Un peu de droit : les sursis
Par Eolas le mercredi 23 mars 2005 à 10:50 :: General :: Lien permanent
A l'occasion du jugement de notre mini dealer, la question du sursis a été abordée. Sursis simple, avec mise à l'épreuve, sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, tout cela peut paraître un peu obscur.
Voici un vade mecum des règles relatives aux sursis (vous allez comprendre le pluriel). Ce vade mecum est valable jusqu'au 1er janvier 2006 où entreront en vigueur des modifications apportées par la loi Perben II.
Il y a deux types de sursis : le sursis simple (la peine n'est pas exécutée si le condamné se tient à carreau) et les sursis "complexes" : la peine n'est pas exécutée si le condamné se conforme à des obligations fixées par le tribunal, qui supposent un suivi judiciaire. Le sursis peut être total ou partiel : on parle de peine "mixte" : une part de prison ferme pour réprimer, une part avec sursis pour dissuader.
Une autre distinction à faire est celle entre une peine privative de liberté (i.e. de la prison) et les peines non privatives de liberté.
Le sursis peut en effet s'appliquer aussi à des peines autres que la prison : l'amende (délictuelle et pour les contraventions de la 5e classe, les plus graves), aux jours-amende (ça doit être rare, je ne l'ai jamais vu), aux peines alternatives à l'emprisonnement (prononcées aux lieux et places d'une peine d'emprisonnement) des articles 131-6, 131-7 et 131-14 du Code pénal sauf la confiscation, et aux peines complémentaires (prononcées en plus d'une peine d'emprisonnement) des articles 131-10, 131-16 et 131-17 sauf les confiscations, fermetures d'établissement ou affichage de la condamnation.
Les effets des sursis sont les mêmes : passé un certain temps sans incident (5 ans pour un sursis simple, le délai d'épreuve fixé par le tribunal pour les sursis complexes), la condamnation est réputée non avenue. Elle figure quand même au bulletin n°1 du casier judiciaire, mais elle ne fait plus obstacle à un nouveau sursis, ne constitue plus la récidive, ne peut plus être mise à exécution.
- Le sursis simple (ou sursis tout court) :
Il ne peut être prononcé que pour les peines d'emprisonnement n'excédant pas 5 ans et sous deux limites :
Le prévenu ne doit pas avoir été condamné à de la prison avec sursis dans les 5 ans précédents ;
En cas de condamnation antérieure à une peine non privative de liberté avec sursis, seule une peine d'emprisonnement peut être assortie du sursis.
Toute peine de prison ferme révoque automatiquement tous les sursis (sauf si exceptionnellement le tribunal en décide autrement, ce qui est très rare).
Toute peine non privative de liberté révoque tous les sursis sauf celui accompagnant un emprisonnement. La loi estime que dans ce cas, la condamnation prononcée par le tribunal aurait des conséquences excessives par rapport à la peine qu'il a jugée adéquate.
- Les sursis "complexes" : le sursis avec mise à l'épreuve (SME) ou le sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (sursis TIG).
ces sursis ne peuvent accompagner qu'une peine privative de liberté. Leur intérêt est que les antécédents pénaux du prévenu sont indifférents. Un tribunal peut toujours prononcer un sursis complexe, quel que soit le casier. Je dis bien peut : si le casier en est à 10 condamnations, l'avocat économisera son temps et ses forces à plaider directement sur la durée de l'emprisonnement ferme.
Le tribunal quand il prononce une de ces peines doit en fixer les modalités. C'est a dire préciser la durée de l'emprisonnement, toujours dans la limite de 5 ans, et soit la durée et les obligations de la mise à l'épreuve, soit le nombre d'heures de TIG
Le sursis avec mise à l'épreuve : Le délai d'épreuve est compris entre 18 mois et 3 ans (12 mois à 3 ans à partir du 1er janvier 2006).
Tout SME entraîne automatiquement les obligations suivantes pour le condamné, sans même que le tribunal ait à les prononcer (article 132-44 du code pénal).
- Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;
- Recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;
- Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;
- Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;
- Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et, lorsqu'il est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations, pour tout changement d'emploi ou de résidence.
En plus, le tribunal peut prononcer les obligations qu'il souhaite parmi cette liste (qui figure à l'article 132-45 du code pénal) :
- Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;
- Établir sa résidence en un lieu déterminé ;
- Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation ;
- Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ;
- Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;
- Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ;
- S'abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ;
- Ne pas se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
- S'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné ;
- Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ;
- Ne pas fréquenter les débits de boissons ;
- Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;
- S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, notamment la victime de l'infraction.
- Ne pas détenir ou porter une arme ;
- En cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
- S'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et s'abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'en cas de condamnation pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles ;
- Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ;
- Accomplir un stage de citoyenneté.
Il va de soi que le tribunal choisit celles en relation avec l'infraction ou ses causes. Les plus fréquentes sont et de loin l'obligation de travail, de soins et d'indemnisation (1°, 3° et 5°).
Le stage de citoyenneté est un gadget inventé par la loi Perben II, une session (jusqu'à un mois, 6 heures par jour maximum) de propagande républicaine aux frais du condamné, auquel je prédis un succès mitigé auprès des juridictions.
Le sursis TIG : trois différences essentielles dans le régime du sursis TIG : il est applicable aux mineurs de 16 à 18 ans, il doit être accepté par le prévenu (le président lui demande son accord avant de délibérer pour savoir s'il peut envisager la possibilité de prononcer un TIG) et il ne peut être que total : pas de peine mixte prison + TIG. Les TIG doivent être accomplis dans le délai de 18 mois à compter de la condamnation (12 mois à partir du 31 décembre 2006, loi Perben II toujours), le délai d'épreuve est donc fixe.
La durée est de 40 h à 210 heures, fixée par le tribunal.
Les sursis complexes ne sont jamais révoqués automatiquement, contrairement au sursis simple. Ils sont révoqués soit par le juge d'application des peines en cas de non respect des obligations du condamné, soit par un tribunal statuant sur une nouvelle infraction commise pendant le délai d'épreuve.
Enfin, sachez que les TIG peuvent dans certains cas être prononcés à titre de peine principale et non comme modalité du sursis, auquel cas la violation des obligations constitue un délit à part entière, une sorte d'évasion atténuée. Je n'entrerai pas dans les détails, l'application de ce texte étant problématique et hors sujet.
Quelques exemples pour mettre tout cela en pratique.
- Dans le cas de notre mini dealer :
Il a été condamné à deux peines de prison avec sursis, parce que les audiences étaient rapprochées dans le temps. La seconde juridiction ignorait l'existence de la première condamnation, elle avait un casier vierge et a prononcé du sursis. C'est une anomalie, mais elle est imputable au délai de traitement par le servie du casier judiciaire et n'a pas à nuire au condamné, qui n'est pas tenu de révéler au tribunal les condamnations antérieures dont il a fait l'objet : nul n'est tenu de s'accuser ou de s'enfoncer. Le tribunal statuant sur les 2 grammes ne pouvait donc que prononcer un SME ou un sursis TIG. Une peine à de la prison ferme, fût-ce un jour, aurait automatiquement révoqué les deux sursis antérieurs et aurait ajouté six mois à la peine prononcée.
- X. est poursuivi pour vol. Il n'a pas de casier, il se prend deux mois avec sursis.
Un an plus tard, il commet un autre vol. Le sursis simple n'est plus applicable. Le tribunal prononce 4 mois de SME pendant 2 ans avec obligation de travailler et d'indemniser la victimes (132-45, 1° et 5°). Un an plus tard, il commet à nouveau un vol. Le tribunal le condamne à 6 mois fermes. Le sursis simple est automatiquement révoqué : il fera donc 8 mois ; le tribunal peut en outre décider de révoquer le SME (on se demande d'ailleurs comment en prison il respectera ses obligations), ce qui fait un total de 2 mois + 4 mois + 6 mois = 12 mois.
- Y. est poursuivi pour des dégradations. Il n'a pas de casier.
Il prend 1000 euros d'amende avec sursis. Un an plus tard, il est à nouveau poursuivi pour un vol. Le tribunal ne peut plus prononcer d'amende avec sursis. Il peut prononcer de la prison avec sursis et le condamne à un mois avec sursis. Un an plus tard, nouvelles poursuites pour abus de confiance (Y. suit décidément une bien mauvaise pente). Il se prend 3000 euros d'amende. Le sursis est révoqué automatiquement pour l'amende, mais pas pour la prison. Il doit donc payer 4000 euros d'amende. Un an plus tard, revoilà notre Y. devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut soit prononcer une peine de prison ferme, à laquelle viendra s'ajouter automatiquement un mois du sursis révoqué, soit prononcer un sursis SME qui n'entrainera pas révocation.
Commentaires
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2. Le mercredi 23 mars 2005 à 12:47 par tuekel
3. Le mercredi 23 mars 2005 à 15:26 par Fennelin
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