Rediffusions : l'Aide juridictionnelle
Par Eolas le lundi 18 juillet 2005 à 19:31 :: Les leçons de Maître Eolas :: Lien permanent
L'été, c'est la saison des rediffusions. Je ne ferai pas exception et remets en ligne une note de mon ancien blog sur l'aide juridictionnelle.
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La nécessité de l’accès à la justice pour les plus démunis s’est toujours posée avec acuité. Autrefois, le problème était résolu par les « audiences de charité » et par l’obligation qui était faite aux avocats de prendre des dossiers pro bono, c’est à dire pour le bien, c’est à dire encore, non rémunérés.
L’augmentation considérable des actions en justices, qui ne révèle pas une judiciarisation à outrance de la société française comme on en entend parfois le diagnostic alarmiste, mais est plus à mon avis une conséquence de l’inflation législative, a conduit l’Etat à prendre en charge le coût de cet accès à la justice pour les plus indigents. C’est l’aide juridictionnelle, l’AJ dans l’inévitable jargon à base de sigles que je déplore régulièrement. Mais j'avoue que le sigle AJ est devenu un réflexe, aide juridictionnelle étant aussi un peu long à prononcer et à écrire.
Comment ça marche, qui y a droit, comment l’obtenir, comment l’avocat est il désigné, combien est il rémunéré et les avocats commis d’office ne sont ils pas plus mauvais que leurs confrères qui se passent de l’AJ ?
Une question à la fois.
- Qui y a droit ?
On distingue deux types d’aide juridictionnelle : la totale et la partielle.
L’aide est totale quand les ressources ne dépassent pas un plafond mensuel fixé chaque année par la loi de finance.
Pour 2005, ce plafond mensuel est de 844 euros, plus 152 euros pour chaque personne à charge (peuvent être personnes à charge le conjoint, le concubin, les descendants ou ascendants) dans la limite de deux, 96 euros par personnes à charge supplémentaire.
L’aide est partielle quand les ressources sont comprises entre 845 et 1265 euros mensuel avec les mêmes correctifs pour personnes à charge.
L’aide est dite partielle car selon le niveau de ressources, la part contributive de l’État varie de 85 à 15%.
Vous allez peut être croire que quand la part contributive de l’État est de 85%, lorsque votre avocat vous présentera la facture, 85% sera payée par l’État ?
Pas du tout.
Cela veut dire que votre avocat se verra verser 85% de l’indemnité d’aide juridictionnelle qu’il aurait touchée si vous aviez bénéficié de l’AJ totale.
Pour le surplus, vous allez signer avec lui une convention d’honoraires préalable à son intervention qui fixera la somme que vous allez lui verser. Cette convention sera soumise à l’approbation du Bâtonnier qui s’assurera du niveau raisonnable de son montant eu égard à la part contributive de l’État.
Quelle que soit l’AJ dont vous bénéficiez, les frais d’huissiers (pour assigner devant le tribunal puis signifier le jugement quand il a été rendu), d’avoué en appel, d’expert le cas échéant, sont pris en charge par l’État. Comprendre : ils sont indemnisés misérablement, mais l’État préfère parler de « prise en charge ».
·Comment l’obtenir ?
L’AJ, ça se mérite. Il faut aller retirer le formulaire CERFA 12467#01 (dont je découvre en actualisant ce billet qu'il a changé et a réellement été simplifié, je tire ma toque aux responsables, avec un grand merci) au bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de votre domicile (à Paris, il est au tribunal de commerce, 4 quai de Corse 75004 Paris, sur l’île de la cité ; prenez un bon bouquin, il y a toujours la queue). Ou alors, si vous êtes un lecteur assidû de mon blog, que vous disposez d’une connexion internet ce qui semble être le cas si vous lisez ces lignes ET d’une imprimante, vous pouvez les télécharger au format PDF en suivant ce lien.
Une fois cette demande remplie, vous allez la déposer au bureau d’aide juridictionnelle où elle seront traitées dans un délai d’un à quatre mois selon les tribunaux.
- Comment l’avocat est-il désigné ?
Il y a deux possibilités. Soit vous ne connaissez pas d’avocat et vous demandez à ce qu’un avocat vous soit désigné par le bâtonnier. A Paris, il sera pris sur une liste de volontaires répartis par nature de procédure (droit de la famille, juge de l’exécution, partie civile, etc..), dans les barreaux de province, ce sera plus souvent un tour de rôle, les pratiques variant grandement selon la taille des Barreaux. Pour comprendre : le Barreau de Paris regroupe à lui seul 40% des avocats de France avec 18000 avocats. Il est suivi par les Barreaux de Lyon (1900 avocats), de Nanterre (1800) et de Marseille (1300). Les plus petits barreaux peuvent comporter une vingtaine d’avocats, le plus petit à ma connaissance étant celui de Mayotte avec moins de 10 avocats. Dans ces conditions, il est impossible d'organiser les commissions d'office de la même façon.
Soit vous avez pris préalablement contact avec un avocat qui accepte de vous assister au titre de l’aide juridictionnelle. Vous demandez à ce qu’il soit désigné et vous joignez une lettre d’acceptation que cet avocat vous aura remis. C’est lui qui sera désigné, au nom du principe du libre choix de son avocat.
Rien n’oblige un avocat à accepter de défendre quelqu’un au titre de l’aide juridictionnelle, sauf s’il est désigné par le Bâtonnier. Un avocat désigné peut refuser un dossier pour raisons de conscience mais risque des sanctions disciplinaires s’il refuse systématiquement.
Donc tordons le cou à une idée reçue qui a la vie dure : les avocats commis d’office ne sont pas des avocats moins doués que leurs confrères qui ne sont pas fichus de trouver des clients par eux même. Tous ont leur propre cabinet, des clients solvables et satisfaits pour la plupart. Ayant été confronté à des adversaire désignés au titre de l’aide juridictionnelle, je n’ai jamais constaté chez eux un désintérêt pour leur dossier ou une défense a minima. Et ayant moi même quelques dossiers à l’AJ, j’espère me montrer aussi consciencieux que ces confrères.
- Combien l’avocat est-il rémunéré ?
Lorsque l’affaire est enfin jugée, l’avocat désigné remet au greffier la décision le désignant. Le greffier lui fait parvenir en même temps que le jugement rédigé une attestation de mission. L’avocat envoie le tout plus une copie du jugement au service de l’ordre qui s’occupe de régler les indemnités.
Cela veut dire qu’entre le moment ou la décision arrive et celui où l’indemnité est versée, plusieurs mois se sont écoulés, voire plus d’une année. Parfois même plusieurs années quand le procès est complexe. Jusque là, l’avocat ne touche pas un euro et gère le dossier à frais avancés.
Selon le type de procédure, un certain nombre d’unités de valeurs sont attribués à la procédure, l’unité de valeur étant fixée par la loi de finance chaque année.
L’UV est actuellement fixée à 20,84 euros (montant inchangé cette année, alors que les plafonds de ressources ont été relevés). S’agissant d’honoraires, la TVA doit être payée sur ces sommes, et elle l’est par l’État. Cependant, alors que la TVA est de 19,60% pour les honoraires d’avocats, l’État s’est accordé un taux à 5,5% sur les honoraires au titre de l’AJ. Petite mesquinerie de peu d’importance.
Un tableau regroupe la nomenclature complexe des procédures, avec une série de correctifs selon les incidents qui peuvent émailler l’instance.
Je vous en ferai grâce, mais si vous êtes curieux, voici une attestation de mission en matière civile et une en matière pénale qui reprend la nomenclature dans son intégralité.
Voici quelques exemples concrets d’indemnités d’aide juridictionnelle totale :
- Procédure de divorce par requête conjointe (durée de la procédure : un an environ) : 625,50 euros, 1042 euros si l’avocat assiste les deux époux, tous deux à l’AJ.
- Divorce pour faute (durée de la procédure un à deux ans) : 750,24 euros.
- Prud’hommes (durée de la procédure, 6 mois à un an avec deux audiences minimum) : 625,50 euros.
- « petit » Litige civil devant le tribunal d’instance (montant du litige inférieur à 7600 euros, durée de la procédure 3 à 6 mois) : 291,76 euros.
- « gros » litige civil devant le tribunal de grande instance (montant du litige supérieur à 7600 euros, durée de la procédure un à deux ans) : 416,80 euros.
- référé (un à trois mois) : 166,72 euros
- Défense d’un prévenu ou d’une partie civile devant le tribunal correctionnel (durée de la procédure 2 à 8 mois) : 166,72 euros.
- Assistance d’un mis en examen au cours d’une instruction pour un délit (un à deux ans) : 250,08 euros sans détention provisoire, 416,80 euros en cas de détention provisoire, ce qui ne veut certainement pas dire qu’il vaut mieux financièrement que le client soit détenu : la détention implique des visites à la maison d’arrêt et des procédures devant la chambre de l’instruction qui font perdre des demi journées entières.
- Assistance d’un mis en examen au cours d’une instruction pour un crime (un à deux ans) : 1042 euros.
- Assistance d’un accusé devant la cour d’assises (2 jours pleins minimum) : 833,60 euros, plus 41,68 euros par jour d’audience au-delà du premier, songez à la durée de la préparation qui se compte en dizaines d’heures.
- Assistance d’une partie civile devant la cour d’assises (2 jours pleins minimum) : 500,16 euros plus 41,68 euros par jour d’audience au-delà du premier.
Commentaires
1. Le lundi 18 juillet 2005 à 21:38 par Cobab
2. Le mardi 19 juillet 2005 à 00:23 par Fred
3. Le mardi 19 juillet 2005 à 00:28 par Fred
4. Le mardi 19 juillet 2005 à 10:16 par Gagarine
5. Le mardi 19 juillet 2005 à 11:05 par alex on lune
6. Le mardi 19 juillet 2005 à 12:02 par Breninger
7. Le mardi 19 juillet 2005 à 16:25 par Florent
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