Affaire Guillermito : le compte rendu de l'audience d'appel (première partie)
Par Eolas le jeudi 1 décembre 2005 à 10:39 :: L'affaire Guillermito :: Lien permanent
Le président, après avoir constaté la présence des parties, et demandé pourquoi elles avaient fait appel (Guillermito parce qu'il demande la relaxe ; Feu Tegam et l'auteur du programme parce qu'ils n'ont reçu qu'un dixième de leurs demandes pécuniaires), le président a rappelé les faits sur la base du jugement, en ne retenant que ceux non contestés. Il a au passage présenté Viguard comme étant "un logiciel que nous connaissons bien puisqu'il équipe tous les ordinateurs du ministère de la justice".
Puis la parole a été donnée à Guillermito qui a expliqué que c'est quand il a vu la publicité pour Tegam affirmant que Viguard était une protection arrêtant 100% des virus connus et inconnus, affirmation qu'il estime être scientifiquement impossible, qu'il a décidé de démontrer que Viguard ne pouvait pas tenir cette promesse. D'abord en soumettant plusieurs virus de sa collection à Viguard (14 n'auraient pas été détectés) puis, et on en arrive aux faits qui lui sont reprochés, démontrant qu'il était aisé de berner Viguard.
Le président s'est enquis du problème de la licence d'utilisation et de l'exemplaire téléchargé sans autorisation, mais Guillermito a rappelé qu'il avait bénéficié d'un non lieu sur ce point.
Guillermito a exposé qu'il n'a jamais recopié le logiciel Viguard, et que nulle part dans le dossier on ne compare ses logiciels tests (POC) à Viguard pour montrer où il y aurait eu reproduction. Les POCs étant son oeuvre, il peut les diffuser librement. Le président lui a demandé si ces logiciels étaient tirés des sources de Viguard, ce à quoi Guillermito a répondu énergiquement non.
Le président a rappellé alors que les policiers de l'OCLCTIC ont précisé dans leur rapport que des extraits du logiciel désassemblé auraient été utilisés et que les logiciels de Guillermito permettraient d'exploiter les failles de Viguard et de désassembler ce logiciel. Guillermito a démenti catégoriquement cette affirmation, dans ses deux branches : ses logiciels ne servent pas à désassembler Viguard ni à exploiter ses failles, ou qu'on lui démontre le contraire.
Le président a ensuite rappelé l'existence de l'expertise controversée réalisée lors de l'instruction. L'avocat de Guillermito a fait remarquer que son client n'était pas mis en examen au moment de l'expertise et n'a pas pu y participer pour qu'elle soit contradictoire. Ce à quoi le président a objecté qu'il pouvait demander une contre-expertise postérieurement à sa mise en examen, au lieu de quoi chaque partie a préféré faire réaliser une expertise chacun de son côté, qui aboutissent à des conclusions assez divergentes.
Le président a donné lecture de l'expertise judiciaire, pour laquelle il a été assez critique, l'expert se contentant bien souvent de recopier les textes de lois (que la cour connaît) ou exprime des opinions personnelles ce qui ne lui était pas demandé.
La partie civile n'ayant pas de questions à poser au prévenu, la parole est donnée à l'avocat général.
L'avocat général a demandé à Guillermito quels étaient ses mobiles : intérêt scientifique, ou plus ludique ? Car c'est un travail considérable qui a été effectué, demandant des heures à être réalisé, et ce sans but lucratif (NdA : J'espère que personne ne lui parlera jamais des logiciels libres...). Guillermito n'a pas nié qu'il y avait un certain plaisir à démontrer scientifiquement la fausseté d'une affirmation vérifiable.
Puis l'avocat général a demandé si Guillermito avait pris en compte les éléments juridiques dans sa démarche ? Non, a répondu le prévenu, sinon, je ne serais pas là.
L'avocat général a demandé alors si Guillermito n'a pas cru qu'on pouvait tout faire sur internet, espace virtuel de non droit ?
Ce à quoi Guillermito a répliqué que bien au contraire, sa démarche vise à contrer ceux qui croient qu'on peut tout faire sur internet. Ainsi l'exemple récent de Sony qui installait via ses CD audios des chevaux de Troie sur les ordinateurs de ses clients, ce qui a été mis à jour par un informaticien curieux qui a publié ses résultats.
Mais alors, a interrogé l'avocat général, pourquoi TEGAM et pas les autres ?
Parce que, répond le prévenu, TEGAM est le seul à avoir affirmé avoir inventé une protection absolue même contre des virus inconnus. « J'ai dit sur des forums que c'était faux. Des journalistes m'ont mis au défit de prouver mes affirmations, ce que j'ai fait ».
Le président reprend alors la parole pour demander à Guillermito comment il a déterminé comment Viguard fonctionnait sans le "désosser" (comprendre désassembler), puisqu'un désassemblage constitue le délit de contrefaçon.
Réponse du prévenu : tout simplement par observation et déduction, comme en biologie moléculaire. On soumet un stimuli au logiciel (comme AAAAA),on regarde ce que ça fait, puis on change le stimuli (BAAAA) et on compare et ainsi de suite. Un programme a dû être utilisé quand même ? Oui, mais un programme de débuggage, pas un désassembleur.
Fin de l'interrogatoire du prévenu, plus personne n'ayant de questions à poser. La parole est donnée à E.D., auteur du logiciel.
Il commence en se déclarant choqué de ce qu'il vient d'entendre, puisque devant le tribunal, Guillermito aurait déclaré qu'il n'avait pas été gêné de désassembler Viguard. Le président a levé un sourcil intéressé : « Cela figure-t-il sur les notes d'audience ? » Non. Dans ce cas, le président ne peut considérer que cela a été dit. Sur les bancs de l'assistance, Veuve Tarquine manque de s'étrangler de rage. Elle est catégorique : jamais Guillermito n'aurait tenu ces propos en première instance. Je ne puis confirmer ou infirmer : je n'étais arrivé qu'en toute fin des débats.
La partie civile produit un rapport d'expertise. Le président exprime un vif mécontentement, ce rapport n'ayant pas été produit en temps utile pour que la cour en prenne préalablement connaissance. De fait, la cour le découvre aujourd'hui. Et l'expert n'a pas été cité pour témoigner.
Pour E.D., la désassemblage est établi par des éléments objectifs : Viguard est distribué crypté pour faire obstacle au désassemblage. Il y a deux couches de cryptage. Or sur les pages webs de Guillermito, on trouvait tous les algorithmes de Viguard lisibles en langage humain, ce qu'il n'a pu obtenir que par désassemblage.
Idem pour une clef de cryptage permettant de travailler sur la base de données de Viguard : elle figure dans un logiciel de Guillermito, ce qui établit le désassemblage.
Un débat technique s'engage sur la différence entre désassemblage et débogage, auquel je l'avoue je n'ai rien compris, ma prise de note s'en est alors ressentie.
La cour a ensuite fait entrer Monsieur Hoff, expert près la cour d'appel d'Amiens (Monsieur Rimbaud, qui a réalisé l'expertise judiciaire n'étant pas expert agréé par la cour d'appel, ce qui n'entache pas de nullité son travail, le juge pouvant faire appel à toute personne sachante, du moment qu'elle prête serment).
L'expert présente ses conclusions :
La partie civile présente un fichier (VGnaked) comme destiné à neutraliser Viguard. Leurs propres déclarations en attribuent la paternité à Guillermito, il n'y a donc pas contrefaçon, Guillermito est l'auteur.
Le rapport de Monsieur Rimbaud est passé au crible : il a été fait sur la seule lecture des pièces de la procédure. Les scellés où se trouvent les logiciels n'ont pas été analysés. On parle de contrefaçon, d'attaque, de désassemblage, or aucune analyse des sources de Viguard n'a été faite, ce qui est pourtant la base de la contrefaçon alléguée. Comment dire qu'un logiciel a été contrefait si on ne peut examiner l'original ?
Le logiciel VGnaked a été analysé par l'expert. Il fait 16 ko, contre 16 Mo pour Viguard, soit mille fois moins. Que fait-il, ce logiciel ? Il prend les fichiers certify.bvd, installés par Viguard dans tous les répertoires à des fins de surveillance du système, va les analyser et sortir leur contenu en langage lisible. Les fichiers certif.dvd contiennent des informations sur le contenu du répertoire et la machine de l'utilisateur, ils appartiennent donc à l'utilisateur. Viguard n'a pas pour fonctionnalité d'analyser le contenu des fichiers certify.bvd ; il a pour fonctionnalité de les crééer et les lire. Cette différence de fonctionnalité exclut toute contrefaçon. D'ailleurs, le fichier certify.bvd ne figure pas sur le CD-ROM d'installation (ce à quoi E.D. a objecté qu'il avait changé de nom dans les versions postérieures à celle sur laquelle M. Hoff avait travaillé). Il n'y a donc pas de propriété intellectuelle de TEGAM sur le fichier certify.bvd. De plus, VGnaked n'a aucune utilité pour qui n'a pas Viguard. Il ne cause donc aucun préjudice à l'éditeur, puisqu'il suppose que l'utilisateur ait déjà acheté Viguard.
VGnaked contient un autre fichier en code source de 661 octets, ce qui est ridiculement petit en informatique. Ce fichier d'ailleurs ne fait rien. Il a pour seul but d'être soumis à Viguard qui le détectera comme étant un virus, ce qu'il n'est pas puisqu'il ne fait rien. Là encore, cela suppose qu'on ait Viguard pour effectuer ce test.
En conclusion, on a des programmes fournis avec le code source qui permettent une comparaison facile avec les codes sources de Viguard. Ca n'a jamais été fait. Aucune preuve de contrfaçon n'est donc rapportée conclut l'expert
E.D. a alors pris la parole pour interroger Monsieur Hoff.
Guillermito a recopié une clef de 24 caractères qui sert à crypter le logiciel, a rappelé E.D. Pour l'expert, cette clef est une information, pas du code. Elle figure dans le fichier au même titre que la mention du nom de l'auteur. La contrefaçon doit porter sur le code.
E.D. a opposé à cela que si on suit le raisonnement de l'expert, on peut donc reproduire librement la base de signatures de Norton ? L'expert a rétorqué que Viguard n'étant pas un logiciel à signatures de la propre affirmation de l'auteur, l'analogie est sans objet : Guillermito n'a pas recopié une base de signatures mais une clef de cryptage.
E.D. a reproché ensuite à l'expert de n'avoir point analysé d'autres programmes de Guillermito. L'expert répond qu'il n'en a pas eu d'autres.
S'est ensuite engagée une longue discussion entre l'expert et E.D., qui a largué le président, l'avocat général, votre serviteur, mais pas l'assistance qui contenait plus de geeks qu'un Paris Carnet à la passerelle. Je suis désolé de n'avoir pu noter quoi que ce soit de retranscriptible, mais je doute que le contenu de cette controverse, qui de plus s'appuyait sur des passages de l'expertise de la partie civile qui n'étaient pas lus à haute voix et était ignorée de la cour, jouera un quelconque rôle dans la décision (elle a en tout cas mis les conseillers de la cour à l'abri de l'insomnie). Mise à jour : on m'indique que le débat a surtout porté sur ce qui était protégeable ou non dans un logiciel, E.D. adoptant une position maximaliste (tout), M. Hoff limitant la protection à l'activité créatrice, or une clef de cryptage est aussi créative en elle même que le code PIN de votre portable.
Les débats ont alors été clos par le président, place aux plaidoiries des parties civiles, aux réquisitions de l'avocat général et à la plaidoirie de la défense. Mais ce sera l'objet du prochain billet.
Merci aux trolls habituels de m'épargner la besogne d'effacer les commentaires qui sont des attaques ad hominem contre l'une ou l'autre des parties. Je serai intraitable, j'en ai marre de jouer les gardes chiourmes.
Commentaires
1. Le jeudi 1 décembre 2005 à 13:21 par Bambino
2. Le jeudi 1 décembre 2005 à 14:10 par lucasbfr
3. Le jeudi 1 décembre 2005 à 14:58 par Pangloss
4. Le jeudi 1 décembre 2005 à 15:29 par Nelaton
5. Le jeudi 1 décembre 2005 à 15:38 par guichoune
6. Le jeudi 1 décembre 2005 à 15:44 par Popo
7. Le jeudi 1 décembre 2005 à 15:54 par Popo
8. Le jeudi 1 décembre 2005 à 16:12 par djehuti
9. Le jeudi 1 décembre 2005 à 16:17 par Ulysse
10. Le jeudi 1 décembre 2005 à 16:34 par Guignolito
11. Le jeudi 1 décembre 2005 à 17:08 par Nelaton
12. Le jeudi 1 décembre 2005 à 17:17 par Maxime
13. Le jeudi 1 décembre 2005 à 17:25 par palpatine
14. Le jeudi 1 décembre 2005 à 17:33 par Saroumane
15. Le jeudi 1 décembre 2005 à 17:33 par Fred
16. Le jeudi 1 décembre 2005 à 17:33 par Gascogne
17. Le jeudi 1 décembre 2005 à 18:17 par guichoune
18. Le jeudi 1 décembre 2005 à 18:42 par Nelaton
19. Le jeudi 1 décembre 2005 à 18:46 par Francesco
20. Le jeudi 1 décembre 2005 à 19:02 par Nico
21. Le jeudi 1 décembre 2005 à 19:14 par colectos
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23. Le jeudi 1 décembre 2005 à 20:36 par Lili
24. Le jeudi 1 décembre 2005 à 20:56 par Roland Garcia
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27. Le jeudi 1 décembre 2005 à 23:30 par yves
28. Le jeudi 1 décembre 2005 à 23:47 par troll piafant
29. Le vendredi 2 décembre 2005 à 00:01 par Uma Thurman
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