur de la Magistrature rend un rapport annuel mentionnant ses décisions disciplinaires, qui sont peu nombreuses, et peuvent parfois sembler d'une certaine indulgence, surtout si on les compare aux décisions disciplinaires rendues par nos Conseils de discipline pour les avocats en exercice. Cette réforme de la composition ne doit pas être prise à la légère comme une simple réforme d'un comité Théodule. Mettre les magistrats en minorité, c'est une façon détournée pour le pouvoir politique de tenter de prendre le contrôle de ce Conseil, et de pouvoir imposer des décisions plus conformes à sa volonté, étant clairement entendu que la volonté de l'exécutif n'est pas forcément conforme à l'intérêt du pouvoir judiciaire. Une telle réforme nécessiterait d'ailleurs une révision de la constitution, texte qu'il ne faut jamais changer à la légère, ce que le président actuel affectionne pourtant tout particulièrement. Pour ma part, tant qu'on ne m'aura pas démontré que dans sa formation actuelle, le Conseil Supérieur de la Magistrature ne satisfait pas à sa mission, je suis opposé à toute modification de sa composition. Et le fait que l'exécutif soit agacé par les décisions que prend le Conseil Supérieur de la Magistrature aurait plutôt tendance à me démontrer qu'il est tout à fait indépendant à son égard et est de nature à me rassurer.

7.Ouvrir le droit de saisine du CSM aux justiciables qui estiment avoir été victimes de la négligence ou de la faute d'un magistrat.

Actuellement, le droit de saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), n'appartient qu'au Garde des Sceaux. Un justiciable qui estimerait avoir été victime de la négligence ou de la faute d'un magistrat doit donc s'adresser à lui, qui effectuera donc une fonction de filtre des plaintes manifestement infondées ou abusives. La proposition de saisine élargie consisterait donc à permettre aux justiciables de ne pas avoir à passer par le Garde des Sceaux, mais à s'adresser directement à ce Conseil. Auquel cas, il faudra prévoir une procédure de filtrage des recours, car le pouvoir judiciaire rendant environ trois millions de décisions par an, dans lesquelles il y a toujours au moins une partie qui a des raisons d'être mécontente, le CSM risque rapidement de crouler sous les recours. Cela dit, je n'ai aucune objection de principe à ce qu'une juridiction, ce qu'est le CSM en matière disciplinaire, puisse être saisie directement sans trop d'obstacles. Mais ce système de filtrage dont je parlais sera concrètement absolument indispensable. Ce sera donc un objet de débat essentiel, et de ce fait naturellement escamoté de la campagne.

8. Créer un juge s'occupant spécifiquement des victimes, chargé notamment de veiller à la pleine et entière exécution de la condamnation.

Je ne suis pas certain qu'un juge spécifiquement compétent sur ce point soit véritablement nécessaire. Au civil, il existe ce que l'on appelle le juge de l'exécution, qui est compétent pour les questions d'exécution, comme son nom l'indique, de décisions de justice. C'est un juge du tribunal de grande instance qui siège à juge unique selon une procédure rapide et simplifiée, puisque par hypothèse la question principale a déjà été tranchée et définitivement tranchée, et il n'est plus compétent que pour les incidents liés à l'exécution tels qu'une demande de délai de grâce par le débiteur, une contestation de la validité d'une saisie, et toute mesure de manière générale visant à l'exécution forcée d'un jugement. Ce juge, de création relativement récente (1991), est sans nul doute très utile et a été une bonne idée. Mais nous sommes dans un cadre civil, c'est à dire d'un conflit entre particuliers. Il y a un demandeur et un défendeur qui se connaissent déjà fort bien, qui sont en conflit l'un avec l'autre, et à qui appartient l'initiative de faire exécuter leur jugement. La partie ayant gagné peut sans problèmes saisir le juge d'un litige lié à l'exécution, qui entend les arguments de l'autre partie et tranche.

En matière pénale, la situation est totalement différente. Le litige qui existe est entre l'Etat, ou la société, représentés par le parquet, et le condamné. La victime n'est au procès qu'une pièce rapportée, elle vient greffer son action sur celle de l'état visant à réprimer l'auteur de l'infraction, pour demander au juge de profiter de cette audience pour lui accorder des dommages-intérêts (voyez mes explications dans ce billet sur l'affaire Dieudonné.

Le juge compétent pour les décisions relatives à l'exécution de la peine est le juge d'application des peines (JAP), en laissant de côté les questions contentieuses portant sur la peine elle-même, qui relèvent toujours de la compétence de la juridiction ayant statué en dernier. Le JAP peut intervenir dans le paiement effectif des dommages-intérêts si ce paiement a été prévu comme modalité d'un sursis avec mise à l'épreuve, encore que son intervention se résume à menacer de révoquer le sursis si le condamné le paye pas.

La victime ayant obtenu une condamnation à des dommages-intérêts se retrouve dans la même situation que la personne ayant obtenu du juge civil un jugement de condamnation de son débiteur. Si elle fait exécuter sa condamnation par un huissier de justice afin qu'il pratique des saisies, c'est le juge de l'exécution qui est compétent. La difficulté qui apparaît là est qu'une telle exécution suppose un contact judiciaire prolongé entre la victime et l'auteur des faits, notamment parce que le ministère d'avocat n'est pas obligatoire devant le juge de l'exécution, et que les parties peuvent donc avoir à comparaître en personne, contact qui risque fort d'être désagréable pour la victime, et qui surtout suppose pour elle de s'identifier parfaitement (notamment en indiquant un domicile). Ce n'est pas donc tant un juge spécifique qu'il faut créer, puisqu'il existe déjà, mais une procédure particulière distincte des voies de recouvrement civiles existantes, ce qui là encore pose des questions et crée des difficultés considérables, dont le règlement en faveur de la victime suppose de porter atteinte à d'autres droits tout aussi dignes de respect du condamné.

Je n'ose pas interpréter cette proposition comme étant la création d'un juge s'occupant spécifiquement des victimes chargé de la pleine et entière exécution de la condamnation pénale. Si tel était le cas, nous sombrerions dans une proposition purement démagogique, et faisant fi d'un principe fondamental, tant juridique que philosophique : la victime n'a à prendre aucune part dans le châtiment du coupable, qui relève de la seule société. La justice n'est pas l'exercice du droit de vengeance, et pour bien des victimes, être ainsi chargé en plus du fardeau de punir l'auteur des faits ne ferait qu'ajouter à leur souffrance.

9.Renforcer la présomption d'innocence en adoptant un code de déontologie des médias dont le respect sera assuré par une autorité administrative indépendante.

La profession de journaliste s'est dotée d'un code de déontologie depuis 1918, qui a été reformulé par une fédération de journalistes européens en 1971 sous la forme de déclaration de devoirs et de droits des journalistes. L'indépendance des médias et de la presse est d'une importance telle en démocratie qu'il est peu souhaitable que l'Etat intervienne en la matière, puisque c'est contradictoire avec la notion d'indépendance. La meilleure garantie d'indépendance d'une profession est de la laisser s'autoréguler. Dès lors, laisser l'Etat imposer des obligations aux journalistes, sachant que ceux qui rédigeront ce projet de loi et ceux qui le voteront sont parmi les premières victimes potentielles des journalistes ne me paraît pas une bonne idée, loin de là.

L'autorégulation ne signifie pas l'absence de règles, au contraire, et il y a en France une loi sur la liberté de la presse depuis le 29 juillet 1881 qui fixe très clairement les limites que toute personne publiant, pas seulement les journalistes, mais aussi les blogueurs, doit respecter. A cela s'ajoutent des textes protégeant l'image des personnes et leur vie privée, et depuis quelques années leur présomption d'innocence. Bien sûr, souvent des affaires mettent en conflit deux intérêts dignes de protection : le droit à l'information d'une part et le droit à la protection de la vie privée et de la présomption d'innocence d'autre part. Mais pour cela il existe une autorité administrative indépendante pour fixer les limites de l'un et l'autre de ces droits, cela s'appelle la Justice, et en l'occurrence elle fait plutôt bien son travail. Cette proposition me paraît donc au mieux inutile, au pire pernicieuse.

10.Repenser en profondeur la phase d'instruction autour de deux solutions possibles :
- regrouper les juges d'instruction dans des pôles, un par département, rendre la cosaisine obligatoire pour les affaires lourdes et pour les juges d'instruction débutants, et renforcer les droits de la défense tout au long de la procédure ;
- confier l'instruction des affaires au parquet qui agirait sous le contrôle d'un juge de l'instruction et des libertés.

Ou comment faire une proposition en en faisant deux totalement contradictoires. Je veux bien admettre qu'un programme se dispense d'entrer dans les détails, ces choses qui sont supposées rebuter l'électeur (encore que, quand je lis les commentaires chez moi, je ne suis pas convaincu de la réalité de ce désintérêt supposé). Mais à tout le moins un programme doit présenter des choix qui ont été faits. Dire « votez pour moi, je ferai soit l'un, soit l'autre, je ne sais pas encore », cela ne s'appelle pas un programme, mais une publication d'hésitation. Si je devais glisser un bulletin au nom de Nicolas Sarkozy dans l'urne, j'aimerais bien savoir pour laquelle de ces deux solutions je vote en fait. Notre candidat n'étant pas encore sorti de sa réflexion sur ce point là, quelques observations sur l'alternative qui nous est proposée.

Sur l'idée de regrouper les juges d'instruction dans des pôles départementaux, je me permets de faire remarquer au candidat que sa proposition numéro 1 vise à réformer la carte judiciaire en créant un tribunal de grande instance par département. Regrouper les tribunaux de grande instance en un seul tribunal implique nécessairement de regrouper les juges d'instruction dans des pôles départementaux. Cela pourrait prêter à sourire si cela ne démontrait pas que les candidats ne réalisent pas les conséquences de leurs propres propositions. Et là, le sourire se fige.

Rendre la co-saisine obligatoire pour les affaires lourdes ne me pose pas de problème dès qu'on m'aura défini ce qu'est une affaire lourde. S'agit-il de peser le dossier ? Rendre la co-saisine obligatoire pour les juges d'instruction débutants : s'agit-il de mettre deux juges débutants ensemble ou de les mettre sous la (responsabilité ? subordination ?) d'un juge d'instruction plus expérimenté ? Rien n'est dit.

Le poste de juge d'instruction peut être le premier poste d'un magistrat fraîchement sorti de l'école nationale de la magistrature. Cela peut étonner, mais cela fait longtemps que cela fonctionne ainsi, et beaucoup de juges d'instruction ayant eu à diriger leur cabinet à peine sortis de l'ENM s'en sont fort bien sortis, et ce même dans des petits tribunaux où ils étaient le seul juge à ce poste. Beaucoup d'instructions ne posent en effet aucune difficulté particulière. Seul un tout petit nombre finit par faire la Une des journaux et Dieu merci une quantité infinitésimale tourne à la catastrophe comme les affaires d'Outreau ou Villemin. Réformer toute l'organisation des cabinets d'instruction uniquement en considération d'affaires qui ne surviennent qu'au rythme d'une tous les dix ans, sans qu'il ait été établi qu'une telle réforme aurait évité à ces affaires de tourner au désastre me paraît une idée très difficile à mettre en place, matériellement coûteuse, et d'une efficacité douteuse.

Notons enfin que la proposition de regrouper les tribunaux de grande instance en en mettant un et un seul par département supposera qu'il n'y aura plus de juge d'instruction seul, que la co-saisine est déjà possible, et que les juges d'instruction ont déjà l'habitude, face à une difficulté particulière, de demander l'avis de leurs collègues, y compris les plus anciens dans la profession. Rendre une co-saisine systématique et obligatoire aura enfin pour effet d'alourdir et donc de rallonger des instructions qui ne le nécessitaient nullement.

Renforcer les droits de la défense tout au long de la procédure : comment ne pourrais-je pas être d'accord avec cette proposition ? Mais d'une part de la part d'un gouvernement qui a en cinq ans pris une dizaine de lois visant exclusivement à favoriser les autorités chargées des poursuites et de la répression, revenant sur un bon nombre des avancées de la loi du 15 juin 2000, ce soudain revirement et cette prise de conscience de la grandeur et de l'utilité des droits de la défense me paraît aussi crédible que la pudeur de Tartuffe. Là-dessus, le candidat se contente d'ailleurs d'une jolie formule, sans fournir le moindre exemple concret de point sur lequel les droits de la défense méritent d'être renforcés selon lui. Chat échaudé craignant l'eau froide, je n'accorde là-dessus aucun poids à la parole de ce candidat, tout en espérant au fond de moi me tromper.

Deuxième branche de l'alternative, supprimer le juge de l'instruction en mettant à la place une procédure accusatoire, l'instruction relevant du parquet sous le contrôle d'un juge de l'instruction et des libertés qui serait saisi par la défense. Combien de fois me suis-je énervé contre des juges d'instruction qui me semblaient instruire à charge sous le prétexte que mon client avait reconnu les faits qui étaient au surplus parfaitement établis ?

Plus sérieusement, le juge d'instruction « instruit à charge et à décharge », c'est à dire qu'il a pour fonction de chercher la vérité et de vérifier tout élément dans le dossier permettant d'établir cette vérité, sans prendre en considération le fait que le résultat probable de la mesure qu'il ordonne tend à prouver la culpabilité ou au contraire à démontrer l'innocence (règle que le sort facétieux ne respecte pas toujours, et combien d'expertises censées mettre Untel hors de cause l'ont en fait mis dans le pétrin, et son avocat dans l'embarras ?).

Le juge d'instruction n'est pas un juge de l'accusation. Il peut d'ailleurs être saisi tant par le parquet que par la défense d'une demande de faire tel ou tel acte. Dans le catalogue des clichés des avocats, la première place revient sans nul doute à l'accusation faite au juge d'instruction de n'instruire qu'à charge. Ca ne mange pas de pain, et les journalistes adorent. Il demeure que les juges d'instruction recherchent réellement les éléments à charge et à décharge, mais que les parquets ayant la sale habitude de mener des enquêtes préliminaires bien ficelées (soyez maudits !), lorsqu'il saisit le juge d'instruction d'un réquisitoire contre personne dénommée, c'est que des preuves de la culpabilité existent. Il est absurde de demander au juge d'instruction de tout faire pour trouver des éléments dont rien ne prouve l'existence, qui permettront à la défense de soulever des contestations. Mon expérience des cabinets de juges d'instruction m'a révélé que la neutralité des juges d'instruction est globalement une réalité en France. Notez bien que je ne répéterai jamais cela avec une caméra de télévision braquée sur moi sur les marches du Palais : je pesterai naturellement contre ce juge qui n'instruit qu'à charge.

Dès lors, renoncer à cette autorité, quoi qu'on en dise impartiale, au profit d'une autorité, certes elle aussi magistrate, mais hiérarchiquement soumise au procureur de la République, au procureur général, et tout là haut, au Garde des Sceaux, n'est vraiment pas une perspective qui me paraît plus enchanteresse que la configuration actuelle. Je crains fort que mes confrères dénonçant aujourd'hui les juges d'instruction instruisant à charge les regretteront le jour où ils auront face à eux un procureur dont la fonction sera effectivement d'instruire à charge. Dès lors, cette réforme ne me paraît pas souhaitable.

11.Supprimer le juge des libertés et de la détention et le remplacer par une juridiction d'habeas corpus, formation collégiale sans le juge d'instruction chargé de l'affaire et statuant en audience publique.

En fait cette formulation compliquée revient à dire : faire du juge des libertés et de la détention (JLD) une juridiction collégiale statuant en audience publique, en en changeant le nom pour faire plus réforme. En effet, depuis la création du JLD par la loi du 15 juin 2000, il a toujours été entendu que le juge d'instruction ne pouvait pas être également juge des libertés et de la détention dans le même dossier. Plus encore, la loi interdit, à peine de nullité du jugement, que le juge des libertés et de la détention ayant connu un dossier siègeât par la suite dans la juridiction de jugement de la même affaire.

Dès lors exclure que le juge d'instruction fasse partie de la juridiction collégiale des libertés et de la détention ne change rien à l'état du droit actuel, et n'est qu'une application des principes européens garantissant l'indépendance de la justice.

Ajoutons que la loi permet déjà aujourd'hui de solliciter la publicité de l'audience devant le juge des libertés et de la détention, demande à laquelle le juge des libertés et de la détention ne peut s'opposer que par un jugement motivé. La difficulté qui se pose ici est que l'audience devant un juge des libertés et de la détention suppose de faire état des éléments du dossier tels qu'ils résultent des enquêtes de police qui ont pu être effectuées, ou de l'instruction si elle a déjà été ouverte plusieurs mois auparavant. Certains de ces éléments doivent dans l'intérêt de la justice et de la personne poursuivie elle-même rester secrets. Par exemple, l'un des motifs pouvant justifier une demande de placement en détention provisoire est que des actes d'investigation sont encore en cours, actes qui doivent être détaillés (on recherche X pour l'interpeller, on doit perquisitionner chez Y...). Si le public peut assister à cela, cela peut être un moyen pour les éventuels complices d'apprendre les futures actions de la police, et éventuellement tenter de s'en prémunir. C'est ce qui justifie le secret de l'instruction, au-delà même de la protection de la présomption d'innocence, dont on connaît le caractère largement fictif.

Dès lors le législateur ne pourra pas faire l'économie de l'hypothèse d'audiences se tenant néanmoins à huis clos. Donc passer du principe du huis clos, pouvant être public à la demande de la défense, au principe de la publicité pouvant devenir huis clos à la demande de l'accusation, est là véritablement du coupage de cheveux en quatre qui n'a vraiment pas sa place dans un programme présidentiel.

12.Prévoir la motivation des arrêts de cour d'assises et permettre aux jurés d'avoir accès aux pièces du dossier.

Soyons clairs : cette proposition est totalement irréaliste. J'indique dans ce billet récent comment est votée une décision d'assises, et dans quelles conditions les jurés peuvent avoir connaissance des pièces du dossier. Voyez aussi ce billet de Dadouche racontant un délibéré.

Un dossier criminel est un dossier d'instruction qui fait au minimum plusieurs centaines de pages, et facilement plusieurs milliers (le dossier d'Outreau faisait plusieurs dizaines de milliers de pages). La plupart de ces documents sont dans un vocabulaire technique difficile à comprendre. Dès lors, vouloir permettre à neuf jurés, douze jurés en cas d'appel, de prendre connaissance de ces pièces risque de nécessiter des heures et d'embrouiller leur réflexion plus que de l'aider. Rappelons que la procédure devant la Cour d'assises et une procédure orale, que le président, l'avocat de la partie civile, l'avocat général, et l'avocat de la défense peuvent lire ou demander à ce que soit lue ou présentée au jury telle ou telle pièce qui leur semble particulièrement pertinente. En aucun cas la cour et le jury n'iront délibérer sans q'une pièce paraissant utile à l'une des parties n'ait été lue. Si des pièces doivent être examinées en cours de délibéré, cet examen aura lieu en présence des avocats de toutes les parties. Les délibérations durent déjà assez longtemps pour ne pas risquer que quelques jurés curieux et têtus les fassent durer des heures et des heures en plus, le temps pour eux de feuilleter un dossier qui aura déjà été débattu en audience publique pendant de longues heures, si ce n'est de longs jours.

De plus, comme vous avez pu le lire dans le billet que je vous ai signalé, le vote se fait par la simple formule « en mon âme et conscience, ma réponse est » oui, non, ou sur la peine, de tant d'années. Motiver un arrêt suppose d'expliquer les raisons pour lesquelles on a pris cette décision plutôt qu'un autre. Cela est totalement incompatible avec le secret du vote et risque de poser d'interminables difficultés pour peu que, alors qu'une majorité de jurés et d'accord pour voter une peine de dix ans, aucun d'entre eux n'est d'accord sur les raisons qui le poussent à choisir cette durée plutôt qu'une autre. Le jury statue en tant que représentant du peuple souverain. Pas plus que nous n'aurons à motiver les raisons qui nous ferons choisir tel ou tel candidat le 22 avril prochain, il n'y a à demander aux citoyens jurés d'expliciter plus avant leur décision. Ce d'autant que la motivation d'une décision de justice est un exercice intellectuel fort difficile qui suppose de solides connaissances juridiques. Faire de citoyens tirés au sort des juges est en soi un gageure qui est admirablement bien tenue par le code de procédure pénale ; en faire dans le même laps de temps d'éminents juristes est proprement inconscient.

13.Réformer l'ordonnance de 1945 pour mieux lutter contre la délinquance des mineurs, et notamment expérimenter une séparation entre le juge chargé de protéger l'enfance en danger et le juge chargé des mineurs délinquants.

L'ordonnance de 45 dont il s'agit ici est l'ordonnance du 2 février 1945, qui fixe les règles de procédure et de sanctions dérogatoires au droit commun s'appliquant aux mineurs. Réformer l'ordonnance de 45 est un voeux présent chez tous les candidats à la présidentielle. Il faut dire que la présenter sous la simple mention de sa date permet de laisser entendre qu'effectivement il s'agit d'un texte totalement désuet, voire obsolète, ne correspondant plus aux nécessités actuelles. Rappelons qu'en France un texte qui n'est pas un code de loi est désigné sous sa nature suivie de sa date : loi du 29 juillet 1881, décret du 26 décembre 2006. Par la suite, des lois peuvent être prises qui modifieront le contenu de ce texte sans pour autant en modifier la date. Ainsi la loi sur la prévention de la délinquance, tout juste adoptée, prévoit de nombreuses modifications de l'ordonnance du 2 février 1945, qui ne s'en appellera pas moins ordonnance du 2 février 1945 après coup.

Et je peux vous dire que cette ordonnance a déjà fait l'objet d'un nombre impressionnant de modifications depuis 1945, en dernier lieu par la loi Perben I du 9 septembre 2002, qui l'a déjà réformée en profondeur. Il s'agit donc d'un texte fort instable, instabilité qui est loin de faciliter le travail des juges des enfants. Dès lors, la nécessité de réformer encore cette ordonnance de la part d'un gouvernement qui l'a déjà réformée à plusieurs reprises ne me paraît pas d'une évidence telle qu'elle dispense le candidat d'expliquer pourquoi ce changement lui paraît nécessaire et quels changements il lui semble utile d'apporter.

La seule précision qui est donnée est une séparation entre le juge de protéger l'enfance en danger et le juge chargé des mineurs délinquants. Cette fonction est en effet tenue par le même juge, le juge des enfants. Mes lecteurs savent déjà que le ministre candidat est en délicatesse avec l'un d'entre eux en particulier, le président du tribunal des enfants de Bobigny. De la part d'un candidat réputé pour être rancunier, j'ai du mal à croire que cette proposition soit totalement innocente, mais je vois sans doute le mal partout.

L'utilité de cette séparation organique m'apparaît loin d'être évidente. Les questions de l'enfance, qu'elle soit victime ou délinquante, nécessitent une technicité assez identique. Elle suppose de plus une connaissance et un contact régulier avec les mêmes services chargés des questions des mineurs : brigade des mineurs, aide sociale à l'enfance, DASS, etc. et surtout pour une raison encore plus simple : très souvent les enfants en danger et les enfants délinquants sont une seule et même personne.

Là encore, on m'accusera sans doute de faire du mauvais esprit, mais je pense que cette suggestion est motivée par l'idée que le fait de s'occuper d'enfants en danger rend les juges des enfants trop enclins à la compassion, et donc à l'indulgence à l'égard des enfants délinquants, alors que la mode est plutôt à l'hostilité à leur égard. C'est aussi absurde que de voir une incompatibilité dans le fait que le ministre de l'intérieur est à la fois ministre des cultes, et chargé de la surveillance des sectes. Le fait que deux missions soient différentes ne signifie pas qu'elles soient incompatibles, et au contraire, peuvent apporter chacune une expérience utile à l'autre.

Le comportement de l'Etat vis à vis des mineurs délinquants me fait parfois penser au même désarroi que je vois chez les parents de ces enfants, totalement dépassés par l'attitude de leur progéniture, incapables d'y faire face, et surtout de comprendre comment en très peu de temps leurs adorables enfants se sont mis à vendre de la drogue ou à braquer des petits commerces. A cette différence près que l'Ztat a à sa disposition le monopole de la violence légale, sans avoir l'amour parental pour tempérer sa volonté d'action...

14. Lutter contre la récidive en instituant des peines planchers pour les multirécidivistes.

Oh la belle proposition démagogique que voilà ! Rappelons d'abord que par une loi du 12 décembre 2005, le gouvernement actuel a voté une loi qui aggrave considérablement la répression à l'égard des récidivistes, et a créé une nouvelle catégorie de réitérants, pour les délinquants qui ne rentrent pas dans le cadre de la récidive, mais qui a modifié à leur égard les règles du cumul de peines les exposant de facto à des peines maximales supérieures à celles prévues par la loi pour des délinquants ordinaires. Cette loi a également limité le recours au sursis et au sursis avec mise à l'épreuve, obligeant dans certaines hypothèses le juge à prendre des décisions de prison ferme.

Cette loi est appliquée, je suis bien placé pour le savoir. L'utilité d'une nouvelle aggravation de la répression un an à peine après l'entrée en vigueur de cette loi me paraît donc pour le moins douteuse, mais l'électeur connaissant encore moins bien le code pénal que les délinquants, il n'y a pas de raisons de laisser à Ségolène Royal le monopole des propositions de loi déjà en vigueur.

La nouveauté qui est toutefois proposée ici est l'instauration de peines-plancher, c'est à dire encore une fois la limitation du pouvoir d'appréciation et de personnalisation du juge. J'aimerais que l'on m'expliquât les raisons de cette défiance du législateur vis à vis du juge. Par quel tour d'esprit étrange le candidat à la présidentielle peut-il penser qu'un juge qui voit arriver devant lui une personne déjà condamnée à au moins trois reprises pour des faits identiques (la récidive supposant la commission d'un deuxième fait identique, "multirécidive" suppose au moins trois commissions d'infractions), situation qui le prive déjà de bien de possibilités d'aménagement de peine, et qui double le maximum de l'emprisonnement encouru, pourquoi donc ce juge aurait l'idée de prononcer une peine légère ou dérisoire ? La dangerosité révélée par la récidive et encore plus par la "multirécidive" entraîne d'ores et déjà des peines sévères.

Quand un juge ou un tribunal décident de prononcer malgré l'état de récidive une peine légère, c'est qu'il y a des circonstances exceptionnelles dans le dossier qui justifient une telle décision, circonstances qui auront été démontrées par l'avocat de la défense. Dès lors, pourquoi en face de telles circonstances exceptionnelles qui pourraient pousser le tribunal à faire preuve d'une clémence extraordinaire, la loi l'interdirait-elle de manière catégorique et absolue ? La loi est un règle générale qui s'applique à tous. Par quelle incroyable présomption le législateur peut-il estimer mieux savoir que le juge quelle règle il faut appliquer à tous les cas, y compris ceux dont il n'a pas la moindre idée de l'existence ? Cette proposition de loi est une véritable machine à injustices, comme il en existe déjà quelques unes en vigueur. Il s'agit là d'une proposition visant à flatter un électorat ciblé et qui relève de la démagogie. Encore une fois, je n'ai rien contre les lois sévères, tant qu'elles laissent au juge le pouvoir d'adapter la sanction à la personne qu'il a en face de lui. Le juge, lui, voit ces personnes. Le législateur, lui, décide en fonction de ses fantasmes et de ceux de l'opinion publique. Choisissez par qui vous voulez être jugés.

15.Améliorer les conditions de détention et l'accueil des visiteurs, notamment des familles, dans les établissements pénitentiaires.

Je ne puis qu'être d'accord avec cette proposition, naturellement, ce d'autant que les deux précédentes propositions semblent indiquer que la population carcérale va encore faire un bond. Mais ici, aucune modalité concrète n'est donnée, selon une tradition maintenant bien établie dans les programmes électoraux. On peut supputer une augmentation du budget de l'administration pénitentiaire, mais aucun engagement n'est pris, et les familles des détenus n'ont jamais été un lobby électoral très influent. Je ne me fais guère d'illusions sur cette proposition, qui doit, je pense, figurer dans tous les programmes électoraux depuis l'élection du président de la République au suffrage universel.

16.Créer des établissements pénitentiaires exclusivement réservés aux personnes placées en détention provisoire, pour des conditions de détention compatibles avec le respect de la présomption d'innocence.

Actuellement, la loi distingue, en simplifiant quelque peu, deux types d'établissement. D'une part, les maisons d'arrêt, où sont placées les personnes en détention provisoire, c'est à dire qui n'ont pas encore été jugées, et les personnes condamnées à moins d'un an d'emprisonnement, ou à qui il reste un reliquat de moins d'un an à effectuer, et d'autre part les établissements pour peines, où sont placées les personnes ayant plus d'un an de prison à effectuer.

Il va de soi que la population des maisons d'arrêt est largement plus nombreuse que celle des établissements pour peine, ce qui a pour conséquence paradoxale que les conditions de détention en maison d'arrêt sont et de loin les pires alors que les détenus y sont supposément moins dangereux.

Les maisons d'arrêt, qui sont en principe au nombre d'une par tribunal de grande instance, voient donc se côtoyer des personnes présumées innocentes, des petits délinquants, et des criminels lourdement condamnés se préparant à recouvrer la liberté. Cette cohabitation peut surprendre la raison. L'idée de créer des établissements à part peut donc paraître une bonne idée, et je n'ai a priori rien contre. Il faut toutefois tempérer cette apparente aberration. Il y a beaucoup de mis en examen en détention provisoire, ou de prévenus en détention provisoire, donc présumés innocents, qui ont déjà effectué des peines de prison et connaissent les maisons d'arrêt. Les criminels les plus endurcis sont en maison d'arrêt tant qu'ils n'ont pas été jugés. De fait, une grande majorité des prisonniers en détention provisoire sont effectivement coupables des faits qu'ils ont commis, et ne sont absolument pas mélangés à des gens d'un autre monde.

En réalité, le problème qui est ici posé est celui des innocents qui sont placés en détention provisoire, et qui eux se retrouvent confrontés à un univers difficilement supportable, et à des individus disons moins respectueux de la vie en collectivité. Ce dernier problème étant bien plus difficile, voire impossible à résoudre, c'est un changement d'angle d'attaque que propose le gouvernement, en distinguant des catégories de prisonniers aisément identifiables, mais qui concrètement ne correspondent pas à des populations différentes. Créer des maisons d'arrêt exclusivement réservées aux détenus provisoires n'empêchera pas la cohabitation de quelques personnes innocentes avec des délinquants endurcis.

Ajoutons à cela qu'il arrive fréquemment qu'une personne ayant effectué la détention provisoire, une fois condamnée soit frappée d'une peine d'emprisonnement égale à la durée de la détention provisoire qu'il a déjà effectuée, ce qui évite un retour à l'emprisonnement. Ce qui aboutirait donc à ce que cette personne effectivement condamnée n'ait jamais mis les pieds dans les établissements réservés aux personnes définitivement condamnées, toute sa peine ayant été purgée dans les établissements pour personnes présumées innocentes. Qui a dit que la vie était simple ?

Encore une fois, le problème qui se pose ici n'est pas celui que la loi se propose de remédier : c'est celui d'une part de la détention des personnes innocentes, et d'autre part de la durée de la détention provisoire. La résolution du premier problème supposerait des capacités divinatoires surhumaines, mais le deuxième peut par contre être utilement pris à bras le corps par le législateur, à condition pour cela qu'il ait le courage d'affronter l'opinion publique plutôt que de la caresser dans le sens du poil. En 2012, peut-être ?


En guise de conclusion et de synthèse, ici encore, on est en présence d'un candidat qui ne traite la question de la justice que sous l'angle de la justice pénale. Eu égard au candidat en question, ce n'est guère étonnant, ce candidat, et son parti de manière générale faisant campagne sur le thème de l'insécurité.

Il demeure qu'une fois de plus, les justices civile et administrative sont totalement ignorées, alors qu'elles jouent un rôle tout aussi noble et fondamental dans le besoin de justice des citoyens de la République. Les propriétaires confrontés à un locataire mauvais payeur, les locataires confrontés à un propriétaire qui refuse de faire des travaux, les parents séparés de leurs enfants par la mauvaise volonté de leurs anciens conjoints, les consommateurs victimes de l'incompétence d'un professionnel, les victimes d'un sinistre confrontés à la mauvaise volonté de leur assurance, savent que la justice civile, ça compte aussi au quotidien. Les propriétaires expropriés de leurs maisons pour une bouchée de pain pour faire passer un TGV ou une autoroute, ceux dont leur maison se fissure de partout à cause de travaux sur la voie publique, ceux dont l'enfant est mort dans un hôpital publique sans qu'aucun médecin n'accepte de dire pourquoi savent également que la justice administrative mérite mieux que d'être passée par pertes et profits dans le débat publique.

Cela relève d'une perception de la justice par les politiques seulement comme arme répressive, alors qu'elle est bien plus que cela. Elle est l'autorité qui tranche les conflits, qui assure le règne de la règle de droit, et qui protège le faible contre le fort. Y compris, et je dirai même surtout, quand ce fort, c'est l'Etat.

Voilà sans doute ce qui explique que l'Etat ne souhaite pas que nous nous y intéressions un peu trop.

Commentaires

1. Le vendredi 23 février 2007 à 21:30 par Prof. Y

C'est voulu, cette petite phrase qui défile latéralement, juste avant le 10. ?

Non, c'était un bug, réparé.

Eolas

2. Le vendredi 23 février 2007 à 21:36 par Juge du siège


Quelques réactions à la volée.
1/ Oui à la réforme de la carte judiciaire, tout en sachant qu'elle ne se fera pas en raison du poids des élus locaux qui veulent tous garder leur tribunal. Pourtant, le plus grand (ré)confort d'un magistrat, c'est souvent de parler d'un dossier délicat avec un juge exerçant la même fonction. Impossible à Bar le Duc, Lure ou Briey où il y a un JAF, un juge des enfants, un juge d'instruction...
2/Oui à la spécialisation, qui donne une mémoire, une compétence technique à la juridiction, au delà des magistrats qui "passent", même si le contentieux est rare.
3/Rémunération des magistrats: "les promesses n'engagent que ceux qui y croient" (Charles Pasqua, prédécesseur de Nicolas Sarkozy à Neuilly)
4/Séparer les carrières: pourquoi pas sur le plan des principes, mais impossible concrètement à réaliser car il n'y aurait pas assez de candidats pour rester "à vie" au parquet (pour un juge demandant à passer au parquet, il y a 8 parquetiers demandant le siège…)
5/Procureur général de la Nation : ça ne se fera pas, le Parquet est un outil trop précieux pour un homme politique, ce qui n’est pas complètement illégitime lorsqu’il faut déterminer une politique d’action publique. En plus, cette institution n’a pas de précédent dans l’Histoire. Gadget donc.
6/Magistrats minoritaires au CSM : pourquoi pas s’il s’agit de sanctionner des juges alcooliques ou fainéants, mais je n’accepte pas que des personnes n’ayant pas eu à accomplir l’acte difficile d’instruire ou de juger viennent donner des leçons à Burgaud aujourd’hui et Van Ruymbeke demain. Quant à la prétendue sévérité des conseils de discipline des avocats, cher Maître, euh...que dire sans dire vous être désagréable?
7/Saisine du CSM par le justiciable : pourquoi pas, à condition qu’il y ait un filtre anti-justiciables méchants, procéduriers et bornés. J’ai été menacé la semaine dernière par un père mécontent d’être traduit devant la Cour de La Haye (rien que ça !)…et n’ai donc aucune envie à l’avenir de me déplacer à Paris chaque année pour m’expliquer sur les plaintes de quelques fous.
10/Phase d’instruction pour des juges expérimentés ou plus de juge d’instruction du tout : une commission parlementaire, des auditions, la télé…et le poste de juge d’instruction à Boulogne sur Mer a été proposé à la sortie de l’ENM pour la promo qui sera installée en septembre…(choisi par la major, ce qui ne manque pas de panache). Quant à supprimer le juge d’instruction, ça ne réjouira que les élus qui pourront disposer à leur guise des procureurs…

3. Le vendredi 23 février 2007 à 21:39 par Celui

Puiqu'on y est, il y a aussi un petit problème de mise en page à l'item 10 où toute la proposition n'est identifiée en tant que telle.

4. Le vendredi 23 février 2007 à 21:44 par Ben

On sent bien que la proposition 7 serait tout de suite perçue comme une nouvelle possibilité d'aller contre un jugement rendu... Une sorte de nouvel appel, d'un nouveau genre.
Plutôt l'impression que cette partie sur la justice du programme de Nicolas Sarkozy va alourdir les choses, ce qui va à l'encontre de beaucoup de ses propositions... Pas une bonne chose, en soi.

5. Le vendredi 23 février 2007 à 21:49 par P. Marcel

Petit commentaire sur la forme :
(à propos du CSM): "la formation (...) prend la décision de sanction, HorS la présence du président de la République" HORS et non or
Sur le fond, je n'y connais pas grand chose au sujet mais j'ai cru lire que les membres du CSM sont élus ce qui est un cas unique dans les tribunaux français. On place les vieux à la Cour de Cassation, pourquoi pas également au CSM ?
J'apprécie tout particulièrement votre conclusion sur la justice civile et administrative. C'est peut être leur chance de n'être pas l'objet d'autant de sollicitudes politiques...

6. Le vendredi 23 février 2007 à 21:49 par Christophe Cavaillès

Au lieu de rêver à un futur improbable voici un rapide rappel du bilan Sarkozy : mépris de la séparation des pouvoirs, atteinte à certaines libertés, insultes publiques "nul ne peut être traité de racaille", plusieurs semaines d'émeutes, etc, etc

7. Le vendredi 23 février 2007 à 21:55 par Raph

A quand l'ouverture de la saisine et/ou la création d'une/de cours constitutionelle par les particuliers ?
A quand l'augmentation réelle de moyen pour la justice, police et les autres administrations ?

Enfin, je ne vais pas m'étendre.. Pour moi, ce programme est rempli d'idée qu'un justiciable qui n'a jamais eu à faire à la justice vote pour lui, avec un souvenir d'Outreau.

8. Le vendredi 23 février 2007 à 21:57 par bibal

beau boulot
merci

9. Le vendredi 23 février 2007 à 22:03 par Esurnir

A propos de la motivation des arrêts de la cour d'assise, le principe même va à l’encontre serment des jurés, ce serait dommage de jeter aux oubliettes un si beau texte.

Mais je me demandais, aux Etats-Unis on trouve très souvent au civil comme au pénal des jures présent dans les tribunaux. Je suppose que les arrêts des cours civil ou pénal aux états unis ne se résume pas uniquement a « à la question numéro deux, "Jérémy X. a-t-il volontairement commis des violences sur Ludovic Y. ? ", la cour a répondu oui à la majorité de huit voix au moins ; » comment font les tribunaux outre atlantique pour justifier leur décision ou la cour a été assister par des personnes qui a ma connaissance ne sont pas sortis de l’ENM ?

10. Le vendredi 23 février 2007 à 22:04 par salomon

Je partage entièrement votre conclusion, les programmes des politiques ignorent totalement les problèmes de la justice administrative de droit commun (explosion du contentieux, charges de travail exponentielles (pardon il ne faut pas en parler c'est vulgaire !) , effectifs insuffisants, revalorisation et parachèvement du statut, malaise croissant des magistrats des tacaa) si ce n'est le débat récurrent et ancien sur les fonctions juridictionnelles et de conseils du CE (qui devra s'adapter aux exigences de la cedh, c'est évident)...
Il faut dire que dès que l'on aborde les dimensions plus techniques de la justice, il est difficile de trouver des interlocuteurs sérieux, lesquels du moins les rares qui abordent ce thème priviligient plus les postures idéologiques que la réflexion de fond (cf programme de Bayrou, cf les études de certains clubs politiques type VI république, institut montaigne). A cet égard le silence de ségolène royal, juge administratif en disponibilité, est incompréhensible .
En tout cas, merci Maître de mettre le débat sur la place publique.

11. Le vendredi 23 février 2007 à 22:09 par salomon

@5: vous êtes dans le vrai, ; c'est le paradoxe, il est aussi bien que les politiques ne se saisissent pas de la justice civile et administrative, qui se prêtent mieux à des réformes consensuelles, techniques et portées par les acteurs et praticiens de cette justice (cf réforme des référés administratifs); mais le précepte pour vivre bien vivons caché ne dure qu'un temps...

12. Le vendredi 23 février 2007 à 22:10 par Dicky Hervé

Ou bien je n'ai rien compris, ou bien

"décision de sanction, or la présence du"

doit se lire

"décision de sanction, HORS la présence du"

Vous comprîtes bien, l'erreur m'avait échappé.

Eolas

13. Le vendredi 23 février 2007 à 22:15 par Lucas Clermont

Chapô !
Merci pour la qualité de ce travail !

14. Le vendredi 23 février 2007 à 22:19 par Lausannensis

Sur le point 2. les juridictions spécialisées existent déjà en matière de propriété industrielle contre les décisions du directeur général de l'INPI.

Je suis vos conclusions sur le côté trop partiel des programmes des candidats.

PS : j'ai noté un lapsus calami : Vuillemin au lieu de Villemin

15. Le vendredi 23 février 2007 à 22:20 par Pabl o

Le point 8 ouvre la porte, en effet, a une détestable démagogie qui atteint des sommets actuellement en Espagne dans certain procès pour terrorisme. Comme vous le dites, il faut laisser les victimes en dehors de tout ça : elles sont les moins qualifiées, les pauvres, pour intervenir dans le processus judiciaire.

16. Le vendredi 23 février 2007 à 22:23 par Juge du siège

@10: sur la revalorisation du statut des conseillers de tribunal administratif et de CAA, cher salomon, ce corps a encore obtenu une augmentation de leur taux de prime (à 51% je crois) par la loi de finances pour 2007.
Ce qui fait qu'en gros, un conseiller qui "gratte" dans son coin des jugements en droit fiscal va gagner quelques centaines d'euros de plus qu'un président de cour d'assises surexposé.
Pas mal pour un corps qui veut disputer l'attractivité aux corps de hauts fonctionnaires mais dont moins d'un quart des membres sortent de l'ENA...

17. Le vendredi 23 février 2007 à 22:26 par Charles

Cette fois c'est certain : vous avez déniché une faille spatio-temporelle, de trois-quatre heures chaque jour, disposable à votre gré entre 12h et 12h05, ou bien 19h et 19h05 etc. Plus une autre de huit heures, de minuit à minuit dix, pour dormir. Et bien sûr de temps à autres une grosse entre le 31 juillet minuit et le 1er août zéro heure, pour prendre des vacances en famille.
Vous ne m'impressionnez donc plus du tout.
Par ailleurs ne soyez pas égoïste : où sont-elles ? Que j'aie enfin le temps de vous lire posément vous comprenez.

18. Le vendredi 23 février 2007 à 22:30 par FL

Sur la question de la saisine par les "victimes" du CSM, alors là, non, non et non !
Ayant jadis rédigé une thèse sur la faute disciplinaire dans la fonction publique (qui suis-je?!), je m'insurge contre cette proposition. La raison en est simple : la répression disciplinaire n'est ni la répression civile ni la répression pénale.
S'il se trouve des victimes du comportement du service public de la justice, il est toujours possible de saisir le juge judiciaire pour engager la responsabilité de l'Etat en raison de la faute lourde alors commise par le service, ou pour déni de justice. Et si ces victimes estiment que les agissements personnalisés d'un magistrat sont constitutifs d'une infraction, le dépôt de plainte est toujours l'un des moyens d'engager l'action publique. Or, d'après mes (vieux) souvenirs de procédure pénale, et sauf erreur possible de ma part, le parquet ne peut classer en cas de plainte déposée. Ce qui est déjà la garantie que les agissements considérés feront l'objet d'une information judiciaire. Or, à l'inverse, toute procédure devant le CSM est soumise à la volonté du directeur des services judiciaires (DSJ) de déférer ou non le magistrat incriminé ; lequel DSJ joue le rôle du ministère public devant le CSM (en réalité, c'est le garde des sceaux qui a ce pouvoir...mais en pratique il suit la position que lui recommande le DSJ).
Enfin, et surtout, répression disciplinaire et répression pénale ne ressortent pas du même ordre juridique et n'obéissent pas à la même logique. La répression pénale est la répression de la violation des règles sociales, communes. En revanche, la répression disciplinaire est la répression des règles internes à un groupement, propres à une profession ou à une activité. Cesdites règles ne concernent pas l'ensemble de la société car le lien qui les fonde est celui qui rassemble les membres du groupement et eux seuls. L'ordre recherché par les règles dont la sanction est une sanction disciplinaire et non une sanction pénale n'intéressent donc que les membres de ce groupement. En somme, le pouvoir disciplinaire est un pouvoir juridique ayant pour objet d’imposer aux membres du groupe, par des sanctions déterminées, une règle de conduite en vue de les contraindre à agir conformément au but d’intérêt collectif qui est la raison d’être de ce groupe. Il ne concerne donc pas l'ensemble de la société et ne peut donc être rapproché de la répression pénale. C'est pourquoi il n'est pas justifié de faire entrer les victimes dans les prétoires disciplinaires. D'autant que cette entrée n'est d'aucun autre sens que de satisfaire leur besoin de vengeance puisque les sanctions disciplinaires concernent la carrière du magistrat et ne présente donc aucun intérêt matériel pour les victimes (dans la mesure où la répression disciplinaire se trouve alors en concurrence avec la répression pénale).
Bref, sur ce sujet, j'ai déjà été long. Que le maître de ces lieux m'en excuse et ses lecteurs avec. Comme tout universitaire, j'ai encore mille raisons de justifier mon opposition avec cette proposition (référence à la théorie de l'institution pour l'opposition entre le droit pénal et le droit disciplinaire), proposition dont le moins que je puisse en dire, c'est qu'elle me navre.

19. Le vendredi 23 février 2007 à 22:31 par AFB

Je crains qu'au civil, notre code du travail, ne se réduise à vingt pages trés rapidement.

J'ai tué, j'ai vingt piges;
J'ai travaillé, j'ai vingt pages.

20. Le vendredi 23 février 2007 à 22:38 par LDiCesare

1/Sur un TGI par département:
Pour reprendre l'exemple de la Seine et Marne, prenons l'exemple d'un Fertois (de La Ferté sousJouarre, nord Seine et Marne), qui voudrait/devrait aller au TGI. Se rendre à Meaux est aisé. Aller à Melun est plus long que se rendre à Paris, quel que soit le moyen de transport choisi (et La Ferté est à la frontière de la Champagne). Je ne suis pas sûr que les citoyens apprécient de devoir se taper de heures de transport (s'ils ont le mauvais goût de n'avoir pas d'automobile, ce qui est quand même assez commun en Ile de France) pour se rendre au tribunal.
Pour la Lorraine, c'et vrai que Briey, c'est peut-être pas simple, mais si on redécoupait la région en Meurthe et en Moselle, peut-être que les gens du nord de la Meurthe et Moselle auraient pas mal de tâches administratives simplifiées.
Enfin les Pyrénnées Atlantiques, ont deux tribunaux qui correspondent aux deux régions qui composent ce département, le Béarn et le Pays Basque, avec certaines particularités pour ce qui concerne le Pays Basque. Je n'ai pas idée de la simplification qu'apporterait une fusion dans ce cas, sinon simplifier la vie des gendarmes qui pourraient avoir autorité territoriale sur tout le département, mais je me trompe peut-être.
7/ "Ce sera donc un objet de débat essentiel, et de ce fait naturellement escamoté de la campagne."
J'aime vos petites pointes de cynisme, moins la réalité dont vous parlez.
12/ L'accès aux pièces, ça inclurait l'accès aux scellés? Ca ne risquerait pas d'être dangereux?

21. Le samedi 24 février 2007 à 00:05 par silice

Voir la justice sous la lorgnette de la seule justice pénale est souvent un travers des non-juristes (preuve de l'absence de culture juridique en ce pays).
Sarko a été avocat, possible aussi qu'il ne lui en reste que la démagogie (et la mauvaise foi).

22. Le samedi 24 février 2007 à 02:36 par Durelaloi

J'ai survolé et apprécié.

Il y a plusieurs candidats.
Malgré cela,la télé matraque depuis des mois:Sarkozy,Royale et maintenant Bayrou.Au nom dela Démocratie?(je ne m'adresse pas à votre intention)
C'est dommage que vous aussi soyez un peu l'écho de ces dirigeants de l'information.Il est vrai,à une ou deux reprises seulement.

Vous ne semblez pas avoir pris connaissance du programme de la Gauche Antilibèrale et Populaire avec les moyens financiers de son application.A mon avis,cela me semble grave d'y faire l'impasse...

Ce travail prend énormément de temps. Je ne pourrai pas faire tous les candidats. Je commencerai donc par ceux dont l'espérance de vote a deux chiffres. La gauche antilibérale a actuellement quatre candidats déclarés, dont seule une a la certitude d'avoir les 500 parrainages, et aucun espoir d'être élu. J'ai des choix à faire, et cela implique que la gauche antilibérale sera écartée.

Eolas

23. Le samedi 24 février 2007 à 02:49 par julie

[Spam]

24. Le samedi 24 février 2007 à 03:34 par gabriel

Maitre,

Vous regrettez a plusieurs reprises le manque de precision et de detail de ces propositions mais deux liens plus loins dans le site UMP (->"en savoir plus" puis ->"dossier complet en pdf") se trouve un document beaucoup plus detaillé.

L'avez-vous pris en compte dans votre analyse?

25. Le samedi 24 février 2007 à 05:05 par Damien

Merci pour ce texte. Le point 5 parle d'une politique pénale "gouvernementale". Il me semble donc étrange d'envisager que le "procureur général de la nation" qui sera créé par cette réforme soit indépendant du gouvernement (ce qui serait, selon vous, une "révolution"), puisqu'il sera en charge de la cohérence de cette politique "gouvernementale". Le voir sous les ordres directs du garde des sceaux (ce que vous appelez une "réforme pour rien") est plus probable, non?

26. Le samedi 24 février 2007 à 06:57 par bayonne

j'apprecie votre note de synthese, avec quelques modification de formulation, cela peut etre repris aisement pour faire un magnifique discours de candidat (au hasard SR ). Snif je reve ...

@14 Je suis vos conclusions sur le côté trop partiel des programmes des candidats.

pour faire court, pareil, je reste vraiment sur ma faim et j'ai vraiment l'impression de jouer au loto en votant, on ne sait jamais qu'elles seront les bons numeros



27. Le samedi 24 février 2007 à 08:32 par Rataxès

Deux précisions :

- l'ordonnance de 1945 finira bientôt par ne plus mériter son nom, puisque seulement cinq articles sont d'origine : 18 sur la possibilité d'infliger une peine à mineur de plus de 13 ans ; 27 sur les modalités de révision des mesures prises à l'égard des mineurs (protection, assistance, surveillance, éducation, réformes ordonnées) ; 32 (question de procédure) ; 37 donnant compétence au procureur de la République en cas d'infraction dont la poursuite est réservée à une administration ; 39 sur l'habilitation des oeuvres et institutions ;

- (point 6) sur les suites disciplinaires concernant le magistrat du parquet et l'ancien juge d'instruction ayant connu de l'affaire dite d'Outreau : conrairement à ce qui est indiqué, la procédure disciplinaire est en cours d'instruction au CSM, qui n'a pas encore blanchi les intéressés.

28. Le samedi 24 février 2007 à 09:37 par Deilema

Félicitations pour ce travail très complet!

N'y aurait-il pas cependant un lapsus au point 8: "La victime ayant obtenu une condamnation à des dommages-intérêts se retrouve dans la même situation que la personne ayant obtenu du juge civil un jugement de condamnation de son débiteur. Si elle fait exécuter sa condamnation par un huissier de justice afin qu'il pratique des saisies, c'est le juge d'application des peines qui est compétent. "
Plutôt le JEX, non?

Oui, en effet, coquille rectifiée.

Eolas

29. Le samedi 24 février 2007 à 09:37 par CC

@18. FL.

Et bien vous êtes l'auteur d'une thèse publiée aux PUAM en 2002, M. Laurie. Et en plus vous faites référence à la théorie de l'institution (Hauriou, Renard...).

30. Le samedi 24 février 2007 à 09:59 par Jean

Bravo Maître pour ce boulot.

Trois précisions / questions:

1. pour avoir une telle productivité: êtes-vous seul? au chômage? esclavagiste? avez-vous délocalisé une rédaction dans un pays du Sud?

2. Si je comprends bien, sur (environ) la moitié des points c'est du bonnet blanc et blanc bonnet entre les 2, voire 3 candidats principaux. Pour (environ) la moitié des autres, il s'agit de promesse budgétaire qui ont toutes les chances d'être tenues.

3. Quand au désamour pour la justice civile et adminsitrative... sans commentaires! c'est une honte

31. Le samedi 24 février 2007 à 10:45 par Ayin

« elle vient greffer son action sur celle de l'état visant à réprimer la victime, »

Ah, je le savais ! Salaud d'état qui cherche à réprimer les victimes ! :-)

Coquille rectifiée... Grrr, et pourtant, je m'étais relu deux fois.

Eolas

32. Le samedi 24 février 2007 à 10:53 par Jeune Parquetière

Je viens de découvrir ce morceau de bravoure.
Bluffée, vraiment !
Une remarque sur un sujet qui me tient à coeur : j'ai commencé comme juge du siège pendant 2 ans, je suis maintenant substitut depuis 2 ans également.
La perspective de la séparation siège-parquet, c'est quelque chose qui, vraiment, me révolte.
D'abord parce que ce n'est fondé sur rien, à part (désolée maître) sur les fantasmes d'avocats quant à la prétendue collusion des uns et des autres, avocats qui, en plaidant sur cette fantasmatique, ne cherchent rien d'autre, à terme, qu'à obtenir l'avènement d'une procédure accusatoire à l'américaine, plus rémunératrice pour les gros cabinets.
La collusion, ou l'apparence de collusion, c'est du grand n'importe quoi : bien sûr qu'il m'arrive d'adresser la parole à mes collègues du siège (encore heureux, on n'est pas des sauvages !), mais autant qu'il m'arrive, comme substitut, de discuter avec des avocats de leur dossier à l'instruction ou du dossier qui va venir à l'audience (eh oui, parquet et barreau ne sont pas structurellement ennemis...)
Le parquet, c'est fondamental de le rappeler, ce n'est pas l'accusation. Nul part dans aucun code, il ne figure sous cet intitulé ou se voit confier la mission de soutenir l'accusation.
Le parquet représente la société. C'est totalement différent. Il a la même mission que les magistrats du siège d'évaluation des éléments à charge et à décharge, mais au niveau de l'opportunité et du choix de la poursuite.
Si à l'audience, un dossier ne me paraît pas assez solide, j'en tire les conséquences en m'en rapportant.
L'éthique commune des magistrats, qu'ils soient du siège ou du parquet, c'est celle-là : ne requérir à charge ou ne condamner que lorsqu'on a la conviction de la culpabilité. Et inversement.
Le parquetier n'est pas là pour soutenir l'accusation à tout prix. (à la différence de l'avocat qui, si son client lui en donne mandat, doit à tout prix, voire au prix de contorsions intellectuelles douloureuses, développer la thèse de l'innocence, même s'il est persuadé de la culpabilité dudit client).
Ca me révolte également parce que cette perspective est très dangereuse.
Tout le monde y perdra.
Les magistrats du parquet, parce qu'ils vont se retrouver fonctionnarisés, voire rattachés à terme au Ministère de l'intérieur, et devront là pour le coup, jouer les petits soldats de l'accusation. (il n'y a peut être que sur le plan des conditions de travail et de rémunération qu'on serait gagnants...)
Mais également et surtout, les magistrats du siège. Trop peu en ont conscience mais la réalité est bien celle-là. Actuellement, le parquet joue un rôle de rempart du siège et de garant de sa sérénité contre les adeptes d'une défense de rupture, d'attaque frontale des magistrats, plutôt que de défense d'un client. Nous avons le dos large au parquet. On creuse les conclusions de nullité avant l'audience pour alimenter la réflexion du juge. C'est de plus bien souvent sur la "cruauté inouïe" de nos réquisitions que s'étendent les avocats, confortant le juge dans une position de surplomb plus confortable, et plus propice à l'émergence d'une réflexion sereine, que si la défense en venait à miner directement le terrain de réflexion du juge, en le considérant, lui, comme adversaire, et non plus le parquet (dont la fonction désormais diamétralement opposée à celle de l'avocat ne lui donnerait plus aucune crédibilité).
Bref, le juge serait désormais nu face à l'attaque frontale de certains avocats. Pression lourde, très lourde, finalement défavorable au final au justiciable en tout premier lieu.
Le fantasme de la justice accusatoire doit être démystifié. Ca ne pourrait pas fonctionner en France. Ca ne marche en effet que dans des pays où la fonction même de juge est très respectée, voire sacralisée.
Inutile de dire qu'en France, l'idée de sacralisation du juge, c'est une notion qui nous paraît radicalement exotique !!!
(pas un jour ne passe sans que les décisions de justice soient commentées dans le sens de leur décrédibilisation, notamment de la part des décideurs publics, dont on se demande si l'objectif final n'est pas de nous faire passer pour des incompétents notoires, doublés de dangereux sadiques qui n'ont rien d'autre à faire qu'à pourrir la vie des gens. Le retour de flamme des années 80 n'a pas encore fait long feu...)
Merci encore pour cette analyse de haut vol !

33. Le samedi 24 février 2007 à 11:18 par salomon

@16: cher juge du siège, je vous invite à mieux vous informer sur notre réalité avant de vouloir initier une mauvaise querelle.
je déplore votre ton et n'ayant pas (ou pas encore...) travailler dans le judiciaire et notamment au pénal, j'ai la rigueur intellectuelle de ne pas dénigrer telle ou telle fonction que je ne connais pas et je me garderai bien de porter une appréciation à l'emporte pièce sur la charge de travail des juges du siège.
Cela étant, la revalorisation du statut ne s'entendait pas uniquement dans sa dimension indemnitaire mais également et surtout dans son aspect "indépendance et organisation"
je vous précise tout de même que notre corps est l'un des rares à voir sa productivité (laquelle a atteint un niveau record-puisque l'on doit raisonner ainsi dans le service public moderne de la justice!) aussi contrôlée et sanctionnée .(variabilité des primes). je pourrais vous parler de la chute de l'attractivité de ce corps (du moins à l'ENA) mais je ne souhaite pas rentrer dans cette cuisine interne, propice à l'acrimonie et à la mauvaise foi.
Salutations juge du siège

ps: si j'en juge par les fréquents détachements dans les ta caa de vos collègues, l'intérêt pour notre métier ne leur paraît pas se résumer à "gratter" des jugements...

34. Le samedi 24 février 2007 à 11:44 par YR

Après première lecture :
Merci Eolas pour ce boulot de décryptage.
Toujours plaisant à lire et toujours insructif.

Sur la forme, deux coquilles en conclusion :
"hôpital publique" et "débat publique" : public

35. Le samedi 24 février 2007 à 12:08 par Delph

Merci du commentaire et de ce travail.
et moi je reste abasourdie car penser que dans CHAQUE domaine les propositions et réponses critiques sont identiques c'est vertigineux. Comment lire un programme en conscience???? Donc la question c'est : EN VERSION SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES, quel est le site qui serait équivalent (enfin surement moins bien mais quand même, vous avez surement des copains qui font éco) au vôtre.
Merci

36. Le samedi 24 février 2007 à 15:44 par Les amoureux des bancs publics...

@32

...ont des petites gueules bien sympathiques ;-)

37. Le samedi 24 février 2007 à 16:04 par Paul

Brièvement sur le point 12 (permettre aux jurés d'avoir accès aux pièces du dossier.)

Stagiaire, j'ai assisté a au moins deux procès ou le Président, les avocats et le parquet se sont entendus pour masquer la réalité du dossier à des jurés qu'ils pensaient trop conservateurs de crainte de voir une peine trop lourde infligée aux accusés (je précise que dans les deux cas il n'y avait pas de parties civiles) .

Assistant aux audiences du fond de la salle, le dossier sur les genoux j'ai pu constater qu'entre les éléments qui ressortaient des dossiers et ceux présentés aux jurys il y avait un écart notable. Un certain nombre de faits qui auraient pu conduire à l'aggravation de la peine infligée étant éludés pour ne pas "énerver" les jurés.

Si dans les deux cas je me suis félicité de l'attitude des magistrats et avocats que l'intérêt de la justice me semblait commander, je me demande toujours aujourd'hui si c'était une pratique acceptable que de se défier ainsi des jurys.

En tout cas ces expériences font que je doute fortement que comme comme vous l'affirmez les jurys soient aussi bien informés du dossier à l'issue de l'audience que si ils avaient eu accès aux pièces.
La question est ensuite naturellement de savoir si l'on veut qu'ils soient informés ou si il est préférable qu'ils ne puissent trancher que sur les éléments qu'on leur donne...

P.

38. Le samedi 24 février 2007 à 17:11 par Esurnir

@35: Si le parquet pense qu'il est dans l'interet de la societer de montrer l'accuser sous un jour abominable afin de faire condamner l'accuser a une peine maximale. Je pense tres franchement qu'il se serait pas gener pour le faire, et son requisitoire risque de mettre l'avocat de la defense assez mal a l'aise.

Si la societee (representer par l'avocat general) ne pense pas qu'il est dans son interet de montrer une personne sous le jour le plus atroce, (parceque elle aurrait une chance de remission par exemple. Plus les peines sont longue, plus les chances que l'accuser se reintegre sont mince) je ne vois pas vraiment pourquoi il le faudrait. La veriter, c'etait le sacerdoce du juge d'instruction pas du jury, sont role c'est de juger equitablement et impartiallement.

39. Le samedi 24 février 2007 à 17:59 par schlomoh

Parlons grammaire:
au point 2, 8 lignes avant la fin de l'avant-dernier § vous écrivez:
"...quelque soit l'endroit où ont eu lieu leurs..."
là où il faudrait: quel que soit

40. Le samedi 24 février 2007 à 19:04 par sebastien

Pour en revenir à la justice de tous les jours, j'aimerais savoir pourquoi il faut un avoué pour une affaire familiale traitée en Cour d'appel et pourquoi une fois la décision prise par la Cour d'Appel, il est demandé l'acquiescement des deux parties pour que la décision soit éxécutoire.

41. Le samedi 24 février 2007 à 21:58 par kristian

coupable ou pas ? :

"...du siège, a refusé de sanctionner ce magistrat, estimant qu'il n'avait commis une faute disciplinaire. "

Il faut comprendre "qu'il avait commis une faute" ou "qu"il n'avait commis aucune faute" ?

apparement c'est aucune, d'après le sens de ce qui suit.

Sur les programmes, je préferai quelque chose de simple comme "je double le budget" et on verra alors, si on leur en donne les moyens, ce que font les juges, plutot que de replatrer ou de faire de la démagogie sans toucher "le nerf de la guerre". Parce qu'à vous lire, droite ou gauche, c'est soupoudrage de budget et couches de réformettes inutiles.

42. Le samedi 24 février 2007 à 22:49 par pangloss

Encore des propositions larges et vagues visant à obtenir un consensus plutôt que des effets réels.

Bah, après tout, c'est un candidat à l'élection présidentielle. Si un candidat veut être élu, c'est pas des propositions pleine de bon sens et d'intelligence qu'il faut faire, c'est promesses de décrocher la lune et de la donner à tous sans dire comment ni pourquoi.

En tout cas, c'est vrai c'est un pavé. Mais agréable a lire, donc vous êtes pardonné :D

43. Le dimanche 25 février 2007 à 00:28 par kombu


Juste une précision, le contentieux de l'indemnisation lors d'expropriations pour cause d'utilité publique est de la compétence du juge judiciaire.

44. Le dimanche 25 février 2007 à 03:17 par serdan

Merci pour cette très saine lecture.

Les candidats ne peuvent ils pas proposer dans leur programme :
- le respect de certains principes
- les objectifs d'amélioration (avec des actions en exemple)
- le budget apporté
- les critères d'évaluation de l'action menée

Cela permettrait d'avoir un moyen de juger 'objectivement' l'action passée. Si vous pensez que les politiques ne veulent pas être jugés, vous pouvez le penser mais alors nous (blogueurs, journalistes, citoyens, etc.) pourrions tenter de répondre à ces 4 questions ci-dessus à leur place.


D'autre part, je trouve que beaucoup de candidats (et de concitoyens) pensent que l'action de l'exécutif consiste exclusivement à créer/modifier la Loi. L'action politique peut être efficace également dans l'exécutif c'est-à-dire dans l'amélioration de l'action de l'état (amélioration des procédures, réorganisation des moyens, etc.). Quel est votre avis à ce propos ?


Enfin, il pourrait être intéressant de comparer l'action de différents ministères :
- ceux qui ont une action positive contre ceux qui ont un résultat négatif
- ceux qui ont une action dans un sens politique (lire partisan) pendant deux ans pour ensuite revenir en arrière
- ceux qui modifient beaucoup la Loi et ceux qui avancent sans faire de bruit mais plus surement
- ceux qui agissent dans la confrontation et ceux qui agissent dans la recherche de consensus
- ceux que l'on a oubliés car ils n'ont rien fait.

serdan

45. Le dimanche 25 février 2007 à 08:51 par Nicolas

Question (non rhétorique) de néophyte à propos de séparation des pouvoirs :

Alors que les juges du parquet sont chapeautés par le pouvoir exécutif, est-il correct de dire que la justice est indépendante vis-à-vis des deux autres pouvoirs ?

Globalement, oui, les juges sont indépendants en France. Ca ne veut pas dire que le pouvoir politique ne tente jamais de faire pression sur eux ou de les déstabiliser. Mais le fait qu'il le tente ne veut pas dire qu'il y parvient. Les exemples abondent : Alain Juppé était protégé par le président de la république, avait une assemblée nationale et un Sénat qui lui étaient favorables, il a néanmoins été condamné. Idem pour Emmanuelli en son temps. Dès lors que la justice peut s'attaquer à des politiques et aboutit à leur condamnation, c'est un indice d'indépendance réelle.

Eolas

46. Le dimanche 25 février 2007 à 11:38 par Lordphoenix

Si les candidats ne semblent s'intéresser qu'a la justice pénale c'est à mon avis tout simplement parce que c'est essentiellement de celle ci dont on parle principalement dans les média. Et malheureusement vu le peu de compétences juridiques des journaleux en question la vision que l'on a de l'efficacité (ou inefficacité à vous de choisir) sera toujours faussé par conséquent toute politique visant à en modifier le résultat ne pourra jamais satisfaire aux réels problème.

Quand à l'indépendance des média vu le nombre de connerie débité à la minute par ceux ci vaut elle vraiment le coup?

47. Le dimanche 25 février 2007 à 12:50 par Anne

Sur le point 9, on ne peut qu'être frappé par cette vague d'amour pour la déontologie. Les médias sont particulièrement visés, encore savent-ils se défendre et il y a une "tradition journalistique".
En revanche, il existe dès maintenant un projet de Commission nationale de déontologie des services de communication en ligne qui pourrait bien viser à une reprise en main de la liberté d'expression sur l'Internet (www.guglielmi.fr/spip.php...
Les opérateurs, éditeurs et distributeurs de services de communication en ligne ne sont pas aussi sourcilleux s'agissant des libertés. On pourrait donc s'inquiéter pour l'existence d'un blog tel que celui du maître de ces lieux qui se risque parfois à commenter des décisions de justice dans un sens très éloigné de l'intérêt des familles...

48. Le dimanche 25 février 2007 à 16:38 par Judge Dredd - Avocat provincial

Je ne m'attarderai que sur la première proposition qu'il faudrait rendre public auprès de nos Confrères, dont une immense majorité s'apprête à voter pour Nicolas Sarkozy.

Un TGI par département, cela veut dire à terme la disparition de certains Barreaux ou en tout cas leur regroupement.

Quand on pense au taulé suscité par la proposition de mise en place des pôles d'instruction.

Si Monsieur SARKOZY est élu, cela nous promet une belle et saine justice... Je me prépare déjà à ne plus fréquenter mon palais situé à 500 mètres de mon cabinet mais à prendre tous les jours me voiture pour aller plaider des AJ à plus de 80 km !!! Bravo...

En revanche, la suppression des petits TI perdus en campagne et des Conseils de Prud'hommes moribonds, j'approuve.

Cette réforme est nécessaire.

49. Le dimanche 25 février 2007 à 18:47 par arbobo

très intéressant comme d'habitude.

et d'autant plus nécessaire qu'il ne semble pas que ce décryptage des programmes en profondeur soit fait par grand monde.

50. Le dimanche 25 février 2007 à 18:53 par arbobo

juste une chose : vous faites allusion à certains moments à la méfiance de sarkozy envers les juges, et justifiez votre propre méfiance par ses actes passés.

comme les faits sont connus et que beaucoup de vos lecteurs les ont en mémoire, et que votre billet est déjà long, je ne vous fais pas reproche de ne pas développer.
Il apparait tout de même, d'une part que certains propos de NS ont été perçus comme un franchissement de ligne sur l'indépendance de la justice du siège,
et que plusieurs arrêts que vous avez récemment commentés (et commentés plus tardivement par Le Monde, notamment) feront penser à plus d'un que le ministre-candidat ne fait pas toujours grand cas de l'état de Droit.
je ressasse du connu, mais puisqu'il est question l'attitude de l'intéressé s'il accède à la présidence, c'est un peu plus qu'un élément de contexte.

wow c'est presque soft la manière dont j'ai tourné tout ça ;o)

51. Le dimanche 25 février 2007 à 19:50 par Juge du siège

@33: cher salomon, je pense connaître un tout petit peu votre corps, ayant eu l'honneur d'y appartenir pendant quelques années, en détachement...Je me crois donc autorisé à dire que le juge administratif est plutôt mieux rémunéré que le juge judiciaire, et bénéficie de meilleurs conditions de travail (locaux, personnels, moindre exposition aux justiciables et aux médias) alors même que la plupart des décisions que j'ai rendues au cours de mon détachement me paraissaient bien moins difficiles humainement et lourdes de conséquences que lorsque j'étais juge judiciaire. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que ce métier attire les magistrats lassés de la pauvreté matérielle et du stress des TGI...
La rémunération des conseillers de TA/CAA ne me parait donc tout à fait bonne, au vu notamment de la dernière revalorisation que j'évoquais dans mon premier post, et de la rémunération des juges judiciaires. Bref, je ne pleure pas sur la justice administrative française...Quant à "gratter" des jugements, c'est tout de même un aspect un peu répétitif de la fonction, mais qui est surtout dû (en tout cas c'était le cas pour moi) au peu de rencontres avec le justiciable...c'est un avis évidemment très personnel, et beaucoup de mes collègues de TA étaient au contraire très content d'être mis à distance des requérants!
Ceci dit, je suis tout à fait d'accord avec vous sur un point: il ne faut en aucun cas que la moindre attractivité que l'on constate à l'ENA pour les TA perdure, car ce serait sinon le prestige même de la fonction de juger qui serait atteinte. Vous avez également raison de souligner la très forte variabilité des primes des TA, qui pose un vrai problème d'indépendance, de même que l'on peut critiquer certaines réformes récentes de la procédure administrative comme l'extension du juge unique et la limitation de l'appel pour les litiges de "faible importance".
PS: venez faire du judiciaire quelques années, soit vous aurez envie de fuire, soit vous ne pourrez plus vous en passer...A bientôt?

52. Le dimanche 25 février 2007 à 20:00 par verdun55

Rien à voir mais savez vous que le WWF est contre l'équipe de Royal ? La preuve une dépêche de Reuter reprise par le journal "Le Monde" : "Le WWF prône le retour à l'abattage des éléphants" !
Je rigole !

53. Le dimanche 25 février 2007 à 22:05 par Lucas Clermont

On se demande si l'on ne trouverait pas chez certain avocat libéral une forme de syndrome de Janus. Au passé on se souvient avec regret de la loi sur la présomption d'innocence d'Elisabeth Guigou, tout en pestant contre les tendances liberticides de Nicolas Sarkozy et ses empiètements sur les attributions du ministère de la Justice. Au futur, on ne s'interroge que peu sur son inclination (sa compétence ?) à garantir l'indépendance de la Justice.

54. Le dimanche 25 février 2007 à 23:56 par Schmorgluck

Je trouve que la lecture du point n°9 sur la présomption d'innocence prend une saveur toute particulière à la lumière d'évènements récents :
tempsreel.nouvelobs.com/d...
L'affaire n'étant pas encore tranchée, je vais me retenir de commenter plus avant, même si une célèbre maxime commençant par "faites" me brûle les lèvres (ou plutôt les doigts).

Ceci dit, il est vrai que sur ce point-là les journalistes ont des progrès à faire : ce n'est peut-être qu'un point de vocabulaire (mais le vocabulaire est important en droit et en journalisme) mais je ne peut me prémunir d'un certaine crispation à chaque fois que je lis ou j'entends (comme pour Colonna par exemple) l'expression "meurtrier présumé" (ou "ravisseur présumé", etc). D'accord, les journalistes ne sont pas des juristes professionnels (même s'ils sont de plus en plus nombreux à être passés par Science-Po), mais ils ont quand même envers leur audience une certaine responsabilité des termes qu'ils emploient. Je veux bien admettre que le terme plus exact de "principal suspect du meurtre" soit un poil longuet, mais on peut se passer de "principal" ou trouver autre chose, comme "meurtrier supposé" par exemple, expression loin d'être parfaite mais qui a le mérite d'éviter l'emploi du terme "présumé", très fortement connoté dans ce contexte, et d'exprimer un doute moins orienté.

55. Le lundi 26 février 2007 à 14:02 par Polydamas

Merci pour ce travail, Maître.

J'aurais cependant une question. Même si vous n'avez pas choisi d'être candidat, et même si l'on peut discerner quelques éléments dans vos travaux, quel serait votre programme présidentiel idéal, concernant la justice? Quels sont les dysfonctionnements majeurs, qu'il convient de traiter en priorité?

Si jamais vous le rédigez, veuillez m'excuser pour les heures de travail supplémentaires...

56. Le lundi 26 février 2007 à 14:33 par Nina

S'agissant de la seizième proposition concernant les maisons d'arrêt, il me semble que la difficulté réside moins dans le traitement réservé aux "innocents", comme vous l'écrivez étrangement, que dans le traitement tout court des détenus, qui ne bénéficient pas de droits et de "confort" comparables à ceux qui se trouvent en centrale. Actuellement semble-t-il, l'administration pénitentiaire cherche à aménager dans les maisons d'arrêt des quartiers où s'appliqueraient les mêmes droits qu'en maison centrale. Au personnel pénitentiaire reviendrait la charge de déterminer quels détenus peuvent en bénéficier, au regard de la sécurité et du bon déroulement de l'instruction puis du procès. Ce genre de solution me semble plus souple et moins démagogique que la construction de centres de détention ad hoc, car hoc est ici dur à définir!

57. Le lundi 26 février 2007 à 14:38 par Nina

et puis zut: comprenez "conditions de détention" où j'ai mis, un peu abusivement (malheureusement), "droits".

58. Le lundi 26 février 2007 à 15:15 par Schmorgluck

@Nina : Bah, l'exigence de conditions de détention décentes découle de droits, en principe, les droits fondamentaux. Donc le terme de "droits" n'est pas si abusif.

59. Le lundi 26 février 2007 à 15:31 par nina

@Schmorgluck: "en principe", oui, et c'était bien le sens de ma parenthèse... Toutefois, il ne s'agit pas en l'occurence des seules "conditions de détention décentes" (en particulier le droit à la cellule individuelle qui devrait s'appliquer pour tous) mais également des possibilités de contact avec l'extérieur, souvent restreintes pour des raisons de sécurité avant le procès (encore faudrait-il sans doute s'interroger sur le bien-fondé de ces mesures).

60. Le lundi 26 février 2007 à 16:04 par hungarian fear

maître,

pourra-t-on un jour vous entendre vos idées sur les politiques à mener pour résoudre les difficultés de la machine judiciaire, en dehors du "plus de moyens", qui, pour citer le divin Clause Goasguen devant l'excellent juge Rosenczveig, "est bien une réponse de foncitonnaire" ?

61. Le lundi 26 février 2007 à 16:24 par Bernard H.

@60
"Plus de moyens", une "réponse de fonctionnaires" ?
Effectivement, Mr Goasguen est bien "divin" sur ce coup là, au sens où c'est sa volonté (celle de ses coreligionnaires) qui a pu donner corps à ses préjugés en façonnant la réalité.
Si le parti auquel il appartient ne menait pas une politique visant à rendre la fonction publique misérable au profit de la main invisible à laquelle il croit aussi fort qu'au divin marché, les fonctionnaires n'auraient peut-être pas à réclamer avec autant d'insistance plus de moyens.

Pour faire des choses, il ne suffit souvent pas de voter des lois et décider des politiques : il faut se donner les moyens (financiers et humains notamment) de les réaliser.

PS: Il faut vraiment être aveuglé par son idéologie pour croire qu'un "fonctionnaire" réclame plus de moyen parce que c'est sa nature de fonctionnaire. Ca me fait penser aux libéraux qui croient que c'est dans la nature des syndicats d'être contre toutes les réformes, contrairement au MEDEF ! Mettez le PC ou la LCR au pouvoir (pas que je pense que ce soit une bonne idée), et vous verrez qui applaudira les réformes et qui les rejettera ;-).

62. Le lundi 26 février 2007 à 20:07 par Geo

Arfe, j'ai tout lu l'article! :)
Dans la partie 14,
Il y a d'autres usines à gaz d'injustice dans les procédures/les lois ??
Merci beaucoup pour ce long post,
j'ai rassemblé quelques pièces d'un puzzle dans ma compréhension des mécanismes de la justice Française.
Et vous avez aussi fait cette analyse en précisant ce qui manque:
la recherche de la complétude (qui est aussi une source d'infos pour comprendre/cerner/etc..) n'est pas habituelle, enfin: plutot courante aujourd'hui.

63. Le lundi 26 février 2007 à 22:45 par Raph

Maître,

Pas de trackback possible ?
Je me permet de le placer quand même, si votre bon vouloir est de le supprimer, vous le ferez
raphaels.blog.lemonde.fr/...

64. Le mardi 27 février 2007 à 00:34 par FrédéricLN

Merci pour ce billet d'utilité publique.

J'avais un petit doute sur l'analyse du point 5, mais Damien l'a déjà exprimé (#25).

Et je n'ose, sur le reste, enfoncer le projet de nos concurrents de droite, car le jour du passage du projet Bayrou sur le grill éolien n'est pas encore venu (ouaip, je flippe un peu).

Tout de même, une fois ce tour d'horizon fait (et bravo), j'espère encore de Me Eolas une contribution constructive : que serait-il à votre sens utile que les projets prévoient ? Non seulement en termes de champ - civil et administratif p.ex., prison, provisoire ... - mais aussi en termes de décisions, de choix de priorités ? Je sais que ça fait un peu "débat participatif" comme question, mais bon, c'est un blog ...

65. Le mardi 27 février 2007 à 10:07 par vanille

sur ce qui est du point 9, quelques commentaires car je pratique pas mal les voies d'exécution :

quand un créancier n'a aucun élément sur la solvabilité du débiteur qu'il souhaite poursuivre, il peut faire une demande au procureur afin que celui-ci lui fournisse les (éventuelles) informations dont il dispose.
dans certains TGI, cela met plusieurs mois pour avoir une réponse, et à Bobigny en ce moment, il est répondu que " le tribunal n'a pas le personnel" et qu'ainsi il est inutile d'attendre une réponse.
il faudrait donc commencer par donner plus de moyens à la justice...

par ailleurs, je voudrais signaler une disposition qui met déjà les victimes d'infractions pénales dans une position plus favorables que les victimes "civiles" :
les indemnités obtenues par les victimes dans le cadre de leur constitution de partie civile ne peuvent être effacées par les commissions de surrendettement saisies par le débiteur qui a des difficultés financières (donc par hypothèse celui qui a commis l'infraction), au contraire des condamnations prononcées par les autres juridictions (à quelques exceptions près comme les dettes alimentaires).
cela peut paraître du détail mais cette hypothèse est loin d'être un cas d'ecole.

en conclusion, si cela me paraît normal de vouloir protéger plus que les autres les victimes d'infractions pénales, je suis assez septique sur cette création d'un "nouveau juge" sauf si bien sûr on lui donne les moyens d'agir...



66. Le mardi 27 février 2007 à 10:23 par Hubert Montjoie de Saint-Denis

Il n'est pas besoin d'être "aveuglé par l'idéologie" pour trouver que "plus de moyens" est une "réponse de fonctionnaire".

Postulons en effet que l'être moyen veuille voir l'importance qu'il s'accorde en son for intérieur reconnue publiquement, et notamment dans le domaine professionnel. Remarquons ensuite que cette reconnaissance publique passe par l'obtention de moyens supérieurs à l'exercice de son activité. Constatons enfin que s'il est dans le public il disposera d'une autonomie et d'une possibilité d'initiative très très limitée pour accroître son activité directement, ou par l'intermédiaire de recrutement (1).

Nous concluerons donc que le fonctionnaire n'aura d'autre choix pour satisfaire son ambition que de réclamer plus de moyens de ceux qui ont justement la possibilité de lui accorder... ou pas. On a envie de dire que ce n'est pas condamnable parce que c'est structurel, même si c'est incroyablement casse-pieds.

"Mais dans le privé ?" me direz-vous chers fonctionnaires. Et bien dans le privé le cas de figure peut aussi se trouver, évidemment. Mais ce qui caractérise le privé c'est justement que quelqu'un qui agirait de la sorte n'aurait que très peu de chances de satisfaire à son ambition, parce que généralement c'est l'initiative qui est récompensée et non la revendication.

Et n'évoquons qu'en passant le fait qu'un fonctionnaire peut d'autant plus revendiquer qu'il ne risque pas ainsi sa place...

Donc pour aller au plus vite, par exemple sur un blog, et en assumant que les lecteurs sont capables de dépasser leur mauvaise foi partisane, on caractérise les fonctionnaires comme revendicateurs, ce qui est une approximation assez juste, pour les raisons théoriques évoquées ci-dessus, et par expérience.

Hubert, naguère encore agent public et aujourd'hui petit soldat du capitalisme.


(1) Je vous en prie pas de polémiques sur cette assertion, et surtout pas d'invocation pseudo renseignée de la LOLF, de l'absence de crédits acquis ou de la fongibilité asymétrique comme instruments d'une politique de développement des moyens : pour tous ceux qui sont en dessous du grade d'administrateur civil (et même là...) il est clair que cela n'aura à peu près aucun impact au quotidien.

67. Le mardi 27 février 2007 à 13:53 par Jaca

Ne pourrait-il pas y avoir une émission dans laquelle chacun des candidats serait confronté à Eolas qui décortiquerait leur programme et leur poserait des questions pertinentes ?

68. Le mardi 27 février 2007 à 14:05 par Neville

@ Jaca, commentaire 67

Certes, mais surtout , ne pourrait-il pas y avoir une émission dans laquelle chacun des candidats serait confronté à DES JOURNALISTES qui décortiqueraient leur programme et leur poseraient des questions pertinentes ?

69. Le mardi 27 février 2007 à 18:29 par Xuelyno;

@66 "Mais ce qui caractérise le privé c'est justement que quelqu'un qui agirait de la sorte n'aurait que très peu de chances de satisfaire à son ambition, parce que généralement c'est l'initiative qui est récompensée et non la revendication."
Si on pouvait parler en prive aux commentateurs, je lui aurai bien dit toutes mes experiences contredisant ce qu il vient de dire, mais ce n est pas le lieu.
Il n en reste pas moins que, meme en considerant que "plus de moyens" est une "réponse de fonctionnaire", ce n est pas logiquement equivalent a "plus de moyens est toujours sans fondement ou necessite reelle". Ce blog et d autres font regulierement etat de ces necessites bien argumentees.

70. Le mardi 27 février 2007 à 19:33 par Clément Cordaro

Bonjour,

Merci beaucoup pour ce billet assez long mais fort instructif. Il est clair pour l'instant les proposition des candidats sont peu développées et que les autres ne feront pas mieux. Ne m'étant jamais intéressé aux programmes politiques écrits, je constate avec effroi de la petitesse des propositions, de leur faible nombre et de leur présentation (catalogue plutôt qu'argumentaire).

Bref, j'avais deux petites questions sur le dernier point. Concernant le second problème (celui de la durée de la détention provisoire), vous parlez d'une solution simple mais impopulaire. Je suppose que vous faites allusion à une augmentation du personnel afin de traiter plus rapidement les dossiers mais en quoi est-ce impopulaire (ou je n'ai pas compris le sous-entendu) ?

Et puis, est-ce qu'il n'y aurait pas un nom plus joli que "établissement pour peine" ?

Merci.

71. Le mercredi 28 février 2007 à 00:01 par rouldug

Illisible, long et superficiel. Eolas et l'esprit de synthèse, ça fait deux. Ce n'est pas à l'honneur de notre profession.

Rhôôô, le troll à deux centimes d'un UMP tout vexé qui se fait passer pour un avocat.

Eolas

72. Le mercredi 28 février 2007 à 10:10 par fred

Ok, je me suis arrêté au point 9, mais je vais reprendre tout à l'heure.

Ah, sinon : vous avez un bon esprit de synthèse, le texte est très clair et argumenté...

(et je vais aller sur wikipédia pour comprendre la différence entre magistrats du siège et du parquet)

73. Le mercredi 28 février 2007 à 17:24 par fred

voila, j'ai tout lu, c'est tout simplement édifiant. merci!

74. Le jeudi 1 mars 2007 à 17:37 par PissTroiGüt

[mode craquage on]
Et personne ne parle du formidable logiciel pondu par le ministère lui-même, pompeusement appelé "la visionneuse" qui permet de passer des heures à chercher des infos dans un dossier... sans les trouver.

A l'heure du web 2.0, les services informatiques du ministère (j'espère que ce n'est pas un prestataire extérieur à un prix exorbitant sinon cela relève du scandale !) nous proposent donc un formidable logiciel qui permet de lire les dossiers pénaux, transmis désormais sur CD ROM.

Imaginez :
- il n'y a pas d'outil de recherche thématique
- il y a une numérotation qui ne correspond pas à la cotation des greffes
- les pièces du dossier sont des images scannées (sans doute très pratique - y a-t-il des greffiers dans la salle ?)
- la roulette de déroulement de la souris n'est pas active
...

Bref un non-sens qu'il s'agit de dénoncer très vite avant une généralisation express pré-présidentielle. Sinon, je souhaite bonne chance à tous les stagiaires - c'est mon cas actuellement - chargés de préparer les dossiers d'assises !
[mode craquage off]

Ah mais j'oubliais, je suis totalement hors sujet, pour les présidentielles, on ne parle pas de ce qui a été fait ces 5 dernières années, c'était le temps de J.C., une nouvelle ère commence... Du Pdf ? non ?

Je vote pour celle ou celui qui me répond !

75. Le jeudi 1 mars 2007 à 20:49 par Karim

Tout à fait d'accord concernant la treizième proposition: un mineur délinquant n'est-il pas également un mineur en danger?... où trouvez vous le temps pour la "maintenance" de ce blog d'excellente facture?!!! Dormez que diable! ;-)

76. Le jeudi 1 mars 2007 à 21:24 par sigismon

mais qui es tu? j'apprends beaucoup!!!
je suis admissible au concours d'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse y aurait il quelqu'un pour me guider dans ma préparation aux épreuves orales? merci d'avance

77. Le jeudi 1 mars 2007 à 22:30 par Gascogne

Tout commenter serait bien trop long, mais un collègue s'est chargé d'une note de synthèse, ma foi, assez bien argumentée (mode "attrape troll" on) :
www.liberation.fr/rebonds...

78. Le jeudi 1 mars 2007 à 22:42 par pisstroigut

sigismon> oui
pisstroigut chez gmail

79. Le jeudi 1 mars 2007 à 23:59 par eberlue

Ce que je trouve un peu terrifiant, c'est la complexite et la lourdeur de ce systeme judiciaire francais.
On est en 2007 que diable, et on cherche *encore* un equilibre entre justiciable et justice? C'est a dormir debout. Les Allemands se prennent-ils la tete de cette facon? Les Anglais? Les Americains??!??!

De plus la superficialite apparente des "reformettes" proposees par NS et SR face a la complexite de ce systeme montrent bien que ce systeme est en realite bien loin de pouvoir faire face au monde moderne.

Et, finalement, personne ne commmente le point le plus troublant: la lenteur bien connue de la justice francaise.

Conclusion. Tout reprendre a zero?

80. Le vendredi 2 mars 2007 à 00:14 par eberlue

ah oui aussi-- j'oubliais le coup des "Prud'hommes", aussi une belle exception francaise, tribunal "du commerce" du peuple juge par le peuple, sans reelle formation juridique. Aussi terrifiant, ca. J'ai un cousin qui vient d'etre nomme juge des Prud'hommes. Il n'a aucune formation legale en fait, juste sa petite experience de vendeur de papeterie.

Question stupide-- y'a un recours simple et rapide contre les Prud'hommes?

Et hop, a la poubelle!!

81. Le vendredi 2 mars 2007 à 11:26 par max-00-

Par avance, désolé si je suis hors sujet.
Je ne viens pas ici très souvent, incapable que je suis de comprendre un traître mots de toutes ces questions.
Peut-être le savez vous, et en avez déjà parlé, le dessinateur Placid, Clément Schouler et l'éditeur Michel Sitbon( l’esprit frappeur) ont été condamnés à des amendes et rendus coupables de diffamation et d'injure envers une administration publique. L'illustrateur est mis en cause pour un dessin (caricature d'un policier) , l'auteur pour quelques lignes semble-t-il (du genre : "les contrôles d'identité au faciès, bien que prohibés par la loi, sont non seulement monnaie courante, mais se multiplient"), et l'éditeur sans doute pour les avoir publiés.
Que pensez vous de cette affaire de caricature ?
Cette question peut-elle entrer dans votre billet ? et ne fait -elle pas suite à de nombreuses autres concernant la censure ?

Quelques (petits) détails par ici :
touscochons.blogspot.com/

82. Le vendredi 2 mars 2007 à 14:14 par DanRi76

Merci de votre travail; c'est compréhensible même par un non spécialiste.

83. Le vendredi 2 mars 2007 à 14:16 par sigismon

encore moi Pisstroigut, je n'ai pas compris:
sigismon> oui
pisstroigut chez gmail. mon ad c'est mstafino@yahoo.fr

84. Le samedi 3 mars 2007 à 18:21 par Katioucha

Avec un peu de retard, je viens de lire ce pavé très instructif et encore une fois révélateur effectivement de la conception de nos hommes (et femmes) politiques envers la Justice. Merci pour cette importante contribution qui me fait réaliser que la Justice est une bien grande Dame, heureusement servie par de bons hommes. Continuez votre site admirable qui fait le bonheur de l'étudiante en droit que je suis.

85. Le dimanche 4 mars 2007 à 21:37 par Derek

« le juge d'instruction instruit à charge et à décharge (...) Il peut d'ailleurs être saisi tant par le parquet que par la défense d'une demande de faire tel ou tel acte (...) les juges d'instruction recherchent réellement les éléments à charge et à décharge (...) Mon expérience des cabinets de juges d'instruction m'a révélé que la neutralité des juges d'instruction est globalement une réalité en France. »

Cher Maître,

Pourriez-vous, dans un autre billet et lorsque vos codes rouges verdiront un peu, illustrer l'action des juges d'instruction en ce sens, ou vos expérience personnelles, par exemple ce que vous pouvez utilement demander à un juge d'instruction, où bien le type d'éléments qu'il va lui-même vous communiquer et sur lesquels vous allez fonder une partie de votre défense ?
Vous l'avez peut-être déjà fait (je ne vous lis que depuis quelques mois) mais je n'ai pas trouvé.

Merci de votre journal très instructif pour le citoyen ordinaire mais curieux que je suis (je préfère vous lire que regarder des séries américaines ou mais je le fais avec la même curiosité néophyte, malheureusement il y a moins de jolies avocates ;-)).

86. Le jeudi 8 mars 2007 à 21:39 par jean philippe

Je suis en train de regarder M Sarkozy à l'oeuvre et il a le même syndrome que Mme Royal à savoir proposer des lois qui existent déjà. Sauf que là il est moins excusable que SR. Il a déclaré vouloir sanctionner les mineurs récidivistes comme les adultes. Je suis d'accord avec cette idée sauf que la loi sur la prévention de la délinquance publiée hier ou avant hier au JO prévoit cette idée. Sans entrer dans les détails la loi prévoit que pour les mineurs de 16 à 18 ans récidivistes, l'excuse légale de minorité est écarté sauf décision motivée du juge. Autrement dit cette loi incite les juges et écarter l'excuse de minorité donc je ne vois pas l'intérêt d'en rajouter une couche.

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