Lettre d'un avocat
Par Eolas le vendredi 11 février 2005 à 17:16 :: La profession d'avocat :: Lien permanent
A l'occasion de la commémoration du soixantième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, l'Ordre a organisé une cérémonie à la mémoire de ceux de nos confrères qui ont été déportés, en raison entre autres de la soumission de l'Ordre des avocats de Paris aux autorités de l'époque.
C'est un point qu'il est bon de rappeler, et qui me fait rougir de honte quand je vois au dessus de la porte de la biliothèque des avocats la citation décernée à l'ordre des avocats "qui a bien mérité de la patrie", alors que le Conseil n'a pas hésité à radier les avocats juifs réputés non français en application des lois de Vichy (à savoir naturalisés après le 20 août 1927 ou ayant quitté le territoire entre le 10 mai et le 30 juin 1940) en 1941, et a respecté le numerus clausus qui limitait à 2% le nombre de membres juifs d'un barreau.
Non pas que le Barreau de Paris se soit particulièrement illustré dans son zèle. Le Barreau du Maroc, alors colonie française, a radié 33 de ses 38 membres.
Dans ses mémoires, Jacques Charpentier justifie l'application de cette mesure car elle permettait de sauver "la plupart de ceux de nos confrères qui avaient conquis notre estime" (J. Charpentier, Au service de la liberté, Fayard, Paris 1947, page 100).
A l'occasion de cette cérémonie, il a été lu une lettre écrite à l'époque par Pierre Masse, avocat au Barreau de Paris, qui n'avait pas conquis l'estime du Bâtonnier Charpentier, à ce dernier.
Pour tous ceux qui disent encore aujourd'hui "à l'époque, ils ne pouvaient pas savoir ce qui se passait en Allemagne".
14 décembre 1941
Monsieur le Bâtonnier,
Je suis appelé. Je vais probablement mourir.
Je suis venu ici comme avocat. Je mourrai, j'espère, dignement, pour ma patrie, ma foi et mon Ordre.
Dites à mes confrères que je les remercie des honneurs qui ont accompagné ma vie professionnelle. J'en emporte une juste fierté.
Je vous recommande mon fils.
Je finirai en soldat de la France et du droit, que j'ai toujours été.
Bien vôtre, en toute amitié et en déférent respect.
Pierre Masse
Pierre Masse a été interné à Drancy avec quarante autres avocats (à l'époque, le Barreau comportait quelques centaines de membres). Il sera ensuite déporté à Auschwitz où il mourra en 1942.
Commentaires
1. Le vendredi 11 février 2005 à 19:05 par justin67
2. Le vendredi 11 février 2005 à 19:40 par gerard
3. Le samedi 12 février 2005 à 11:56 par fluctuat
4. Le samedi 12 février 2005 à 12:00 par fluctuat
5. Le samedi 26 mars 2005 à 00:52 par Pinkilla
6. Le vendredi 15 avril 2005 à 10:02 par Sagittarius