Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mercredi 24 novembre 2004

Engageons le débat

engageons le débat

Je souhaite réagir à deux commentaires récents sur mon site, en fait plus particulièrement sur le second, le plus long, mais celui-ci a été provoqué par le premier.

Que voici:

Point de vue d'un juge d'instruction : la nullité crasse de bon nombre d'avocats en procédure pénale est un problème important dans notre pays. Notre procédure repose tout de même en partie sur la participation active des avocats à la procédure. Du coup, on a souvent le choix entre des très hargneux ou des très incompétents.
Paxatagore

Le deuxième commentaire émane d'un élève avocat qui finit son année de formation à l'
Ecole de Formation du Barreau (EFB), par où passent les futurs avocats issus des facultés du ressort de la cour d'appel de Paris. Il est assez cinglant et critique avec la profession, et c'est sur ce point que je voudrais réagir.


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mardi 23 novembre 2004

La face cachée du Monde restera cachée

la face cachee du monde le restera
Au hasard de mes lectures, je viens d'apprendre un détail qui m'avait échappé, et je crois ne pas être le seul en l'occurence.

Vous vous souvenez sans doute de ce livre, la Face cachée du Monde, de Pierre Péan et Philippe Cohen,  sorti le 26 février 2003.

Dès sa parution, le Monde annonçait que "Ses avocats s'apprêtent à déposer des plaintes en diffamation publique" (article du 7 mars 2003) tandis que le conseil d'administration de la Société des rédacteurs du « Monde » affirmait dès le 28 février que "ATTAQUÉE, diffamée, insultée, la rédaction du Monde est blessée."

Un combat à mort s'annonçait, les murs de la 17e chambre (la schmabre spécialisée dans les affaires de presse à Paris) allaient assurément être maculé de sang : Le Monde, rien de moins, contre Péan et Cohen, deux journalistes polémistes mais à la réputation bien ancrée.

Qu'en est-il donc aujourd'hui ?

Les murs de la 17e sont toujours ocres et le resteront.

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lundi 22 novembre 2004

Faire part de naissance

faire part de naissance Je vous annonce la naissance de Publius, un blog politique collectif sur le traité constitutionnel de l'Union européenne, et sur le processus d'adoption.

Il est animé par six internautes dont la compétence, la qualité des écrits et leur pertinence n'est plus à démontrer,  j'ai nommé Versac, Ceteris Paribus, Anaclet de Paxatagore, SocDem, Commentaires et Vaticination, et Initiation. Ajoutons y Krysztoff, qui n'a pas encore de blog perso mais dont les commentaires enrichissent avantageusement nombre des blogs sus-mentionnés.

Liste d'auteurs à laquelle ces excellents contributeurs m'ont fait l'honneur de m'intégrer, ce dont je tâcherai de me montrer digne.

Il y a donc des auteurs libéraux, centristes, de droite et de gauche.

Même si nous sommes tous europhiles (ce qui n'est pas une perversion sexuelle) et pour la plupart pour le "oui" (Krysztoff ayant reçu le rôle d'opposant minoritaire opprimé), ce n'est pas un site prosélyte. Il se fera écho des différentes argumentations pour le oui ou le non, et les commentera d'un oeil critique. Vous y trouverez également des analyses et résumés du Traité, le but étant de faire comprendre les enjeux au lecteur afin que chacun puisse faire son choix sans se rallier à telle ou telle chapelle à cause de son affinité supposée avec tel homme politique.

Je pense exprimer ici une préoccupation diffuse parmi chacun des publius : ce referendum annoncé étant la seule échéance électorale avant la grande bataille de 2007, beaucoup de prises de position vont être influencées sinon déterminées par des considérations tactiques de pure politique intérieure française, considérations qui devraient au contraire être totalement absentes de ce débat.

Modestement, notre initiative civique (car citoyenne n'a jamais été un adjectif), à nous qui n'avons pas d'agenda électoral, vise à offrir un lieu de débat d'honnêtes hommes, et pleins d'une ferme confiance dans la protection de la divine Providence, nous engageons mutuellement au soutien de ce blog, nos vies, nos fortunes et notre bien le plus sacré, l'honneur.

Publius, le blog
PS : Merci à Alexander Hamilton, James Madison, John Jay et Thomas Jefferson pour leur inspiration pour ce blog et cette dernière péroraison scandaleusement emphatique.


mercredi 3 novembre 2004

Le piratage privé est-il légal en France ? Suite et fin

Dans une deuxième partie, le jugement va rappeler qu’il existe un droit de copie prévu par l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle : l’auteur ne peut s’opposer, une fois son œuvre divulguée, à ce que soient réalisées des copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective.

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mardi 2 novembre 2004

Le piratage privé est il légal en France ?

C’est cette question que soulève le jugement rendu le 13 octobre 2004 par le tribunal correctionnel de Rodez (Aveyron), disponible sur Juriscom.net (lien).

Les faits, tels qu’ils résultent du jugement, seul document dont je dispose, étaient les suivants :

Le 8 février 2003, à l’occasion d’une perquisition au domicile d’Aurélien D., la police découvre 488 CD-ROM contenant autant de films et dessins animés. Interpellé à ce sujet, il déclare qu’il s’agit de films téléchargés sur internet ou des copies de CD-ROM d’amis.

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dimanche 3 octobre 2004

Pourquoi je n’ai rien contre le plaider coupable

C’est le 1er octobre qu’est entrée en vigueur la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC. Les premières audiences de ce type auront lieu lundi 4 octobre à Paris.

Première précision d’emblée : on dit que la loi Perben II entre en vigueur aujourd’hui. C’est on ne peut plus faux. Cette loi a modifié plus de 400 articles de divers codes et la plupart de ses dispositions sont entrées en vigueur dès le lendemain de sa publication au JO soit le 10 mars 2004 (comme l’aggravation du délit de contrefaçon, effacez vite vos MP3, et l’aggravation des délits à mobile raciste ou homophobe).

D’autres ne sont pas encore entrées en vigueur : le chapitre sur l’application des peines ne s’appliquera qu’au 1er janvier 2005, la généralisation de la responsabilité des personnes morales (disposition que nul ne conteste) et le droit d’appel de toutes les ordonnance du juge d'application des peines au 31 décembre 2005, la réduction à un an du délai d’exécution d’une peine de travail d’intérêt général ne sera effective qu’au 31 décembre 2006, quant à l’obligation pour le parquet d’informer les victimes de tous les classements sans suite, c’est renvoyé au 31 décembre 2007. Sans compter que certaines dispositions sont soumises pour leur entrée en vigueur à des décrets qui, s’ils ne sont jamais pris, les priveront d’effet (conservation au casier judiciaire des condamnations des mineurs, droit de se constituer partie civile pour les associations de victimes d’accidents collectifs, entre autres).

La presse s’en fait largement écho, parlant beaucoup de procédure « à l’américaine », ce qui n’est pas censé être un compliment sous la plume de ceux qui l’écrivent et qui ne connaissent pas le système judiciaire américain autrement que par les fictions télévisées, en disant que cette procédure est très contestée par les avocats et ressortent à cette occasion des images des manifestations de mars 2003.

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vendredi 10 septembre 2004

Auto défense ?

Quelqu’un m’a demandé, dans le prolongement du vade-mecum précédent, de faire une note sur le fait de se défendre soi même devant un tribunal correctionnel. [Mise à jour : j'ai jouté le mot correctionnel suite à une remarque pertinente de Padawan. Ces remarques ne s'appliquent pas à une juridiction civile, où les audiences sont fort différentes, mais il y faudrait un autre vade mecum... Je ne traite donc ici que de la défense devant une juridiction répressive : tribunal de police et tribunal correctionnel, l'asistance d'un avocat étant obligatoire devant une Cour d'assises]

Je vais y répondre très simplement.

Je vous exhorte à ne pas le faire.

Permettez moi d’emblée de désamorcer toute polémique sur le fait que je défendrais ma chapelle, et qu’il ne faut pas s’attendre à voir un avocat encourager les prévenus à se passer d’eux.

Voici mes raisons, à vous de les juger.

Tout d’abord, le droit pénal est une matière complexe. Lire le code pénal et le code de procédure pénale ne suffit pas. L’avocat est un professionnel du droit, il y a 5 ans, bientôt 6 ans d’étude pour y arriver. Aucun bouquin de vulgarisation n’arriveront à remplacer ces années d’études des textes et de la jurisprudence, outre des controverses doctrinales entre professeurs de droit, connaissance sans cesse maintenue à jour par une lecture régulière du Recueil Dalloz et de la revue trimestrielle de droit civil, entre autres, auxquelles s’ajoutent l’expérience des tribunaux.

Ensuite, l’avocat a de par sa fonction d’auxiliaire de justice des possibilités pour préparer une défense qui sont fermées au prévenu : notamment l’accès au dossier au greffe du tribunal, pour lui permettre de prendre connaissance des procès verbaux de police à la recherche des fameuses nullités et de ce que lira le juge. Il a une indépendance protégée par la loi jusqu’à certaines limites, qui lui permet le cas échéant de s’accrocher avec le président du tribunal qui sort de sa réserve ou rétorquer à un procureur exagérément répressif, ce qu’un prévenu ne pourrait faire sans encourir une peine sévère voire un outrage à magistrat.

De plus, l’avocat vous accompagne à l’audience, il est à vos côtés. C’est tout bête mais quand vient le moment, c’est précieux. Même s’il est taisant la plupart de l’audience, c’est comme un garde du corps. En cas de coup dur, il est là pour vous tirer d’un mauvais pas. Et l’ambiance d’un prétoire ne l’impressionne pas plus que le fait de devoir prendre la parole en public.

Il a une vision extérieure de l’affaire, n’étant pas partie. Son analyse technique n’est pas altérée par la peur d’aller en prison, la rancœur que peut éprouver la victime, ou par le traumatisme des faits.

Il a l’expérience des tribunaux, voire du président lui même. Il sait ce que le tribunal attend, ce qui est de nature à entraîner sa clémence. Il vous préparera à l’audience, vous mettra en garde contre de mauvaises tactiques de défense ou des mensonges trop visibles. J’ai déjà écrit sur le sujet.

Il vous conseillera sur l’opportunité de faire appel ou non et pourra même le faire pour vous.

Tandis que l’avantage de se défendre soi même est simple : ça économise les frais d’avocat. Point.

A vous de voir, c’est votre liberté qui est en jeu.

Sinon, on me demande aussi si cela est fréquent et si c’est bien ou mal vu.

Fréquent, oui. Une bonne moitié des affaires, dirais je totalement subjectivement. Mais c’est souvent par ignorance : le prévenu ne sait pas qu’il existe l’aide juridictionnelle, ou comment la demander, ou croit qu’il faut le demander le jour de l’audience. Je constate souvent que chez les jeunes mineurs (jusqu’à 25 ans), ce sont les parents qui font les démarches, voire payent les honoraires.

Mal vu, non, je n’ai jamais eu cette impression. Si les tribunaux sont sans doute plus sévères avec ceux qui ne sont pas assistés d’un avocat, ce n’est pas à cause de cette absence, mais plutôt du défaut de défense effective et efficace.

Cela dit, il est vrai qu’il est impossible de savoir quelle eût été la peine prononcée pour la même affaire par le même tribunal selon qu’un avocat aurait été présent ou non.

Ma consœur blogueuse Veuve Tarquine racontait il y a tout juste un mois un échange entendu par elle à une audience, qui me paraît une bonne illustration. Je lui emprunte donc un petit extrait de son excellent billet . Le prévenu est poursuivi pour avoir blessé une personne en conduisant en état d’ivresse.

Je me souviendrai toujours d’un jeune homme sans avocat, qui en réponse à la question rabâchée « qu’avez-vous à dire pour votre défense ? » a répondu : « Rien du tout, je suis désolé, je n’aurais pas du boire autant, je n’en avais pas conscience, je n’imaginais pas que j’aurais pu blesser quelqu’un, je la prie de m’en excuser… ». Il bredouillait misérablement des excuses parfaitement sincères. La Présidente, qui rendait ses délibérés sur le siège, lui a alors fait connaître sa décision : « puisque vous n’avez rien à dire pour votre défense, je suis les réquisitions du Procureur ! » ce qu’elle prononce illico.

Ce à quoi j’avais fait observer qu’il avait bien dit quelque chose pour se défendre, qu’en fait, il avait fait une plaidoirie complète.

Ainsi l’exorde, qui vise à capter l’attention et la bienveillance de l’auditoire : "Rien du tout", ce qui est faux puisqu'il continue à parler, mais ainsi, il se met en position d'humilité et fait comprendre qu'il sera court, invitant le tribunal à lui accorder le peu d'attention dont il a besoin.

Puis il dit "je suis désolé" : c’est la confirmation qui pose l’argument de la défense et qui consiste en une acceptation de sa responsabilité avec la conséquence morale qui en découle : le remord.

Vient ensuite "je n’aurais pas du boire autant, je n’en avais pas conscience, je n’imaginais pas que j’aurais pu blesser quelqu’un" : voici la réfutation, qui combat l’argumentation adverse. En l’occurrence, le rejet de trois arguments l'accablant que pouvait retenir le tribunal : le prévenu n'invoque pas l'excuse de croire pouvoir conduire ivre, d'avoir pris le volant ivre en connaissance de cause, d'avoir sciemment pris le risque de blesser quelqu'un.

Enfin : " je la prie de m’en excuser… " : voici la péroraison, qui clôt un discours, où, comme conclusion logique de la reconnaissance de sa responsabilité, il s'adresse cette fois à la victime par l'intermédiaire du tribunal : c'est à elle que les remords s'adressent, non à la juridiction, c'est un appel à la réconciliation, au pardon, qui seul est de nature à mettre fin au trouble social causé par l'accident.

Il y a eu plaidoirie, la présidente ne s’en était même pas rendu compte.

Je pense que la présence d’un avocat aurait sûrement diminué la peine prononcée en deçà des réquisitions du parquet, ne serait ce que pour éviter un appel du prévenu.

mardi 7 septembre 2004

vade mecum d'une audience correctionnelle

Nous pouvons tous être convoqués devant un tribunal correctionnel, du moins je le souhaite pour le chiffre d’affaire de ma profession, que ce soit en tant que prévenu, partie civile, ou témoin.

Mais concrètement, ça se passe comment ?

Oubliez d’emblée les fictions télévisées, qu’elles soient américaines (la procédure française est totalement différente) ou française (les scénaristes n’y connaissent rien, n’écoutent visiblement pas les consultants juridiques qu’ils inscrivent au générique comme alibi, et ne cherchent qu’à mettre en valeur leur héros, quelles que soient ses fonctions).

Alors voilà comment ça se passe, sachant que ce n'est ni un rituel ni une grand'messe : si ce schéma est toujours suivi, il n'est pas fixé avec pointillisme par le Code de procédure pénale et chaque président a ses manies, chaque tribunal ses usages, et chaque jour ses imprévus.

Voici mon guide du routard au prétoire...

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lundi 6 septembre 2004

Demandez le programme, ou les malheurs de Guillermito - 2

En droit, les données du problème sont les suivantes (où on quitte le domaine de la programmation pour celles du droit, et où je redeviens maître chez moi) :

Pour résumer d’entrée, le délit de contrefaçon est au droit de l’auteur d’une œuvre sur celle-ci, ce que le vol est au propriétaire d’une chose.

En effet, la loi protège l’auteur d’une œuvre contre toute atteinte à ses droits sur celles ci.

Qu’est ce qu’une œuvre, quels sont ces droits ?

Une oeuvre est une création de l’esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

L’article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle en donne une liste fort longue mais non exhaustive. Les logiciels y figurent au 13°.

La seule condition est l’originalité de cette oeuvre. Le plagiat n’est pas protégé. Les simples idées non plus, il faut que l'oeuvre soit matérialisée. Notons que les textes législatifs et assimilés (décrets, arrêtés…) ne sont pas protégés et peuvent être reproduits à l’envie.

L’auteur d’une œuvre a, du seul fait de sa création, deux droits sur celle-ci, outre un droit moral au respect de son œuvre qui ne nous intéresse pas ici : un droit de représentation et un droit de reproduction.

La représentation d’une œuvre est une présentation publique éphémère de celle ci. C’est le cas d’une représentation théâtrale (le terme droit de représentation vient de là), de l’exposition publique d’un tableau, de la déclamation d’un poème ou d’un discours (ou d’une plaidoirie...),etc.

La reproduction d’une œuvre est sa fixation sur un support matériel (photographie d’un tableau, enregistrement d’une chanson, gravage d’un logiciel sur un CD, ou son installation sur un disque dur, etc…).

Premier élément à bien comprendre : la propriété du support ne se confond pas avec la propriété de l’œuvre.

L’auteur d’une oeuvre de l’esprit cède à un tiers (maison de disque, éditeur) le droit de reproduire son œuvre. Ces reproductions sont mises en vente, l’auteur touchant une part déterminée du produit de la vente. On parle de redevance, ou improprement de royalties.

Le fait que vous soyez propriétaire d’un CD de Mireille Mathieu, d’un exemplaire de Windows XP professionnel, ou d’un album de bande dessinée ne vous rend pas propriétaire de l’œuvre qui y figure. Vous n’avez pas le droit de la reproduire (L’œuvre, hein, pas Mireille Mathieu, mais je m’égare), seul l’auteur de l’œuvre ou celui à qui il a cédé le droit de reproduction peut le faire.

Ne pas respecter cela, c’est porter atteinte au droit de l’auteur de l’œuvre. Cette atteinte est appelée de manière globale une contrefaçon et c’est un délit. Utiliser une œuvre contrefaite est aussi un délit, c’est le recel de contrefaçon.

Le délit de contrefaçon est défini par l’article L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle :

« Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. La contrefaçon en France d'ouvrages publiés en France ou à l'étranger est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. ''Seront punis des mêmes peines le débit, l'exportation et l'importation des ouvrages contrefaits. Lorsque les délits prévus par le présent article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende. »''

En matière de logiciels, domaine qui nous intéresse dans l’affaire Guillermito, les articles L.122-6 et L.122-6-1 apportent les précisions suivantes, eu égard à la nature particulière de ces œuvres :

Art. L. 122-6 : Sous réserve des dispositions de l'article L. 122-6-1, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser :

1º La reproduction permanente ou provisoire d'un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. Dans la mesure où le chargement, l'affichage, l'exécution, la transmission ou le stockage de ce logiciel nécessitent une reproduction, ces actes ne sont possibles qu'avec l'autorisation de l'auteur ;

2º La traduction, l'adaptation, l'arrangement ou toute autre modification d'un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant ;

3º La mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d'un logiciel par tout procédé. Toutefois, la première vente d'un exemplaire d'un logiciel dans le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen par l'auteur ou avec son consentement épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les Etats membres à l'exception du droit d'autoriser la location ultérieure d'un exemplaire.

Art. L. 122-6-1 :

I. Les actes prévus aux 1º et 2º de l'article L. 122-6 ne sont pas soumis à l'autorisation de l'auteur lorsqu'ils sont nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l'utiliser, y compris pour corriger des erreurs.

Toutefois, l'auteur est habilité à se réserver par contrat le droit de corriger les erreurs et de déterminer les modalités particulières auxquelles seront soumis les actes prévus aux 1º et 2º de l'article L. 122-6, nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l'utiliser.

II. La personne ayant le droit d'utiliser le logiciel peut faire une copie de sauvegarde lorsque celle-ci est nécessaire pour préserver l'utilisation du logiciel.

III. La personne ayant le droit d'utiliser le logiciel peut sans l'autorisation de l'auteur observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce logiciel afin de déterminer les idées et principes qui sont à la base de n'importe quel élément du logiciel lorsqu'elle effectue toute opération de chargement, d'affichage, d'exécution, de transmission ou de stockage du logiciel qu'elle est en droit d'effectuer.

IV. La reproduction du code du logiciel ou la traduction de la forme de ce code n'est pas soumise à l'autorisation de l'auteur lorsque la reproduction ou la traduction au sens du 1º ou du 2º de l'article L. 122-6 est indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité d'un logiciel créé de façon indépendante avec d'autres logiciels, sous réserve que soient réunies les conditions suivantes :

1º Ces actes sont accomplis par la personne ayant le droit d'utiliser un exemplaire du logiciel ou pour son compte par une personne habilitée à cette fin ;

2º Les informations nécessaires à l'interopérabilité n'ont pas déjà été rendues facilement et rapidement accessibles aux personnes mentionnées au 1º ci-dessus ;

3º Et ces actes sont limités aux parties du logiciel d'origine nécessaires à cette interopérabilité.

Les informations ainsi obtenues ne peuvent être :

1º Ni utilisées à des fins autres que la réalisation de l'interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;

2º Ni communiquées à des tiers sauf si cela est nécessaire à l'interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ; '' 3º Ni utilisées pour la mise au point, la production ou la commercialisation d'un logiciel dont l'expression est substantiellement similaire ou pour tout autre acte portant atteinte au droit d'auteur.''

V. Le présent article ne saurait être interprété comme permettant de porter atteinte à l'exploitation normale du logiciel ou de causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.

Toute stipulation contraire aux dispositions prévues aux II, III et IV du présent article est nulle et non avenue.

Je sais, ce n'est pas simple, mais qui a prétendu que le droit était une discipline facile ?

En l’espèce, quelle est la contrefaçon que le juge d'instruction a estimé suffisamment caractérisée ?

1. Tout d’abord, la version de Viguard qu’aurait utilisée Guillermito n’aurait pas été achetée dans le commerce mais aurait été une copie sans licence d’utilisation ("warez"). Ce serait une violation directe de l’article L.335-2 du code de la propriété intellectuelle.

2. A défaut de cette licence, les opérations de désassemblage seraient illicites et constitueraient également le délit de contrefaçon. De ce défaut de licence découle donc une grande partie des charges, car la plupart des actes accomplis par Guillermito seraient licites avec une licence d’utilisation : en effet, le désassemblage du logiciel est licite en vertu de l’article L.122-6-1, III :

« La personne ayant le droit d'utiliser le logiciel peut sans l'autorisation de l'auteur observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce logiciel afin de déterminer les idées et principes qui sont à la base de n'importe quel élément du logiciel lorsqu'elle effectue toute opération de chargement, d'affichage, d'exécution, de transmission ou de stockage du logiciel qu'elle est en droit d'effectuer. »

(Je souligne.)

3. Enfin, il aurait distribué gratuitement des logiciels tirés des sources du logiciel VIGUARD, en reproduisant ainsi celles ci sans l’autorisation de leur auteur, ce qui est également une contrefaçon.

Ce qui peut paraître surprenant, et provoque tant de réactions outragées dans le landernau de l'internet, c’est que ce qui est reproché à Guillermito n’est pas d’avoir fait savoir urbi et orbi qu’il pense que le logiciel Viguard est moins efficace que le prétend TEGAM, mais d’avoir fait sa démonstration à partir d'une version « warez», une copie illégale du logiciel.

Pourtant, on peut supposer que TEGAM International est plus remontée contre Guillermito pour avoir publié une telle affirmation avec démonstration à l’appui, à laquelle un expert judiciaire n’a rien trouvé à redire, que pour s’être procuré UN exemplaire de leur logiciel sans leur payer la redevance correspondante (prix de vente public chez Surcouf : 118,40 € TTC).

Mais comme je l’indiquais, le fait d’affirmer que tel produit est inefficace n’est pas un délit ni même une faute civile pouvant entraîner une condamnation à dommages-intérêts si l’affirmation est exacte et démontrée.

TEGAM International a-t-elle intenté ces poursuites pour punir indirectement Guillermito d’avoir dénigré leur produit ? Peut-être, je ne ferai pas de procès d’intention à cette société, mais ce serait tout à fait légal, même si c’est moralement discutable. Vous vous souvenez, droit et morale, patati, patata…

Demain : Concrètement, comment ça va se passer, ou : le déroulement d’une audience correctionnelle, petit manuel de survie, et de savoir vivre.

vendredi 3 septembre 2004

Demandez le programme, ou les malheurs de Guillermito, 1e partie.

Voici la note promise sur les malheurs de Guillermito.

  • Note préalable : Cette note a pour but d’informer ceux qui veulent en savoir plus sur les données de l’affaire, et les aspects juridiques en cause. Je sais que les internautes qui soutiennent Guillermito sont nombreux, et que tel est le cas de nombre des lecteurs de cette chronique. Néanmoins, je n’accepterai aucun commentaire insultant ou diffamant vis à vis des parties en cause ou des intervenants dans ce dossier. Merci de respecter le ton mesuré que j’ai moi même adopté. Je suis responsable des propos publiés sur mon blog, n’oubliez pas. Ceux qui auront un commentaire supprimé auront par e mail l’explication du geste s’ils laissent leur adresse avec leur prose. Je serai très strict.

Cette note sera divisée en trois parties, publiées séparément. Aujourd’hui, un bref rappel des faits, sans rentrer dans les détails, les circonstances exactes et détaillées pouvant faire partie du schéma de défense des parties.

Guillermito donc s’est un jour, pour son plus grand malheur, intéressé au programme Viguard, de la société TEGAM International.

La société qui commercialise ce programme, qui équipe 45.000 ordinateurs du ministère de la justice, dixit cette société qui aime publier le nom de ses clients, proclamait sur la boite de la version 8 qu’il s’agissait d’une « protection permanente et infranchissable contre les virus connus et inconnus, remplace les mises à jour », ajoutant au dos de la boîte qu’il est « impossible qu’un virus connu ou inconnu échappe à la technologie IN-DEFENSE » mise en œuvre avec ViGUARD.

Dubitatif face à une telle annonce triomphale, Guillermito s’est procuré une copie de la dernière version de ce programme (c’est là un point crucial du dossier) et l’a décortiquée, informatiquement parlant.

Ayant ainsi disséqué le programme, il a découvert son mode de fonctionnement et a pensé avoir démontré que ce programme était loin de tenir ses promesses de protection absolue. Étant chercheur de formation, passionné d’informatique, dans le domaine des virus et antivirus en particulier et aussi coupeur de cheveux en quatre, il a publié ses conclusions avec sa démonstration, révélant ainsi le fonctionnement interne du logiciel Viguard. Cette démonstration était même accompagnée de logiciels issus des codes de Viguard pour permettre à qui les téléchargeait d’effectuer ses propres vérifications.

Tout cela a déclenché l’ire de TEGAM international.

Cette société se prétend lésée non pas par la critique sévère de la soit-disant "protection absolue" de son logiciel (cette critique ne serait un délit que si elle était fausse et serait une diffamation, et comme nous le verrons dans ma note suivante, il semble que les affirmations de Guillermito soient fondées) mais par le fait que :

  1. Guillermito aurait utilisé une version de Viguard 9 sans licence ;
  2. Il diffuserait des éléments structurels du logiciel qui étaient secrets ;
  3. Il aurait désassemblé certains éléments du logiciel en passant du langage machine au langage programmateur, ce qui semble être très grave mais du diable si j’y comprends quelque chose.

[Edit] : Sur la controverse technique : TEGAM y répond de manière détaillée sur cette page, que je vous invite à lire si vous avez les connaissances techniques suffisantes.

Un expert a été désigné par le juge d'instruction pour prêter à la justice ses compétences en informatique, celles de Guillermito dépassant tant celles de son avocat que celles du juge, du procureur et de votre serviteur, même réunies.

Cet expert a qualifié dans son rapport les actes effectués par Guillermito : « désassemblage et réassemblage de parties du logiciel Viguard, distribution gratuite de logiciels tirés des sources de ce logiciel et diffusion de tous les éléments, comportements, logiciels, extraits de code et informations permettant la neutralisation du programme Viguard ».

Rassurez vous, moi non plus, je ne comprends pas tout.

L’expert conclut que la contrefaçon par reproduction du logiciel est caractérisée « du fait que les modifications sur Viguard n’étaient pas effectuées par un utilisateur à des fins de compatibilité pour une utilisation personnelle [ce qui est, comme nous allons le voir, une altération autorisée par la loi sous certaines conditions], mais par un internaute qui les communique à des tiers ».

Ce même expert souligne toutefois que les compétences de Guillermito sont « indiscutables », qu’il avait « dénoncé avec pertinence les failles du logiciel Viguard » et relevait « l’innocuité et l’inefficacité de ce logiciel ».

Le juge d'instruction a finalement estimé qu'il existait des charges suffisantes contre Guillermito d'avoir commis le délit de contrefaçon d’œuvre de l’esprit mais a écarté le recel de contrefaçon, et renvoyé l’affaire devant le tribunal correctionnel pour qu’elle y soit jugée.

Suite dès lundi (je ne poste pas les week ends), avec une note sur les aspects juridiques du dossier : le B.A.BA. de la propriété intellectuelle, qu'est ce qu'une contrefaçon, comment tout cela s'applique à un logiciel, et au regard de ces règles de droit, que reproche-t-on à Guillermito.

Mardi, ce sera sur le déroulement d'une audience correctionnelle, de manière générale, pour savoir à quoi vous allez assister, sans entrer dans les arguments des parties.

mardi 31 août 2004

Pendant ce temps là, en Chine...

Après l’Iran, continuons notre tour du monde des merveilleuses décisions de justice.

Ma Weihua est une Chinoise qui a été arrêtée en janvier 2004 en possession de 1,75 kg d’héroïne.

En Chine, la possession d’une telle quantité de drogue est passible de la peine de mort.

Seulement voilà, lors d’un examen médical de routine à la prison, les médecins ont découvert qu’elle était enceinte de 7 semaines.

Or la loi chinoise prévoit qu’une femme mineure ou enceinte ne peut être condamnée à mort.

D’ailleurs, lors de sa plaidoirie, son avocat a plaidé une peine moindre que la peine de mort en soulevant son état de grossesse, le fait qu’elle a montré du remord, qu’elle n’avait pas d’antécédents judiciaires et que son acte n’a pas causé de trouble grave à la société. Le seul argument juridique susceptible de faire obstacle à l’exécution était le premier : l’état de grossesse.

Et que pensez vous qu’il arriva ?

Bien que Ma Weihuan ait déclaré vouloir porter l’enfant jusqu’au bout, les officiers de police de la brigade des stupéfiants de Chengguan, en charge du dossier, ont signé une demande d’avortement « en son nom ».

Vu le comportement « non coopératif » de la patiente, l’opération a dû se dérouler sous anesthésie générale.

Maintenant que cet obstacle juridique a été levé, le verdict est attendu dans les tous prochains jours.

Source Amnesty International.

En Chine, la peine de mort est par exécution publique d’une balle dans la tête, la balle étant ensuite facturée à la famille.

Mise à jour : Ma Weihua a été rejugée en novembre 2004 et sa condamnation a été commuée en prison à vie. La mobilisation internationale semble avoir joué un rôle;

vendredi 27 août 2004

Elections américaines (3)

Après la triste note d’avant hier (qui a généré le record de commentaires, par toujours dans le sujet, il est vrai), revenons abruptement à un sujet plus politique et moins funèbre.

Les élections américaines approchent à grand pas, la convention républicaine est sur le point de s’ouvrir à New York, il est plus que temps de rappeler ce qui s’est passé lors des dernières élections, en 2000.

Il a été dit et redit par les démocrates que Bush avait volé les élections. Si cette affirmation est inexacte, comme nous allons le voir, vous verrez qu’il est dur de jeter la pierre aux Démocrates tant ils ont des raisons d’être amers.

Vous vous souvenez (sinon relisez vite la note élections américaines – 2) du système qui veut que chaque état envoie un nombre différents de grands électeurs, mais que tous les grands électeurs d’un Etat sont nécessairement acquis au même candidat (Règle du Winner takes all).

Le 7 novembre 2000 se sont tenues les élections au niveau national. Rappelons pour les plus jeunes qu’elles opposaient le vice-président de William Jefferson Clinton, Albert Arnold Gore Junior (Démocrate), à George Walker Bush (Républicain).

En temps ordinaire, on connaît dès le soir le nom du futur président. Les instituts de sondage ont évalué les résultats, il suffit de comptabiliser le nombre de grands électeurs.

Afin d’éviter des proclamations contradictoires et pour s’assurer d’un résultat le plus crédible possible, les principales chaînes américaines (ABS, NBC, CBS, CNN, Fox News et l’agence Associated Press) ont créé un consortium, le Voter News Service (VSN), qui fournissait à chaque chaîne des résultats identiques. Après le fiasco qui va intervenir ce soir là et un autre moins lourd de conséquences lors des élections de mi mandat en 2002, le VNS a été depuis dissous.

En effet, très tôt en ce 7 novembre 2000, il est apparu que le vote en Floride serait serré, bien en deçà de toutes les marges d’erreur acceptables en statistiques.

Or si Gore est assez largement en tête au niveau national, tous votes cumulés sans tenir compte des Etats (il avait 500.000 voix d’avance), il n’avait que 267 grands électeurs alors qu’il en faut 269 pour être élu. En somme, le résultat de la Floride sera déterminant pour le résultat de l’élection, puisque si ces 25 grands électeurs ne lui sont pas acquis, ils vont à Bush et lui donnent les 269 voix requises.

Néanmoins, première erreur, le VNS va attribuer la Floride à Gore à 20h48, heure de la cote est, lui donnant les 25 grands électeurs et la victoire.

Or au moment de cette annonce, une partie des comtés de Floride, située dans la zone centrale, où il n’est que 19h48, n’ont pas fermé leurs bureaux de vote.

Les républicains soulèveront que des électeurs se rendant au bureau de vote ayant entendu la victoire de Gore à la radio ont dû faire demi tour et rentrer chez eux. C’est une thèse sur laquelle je reviendrai et qui est lourde de conséquences.

Les Démocrates croient donc avoir partie gagnée et commencent à faire la fête, Al Gore attendant prudemment d’avoir la confirmation.

Cette confirmation ne viendra pas puisque le VNS changera sa position et attribuera la Floride à Bush, avant de conclure « too close to call », résultat trop serré.

Fait unique : Al Gore va reconnaître sa défaite à l’annonce de la Floride aux Républicains, avant de revenir sur ses déclarations après le statu quo.

Les Etats Unis doivent se faire à l’idée qu’ils ne connaîtront pas le nom du Président le soir du 7 novembre. De fait, il faudra encore plus d’un mois.

Beaucoup de journalistes Français ont commencé à déclarer que cette situation était du jamais vu, ce qui est faux mais on peut leur pardonner de ne pas se souvenir des mémorables élections de 1800 et de l’élection aux forceps de Thomas Jefferson par la Chambre des représentants au 36e tour de scrutin.

Le Code électoral de Floride va aggraver l’embrouillamini naissant puisqu’il précisait qu’en cas de résultat très serré, un recomptage doit obligatoirement avoir lieu. Mais ce recomptage, comme le premier, a lieu par lecture de fiches perforées.

En effet, la Floride avait recours à des votes par fiches perforées. Or les machines utilisées sont très anciennes et parfois, le trou est mal percé et l’opercule reste accroché par un, deux ou trois des quatre points d’attache. Ce qui pour une machine veut dire : vote blanc, aucun trou percé.

Pour tenir compte de cela, ce même Code précise qu’un candidat peut demander un recomptage manuel dans quatre comtés maximum (un Etat est divisé en comtés, counties, qui prennent le nom de leur chef lieu : comté de Palm Beach, Comté de Miami Dale…).

Mais ce recompte n’est pas automatique. Pour ce faire, (accrochez vous ! C’est du droit !) le candidat doit contester les résultats dans trois bureaux de vote (precinct) au moins du Comté. Le juge du comté ordonne le recompte dans ces bureaux de vote en précisant la méthode (l’opercule doit il rester accroché par un, deux ou trois coins, ou une marque visible qu’on a tenté de le décrocher suffit-il ? etc …) Si le recompte révèle des erreurs, le recompte a lieu dans tout le comté.

Al Gore va donc contester les résultats dans quatre comtés réputés très démocrates (Broward, Miami-Dade, Palm Beach et Volusia), là où il a le plus de chances de transformer des voix nulles ou blanches en votes exprimés en sa faveur.

George Bush va contester cette demande en soulevant que le choix de comtés très démocrates est plus un calcul électoral que la constatations de problèmes spécifiques.

Le recompte des bureaux de vote désignés par Gore va aboutir au même résultat que ceux du 7 novembre.

Les juges saisis vont cependant rendre des décisions contradictoires, certains ordonnant malgré tout le recompte en raison de résultats très serrés, d’autres le refusant au motif que les résultats des recomptes sont conformes et que le choix de comtés démocrates était injuste. De plus, les juges ordonnant le recompte retiendront des méthodes de recomptage différentes.

La situation vous semble compliquée ? Rassurez vous : ça va se corser.

Face à des décisions divergentes, c’est le rôle de la Cour Suprême d’unifier les décisions.

Al Gore a donc saisi la Cour Suprême de Floride (car le problème concerne le code électoral de Floride) qui va ordonner que le recompte ait lieu dans tous les comtés contestés, mais ce avant le 12 décembre, date à laquelle le code électoral de Floride ordonne que les résultats soient officiellement proclamés.

Première victoire de Gore.

De courte durée : le 1er décembre 2000, George W Bush va saisir la Cour Suprême des Etats Unis en invoquant la rupture de l’égalité devant la loi du fait des différentes méthodes retenues pour le décompte. Le 4 décembre, la Cour Suprême va fixer l’audience au 10 décembre et ordonner la suspension du recompte pendant l’intervalle.

Le 12 décembre, la Cour va rendre une décision estimant le recompte ordonné par la Cour Suprême de Floride anticonstitutionnel par 7 voix contre 2 (en raison de l’absence d’un standard unique de recompte et d’un juge unique supervisant toutes les opérations) et estimant par 5 voix contre 4 qu’il était impossible d’effectuer un recompte constitutionnel dans les délais impartis par la Constitution des Etats Unis, violant ainsi la nécessité d’un procédé juridique équitable (due process of law) et l’égale protection devant la loi (equal protection clause).

En conséquence, les derniers résultats officiels, confirmés le jour même par le parlement de Floride, seront retenus comme définitifs : Bush emporte la Floride par… 537 voix (2.912.790 voix contre 2.912.253 pour Gore). Il a donc les 25 grands électeurs et la victoire quand bien même Gore a eu au niveau national 50.999.897 voix contre 50.456.002 pour Bush.

Gore reconnaîtra sa défaite le 13 décembre à 21 heures côte est.

Les Grands électeurs se réuniront le 18 décembre et éliront George W Bush 43e président des Etats Unis par 271 voix contre 266 (et non 267, Barbara Lett-Simmons, grand électeur du district de Columbia ayant voté blanc pour protester contre la sous représentation du DC au Congrès). Le résultat sera avalisé par le Congrès le 6 janvier 2001 et George W Bush prêtera serment le 20 janvier 2001.

Par la suite, l’Université de Chicago, sponsorisée par les grands médias américains, va se procurer l’intégralité des bulletins et effectuer un recompte privé.

Il va donner des résultats très variables.

Ainsi, un recompte sur toute la Floride, qui n’a jamais été entrepris ni demandé, donne la Floride à Gore avec une avance de 60 à 171 voix selon la méthode retenue.

En revanche, les méthodes demandées par Gore, retenues par la Cour Suprême de Floride ou selon les méthodes divergentes initialement ordonnées par les juges locaux donnent toutes la Floride à Bush, avec une avance oscillant entre 225 et 493 voix.

Ainsi, quand bien même Gore aurait-il eu tout le temps nécessaire pour que les recomptes qu’il demandait soient réalisés, il n’en aurait pas moins perdu la Floride.

Un Démocrate m’objectera que les résultats sur toute la Floride donnent la victoire à Gore.

Certes, mais en tout état de cause, avec un tel écart, comment peut on estimer ces résultats sincères sachant tous les incidents qui ont en plus affecté ce scrutin :

  • L’annonce anticipée et erronée de la victoire de Gore, de nature à décourager au moins 171 électeurs républicains d’aller voter en vain (l(Institut Johan Mc Laughlin a estimé la marge à 5000 voix) ;
  • Le Butterfly Ballot du Comté de Palm Beach, bulletin très propice à une erreur de lecture au profit de Bush. En effet, ce bulletin plié en deux verticalement, comme un livre, avait sur chaque face le nom d’un candidat et au centre les trous à percer pour voter. Or si le premier trou correspond bien au premier candidat en haut à gauche (George Bush), le second trou correspond au candidat en haut à droite (Pat Buchanan, sorte de Le Pen local). Le troisième trou correspond à Al Gore, situé sous Bush. Un électeur peu attentif pourrait percer le 2e trou pensant voter Gore et votant en fait Buchanan.

Voici une photo de ce fameux bulletin : A noter que ce bulletin a été conçu par une élue démocrate, Theresa Lapore.

  • 57.746 électeurs ont été radiés des listes comme conséquence d’une condamnation pénale, alors qu’une bonne partie d’entre eux l’ont été par erreur.
  • Les Démocrates ont lourdement souligné que le gouverneur de Floride n’est autre que le frère de George Bush, Jeb Bush. Il est vrai que Jeb a soutenu son frère tout au long de la campagne. Mais cela n’a rien d’anormal et est même ordinaire aux Etats Unis.
  • Sans compter une très lourde abstention.

Pour conclure, la légitimité de l’élection de George W Bush ne peut être remise en question.

Quel que soit le pataquès de Floride, un processus légal s’est tenu d’un bout à l’autre, et George W Bush n’est absolument pour rien dans ces complications kafkaïennes. Aucune théorie du complot ou de fraude électorale ne tient la route.

Si les élections se sont jouées devant un tribunal, c’est du fait d’Al Gore qui a décidé de revenir sur son admission de défaite et de saisir la justice de multiples recours. Bush étant son adversaire et directement concerné par le résultat, il était tout à fait légitime qu’il se défendît.

Sommes nous à l’abri d’un tel spectacle en novembre ?

Peu probable : la Floride est passée au vote électronique, dont la fiabilité est contestée (tout utilisateur de PC comprendra pourquoi) et qui ne laisse pas de contremarque en papier pour vérifier.

Sachant que les sondages donnent Kerry et Bush dans un mouchoir de poche, je vais peut être ouvrir un cabinet secondaire aux Etats Unis, moi.

lundi 23 août 2004

Le pénal aux pénalistes !

J’ai déjà pesté et pesterai encore contre les avocats qui se frottent au pénal sans rien y connaître. Il y a quelques mois, j’ai vu un cas en pleine action. Ou inaction, en l’espèce. Je bouillais intérieurement en assistant à l’audience. Ce qui me mettait en colère est qu’il était en défense.

Je vais devoir entrer un peu dans les mécaniques du droit pénal pour bien vous faire comprendre.

Le prévenu était poursuivi pour tentative d’escroquerie.

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mardi 20 juillet 2004

Vacances judiciaires, vacance de la justice

Je suis en colère aujourd'hui.

J’ai assisté ces jours ci à deux audiences de vacation, comprendre dirigées par un magistrat qui n’est pas le président habituel de la chambre. Deux affaires distinctes, deux présidents distincts : un homme, une femme, un jeune, un vieux, et la même méthode de direction d’audience qui donne envie de commettre un outrage à magistrat.

Quelle méthode ? L’engueulade complète et systématique. Tout le dossier n’est lu que dans un sens contraire à l’intérêt du prévenu, qui est condamné d’avance et méprisé en sa personne.

Les questions ne sont posées que pour l’enfoncer, et s’il a le malheur de vouloir y répondre, il se fait couper la parole en se faisant traiter de menteur (2e président) ou de voyou (1er président).

Les procès verbaux de la police contiennent nécessairement la Vérité car « les policiers sont assermentés »(sic). La bonne blague ! Nous autres avocats prêtons également serment : je voudrais que le tribunal en tirât la conclusion que tout ce que nous disons est vrai ! On en est loin.

Soumis à ce dur traitement, le prévenu perd son calme tôt ou tard (hélas, pas les avocats présents, sommes nous blasés à ce point ?), ce qui est utilisé contre lui par un procureur tout surpris de voir le président faire son travail à sa place.

Un président a même annoncé à un prévenu « Vous allez voir comment le tribunal traite les voyous de votre espèce, vous allez voir, ha ça oui »… avant de rajouter aussitôt, voyant que l’avocat se levait pour protester, « même si vous êtes toujours présumé innocent, bien entendu, tant mieux pour vous ».

L’avocat n’est pas non plus laissé en paix. Le tribunal, en juillet, est en guerre contre tout le monde, il a des comptes à régler avec le Barreau.

Tel avocat qui dépose des conclusions en nullité se fait tancer par le président qui lui reproche de ne pas les avoir déposé la veille au greffe. Alors qu’il n’est même pas tenu de déposer des conclusions écrites, et que l’usage a toujours été de les déposer en début d’audience, ce qu’il a fait.

Tel autre se voit mettre en cause par le tribunal (" si l'avocat de la défense avait fait son travail...") parce qu’il n’a pas conseillé à son client, qui prétend que la rixe qui l’amène devant le tribunal est due au vol de son portable par la victime, d’aller porter plainte au commissariat ce qui aurait apporté la preuve de la réalité du vol.

On croit rêver. Je sais fort bien ce qu’aurait dit le président si tel avait été fait : « Mais cette plainte ne contient que vos déclarations, ça ne prouve rien, vous êtes un voyou et un menteur ! ».

La suite le prouve : l’avocat qui connaît quand même son travail quoi qu’en pense le tribunal produit une attestation de l’opérateur qui reconnaît qu’on lui a demandé de suspendre la ligne le jour des faits. Réponse du président : « Mais cette attestation ne précise pas l’heure à laquelle cela a été fait, ça ne prouve rien ».

L’avocat proteste que son client était à l’hôpital à la suite de la rixe, où il a été placé en garde à vue, que dès lors il est absurde de supposer qu'il aurait suspendu sa ligne quand il était encore en possession de son téléphone et qu’il lui était impossible de le faire lors de la garde à vue, qu’on peut donc en déduire raisonnablement que cet appel a nécessairement eu lieu au cours de l’heure passé à l’hôpital, rien n’y fait. La preuve est écartée : le vol préalable du téléphone n’est pas prouvé, donc c’est lui qui a provoqué la rixe et a menti ensuite pour inventer un prétexte. Coupable, lourdement condamné.

Enfin, et c’est là le pire, les juges en question ne sont pas des pénalistes.

Comment sinon expliquer qu’un juge réussisse à rejeter une nullité de procédure tirée de la notification tardive des droits du gardé à vue effectuée près de huit heures après le début de celle-ci ? Les policiers prétendaient que son état d’ébriété était tel qu’il ne comprenait pas ce qu’on lui disait. Mais ils ont fait un prélèvement sanguin (avec le consentement du gardé à vue supposément ivre mort, mais pas assez pour ne pouvoir consentir à un tel examen, cherhcez l'erreur) qui a révélé 0,74 grammes d’alcool par litre de sang et négatif aux stupéfiants : il y a peu, il aurait pu conduire légalement dans cet état ! C'est une preuve objective, scientifique ! Pas grave. La police a dit que, donc c’est vrai, procédure valable (annulée par la suite par la cour d'appel ai-je appris depuis).

Comment expliquer que cette autre procédure soit validée alors qu’il n’y a pas du tout de notification, et que le tribunal ose prétendre que le prévenu est resté de son plein gré vingt trois heures et cinquante minutes d’affilée au commissariat ?

Vivement septembre et que nos juges habituels reviennent.

Je conclurai cette note en adressant à ces piètres juges le même mot de la fin qu’a eu un de ces présidents à un jeune homme de 19 ans, sans casier judiciaire, à qui il venait de coller un an de prison dont quatre mois ferme pour sa première bagarre : « Allez, ouste ! »

mardi 6 juillet 2004

Elections américaines (2)

Rappelons tout d’abord quelques points simples : Les Etats Unis forment une fédérations d’Etats, d’où le nom Etats-Unis.

50 Etats forment actuellement cette fédération, alors qu’au début, ils n’étaient que treize (c’est pourquoi le drapeau américain a treize bandes rouges et blanches, et cinquante étoiles blanches dans la carré bleu).

Une Fédération — on en parle beaucoup au sein de l’Union européenne ces temps ci— est un Etat composé lui même de plusieurs Etats autonomes (les Etats fédérés) qui ont abandonné certaines compétences à l’Etat fédéral (principalement la défense extérieure et la diplomatie ainsi que la lutte contre la criminalité qui dépasse les frontières d’un seul Etat), Etat auquel ils ont le droit de participer et la garantie d’être représentés. La France est un Etat unitaire. L’Allemagne et la Suisse sont des Etats fédéraux (nonobstant le terme de confédération helvétique, ces Suisses ne savent décidément pas parler français).

Un Etat fédéral se caractérise par une Constitution, une confédération par un traité. C’est pourquoi le projet de « Constitution » européenne est impropre : cette Constitution est en réalité un Traité, et l’Union Européenne deviendrait une confédération et non une fédération.

Les Etats Unis sont donc une fédération. La Capitale fédérale est la ville de Washington, située le district de Columbia (qui n'est pas considéré comme un Etat du fait de sa dépendance directe de l'Etat fédéral : le représentants du DC au Sénat ne votent donc pas. On parle de Washington D.C. pour la distinguer de l’Etat de Washington, au nord ouest des Etats Unis (capitale Olympia, principale ville Seattle, spécialités : la pomme, les avions de ligne et les multinationales de l’informatique voulant être maître du monde).

Chaque Etat fédéré a ses propres lois, son chef de l’Etat (il a le titre de gouverneur), son parlement, ses juges.

L’Etat fédéral se superpose à l’ensemble de ses Etats et a ses propres institutions : un exécutif, un parlement bicaméral (c’est à dire composé de deux chambres, comme en France) et un judiciaire : la Cour Suprême, composée de neuf juges nommés à vie qui juge des litiges portant sur l’application de la Constitution.

La Fédération est donc dirigée par un Président, le Président des Etats-Unis. On ne dit pas Président de la République des Etats-Unis. Il est élu selon les modalités que nous verrons plus loin en même temps qu’un vice-président. Le Vice Président a pour fonction de suppléer le président qui viendrait à décéder en exercice (ainsi Lyndon Johnson a succédé à John Kennedy en 1963), révoqué ou démissionnaire (Gerald Ford a ainsi succédé à Richard Nixon en 1974). L’actuel président des Etats Unis est George W Bush (qui l’ignore ?) et le vice président Richard Cheney. A noter : George Bush senior était le vice président de Ronald Reagan de 1980 à 1988.

La fédération a un pouvoir législatif : le Congrès, qui désigne les deux chambres du parlement fédéral : Le Sénat, présidé par le Vice Président des Etats Unis sans droit de vote, représente les Etats sur un strict pied d’égalité à raison de deux sénateurs par Etat (il y a donc 100 sénateurs), élus pour 6 ans et la Chambre des représentants (House of representatives), au nombre de 435, qui sont élus pour 2 ans et représentent l’ensemble des citoyens des Etats Unis en fonction du poids démographique. Son président (Speaker) est élu en son sein.

Ainsi, la Californie, Etat le plus peuplé (34 millions d’habitants) a autant de sénateurs que le Vermont, l’Etat le moins peuplé (203 000 habitants), mais a 53 représentants, le Vermont se contentant de Bernie Sanders comme unique Représentant.

Le système électoral doit prendre cette réalité en compte.

Elire le président au suffrage universel direct revient à donner un poids considérable aux Etats les plus peuplés que sont la Californie, la Floride, le Texas, l’Illinois et l’Etat de new York (dont la capitale comme tout le monde le sait est Albany et non New York), au détriment d’Etats comme le Vermont, l’Alaska, l’Iowa, l’Idaho, qui n’auraient plus la moindre importance. Ce serait contraire au principe d’égalité des Etats fédérés.

Elire le président par vote des Etats sur un pied d’égalité aurait l’effet opposé, et ignorerait l’importance des Etats sus-mentionnés.

La question n’est pas neutre. Aujourd’hui, le premier système donnerait un considérable avantage aux Démocrates tandis que le second assurerait durablement la présidence aux Républicains, qui ont une forteresse inexpugnable dans le Sud et le middle west.

La solution de compromis trouvée par les rédacteurs de la Constitution en 1787 est celle du Collège électoral.

Chaque Etat désigne un nombre de grands électeurs égal à sa représentation au Congrès, soit son nombre de Représentants + 2.

Ainsi, chaque Etat a au minimum trois grands électeurs, jusqu’à 55 pour la Californie, suivie par le Texas, 34 grands électeurs, la Floride, 27, New York, 31 et l’Illinois, 27.

Il y a en tout 538 grands électeurs

Pour que cette représentation pondérée joue à plein, une désignation proportionnelle a été écartée, au profit de la règle « the winner takes all » , admirablement mis en musique par ABBA, mais je m’égare. Le candidat arrivé en tête dans un Etat remporte tous les grands électeurs. Les grands électeurs sont désignés au mois de novembre de l’année de fin de mandat du président en exercice et se réunissent chacun dans leur capitale d’Etat pour exprimer leur vote en décembre. En cas d’égalité, avantage au poids démographique : c’est la Chambre des Représentants qui élit le président. Le nouveau président prend ses fonction au mois de janvier de l’année suivante, en même temps que le vice président.

Ainsi, dire, comme je l’ai encore entendu ce matin à la radio, que Kerry est donné gagnant parce qu’il est en tête de 5 points dans les sondages ne veut absolument rien dire avec une si faible avance. La question est : dans quels Etat est-il en avance ?

Certains Etat sont traditionnellement acquis à un parti. La Californie ira à Kerry, le Texas à Bush.

Au passage, quelqu'un de plus pointu que moi en vie politique US pourrait il m'expliquer ce paradoxe qui veut qu'un Etat qui vote sans cesse pour un Présdident démocrate élise si souvent un gouverneur républicain ?

La campagne va se jouer à couteaux tirés dans les « battleground states », les Etats ou l’écart entre candidats est si faible que tout peut s’y jouer. L'Ohio et ses 20 grands électeurs (légèrement à Kerry) et le Michigan qui en a 17 éveillent des appétits. Mise à jour : tout semble indiquer que les élections se joueront en Floride, 27 grands électeurs, l'Ohio, 20 et la Pennsylvanie, 21 : celui qui aura deux de ces trois Etats sera élu Président des Etats Unis.

A ce jour, d’après le site electoral vote, Bush est sûr d’avoir 154 grands électeurs, et Kerry 168 (ce sont les Etats ou l’écart entre les candidats est supérieur à 10 points, écart irrattrapable en pratique). Il en faut 270 pour être élu. Vous voyez que rien n’est joué, d’autant plus que quand un Etat passe d’un candidat à l’autre, l’écart creusé est du double du nombre de grands électeurs, puisqu’il sont soustraits à l’un ET additionnés à l’autre.

Quand on sait que pour 129 d’entre eux, tout se joue dans un écart inférieur à 5% avec une marge d’erreur admise de 3%, n’enterrez pas trop vite l’éléphant.

On se dirige en tout cas, sauf événement imprévu d’ici novembre, à une nouvelle élection dans un mouchoir de poche.

Au sommaire de la prochaine note : les critiques habituellement faites à ce système et leur réponse, et l’explication juridique de la crise de Floride lors des élections de 2000 (ou : Bush a-t-il vraiment volé les élections de 2000 ? Comme vous le verrez, la réponse est non).

lundi 5 juillet 2004

Elections américaines (1)

Un événement aux répercussions mondiales va avoir lieu à la rentrée. Il s’agit de l’élection du 44e président des Etats-Unis, ou de la ré-élection du 43e, c’est selon.

La Constitution américaine n’est pas d’une approche facile, et l’imbroglio des élections en Floride en 2000 n’a pas aidé à en comprendre le fonctionnement.

Il s’agit d’une question juridique, puisque c’est du droit constitutionnel, et son impact sur le monde me semble justifier que j’y consacre quelques billets pour tenter d'éclairer la question.

Cela me donnera l’occasion de balayer quelques clichés que l’on ressasse régulièrement sur le système électoral américain, qui avait amené en 2000 à des commentaires très suffisants de la part d’éditorialistes et hommes politiques français, jusqu’à ce qu’un certain jour d’avril 2002, ce soit le monde entier qui se gausse de la France et de son merveilleux système électoral qui a privé la moitié des Français de représentation au second tour, et les a tous privé d’une vraie liberté de choix, aboutissant à la ré-élection avec un score digne de république bananière d’un président à la probité contestée.

Tenez, un premier cliché à balayer d’entrée de jeu : les États Unis ne seraient pas une vraie démocratie car les élections présidentielles n’ont que deux candidats, tandis que la France avait 16 candidats au premier tour, ce qui laisse un plus large éventail d’opinions.

C’est archi faux et explique en partie les difficulté du dépouillement de Floride (j’y reviendrai). En effet, il y avait 16 candidats aux élections présidentielles : Harry Browne, Patrick J. Buchanan, George W. Bush, Earl F. Dodge, Al Gore, John S. Hagelin, James E. Harris, Jr., Denny Lane, David McReynolds, Monica Moorehead, Ralph Nader, Howard Phillips, L. Neil Smith, Randall Venson et Louie G. Youngkeit.

Les partis républicains (Republican National Comitee – RNC - habituellement appelé the GOP, the Grand Old Party et symbolisé par un éléphant) et le parti démocrate (Democratic National Comitee, DNC, symbolisé par un âne) dominent la scène politique des Etats Unis. Mais c’est là le seul fait des électeurs.

Autre cliché : Les partis démocrates et républicains sont tous deux de droite et s’accaparent le pouvoir, leur mainmise prouve que toute autre idée (sous entendu de gauche) n’a pas droit de cité.

C’est on ne peut plus faux.

Certes, les communistes américains ont peu de chance d’arriver un jour au pouvoir (leur candidate, Monica Moorehead, a obtenu en 2000 en tout et pour tout 4.795 voix, et elle n’en a obtenu aucune dans 46 Etats). Pour ma part, je pense que c'est plutôt un signe de démocratie saine. De même, l'extrême droite a des scores microscopiques : 0,42%. Ca fait rêver.

La division droite gauche qui a cours en France n’a aucun sens aux États Unis. Rappelons sa naissance : lorsque les États Généraux se sont proclamés assemblée générale constituante, les tenants d’une monarchie constitutionnelle se sont regroupés sur la droite de l’assemblée, pour former un bloc contre les réformateurs voulant abolir la monarchie et proclamer la République, qui firent bloc sur la gauche de l’assemblée.

Aux États Unis, la division ne se fait pas entre les monarchistes et les républicains. Elle se fait entre les tenants d’un État Fédéral fort, et ceux tenants de l’indépendance des États fédérés.

Ainsi, à sa naissance en 1856, le parti républicain était marqué à gauche au sens européen. Il s’est constitué autour de la lutte contre l’esclavage (Lincoln était Républicain, c’est même le premier président républicain), et la revendication de terres gratuites à l’ouest pour les colons (une réforme agraire en somme), et s’est illustré dans la cause de l’égalité féminine : il est le premier à avoir exigé le droit de vote des femmes et a fait élire au Congrès la première femme en 1917.

Et avant 1856 ? Le bipartisme s’était déjà installé entre les Démocrates (fondés par Thomas Jefferson en 1792) et les Whigs, ou Parti fédéraliste. Les whigs n’ont pas survécu à la querelle sur l’esclavage et à la guerre de Sécession.

Il est donc possible pour un parti de déboulonner l’un des deux grands.

J’inaugure donc par ces prolégomènes une visite aux Etats-Unis, avec analyse du sytème électoral (les primaires et caucus, les conventions nationales, le système des grands électeurs) jusqu’à l’élection elle même.

Pour ceux que le thème n’intéresse pas, j’intercalerai quelques billets plus habituels, rassurez vous.

Ceux qui n’ont que « i nou fon chié lé states » à dire sont invités à aller cliquer ailleurs voir si j’y suis.

Lien vers la suite

jeudi 3 juin 2004

Il a les glandes, mamère

Calembour discutable en titre, mais je me mets ainsi au niveau des parties prenantes de ce débat d’envergure national, tellement plus important que les élections européennes qui ont lieu dans 10 jours.

Rappelons les faits : Noël Mamère, maire de Bègles (Gironde), va célébrer ce 5 juin prochain un mariage entre deux homme en sa bordelaise mairie. La France s’interroge : un mariage entre deux hommes ? Est ce possible ? Est ce légal ?

— Puisque ce n’est pas expressément interdit, c’est que c’est autorisé, triomphe l’édile.

— Un tel mariage est nul, et de nul effet, rétorque le gouvernement par la bouche de son Garde des Sceaux.

Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, peut être en mal d’autorité, a déclenché le foudres de la République : le procureur de Bordeaux a fait délivrer opposition à ce mariage (un huissier a signifié au maire qu’il lui est fait interdiction de procéder à la célébration de ce mariage).

Noël Mamère n’en démords pas et va célébrer quand même ladite union.

Le ton monte, et les pire sanctions sont annoncées.

La France retient son souffle, et sans doute gageons le monde entier avec elle, et l’Univers a les yeux tournés vers la mairie de Bègles qui jamais n’aura vu autant de journalistes que le week end prochain même aux grands jours du club de rugby de la ville.

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mardi 11 mai 2004

Bicentennaire du Code civil

Nous fêtons cette année le bicentenaire du Code civil.

Pour mesurer le chemin parcouru, voici deux articles du Code civil original.

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lundi 10 mai 2004

Pourquoi les avocats sont ils si chers ?

Début d’une série de billets sur l’exercice de la profession d’avocat, afin de vous donner une vision du métier en dehors du prétoire.

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jeudi 6 mai 2004

De la démagogie ordinaire - 2. Au tour de la droite.

Je dénonçais il y a quelques jours la démagogie d’un élu de gauche moustachu toujours vert malgré son âge.

Sans doute rendus jaloux par cet accès de notoriété, 46 de nos parlementaires ont commis le même délit avec la circonstance aggravante de réunion (voire de bande organisée), et par souci de pluralité, je me propose de les couvrir à leur tour d’opprobre.

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