Le mariage de Bègles annulé en appel
Par Eolas le mercredi 20 avril 2005 à 15:18 :: Commentaire judiciaire :: Lien permanent
Je reviens sur l'affaire du mariage entre deux hommes célébré par le maire de Bègles (dont le nom m'échappe) le 5 juin 2004.
Ce mariage avait été annulé par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 27 juillet 2004, décision commentée ici. La cour d'appel de Bordeaux a confirmé cette décision, voire y a ajouté, comme nous le verrons plus loin.
Si j'en crois Le Monde, ce que je fais de moins en moins en matière juridique, les motifs décisoires sont tirés de l'article 75 du Code civil et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Sur l'article 75 du code civil, qui précise que l'officier d'état civil chargé de célébrer le mariage "recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme", la cour déclare que :
"Sans équivoque possible, le Code civil impose (..) de recueillir la déclaration de deux personnes de sexe différent" ;
"Cette différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l'existence du mariage"
Or, l'acte dressé le 5 juin 2004 (...) mentionne que Stéphane C. et Bertrand Ch., de même sexe, ont déclaré 'vouloir se prendre pour époux', notion contraire à la volonté législative".
j'avais déjà soulevé cet argument dans ce billet, avant même que le jugement ne soit rendu en première instance. Oui, je me vante, mais c'est mon blog, je fais ce que je veux.
Sur l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit que "l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit", ce texte, selon la cour d'appel de Bordeaux, "n'impose pas que le mariage de deux personnes du même sexe doive être accepté", ce qui est tout à fait conforme à la jurisprudence de la Cour européenne.
La cour conclut que "la célébration organisée le 5 juin 2004 devant l'officier d'état civil de Bègles ne peut être considérée comme un mariage".
Ces termes sont intéressants : il faudra que je consulte le texte intégral de l'arrêt, mais la Cour semble aller encore plus loin que le tribunal qui avait annulé le mariage. La cour semble le déclarer inexistant, ce qui si c'est exact réjouira nombre de commentateurs en droit de la famille qui verront une réapparition de la théorie de l'inexistence en droit de la famille. Avis aux étudiants qui me lisent : vous avez un écrit de droit de la famille dans quelques mois ? Potassez cet arrêt, vous avez un sujet d'examen tout trouvé. Pour les non juristes : un mariage inexistant ne peut avoir aucun effet, tandis qu'un mariage annulé peut présenter les effets d'un mariage putatif (qui sur bien des points neutralise l'effet rétroactif d'une nullité). Le principal effet d'un mariage putatif est que les enfants nés dans un mariage annulé n'en sont pas moins légitimes, et non naturels. Pour résumer. On en fait des thèses, du mariage putatif et de l'inexistence.
Bien évidemment, les ex-époux ont annoncé qu'ils allaient se pourvoir en cassation puis porter l'affaire devant la cour européenne des droits de l'homme en cas d'échec plus que probable.
Je répète à nouveau que le salut se trouve au Parlement et non dans les prétoires. L'argumentation de l'absence de mention expresse de la différence de sexe dans le Code civil était fallacieuse et les deux juridictions bordelaises en ont fait litière, la chose est désormais claire.
Le problème de l'absence d'union légitime pour les homosexuels se pose toujours ; c'est un sujet de société qui relève du législateur.
Commentaires
1. Le mercredi 20 avril 2005 à 16:21 par sircam
2. Le mercredi 20 avril 2005 à 17:01 par swag
3. Le mercredi 20 avril 2005 à 17:38 par fred
4. Le mercredi 20 avril 2005 à 18:52 par swag
5. Le mercredi 20 avril 2005 à 19:44 par yves
6. Le mercredi 20 avril 2005 à 20:11 par versac
7. Le mercredi 20 avril 2005 à 20:33 par Gagarine
8. Le jeudi 21 avril 2005 à 01:37 par padawan
9. Le jeudi 21 avril 2005 à 02:33 par Wulf
10. Le jeudi 21 avril 2005 à 11:52 par sircam
11. Le samedi 18 février 2006 à 15:23 par Cha