Antisémitisme ordinaire
Par Eolas le mardi 4 mai 2004 à 21:05 :: General :: Lien permanent
L’autre jour, j’ai subi une agression antisémite.
C’était la première fois que ça m'arrive. Ca fait bizarre.
Rien de grave, je n’ai pas été frappé.
Mais j’ai été secoué psychologiquement, plus que je ne l’aurais cru. Ca m'a trotté dans la tête toute la journée, au point que j'ai eu du mal à me concentrer sur mes dossiers.
Je me croyais pourtant à l’abri.
Pas parce que je suis un homme, ou dans la force de l’âge et capable sinon de repousser une agression, en tout cas de laisser un douloureux souvenir à mon assaillant, ni même parce que je suis avocat.
Non, rien de tout cela.
Simplement parce que je ne suis pas Juif.
Je me rendais au Conseil de Prud'hommes d’Argenteuil, riante cité du Val d’Oise, en transports en commun (j’exècre rouler en voiture en région parisienne, et c'est trop loin pour le vélo). Entre la gare SNCF et le Conseil de Prud'hommes, il faut traverser des barres HLM et passer à côté d’un stade pour atteindre la rue des Celtes (à côté de la rue des Druides) où se trouve le Conseil.
Au niveau du stade, je me fais aborder par un jeune homme qui me demande tout de gob « Monsieur, vous êtes de quelle origine ? »
Voyons… Mon père était vendéen, ma mère angevine, mon grand père breton, ma grand mère poitevine, je suis né à Paris… Mais je devine que ce n'est pas là le sens de sa question. Je requiers des précisions.
— Je vous demande pardon ?
Il se fait plus précis.
— Est ce que vous êtes Juif ?
Quelque peu médusé, je réponds : « Ben non, pourquoi ? »
Réponse lapidaire :
— Parce que moi, les Juifs, j’leur nique leur race (coup de poing dans la paume de sa main).
Je remarque que sa main présente de multiples petites plaies, signe de ceux habitués aux bagarres de rue. Un rapide coup d’œil autour de moi me révèle qu’il a le courage du nombre et que je suis entouré de ses copains, visiblement frustrés que je ne sois pas Juif.
Je décide lâchement de ne pas pousser plus loin la controverse.
Le jeune homme tourne les talons et s’éloigne de moi, puisque je ne présente plus d'intérêt à ses yeux.
Encore surpris par l’incident, je l’interpelle.
— Mais… Qu’est ce qui vous a fait croire que j’étais juif ?
— Votre chapeau !
C’est vrai, souffrant d’une calvitie masculine mais me piquant d’élégance, je protège mon encéphale, qui est après tout mon outil de travail, d’un Borsalino de couleur sombre. Mais de là à ressembler à Rabbi Jacob… Voilà l'objet qui m'a valu de manquer de peu de me faire battre comme plâtre en pleine rue.
Dans quelques semaines, je défends un gosse de 10 ans qui a été frappé à la sortie de son école par la mère d’un de ses camarades, parce qu’il avait eu une dispute avec son fils et qu’elle n’a pas supporté qu’un Juif ait des mots avec son chérubin.
C’était en France. En plein 21e siècle.
Mon Dieu, qu’est ce qui nous arrive ?
Commentaires
1. Le mercredi 31 août 2005 à 14:57 par Valentin
2. Le mercredi 31 août 2005 à 15:14 par Sans pseudo
3. Le mardi 27 décembre 2005 à 16:34 par Emma
4. Le mardi 27 décembre 2005 à 17:28 par Patrick
5. Le vendredi 30 décembre 2005 à 14:50 par Albert
6. Le dimanche 24 décembre 2006 à 21:24 par Un confrère
7. Le jeudi 9 août 2007 à 15:40 par Juif