Zapi days
Par Eolas le jeudi 4 mai 2006 à 15:00 :: Droit des étrangers :: Lien permanent
Où l'auteur vous invite à continuer avec lui la visite des arrières-cours de la Répblique.
La zone d'attente, autrefois zone d'attente des personnes en instance (ZAPI), est prévue par la loi : les articles L.221-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
La définition est assez elliptique : est zone d'attente la zone « située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée ».
Notons cette distinction : l'étranger refoulé qui ne demande pas l'asile (on l'appelle « non admis ») et le demandeur d'asile dans l'attente de l'examen sommaire de sa demande.
L'étranger se présentant à la frontière sans visa, ou avec des documents de voyage douteux, ou pour demander refuge en France est placé en zone d'attente par décision de la police (L.221-3) pour une durée ne pouvant excéder quarante huit heures (comprendre : quarante huit heures, donc). L'administration ne le considère pas comme prisonnier puisqu'il ne relève pas de l'administration pénitentiaire (ça, c'est de la démonstration juridique) et qu'il peut partir à tout moment. Vers son pays d'origine ou tout autre l'acceptant, pas en France, cela va sans dire.
Celle que les avocats parisiens connaissent bien sont celles de Roissy. Il y a eu feu la ZAPI 1, que nul ne regrette, qui occupait deux étages loués à l'année dans l'hôtel Ibis de Roissy. Elle a fermé en 2001 quand ZAPI 3 a ouvert. ZAPI 2 a ouvert en juillet 2000, et est constitué d'un bâtiment du centre de rétention du Mesnil-Amelot, séparé par des grilles et des barbelés, et auquel ont été ajoutés des bâtiments Algeco . Je n'y ai jamais mis les pieds, mais voici la description qu'en donne l'ANAFE, l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers :
La Zapi 2, (…) abrite cent vingt lits. Elle est composée d'un bâtiment en dur et de plusieurs baraquements de type « Algeco ». En général y sont rassemblés les étrangers ayant demandé leur admission en France au titre de l'asile, qui attendent le résultat de cette demande, lorsque la Zapi 3 accueille plutôt les « non-admis ». La Zapi 2, organisée en très petites chambres de deux lits superposés, ne comprend aucun local collectif (à l'exception de couloirs très étroits). La partie « Algeco », un vaste dortoir et quelques sanitaires, ne permet aucune intimité. Dehors, entre les bâtiments et les grilles qui l'entourent, l'espace est également très réduit. Si la Zapi 3 évoque une prison, la Zapi 2 se rapproche plus du camp[1]. Les étrangers s'y plaignent du froid (les cabines téléphoniques sont situées à l'extérieur du bâtiment), de l'absence d'espace pour évoluer, et de l'isolement : les locaux administratifs (où se trouve la police) sont totalement indépendants des bâtiments où ils sont hébergés.
La ZAPI 3 a été ouverte en 2001, inaugurée par Daniel Vaillant. Elle est plus présentable, et se veut sans nul doute une vitrine. Elle est coincée près de la zone fret 1, du coté des aérogares 2A et 2B En voici quelques photos prises par Olivier Aubert. Elle a une capacité de 180 personnes, un médecin s'y trouve à mi temps, une infirmière à plein temps (personne les week ends, jours fériés et pendant les vacances des praticiens), et les étrangers peuvent leur rendre visite à tout moment. Ce n'est pas le cas des étrangers en ZAPI 2, qui doivent être transportés à ZAPI 3. L'attente est couramment d'un ou deux jours, faute de moyens.
En voici un plan, fait par l'ANAFE. Notez la partie grise, celle où les étrangers peuvent circuler librement.
Les avocats s'y rendent assez peu, en raison de l'éloignement. Il est possible de téléphoner à nos clients, des téléphones publics sont à leur disposition.
Appeler un client en zone d'attente est un moment vraiment poignant. C'est un étranger placé en zone d'attente qui vous répond. Là, c'est la roulette. Parle-t-il français, est-il compréhensible ? Vous lui dites le nom de votre client, et que vous êtes « avocat », mot magique. Là, la personne qui vous a décroché fera l'impossible pour vous le trouver. Et parfois, on frôle l'impossible. Donner le nom d'un péruvien à un congolais est un prouesse linguistique qui fait passer Champolion pour un amateur.
Dès qu'il parviendra à articuler un borborygme ressemblant phonétiquement au nom concerné, il se mettra en quête de votre client, laissant le combiné pendre dans le vide, et vous avez, pendant quelques minutes, l'ambiance sonore de ZAPI3. Le son des télés à tue-tête, quelques appels au hauts-parleurs, et régulièrement, noyé dans le brouhaha, votre interlocuteur, qui répète indéfiniment le nom de votre client, en le déformant un peu plus à chaque fois.
Parfois, d'autres locataires des lieux, ravis de cette diversion, l'aident, et vous entendez des personnes aller de chambres en chambre en répétant le nom.
La solidarité du tiers monde, elle est là. Vous l'entendez au téléphone. Chinois, Péruviens, Colombiens, Turcs,Congolais et Ivoiriens, tous se mettent à la recherche de celui que vous aidez, de celui qui, lui, a peut être une chance. Cruelle ironie : aux yeux de la loi, elle n'a même pas lieu en France puisque juridiquement, ils n'ont jamais accédé au territoire.
Outre Zapi 1 et 2, il existe à travers l'aéroport une multitude de lieux de stockage temporaire des étrangers le temps qu'un véhocule puisse les acheminer jusqu'à une zone d'attente.
Au bout de quarante huit heures, l'examen de la demande est généralement encore en cours. Le placement en zone d'attente est alors renouvelé par la police. Au bout de quatre jours, seul un juge peut ordonner la prolongation, pour une durée de huit jours.
L'étranger est alors conduit par la police devant le juge des libertés et de la détention pour être maintenu huit jours de plus. J'ai déjà raconté une telle audience.
C'est la première intervention de l'avocat. Elle se résume à deux points : contrôler la procédure, et offrir si possible des garanties de représentation, c'est à dire un domicile en France qui permettra à l'administration de le contacter pour la suite. La procédure suppose que les droits de l'étranger en zone d'attente lui ont été notifiés[2]. La garantie de représentation est une personne en situation régulière qui présente l'original de son titre de séjour ou d'identité s'il est français, qui s'engage par écrit à héberger l'étranger et présente des justificatifs de domicile.
Si ce n'est pas possible, retour en zone d'attente pour huit jours, renouvelables une fois. C'est donc jusqu'à 20 jours (48 heures + 48 heures + 8 jours + 8 jours) que l'étranger peut passer en zone d'attente. Au bout de ces 20 jours, l'étranger doit être remis en liberté. Notez bien qu'à ce moment, il est toujours en situation irrégulière et encourt d'ores et déjà un an de prison.
Mais pendant ce temps, l'administration ne reste pas inactive. L'étranger non admis est réacheminé : c'est une obligation qui pèse sur les compagnies aérienne d'assumer le rapatriement des étrangers non admis qu'elle a conduit en France. Une façon de la forcer à être vigilante sur le contrôle des papiers de ses passagers ? Certainement pas, elle ne peut se le permettre pour des questions d'iamge. Non, le surcoût ainsi engendré est répercuté sur le prix des billets. La taxe Chirac n'est donc pas une nouveauté, à chaque billet d'avion, vous financez l'accès au voyage aérien de ressortissants de pays pauvres. La difficulté qui peut apparaître est que le pays d'origine refuse d'accueillir son ressortissant. Mauvaise volonté, parfois, mais surtout, nombre d'étrangers détruisent leur passeport à l'arrivée ou ont de faux documents, ce qui fait que leur pays d'origine ne peut confirmer leur identité. Dans ces cas, le réacheminement étant impossible, c'est la voie correctionnelle qui est utilisée: trois ans de prisons sont encourus par l'étranger qui ne peut produire les documents permettant l'exécution d'une mesure de reconduite, de réacheminement ou d'expulsion à son égard [3] ainsi que dix ans d'interdiction du territoire. Avec parfois un circuit tentative de déportation-emprisonnement et rebelotte. L'homme qui n'existait pas, vous vous souvenez ?
Pour le demandeur d'asile, c'est différent. Avant de le réacheminer, le ministre de l'intérieur examine si la demande n'est pas manifestement infondée. Oui, le ministre de l'intérieur. Pourquoi ? Qu'est ce qui vous permet de douter de son objectivité en la matière ?
L'organisme compétent en matière de demande d'asile est l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA). Il est obligatoirement consulté pour avis, dit la loi.
Le ministre peut donc, au bout de quelques jours, refuser la demande d'asile de l'étranger, et ordonner qu'il soit immédiatement réacheminé, et le voici assimilé à un non admis. Si le ministre considère que la demande n'est pas manifestement infondée, ce qui ne signifie pas qu'elle est fondée : mais l'étranger est muni d'un sauf-conduit valable huit jours, à charge pour lui de se rendre à sa préfecture retirer un dossier de demande d'asile. Bienvenue en France, ô mon frère, tes ennuis ne sont pas finis, mais ce billet en a fini avec toi. Nous te retrouverons bientôt.
Alors, le réacheminement, qu'est-ce donc ?
Réponse demain, chers amis, où vous découvrirez la compagnie aérienne de la République : Air Chiotte.
Notes
[1] Vu le tollé qu'a provoqué l'emploi du mot déportation dans le billet précédent, je m'abstiendrai de rechercher la définition d'un camp où sont placés par simple décision de police des personnes indésirables le temps qu'il soit procédé à leur transport forcé hors du territoire.
[2] Demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. Mention doit en être portée sur un registre spécial dont une photocopie se trouve au dossier.
[3] Permettez moi d'employer un seul terme pour toutes ces mesures, afin de m'éviter des redondances administratives : le terme de déportation, sans parallèle douteux avec LA Déportation, bien entendu
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