La face cachée du Monde restera cachée
Par Eolas le mardi 23 novembre 2004 à 14:38 :: Commentaire judiciaire :: Lien permanent
Au hasard de mes lectures, je viens d'apprendre un détail qui m'avait échappé, et je crois ne pas être le seul en l'occurence.
Vous vous souvenez sans doute de ce livre, la Face cachée du Monde, de Pierre Péan et Philippe Cohen, sorti le 26 février 2003.
Dès sa parution, le Monde annonçait que "Ses avocats s'apprêtent à déposer des plaintes en diffamation publique" (article du 7 mars 2003) tandis que le conseil d'administration de la Société des rédacteurs du « Monde » affirmait dès le 28 février que "ATTAQUÉE, diffamée, insultée, la rédaction du Monde est blessée."
Un combat à mort s'annonçait, les murs de la 17e chambre (la schmabre spécialisée dans les affaires de presse à Paris) allaient assurément être maculé de sang : Le Monde, rien de moins, contre Péan et Cohen, deux journalistes polémistes mais à la réputation bien ancrée.
Qu'en est-il donc aujourd'hui ?
Les murs de la 17e sont toujours ocres et le resteront.
Une médiation pénale a été engagée, et c'est Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation, qui a été le médiateur.
Dire que moi, je dois me contenter d'un délégué du procureur (même pas un substitut fraichement nommé, ou même un auditeur de justice) pour des faits qui pourraient envoyer mon client en prison... La diffamation n'est punie que de peines d'amende.
Elle a donc abouti à la publication d'un communiqué, que je reprends ici intégralement, par lequel, avec une langue de bois magnifique, chaque partie dit qu'en disant ce qu'elle a dit elle n'a pas dit ce qu'elle voulait dire mais tout le contraire.
Ainsi, le titre "Ils n'aiment pas la France" doit s'entendre comme reconnaissant les sentiments patriotiques de Messieurs Colombani, Minc et Plenel. Lorsqu'ils affirment que Monsieur Colombani a effectué des voyages à Cannes payés par Pierre Botton (y compris une nuit d'hôtel au Carlton), ils n'imputent nullement à celui-ci un recel d'abus de biens sociaux, ni aucune infraction pénale. En effet, pour qu'un journaliste soit condamné pour des faits de cette nature, il faut qu'il soit journaliste à TF1, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Ces malentendus ainsi dissipés, le Monde a accepté de ses désister de ses actions tandis que l'éditeur renonçait à tout tirage supplémentaire de ce livre et y insérait le communiqué que j'ai reproduit ici.
Mieux vaut un mauvais accord qu'un bon procès, dit l'adage, et j'abonde dans son sens. Mais s'agissant d'un organe de presse, c'est insuffisant.
Mais cette transaction un peu discrète après des déclarations rageuses prenant les lecteurs à témoin laisse sur sa faim. Qui avait raison ? Si ce que disaient Péan et Cohen était vrai, pourquoi se rétracter ? Si c'était faux, pourquoi le Monde se désiste-t-il au lieu de faire éclater la vérité ?
La réponse ne sera pas connue, et la question mourra peu à peu au fur et à mesure de l'épuisement des stocks de l'éditeur.
Rideau. De fumée ?
Commentaires
1. Le samedi 4 février 2006 à 02:27 par Stéphane