Mettons les points A et B sur les i
Par Eolas le vendredi 18 mars 2005 à 10:20 :: Actualité du droit :: Lien permanent
Au sujet de la directive "logiciels" (breviatis causa, ce terme est impropre puisqu'elle semble exclure expressément les logiciels), un débat est apparu sur l'éventuelle illégalité de l'adoption par le Conseil du 7 mars 2005 de sa position commune.
Le lièvre a été levé par la FFII (Association pour une infrastructure informationnelle libre, Foundation for a Free Information Infrastructure en anglais), association qui n'est certes pas neutre en la matière.
L'accusation est la suivante :
le règlement intérieur du Conseil prévoit que les points soumis à discussion sont divisés en deux catégories : les points "A" adoptés en vrac et sans débat, et les points "B" où les membres du Conseil peuvent se castagner débattre sereinement.
La directive "logiciel" figurait en point A sur l'ordre du jour.
Le ministre danois a pris la parole et, affirme la FFII, aurait demandé que la directive passe en point B. Pour ma part, je ne suis pas si sûr. Jeme demande s'il a effectivement exprimé cette demande comme l'affirme la FFII. Mon Danois est plus qu'hésitant (mais oui, j'ai étudié le Danois, en ma verte jeunesse), alors si quelqu'un peut me traduire cette déclaration :
"Tak hr. formand. Som de ved er det Danmarks ønske at forslaget om patentering af Computerimplementerede opfindelser behandles på rådsmødet som et B-punkt. Jeg har noteret mig deres bemærkninger om at de ikke kan acceptere dette da der alene er tale om en formel bekræftigelse af den politiske enighed fra maj sidste år, således at sagen kan gå til Europaparlamentet. Jeg syntes stadig det vil være rigtigst at tage sagen som et B-punkt, men når det ikke kan lade sig gøre vil jeg ikke stå i vejen for forslagets formelle vedtagelse. Jeg vil så med beklagelse aflevere en skriftlig erklæring til optagelse i rådets mødeprotokol, synspunkterne i denne erklæring vil vi forfølge når sagen kommer tilbage til rådet, efter at Europaparlementet har afsluttet sin anden læsning. Tak. hr formand."
Ce que je comprends de cette intervention est que le Danemark prend acte que ce point ne passera pas en point B , et le regrette. Je me renseigne auprès d'amis Danois, je vous confirme bientôt.
La Hollande va prendre la parole et, toujours d'après FFII (la retransmission publique étant coupée lors de cette intervention conformément à l'article 8 du règlement intérieur, puisque le vote du point A n'est pas censé donner lieu à débat) va signaler au Danemark que s'il demande le passage de la directive en point B, elle le soutiendra.
Il demeure que la directive restera en point A et sera adoptée sans discussion.
La FFII crie à l'absence de démocratie, un membre de son bureau ayant décidé de s'illustrer par sa sottise en affirmant "Ce qu’il s’est passé aujourd’hui est absolument impensable. Je ne vois pas comment les promoteurs de la Constitution européenne peuvent encore la soutenir en restant crédible." La Constitution européenne n'étant pas en cause, faut-il le rappeler ? C'est ce genre de récup' minable qui m'énerve et m'a poussé à faire ce billet.
La FFII fait une analyse exégétique du règlement intérieur du Conseil, allant chercher jusque dans l'annexe III (qui précise dans quels cas les voix d'un Etat absent non représenté peuvent être ignorées) en concluant que cette directive aurait dû être retirée de l'ordre du jour ou transformée en point B.
D'abord, il n'est pas démontré que cette demande ait été présentée, sous réserve d'une mécompréhension de ma part.
Ensuite, le règlement intérieur ne précise nulle part comment sont sanctionnées ses violations. Par la nullité du texte ? Certainement pas : les nullités procédurales sont prononcées, à la suite d'un recours en annulation (article 230 et s. du TUE), ouvert aux institutions (commission ,conseil, parlement) et aux Etats membres, dont le Danemark, par la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui est la gardienne des Traités et des actes dérivés adoptés, et non des règlements intérieurs. Encore qu'à ma connaissance la question n'ait jamais été soulevé, mais l'article 230 est formel : les cas d'annulation sont : l'incompétence, la violation des formes substantielles (la distinction point A/point B n'étant certainement PAS une telle forme), la violation du TUA ou de toute règle de droit relative à son application, ou le détournement de pouvoir.
Le Conseil n'a pas le pouvoir d'ajouter des conditions de validité procédurale des textes adoptés qui ne figureraient pas dans les Traités : ce serait une révision de fait de ces Traités, et cette révision serait annulée pour incompétence.
Ensuite, ce règlement a pour objet (c'est l'exposé des motifs) de permettre au Conseil de mieux utiliser le temps nécessairement limité dont il dispose (3e considérant). C'est clairement le but du point A, qui permet une adoption en bloc des textes qui ne posent pas de problème. En somme, c'est l'organisation matérielle des réunions du conseil, avant (préparation de l'ordre du jour), pendant (comment le vote est organisé, comment la publicité des débats est elle assurée), et après (publication des actes). Ychercher des règles de fond pour la validité de l'adoption des textes est un non sens. Le Conseil doit adopter, rejeter ou modifier des textes, et personne ne lui demande de justifier de sa méthode pour ce faire, hormis respecter le nombre de voix par pays et la majorité qualifiée ou l'unanimité quand le Traité l'exige. C'est tout.
Enfin et surtout, la lecture du compte rendu du Conseil révèle un élément déterminant : le Danemark, la Pologne, autre apys frondeur, et la Hollande ont voté pour l'adoption de la position commune sur la directive logiciels. Seule l'Espagne a voté contre, l'Autriche, l'Italie et la Belgique s'abstenant). Ces pays se sont contentés de déposer des observations écrites au procès verbal (c'est ce qu'annonce le ministre danois il me semble dans le texte sus-cité).
Parler de passage en force, ou comme le fait la FFII qui ne laisse jamais passer une occasion de balancer sur le TCE : "C’est un jour très triste pour la démocratie qui ne laisse entrevoir rien de bon avec Constitution européenne qui donne encore plus de pouvoir au Conseil", c'est largement abusif. Le 4 juin 1989, c'était un jour très triste pour la démocratie. Le 11 septembre 1973, aussi. Le 7 mars 2005 ne trouvera sa place dans les livres d'histoire, n'en déplaise au goût de l'emphase de certains.
Le refus de la présidence luxembourgeoise d'ouvrir ce débat est expliqué dès l'ouverture de la séance : voir cette transcription des débats sur le site de la FFII, à savoir que le texte soumis au Conseil était un texte déjà adopté en mai 2004 par le Conseil, ce qui justifiait son placement en point A. Vu les désaccords profonds entre le Conseil et le Parlement, il ne fait aucun doute que des modifictions seront proposées par le parlement, qui feront obstacle à l'adoption de ce texte et entraîneront une phase de conciliation entre le Conseil et le Parlement (les deux organes législatifs de l'Union, rappelons le) :article 251 TUE, actuellement en vigueur (et qui le restera en cas de non au referendum).
Cette phase apparaissant comme inévitable, la Présidence a préféré adopter la position commune en l'état pour que le parlement le modifie à nouveau et que le Comité de conciliation soit convoqué (avec le risque d'un rejet pur et simple à la majorité absolue par le parlement auquel cas la directive est morte et enterrée, mais ce n'est jamais arrivé à ce jour).
Donc le 7 mars n'est pas un jour sombre pour la démocratie : c'est une répétition du résultat de mai 2004. Le Conseil s'en tient à sa position, et veut en découdre avec le Parlement, et pour cela appelle de ses voeux un comité de conciliation. Si ce comité (les membres du Conseil + un nombre égal de députés) ne parvient pas à une solution acceptée par les deux parties, ce sera la mort de cette directive.
Commentaires
1. Le vendredi 18 mars 2005 à 19:22 par Paxatagore
2. Le vendredi 18 mars 2005 à 20:59 par xilun
3. Le vendredi 18 mars 2005 à 21:11 par Bambi
4. Le vendredi 18 mars 2005 à 21:22 par M LeMaudit
5. Le vendredi 18 mars 2005 à 23:33 par yves
6. Le vendredi 18 mars 2005 à 23:35 par Media
7. Le samedi 19 mars 2005 à 12:03 par Marcel
8. Le samedi 19 mars 2005 à 21:43 par guerby
9. Le lundi 21 mars 2005 à 13:09 par jean-marc
10. Le jeudi 24 mars 2005 à 16:18 par cedcox
11. Le jeudi 24 mars 2005 à 16:49 par cedcox
12. Le dimanche 27 mars 2005 à 22:40 par zoobab
13. Le lundi 28 mars 2005 à 00:35 par zoobab
14. Le lundi 28 mars 2005 à 00:38 par yves
15. Le lundi 28 mars 2005 à 09:08 par bernard
16. Le lundi 28 mars 2005 à 13:01 par Media
17. Le mardi 29 mars 2005 à 08:20 par Media
18. Le mardi 29 mars 2005 à 08:27 par Media
19. Le mardi 29 mars 2005 à 14:52 par xor
20. Le mardi 29 mars 2005 à 15:50 par florimond
21. Le mardi 29 mars 2005 à 22:55 par Media
22. Le mercredi 30 mars 2005 à 15:27 par catexcite
23. Le vendredi 1 avril 2005 à 00:25 par LEIôPAR
24. Le samedi 2 avril 2005 à 00:06 par florimond
25. Le mardi 5 avril 2005 à 20:10 par Media