Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Prix Busiris pour Alberto Gonzales

Et quel prix Busiris, mes aïeux ! Il efface à lui tout seul les précédents récipiendaires ! C'est à l'unanimité au premier tour de scrutin que le prix est attribué à Alberto Gonzales, U.S. Attorney General, c'est à dire ministre de la justice des Etats-Unis, par acclamations, et avec mention "Admiration hystérique du jury proche de la pâmoison".

(Alberto Gonzales, photo U.S. Department Of Justice)

Monsieur Gonzales était entendu hier par une commission sénatoriale piquée par la curiosité sur de bien cocasses pratiques qu'aurait eu l'Administration[1] en place, notamment sur une controverse relative l'Habeas Corpus de certains prisonniers.

L'Habeas Corpus est une vieille loi anglaise, qui a été fixée par écrit en 1649, mais remonte aussi loin que le XIIe siècle, qui pose des garanties à toute personne emprisonnée de pouvoir contester son emprisonnement devant une cour supérieure à celle qui l'a ordonné, en dernier ressort devant le roi. Habeas corpus sont les premiers mots de l'ordre donné par le juge au geôlier de lui amener le prisonnier pour qu'il l'entende (habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum : "Aie la personne du prisonnier avec toi en te présentant à la cour pour qu'il soit entendu"). Aujourd'hui, cela s'entend du droit de toute personne incarcérée de porter devant un juge la contestation de son incarcération.

La Constitution américaine le cite expressément, et pas dans le Bill Of Rights, la déclaration des droits, composée des amendements 1 à 10, adoptés en 1791 peu de temps après la Constitution, mais dans le corps même de la Constitution :

Article 1, section 9, alinéa 2 : Le privilège de l'ordonnance d'habeas corpus ne pourra être suspendu, sauf dans les cas de rébellion ou d'invasion, où la sécurité publique pourrait l'exiger.

On pourrait donc croire qu'il est bien protégé. De fait, il n'a été suspendu que deux fois : Par Lincoln durant la guerre de Sécession, et par Grant en 1870 (Tiens ? Deux Républicains...) dans le cadre de la lutte contre le Ku Klux Klan.

En tout cas, il n'est pas à l'abri de l'imagination de Monsieur Gonzales, qui a osé tenir ces propos devant la commission sénatoriale (traduction de votre serviteur), en réponse à une question du sénateur Arlen Specter (Républicain, Pennsylvanie) :

Il n'y a pas de garantie expresse d'Habeas [corpus] dans la Constitution ; il y a une interdiction de le suspendre.

On imagine la surprise de l'honorable Congressman.

Attendez une minute : la Constitution dit que l'on ne peut pas le suspendre sauf en cas de rébellion ou d'invasion. Cela ne signifie-t-il pas que vous avez le droit d'Habeas Corpus à moins qu'il ne se produise une rébellion ou une invasion ?

Réponse de l'Attorney General :

La Constitution ne dit pas que tout individu aux Etats-Unis ou tout citoyen se voit accorder ou garantir le droit d'Habeas Corpus. Elle ne dit pas cela. Elle dit simplement que ce droit ne peut pas être suspendu sauf en cas de rébellion ou d'invasion.

Admirons la réserve de la réplique du Sénateur Specter :

J'ai l'impression que vous violez votre interdiction d'outrager l'intelligence.

Je vous rappelle les critères du Prix Busiris : une affirmation juridiquement aberrante, si possible contradictoire, teintée de mauvaise foi et mue par l'opportunité politique plus que par le respect du droit.

Je crois que là, nous avons un cas d'école ; j'ai presque envie de rebaptiser le prix Busiris prix Gonzales.

Monsieur l'Attorney General, je vous présente mes félicitations. Sortir ça à un oral de première année serait déjà inexcusable.

Mais devant une commission sénatoriale, en plus, vous y mettez le panache.

Notes

[1] Dénomination du gouvernement des Etats-Unis.

Commentaires

1. Le vendredi 19 janvier 2007 à 22:10 par x

N'oublions pas qu'un executive order (l'équivalent local d'un décret présidentiel) suspendait bien l'application de la Constitution fédérale en tant que celle-ci prévoyait des garanties légales pour les combatants ennemis... la Cour suprême a indiqué que seul le Congrès pouvait être éventuellement disposé à le faire (et pendant ce temps, certains sont en vacances gratuites à Guantanamo ...) !

Existe-t-il un prix Busiris pour l'ensemble de la carrière de son auteur ???


2. Le vendredi 19 janvier 2007 à 22:20 par Raph

Ce n'est pas la première fois que des fonctionnaires déclarent ça à une commission sénatoriale.

3. Le vendredi 19 janvier 2007 à 23:21 par Thomas L

Corine Lesnes rapporte aussi cet echange croustillant:

"“Je ne suis pas sur de comprendre. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous pourriez refuser à la Cour de nous informer sur des décisions que vous avez déjà annoncées publiquement”?

Le sénateur a pris son air d’instituteur IIIème république:

- “C’est Alice au pays des merveilles ici ?”"
clesnes.blog.lemonde.fr/2...

4. Le vendredi 19 janvier 2007 à 23:40 par Laurent GUERBY

On dirait un juriste en propriété intellectuelle en train d'expliquer que comme les brevets sur les logiciels "en tant que tels" sont interdits en Europe donc les brevets sur les "logiciels" sont autorisés :)

5. Le samedi 20 janvier 2007 à 00:12 par marsu

"Les avocats, ça ose tout : c'est même à ça qu'on les reconnaît".

C'est vrai. Apparemment ce monsieur a été avocat ("attorney" c'est bien avocat ?).

6. Le samedi 20 janvier 2007 à 00:25 par Raph

marsu : Attorney General veut dire "ministre de la justice"

7. Le samedi 20 janvier 2007 à 01:09 par tokvil

et dire qu'il a fait harvard...

8. Le samedi 20 janvier 2007 à 02:16 par Raph

Le commentaire pourrait (conditionnel) être valable si ce qui était cité n'était pas binaire.
La constitution dit qu'on ne peut pas suspendre l'Habeas. Elle ne garantie pas son exécution.
Mais son non exécution (ou plutôt le refus d'autoriser l'application) est une suspention. Dans la logique française.
Aux USA, cette défense ne me surprend pas vraiment. Dès que j'ai le temps (et que j'aurais retrouvé mes notes) je fais un autre commentaire avec les exemples du genre. Il faut exécuter à la lettre. Pas dans l'esprit. C'est à ce moment que l'on apprécie Napoléon

9. Le samedi 20 janvier 2007 à 03:14 par Christian

Mmm. Si je suis bien, le propos est logique si le droit en question n'existe pas, puisque s'il n'existe pas, on ne peut le suspendre, comme le garantit la constitution. Ce qui me chiffonne est alors la clause d'exclusion "sauf en cas ..." Si ce cas s'applique, alors le droit existe et est suspendu en meme temps, ce qui est contradictoire. C'est donc cette clause qui vaudrait a M. Gonzales son prix, puisqu'elle implique, par l'absurde, que l'<i>habeas corpus</i> s'applique continuement?

Je suis perdu...

10. Le samedi 20 janvier 2007 à 09:20 par Phersu

Pff... Vous êtes victime du "Pre-1215 Thinking". 9/11 Changed Everything!

www.youtube.com/watch?v=F...

11. Le samedi 20 janvier 2007 à 09:25 par Phersu

@5 & 6 : il a été avocat privé (attorney at law) puis l'avocat (General counseul) du Gouverneur George Bush au Texas (puis Juge à la Cour suprême du Texas) avant de devenir Attorney General de l'Union.

12. Le samedi 20 janvier 2007 à 10:15 par marsu

@Ralph : je me réfèrais à la phrase "Gonzales was an attorney in private practice from 1982 until 1994 with the Houston law firm Vinson and Elkins, where he became a partner" de l'article le concernant sur Wikipedia. Mais comme apparemment le mot "attorney" peut représenter différentes fonctions, je n'étais pas certain de la traduction par "avocat".

@Phersu : merci

13. Le samedi 20 janvier 2007 à 10:23 par Fred

Je ne comprends pas. Ce que Gonzales dit est : Le droit d'Habeas Corpus existe et n'a pas été suspendu pour ceux qui pouvaient y prétendre (1) ET tous n'y ont pas droit (2)

Il reste à prouver que la constitution donne effectivement ce droit à TOUS les citoyens des etats-unis. Ce qui est peut-être une évidence pour un juriste mais pour le prophane la question reste en suspens à la seule lecture de cet article.

14. Le samedi 20 janvier 2007 à 10:28 par Luc

C'est aussi joli que la "perle", récemment citée ici, de cet étudiant qui voyait dans la "liberté d'aller et venir" deux libertés s'opposant l'une à l'autre, ce à quoi la loi devait évidemment à son avis mettre bon ordre.

La connerie étant une arme de destruction massove, il est temps que la communauté internationale intervienne.

15. Le samedi 20 janvier 2007 à 11:34 par xas

[Bip]

16. Le samedi 20 janvier 2007 à 11:55 par flagada

Question un peu bête, mais sait-on jamais ...

le cas d'invasion ne s'applique t il pas aux personnes responsables de l'attentat du 11 septembre ?
Je me disais que dans l'esprit d'un juriste du gouvernement, des avions se crashant sur le territoire pourrait être assimilé à une invasion.

Sorry If my question is irrelevant !

17. Le samedi 20 janvier 2007 à 12:19 par Buse

@ xas (commentaire n° 15)
Heu, je ne suis pas sûr de comprendre, vous développez, arguments à l'appui ?
Et peut-être vouliez-vous parler d'Oncle Sam et non d'Oncle Tom ? j'espère...

18. Le samedi 20 janvier 2007 à 12:46 par Clems

De pire en pire... On peut être inquiet pour le monde, dans lequel on vit.
Je sens les prémices d'un retour à l'inquisition et encore ils vont refuser l'intervention divine.

19. Le samedi 20 janvier 2007 à 13:45 par Irène Delse

@ flagada : Justement, ce qui est bizarre, et inquiétant, c'est le flou entretenu par Mr Gonzalez et l'Administration Bush en général au sujet de l'Habeas corpus. Si, au lendemain du 11 Septembre, le gouvernement avait suspendu temporairement cette garantie, à la manière de Lincoln et Grant, le temps de réagir et de s'assurer que le danger ne risquait pas de s'étendre, on aurait compris. Mais il a été assez vite évident que les attaques, bien que coordonnées et exécutées par un groupe criminel, étaient isolées. Et on est passé logiquement à la phase de recherche des responsables (traque des chefs d'Al-Qaida, invasion de l'Afghanistan qui les hébergeait) sans avoir besoin de suspendre l'habeas corpus.

Mais au lieu de déférer les prisonniers devant les tribunaux, comme on aurait pu s'y attendre puisqu'ils étaient suspects, l'Administration Bush les a stockés sur un territoire où l'application de la consitution américaine pouvait être mise entre parenthèses. Panique suite au 11 Septembre, qui paralyse la réflexion ? Refus de paraître se déjuger si un tribunal devait reconnaître qu'il n'y a pas que des criminels parmi les prisonniers (statistiquement, ce serait logique...) ? Arrogance de gens pour qui la fin justifie les moyens ? Résultat logique de cette situation de non-droit qui perdure, la contestation démocratique aux USA s'amplifie, mais le gouvernement refuse de reculer et s'engage dans de nouvelles "justifications" emberlificotées du genre de celle de Mr Gonzalez que cite Eolas...

20. Le samedi 20 janvier 2007 à 16:31 par Lucas Clermont

Ne peut-on pas plus précisément primer M. Gonzales, non pour sa contribution au droit, mais parce qu'il semble avoir confondu un sénateur états-unien avec un journaliste politique vedette de la télévision française ?

21. Le samedi 20 janvier 2007 à 16:47 par Mouche du coche

Après tout, rien ne m'étonne plus de la part de gens qui prètent serment en posant la main sur un livre "saint"...
Prix mérité.

22. Le samedi 20 janvier 2007 à 17:21 par Mani

De toutes façons, il a une vrai tête de vainqueur :p

23. Le samedi 20 janvier 2007 à 19:45 par PEG

C'est scotchant. Je me préparais à bondir à sa défense, étant donné que beaucoup de bêtises ont été dites contre l'administration Bush, mais là je suis coi.

24. Le samedi 20 janvier 2007 à 20:43 par Marc

Ce qui m'impressionne, c'est qu'un sénateur républicain puisse malmener ainsi un ministre également républicain, sans considération pour la proximité politique supposée.
Je ne suis pas un admiratif béat des institutions américaines, mais quel bel exemple de l'équilibre des pouvoirs. Imagine-t-on un député UMP reprendre ainsi un ministre UMP en audience publique?
Ni un journaliste français d'ailleurs, mais là je rêve complètement...

25. Le samedi 20 janvier 2007 à 20:57 par orochimaru

Quel est l'origine du prix Busiris ? Est-ce une véritable institution ?
Est-ce que l'un de vos commentateurs pourrait se le voir attribuer ?

26. Le samedi 20 janvier 2007 à 21:02 par Wam

"De fait, il n'a été suspendu que deux fois : Par Lincoln durant la guerre de Sécession, et par Grant en 1870 (Tiens ? Deux Républicains...)"

Je pense que faire un parallèle entre le parti républicain actuel et celui de la 2ème moitié du XIX est un peu abusif. Il n'y a que son nom qu'il n'ait pas changé.
Voir notamment l'article d'André Kaspi sur le sujet dans la revue l'Histoire.

27. Le dimanche 21 janvier 2007 à 09:27 par Un citoyen curieux

@26: Wam
En effet, il s'est passé une sorte de retournement de situation notamment avec Roosevelt.

Le parti Démocrate était un parti de gens du Sud (donc, conservateur, attaché aux inégalités raciales..) tandis que les Républicains était un parti du Nord, et même, je dirais, de ses zones urbaines et industrielles.

On voit maintenant justement que les Républicains sont devenus le parti rural et les Démocrates le parti urbain.

28. Le dimanche 21 janvier 2007 à 10:05 par Turing

A-t-on pensé à en faire part à l'intéressé? L'adresse est dans le site web du Department of Justice. "Dear Attorney General, we are delighted to let you know that you have been awarded the Busiris Price by ... , in recognition of your distinguished contribution to..."

29. Le dimanche 21 janvier 2007 à 11:29 par Phersu


Et si Gonzales avait raison, à strictement parler ?

C'est l'argument de Neoperiapt (démocrate) sur
www.dailykos.com/story/20...

"the right by the writ of habeas corpus does not exist unless Congress says it exists by giving the courts the power to award it; that is also to say, it does not exist by the language of the Constitution. Rather, Congress must enable it. And Congress did that almost right away with the Judiciary Act of 1789. "

30. Le dimanche 21 janvier 2007 à 12:00 par Harry

Voir également cet échange (à 1'07) entre le Ministre Gonzales et le sénateur Patrick Leahy à propos de Maher Arar :

www.belgraviadispatch.com...

31. Le dimanche 21 janvier 2007 à 17:40 par Raph

c'est bien : je n'ai pas besoin de faire des recherches ;)

32. Le dimanche 21 janvier 2007 à 22:54 par kombu

Et si Gonzales avait raison, à strictement parler ?

==> Tjrs est-il que c'est à la Cour suprême de dire le droit et non pas à l'attorney.

33. Le lundi 22 janvier 2007 à 08:36 par cracou

"Tiens ? Deux Républicains..."

Certes, mais sans aucun rapport puisque la définition même de parti républicain et démocrate a fondamentalement changée au fil des siècles. Le parti républicain de 1860 pouvait passer pour plus social (ou "anti esclavagiste") que les démocrates contemporains, et ceci sans même parler des Whigs. Il serait tout aussi impropre de baser nos interprétations des comportements des partis actuels à l'aune du nom des homonymes pendant la deuxième république.

34. Le lundi 22 janvier 2007 à 10:32 par Barracuda

La créativité juridique de cette administration est sans bornes. J'aime tout particulièrement les "signing statements" par lesquels le Président s'octroie le droit de ne pas respecter la loi (et, le cas échéant, d'autoriser des agents agissant en son nom à ne pas la respecter) en dehors de tout cadre constitutionnel.

35. Le lundi 22 janvier 2007 à 11:01 par brigetoun

j'adore la remarque du sénateur Specter (et l'histoire de Luc 14 ci dessus)

36. Le lundi 22 janvier 2007 à 18:54 par polynice

Notre chambre criminelle est, elle aussi, capable d'un raffinement de ce type dans l'art de la distinction...

(Rappelons-nous toujours cette vérité première : précision et distinction sont les deux mamelles qui nourrissent le juriste... )

37. Le lundi 22 janvier 2007 à 20:45 par orochimaru

Alors Maître?
ça fait 3 jours on attend les commentaires des commentaires

38. Le mardi 23 janvier 2007 à 11:18 par GPasCompris?

Bon,
je n'ai aucune sympathie pour le nominé ni pour son administration, mais si je relis bien le billet, l'argumentation que Gonzales développe ne me parait pas si indéfendable que cà pour un juriste. Je dirai même que à la lettre, le privilège d'habeas corpus ne me semble pas affirmé d'après le texte de la Constitution que Me Eolas a traduit.
Ce qui ouvre la possibilité de dire: on ne peut pas supprimer ce privilège s'il est affirmé, mais rien ne l'affirme dans la Constitution ni ne définit dans quelles conditions il s'appliquerait ou non... Donc la garantie ne jouant selon cette interprétation que lorsqu'elle est affirmée, il resterait à voir quels sont les autres textes et quelle est la jurisprudence US en la matière pour garantir l'Habeas Corpus.
En tout cas, l'argumentation ne me semble pas aussi sotte qu'il n'y parait, le raisonnement a contrario qu'on utilise parfois en France, n'étant peut être pas transposable aux USA ?

39. Le mardi 23 janvier 2007 à 11:43 par louise portman

j'ai une petite question. Excusez mon ignorance, mais je crois que l'habeas corpus est d'abord une loi anglaise (donc non américaine) et de plus "coûtumière" (donc non écrite).
Ma question est la suivante: comment est défini l'habeas corpus aux Etats Unis? Plus précisèment: comment s'est faite l'adaptation de l'habeas corpus de l'Angleterre vers les Etats -Unis ? par une loi écrite ou coûtumière? Dans la constitution américaine il ne semble pas que l'habeas corpus soit défini directement. Donc est-il défini ailleurs ? et comment ? est-il garanti à tous les "individus" ( et quid en particulier des individus non américains) ?

La position de Gonzales semble indiquer que l'habeas corpus ne se définit pas en tant que tel dans la Constitution... Donc qui le définit ? S'il y a une autorité antérieure à la Constitution ayany défini ce qu'est l'habeas corpus et qui peut en bénéficier, celle-ci reste-t-elle "supérieure" à la Constitution?



Sinon, j'ai une autre remarque sur le fond des choses: la loi, c'est bien connu, est d'abord au service des puissants, puisque c'est eux qui font la loi. Dond quand par hasard la loi garantit des droits aux faibles, c'est que les puissants le veulent bien, et "dans une certaine mesure" seulement. Autrement dit , quand la loi se met à gêner les intérêts des puissants, ceux-ci s'arrangent pour ne pas l'appliquer. D'où la critique récurrente du "deux poids deux mesures" que l'on entend tout le temps, dans les affaires intérieures comme internationales.

40. Le mardi 23 janvier 2007 à 13:20 par Delio

@Louise Portman
L"habeas corpus" est bien d'origine anglaise, et les Etats-Unis d'Amérique étaient au départ une colonie anglaise.
La Déclaration d'indépendance du 4 juillet 1776 n'a pas rendu caduques ipso facto les traditions judiciaires qui préexistaient depuis 2 siècles environ, la legislation américaine s'est petit à petit démarquée de l'anglaise, mais certains principes de base, comme l'habeas corpus, étaient naturellement intégrés dans la législation originelle US.

41. Le mercredi 24 janvier 2007 à 04:05 par Walker Bush

[Hors sujet]

42. Le mercredi 24 janvier 2007 à 10:13 par alex

C'est une de mes marottes, et, tant pis, je vais être longuet, mais j'y vais.

L'habeas corpus ne relève pas seulement de la coutume mais descend directement d'une loi (plus exactement un "act" au sens anglo-saxon du terme) appellée "Magna Carta", concédée par Jean Sans Terre en 1215. (Les raisons de la concession de cette charte des libertés publiques sont parfaitement résumées par le sobriquet royal précité.)

La Magna Carta reconnaissait déjà le droit de se défendre contre l'arrestation arbitraire. L’imagerie populaire retient souvent Athènes comme mère de la démocratie, et s’il est vrai que la participation de certains citoyens (des citoyens, en fait) à la vie publique a existé à certaines époques (la boulè et l’ecclesia etc.), c’est en Angleterre qu’il faut chercher les prémisses des trois pouvoirs et des trois éléments constitutifs de l’organisation démocratique occidentale cités ci-dessus.

Cette Magna Carta est le germe des libertés publiques et de la défense du citoyen contre l’arbitraire de l’état et du système. Elle porte en elle le principe de la « rule of law », càd la soumission du pouvoir royal à la loi (sous-entendu définie par d’autres personnes que le roi, donc un pouvoir législatif contre un pouvoir exécutif) et de cet autre principe ("Que tu aies ton coprs") qui sera connu et confirmé en 1679, par écrit, dans l'Habeas corpus.

Personne ne peut être attrait devant un tribunal sans une raison valable dit la Magna Carta.

D’autres textes viendront par la suite préciser l’étendue de ces droits (2 confirmations si je me rappelle bien, et la Petition of rights)

[Apartés sans rapport avec la question initiale :

- Une des conséquences de la Magna Carta était de soumettre le roi à la loi, et de l’empêcher, lui et les troupes royales, d’entrer dans le Londres des marchands sans leur autorisation. Ceux qui connaissent un peu Londres savent que l’on y distingue encore clairement, aujourd’hui, les trois Londres, le Londres royal, sur des terres appartenant toujours à la couronne, et dont les grands parcs sont en réalité les reliques des chasses royales allant des Royal Boroughs of Kensington and Chelsea à Holland Park et plus loin, la City, le quartier des marchands, sur lequel le roi ne pouvait pénétrer sans autorisation du Lord Maire, une parade annuelle dont le nom m’échappe commémore à ce moment ci-de l’année le renouvellement de l’autorisation donnée au roi par les marchands, et le Londres populaire, celui des docks, l’East End, qui se situait historiquement hors de l’enceinte romaine de la ville, qui commençait à hauteur de l’actuelle Roman Road.

- L’impôt. Une constante méconnue de l’histoire des libertés est la résistance du citoyen à l’impôt. La Magna Carta et toutes les chartes ou pétitions qui ont suivi, les paix et chartes communales continentales ont toutes un point commun : à un moment, les citoyens ont dit au roi, à l'état, stop, on ne paye plus sauf si l'on reçoit des garanties et des droits. Plus proche de nous, les révolutions émancipatrices comme la révolution française et la révolution américaine résultent aussi, en bonne partie, de la résistance à l’impôt. C’est dans la résistance à l’impôt que sont nées les libertés publiques, les droits individuels. Contrairement à ce que pense la gauche gnangnan, résister à l’impôt de l’état est l’acte le plus originel et l’un des plus fondamentaux de la démocratie.]

Aux USA, l’Habeas Corpus est intégré à la Constitution au moment de la révolution, dans son texte original, et qui sera complétée plus tard par le Bill of Rights,contenant notamment le principe du "Due process of law" qui a un lien de filiation direct avec l'Habeas corpus. Est-il précisé ou défini directement en droit US (outre par définition du due process of law? En tout cas, on sait qu'il est incorporé par référence, et qu'il est défini dans l'act anglais de 1679. Mais il n'est pas encodé directement à ma connaissance. A mon avis, la réponse doit se trouver dans la définition de la portée post-révolutionnaire du droit anglais aux USA. A l'époque, la volonté n'était pas de couper tout lien juridique avec la métropole.

Pour le reste, on ne peut qu'être effrayé de la créativité de l'attorney general. Ce sont les Washington, Franklin, Toqueville et les autres qui doivent choper une de ces migraines.

En passant, salutations de la part d'un ex-confrère du Barreau de Bruxelles, et louanges à la qualité de ce blog.
alex

43. Le mercredi 24 janvier 2007 à 12:00 par GToujoursPasCompris

le maître de ces lieux n'ayant pas commenté les commentaires, je demande à Alex (commentaire 42) qui semble bien connaitre le sujet, si l'analyse de l'adminstration US a été reprise par d'autres juristes plus "indépendants" ?

44. Le vendredi 26 janvier 2007 à 13:25 par chrysante

@ 42, Voici un lien qui pourrait partiellement répondre à la question : writ.news.findlaw.com/dea...

45. Le vendredi 26 janvier 2007 à 16:33 par Zorglub

Je propose que les États-Unis abandonnent leur Constitution et adoptent la Charia tout de suite!

Mes logiciels, comme mes clients, sont libres. Ce blog est délibéré sous Firefox et promulgué par Dotclear.

Tous les billets de ce blog sont la propriété exclusive du maître de ces lieux. Toute reproduction (hormis une brève citation en précisant la source et l'auteur) sans l'autorisation expresse de leur auteur est interdite. Toutefois, dans le cas de reproduction à des fins pédagogiques (formation professionnelle ou enseignement), la reproduction de l'intégralité d'un billet est autorisée d'emblée, à condition bien sûr d'en préciser la source.

Vous avez trouvé ce blog grâce à

Blog hébergé par Clever-cloud.com, la force du Chouchen, la résistance du granit, la flexibilité du korrigan.

Domaine par Gandi.net, cherchez pas, y'a pas mieux.