Innocence et sentiments
Par Eolas le jeudi 30 juin 2005 à 15:44 :: Dans le prétoire :: Lien permanent
Audience de la chambre de l'instruction de Paris, dans sa formation spécialisée dans l'extradition et les mandats d'arrêt européen.
La particularité de ces audiences est qu'elles sont publiques, alors que la chambre de l'instruction siège en principe à huis clos pour respecter le secret de l'instruction et de la présomption d'innocence (sans rire). La seule question qui est abordée est le consentement ou non à la remise à l'Etat requérant, et en cas de refus, s'il existe une raison légale de refus de remise, ce qui, dans le cas du mandat d'arrêt européen, est quasiment impossible.
L'audience est donc un défilé d'innocents présumés qui arrivent menottés (car rien n'est plus dangereux qu'un innocent). Je dis innocents car ils ne sont ni prévenus, ni mis en examens. Le Code de procédure pénale parle d'eux en disant "la personne". La plupart de ces "personnes" ont été arrêtées quelques jours plus tôt, et leur famille est présente, ne serait-ce que pour les voir.
La première "personne", donc, est amenée dans le box. On lui ôte les entraves pendant l'audience, pour symboliser la liberté de la défense (sans rire). C'est un homme d'une trentaine d'année, le visage tendu : on sent qu'il lutte pour se contrôler. La présidente lui indique en vertu de quel titre il a été arrêté 5 jours plus tôt, pour des faits d'escroquerie commis 5 ans plus tôt en Italie, s'assure qu'il a compris, et demande s'il a des observations à faire.
L'innocent, stoïque jusqu'à présent, aperçoit dans la salle sa femme venue avec leur fils de deux ans et demi. Aussitôt, le barrage émotionnel se rompt. Il fond en larmes et supplie entre deux sanglots la présidente de le remettre en liberté, il explique qu'il est terrorisé en prison, qu'il veut pouvoir rentrer chez lui embrasser son fils et sa femme, et qu'il signera tout ce que la présidente lui donnera promettant qu'il se rendra en Italie s'expliquer avec le juge. Son avocat essaye de lui faire comprendre que le débat qui doit avoir lieu est purement juridique et que ces suppliques sont inutiles, mais en vain, les sanglots ne tarissent pas.
La présidente reprend les choses en main : "Monsieur, ça suffit, écoutez, on n'est pas là pour faire du sentiment. Avez vous des observations à faire sur la procédure ?".
L'innocent, regarde la présidente avec incrédulité, puis secoue la tête et pleure silencieusement, agité de soubressauts.
Dans la salle, son épouse pleure aussi.
Son fils, lui, dort comme un innocent.
Commentaires
1. Le jeudi 30 juin 2005 à 22:26 par kartben
2. Le jeudi 30 juin 2005 à 23:46 par jlhuss
3. Le vendredi 1 juillet 2005 à 00:40 par Vroumette
4. Le vendredi 1 juillet 2005 à 10:52 par Untel
5. Le vendredi 1 juillet 2005 à 11:26 par Zenitram
6. Le vendredi 1 juillet 2005 à 13:27 par Guignolito
7. Le vendredi 1 juillet 2005 à 14:01 par Guignolito
8. Le vendredi 1 juillet 2005 à 14:35 par Guignolito
9. Le vendredi 1 juillet 2005 à 15:01 par groM
10. Le vendredi 1 juillet 2005 à 15:05 par groM
11. Le vendredi 1 juillet 2005 à 16:17 par alex on lune
12. Le vendredi 1 juillet 2005 à 18:10 par Zenitram
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