Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Où l'on reparle de l'état de nécessité

A la demande de aaa, et parce que je n'ai pas fini le billet sur la loi DADVSI que je prépare, je recopie ci-dessous l'arrêt du 11 avril 1997 de la cour d'appel de Poitiers sur la fameuse voleuse de viande, écartant l'état de nécessité. J'y ai inclus quelques commentaires en gras.

CA Poitiers, chambre des appels correctionnels, 11 avr. 1997 ; Mme G. c/ SA Rocadis.

LA COUR ; - (...) Au fond :

La Cour évoquera pour la suite de l'examen de l'affaire, par application des dispositions de l'article 520 du Code de procédure pénale.Traduction : une cour évoque quand elle réforme un jugement et procède à son tour à l'examen de l'affaire. Dans certains cas, elle peut ne pas évoquer et renvoie devant le tribunal afin qu'il finisse de statuer, la cour pouvant alors être à nouveau saisie.

Les faits sont constants et reconnus par la prévenue qui, à trois reprises, a frauduleusement soustrait le 17 janvier 1997, à l'occasion d'un voyage à Poitiers, des denrées alimentaires de nature non précisée, pour un montant total de 470,35 F au magasin Leclerc, 7 morceaux de viande pour un poids total de plus de 6 kg pour un montant total de 598,05 F au magasin Intermarché de Bruxerolles et 16 paquets de charcuterie à la coupe pour un montant total de 516,50 F au magasin ATAC à la sortie duquel elle s'est faite interpeller.

Il résulte des dispositions de l'article 122-7 du Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, mais reprenant la jurisprudence dégagée sur l'état de nécessité - fait justificatif - depuis 1956, que "n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la menace", le danger rencontré devant notamment être réel et actuel ou imminent, la réaction de sauvegarde devant être nécessaire et mesurée par rapport à la gravité de la menace, et la preuve de ce fait justificatif incombant à la personne qui s'en prévaut.

En l'espèce, reconnaissant avoir commis ces vols, Annick G. a déclaré : devant les services de police, qu'ayant peu de ressources et deux enfants à charge, elle avait décidé de voler des denrées alimentaires pour elle et ses enfants ; devant le tribunal correctionnel, qu'elle avait de grosses difficultés financières, ne recevant aucune pension alimentaire pour ses enfants, précisant que ceux-ci - Steven, âgé de 3 ans et Manuella, âgée de 19 ans - s'étant plaints à maintes reprises de n'avoir à manger que de la purée Mousseline ou des pâtes au jambon, elle avait "craqué" devant les rayons des supermarchés qui lui montraient ce qu'elle ne pouvait offrir, au moins une fois, pour améliorer leur ordinaire alimentaire ; devant la cour, qu'elle n'avait rien à donner à manger à ses enfants et qu'elle voulait remplir son réfrigérateur et le compartiment congélateur de celui-ci.

Il résulte certes des éléments du dossier et des débats qu'Annick G., âgée de 36 ans au moment des faits, ayant deux enfants à sa charge, âgés respectivement de 3 ans et 19 ans, pour lesquels elle ne recevait pas de pension alimentaire, exerçant un emploi à temps partiel de commis de cuisine depuis le 17 juillet 1996 dans un restaurant de Niort où elle demeurait depuis le 1er juillet 1996, était confrontée à une situation financière particulièrement difficile alors qu'au regard de ses charges de loyer (de 420,18 F par mois APL déduite), d'électricité, d'assurance de son véhicule automobile, des frais de nourrice pour Steven, des frais de transport à Poitiers pour la scolarité de Manuella, et de ses propres frais de transport à Poitiers pour suivre, en milieu hospitalier, les soins que nécessitent son état, ses ressources n'étaient que de 4.478 F par mois, lui laissant un disponible de l'ordre de 3.000 F pour subvenir au reste de ses dépenses habituelles, alimentaires, vestimentaires et scolaires, pour elle et ses deux enfants. Il doit cependant être observé que son compte bancaire était créditeur de 2.583,30 F au 6 janvier 1997 et de 1.859 F au 20 janvier 1997, selon ses propres déclarations devant la Cour. Il l'était donc au jour des faits malgré l'encours des chèques et cartes bancaires émis.

Il doit aussi être observé qu'elle devait percevoir une allocation de soutien familial pour Steven, ainsi qu'une prise en charge VSL pour ses transports à Poitiers.

Il doit enfin être relevé qu'aucun élément n'est produit de nature à démontrer un retentissement de cette situation économique sur l'état de santé des enfants de la prévenue.

Compte tenu de ces éléments, les difficultés financières d'Annick G., sont insuffisantes pour caractériser au jour des faits un danger réel et actuel ou imminent menaçant ses enfants.

Il est d'ailleurs significatif à cet égard de relever que c'est pour "améliorer l'ordinaire des enfants" qu'Annick G. avait déclaré devant le premier juge avoir commis ces vols.

À ce niveau il convient aussi de relever que ce sont trois vols qui ont été commis successivement par Annick G. et portant, en ce qui concerne ceux dont l'inventaire des marchandises volées figure au dossier, sur des quantités importantes de viande, ou de charcuterie, incompatibles avec le seul acte nécessaire à la sauvegarde de la personne menacée au sens de l'article 122-7 du Code pénal.

Il résulte donc suffisamment de ces éléments que la preuve n'est pas rapportée qu'Annick G. se trouvait en état de nécessité, tel que défini par l'article susvisé au moment des trois vols qui lui sont reprochés et qu'elle reconnaît avoir commis. Elle sera donc déclarée coupable des délits visés à la prévention.

Sur le prononcé de la peine, la Cour retiendra qu'Annick G. est sans antécédents judiciaires, que toutefois les vols se sont répétés dans trois magasins différents et que si l'un des magasins a été dédommagé du préjudice qu'il a subi à la suite du vol commis à son encontre, il n'en n'est pas de même des deux autres magasins concernés. La Cour tiendra enfin compte des ressources limitées d'Annick G. et la condamnera donc au vu de ces éléments à 3.000 F d'amende avec sursis (...).

Par ces motifs :

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur appel en matière correctionnelle et en dernier ressort (...)

Sur l'action publique :

- Déclare Annick G. coupable des 3 vols qui lui sont reprochés.

En répression, la condamne à 3.000 F d'amende avec sursis (...).

Vous noterez que la cour a été tout de même indulgente, en la condamnant à une simple amende avec sursis. Les conseillers n'avaient pas un cœur de pierre ; mais leur compréhension de Madame G. n'allait pas jusqu'à l'autoriser de facto à aller se servir gratuitement dans les grandes surfaces de l'agglomération poitevine.

Commentaires

1. Le mercredi 14 décembre 2005 à 17:10 par guichoune

Nulle mention de la qualité des morceaux dérobés...
(ceci juste pour contrôler que "Pauvre Richard" a été définitivement vacciné de votre blog!)

2. Le mercredi 14 décembre 2005 à 17:50 par tokvil

Cet arret a tres bien montre la difference entre la declaration de culpabilite et la determination du quantum de la peine, qui lui peut prendre en compte les mobiles et la situation du prevenu.

3. Le mercredi 14 décembre 2005 à 17:55 par Patrick

Je me souviens, il y a un peu peu de dix ans, faisant mes courses dans un supermarché, avoir vu un homme donner à ses deux enfants à manger, C'était simple à faire, rayon charcuterie pour commencer, on prend du jambon et on ouvre le paquet, ensuite des yoghourts et des fruits, rien de luxueux, mais manifestement ils avaient faim.
Bien sûr rapidement le personnel de sécurité est intervenu, et comme j'avais l'avantage de connaître le Directeur de ce Supermarché, je les ai accompagnés. Après un bref entretien et après que le Directeur de cet établissement ait donné aux enfants et au père de ces derniers de quoi se rafraîchir et se désaltérer, seuls les services sociaux de la ville ont eté appelé afin d'essayer de régler ce problème. Oui cela existe.
À ma grande surprise la police n'a jamais été appelée, et cette personne est partie, c'était l'époque de Noël, avec un chariot plein de victuailles. Bien sûr, il y avait ce qu'on appelle le panier de base de ce qui est nécessaire à une famille, sucre, huile, pâtes, etc., mais il avait aussi une dinde et une bûche.
Les services sociaux ont rapidement réglé le problème de cette personne qui n'avait pas eu le courage de faire les démarches nécessaires et de faire état de ses difficultés.
Juste pour dire et pour témoigner. Quand on peut se passer de la justice et de la police, c'est pas mal non plus.

4. Le mercredi 14 décembre 2005 à 19:26 par Braf

L'importance de faire respecter la loi vient de me convaincre de m'inscrire à l'action de l'UFC contre les opérateurs de mobiles. Même pour 30 E., pas de quartier : mobilisons police, justice, avocat et tout le bataclan. Au gnouf les traîtres !

5. Le mercredi 14 décembre 2005 à 21:09 par Souplounite

Merci. C'est beaucoup plus clair que la simple citation que vous avez fait sur votre billet précédent et qui fut abondamment trollé - ça évite les malentendus.

6. Le jeudi 15 décembre 2005 à 01:02 par Bib2

Sans le regretter, je tiens à observer qu'Annick G. s'en sort décidemment très bien. En effet, si je me rappelle les leçons apprises ici-même, il ne fait pas bon "se moquer de la cour" ni se "payer la tête des magistrats". Or c'est précisément ce que fait notre menteuse carnivore : elle prétend agir par nécessité (elle n'avait "rien à donner à manger à ses enfants"), alors qu'elle ne peut ignorer que ce n'est pas le cas.

Oui, la cour est vraiment indulgente ! C'est tout à son honneur, si je puis me permettre. Mais au fait, quelle était la plaidoirie du défenseur de Mme G. ?

Bib2

7. Le jeudi 15 décembre 2005 à 02:29 par raoulette

comparaison intéressante à faire avec le procès d’une voleuse de pain au tribunal de Château-Thierry à l' audience du vendredi 4 mars 1898 -
je vous livre l'arrêt

Présidence de M. Magnaud Le Tribunal, Attendu que la fille Ménard, prévenue de vol, reconnaît avoir pris un pain dans la boutique du boulanger Pierre, qu’elle exprime sincèrement ses regrets de s’être laissé aller à commettre cet acte;Attendu que la prévenue a à sa charge un enfant de deux ans pour lequel personne ne lui vient en aide, et que, depuis un certain temps, elle est sans travail malgré ses recherches pour s’en procurer; qu’elle est bien notée dans la commune et passe pour laborieuse et bonne mère ; qu’en ce moment, elle n’a pour toute ressource que le pain de deux kilos et les deux livres de viande que lui délivre chaque semaine le bureau de bienfaisance de Charly, pour elle, sa mère et son enfant;

Attendu qu’au moment où la prévenue a pris un pain chez le boulanger Pierre, elle n’avait pas d’argent et que les denrées qu’elle avait reçues étaient épuisées depuis trente-six heures ; que ni elle, ni sa mère n’avaient mangé pendant ce laps de temps, laissant pour l’enfant les quelques gouttes de lait qui étaient dans la maison ; qu’il est regrettable que dans une société bien organisée, un des membres de cette "société", surtout une mère de famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute; que lorsqu’une pareille situation se présente et qu’elle est, comme pour Louise Ménard, très nettement établie, le juge peut, et doit, interpréter humainement les inflexibles prescriptions de la loi;

Attendu que la faim est susceptible d’enlever à tout être humain une partie de son libre arbitre et d’amoindrir en lui, dans une grande mesure, la notion du bien et du mal ; Qu’un acte ordinairement répréhensible perd beaucoup de son caractère frauduleux, lorsque celui qui le commet n’agit que poussé par l’impérieux besoin de se procurer un aliment de première nécessité, sans lequel la nature se refuse à mettre en oeuvre notre constitution physique;

Que l’intention frauduleuse est encore bien plus atténuée lorsqu’aux tortures aiguës résultant d’une longue privation de nourriture, vient se joindre comme dans l’espèce, le désir si naturel chez une mère de les éviter au jeune enfant dont elle a la charge;

Qu’il en résulte que tous les caractères de la préhension frauduleuse librement et volontairement perpétrée ne se retrouvent pas dans le fait accompli par Louise Ménard qui s’offre à désintéresser le boulanger Pierre sur le premier travail qu’elle pourra se procurer;

Que si certains états pathologiques, notamment l’état de grossesse, ont souvent permis de relaxer comme irresponsables les auteurs de vols accomplis sans nécessité, cette irresponsabilité doit, à plus forte raison, être admise en faveur de ceux qui n’ont agi sous l’irrésistible impulsion de la faim;

Qu’il y a lieu en conséquence, de renvoyer la prévenue des fins de poursuites, sans dépens et ce, par application de l’article 64 du Code Pénal

.Par ces motifs, le tribunal renvoie Louise Ménard des fins de poursuites, sans dépens.
(original du jugement aux Archives de l’Aisne, fonds du Tribunal de première instance de Château-Thierry 25 U 61

8. Le jeudi 15 décembre 2005 à 07:42 par groucho

@ raoulette: quand je lis "Attendu que la faim est susceptible d’enlever à tout être humain une partie de son libre arbitre et d’amoindrir en lui, dans une grande mesure, la notion du bien et du mal", je pense plus au trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement ou le contrôle des actes de l'auteur au moment des faits qu'à l'état de nécessité, cf. article 122-1 Code pénal (www.legifrance.gouv.fr/WA... ). En gros, au bout d'un jour et demi sans manger, vous êtes pas dans un état "normal". Aurait-elle volé son pain juste après le déjeuner, aurait-elle bénéficié de la même clémence? M'enfin j'dis ça, j'dis rien... À quand un billet sur les causes d'irresponsabilité pénale? :D

9. Le jeudi 15 décembre 2005 à 08:58 par tokvil

c'est vrai que la decision de raoulette est ambigue, d'une part le juge semble justifier le vol pour l'etat de necessite, d'autre part il semble ecarter le vol par manque d'element intentionnel

d'ailleurs le texte utilise- article 64 correspond a la defense de "demense", correspondant en effet a 122-1 mentionne plus haut.

Ce qui est normal car l'ancien code penal ne connaissait pas l'Etat de necessite (corrigez moi si je me trompe je suis loin de mes manuels francais).

Je crois qu'utilisant le meme contour que Dame Menard, dans les annee 50 un Tribunal correctionel avait relaxe un pere de famille qui avait construit une cabane sans permis pour abriter ses enfants du froid en hiver.

Ce debat sur l'etat de necessite est interressant, la doctrine similaire anglosaxonne (necessity) avait ete utilisee pour defendre des jeunes perdus en haute mer qui avaient mange l'un de leur coequippier pour survivre. Ca n'avait pas marche.

10. Le jeudi 15 décembre 2005 à 11:12 par Raboliot

@Raoulette

Ceci dit en 1898 les pauvres mourraient de faim. Aujourd'hui il est plus courant de les voir souffrir d'obésité à cause d'une alimentation non équilibrée.
La pauvreté aujourd'hui ne s'exprime plus en termes de famine mais en terme de confort : logement surtout, vêtements de marque ...
Il y a aussi l'indigence éducative avec les enfants laissés au "bon soins" d'Endemol lorsque la mère travaille jour et nuit.

Bref, les problèmes de sociétés ne sont plus les mêmes.

11. Le jeudi 15 décembre 2005 à 11:15 par aaa

Merci pour toutes ce précisions.
Un doute subsiste dans mon esprit; doute que google n'a pas réussi à lever. J'ai le souvenir d'un (télé?)film sorti il y a quelques temps intitulé "la voleuse de Saint-Aubin" qui racontait une histoire identique: une mère de famille qui vole en toute connaissance de cause de la viande pour nourrir ses enfants.
Est-ce inspiré de cette affaire?

12. Le jeudi 15 décembre 2005 à 12:21 par raoulette

C'est bien évidemment le contraire : c'est annick g qui s'est inspiré du film pour commettre son crime en tte impunité ( sauf que ds le film ca marchait )
Mais finalement elle a plutot bien réussi son coup : autour de lassiette la culpabilisation ( mange ta langue de boeuf-les petits botswanais...) était affreusement démodée alors annick g en faisant pleurer ds les chaumières permettait donc aux parents de retrouver leur plein pouvoir de suggestiibilité . Les gosses ont donc bouffé leur langue, économisé leur riz, et des dizaines de personnes ont témoigné leur sympathie à annick g. Les chèques reçus lui ont permis d’obtenir un prêt sur quinze ans pour l achat d'une nouvelle maison . Depuis, Annick s’est confessée, elle fait plutot des chèques en bois (et retape, seule, la toiture de sa maison.)
THE END

13. Le jeudi 15 décembre 2005 à 12:40 par Perky

Je crois que la notion d'état de nécessité qui
aboli le délit, est né de l'arrêt de Chateau-Thierry (1898).
Victor Hugo était dans le coin.
Depuis, à part l'arrêt de la Cour d'Appel de Poitiers.
Point n'entendu d'état de nécessité.
La justice étant rendue Au Nom du Peuple Français...
C'est plutôt triste.

14. Le jeudi 15 décembre 2005 à 13:01 par Aisling

>En répression, la condamne à >3.000 F d'amende avec sursis >(...).
Excusez mon ignorance sur la terminologie juridique, mais concrêtement, que s'est-il passé?
Est-ce que cela signifie qu'elle n'a pas payé l'amende, mais que la condamnation a été inscrite à son casier judiciaire?

Merci pour votre éclairage sur ce point, et plus généralement pour ce blog très instructif.

AN.


Cela signifie que si elle n'a pas été condamnée pour un autre délit avant le 11 avril 2002, l'amende est réputée non avenue et qu'elle n'a pas eu à la payer. La condamnation est restée mentionnée au casier pendant un délai de trois ans après cetet date, soiit jusqu'au 11 avril 2005. Elle est désormais réhabilitée, il ne subsiste aucune mention à son casier et il est interdit de faire état de sa condamnation (d'où l'anonymat).

Eolas

15. Le jeudi 15 décembre 2005 à 14:38 par Mag

"...- ça évite les malentendus. "

a écrit Souplounite.

Aussi à mon avis!

16. Le jeudi 15 décembre 2005 à 16:20 par Pangloss

"Elle est désormais réhabilitée, il ne subsiste aucune mention à son casier et il est interdit de faire état de sa condamnation (d'où l'anonymat)."

En effet, le tribunal a été très clément :)

17. Le jeudi 15 décembre 2005 à 20:58 par Fred

"il ne subsiste aucune mention à son casier "

Doit t'on l'interpréter comme quelque chose du genre: j'ai pris une gomme, tout effacé et zoup plus une trace, ou bien l'"information" reste inscrite dans le casier, mais disons une autre page dont un tribunal ne serai pas autorisé à se servir un jour futur?

Merci


C'est la version j'ai pris une gomme, tout effacé et zoup, plus une trace.

Eolas

18. Le jeudi 15 décembre 2005 à 23:36 par katioschka

Bonsoir,
je trouve tous les commentaires ci-dessus très durs. Certes, Mme G et ses enfants ne mourraient pas de faim mais il n'en reste pas moins que vivre avec 4500 frf quand on a 2 enfants à charge, c'est peu, on se lasse de la Mousline tous les jours, et, sans rejeter la faute sur " la société", c'est dur d'être à tout instant sollicité par "la société de consommation". Mme G n'avait pas de casier judiciaire, elle s'est laissée tenter, c'était si facile. Fallait-il la mettre en prison pour cela ? ( et mettre son fils de 3 ans à la Daass pour un cout bien supérieur à celui des larcins), lui infliger une amende venant grever on budget dont la minceur était à l'origine des délits ? En tant qu'être humain ayant les moyens de manger de la viande tous les jours, je ne le pense pas.

19. Le vendredi 16 décembre 2005 à 01:12 par Bib2

Attention, katioschka, la viande tous les jours, ce n'est pas recommandé par les nutritionnistes ! A ce train là, Mme G pourrait bien vivre plus longtemps que vous.
Trève de plaisanterie, il est fort possible de se nourrir convenablement à moindre prix. Par exemple, puisqu'elle nous parlons d'une source de protéines, je vous rappelle que le blanc d'oeuf est la plus complète d'entre-elles. Il est possible d'accomoder l'oeuf de mille manières et de respecter le maximum hebdomadaire conseillé (oui, encore !) de deux à quatre jaunes. Le lait écrémé est aussi très accessible. N'étant ni diététicien, ni cuisinier, vous voudrez bien me pardonner si je ne vous donne pas les recettes.
Bref, Mme G. est libre d'avoir des goûts de luxe, mais ne pas avoir les moyens de s'offrir ce qui la fait rêver ne l'autorise pas à transgresser les règles. Elle confirme d'ailleurs sa faute au tribunal en mettant en avant de faux prétextes. Et puis si c'est dur de résister, il faut en assumer les conséquences ! Oui, elle a bien de la chance de ne pas être davantage punie.

20. Le vendredi 16 décembre 2005 à 12:51 par Souplounite

@bib2 (et aux autres dont j'ai les lus des commentaires que j'ai jugé parfois navrants) : attention tout de même à ne pas tomber dans une opacité de coeur facile. Bien que l'on peut vivre sans viande (des végétariens survivent quotidiennement), bien sûr que l'on peut vivre sans un grand nombre de choses et d'avantages qui font le confort de nos nations civilisées : on peut se passer de télé, d'Internet, de vêtements propres, d'eau chaude, de variétés dans les repas, de sodas et de restaurant, on peut se priver de sorties, de lectures, de chaussures neuves et de Noël... La liste est interminable. En fait, on peut très bien vivre avec très peu de choses : un lit, un toit (et encore!), un peu de vivres et de la patience.

On peut vivre ainsi, mais le savez-vous ? Ce n'est pas facile. Ce n'est pas agréable. C'est humiliant, et ce d'autant plus qu'une grande partie des codes de notre société repose principalement sur la propriété et l'acte d'achat, sur le confort et le luxe.

Il est d'autres choses qui ne sont pas indispensable : le mépris et la condescendance, par exemple. Je conçois avec vous qu'être dans le besoin n'implique pas nécessairement de voler. Il convient de respecter les règles de la société - ou de s'en exclure, pourra-t-on simplifier. Mais il faut aussi, par-dessus cette raison, ne pas oublier qu'un humain (vous-même également), c'est parfois la faiblesse et la facilité, et que sous une pression interne à la fois de ras-le-bol des privations, de jalousie de voir les autres baffrer quand on fait maigre et de joie à transgresser les règles, une femme peut voler de la viande en imaginant le faire pour ses enfants. Elle a tort ? Certes. Ce n'est pas toujours la raison qui conditionne nos actes. On ne peut pas priver l'humain de sa part irrationnelle et impulsive.

Je pourrais poser le problème en ces termes : si j'estime que la société ne me permet pas de vivre décemment, dois-je continuer de respecter les règles de cette société ? Je pose cette question pour cette dame comme pour ceux des banlieues qui mirent quelques lueurs dans la nuit il n'y a pas si longtemps.

Je n'entends pas répondre à cette question, entendons-nous bien. Je ne pense pas que la voie soit dans la désobéissance systématique, mais je ne pense pas non plus que nous puissions avoir une société harmonieuse si on laisse une partie de nos contemporains sombrer dans une misère et une détresse plus ou moins grande et définitive - et d'autant plus si à la privation s'ajoute le sentiment d'être exclu du coeur des autres. Ca n'a l'air de rien, mais faire partie d'un groupe est essentiel à l'équilibre de nos vies. Etre exclu du groupe des consommateurs, c'est être exclu du groupe le plus large et le plus influent d'une société dite "de consommation".

Je ne pense pas qu'en France, manger de la viande soit un luxe - même un filet mignon ou une bavette saignante. Je n'essaie pas d'excuser l'acte de cette femme, je tente de le comprendre. Comprendre, étymologiquement, ça veut dire "penser avec". Je pense avec elle, et me voyant dans un grand magasin, où tout est fait pour vous donner envie d'acheter, où le bonheur rejoint la consommation, où tant de gens empilent leurs courses dans le caddie devant vous, qui ne pouvez pas, qui devez penser à prendre le moins possible et le moins cher, ça peut, si vous êtes un peu fragile, vous faire craquer.

(En revanche, l'avoir fait trois fois dans trois enseignes différentes ressemble à de la prémiditation ?)

Je trouve l'acte judiciaire plutôt élégant : il sanctionne, sans grande sévérité, un acte de faiblesse commis par quelqu'un qui n'est pas un danger pour la société. La justice telle que je la conçois atteint son but : remettre quelqu'un sur le droit chemin, avec modération et fermeté. Pour moi, la justice dit : "c'est interdit, donc nous condamnons, mais ce n'est pas bien grave, et nous n'aggraverons pas vos problèmes en vous infligeant une amende substantielle. Mais tenez-vous le pour dit !".

Je ne trouve pas qu'elle a "de la chance de ne pas être davantage punie". D'abord elle a été punie, ensuite ce n'est pas de la chance : c'est une décision de justice qui doit être respectée et étudiée si on ne la comprends pas. Depuis que je lis ce blog, j'ai compris une chose : les magistrats ne jugent et condamnent pas au petit bonheur la chance. C'est réfléchi, discuté, pesé, écrit, justifé.

Pourtant et par ailleurs, je n'accable pas cette femme. D'abord la justice a fait son travail : la faute est sanctionnée, et la règle qui s'applique à moi et à nous, dès lors, c'est qu'il faut laisser tranquille celui qui a payé sa dette. A quoi bon une justice s'il n'y a pas de pardon ?

Enfin, il ne me parait pas élégant de se moquer de celui ou celle qui a peu et qui cède. Mettons-nous plutôt deux minutes à sa place, non pour la plaindre, ou l'enjoindre à davantage de rigueur parce qu'on ne peut ajouter à la misère la malhonneteté, mais pour comprendre. On ne sait jamais, ça peut servir.

21. Le vendredi 16 décembre 2005 à 17:55 par Bib2

@Souplounite :
Merci pour votre brillante intervention. Vos arguments m'ont fait réfléchir et je souscris volontiers à votre conclusion, sans me renier.

Si j'ai pu vous paraître un peu dur, c'est que je réagissais aux interventions qui tentent de justifier un geste condamnable et condamné.

Je ne veux pas oublier que la justice est là pour sanctionner, réparer, mais aussi pour contribuer à garantir une paix sociale, par l'exemple.
Maître Eolas, j'ai dit une bêtise ?

22. Le vendredi 16 décembre 2005 à 20:06 par Souplounite

@Bib2 : je ne m'attendais pas à votre réaction. Merci. Ma modestie en souffre, mais mon orgueil s'en satisfait. Il est vrai que je vous ai trouvé (vous et bien d'autres), non pas dur, mais insensible. Je ne vous en fais pas le reproche, d'ailleurs, et je vous remercie de la sincerité de votre réponse.

23. Le samedi 17 décembre 2005 à 14:57 par katioschka

@Souplounite
Bravo et merci. Vous avez exposé un point de vue que je partage enitièrement mieux que je n'aurais su l'exprimer.
Oui cette femme, dans le principe avait tort de voler, à plusieurs reprises et avec préméditation mais il est facile de la juger quand on a les moyens de s'offrir (et d'offrir à ses enfants) ce que elle ne pouvait acquérir. J'applaudis donc la décision de justice qui a pris en compte la situation de cette femme.

@Bib2: il est un peu déloyal d'escamoter la situation précaire de Mme G en soutenant que trop de viande est mauvais pour la santé. Cela fait penser au "s'ils n'ont plus de pain, qu'ils mangent de la brioche" attibué à Marie-Antoinette. Le poisson est meilleur pour la santé, hélas beaucoup plus cher.
Pour continuer dans le facile, je me demande ce que vous pensez des dépenses de bouche de plusieurs millions de francs par an du maire d'une grande ville il y a quelques années. Franchement, à coté, les rotis de Mme G frisent le ridicule.
(

24. Le dimanche 18 décembre 2005 à 22:52 par Bib2

@katioschka : En réponse à 23, sans intention de vous offusquer, je vous prie de bien vouloir relire votre 18 et ma réponse 19. Tout y est.
A bientôt. Cordialement.
Bib2


C'est fini de jouer à la bataille navale en commentaires ?

Eolas

25. Le vendredi 20 janvier 2006 à 19:38 par Diane

touché; coulé!

26. Le dimanche 22 janvier 2006 à 12:15 par Bib2

Glouglouglouglou...

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