L'arrêt de la cour d'appel dans l'affaire Guillermito
Par Eolas le jeudi 23 février 2006 à 20:06 :: L'affaire Guillermito :: Lien permanent
Pour ceux qui souhaitent aller à l'essentiel, la cour donne son opinion à partir du paragraphe "Sur l'action publique (jugement du 8 mars 2005)", quand les paragraphes commencent par "Considérant que".
J'ai inclus quelques commentaires entre crochets et en caractères Arial gras, car il y a quelques perles dans cet arrêt.
Bonne lecture.
DÉCISION:
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par:
- le prévenu Guillermito et le Ministère public à l’encontre du jugement prononcé le 8 mars 2005 par le Tribunal de Grande Instance de Paris,
- le prévenu Guillermito, les parties civiles L'auteur du logiciel et Tegam International, représentée par le mandataire liquidateur de la société, à l’encontre du jugement prononcé le 7juin 2005 par le Tribunal de Grande Instance de Paris.
En raison de la connexité, la Cour joindra les procédures (…) et statuera, par un seul et même arrêt (sous le n° 05/03075) sur les appels interjetés contre les deux décisions entreprises.
[Voici l'argumentation de TGAM et de l'auteur du logiciel, résumée par la cour :] Par voie de conclusions, le mandataire liquidateur de la société Tegam International et l'auteur du logiciel demandent à la Cour de:
- Condamner Monsieur Guillermito à verser au mandataire liquidateur de la société Tegam International la somme de 829.446,40 € à tire de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- Condamner Monsieur Guillermito à verser à l'auteur du logiciel la somme de 37.792,21 € à titre de dommages et intérêts, augmentés des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans les journaux “01 Informatique” et “Les Echos” aux frais de monsieur Guillermito,
- Ordonner la destruction des éléments placés sous scellés,
- Condamner le prévenu à verser à chaque partie civile la somme de 5.000€, au titre de l’article 475-l du Code de procédure pénale, ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils font valoir que le logiciel Viguard, conçu par Guillermito [Sic !] , constitue une solution antivirale atypique et novatrice fondée sur une technologie pionnière consistant à protéger les systèmes d’informations contre les virus de manière préventive.
Ils exposent que Guillermito, qui n’est pas titulaire d’une licence Viguard, s’est exprimé sur des forums de discussions tant français qu’internationaux au sujet de Viguard et a diffusé le contenu des fichiers de ce logiciel, copié ce logiciel et certains de ses modules, en décryptant les fichiers de configuration et en désassemblant ce logiciel en passant du langage machine au langage programmateur.[Là, de deux choses l'une : soit Guillermito sait parler à sa machine à laver, soit la cour voulait dire "programmeur". J'avoue que j'hésite.]
Ils soutiennent que le prévenu a développé des outils permettant de mettre en évidence la structure interne de Viguard et diffusé ces logiciels.
Ils soulignent que l’emploi de tels procédés et leur diffusion permettent de copier le logiciel et sa technologie.
Ils affirment que les préjudices subis se décomposent d’une part, en un préjudice matériel et d’autre part en un préjudice moral et que les indemnisations allouées par le jugement du 7 juin 2005 sont insuffisantes, alors même que les parties civiles avaient justifié le quantum de leurs demandes.
Ils rappellent la perte de chiffre d’affaire consécutive aux sept versions du logiciel que Guillermito s’est procuré frauduleusement ainsi que le manque à gagner résultant de la campagne de dénigrement menée par ce dernier et de la mise à disposition sur internet des éléments permettant de copier ou de neutraliser le logiciel Viguard.
[Le rappel des réquisitions : ]Monsieur l'Avocat Général requiert la Cour de confirmer le jugement déféré du 8 mars 2005 sur la déclaration de culpabilité et de le modifier en répression en condamnant Guillermito à une peine d’amende de 1.000 € sans sursis.
[L'argumentation de Guillermito résumée par la cour : ]Guillermito, assisté de son avocate, conteste s’être rendu coupable des faits poursuivis et sollicite, par infirmation des jugements des 8 mars et 7juin 2005, son renvoi des fins de la poursuite ainsi que le débouté des parties civiles de leurs demandes.
Il verse aux débats le rapport d’expertise de Monsieur Jean-Claude HOFF, critiquant le rapport d’expertise de Monsieur RJMBAUD, commis par le magistrat instructeur, et concluant à l’absence “d’élément technique permettant de caractériser ou de fonder aucune des infractions retenues à l’encontre de Monsieur Guillermito”.
RAPPEL DES FAITS
Les premiers juges ont, dans le jugement du 8 mars 2005, exactement et complètement rapporté les circonstances de la cause dans un exposé des faits auquel la Cour se réfère expressément.
Il suffit de rappeler que 7 juin 2002, la Société TEGAM INTERNATIONAL déposait plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de contrefaçon de logiciels en exposant les faits suivants:
Cette entreprise développait, distribuait et éditait un logiciel de sécurité informatique dénommé VIGUARD, dont la technique consistait à s’attaquer à tous les programmes présentant des caractéristiques communes de virus,
il était précisé que ce logiciel VIGUARD protégeait entre autres 45.000 ordinateurs au Ministère de la justice.
Au cours de l’année 2000, la société TEGAM constatait que des propos agressifs, portant atteinte à la réputation du logiciel et à celle de l’entreprise, étaient tenus sur INTERNET par deux internautes, notamment un dénommé GUILLERMITO qui se livrait en outre à la diffusion d'informations confidentielles sur la structure interne de VIGUARD.
il était ainsi reproché à GUILLERMITO d’utiliser et divulguer illégalement VIGUARD et le contenu de ses fichiers, en copiant le logiciel et certains modules du logiciel, en décryptant les fichiers de configuration, et en désassemblant le logiciel.
Entendu par le magistrat instructeur, l'auteur du logiciel, expliquait que GUILLERMITO n'était pas titulaire d’une licence VIGUARD et diffusait néanmoins sur internet des éléments structurels du logiciel qui étaient secrets.
il précisait que l’opération reprochée la plus grave était le désassemblage de certains éléments du logiciel, en passant du langage machine au langage programmateur [Langage machine à laver ?].
L’enquête menée par l’Office Central de Lutte Contre la Criminalité Liée aux Technologies de l’Information et de la Communication permettait d’établir que l’origine de tous les messages postées par GUILLERMITO était un domaine appartenant à l’université de HARVARD” aux Etats-Unis.
Ces messages faisaient référence à un site internet “PIPO.COM GUILLERMITO”, hébergé par la société informatique WAW située à Marseille, dont la connexion amenait le téléchargement d’un fichier contenant plusieurs programmes et explications afin de désassembler et de contourner le programme VIGUARD.
Une perquisition permettait d’identifier GUILLERMITO comme étant Guillermito, résidant aux U.S.A.
Convoqué par les enquêteurs, Guillermito reconnaissait être l’utilisateur du pseudonyme et l’auteur des différents tests relatifs à l’antivirus VIGUARD. II expliquait qu’après avoir jugé mensongère la publicité de TEGAM, concernant leur logiciel VIGUARD « sûr à 100% », il avait détecté plusieurs failles de sécurité qu’il avait alors publiées et commentées. Il avait également diffusé les utilitaires écrits pour ces tests permettant de désassembler le logiciel. II admettait ne pas posséder de licence VIGUARD et avoir travaillé sur des versions téléchargées frauduleusement.
Il affirmait avoir agi par simple curiosité intellectuelle n’ayant jamais travaillé pour une société concurrente de TEGAM et n’ayant poursuivi aucun but lucratif.
L’expert informatique désigné par le magistrat instructeur relevait que Guillermito se livrait au désassemblage et au réassemblage de parties du logiciel VIGUARD, à la distribution gratuite de logiciels tirés des sources de ce logiciel et diffusait tous les éléments, comportements, logiciels, extraits de code et informations permettant la neutralisation du produit VIGUARD.
Monsieur Alexis RIMBAUD concluait que le délit de contrefaçon par reproduction du logiciel était caractérisé dans la mesure où les modifications sur VIGUARD n’étaient pas effectuées par un simple utilisateur à des fins de compatibilité pour une utilisation personnelle, mais étaient réalisées par un internaute qui les communiquait à des tiers.
Mis en examen du chef de contrefaçon de logiciels, Guillermito contestait toute intention délictuelle en expliquant avoir été animé par une démarche de recherche, qui lui était propre compte tenu de son métier de chercheur en biologie à l’université de HARVARD.
Il estimait avoir été dans son droit d’informer les consommateurs des failles du logiciel dans un but de prévention et de pédagogie.
Il niait avoir mis à disposition le logiciel VIGUARD mais admettait avoir diffusé des éléments démontrant comment le logiciel fonctionnait, et des outils d’analyse.
Le casier judiciaire de Guillermito ne mentionne aucune condamnation.
SUR L’ACTION PUBLIOUE (JUGEMENT DU 8 MARS 2005) [Voici le coeur de l'arrêt : la cour expose les motifs qui la conduisent à rendre cette décision.]
Considérant que la Cour ne saurait suivre Guillermito en son argumentation;
Considérant en effet qu’il ressort des pièces de la procédure que Guillermito a déclaré à plusieurs reprises que la version de VIGUARD à partir de laquelle il avait travaillé était “tombée du camion” [Ayant assisté aux débats, je tiens à souligner que l'expression "tombée du camion" n'a jamais été employée par Guillermito, mais par le président lui même, qui a résumé ainsi le téléchargement en warez dudit logiciel] ou bien encore qu’il “n’avait pas de licence” ;
Que de fait Guillermito n’a jamais pu justifier détenir une licence d’utilisation du logiciel VIGUARD ;
Considérant qu’ainsi que relevé à juste titre par les premiers juges, la matérialité des manipulations dont VIGUARD a été l’objet n’est pas contestée;
Que la pratique du désassemblage d’un logiciel n’est licite que dans les strictes hypothèses prévues par l’article L.122-6-1-IV du Code de la propriété intellectuelle mais constitue une contrefaçon dès lors que, comme en l’espèce, l’auteur de la manipulation, non titulaire des droits d’utilisation, n’agit pas à des fins d’interopérabilité et met à la disposition de tiers (les internautes) les informations obtenues;
Que l’expertise non contradictoire réalisée à la demande de la défense par Monsieur Jean-Claude HOFF n’est pas de nature à modifier la conviction de la Cour;
Considérant qu’en la matière l’intention coupable est présumée dès lors que la matérialité des faits est établie ;
Que le prévenu n’administre aucunement la preuve de sa bonne foi;
Considérant que par ces motifs, et ceux pertinents des premiers juges qu’elle fait siens, la Cour confirmera le jugement attaqué du 8 mars 2005 sur la déclaration de culpabilité, ainsi que sur la peine d’amende avec sursis prononcée qui constitue une juste application de la loi pénale, compte tenu de la personnalité du prévenu, délinquant primaire [comprendre : qui a commis sa première infraction] ;
Que la Cour, comme le Tribunal, ordonnera l’exclusion de la condamnation à intervenir au bulletin n°2 du prévenu;
SUR L’ACTION CIVILE (JUGEMENT DU 7 JUIN 2005)
Considérant que la Cour, qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain, subi par chaque partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, confirmera l’estimation qu’en ont faite les premiers juges;
Considérant que le jugement du 7juin 2005 sera confirmé en toutes ses dispositions civiles y compris sur la somme fixée sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale;
Considérant que la Cour déboutera les parties civiles du surplus de leurs demandes
Qu’en particulier l’équité ne commande pas de faire droit aux demandes présentées en cause d’appel par les parties civiles au titre de l’article 475- du Code de procédure pénale [Ce qui signifie : votre appel sur les intérêts civils étant totalement infondé, Guillermito n'a pas à en assumer le coût] ;
PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges qu’elle adopte expressément,
LA COUR,
Statuant publiquement à l’encontre de Guillermito, de l'auteur du logiciel et du mandataire liquidateur de la société Tegam International,
ORDONNE la jonction des procédures (…)
REÇOIT en leurs appels:
- le prévenu et le Ministère public à l’encontre du jugement du 8 mars 2005,
- le prévenu et les parties civiles à l’encontre de celui du 7 juin 2005,
CONFIRME en toutes ses dispositions pénales le jugement du 8mars 2005 et en toutes ses dispositions civiles celui du 7juin 2005,
DÉBOUTE les parties civiles du surplus de leurs demandes,
REJETTE toutes conclusions plus amples ou contraires.
ORDONNE l’exclusion de la mention de la présente condamnation au bulletin n°2 du casier judiciaire de Guillermito, par application de l’article 775-1 du Code de procédure pénale
Commentaires
1. Le jeudi 23 février 2006 à 21:01 par Uma Thurman
2. Le jeudi 23 février 2006 à 21:05 par Laurent GUERBY
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6. Le jeudi 23 février 2006 à 21:42 par 名無しさん
7. Le jeudi 23 février 2006 à 21:53 par Fred
8. Le jeudi 23 février 2006 à 22:17 par Pierre
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54. Le lundi 27 février 2006 à 19:51 par Roland Garcia
55. Le lundi 27 février 2006 à 21:45 par Sans pseudo
56. Le mardi 28 février 2006 à 09:28 par Nicob
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58. Le mardi 28 février 2006 à 16:02 par Sid
59. Le mardi 28 février 2006 à 16:06 par Saroumane
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61. Le mardi 28 février 2006 à 21:19 par djehuti
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69. Le jeudi 2 mars 2006 à 09:59 par nouvouzil
70. Le jeudi 2 mars 2006 à 19:02 par Kitetoa
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72. Le jeudi 2 mars 2006 à 20:17 par Roland Garcia
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74. Le mercredi 8 mars 2006 à 22:19 par Jean