Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Quelques considérations sur l'actuelle crise de l'aide juridictionnelle

► Merci à tous mes confrères de province qui m'informent du mouvement dans leurs barreaux respectifs. Beaucoup de barreaux de province ont interrompu toute activité liée à l'aide juridictionnelle, à l'exception des audiences où la liberté est en cause : juge des libertés et de la détention, reconduites à la frontière. La manifestation du 18 décembre promet d'être un succès. Je serai à vos côtés dans la foule.

► Un confrère d'un barreau du sud-est m'indiquait des chiffres intéressants, relevés par son ordre dans un communiqué.

Les seuils d'aide juridictionnelle sont revalorisés chaque année, et plutôt généreusement, d'ailleurs : le seuil d'admission à l'aide juridictionnelle partielle est quasiment équivalent au SMIC. Et son barreau s'est livré à un petit calcul.

De 2000 à 2006, la rémunération de l'aide juridictionnelle a augmenté de 0,02%.

Sur la même période, le nombre de dossiers admis à l'aide juridictionnelle a augmenté de... 130%.

Là, c'est clair, l'Etat vient en aide aux plus démunis aux frais des avocats. Vous comprenez que cette charge devient dramatique dans un barreau de taille très modeste.

► Deux dossiers que j'ai eu récemment à traiter mettent en lumière le mauvais fonctionnement du système.

Dans un dossier, j'ai été commis d'office pour assister un prévenu qui avait des revenus confortables le mettant largement au-dessus des seuils de l'aide juridictionnelle. Il ne s'agit pas d'une fraude : n'étant pas habitué des prétoires, il ne connaissait pas d'avocat pénaliste. Il a donc demandé au bâtonnier de lui en désigner un. L'audience étant prévu à très bref délai, il était impossible de lui faire remplir une demande d'AJ. Un avocat a donc été commis d'office et sera rémunéré à l'AJ, soit 175 euros (ce dossier m'a pris 10 heures, rendez vous avec le client, consultation du dossier au greffe, recherches et rédaction de conclusions, outre l'audience où je reste jusqu'au délibéré). Le bureau d'aide juridictionnelle constatant que ses revenus ne lui ouvrent pas l'aide juridictionnelle demandera le remboursement de la somme qu'il m'a versée, soit 175 euros. Opération neutre pour lui. J'en suis de ma poche pour moi, un tel dossier aurait dû être facturé au moins dix fois plus. Pendant ces dix heures, mon loyer a couru, le salaire de mon assistante aussi.

Dans le second, je suis commis d'office pour assister un indigent. Le parquet général a fait appel d'une condamnation à une amende de 100 euros. Mon client étant indigeant, 100 euros ou 1000 euros, c'est kif-kif : il ne paiera pas. Ma consolation est que j'ai plus à gagner (175 euros là aussi) que le trésor public sur ce coup là. Ha, non, même pas, il a droit en plus de l'amende à 90 euros de droit de procédure. Et je sais que je vais devoir me fendre de conclusions solides puisque je pense que cet appel est irrecevable en vertu d'une jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme, donc longues à rédiger.

Ces deux dossiers s'étant suivis à quinze jours, c'est une catastrophe économique pour mon cabinet. 20 heures de boulot pour 350 euros. Ou alors je ne fais rien, je vais agiter les bras à l'audience où je découvrirai le dossier, et mon client verra sa peine aggravée. Vu qu'il est indigent, de toutes façons, il ne paiera pas. Alors ? Je suis consciencieux ou pas ?

► Le mécontentement des avocats est tel qu'une simple augmentation de 15 ou 20% de l'AJ ne suffira pas. C'est tout le système qu'il faut remettre à plat. Un récent rapport dont je ne retrouve pas les références (je modifierai le billet dès que je les aurai retrouvé, je ne doute pas que mes commentateurs y pourvoiront) de la Commission Européenne Pour l'Efficacité de la Justice (CEPEJ) soulignait que la France, de tous les pays d'Europe (je ne sais si des 25 ou du Conseil de l'Europe, soit 46 pays, incluant la Turquie) ouvrait le plus l'admission à l'aide juridictionnelle, et rémunérait le moins bien les avocats commis d'office. Voilà l'inacceptable contradiction.

► Certains pourraient penser que cette grève n'est qu'une affaire de nantis qui essayent d'arrondir leur fins de mois dorées en ponctionnant l'Etat, espérant ainsi récupérer leur ISF. Et de suggérer que plutôt que faire la grève de l'aide juridictionnelle, nous devrions cesser de défendre les riches et nous consacrer aux pauvres. Ce serait très populaire, sans nul doute. Mais faire cela rien qu'une semaine, c'est le dépôt de bilan assuré. Nous sommes chefs d'entreprise. Nous avons des charges fixes à payer, des salariés dépendent de nous. Devons nous les mettre eux aussi en danger ? Il y a des mois où des avocats ne se payent pas, et en prime négocient un prêt ou un découvert pour payer leur salarié. Et beaucoup gagnent chaque mois moins que le SMIC, et sont dépendants des revenus de leur conjoint. Ca donne envie de rejoindre la profession, n'est ce pas ?

Sachez que s'il y a des avocats très riches, il y en a aussi des très pauvres. Ce sont ces derniers qui font le plus d'AJ, à cause de leur secteur géographique (quand on est avocat dans le Val de Marne ou en Seine Saint Denis, pour parler des départements que je connais le mieux, on n'a pas le choix) ou de leur domaine d'activité (le droit pénal, le droit des étrangers, c'est beaucoup d'AJ). Les très riches ne font pas d'aide juridictionnelle. Par goût quand ils sont sur Paris, puisque ce n'est pas obligatoire ici, mais aussi du fait de leur domaine d'activité. Quand on fait du droit social pour une clientèle d'employeurs, on n'est jamais à l'aide juridictionnelle. Pas plus que quand on fait de l'arbitrage international. Donc il n'y a pas de transfert possible au sein du cabinet : la multinationale qui a un dossier d'arbitrage international payerait pour le client indigent, les honoraires de la première étant ajusté pour compenser la modestie de ceux demandés au second. Quant au transfert "que les avocats riches payent pour les clients pauvres", ça existe : ça s'appelle l'impôt, que l'Etat prélève au nom de la solidarité nationale, mais néglige de restituer quand cette même solidarité l'exigerait. Alors la solution est-elle : cessons de faire du droit pénal, consacrons nous à la défense des employeurs, au droit maritime et à l'arbitrage international ? C'est ce que vous souhaitez pour notre société ?

A titre d'information, depuis cette année, les avocats peuvent faire l'objet de redressement et de liquidations judiciaires, selon un système spécifique distinct de celui des entreprises commerciales mais très inspiré. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, 85 avocats ont "déposé le bilan", et entre 1500 et 2000 confrères parisiens seraient menacés d'une telle procédure, qui emporte interdiction d'exercer la profession à titre libéral, seule la forme salariée étant admise. Et les avocats salariés sont rares. Une telle décision entraîne de facto le retrait de la profession. Et ces avocats ne sont pas mauvais avocats, ce serait si commode ; mais ils sont mauvais gestionnaires, ou dépendent d'un ou deux gros clients (Banque, office HLM, institutionnel) qui leur fournit des dossiers en quantité qui assurent la trésorerie du cabinet, et qui peuvent partir du jour au lendemain sans qu'on ait quoique ce soit à dire. L'exercice individuel ou en petite structure est très casse gueule. C'est une angoisse que nous connaissons au quotidien, comme tout patron de PME.

Alors ne prenez pas à la légère la colère qui monte. Elle est légitime, elle est juste, et l'enjeu vous concerne tous au premier chef, chers lecteurs justiciables.

Commentaires

1. Le jeudi 23 novembre 2006 à 13:35 par Très Web 1.0

Il s'agit du rapport de la CEPEJ (Commission Européenne pour l'efficacité de la justice). Présentation ici : www.coe.int/t/dg1/legalco...

2. Le jeudi 23 novembre 2006 à 13:37 par c.cardabelle

L'Etat prend les avocats des-pour je-ne-vais-pas-être-impolie, mais les justiciables aussi. Avec un SMIC, il est déjà difficile de vivre. Comment peut-on alors payer les honoraires d'un avocat? Le système actuel vise à éliminer de l'accès à la Justice ceux qui ne sont pas assez pauvres et à appauvrir ceux qui les défendent.

3. Le jeudi 23 novembre 2006 à 13:43 par Clems

Le problème n'est pas de savoir si la grève est juste. Mais de savoir si elle est audible. Autre point, quand un conflit dure trop longtemps das 99 % des cas, il s'agit d'un conflit perdu, je sors cela des paroles d'un spécialiste en piquet de grève. Donc il faudrait penser à en sortir et à imaginer autre chose.

Je crains fort que le gouvernement ne pratique la politique de l'autruche vu la forme de ce mouvement. Et les pauvres seront condamnés à faire fi de l'AJ et à se payer un avocat à prix fort.

A noter que cette grève pourrait être un excellent moyen pour certaines personnes pour obtenir des renvois à bon compte et fatiguer ainsi la partie adverse. "je veux que ca traine, je demande l'AJ en demandant à mon avocat de demander un renvoi, il sera content"

Que peut on conseiller à vos clients un peu juste financièrement et qui disposent d'un avocat avec L'AJ. Doivent ils en changer ou lui proposer une rémunération si ils sont pressés ?




4. Le jeudi 23 novembre 2006 à 13:46 par Deilema

Merci cher confrère de vous faire le relais de nos difficultés et de faire oeuvre de pédagogie auprès des justiciables qui, si par hasard ils entendent parler de la grève, ont tendance à penser qu'il s'agit d'un caprice de nantis.

Un grand effort reste toutefois à faire auprès de nos ministres et députés... à quand Eolas président du CNB?

5. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:00 par Lara Kraft

@Deilema
"à quand Eolas président du CNB?"
... mais il se murmure que ce serait déjà le cas ...

(Rires) On ne me l'avait jamais faite, celle là. Non, je ne m'appelle pas Paul-Albert.

Eolas

6. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:03 par felixnemrod

Merci Cher Confrère pour cette note aussi bien écrite que concise et instructive concernant les difficultés de la profession.
Je souhaiterais néanmoins préciser un point : les conseils juridiques ne sont pas tous riches et leur activité n'est elle non plus pas exempte de risques...comme quoi, la défense des patrons ou des sociétés est également une activité à risque, même si effectivement, nous connaissons certainement moins d'AJ que nos confrères (et néanmoins amis) pénalistes.
Quant au refus de prendre des dossiers à l'AJ, il convient de signaler que cette position est bien souvent due à une conscience aiguë de la totale absence de compétence dans les matières pour lesquelles nous sommes sollicités... Comment en effet, sans sacrifier le client, pourrions-nous assumer une défense au pénal ou en droit des étrangers alors que l'on est spécialisé en droit des sociétés? Que l'on me transmette un dossier à l'AJ dans ma spécialité et je l'assumerai sans barguiner!
Je préfère ne prendre que peu de dossiers "à l'AJ", pour lesquels je suis peu ou prou compétent et que je ne facture pas plutôt que d'accepter des AJ en nombre et risquer la liberté du client ou son expulsion de France.
Quant à mes AJ, je les donne à quelques confrères en difficulté, pour lesquels le nombre de dossiers à l'AJ vient compenser une indemnisation anémique.
Bien à vous,
FéliXNemroD

7. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:10 par Deilema

@Lara Kraft
Bigre! Serait-ce la raison de son silence (sauf erreur de ma part) sur la question du rapprochement entre avocats et juristes d'entreprise?

Non ; n'y voyez que mon absence de qualification pour en parler.

Eolas

8. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:11 par PEG

Comme d'hab Eolas, je vous approuve complètement en ce domaine. J'en suis à la troisième génération d'avocat, dans ma famille, alors je connais bien la noblesse et la difficulté (l'un ne va pas sans l'autre) de cette profession.

9. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:14 par GroM

Je dois avouer que ces histoires de rémunérations bloquées me rappellent beaucoup les histoires des médecins qui expliquent que le prix de telle ou telle consultation n'a pas été revalorisé depuis des lustres. Je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas une procédure de revalorisation annuelle pour toutes ces prestations, plutôt que de le faire tous les 5 ans, à chaque fois après un conflit social. Après tout, il y a des coups de pouce pour le SMIC, pourquoi pas des coups de pouce pour l'AJ ? C'était ma minute sociale-démocrate, même si je connais la radinerie intrinsèque de l'état.

Quelques idées me viennent à l'idée:
- pourquoi ne pas transformer l'AJ d'une logique d'assistance ponctuelle à une logique assurancielle ? Tous les citoyens cotisent, et quand ils ont un procès, l'avocat, qu'il soit désigné d'office ou choisi par le client est payé à concurrence d'une certaine somme par l'assurance;
- pourquoi également ne pas instaurer une taxe dont le produit serait affecté uniquement à l'AJ et dont l'assiette serait calculée par exemple sur les profits des cabinets d'avocats ? Cela permettrait d'organiser ce transfert de solidarité entre ceux qui vivent du droit et ceux qui vivent pour le droit.

Je suis sûr que des idées comme ça ont déjà été agitées. Des arguments en pour ou en contre ?

En contre : ce n'est pas aux avocats de financer l'AJ, alors qu'ils en supportent déjà le coût en travaillant à perte. Ou alors faites supporter l'assurance maladie en taxant les profits des médecins. Vous aurez alors inventé le mouvement perpétuel : je me taxe pour me payer moi même.

Eolas

10. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:23 par Rivan

> L'exercice individuel ou en petite structure est très casse gueule. C'est une angoisse que nous connaissons au quotidien, comme tout patron de PME.

J'ai connu un de vos anciens confreres dont la qualité et l'engagement professionnel etait irreprochable et passionné , apres de quand même belles années d'excellente pratique mais laminé par sa volonté d'independance et les effets pervers que vous evoquez, son modeste cabinet (et sa vie sociale) derivait vers l'ineluctable.

Alors en homme intelligent , et bien que son choix fut surement intellectuellement douleureux , il est parti et finalement arrivé par une petite porte ouverte de l'autre coté des bancs et de la barre!

Aujourd'hui je connais un bon juge dont les decisions sont tres tres surement pondérées et empreintes de sa longue pratique finalement difficile de votre "metier"

11. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:37 par polynice

Tout à fait d'accord avec vous, sur toute la ligne.

Il y aurait également beaucoup à redire sur la distribution des commissions d'office au barreau de PARIS.

Sur le commentaire @4 : je ne pense que l'actuel Président du CNB prenne encore beaucoup de dossier à l'aide juridictionnelle (ou alors un aspect remarquable de sa personnalité m'a jusqu'ici échappé).

12. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:38 par forti

Et si vous organisiez le procès des derniers ministres de la justice ?
(ça fait une image pour la télé, et ça expose clairement les problèmes et les décisions qui ont conduit à ses problèmes ).

Par exemple, quel ministre est responsable du +130% d'un coté, et +0,02% de l'autre ? Comment se justifie-t-il ?

Avec des avocats commis d'office pour les défendre ?

Eolas

13. Le jeudi 23 novembre 2006 à 14:54 par Provocator...

Quand vous ferez votre manif, vous pensez que vous allez casser du flic aussi efficacement que les pompiers?

J'avoue que j'ai été surpris de ce bilan, mais il faut dire que les pompiers sont bien équipés. Casques, masque à gaz, bottes, etc... Vous avec vos robes, je vous souhaite bonne chance quand vous vous ferez courser par les CRS...

Ceci est bien entendu de l'humour, je précise pour pas être poursuivi pour incitation à l'émeute.

Bonne chance tout de même dans vos négociations. Enfin, à force de baisser les impôts, le gouvernement n'a plus de sous donc je pense qu'il va avoir du mal à vous en donner...

Nous ne tapons pas sur les CRS, monsieur. Nous les assignons. C'est plus vicieux, et c'est légal.

Eolas

14. Le jeudi 23 novembre 2006 à 15:01 par Toulousaine

Idée de réforme :

Que pensez vous, chers Confrères, de la création d'un corps d'avocats rémunérés par l'Etat et qui ne s'occuppent que de l'AJ ?

Conditions : déontologie et discipline identiques, rémunération fixée selon la convention collective des avocats, durée de l'activité pour l'AJ limitée dans le temps (2 ans par ex), possibilité de conserver une certaine clientèle, concours d'entrée pour pas qu'on critique la qualité des confrères, liberté de choix pour le justiciable qui bénéficie de l'aj : s'il veut prendre un avocat, les honoraires sont libres mais soumis à 5,5 TVA (c'est la contribution de l'état à l'effort de justice...)

Je ne suis pas sur que ce soit un service à rendre à ces avocats salariés : comment feront-ils pour s'installer après ? Ou passeront-ils leur vie à être salariés de l'ordre, auquel cas ils tiendront du public defendant américain. Et comment s'assurer de leur compétence ? En droit pénal, pas de problème, mais il y a des Aj aussi en urbanisme, en expropriation, en droit administratif, en droit médical, etc etc... La désignation permet de puiser dans le vivier de l'ordre pour trouver un avocat compétent en la matière. Et quid du libre choix de son avocat ? Si un pauvre veut être défendu par moi, dois je lui claquer ma porte plaquée or au nez en le renvoyant chez mes confrères aux 35 heures ? Enfin, cela doit s'accompagner d'une diminution drastique des seuils d'AJ, sous peine que ces avocats salariés ne se retrouvent avec la moitié de l'activité judiciaire du barreau...

Eolas

15. Le jeudi 23 novembre 2006 à 15:17 par Deilema

@ toulousaine

Je ne suis pas très favorable à une telle mesure, comme je suis généralement défavorable à tout ce qui est suceptible de diviser la profession.

En effet, à mon sens, la création d'un corps particuliers d'aovcats ne ferait qu'accentuer la cacophonie actuelle qui fait de notre profession le "parent pauvre" du monde juridique et judiciaire.

CNB par-ci, Conférence des Batonniers par-là, Barreau de Paris ici encore, FNUJA, SAF, et j'en passe... : la profession ne parle que rarement d'une seule voix, d'où ses difficultés pour être entendue efficacement et défendre ses intérêts (AJ mais aussi périmètre du droit, pour ne citer que ceux-là).

En revanche, d'autres professions, moins importantes en nombre mais bien mieux organisées (les notaires par exemple), sont des lobbies de poids qui ne se laissent pas marcher sur les pieds (enfin, plus exactement, on n'envisage même pas de leur marcher sur les pieds).

Une remise à plat du système est tout à fait souhaitable, mais je crains qu'une réforme ne nuise encore plus à la profession si elle la divise.

16. Le jeudi 23 novembre 2006 à 15:24 par polynice

@14.

Le projet a déjà été étudié par l'ordre du barreau de Paris, sous l'appellation d'internat pénal.

L'idée était effectivement de constituer une équipe d'avocats spécialisés, qui seraient intervenus sur l'ensemble des commissions d'office du bâtonnier.

Deux options étaient retenues : soit une rémunération proportionnelle au nombre de dossiers traités, soit le salariat des avocats missionnés (l'ordre étant l'employeur).

Cette solution n'a pas été retenue (notamment par l'actuel Président du CNB, qui avait examiné la question au début de son mandat de Bâtonnier), pour diverses raisons, que je laisserai à d'autres le soin d'expliquer.

Mais c'est un projet qui reviendra très certainement sur le tapis, un de ces jours.

17. Le jeudi 23 novembre 2006 à 15:29 par Luc

Est-ce parce que la condition d'avocat est à ce point misérable qu'on en trouve tant sur les bancs de la chambre des députés et au sénat ?

Une fois élus, ils oublient semble-t-il vite à quels tourments les électeurs leur ont permis d'échapper...

18. Le jeudi 23 novembre 2006 à 16:25 par Dr. A. Gibus

Le budget de l'aide juridictionnelle était en ballotage direct avec celui de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) - elle même en profonde crise financière - lors de la discussion de la loi de finances pour 2007. Peu importe la décision prise - favoriser l'AJ ou (le "et" étant impossible) la CNIL - je ne suis pas sûr que nos droits et libertés y gagnent...

19. Le jeudi 23 novembre 2006 à 16:38 par Sylvestre

Cette grève m'amène à me poser une question : vu les conséquence d'une grève des avocats (renvoi des audiances, engorgement des tribunaux, risques pour la liberté des personnes si la grève était totale...) l'état ne s'est il jamais prévu de protection contre ce gnere de problème ?

De nombreuses professions touchant à la sécurité et la santé (police, pompier, médecins...) n'ont pas le droit de grève ou bien sont sujetes à réquisition afin d'assurer une permanence du service. N'y a t il rien de semblable pour les avocats et autres fonctions de justice (juge, greffiers...) ?

Dans ma totale méconnaissance du monde judiciaire j'ai longtemps pensé que le terme "avocat commis d'office" sous entendait que le dit avocat n'avais pas la liberté de refusé (après un certain temps à lire ce blog je me rend compte que ce n est pas le cas) alors il me semblait étrange qu'une "interruption de service" soit possible en matière de justice, peut être suis je une fois de plus à coté de la plaque ?

Les magistrats n'ont pas le droit de grève, mais les greffiers, oui, ce qui est stupide car les uns ne sont rien sans les autres et réciproquement. Un avocat commis d'office n'a pas le droit de refuser sa commission sauf motif légitime ; dans le mouvement actuel, les bâtonniers refusent de désigner des avocats, ce qui n'est pas interdit (nous sommes spécialiste du contournement légal, n'oubliez pas).

Eolas

20. Le jeudi 23 novembre 2006 à 17:02 par polynice

@19 : excellente question !

Le problème, c'est que la profession d'avocat n'a pas encore été fonctionnarisée.

Mais cela ne saurait tarder, et je pense que notre système judiciaire aurait beaucoup à gagner à s'inspirer de l'ancien modèle soviétique.

Cela règlerait notamment ces problèmes de grève des avocats, qui surviennent beaucoup trop fréquemment.

21. Le jeudi 23 novembre 2006 à 17:07 par zuzur

Cher maître(s),

Vous lirez certainement cette dépêche avec interet : www.boursorama.com/intern...

"Le président de la Cnil déplore notamment des gels de crédit de 300.000 euros décidés par le ministère des Finances. Il a dénoncé également un amendement parlementaire au budget de la Justice, qui prévoyait de "diviser par deux le budget de la Cnil" pour augmenter les crédits de l'aide juridictionnelle, actuellement en crise. L'amendement a été retiré."

Diviser pour régner, ou comment dire "Je ne puis payer plus les avocats commis d'office, je préfère défendre vos libertés sur internet"...

Eolas

22. Le jeudi 23 novembre 2006 à 17:22 par Pégase

Serait il possible d’expliquer la cause de cette multiplicité d’organes représentatifs d’une même (?) profession ?

Car il me semble que cette absence d’unité peut être une explication aux nombreux maux qui affaiblissent la profession. Comment être crédible quand on ne parle pas d'une même voix au sein de sa propre famille?

Concernant nos ministres à la mémoire courte, je crains fort que M. Clément, Borloo et Sarkozy n’étaient guère concernés par l’AJ, mais davantage par des restructurations, fusions, ou autres gourmandises du même genre.

Bien à vous

C'est dû à la division de notre profession en barreaux locaux, un par tribunal de grande instance. Chaque Barreau constitue un ordre. La loi a créé le Conseil National des Barreaux (CNB) pour représenter la profession au niveau national ; mais le collège électoral est un peu trop nombreux et compliqué pour que cette institution intéresse vraiment les avocats. Paris constitue à lui seul un collège électoral à part, l'autre étant "le reste de la France" ; la moitié des élus l'est directement par les avocats, l'autre moitié par les conseils de l'ordre. Le président est élu par l'assemblée des délégués. Bref, fort peu d'avocats savent que leur représentant national est le bâtonnier (de Paris) Paul-Albert Iweins.

La conférence des bâtonniers réunit tous les bâtonniers de France SAUF celui de Paris, histoire de compenser un peu le poids prépondérant de mon barreau, qui réunit la moitié des avocats de France, pour éviter que le CNB ne soit la voix de Paris et le murmure de la province.

Le SAF, syndicat des avocats de France, est un syndicat, franchement à gauche.

L'Union des jeunes avocats est un syndicat moins marqué politiquement, mais plus catégoriel : il défend les intérêts des avocats de moins de 42, ou 45 ans, je ne sais plus. Il est fractionné en plusieurs Union, une par barreau en principe.

La Fédération nationale des UJA, ou FNUJA, réunit au niveau national ces syndicats locaux.

Eolas

23. Le jeudi 23 novembre 2006 à 18:01 par polynice

@ 22 : y a pas un problème de concordance des temps, dans votre dernière phrase ?

24. Le jeudi 23 novembre 2006 à 18:13 par Pégase

Mille excuses...mais finalement:
- nos trois ministes n'étaient pas concernés par l'AJ (comme avocats)
- nos trois ministres ne sont pas concernés par l'AJ (comme ministres)
- nos trois ministres ne seront pas concernées par l'AJ (comme avocats réinscrits au Barreau et anciens ministres)...

Avouez que cela fonctionne à tous les temps!

25. Le jeudi 23 novembre 2006 à 18:31 par Henri

Avocats et pompiers, même combat.

26. Le jeudi 23 novembre 2006 à 18:44 par polynice

Mon très cher Paul-Albert,

Vous expliquez que, dans le cadre du mouvement de grêve actuel, les bâtonniers refusent de désigner des avocats dans le cadre d'une commission d'office.

Soit.

Mais alors, comment faire grève si l'on est déjà commis d'office, et que le dossier vient sur renvoi ?

Je m'explique : vous savez mieux que personne, en votre qualité d'ancien bâtonnier et de Président du CNB, qu'en matière correctionnelle ou criminelle la commission intervient en cours d'information et qu'elle est valable y compris pour l'audience de jugement (pratiquement, il n'est pas nécessaire de se refaire commettre pour assister le client devant le tribunal correctionnel).

Alors, comment qu'on fait ?

Paul Albert étant actuellement empêché, je réponds à sa place que les commissions d'ores et déjà émises doivent être accomplies comme s ide rien n'était, car les juges, eux, feront comme si de rien n'était si nous ne sommes pas là (sauf en matière criminelle où notre présence est obligatoire, mais là, c'est les président qui nous commettront et nous ne pouvons nous y refuser). PS : vous êtes sur que la commission d'office pour l'instruction vaut aussi pour l'audience ? Parce qu'en matière d'AJ sur dossier de demande, ce n'est pas le cas, il faut une nouvelle décision, comme nous le rappelle au joli timbre humide rouge délicatement apposé dans un coin. Un poids, deux mesures ?

Eolas

27. Le jeudi 23 novembre 2006 à 18:48 par Neville

On en revient comme souvent au même problème : la non application du droit positif (c'est-à-dire la non apploication des dispositions déjà juridiquement en vigueur) puisque les Bureaux d'aide juridictionnelle, qui décident si tel justiciable remplit ou non ls conditions pour bénéficier de l'AJ, sont censés opérer un filtrage pour carter l'octroi de l'AJ à un justiciable dont les ressources lui permettraient d'en bénéficier, mais dont le dossier apparaît manifestement irrecevable ou dénuée de fondement (article 7 a contrario de la loi du 10 juillet 1991).

L'absence de filtrage à ce niveau conduite parfoit à l'octroi de l'Aide Juridictionnelle, souvent Totale, à des demandeurs dont la cause est particulièrement mauvaise, mais qui nous accablent d'appels téléphoniques intempestifs, de lettres inutiles qu'il faut quand même lire, parfois d'épaisses liasses de documents illisibles à déchiffrer pour s'apercevoir qu'ils n'ont aucune utilité pour la solution du litige... bref nous font perdre un temps considérable et nous reprochent au final de leur avoir fait perdre leur dossier qui d'après eux était pourtant forcément "gagné d'avavce". En jouant sur les initiales d'aide Juridictionnelle Totale, on appelle souvent ces fâcheux des agités.

A l'inverse, l'AJ permet parfois à des personnes dans une détresse extrême de trouver un avocat pour les défendre et parfois d'améliorer notablement leurs cnditions d'existence. elle est donc nécessaire et il convient d'en améliorer le fonctionnement, pas de la supprimer.

Il serait souhaitable que l'AJ soit réservée à ceux dont le dossier le mérite vraiement, mais dont les ressources ne leur permettraient pas de se payer un avocat pour se défendre : il "suffit" pour celà d'appliquer complètement la loi telle qu'elle est actuellement rédigée.

Les commissions d'office ne passent pas par le bureau d'aide juridictionnelle et aucun filtrage n'est effectué, en raison de la matière (pénale) qui suppose une certaine urgence. Expliquez moi par exemple comment on peut examiner les revenus et charges d'une personne citée en comparution immédiate, qui va être jugée dans l'heure ? Peu importe qu'il soit Crésus : s'il veut l'avocat de permanence, il l'aura, et gratuitement. Les commissions d'office sont de droit en matière pénale dans bien des cas (instruction, comparutions immédiates, COPJ...), qui sont jugées dans des délais inférieurs à celui que met le bureau d'AJ à statuer ; sans compter le risque inacceptable d'un refus d'AJ parce qu'il manque un papier alors que la liberté est en jeu, outre le fait que la privatio nde liberté a un effet déplorable immédiat sur les revenus du client, que le bureau d'AJ mettra un an à prendre en compte...

Eolas

28. Le jeudi 23 novembre 2006 à 19:14 par polynice

Cher Eolas,

Je vous confirme que la commission d'office en matière pénale vaut et pour l'instruction et pour l'audience de jugement.

Je ne pense pas qu'il y ait en la matière de traitement préférentiel, ou de faveur réservé à certains de nos confrères.

Pour revenir au mouvement de grève, je pense que nous pouvons, même commis d'office, solliciter un renvoi de l'audience (dans l'hypothèse évidemment où le client comparaît libre), par solidarité.

Sauf président caractériel, cela devrait être accepté (ils renvoient bien des dossier pour cause de surcharge d'audience, ils peuvent donc bien le faire pour cause de mouvement de grève...)

29. Le jeudi 23 novembre 2006 à 19:38 par Neville

@ Eolas, en réponse à mon commentaire 27
Certes, pour le pénal vous avez raison. Mais je parlais de l'AJ au civil, matière dans laquelle on rencontre parfois les abus que je décris.

Le filtrage prévu à l'alinéa 1 de l'article 7 de la loi du 10/07/1991 ne s'applique pas " au défendeur à l'action, à la personne civilement responsable, au témoin assisté, à la personne mise en examen, au prévenu, à l'accusé, au condamné et à la personne faisant l'objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité."(art. 7 alinéa 2) donc notamment dans le contentieux pénal (victime ou mis en cause)

De surcroît, je connais au moins un Barreau dans lequel les commissions d'office sont décidées avec octroi de l'AJ, sous réserve que les ressources de l'intéressé lui permettent d'en bénéficier.

30. Le jeudi 23 novembre 2006 à 19:43 par egan

>> ce dossier m'a pris 10 heures (...) Le bureau d'aide juridictionnelle constatant que ses revenus ne lui ouvrent pas l'aide juridictionnelle demandera le remboursement de la somme qu'il m'a versée, soit 175 euros. (...) un tel dossier aurait dû être facturé au moins dix fois plus. <<

10 heures de travail sont donc facturés 1750 euros.
N'y voyez rien de malveillant mais je m'interroge sur ce montant. Pour moi c'est un mois de salaire net et pour vous c'est 10 heures de travail ?

Deux de mes confrères ont pris la peine de vous répondre ci-dessous, j'ajoute ma contribution. Ce ne sont pas dix heures de travail, c'est dix heures facturables, il y a une nuance. Je ne gagne pas 175 euros de l'heure dès que je mets un pied dans mon cabinet. Par exemple, quand je blogue, je ne gagne rien. Quand je m'occupe d'un dossier à l'AJ, je ne gagne rien (un rendez vous de 2h30 cet après midi par exemple). Quand je papote dans un couloir avec un confrère, je ne gagne rien, et lui non plus, mais ça nous fait du bien. Quand je règle mes factures, complète ma comptabilité, relance mes clients, je ne gagne rien. De plus, ces 1750 euros ne sont pas un salaire, ni un bénéfice, mais un chiffre d'affaire. Le moindre restaurant Mac Donald's, la moindre station service, fait bien plus que 175 euros par heure, surtout entre midi et deux ; ne croyez pas que tout l'argent qui rentre dans les caisses soit le revenu du propriétaire des lieux.

Eolas

31. Le jeudi 23 novembre 2006 à 19:53 par polynice

@30 : je crois que notre ami Eolas a déjà expliqué mille fois, que le tarif horaire d'un avocat, ça prenait en considération les frais de fonctionnement (le loyer, le secrétariat, l'électricité, la documentation, le téléphone, le télécopieur, la connexion internet, le papier hygiènique, etc), les charges sociales (sécurité sociale, cotisations ordinales, cotisation URSAFF, la taxe profesionnelle).

Faudrait que ça rentre !

Je pense que le meilleur moyen, ce serait encore de faire une émission grand public (c'est à la mode) sur la vie quotidienne d'un avocat (mais alors avec tout ce qui compose une journée d'avocat), et là, le public, les justiciables, nos futurs clients comprendrait pourquoi nous prenons 150 € à 450 € de l'heure.

Et puis, faudrait pas oublier non plus que nous fournissons une prestation intellectuelle, nom de Zeus !

32. Le jeudi 23 novembre 2006 à 20:16 par Veuve Tarquine

« 10 heures de travail sont donc facturés 1750 euros.
N'y voyez rien de malveillant mais je m'interroge sur ce montant. Pour moi c'est un mois de salaire net et pour vous c'est 10 heures de travail ? »
Parce qu'en ce qui nous concerne cela n'a rien à voir avec NOTRE "salaire".
Parce que sur 10 heures de travail facturés il y en a des quantité qui ne sont pas facturables (recherches de jurisprudence, déplacements divers et variés non affecté à un dossier bien que lié à notre profession... la liste est sans fin ou presque)
Parce que sur ces sommes nous payons un loyer, des timbres, du papier, une secrétaire, le téléphone, notre code civil, une photocopieus, nos charges personnelles... (la liste n'est pas exhaustive).
Parce que les honoraires que nous facturons ne constituent pas comptablement un bénéfice.

33. Le jeudi 23 novembre 2006 à 20:27 par Toulousaine

@14 et Eolas :

"Je ne suis pas sur que ce soit un service à rendre à ces avocats salariés : comment feront-ils pour s'installer après ?"

Je pense qu'il faudrait éviter qu'il s'agisse d'avocats qui démarrent leur activité. Il faudrait avoir au moins 5 ans de barre. Il s'agit donc d'avocats qui sont déjà "installés".

Et puis il ne s'agit pas de rendre un service aux avocats. Il s'agit que l'on trouve une solution qui puisse permettre de remettre à plat le système actuel et qui puisse à la fois garantir une défense de qualité et indépendante, et une vraie rémunération du professionnel qui s'y colle.

"Ou passeront-ils leur vie à être salariés de l'ordre, auquel cas ils tiendront du public defendant américain."

Les publics defendants américains ne le restent pas nécessairement toute leur vie. En ce qui concerne les avocats français, il faudrait limiter cette activité dans le temps. C'est un peu comme quand un avocat prend une responsabilité ordinale dans un barreau important : il ne peut plus vraiment assurer son activité professionnelle. Toutefois, quand il cesse son activité, il n'a pas pour autant perdu sa clientèle, au contraire, il en ressort grandi. Je pense que ce pourrait être le cas si les "Avocats publics" étaient d'une exceptionnelle qualité.

"Et comment s'assurer de leur compétence ? En droit pénal, pas de problème, mais il y a des Aj aussi en urbanisme, en expropriation, en droit administratif, en droit médical, etc etc... La désignation permet de puiser dans le vivier de l'ordre pour trouver un avocat compétent en la matière."

Un examen d'entrée qui pourrait être l'équivalent de ceux qui permettent d'obtenir une spécialisation (il n'y pas que des avocats pénalistes, grâce à Dieu !). Et puis je suis dubitative sur la réalité d'une désignation qui permet de puiser dans le vivier...

"Et quid du libre choix de son avocat ? Si un pauvre veut être défendu par moi, dois je lui claquer ma porte plaquée or au nez en le renvoyant chez mes confrères aux 35 heures ? "

Non, mais vous devrez lui demander des honoraires qu'il puisse payer en contrepartie de quoi, ils seraient taxés à 5,5%. Et s'il ne peut pas vous payer, malgré l'attrait de votre compétence et renommée, et bien il ira voir l'Avocat public.

"Enfin, cela doit s'accompagner d'une diminution drastique des seuils d'AJ, sous peine que ces avocats salariés ne se retrouvent avec la moitié de l'activité judiciaire du barreau..."

Je ne pense pas que les seuils soient excessifs. Ils sont normaux. C'est notre "indemnisation" qui est ridicule.

34. Le jeudi 23 novembre 2006 à 20:56 par Alliolie

Juste pour info : il me semble que la nouvelle procédure de sauvegarde (loi LSE de 2005) est applicable aux professions libérales ... Pour ceux d'entre les membres du barreau qui en sentiraient le besoin...

35. Le jeudi 23 novembre 2006 à 21:40 par Brice

Chers Tous,
A la lecture de ce billet fort preoccupant, et puis a toutes ces interventions, je doute. Une greve des Batons ? Les Gendarmes ont essaye aussi. Les Pompiers, aussi, cassent un peu de la Marechaussee. Et puis le Gouvernement n'y entend rien, ou pas grand chose. C'est une fin de regne ou s'aiguisent d'autres appetits.
Cher Maitre, qu'y voyez-vous donc ? L'Aj, c'est une des pierres angulaires de la Justice (rendue). Ne pouvant ne pas etre, on l'oublie dans les tiroirs de la Republique. On en s'occupera. Beaucoup de dossiers dorment ainsi. Pour qui a lu la presse recemment (on en serait a moins, tout de meme...), on ne peut plus decemment envoyer un individu en Prison. C'est trop indigent. Ou alors, on expedie le Tri.

La Greve peu a peu disparait, chers tous. Tout le monde la fait, plus ou moins. C'est une action proche du versant soumis. On s'entasse trop a vouloir constester. Et il y a trop de contestations dans le Pays. Mmmmh.

Bien a vous tous.

36. Le jeudi 23 novembre 2006 à 21:46 par ranide

Des nouvelles du barreau de Chartres qui actualisent les informations données par Set dans un post sous le précédent billet et répondent au post 31 de Polynice :

Depuis le 22 novembre et pour une durée illimitée, le Bâtonnier :
- ne procède plus à aucune commission d'office ni devant le Tribunal correctionnel, ni devant les juridictions d'instructions ni dans le cadre des permanences de garde-à-vue
- pour les affaires en cours, relève les avocats commis qui le demandent de leur commission

Les permanences de consultations gratuites ne sont plus assurées dans les points d'accès au droit et les maisons de justice du département

Les avocats n'assurent plus les audiences de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Par ailleurs le Barreau de Chartres s'associera aux deux journées de grève totale prévues pour le 1er et le 18 décembre et participera à la manifestation parisienne du 18.

Il faut dire que la pantalonnade du 16 novembre à l'Assemblée Nationale n'est pas passée ...

37. Le jeudi 23 novembre 2006 à 22:28 par Emilien Wild

Maître, si un parti de gouvernement vous proposait, du fait de vos compétences certaines dans votre domaine et en cas de victoire aux prochaines élections nationales, un poste de conseiller ministériel, accepteriez-vous ?

38. Le vendredi 24 novembre 2006 à 07:36 par Tio

J'ai un doute par rapport à votre billet et la réponse au commentaire 30

Lorsque vous dites: "Un avocat a donc été commis d'office et sera rémunéré à l'AJ, soit 175 euros"

-> Il s'agit d'une rémunération horaire (175 euros/heure "facturable") ou par tâche (175 euros en tout et pour tout, quelque soit le nombre d'heures utilisées ?) ?

Jusqu'à maintenant j'avais toujours cru comprendre qu'il s'agissait d'un montant forfaitaire (dépendant de la nature de la procédure); d'où une certaine empathie avec votre cause. Maintenant je m'interroge ... :)

39. Le vendredi 24 novembre 2006 à 07:59 par Deilema

@ Tio
C'est bien un montant forfaitaire, valable pour un dossier sur lequel vous avez passé 10 heures (ou plus) comme pour celui ou vous avez été commis d'office par le Président alors que de toute façon vous poireautiez à l'audience en attendant votre tour.
Malheureusement, la première hypothèse est bien plus fréquente que la seconde...

40. Le vendredi 24 novembre 2006 à 10:02 par Vulgus Pecum

Bonjour,

Pour reprendre le commentaire judicieux de Clems (post 3), "...il s'agit d'un conflit perdu..." et de suggérer de façon pertinente "...donc il faudrait penser à en sortir et à imaginer autre chose...".

Votre combat de revalorisation de l'AJ concerne tout autant :

1) votre profession
2) l'état
3) le jusiticiable indigeant ou simplement désargenté

Certes tous les citoyens pauvres concernés par la revalorisation de l'AJ ne sont pas à même de vous apporter un soutien utile et efficace (encore que l'union faisant la force...).

Néanmoins, beaucoup d'entre-eux font aujourd'hui partie de cette minorité grandissante de la population, laquelle, malgré travail et salaire, sont directement concernés par l'AJ mais considèrent le milieu judiciaire comme inaccessible ou tout au moins, très très éloigné de leur condition et par conséquent n'en attendent pas grand chose.

En ce qui me concerne (le justiciable de base), j'assiste à votre mouvement particulièrement discret pour le vulgus pecum, en considérant, d'une part, que le vulgus pecum que je suis est concerné par la question, et d'autre part, en faisant le constat que je suis bien incapable de pouvoir faire quoi que ce soit (à part me joindre aux manifs).

Votre point de vue concernant l'AJ est analogue à celui du secteur médical à l'égard de la CMU. On voit aujourd'hui comment les médecins et autres intervenants de la santé gèrent les assurés sociaux bénéficiant de la CMU...

A tout hasard, existerait-il un organisme représentant vos clients bénéficiant de l'AJ et défendant leurs intérêts ?... (à l'image des nombreuses associations de défense des consommateurs).

Peut-être que de permettre à ceux, ou leurs représentants, qui ont les mêmes intérêts que vous (et qui sont plus nombreux) de s'associer à votre demande peut amener plus d'efficacité et d'écho à votre mouvement ?

"...donc il faudrait penser à en sortir et à imaginer autre chose...".

VP

41. Le vendredi 24 novembre 2006 à 10:22 par kirinyaga

Mais finalement, est-ce que les difficultés à trouver des clients et à faire du chiffre ne sont pas liés, au moins en partie, au nombre d'avocats, tout simplement ? La somme totale des commissions d'office et des clients qui paient ne pourrait-elle pas, si elle était répartie entre un nombre plus faible d'avocats, assurer un revenu plus confortable ? Ce serait alors un peu les avocats eux-même qui se tirent dans le pieds. Un numerus closus pourrait-il améliorer les choses ? (quoique l'on voit que ça n'est pas une panacée avec les médecins)

42. Le vendredi 24 novembre 2006 à 10:44 par LtR

Dans l’Etat de New York, le Barreau et de nombreux cabinets d’avocats sont convenus avec le Département de la Justice d’un accord relatif aux commissions d’offices, que l’on pourrait traduire imparfaitement par les « pro bono cases ».

Chaque cabinet se voit attribuer un nombre de commissions d’office (en nombre d’affaires ou en heures à effectuer, je ne me souviens plus).

Par exemple, un cabinet de 300 avocats (une taille moyenne là-bas) se verra attribuer un volume d’heures de « pro bono » en fonction du nombre de ses avocats. Plutôt que de les répartir sur chaque avocat, le cabinet va répartir ces heures sur une petite équipe d’avocats, lesquels se consacreront majoritairement pendant une ou deux années aux dossiers « pro bono ». Cela peut vous sembler « social » ou « bonnes oeuvres » pour un cabinet d’affaires, mais c’est assez efficace.


43. Le vendredi 24 novembre 2006 à 11:18 par cloclo

Je pense que l'association des avocats devrait prendre un attaché de presse , cela permettrait de professionnaliser leur com.
C vrai je suis pour une augmentation de l'AJ pour les avocats, mais il faudrait que cet aide aille vraiment a ceux ki en ont besoin, car il ne faut pas que les avocats deviennent ds fonctionnaires et que les gens s'imaginent que l'AJ permette tt .

44. Le vendredi 24 novembre 2006 à 11:22 par GroM

Laissez-moi, cher maître, vous rassurer un peu et faire des estimations financières approximatives.

L'idée est que l'AJ est une mission de service public qui incombe aux avocats, mais que dans la pratique cette mission est très inégalement répartie entre les membres de la profession. Entre le pénaliste débutant du barreau de bobigny et le fiscaliste de 45 ans qui travaille qu'avec des grandes boîtes, il n'y rien à voir. La question est de savoir comment compenser ces inégalités.

On pourrait les compenser en nature, en astreignant tous les avocats à faire leur part d'AJ. Cela ne semble cependant pas souhaitable pour ceux qui ne sont pas un minimum pénalistes. Par contre, on peut essayer de les compenser en valeur.

Si on part du principe qu'un avocat devrait en moyenne consacrer 10% de son temps à l'AJ, pourquoi ne pas taxer en fonction de la différence entre l'AJ effectuée et ces 10% d'activité ?

Pourquoi 10% ? Le seuil est évidemment arbitraire, mais 10% par mois, cela fait (à la louche je sais, je sais, les avocats ne travaillent pas 35h) 20h, donc en gros deux cas par mois. Cela me semble, de l'extérieur, et avec mon point de vue de non professionel, un ordre de grandeur raisonnable.

Cela pourrait donner:

- Pour un avocat A dont les revenus sont de 1700 EUR/mois et qui se consacre à 50% à l'AJ: O EUR/moi.
- Pour un avocat B dont les revenus sont de 3000 EUR et qui consacre 7% de son temps à l'AJ: prélèvement à hauteur de 10-7=3% de son revenu, soit 90 EUR/mois.
- Pour un avocat C dont les revenus sont de 6000 EUR/mois et qui ne fait pas d'AJ: prélèvement à hauteur de 10-0=10% de son revenu, soit 600 EUR/mois.

Maintenant, est-ce que les volumes dégagés permettent d'améliorer réellement le volume d'AJ ? Il y a je crois 40.000 avocats en France à la louche. Si on part de l'hypothèse que la répartition entre les profils A, B et C ci-dessus et dans les proportions 30-60-10, une telle taxe est susceptible de rapporter environ: 12* ( 24.000*90 + 4.000*600) = 54 millions d'Euros par an. A comparer avec les 323 millions de l'aide juridictionnelle: ça vous dit une augmentation de 16% des tarifs de l'aide juridictionnelle ?

Bon, maintenant, les paramètres du calcul sont peut-être complètement faux, mais c'est à vous de me le dire :-)

45. Le vendredi 24 novembre 2006 à 12:02 par Criton

@GroM en 44

L'idée est intéressante et pourrait être couplée à la pratique américaine évoquée au-dessus des "pro bono cases".

Forcer tous les avocats à faire de l'AJ n'est probablement pas une bonne chose pour les justiciables. Les plus grands pontes fiscalites ou montant de complexes opérations de fusion-acquisition ne sont probablement pas les meilleurs avocats devant un juge d'instruction ou un JLD.

Mais l'idée de la contribution obligatoire est elle d'autant plus intéressante que l'un au moins des paramètres du calcul est faux.

Le profil C (pour autant qu'il corresponde au fiscalite de 45 ans) gagne beaucoup plus...

Aujourd'hui, sur la place de Paris, le jeune avocat (en général 24-25 ans) qui est embauché pour une première collaboration en droit des affaires touche, dans les grands cabinets anglo-américains (et les français essayent de rattraper), entre 60 et 95 000 euros par ans, ce qui fait, pour la fourchette haute près de 8000 euros par mois.

Sachant que l'évolution des salaires dans les premières années est correcte, et qu'elle devient franchement exponentielle lorsque ledit avocat, passe associé après entre 5 et 8 ans de bons et loyaux service, avec alors, toujours dans les grands cabinets, des revenus annuels de débutants qui deviennent des revenus trimestriels voir mensuels des associés principaux (sans oublier évidemment les bonus de fin d'année), la somme prélevée par un tel mécanisme pourrait être bien plus élevée, d'autant que la proportion 30-60-10 s'agissant de la répartition des profils me semble assez peu optimiste, il existe quand même beaucoup d'avocats d'affaires, surtout à Paris.

Il ne faut pas oublier que le fisc ponctionne en gros 50% de ces revenus libéraux (rétrocession d'honoraires). Mais il serait probablement possible justement qu'une partie de cette ponction, selon le système proposé, soit automatiquement attribuée à payer l'AJ des avocats qui en font.

La profession d'avocat n'est de loin pas homogène et c'est probablement l'une des difficultés de ce mouvement. Les grands avocats d'affaires sont tout à fait introduits dans tous les milieux médiatiques nécessaires, disposent souvent de forts leviers politiques pour négocier leurs dossiers et pourraient donner à ce mouvement l'écho qu'il mérite.

Mais visiblement, ils ne s'intéressent pas en masse à ces problèmes qui ne les touchent pas, ils vivent dans d'autres mondes, et ne considèrent souvent que très peu le travail de leur confrères comme le Maître de ces lieux qui font un travail qui est celui qui mérite probablement le plus le respect parmi l'ensemble de la profession d'avocat car ce travail nécessite vraiment la vocation et la passion.

Non pas que cette vocation et passion ne puisse pas exister chez les avocats d'affaires, mais les revenus assurés aident! Il est normal que cette catégorie d'avocats contribue à soutenir l'ensemble de la profession.

46. Le vendredi 24 novembre 2006 à 12:06 par Vulgus Pecum

Très intéressante démonstration de GroM (post 44) dont l'idée et la réflexion me paraît pleine de bon sens.

Maintenant, la mise en pratique d'une telle mesure va passer, à mon avis, par quelques obstacles inhérents à la profession :
- inégalité des revenus des avocats donc de leur pouvoir et de leur motivation dans le débat en question,
- corporatisme aux fins individuelles (caractéristique des professions libérales),
- profession entâcher d'une certaine "aristocratie" ou d'ellitisme (là je vais fâcher Me Eolas),
- corps de métier quelques fois clanique (selon les régions ou juridiction, là Me Eolas va m'occire !) et qui préfère réserver son énergie à des fins plus prestigieuses , ...

En m'excusant pour cette comparaison qui peut-être paraître choquante, mais c'est aussi un peu comme cette loi qui impose aux entreprises d'avoir un % des effectifs de leur salariés réservé aux personnes handicapée.

Dans la théorie, c'est l'idéal. Dans la pratique, c'est pitoyable.

47. Le vendredi 24 novembre 2006 à 12:16 par GroM

Quelques remarques complémentaires:
- j'ai effectivement été conservateur dans les estimations, un peu par ignorance et un peu par réalisme; comme le dit Eolas, les avocats sont des spécialistes du contournement de la loi :-)
- il y a d'autres difficultés: le fait, j'imagine, qu'un avocat donné puisse faire 50% d'AJ un mois donné et 0% un autre mois. Peut-être faudrait-il faire les calculs annuellement pour lisser un peu les écarts.

48. Le vendredi 24 novembre 2006 à 14:04 par La Fédédents

@ Kirinyaga (commentaire 41)

Le numerus clausus est toujours invoqué, jamais appliqué.

Les avocats, même jeunes, qui ont réussi leur examen, sont pour. Les autres crient au scandale.

Le fait est cependant là: nous sommes très très nombreux. Toutefois... Si nous sommes aussi nombreux c'est qu'il y a de la demande.

Je m'explique : le jeune avocat "surnuméraire" ne trouve pas de première collaboration. Alors, ceux qui réussisent à vivre de leur profession, d'abord en tant que collaborateurs, puis à leur nom... C'est bien qu'ils ont de la clientèle. Mais c'est vrai que ça ne veut pas forcément dire qu'ils vivent comme des rupins.

Et n'oubliez pas, comme quelqu'un l'a déjà fait observer, que quand on touche, par exemple, 100 euros, on peut espérer en utiliser 50. Le reste part en cotisations et autres joyeusetés.

49. Le vendredi 24 novembre 2006 à 15:12 par flo

Quiconque se lance dans les joies de la 2035 dès le mois de mars ne peut que hausser les sourcils jusqu'à la racine des cheveux en voyant le montant de l'AJ...

Si (huh) l'Etat n'a pas d'argent pour l'augmenter de façon à la rendre cohérente avec les exigences d'une compta pro, à tout le moins pourrait-il l'augmenter un peu (quand même) et l'exonérer socialement et fiscalement ? Parce que reverser des sous sur du déficit en analytique, je trouve ça trop fort.

50. Le vendredi 24 novembre 2006 à 15:52 par Dini

@GroM (#44) et accessoirement à Criton (#45)

L'idée me semble entachée d'une erreur de principe, indépendamment des exagérations dans le propos (personnellement, j'ai attendu 5 ans d'exercice dans une structure anglo-saxonne pour parvenir à ce niveau de revenus, mais peut-être ne suis-je pas doué). Indépendamment aussi des effets pervers de la formidable régulation ainsi inventée: si l'on incite financièrement et de manière très conséquente (10% du CA, ça commence à faire de l'argent) les avocats à faire de l'AJ, beaucoup vont s'inscrire; or, au moins au barreau de Paris, il y a des spécialistes en surnombre dans beaucoup de matières peu représentées à l'AJ (les fusions-acquisitions en sont l'exemple parfait) qui se retrouveraient donc à assurer des divorces, des affaires pénales, etc. J'en veux pour preuve le fait que, depuis mon inscription au barreau et à l'AJ dans mes domaines de compétence (grosso modo, le contentieux commercial), je me suis vu affecter au total trois dossiers. Si donc je ne veux pas perdre 10% de mon CA, je vais m'inscrire en pénal (pauvres prévenus...) et en droit des étrangers (ça ravira sans doute plus Nicolas S. que mes clients).

Mais l'essentiel de mon désaccord n'est pas là. Dire que les avocats sont des auxiliaires de justice, soit. Dire que, en tant que tels, ils doivent participer au service public de la justice en assistant les "démunis", je le conçois encore. Mais cette participation est guidée seulement par le principe selon lequel il ne faudrait pas (on est bien loin de la réalité) que quiconque soit empêché de faire valoir ses droits ou de se défendre simplement en raison de son niveau de vie.

Votre proposition procède d'une logique totalement différente: en contrepartie des avantages qu'il accorde à la "corporation", l'Etat imposerait aux membres de celle-ci des obligations particulières qui feraient l'objet d'une sanction financière conséquente. Cette idée pourrait avoir quelque cohérence si l'Etat nous accordait effectivement de tels avantages, si, comme les notaires, les huissiers... il existait un nombre limité de charges, si nous ne faisions pas seulement participer au service public, mais en étions des délégataires. Alors, peut-être, de même qu'on peut imposer à l'exploitant d'une piscine municipale, en contrepartie de l'exploitation qui lui est confiée, de laisser entrer gratuitement ou à bas prix certaines catégories de population, on pourrait dire aux avocats qu'il leur incombe de passer 10% de leur temps à travailler quasi-gratuitement et, qu'à défaut, ils devraient contribuer financièrement au fonctionnement de l'AJ.

Mais dans le système actuel, où la seule condition pour entrer au barreau est d'en réussir l'examen (et de trouver une collaboration), ou l'Etat n'accorde aux avocats aucun privilège ni aucune prérogative particulière (ne me parlez pas de la représentation obligatoire dans certaines procédures, c'est statistiquement marginal et aucune procédure de cette sorte ne se concevrait sans l'assistance d'un professionnel), qu'est-ce qui justifierait que les avocats soient imposés au motif qu'ils ne font pas assez d'AJ?

PLus largement, au nom de quoi les avocats devraient-ils financer eux-mêmes l'accès au droit des plus démunis? Ne s'agit-il donc pas d'une question de solidarité nationale, de la mise en oeuvre d'un droit (l'accès à la justice) dont l'Etat est le garant?

51. Le vendredi 24 novembre 2006 à 16:27 par Criton

@Dini (#50)

Je ne suis personnellement pas opposé du tout au numerus clausus qui fait aussi débat dans les commentaires.

Mais j'estime que malgré son absence, la profession d'avocat emporte (ou devrait emporter) une certaine responsabilité de la profession dans l'accès à la justice des plus démunis, dans la mesure où bien souvent le ministère d'avocat est obligatoire.

Il est certain qu'il doit relever principalement de la solidarité nationale d'assurer l'accès à la justice aux plus démunis, néanmoins, je trouverai sain que les avocats soient rappelés à leur responsabilité particulière, et que l'impact soit financier s'ils ne pratiquent pas l'AJ.

Le taux de 10% proposé est probablement excessif, mais je crois qu'il a été choisit plus par facilité de calcul pour faciliter l'exposé de l'idée.

Le montant devrait être raisonnable, juste assez pour ne pas encourager des non spécialistes à faire de l'AJ dans des domaines ne relevant pas de leur compétence.

S'agissant des montants de revenus, les chiffres avancés correspondent à des chiffres personnellement rencontrés et qui sont confirmés par l'étude de Village Justice par exemple :
www.village-justice.com/a...

Notamment en pages 4 et 5 en notant qu'évidemment il s'agit de moyennes. A cela s'ajoute que de cabinet à cabinet les différences peuvent être importantes, et que les personnes concernées par les plus haut revenus ne participent pas souvent à ce type d'études. Mais il ne s'agit évidemment de loin pas de la majorité même des avocats d'affaires.

52. Le vendredi 24 novembre 2006 à 17:03 par Dini

@Criton (#50)

Je ne comprends toujours pas ce qui justifierait que les avocats financent l'AJ, pas davantage que je ne comprendrais que les médecins doivent financer la sécurité sociale.

"la profession d'avocat emporte (ou devrait emporter) une certaine responsabilité de la profession dans l'accès à la justice des plus démunis, dans la mesure où bien souvent le ministère d'avocat est obligatoire".

Je ne vous suis pas: le ministère d'avocat n'est souvent pas obligatoire et, quand il l'est, c'est parce qu'on ne saurait guère imaginer comment la justice s'en dispenserait: droit pénal, droit de la famille... Pour ce qui est des contentieux purement "financiers", l'avocat n'est obligatoire que lorsque l'enjeu du litige dépasse 10.000 euros (il me semble que ce n'est pas rien...) et que l'affaire n'est pas commerciale. Bref, les avocats ont simplement un monopole de la représentation en justice, comme les médecins ont un monopole dans la pratique de leur art, non sur le fondement d'un quelconque privilège ou de l'achat d'une charge(Plume d'Oie, si vous me lisez...) mais sur celui de leur compétence, sanctionnée par un diplôme.

Mais l'Etat ne leur accorde guère d'autre privilège que des AJ payées au lance-pierre et je ne conçois pas ce qui justifie d'en faire une obligation.

53. Le vendredi 24 novembre 2006 à 17:20 par Criton

@Dini (#52)

Il serait intéressant de savoir la proportion que représentent les dossiers avec représentation obligatoire sur les demandes d'AJ. Probablement beaucoup.

Les médecins sont aussi mis à contribution par la sécurité sociale lorsqu'il s'agit des négociations d'honoraires, ils ne payent pas, mais sont plus ou moins payés.

Je ne dis pas, n'ai jamais dis et ne dirai jamais que les avocats doivent financer intégralement l'AJ.

Je dis seulement qu'il me semblerait important que tous les avocats soient conscients de leur rôle un peu spécifique dans la société en tant qu'auxiliaires de justices.

Et cela pourrait prendre la forme proposée par GroM, soit ils font de l'AJ, soit ils y contribueraient financièrement, dans la logique du mouvement en cours qui a justement pour objet d'améliorer la situation de l'AJ payée "au lance-pierre".

La logique là derrière n'est pas une logique financière, mais seulement un point de vue sur le rôle de l'avocat dans la société, rôle qu'il ne devrait pas oublier quand bien même il serait bien loin des problèmes de ses confrères vivant de l'AJ.

Et sur ce point, visiblement, nos opinions divergent...

54. Le vendredi 24 novembre 2006 à 18:52 par Dini

Effectivement, nous ne sommes pas d'accord.

Je pense pour ma part que l'engagement citoyen, le "point de vue sur le rôle de l'avocat dans la société" doivent être des choix individuels et non la résultante d'une obligation imposée par l'Etat. Je fais pour ma part certains choix (qui se traduisent par exemple par le fait d'avoir environ 20% de dossiers personnels facturables, le restant étant du véritable pro bono) mais je ne pense pas devoir imposer mon point de vue sur le rôle de l'avocat dans la société à tous mes confrères.

Quant à dire qu'une logique imposant à ceux des avocats ne souhaitant pas faire d'AJ (vous aurez noté plus haut que je ne prêche pas pour ma chapelle, je suis bel et bien inscrit) de payer 10% de leur CA pour financer ladite AJ "n'est pas une logique financière", ça me laisse un peu dubitatif...

Faire financer sans contrepartie un service public par ceux qui le rendent me semble grotesque. Soit l'Etat accorde aux avocats des droits spéciaux (je parle ici en termes financiers) qui justifient que des obligations spéciales (toujours financières) soient imposées (c'est l'exemple des piscines municipales), soit il finance décemment par la solidarité nationale le service public qu'il met (fort heureusement) en place. Inutile de préciser que ma préférence va à la seconde solution, la première (et là encore, nous ne sommes pas d'accord puisque votre faveur va aux numerus clausus) conduisant à la création de confréries inaccessibles de privilégiés.

55. Le vendredi 24 novembre 2006 à 19:07 par hilde

(j'ai pas eu le courage de lire tout les commentaires de tout les billets "avocat en colère, désolé donc si c'est une redite)

Au vus de tout ces soucis, je me disait pourquoi ne pas faire de cette profession d'avocat une profession de service publique tout comme la profession de médecin.
La sécurité social assure pour tous d'avoir des soins de qualité (de très haute qualité par rapport à la moyenne mondiale d'ailleurs) avec des médecins (d'hôpitaux)"fonctionnaires" qui se mettent en quatre pour leurs patient. En plus, certains décident de travailler en libérale, donc sans remboursement total de la sécu pour les gens qui souhaitent avoir le service en plus.
Ne serait il pas possible de transposer ce fonctionnement pour le métier d'avocat ? Des avocats "fonctionnaire" payés en fonction de leur diplôme (donc bien payés) et d'autre qui choisiraient le privé (donc avec des revenus très faible ou très très haut)

Evidement, cela sous entendrait qu'en plus de payé pour la sécurité sociale, il y aurait un nouvel truc (j'ose pas dire impôt ou taxe) "sécurité juridique"

J'imagine que c'est une mauvaise idée (parce que sinon elle existerait déjà, j('ai pas inventer l'eau chaude) mais j'aimerais savoir pourquoi est elle mauvaise ?

56. Le vendredi 24 novembre 2006 à 19:10 par hilde

--- évidement, un rafraichissement de la page m'indique que j'ai 41 post de retard... ---
toujours tourner 7 fois son clavier dans sa bouche avant de poster ...

57. Le samedi 25 novembre 2006 à 01:58 par Delio

@ hilde

Malgré votre "mea culpa", je tiens quand même à préciser que si tout un chacun est potentiellement malade (d'où la contribution généralisée à la SS), heureusement, tout un chacun, bien que potentiellement justiciable, doit bien souvent cet état de fait à une contribution volontaire de cet état de fait. Je ne me souviens pas d'un virus de la faillite frauduleuse ou d'un microbe du délit de fuite ni même du moindre amibe du trafic de stupéfiant. Je n'en dirai pas autant de la grippe, la tuberculose ou la poliomélite.

Ce qui n'empeche pas que "tout travail méritant salaire" il conviendrait que, a minima, les avocats rentrent dans leurs frais dans les cas où ils offrent leurs services à des justiciables bénéficiant de l'aide juridictionelle.



PS : MMes et MM. les juristes, avocats, magistrats et autres habitués des palais de justice, vous serait-il possible , à l'instar du maître ;-) de ces lieux, de bien vouloir écrire "in extenso" et non user et abuser des abréviations qui vous sont familières mais non à nombre des lecteurs de ce blog. Merci.

58. Le samedi 25 novembre 2006 à 07:40 par Schmorgluck

En fin de compte, il apparaît que la profession d'avocat est à la fois une des moins bien connues du grand public et une de celles sur laquelle a le plus d'idées préconçues.
Je me dis qu'il serait intéressant d'avoir des statistiques sur les revenus nets des avocats. Avec revenu moyen, revenu médian (voire répartition des déciles). Évidemment, pour que ça soit informatif, il faudrait avoir les données par aire géographique et par spécialité.
Mmmmh, à la réflexion, je suppose (n'étant pas statisticien) que ce serait super-compliqué à réunir et à traîter, comme informations.

59. Le samedi 25 novembre 2006 à 10:15 par tam'

A Schmorgluck (commentaire 58) :

Le CNB possède des statistiques : www.cnb.avocat.fr/PDF/cah...

60. Le dimanche 26 novembre 2006 à 12:45 par XB

Une question tout de même: est-ce que ce n'est pas la question de l'exercice libéral d'une profession qui est en cause?

Dans une économie de plus en plus spécialisée, le rôle de l'avocat est-il de gérer son cabinet OU de défendre ses clients?

Existe-t-il des groupements d'avocats, comme il existe des groupements de médecins?

Peut-on imaginer des structures entrepreneuriales regroupant plusieurs avocats (salariés, avec intéressement ou autre mode de rémunération)et dégageant ainsi les ressources nécessaires pour créer un ou plusieurs postes administratifs (auquels reviendrait la gestion économique et administrative du cabinet). L'ensemble serait un peu sur le modèle des cabinets de consultants dans le domaine de l'ingéniérie ou, à une échelle moindre, aux sociétés de médecins.

Globalement, des économies sont réalisées, car les travaux de secrétariat/comptabilité/adminsitration sont assurés par des spécialistes, réservant les seuls problèmes de droit aux avocats.

La compétence, au lieu d'être garantie par la réputation de l'avocat, l'est par celle de l'entreprise.

61. Le dimanche 26 novembre 2006 à 15:26 par Pauvre sotte

@XB

Me voilà bien étonnée. Il me semblait que ces professionnels s'associent et se regroupent fréquemment en "Cabinets" de tailles diverses, ce qui entre autres , leur permet de partager les moyens matériels, locaux, secrétariat, comptables... J'avais l'impression qu'ils s'étaient déjà préoccupés de réaliser des économies d'échelle.

Faut-il comprendre que vous considérez comme une avancée majeure de placer à la tête du tout un patron non avocat, fin administrateur, qui choisirait les affaires, discuterait les conditions financières des contrats (souvent me semble-t-il liées à la difficulté de l'affaire, il faut espérer qu'il saurait l'apprécier), veillerait à la productivité de ses troupes salariées, distribuerait des rémunérations mensuelles, peut-être pimentées par une pincée de rémunération au pourcentage, qui fatalement rechercherait la minimisation des charges et de la maximisation des recettes ?

Je vois pas en quoi la réputation de l'entreprise garantirait mieux la compétence que celle de ceux qui en sont les cerveaux.
Je ne suis pas sûre que leurs clients y gagneraient.

62. Le lundi 27 novembre 2006 à 20:45 par Xavier Martin-Dupont

Une suggestion, dont je sais qu'elle n'est pas possible en l'état de notre droit mais peut être pourrait-on le faire évoluer bien que cela ne règle pas tous les problèmes.

J'ai eu recourt à l'AI, contraint et forcé dans une affaire en diffamation pour laquelle j'ai été poursuivi par Claude Vorilhon dit Raël. Je précise contraint et forcé puisque l'instance étant civile la représentation par avocat est obligatoire alors même que j'ai le niveau pour me défendre par moi-même mais aps les ressources : J'ai rédigé mes conclusions et mon avocate n'as pas eu à intervenir sur le fond.

Je suis bien conscient que :mpon cas particulier ne reflète pas celui des justiciable en général.

Ceci dit j'ai observé que mon adversaire a été prié de me verser en appel la somme de 2000 euros qui s'ajoute au 2000 euros au tire de l'article 700 de la première instance.

Je précise qu'en première instance j'ai eu les services d'un avocat hors aj avec lequel j'ai négocié le montant de ses honoraire et que j'ai finalement payé - grâce à l'aide d'autre internaute - mais au lance pierre sur un an - ce qui n'est pas des plus sympathique j'en conviens mais je n'avais pas d'autre solution. Globalement cela m'est revenu à 2000 euros dont 500 pour l'avocat postulant qui représentait sur Paris son confrère du barreau de Marseille.

Ceci étant dit à partir du moment ou un dossier est gérée via l'AI, pourquoi les sommes obtenues au titres des frais irépétibles ne pourraient pas être reversées - au moins en partie - à l'avocat qui est intervenu dans le dossier ?

On m'objectera très probablement que ça ne règlerait pas le problème de ceux qui bénéficiant de l'AI parce qu'il faut bien trancher entre les parties se retrouve du mauvais côté (et par ricochet celui de leur avocat)...Et il est clair que la faiblesse de leur revenus rendra particulièrement difficile le fait d'avoir à assumer le paiement des frais ou des dommages et interêt.

D'autre part ce n'est pas parce qu'un avocat perd une cause qu'il n'a pas travaillé sur le dossier ou qu'il n'a pas cherché à défendre au mieux les interêts de son client. il faudrait donc partager les sommes entre les parties dans le cas d'une intervention de l'AI.

Enfin reste le pénal pur mais là encore je ne vois pas pourquoi la puissance publique ne pourrait pas être priée de verser son dû dès lors qu'elle expose un individu qu'il en ait ou non les ressources à devoir se défendre et par conséquent à celui qui doit le représenter.

63. Le mardi 28 novembre 2006 à 07:21 par fred

Si on veut un service publique de l'AJ, il faut des fonctionnaires. Cela est-il tellement en contradiction avec une organisation corporatiste, qui fonctionne, comme beaucoup d'autres (pharmaciens, avocat auxconseils, etc.) sur le principe d'un monopole et d'une autorégulation. Le gros problème, c'est que contrairement à ces autres corporations, les avocats n'ont pas "tenu" leur numerus clausus, et insidieusement, l'odieuse concurrence est arrivée. D'où les revendications tendant à une forme de "fonctionnarisation".

L'AJ est une bonne chose, mais elle est incompatible avec la profession libérale. On ne peux pas garantir un "SMIC" de luxe. C'est beaucoup trop coûteux.

64. Le mardi 28 novembre 2006 à 07:34 par fred

En réalite le principe de ces professions dites "libérales" mais qui sont en réalité ultra-réglementées est très nocif : notaires, médecins, pharmaciens, etc. Ce sont elles qui ont fait le "non" à l'Europe, en réussisant à faire peur avec le plombier polonais. Elles se sont exclues de la directive services. S'il vous plaît, pas de concurrence pour nous : c'est mieux pour le consommateur.

Une hausse du tarif AJ provoquera évidemment une hausse des tarifs pour ceux qui ne bénéficient pas de l'AJ et alourdira les finances publiques. Oui à l'AJ mais par des fonctionnaires. D'ailleurs, dans beaucoup de pays, médecins, notaires, etc sont des fonctionnaires. Ou alors, ils sont "vraiment" en libéral, et ce n'est pas la collectivité qui paye.

Un autre argument : avec le système actuel, où va un bon avocat ? Dans des secteurs qui gagnent le plus d'argent, pas auprès de la clientèle "AJ" (ne nous faites pas le coup du désintéressement absolu, en réclamant de l'argent). Donc a priori ce ne sont pas les meilleurs qui vont à l'AJ => les pauvres ont de mauvais avocats (c'est vrai que c'est mieux que ne pas en avoir, mais on part du postulat que le système ne tiendra pas car il se rapproche du communisme et on connait le résultat, et qu'il faut le changer). Ne serait-ce pas mieux d'avoir un petit corps de fonctionnaires très bons, recutés sur concours, réservés aux très pauvres. Tout en améliorant l'efficience des procédures. Justice et qualité.

65. Le mardi 28 novembre 2006 à 18:19 par GroM

@Fred: "Si on veut un service publique de l'AJ, il faut des fonctionnaires. "

Vous avez une conception étroite du service public. Il existe bien des domaines où des missions de service public sont remplies par des personnes privées.

"Ce sont elles qui ont fait le "non" à l'Europe"

Tous les juristes que je connais étaient favorables au TECE.

"un petit corps de fonctionnaires très bons, recutés sur concours, réservés aux très pauvres"

Le problème avec ce système - auquel je ne suis pas opposé par principe - est que les justiciables ont un continuum de revenus qui va de pas du tout à la folie en passant par un peu et beaucoup. Avec votre système, j'ai bien peur qu'il n'y ait un effet de seuil redoutable. Je déteste les effets de seuil: ils sont la preuve qu'une insuffisante prise en compte de la réalité cause directement des injustices.


"avec le système actuel, où va un bon avocat ? Dans des secteurs qui gagnent le plus d'argent, pas auprès de la clientèle "AJ""

Le maître de ces lieux appréciera ;-)

66. Le mardi 28 novembre 2006 à 22:45 par fred

Quel service public est rendu par des non fonctionnaires ? La santé ? on sait que le système de la sécu n'est pas viable, en partie à cause des prétentions extravagantes des médecins, qui ont des tarifs de consultation garantis par la collectivité. En plus on sait que bcp refusent les CMU : bravo pour le sens du service public. Les notaires ? n'importe quel fonctionnaire est plus efficace qu'un notaire.

Pour revenir à l'AJ, de toute façon, fournir un service gratuitement ou en dessous de sa vraie valeur conduit nécessairement à une dérive de déresponsabilisation, c'est humain et normal. Effectivement, où placer le curseur pour définir les pauvres ayant droit à l'AJ ? Mais si tout le monde y a droit c'est le communisme. Ou alors, mais c'est la même chose, c'est comme l'Education nationale : c'est très couteux (ruineux), pas très efficace (de moins en moins) et la prétendue égalité est contournée de mille façons (ascenceur social en panne depuis longtemps, abscence de débouchés, sélectivité sociale avant tout, etc.)

Les juristes pour le "oui" ne sont probablement pas ceux qui profitent le plus des avantages d'une corporation fermée. La corporation des avocats est une de celle qui s'est le plus longtemps opposée à l'équivalence des diplomes, à la liberté d'établissemnt, bref à la liberté des services au profit des consommateurs, bref à l'idée même de la construction européenne : un espace de liberté au nom de la rationnalité et de la paix. Pourquoi à votre avis les services juridiques et la santé sont les deux secteurs exclus de la directives services (avec les jeux) : ce sont des monopoles fermés et très juteux. Pas pour tout le monde, je le reconnais, mais le pb des avocats c'est d'avoir lâche leur numerus clausus dans les années 80. C'est pour ça qu'ils veulent rogner sur les marchés encore plus fermés des notaires, des conseils en brevets, etc.

Le concept d'AJ est très généreux et c'est une gloire de la France dans ce domaine, mais il ne peut pas être généralisé, car il est économiquement dangereux. C'est pourquoi il faut le restreindre le plus possible. Par contre, je pense que la profession aurait beaucoup à gagner, en tout cas ceux qui ne bénéficient pas de niches juteuses, à accroitre la transparence des prix, la vraie concurrence, la publicité, bref tout ce qui rend un secteur dynamique.

Je trouve le site passionnant. Travailler pour l'aide juridictionnelle n'est pas une critique en soi, mais il est évident que les avocats les plus ambitieux se consacrent à d'autres secteurs, et donc que les plus riches auront encore les meilleurs avocats. Sauf à interdire l'exercice de la profession libérale, mais on en est encore loin. On peut tomber sur un très bon avocat en demandant l'AJ, mais aussi sur un très mauvais. D'ailleurs, ce serait pas mal d'avoir des infos sur la qualité des avocats, des données quantitatives sur les taux de réussites ou d'échec, des "rankings" (mot atroce). Je blague, bien sûr !

67. Le samedi 2 décembre 2006 à 13:24 par Marin

Est-il vrai que l'aide juridictionnelle accordée pour un avocat ne peut lui être versée lorsque son mandat est interrompu à son initiative ou à l'initiative de son client ? Si oui, à quoi peut-il prétendre ?

68. Le lundi 4 décembre 2006 à 10:42 par Toulousaine

@fred :

Selon les chiffres de l'UNCA, sur la totalité des avocats français, 47 % effectuent des missions au titre de l'aide juridictionnelle. Sachant que Paris représente 40 % de l'effectif de la profession et que les avocats parisiens n'assurent qu'environ 5% de la totalité des missions d'aide juridictionnelle, une approche plus concrète permet d'affirmer qu'environ 75 % des avocats en dehors de Paris effectuent des missions au titre de l'AJ.

Encore plus intéressant : l'Observatoire de l'accès au droit du CNB indique en septembre 2006 :

Dans neuf régions, il y a plus d’avocats indemnisés au titre de l’aide juridictionnelle que d’avocats implantés dans la région. Cinq régions sont situées au sud de la France : Rhône-Alpes, PACA (plus de 2 points d’écart), le Languedoc-Roussillon, l’Aquitaine et Midi-Pyrénées et deux sont située dans le Nord : la Lorraine et le Nord - Pas de Calais.

La carte de France permet de bien visualiser que c’est dans les régions où l’activité économique est la plus forte que se situent les plus forts effectifs d’avocats pratiquant l’AJ.

L'argument gratuit et ultralibéral de fred selon lequel : "avec le système actuel, où va un bon avocat ? Dans des secteurs qui gagnent le plus d'argent, pas auprès de la clientèle "AJ" (ne nous faites pas le coup du désintéressement absolu, en réclamant de l'argent). Donc a priori ce ne sont pas les meilleurs qui vont à l'AJ => les pauvres ont de mauvais avocats (c'est vrai que c'est mieux que ne pas en avoir, mais on part du postulat que le système ne tiendra pas car il se rapproche du communisme et on connait le résultat, et qu'il faut le changer)."

est donc une simple vue de l'esprit, ou peut-être la vue d'un esprit simple...

Nous ne pouvons accepter que le mouvement légitime pour une réforme de l'aide juridictionnelle soit relégué à une vision strictement mercantile. Nous sommes des auxiliaires de justice, c'est ce qui nous distingue des experts comptables, c'est ce qui nous distingue des juristes d'entreprise : nous défendons des personnes physiques et morales, nous avons des obligations déontologiques, nous avons une charge de service public car nous sommes l'un des piliers de la Justice. C'est pourquoi nous menons ce combat.

Il ne s'agit pas d'un combat misérabiliste, car au-delà de la revalorisation de l'unité de valeur, qui n'est qu'une revendication légitime fondée sur des promesses des gouvernements de gauche et de droite qui n'ont jamais été respectées, notre combat transcende une juste rémunération de notre activité : il s'agit de défendre l'accès au droit.

C'est un combat pour une justice digne, dotée des moyens qu'un pays prospère comme la France est en mesure de lui accorder.

En 2004, selon le rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la Justice, la France a consacré 4,7 euros par habitant à l'aide judiciaire. Le Royaume Uni, le plus économiquement libéral des pays européens, lui en a consacré 57,9 euros...

Le ratio entre le budget annuel consacré à l'aide judiciaire par habitant par rapport au PIB par habitant place la France derrière l'Estonie, le Portugal, l'Irlande, l'Allemagne, le Royaume Uni... Ceci est a rapprocher avec le budget consacré à la justice, qui place la France derrière la Grèce, l'Espagne, l'Italie, la Roumanie, le Portugal, la Hongrie, la Pologne, l'Allemagne et la Russie entre autres...

Il n'est donc pas surprenant de constater que la France se trouve reléguée au bas du tableau en ce qui concerne la dotation moyenne par mission d'aide judiciaire qui est de 350 euros, alors qu'au Royaume Uni la dotation est de 1260 euros et en Islande de 3061 euros...

Heureusement la France est un des pays qui permettent un accès des plus amples à l'aide judiciaire, et le Ministre de la Justice ne s'est pas privé de le rappeler lors de la non-discussion des amendements préparés par la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale pour la revalorisation de l'unité de valeur à 15% à l'occasion des débats parlementaires du 16 novembre 2006 relatifs à la loi de finances pour 2007 :

"Deuxième engagement : rendre la justice accessible à tous les citoyens. L'accès au droit doit être favorisé, et particulièrement le droit pour les plus démunis à disposer d'un avocat. Sur ma proposition, le Premier ministre a décidé un effort important en faveur de l'aide juridictionnelle, dont les crédits progresseront de 6,6 %, soit 20 millions. Sur cette somme, plus de 16 millions seront consacrés exclusivement à la revalorisation de l'unité de valeur, qui permet de fixer la rétribution des avocats. Le solde ira aux actions conduites par les barreaux en faveur d’une défense de qualité, compte tenu de la stabilisation du nombre d'admissions à 881 000 bénéficiaires – nous sommes champions de l’ensemble des pays du Conseil de l’Europe ! Le budget total de l'aide juridictionnelle sera ainsi de 323 millions en 2007."


C'est un effort de solidarité nationale que nous ne devons en aucune sorte abandonner. Mais c'est un effort qui pèse essentiellement sur les épaules de notre profession. Non pas sur 4% de notre profession (4% est la part de l'aide juridictionnelle dans le chiffre d'affaire de l'ensemble de la profession), mais sur 47% (voire même 75% en province) de notre profession. Ceci est une charge déséquilibrée que nous ne pouvons tolérer. C'est ce que le Conseil National des Barreaux et la Conférence des Bâtonniers n'ont eu de cesse de faire valoir auprès des gouvernements depuis 2000 : la France doit garantir un accès au droit digne pour le justiciable.

Dans ce combat pour une meilleure justice pour la France, les avocats ne peuvent que se solidariser et appuyer les revendications de l'ensemble des syndicats de la magistrature et du personnel des greffes qui visent également à ce que des moyens conséquents soient dégagés pour offrir aux citoyens une justice digne de ce nom.

Pour mémoire :

Extraits du rapport adopté par l'assemblée générale du CNB le 14 décembre 2002 :

"Quant à la prime à l’avocat d’AJ et la distorsion entre les avocats des pauvres et les avocats des riches, elle sont apparues tout aussi inacceptables, tout comme la suspicion permanente d’un Etat interventionniste qui s’interposait comme « protecteur du consommateur » face aux « abus constants et les fraudes avérées» des professionnels irresponsables que nous paraissions être."

Extraits de la motion SUR LA REFORME DE L’ACCES AU DROIT ET A LA JUSTICE prise par la Commission ouverte d’Accès au droit du Conseil National des Barreaux, à l’occasion de la Convention nationale des Avocats qui s’est tenue à Nice les 10, 11 et 12 octobre 2002 :

La Commission ouverte d'accès au droit du CNB s’insurge totalement et unanimement contre la notion de « profession à deux vitesses ».

Elle insiste néanmoins sur le fait qu’une grande partie de la profession ne doit pas continuer à être pénalisée par la carence d’un service public auquel on lui demande de participer très activement et de plus en plus souvent.

Elle relève aussi comme Monsieur le Ministre qu’il existe cependant un réel besoin de société et que cette réforme doit être faite avant tout dans l’intérêt du justiciable.


Extraits du rapport adopté par l'assemblée générale du CNB en 2003 :

La loi inscrit donc comme un droit fondamental l’accès au droit et à la Justice pour tout citoyen. Toutefois, entre l’affirmation du principe et son application, il existe une nuance de taille.

Même si des ressources complémentaires peuvent être envisagées par le biais dela protection juridique, il appartient à l’Etat de se donner les moyens de la politique d’accès au droit et à la Justice que les gouvernements successifs affirment.

Par ailleurs, le système mis en application en 1991 n’est plus adapté à la situation, « il y a lieu de le marquer d’emblée : la demande d’une remise à plat du système mis en application il y a dix ans correspond à une véritable nécessité », (préambule rapport BOUCHET) :

1°) L’explosion des demandes d’aide juridictionnelle due notamment au relevé significatif des seuils d’admission à l’aide juridictionnelle par la Loi du 10 juillet 1991 et la demande de droit de plus en plus pressante dans un environnement juridique de plus en plus complexe nécessite un effort financier certain.
2°) Nombre de personnes se trouvant à la limite du seuil d’éligibilité à l’aide juridictionnelle ne bénéficient pas d’un véritable accès au droit et à la Justice.
3°) Le système mis en place par la Loi de 1991 conçu comme un régime d’indemnisation des professionnels prêtant leur concours au titre de l’aide juridictionnelle a fait peser sur la profession d’avocats, une charge devenue insupportable.

Or, il n’y a pas de véritable politique d’accès au droit et à la Justice sans recours à un professionnel compétent et indépendant, seule garantie de l’égalité des citoyens devant la Justice.



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