Deux poids, deux mesures, une démagogie
Par Eolas le jeudi 23 décembre 2004 à 17:16 :: Commentaire judiciaire :: Lien permanent
Vous avez sûrement reçu un e mail ou lu sur un site quelconque ce message (via Padawan) :
Chacun d’entre vous a entendu parler du jugement d’Alain Juppé.
Dans le numéro 18357 du Monde (daté de dimanche-lundi 1-2 février 2004), on trouve la somme d’argent public “détournée” durant la période des emplois fictifs. On estime cette fraude a 2,4 millions d’euros…
Dans le même numéro, on trouve la condamnation d’un internaute coupable d’avoir vendu des MP3, pour une somme totale de 5 511 euros… L’homme est veuf avec trois enfants à charge."
''Alain Juppé = 2 400 000 euros à l’Etat = 18 mois de prison avec sursis.
L’internaute = 5 511 euros aux maisons de disque = 6 mois fermes.
Alain Juppé = vol de l’Etat = jugement trop sévère = intervention sur TF1.
L’internaute = vol de sociétés privées = bon jugement = ferme ta gueule.
Alain Juppé = “consternation” = campagne de soutien.
L’internaute = bien fait pour sa gueule = rien.
C’est instructif, hein!!!''
Très, en effet.
Comparer l'incomparable pour obtenir un effet de distorsion est une manoeuvre classique.
Adressée à un public réceptif (les internautes adeptes de partage en ligne et hostiles à la politique, surtout au RPR), ça s'appelle de la démagogie et ça marche à tous les coups.
Maintenant, en faisant quelques recherches, par exemple en lisant l'article en question dans Le Monde, voici ce qu'on peut apprendre.
1 - Le prévenu n'a pas trois mais deux enfants. Alain Juppé, lui, en a trois.
2 - Le prévenu était jugé en état de récidive. Alain Juppé n'avait jamais fait l'objet de poursuites pénales.
3 - le prévenu téléchargeait du MP3 pour le revendre gravé sur CD, ce que même les plus acharnés des partisans de la liberté du partage réprouvent et baptisent piratage. Et il a continué malgré une première condamnation devenue définitive, c'est la definition de la recidive. Il avait recu un avertissement et n'en a pas tenu compte.
Alain Juppé a laissé perdurer une situation qui existait avant son arrivée, où des permanents du RPR étaient payés par la mairie de Paris. Nul ne l'accuse d'avoir continué après sa mise en examen ni ne le soupçonne de jamais recommencer un jour.
4 - Le prévenu a été condamné non pas à 5511 euros de dommages intérêts mais 1000 euros tout rond.
Le tribunal de Nanterre doit encore statuer sur les intérêts civils, mais la ville de Paris demande 418 000 euros rien qu'à Alain Juppé.
Du coup, le même cas devient un peu moins la démonstration flagrante que la justice a deux vitesses, non ?
Je ne prends pas particulièrement la défense d'Alain Juppé (il a pour cela des confrères bien plus compétents que moi) ni n'applaudis à l'incarcération du pirate.
C'est le procédé que je trouve méprisable, il est démagogique et populiste, et c'est lui et lui seul que j'attaque.
Commentaires
1. Le jeudi 23 décembre 2004 à 18:54 par Jean-Baptiste Soufron
2. Le jeudi 23 décembre 2004 à 20:09 par Citizen
3. Le jeudi 23 décembre 2004 à 23:16 par padawan
4. Le vendredi 24 décembre 2004 à 10:46 par padawan
5. Le vendredi 24 décembre 2004 à 16:04 par padawan
6. Le vendredi 24 décembre 2004 à 18:00 par Mannig
7. Le samedi 25 décembre 2004 à 10:31 par Paxatagore
8. Le lundi 27 décembre 2004 à 14:00 par Mannig
9. Le lundi 27 décembre 2004 à 17:26 par Béotien
10. Le mardi 28 décembre 2004 à 22:47 par la Della
11. Le mercredi 29 décembre 2004 à 17:27 par sk†ns