Et pendant ce temps, que fait le législateur ?
Par Eolas le vendredi 22 avril 2005 à 21:53 :: Actualité du droit :: Lien permanent
L'actualité de ces derniers temps a beaucoup parlé des manifestations des lycéens contre la loi Fillon.
Je n'entrerai pas dans le débat de fond sur cette loi : je ne suis pas concerné, j'ai eu mon bac il y a longtemps.
La loi a été votée définitivement par le parlement et soumise au Conseil constitutionnel saisi par 60 députés et 60 sénateurs (je ne sais pas qui a copié l'autre, mais la similitude des textes leur aurait valu à tous un zéro à l'école).
La Conseil a rendu sa décision (n° 2005-512 DC) le 21 avril 2005, et a déclaré contraire à la Constitution deux dispositions de cette loi.
La première est l'article 12, ainsi rédigé : "Les orientations et les objectifs de la politique nationale en faveur de l'éducation ainsi que les moyens programmés figurant dans le rapport annexé à la présente loi sont approuvés". Les parlementaires de l'opposition accusaient cet article d'être contraire à la Constitution car n'ayant pas de portée normative ; or, aussi bête que ça puisse paraître, la loi doit légiférer : elle doit poser des règles de droit, de portée générale, et intelligibles. C'est une règle posée par le Conseil et fondé sur l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Le Conseil ne fait pas droit à leur argumentation : le rapport en question contenant des objectifs à l'action de l'Etat, il peut avoir une portée normative en étant revêtu de l'onction de la loi. C'est une loi de programme à caractère économique et social, prévue par l'article 34 de la Constitution. Mais la censure tombe sur une question de procédure : si le parlement peut adopter un projet de loi cadre, l'article 70 de la Constitution prévoit que cette loi est obligatoirement soumise pour avis au Conseil économique et social, ce qui n'a pas été le cas.
Mais c'est anecdotique.
La deuxième disposition vaut son pesant de café moulu. Elle est censurée par un considérant laconique constatant qu'elle est manifestement dépourvue de toute portée normative. Et c'est un euphémisme.
Prêts pour un morceau d'antologie de bla bla creux et vide de sens comme notre premier ministre les affectionne tant ?
Voici l'article que vous ne verrez jamais au JO, l'article 7 :
L'objectif de l'école est la réussite de tous les élèves.
Compte tenu de la diversité des élèves, l'école doit reconnaître et promouvoir toutes les formes d'intelligence pour leur permettre de valoriser leurs talents.
La formation scolaire, sous l'autorité des enseignants et avec l'appui des parents, permet à chaque élève de réaliser le travail et les efforts nécessaires à la mise en valeur et au développement de ses aptitudes, aussi bien intellectuelles que manuelles, artistiques et sportives. Elle contribue à la préparation de son parcours personnel et professionnel.
"Toutes les formes d'intelligence", l'expression me fait rêver. L'intelligence minérale doit elle être reconnue et promue ?
J'aime aussi quand la loi décide que les parents appuient la formation scolaire, à moins que ce ne soit l'autorité des professeurs.
C'est humiliant pour un ministre qui a soutenu son projet contre vents, marées et bolossages, de s'entendre dire : "Heu, désolé, mais ça, c'est pas de la loi". Mais il l'a bien cherché.
Si le parlement devait voter pour une page du botin, ça n'en deviendrait pas du droit pour autant, et il est bon de le rappeler au législateur de temps en temps.
Commentaires
1. Le samedi 23 avril 2005 à 15:44 par Fred
2. Le samedi 23 avril 2005 à 15:45 par fred
3. Le samedi 23 avril 2005 à 23:28 par Brain
4. Le dimanche 24 avril 2005 à 12:35 par larry
5. Le dimanche 24 avril 2005 à 16:45 par miss lulu
6. Le lundi 25 avril 2005 à 09:26 par Bambino
7. Le lundi 25 avril 2005 à 12:14 par Denys
8. Le lundi 25 avril 2005 à 20:37 par mary