tentative de squattage judiciaire
Par Eolas le vendredi 28 octobre 2005 à 13:05 :: Commentaire judiciaire :: Lien permanent
Dernier billet sur l'affaire Fogiel, c'est promis.
La lecture du jugement apprend un détail intéressant, amusant ou agaçant, à vous de vous faire votre opinion.
Initialement, c'est l'humoriste Dieudonné qui a mis en mouvement l'action pénale.
Comme on l'a vu dans ce billet, afin de valider sa citation, il a dû effectuer une consignation (de 2000 euros).
Il demandait, outre l'application de la loi pénale (il n'est pas d'usage que la partie civile, même si elle met en mouvement l'action publique, réclame une peine précise, c'est le domaine du ministère public), un euro symbolique de dommages intérêt pour le préjudice moral d'avoir été ainsi injurié, la publication sous astreinte de la condamnation et la prise en charge de ses frais d'avocat à hauteur de 3000 euros.
Ces demandes sont tout à fait habituelles en matière de délits de presse. L'atteinte subie étant plus symbolique que matérielle, la réparation l'est tout autant. Ce sont beaucoup plus la publicité de la condamnation qui est recherchée (et de ce point de vue, la partie civile a d'ores et déjà obtenu satisfaction).
Toutefois, trois parties se sont invitées au procès. Trois associations, le COFFAD (Collectif des filles et Fils d’Africaines Déportés), le MNH (Mouvement pour une Nouvelle Humanité, tout un programme), et la FAOM (Fédération des Associations d’Outre-Mer), ont invoqué à leur profit les dispositions de l'article 2-1 du Code de procédure pénale pour se porter partie civile et demander elles aussi réparation. Sauf que leurs demandes étaient légèrement différentes.
Ces associations ont en effet demandé chacune une somme de 50.000 Euros, à titre de dommages et intérêts, celle de 5.000 euros, au titre des frais d'avocat, outre l’affichage ou la diffusion de la décision à intervenir dans les conditions de l’article 131-15 du Code pénal.
Outre le fait que les montants demandés paraissent quelque peu extravagants (à elles trois, elles réclament quand même un million de francs), la publication de la décision qu'elle demande est celle prévue à titre de peine complémentaire. Elles empiètent donc sur les plates bandes du ministère public. La publication de la décision peut en effet également être demandée à titre de réparation civile, auquel cas elle obéit à un régime différent (notamment elle n'est pas inscrite au casier judiciaire), et c'est précisément celle que sollicitait (et a obtenu) Dieudonné.
Enfin et surtout, ces associations semblent maîtriser aussi mal le code pénal que la loi du 29 juillet 1881. En effet, les faits litigieux remontent au 5 décembre 2003. Or ce n'est que le 29 août 2005, soit dix jours avant l'audience de jugement, que ces parties civiles sont intervenues au procès. Mes lecteurs les plus assidus savent déjà la suite : les délits de presse se prescrivant par trois mois (article 65 de la loi de 1881), les parties civiles ayant été passives plus de 20 mois sont déclarées irrecevables. En effet, la plainte de la victime étant une condition préalable aux poursuites, elles ne peuvent invoquer à leur profit les interruptions de prescription diligentées par Dieudonné, qui ne concernaient que lui.
Cet opportunisme judiciaire était-il amusant ou agaçant, indécent ou justifié, la marque d'un enthousiasme débordant dans la cause de la lutte contre le racisme ou une tentative de battre monnaie sur la tête de France 3 ? Je vous laisse juge.
Commentaires
1. Le vendredi 28 octobre 2005 à 15:42 par Pangloss
2. Le vendredi 28 octobre 2005 à 16:02 par guichoune
3. Le vendredi 28 octobre 2005 à 16:16 par Le toucan rouge
4. Le vendredi 28 octobre 2005 à 16:28 par guichoune
5. Le vendredi 28 octobre 2005 à 21:35 par Fred
6. Le samedi 29 octobre 2005 à 10:30 par Jé
7. Le samedi 29 octobre 2005 à 10:32 par Asphodèle
8. Le samedi 29 octobre 2005 à 10:35 par Asphodèle
9. Le samedi 29 octobre 2005 à 11:19 par Raboliot
10. Le dimanche 30 octobre 2005 à 10:57 par Pangloss
11. Le dimanche 25 décembre 2005 à 16:42 par xxxxxxx