Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mardi 24 octobre 2006

Rappel

C'est ce soir...

vendredi 20 octobre 2006

Le purin d'orties est sauvé parce qu'il n'a jamais été menacé

Pour ceux que cette bonne nouvelle ne laisse pas de marbre, les détails sont chez Authueil, nouveau venu dans la famille de Lieu-Commun.

jeudi 19 octobre 2006

Il suffisait d'y penser...

Je le savais. Au fond de moi, une étincelle d'optimisme refusait de se laisser éteindre par les douches froides à répétition que m'infligeait le gouvernement actuel et sa politique de réformes impulsives et dépourvues de réflexion d'ensemble, préférant les effets d'annonce et les réponses immédiates à des faits divers.

Un avocat place Beauveau et un autre place Vendôme, cela ne pouvait pas ne pas finir par tourner à l'avantage de ma profession.

Et voilà, c'est fait.

Pascal Clément et Nicolas Sarkozy ont annoncé, jeudi 19 octobre, leur décision de faire voter un texte prévoyant le renvoi devant les assises des agresseurs en "bande organisée" de policiers, gendarmes et pompiers. La création d'une "infraction spécifique de violences volontaires sur agent de la force publique commise avec arme et en bande organisée", qui rendra passibles de quinze ans de réclusion, contre dix aujourd'hui, ceux qui tendent des guet-apens contre les policiers, est en cours d'élaboration.

« De délit, nous passerons à la qualification de crime », a souligné le garde des sceaux, précisant que de telles mesures venaient sur proposition du premier ministre, Dominique de Villepin. « Tous ceux qui oseront des guet-apens aux forces de l'ordre sauront qu'ils pourront passer devant des cours d'assises, et nous espérons qu'ainsi il y ait une dissuasion par la gravité de la menace judiciaire », a-t-il encore expliqué.

Le ministre de l'intérieur a pour sa part annoncé qu'il ferait « voter un texte dans [son] projet de loi sur la prévention de la délinquance qui renverra devant les assises toute personne qui portera atteinte à l'intégrité physique des policiers, des gendarmes ou des sapeurs-pompiers », a déclaré Nicolas Sarkozy.

Il a estimé qu'il y avait plusieurs « avantages » à cette criminalisation, notamment parce qu'« aux assises, il y a des jurés et c'est donc le peuple français qui jugera ». « Il faut que ceux qui portent atteinte » aux personnes « qui portent des uniformes sachent que c'est grave, que c'est en vérité une offense à la République et que la République n'est pas décidée à l'accepter », a affirmé M. Sarkozy.[1]

Merci, les gars. Vous êtes géniaux. Grâce à vous, finies les comparutions immédiates des caillasseurs. Instruction obligatoire, certes avec détention provisoire à la clef, mais de toutes façons ils ne ressortaient pas libres de la 23e chambre. Et une détention provisoire, on peut en demander la levée, tandis que pour la libération d'un condamné, c'est une autre paire de manche. C'est possible dans certains cas, mais pas facile : les juges d'application des peines sont tatillons.

Mais surtout, grâce à vous, pour les - nombreux - agresseurs de policiers qui sont à l'aide juridictionnelle, là où je ne gagnais que 170 euros pour les défendre (420 euros dans les rares cas où il y avait une instruction, 590 au cas où il était mis en détention provisoire pendant cette instruction), je vais désormais gagner 1900 euros (instruction criminelle + un jour d'assises, je ne pense pas qu'un deuxième jour soit nécessaire) ! Champagne !

Et oui, je préfère en rire qu'en pleurer. Parce que des fois, c'est à se demander où nos dirigeants bien-aimés vont pêcher leurs idées. Et cette fois, ce n'est pas n'importe qui : le premier ministre, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et impétrant président, et le Garde des Sceaux, ministre de la justice. Une bande organisée, en somme.

En quoi est-ce n'importe quoi ?

L'idée est donc d'aggraver la répression des violences sur policiers commises en bandes organisées. La précision est importante : ce ne sont pas toutes les violences contre la maréchaussée qui seraient concernées (hélas... Mes 1900 euros !).

La bande organisée est définie à l'article 132-71 du Code pénal :

Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions.

C'est assez large, mais il faut prouver : (1) une entente préalable établie en vue de la préparation d'une infraction, et (2) des faits matériels établissant cette préparation.

La bande organisée, ça peut venir vite. Imaginons cette saynette dans un quartier sensible de l'ouest parisien :

― Charles-Philibert, êtes vous oisif ?
― Si fait, Hubert-Jacques.
― Que diriez vous d'en découdre avec la maréchaussée ?
― Que voilà une galante idée. En vérité, je dis : fi de l'autorité ! Faille dze pot ouère, comme dit mon cousin anglois, sans que je n'ai jamais bien compris ce qu'il entendait par là. En tout cas, à son ton, sa conviction ne fait aucun doute.
― Assez parlé, Charles-Philibert : des actes ! Comment nous y prendre ?
― Rien de plus aisé, Hubert-Jacques. Boutons le feu à la Jaguar de Papa (il est assuré et voulait prendre une Aston-Martin). La police viendra constater les faits comme c'est sa mission. A ce moment, nous leur chercherons querelle.
― Charles-Philibert, les mânes de Sun Zi vous inspirent, assurément. Je m'en vais chercher des allumettes.
― Fort bien. De mon côté, je vais collecter fourches, bâtons, pierres et pavés. Allons poindre le guet, Hubert-Jacques !
― Taïault, mon cousin, il leur en cuira !

Laissons là ces dangereux délinquants. Nous avons ici une entente en vue de commettre des violences et des actes préparatoires (se procurer des allumettes, fourches, bâtons, pierres et pavés). La bande organisée est constituée.

Autant dire que seules les violences spontanées relèveront encore du tribunal correctionnel.

Dès lors qu'un crime est soupçonné, il est obligatoire de saisir le juge d'instruction, quand bien même les faits sont établis. Imaginons que nos apprentis Mandrin soient promptement maîtrisés par la maréchaussée. Ils sont arrêtés des pierres à la main, tandis que les allumettes sont dans la poche de l'un d'entre eux. Ils passent immédiatement aux aveux et expliquent en détail comment ils ont procédés, les vérifications de la police confirmant ce récit en tout point. Et bien il faudra conduire nos chenapans chez un juge d'instruction qui les mettra en examen, sera bien en peine de trouver des questions à leur poser, ordonnera une expertise médico psychologique et une enquête de personnalité obligatoires en matière criminelle qui constitueront de facto le seul acte de l'instruction. Une fois ces enquêtes déposées, le juge transmettra le dossier au parquet qui prendra des réquisisitions de mise en accusation, que le juge suivra forcément, et tout ce monde se retrouvera devant les assises. A Paris, un an aura passé, au minimum. Il est peu probable que nos galopins soeint encore incarcérés, en supposant qu'ils le furent au début. Et on va passer une journée au minimum à faire venir les experts, les policiers présents, les pompiers témoins des faits, bloquer neuf jurés tirés au sort pour prononcer une peine qui pourrait aller jusqu'à quinze ans mais concrètement se comptera en mois et sera assortie du sursis. Car les cours d'assises ne sont pas particulièrement répressives, tant les débats permettent de mettre à jour la personnalité des accusés et les humanisent. Là dessus, nos ministres qui rêvent de sévérité seront bien déçus. Je redoute plus le prétendu laxisme de la 23e que l'espérée sévérité des assises.

Et là où on croit rêver, c'est sur la justification de cette réforme sortie du chapeau.

Le premier ministre déclare : « nous espérons qu'ainsi il y ait une dissuasion par la gravité de la menace judiciaire ». Ahurissant. Il a plus de deux siècles et demi de retard sur la science pénale. Cela fait longtemps que l'on sait que la gravité de la menace pénale ne joue aucun rôle dans la prévention du crime. Comme si on n'assassinait pas quand la peine de mort était en vigueur.

Ce qui est efficace, c'est la promptitude de la sanction et la certitude de la sanction. C'est exactement ce qui fait le succès des rardars automatiques : tous les automobilistes qui sont flashés sont sanctionnés, l'amende arrive dans les jours suivants, il n'y a pas d'échappatoire. Peu importe qu'elles soient relativement modestes : tout automobiliste a les moyens de payer 90 à 135 euros. La certitude de devoir les payer suffit à faire lever le pied. Aggraver la répression ne sert à rien : c'est la rendre plus systématique qui marche. Tant que la plupart des agressions resteront impunies, les policiers préférant pour leur sécurité déguerpir, aggraver ne servira à rien, car tout agresseur aura l'espoir crédible d'échapper à la sanction.

Le ministre de l'intérieur y voit quant à lui l'avantage de faire juger ces affaires par des jurés, donc de permettre au peuple de juger. Sous entendu il pourra ainsi se faire entendre et imposer à ces magistrats laxistes de prononcer des peines très lourdes. Bon, nos deux ministres avocats n'ont visiblement jamais plaidé aux assises et n'y ont sans doute jamais mis les pieds. J'ai déjà indiqué que les jurés et la forme des débats sont plus souvent un élément de modération que de sévérité. Cette idée s'inscrit dans la continuité de sa proposition de généraliser le jury en matière pénale, proposition que même Philippe Bilger ne parvient pas à trouver intéressante. Je me demande au passage si nos ministres seraient vraiment d'accord pour être jugés par un jury populaire quand on leur demande des comptes pour des affaires de financement occultes des partis politiques... J'en connais qui ne seraient probablement jamais revenus du Canada. Mais bon, les délinquants, c'est les autres. Enfin, là encore, nous sommes dans de la gesticulation pré-électorale, la première étude du coût de cette réforme de jury correctionnel signera son arrêt de mort immédiat.

Cette réforme de criminalisation des agressions de policiers en bande organisée, serait-elle votée, ne serait pas appliquée, hormis peut être ponctuellement, à l'occasion d'une agression particulièrement spectaculaire et dangereuse.

Les cours d'assises n'ont pas une capacité de jugement infinie, et elles ont mieux à faire avec les meurtriers, les braqueurs et les violeurs qu'à juger des caillasseurs de policiers. Dès lors, les affaires seront correctionnalisées, c'est à dire que le parquet feindra de ne pas voir de bande organisée mais une simple réunion pour poursuivre en correctionnelle. Or les violences en réunion sont moins sévèrement sanctionnées que des violences en bande organisée (Cinq ans contre dix ans actuellement pour la bande organisée).

Et ainsi, paradoxe ultime, tant le droit pénal aime à se rire des apprentis sorciers de la réforme : voter cette loi répressive diminuera de fait la répression de ces violences.

Et je ne suis pas le seul à le dire, Paxatagore est également critique.

Alors, quand les organisations de magistrats vont protester contre cette réforme, ne laissez pas dire qu'elle ne font que défendre leur pré carré et sont trop politisées pour être honnêtes. Cette proposition est une vraie ânerie, certifiée et AOC. Espérons un retour à la raison.

Notes

[1] Source : Le Monde du 19 octobre 2006, auteur : Le Monde.fr avec Reuters et AFP.

mercredi 18 octobre 2006

Avis de Berryer

Le mercredi 25 octobre 2006, en la première chambre de la cour (au pied de l'escalier Z), la conférence du stage prise en la personne de sa douzième secrétaire, recevra Monsieur Gad Elmaleh, comédien, pour ses travaux qui porteront sur les sujets suivants :

Premier sujet : le maître a-t-il toujours un chouchou ?
Deuxième sujet : L'autre, est-ce toi ?

Les sujets sont cités de mémoire, je les rectifierai si icelle me joue des tours.

Pour des raisons de sécurité, merci d'envoyer un e-mail de pré-inscription à Julien Mayeras, quatrième secrétaire. Par ailleurs, l'envoi de votre e-mail vous permettra de recevoir en retour l'invitation nécessaire pour entrer dans la salle.

Mise à jour : pour ceux qui ne savent pas encore ce qu'est une conférence Berryer.

mardi 17 octobre 2006

A vos décodeurs TNT

France 5 va diffuser un documentaire en trois volets suivant la vie de deux avocats du barreau de Lyon, un avocat pénaliste[1] et l'autre pratiquant le droit civil [2], malheureusement à des heures non diffusées par voie hertzienne. Il faudra donc que vous ayez un décodeur TNT ou la télévision par ADSL pour les voir.

Je n'ai pas encore vu ce documentaire mais le sujet me semble un peu en rapport avec ce blogue...

Le documentaire s'appelle « Profession avocat », de Joëlle et Michèle Loncol.

  • Premier épisode : Parole à la défense, mardi 24 octobre, à 20h40. Ca commence mal, la défense a toujours la parole en dernier.
  • Affaires de famille, mardi 24 octobre, à 21h40.
  • Histoires de jeunes, mardi 31 octobre, à 20h40.

Je ferai un billet sur cette série-documentaire afin de permettre de discuter et commenter son contenu.

Notes

[1] Mon confrère Yves Sauvayre

[2] Mon confrère Didier Lemasson

Méta-blogage

Décidément, je fais beaucoup dans le conseil de lecture ces temps-ci. Mais, via Embruns, qui lui même le tient de Phnk, je découvre ce blogue « Que fait la police ? », le blog d'un policier qui raconte son quotidien. Les billets sont bien écrits, l'auteur a un vrai talent, et les récits sonnent vrais (je ne connais pas l'auteur dont je découvre le blogue aujourd'hui, je n'ai donc aucun moyen de vérifier qu'il est réellement policier, mais après tout, qui vous dit que je suis vraiment avocat ?). Vous allez voir, c'est moins glamour que Julie Lescaut.

Encore un point de vue du monde judiciaire, différent du mien, donc complémentaire. Cette fois ci, c'est le début de la chaîne qui est concerné, avec en outre le maintien de l'ordre, ce qu'on appelle dans les facultés la police administrative, qui ne donne pas lieu à procédure mais est une mission essentielle.

J'espère que le ministère de l'intérieur ne sera pas aussi frileux que d'autres et laissera faire ce fonctionnaire, car ce genre de démarche, qui existe déjà en Angleterre et aux Etats-Unis, est plus à même d'améliorer l'image de la police et l'estime que lui portent les citoyens que de coûteuses campagnes de communication.

Bienvenue dans la blogosphère, cher Thomas, et longue vie à votre blogue.

Mise à jour 12h22 : Je dois porter la poisse. Thomas vient de fermer son site, dans l'attente d'une réponse de sa hiérarchie sur la conformité de sa démarche à la déontologie policière. En espérant que ce ne soit que (très) provisoire. Ce n'est pas en fermant leur gueule blogue que les citoyens feront avancer la République. Aux dernières nouvelle, le souverain, c'était toujours le peuple.

lundi 16 octobre 2006

Fabulons...

En ces temps de disette de billets,
Le peuple des souris piaille famine.
Le chat par les plaideurs est occupé,
et les rongeurs font grise mine.

Pas le moindre poulet à savourer ?
Pas de souriceau irrespectueux
qui publiquement prendra sa fessée ?
Raminagrobis est-il oublieux ?

« Non point, dit de sa tanière
L'érudit homme de loi,
Mais c'est qu'un pauvre hère
subit l'ire d'un rugueux magistrat.

« Je suis marri, et ne veux vous déplaire ;
Souffrez donc que pour calmer votre faim,
Je vous propose un plat de janissaire,
Qui sous d'autre cieux vous fera un festin.

« Le maître queux est un mien cousin,
Qui manie la plume comme Thalie.
Si nous avons quelques lieux en commun,
A le lire parfois d'envie je pâlis. »

Le peuple se réjouit à ouïr cette poésie :
« Mais où donc dégusterons nous ce divin loukoum ?
Où se trouve cette ambroisie ? »

« Mais voyons, c'est chez Jules, de Diner's Room... »

samedi 14 octobre 2006

Où mettre le Maître, ou de l’étiquette de Barreau.

Ce billet est une rediffusion du 29 juin 2004.

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vendredi 13 octobre 2006

Salon littéraire

Madame Michèle Bernard-Requin, conseillère[1] à la cour d'appel de Paris, que mes lecteurs connaissent pour l'avoir vue dans "10e chambre, instants d'audience", le documentaire de Raymond Depardon, vient de publier un livre, intitulé « Juges accusés, levez-vous ! ».

Ce livre est né du documentaire précité, auquel il fait souvent référence. Madame Bernard-Requin a participé à de nombreux débats publics après la projection de ce documentaire, et ce contact direct lui a beacoup plu et l'a convaincue de la nécessité de développer ses réponses et obervations.

L'événement qui l'a déterminée à achever cet ouvrage fut l'affaire d'Outreau et particulièrement l'audition du premier juge d'instruction dans cette affaire, moment d'hallali qui a profondément choqué la magistrate.

Estimant que l'hostilité d'un peuple envers ses juges est la ruine d'une nation (elle ne le dit pas avec cette grandiloquence, qui est ma marque de fabrique) et que le mécontentement observé repose essentiellement sur une méconnaissance des citoyens de la réalité judiciaire, elle a écrit cet ouvrage, au ton très personnel, qui est en même temps qu'un plaidoyer pour la magistrature, un cri d'amour pour sa profession.

Michèle Bernard-Requin est une magistrate remarquable, devant laquelle j'ai eu l'honneur de plaider à plusieurs reprises (une des audiences que je raconte sur ce blog a eu lieu devant sa présidence), qui a commencé par être avocate, avant d'être procureur à Paris, puis de devenir juge, positio nqu'elle n'a plus quittée, en présidant la 1e chambre du tribunal, puis en siégeant à la première chambre de l'instruction (compétente pour les demandes d'extradition, elle a participé à l'arrêt Battisti), avant de présider des assises, fonctions qu'elle exerce encore ce jour. Elle a donc une vision extraordinaire du prétoire puisqu'elle a occupé toutes les fonctions hormis greffier et gendarme d'escorte. Elle a une volonté d'aller vers le public, de faire passer sa connaissance du milieu judiciaire aux antipodes de l'image caricaturale du magistrat reclu dans son monde. C'est marrant, mais ça me fait penser à un blogue tenu par un avocat... Madame le président, à quand votre blogue ? Le parquet a déjà le sien, après tout.

Mes lecteurs qui manifestent un intérêt pour la chose judiciaire et qui ont apprécié 10e chambre y trouveront une lecture très intéressante, que je leur recommande fortement. Je pense que lorsque j'aurai achevé cette lecture, je reviendrai sur ce livre pour approfondir certaines observations de l'auteur.

Je précise que j'ai acheté ce livre, et que le lien que je donne vers Amazon ne donne lieu à aucune rémunération pour moi.

Notes

[1] Les juges judiciaires prennent le titre de conseiller quand ils siègent non plus dans un tribunal mais dans une cour ; les juges administratifs sont quant à eux conseillers dès le départ.

mardi 10 octobre 2006

Apostille à « ça se passait comme cela ».

Mon billet d'hier, qui visait avant tout à commémorer un anniversaire, a comme c'était prévisible dégénéré en débat sur la peine de mort, les arguments de ceux qui se sont crus à l'endroit de les exposer me reprochant de faire de l'affectif par ce texte et d'oublier les victimes. S'il est un procès que je ne leur ferais pas, c'est celui de l'originalité.

Alors puisqu'il faut dire des évidences...

Oui, ce billet joue sur le registre de l'émotion. C'était le but. Pas par calcul : pour faire passer l'émotion que je ressens. L'écriture, ça sert à ça, à part rédiger requêtes et placets. Le but de ce texte n'est pas de démontrer l'absurdité ou l'ignominie de cette peine. Elle est abolie depuis 25 ans et je suis bien persuadé que je ne la reverrai jamais appliquée de mon vivant, et quand mes petits enfants auront l'âge que j'ai aujourd'hui, cette simple idée aura rejoint au rebut de l'histoire la question, le bagne et la mort civile. Ce récit n'est pas une argumentation, c'est un récit. Désolé pour la tautologie, mais cela a je le crains échappé à certains.

Ce récit raconte du point de vue d'un avocat le chemin qui mènait de la condamnation à l'exécution. Pourquoi du point de vue d'un avocat ? Parce que je suis avocat. Encore une tautologie, mais les mal-comprenants ont été légion.

J'ai déjà plaidé en défense aux assises. C'est une expérience épuisante. La préparation du dossier nécessite des heures de concentration, le suivi des audiences une rigueur de chaque instant, prendre la parole devant un jury est mille fois plus impressionnant que n'importe quel grand oral, et l'attente des heures durant du verdict est une petite mort. Et à chaque fois, je n'ai pu m'empêcher de penser que des confrères ont été à ma place et se battaient en plus contre l'ombre de la mort, sans la chandelle de l'appel. Je ne sais pas comment ils ont fait face à ce poids qui m'aurait écrasé. Je leur voue une admiration éperdue, sans bornes. Souvent dans les nuits qui précèdent l'audience j'ai fait le cauchemar que mon client était condamné à mort, que je devais un jour moi aussi me rendre à la Santé, ou à Fresnes, où ont en dernier lieu été entreposé les Bois de Justice, doux nom administratif de la guillotine, sans que jamais ils y aient servi. Les derniers moutons se sont abattus aux Baumettes, à Marseille.

C'est ce cauchemar que je raconte, transposé dans les années 70 où il était réalité. C'est ce à quoi j'ai échappé grâce à la loi du 9 octobre 1981. Ceux qui ont été touchés par ce récit ne se sont pas trompés : je l'ai écrit guidé par l'émotion, non par le calcul. Quel calcul, d'ailleurs ? On ne parle du rétablissement qu'à l'approche de chaque élection présidentielle. Ne rêvez pas : plus jamais on ne tuera en France. Trouverait-on une majorité suffisante pour voter cette loi, un gouvernement décidé à se mettre l'Europe à dos, à exposer son pays à l'opprobre du monde entier, à dénoncer la convention européenne des droits de l'homme, tout ça pour satisfaire les pulsions morbides de ses électeurs, il ne se trouverait jamais assez de jurés et de magistrats pour voter cette peine par deux fois, puisque désormais l'appel existe.

Oubliè-je les victimes ? Procès en sorcellerie qu'on m'a déjà fait mille fois et qu'on me refera dix mille fois. Non, je n'oublie pas les victimes. Je cite le nom d'Olibrius, qu'un commentateur plus prompt à trancher qu'à lire à hâtivement confondu avec le complice. La procédure est ainsi faite que la victime n'est pas associée au châtiment. Elle est l'une des dernières à s'exprimer au procès, avant l'avocat général qui parle au nom de la société, avant l'avocat de la défense, avant l'accusé qui a toujours la parole en dernier. Olibirus est mort puisque Quidam est condamné pour son assassinat. La famille d'Olibirus n'a pas été invité à l'exécution, depuis 1939 qu'elles ne sont plus publiques, les familles des victimes n'assistaient jamais à ces moments, et je ne crois pas qu'aucune en ait jamais exprimé le souhait. Les plus assoiffés de sang sont généralement des gens qui ne connaissaient ni l'auteur ni la victime.

J'aurais pu faire commencer mon récit deux ans plus tôt lors du crime, puis narrer l'instruction, et le procès par le menu. Et personne n'aurait lu cet interminable billet dont tout le début eût été hors sujet. Ne pas parler des victimes, ce n'est pas nier leur souffrance. Mais cette souffrance, quelle que soit la sympathie (du grec : souffrir avec) qu'elle génère en vous, n'est pas un argument en faveur de la peine de mort, sauf à ce que vous démontriez que la souffrance compense la souffrance, alors que tout le monde sait bien qu'elle s'additionne et ne se soustrait point.

Aucun des ardents partisans de cette peine, trop empressés à dénoncer mes manipulations imaginaires, n'a seulement eu la clairvoyance de relever que j'avais volontairement écarté l'argument abolitionniste le plus fort : celui du risque de l'erreur judiciaire. Quidam dans mon récit est coupable, ça n'est à aucun moment mis en doute. Même son avocat, lorsqu'il défend le recours en grâce, ne soulève pas cet argument. Oui, Quidam a tué Olibrius. C'est incontestable et incontesté. Je ne voulais pas créer de comité de soutien à Quidam ou d'association pour sa réhabilitation.

Mais mquand bien même serait-ce un assassin, le mettre à mort reste ignoble.

Quidam pleure en allant au supplice, sa mère pleure, et son avocat est bouleversé. Scandale chez les partisans du mouton, et d'invoquer encore le chagrin des victimes. Le chagrin, comme les souffrances, ne se soustraient pas mais s'additionnent, et si la mère d'Olibrius trouvait du réconfort dans les larmes de la mère de Quidam, malgré tout le respect que j'aurais pour sa souffrance, je dirais qu'elle ne vaut guère mieux que l'assassin de son fils, qui lui ne tire aucun plaisir de son chagrin.

Ces larmes de Quidam, qu'elles gênent les "rétablissionistes", pour qu'aussitôt ils invoquent celles d'Olibrius pour les balayer ! Car souvent, un argument invoqué est que l'assassin, le criminel est un "monstre froid", un "prédateur", un "animal", bref, "n'est pas humain". Toute trace d'émotion humaine chez lui est une idée insupportable, un sacrilège, une hérésie. Désolé, la réalité est têtue. Le condamné est un être humain. Il est terrifié à l'approche de la mort, terreur accentuée par son caractère inéluctable, car il sait quil n'a nulle pitié à attendre des gens qui l'entourent. Il ressent des émotions. Et il a une famille qui l'aime. C'est donc qu'il y a quelque chose à aimer chez lui. Le nier ne l'empêche pas d'être vrai.

La victime ! La victime ! Elle aussi avait des émotions, elle aussi a dû être terrifiée à l'idée de la mort, elle aussi a vu avec horreur qu'elle n'avait aucune pitié à attendre de Quidam. Et c'est vrai. Mais j'ai la faiblesse de croire la société moralement supérieure à un assassin. Et donc refuser de se comporter comme lui.

D'autant plus moralement supérieure qu'elle assume ses responsabilités. Son rôle est de garantir et protéger les droits de ses citoyens : la liberté, la propriété et la sûreté. En n'empêchant pas Quidam d'assassiner Olibrius, la société a failli à sa mission. Dès lors, de quel droit, pour réparer sa faute, perpétrerait-elle ce qu'elle devait empêcher Quidam de faire ? On nage en plein dans l'absurdité, et l'absurdité, pour justifier une mort, est un argument un peu trop léger.

Que la société sanctionne Quidam, oui. Qu'elle l'empêche de nuire, mille fois oui. Qu'elle indemnise sur les deniers publics la famille Olibrius au nom de la solidarité nationale, cent mille fois oui. C'est ce qu'elle fait désormais, mais depuis 1977 seulement (est-ce un hasard ? Dès que l'Etat a commencé à indemniser les victimes, il a cessé de tuer), cette indemnisation n'étant devenue digne de ce nom que depuis 1991.

Car l'ombre de la guillotine servait principalement à l'Etat pour se cacher derrière. La famille Olibrius aurait vu (au sens figuré) Quidam coupé en deux (au sens propre) ; mais elle n'aurait pas reçu le moindre centime d'ancien franc pour réparer la perte de cet être cher et surtout de faire face à la perte matérielle des revenus. L'Etat, en tuant en notre nom, s'estimait dégagé de toute obligation à l'égard des victimes. Comme c'est commode. Et c'est encore en leur nom qu'on veut faire à nouveau oeuvre de salubrité publique et reprendre des pratiques d'un autre temps. Et c'est moi qui méprise les victimes ?

Voilà ce que j'avais à ajouter à ce récit, n'ayant pas pensé sur le coup à devoir ainsi m'en expliquer tant il m'apparaissait clair dans son propos, qui n'était pas de déclencher un débat qui n'a pas lieu d'être. Néanmoins merci à ceux qui ont donné leur opinion : la mienne en est sortie revigorée.

lundi 9 octobre 2006

Ca se passait comme cela...

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, vu les articles 296, 297, 298 et 302 du Code pénal... Messieurs les avocats, ces articles peuvent-ils être considérés comme lus ?

Acquiescement silencieux sur les bancs de la défense et de la partie civile, l'avocat général opine aussi du chef.

A la question « Quidam est-il coupable d'avoir volontairement ôté la vie à Olibrius ? », il a été répondu « Oui » par la majorité de huit voix au moins. A la question « Quidam a-t-il agi avec préméditation ? », il a été répondu « Oui » par la majorité de huit voix au moins. A la question « Quidam bénéficiait-il de circonstances atténuantes ? »...

Le coeur de l'avocat de la défense s'emballe, une prière muette résonne, assourdissante, en son for intérieur.

Il a été répondu « Non » par la majorité de huit voix au moins.

Un frisson glacial descend le long de son échine. Il sait. L'avocat de la défense sait. L'avocat général sait. Le public ne le sait pas encore, il faut que le président prononce les mots. L'avocat, lui, n'ose pas se tourner vers Quidam, assis derrière lui entre deux gendarmes. Comment lui dire ? Comment affronter son regard ?

En conséquence, la cour condamne Quidam à la peine de mort.

La salle semble exploser. La mère de Quidam pousse un hurlement, un long « Non ! » guttural, tandis que des amis de la famille Olibrius applaudissent. Le président appelle fermement au silence. La presse se bouscule pour sortir de la salle et se précipiter vers les téléphones de l'association de la presse judiciaire, à l'autre bout de la galerie de la Sainte Chapelle.

Monsieur Quidam, vous avez un délai de cinq jours francs pour vous pourvoir en cassation. L'audience pénale est levée, le jury est remercié. L'audience civile aura lieu après une suspension de quinze minutes.

Les gendarmes passent les menottes à Quidam. Son avocat lui tient la main. « Je vais me pourvoir en cassation dès demain. Et après, il y aura toujours la grâce du président. Ne perdez pas espoir. »

« Merci, Maître. j'ai confiance en vous. » lui dit Quidam, d'un air simple qui transperce le coeur de son avocat.

L'audience civile se passe comme dans un rêve, et dure à peine dix minutes. La famille Olibirus réclame trois cent mille francs, la défense s'en rapporte, la famille Quidam n'a pas les moyens de payer, et il est douteux que les Olibrius les poursuivent si leur fils est exécuté.

L'avocat va ensuite parler avec son client dans la salle où l'accusé est emmené lors des suspensions d'audience. Sa mère peut brièvement l'embrasser avant que les gendarmes ne les séparent. En retrait dans le long couloir, l'avocat jette un oeil sur sa gauche. Au fond, la porte de la salle des délibérés est entr'ouverte. Une odeur de papier brûlé flotte. Il faut aller saluer le président et l'avocat général, et supporter leur regard mêlant commisération et bonne conscience d'avoir fait son travail. Pour eux, c'est fini. Pour lui, tout reste à faire.

Le lendemain est consacré à la rédaction du pourvoi. La procédure a été parfaitement respectée, le président est un routard des assises, il connaît le code de procédure pénale comme sa poche. Tant pis, il se contentera de la déclaration de pourvoi, et fera appel à la SCP Plume & Doie, avocat au Conseil. Il va falloir demander à Madame Quidam de s'endetter un peu plus pour son fils. Elle a déjà vendu la maison que lui avait légué ses parents, hypothéqué sa maison actuelle, mais elle devrait pouvoir emprunter un peu plus. Et chez Plume & Doie, ils sont compréhensifs, et abolitionnistes convaincus, il lui feront un traitement de faveur. Et puis, si la chambre criminelle a envie de casser, elle cassera. Elle semble être de plus en plus hostile à la peine de mort. Enfin, c'est ce qu'on raconte.

Trois mois plus tard, un coup de fil vient briser cet espoir. C'est Maître Doie, de la SCP Plume & Doie. La chambre criminelle a rejeté le pourvoi. Une de ses secrétaires est en train de taper une copie de l'arrêt, et il enverra un coursier la lui déposer.

Il ne reste que la grâce présidentielle. La demande partira aujourd'hui même.

Une semaine plus tard, l'avocat se présente rue du Faubourg Saint Honoré. Pour les peines capitales, il est d'usage que le président reçoive l'avocat du condamné. L'entretien dure une demi heure dans le Salon Doré, avec un conseiller du président. Le président ne pose pas de questions, se contente de hocher la tête aux propos de l'avocat. L'avocat oublie vite l'aspect intimidant de l'entretien et est vite habité de sa plaidoirie. Il rappelle le parcours, difficile, de Quidam, de la douleur de sa mère, qui voit la république vouloir couper son fils en deux, du fait que Quidam est un débile léger, pas assez pour le rendre irresponsable, mais assez pour rendre sa mise à mort profondément insupportable et injuste. Le président le remercie, et, en se levant, lui dit qu'il lui fera connaître sa décision. En traversant la cour gravillonnée, l'avocat ne peut s'empêcher de ressentir une bouffée d'espoir.

Le lendemain, il est conforté par sa lecture de la presse : Le Matin de Paris affirme qu'une source proche du président aurait laissé entendre que le président allait commuer la peine de mort en réclusion à perpétuité, information reprise sur Europe n°1 et RTL.

Trois jours après, alors qu'il discute avec son collaborateur sur un épineux dossier de succession, son téléphone sonne.

« Martine, nous sommes sur le dossier Découyousse, j'avais demandé qu'on ne me dérange pas. »

« C'est le parquet général, Maître, ils disent que c'est urgent. »

« Passez les moi » dit-il, en faisant signe à son collaborateur de prendre le combiné rond au dos de l'appareil.

« Bonsoir Maître. Je vous appelle pour le dossier Quidam. C'est pour cette nuit, à quatre heures. »

« Comment ? Mais... Le recours en grâce a été rejeté ? »

« Cet après-midi, nous venons de le recevoir. Nous voulons procéder avant que ça ne se sache à la Maison d'Arrêt. Ca met toujours les détenus dans un état de nerf terrible. Soyez rue de la Santé à trois heures. »

Un silence de plomb s'abat dans le bureau.

« Pouvez-vous me laisser ? Je dois appeler Madame Quidam. »

La conversation durera deux heures. Comment expliquer à une mère qu'il n'y a plus rien à faire, qu'elle s'est presque ruinée pour sauver son fils et que cela aura été en vain, qu'elle n'a même pas le droit d'aller le voir une dernière fois, que demain matin, elle n'aura plus son enfant, que la République l'aura coupé en deux ? Oui, son fils pourra lui écrire une dernière lettre. Oui, il peut lui transmettre un message, qui après beaucoup d'hésitations, de reformulations, aboutira à un simple et bouleversant « maman t'aime, et elle t'aimera toujours. ».

La traversée du cabinet est lugubre, toutes les conversations se taisent sur son passage, les regards de ses associés, collaborateurs et secrétaires le suivent sans pouvoir se détourner. Il ne lui reste qu'à rentrer chez lui et attendre.

Le sommeil ne viendra pas cette nuit. Il passe la soirée et le début de la nuit avec son épouse, qui refuse de le laisser seul en ces circonstances. Cafés après cafés, l'heure tourne, et il sursaute quand son épouse lui dit « Mon amour... Il est deux heures quarante ».

Il enfile son manteau, passe l'écharpe que son épouse lui tend avec insistance : « Il fait si froid la nuit... ». La traversée de Paris au volant de sa D.S. se passe sans incident, tout Paris est endormi à cette heure-ci, noyée dans le teint blafard que lui donnent les ampoules blanches des lampadaires.

Il se gare dans la contre-allée du Boulevard Saint-Jacques, et va à pied jusqu'à la porte de la Maison d'arrêt. Quelques journalistes sont là, qui le prennent en photo tandis que d'autres, un monumental magnétophone en bandouillère, lui mettent un micro sous le nez pour recueillir une déclaration. Peine perdue, il n'en fera pas. Il n'a même pas à présenter sa carte professionnelle au guichet, la poterne s'ouvre dès son approche. Il était attendu.

On le conduit dans le bureau directeur d'établissement. En traversant la cour, il voit la guillotine déjà dressée. La bascule, la planche ou on attachera Quidam, est relevée. Un seau carré en métal, est posé devant la lunette, là où on passera la tête. Une grande corbeille en osier est posée à gauche de l'engin. Souvenir d'une époque révolue, elle peut contenir jusqu'à quatre corps. Devant le guichet, un paravent en bois est posé, face à la guillotine. Au dessus de la cour, un dai a été tendu, pour protéger des regards.

Le directeur d'établissement se lève à l'arrivée de l'avocat. « Nous n'attendions plus que vous. » dit-il maladroitement, en faisant ainsi de l'avocat le signal déclencheur. Dans le bureau sont présent l'aumônier de la prison, le chef d'équipe des exécutants, le gardien-chef, et un représentant du parquet général.

« Allons-y. »

Guidés par le gardien-chef, le petit groupe se rend dans l'aile isolé qui accueille les condamnés à mort, escortés de deux gardiens supplémentaires. Ainsi, pas de risque de réveiller les autres ailes du bâtiment, ce qui était l'émeute assurée.

Le gardien-chef s'arrête devant la porte de la cellule de Quidam, tourne la clef et ouvre la porte en s'effaçant. C'est donc l'avocat qui entre en premier. Quidam est réveillé en sursaut, et ébloui par la lumière. Il reconnaît son avocat et lui sourit. « Alors, ça y est ? Je suis gracié ? ». L'avocat ne trouve pas de mots. Quidam voit dans le couloir le directeur d'établissement et l'aumônier, et son sourire s'efface. Il devaient très pâle et est saisi de tremblements. « Ne fais pas d'histoires, lui dit le gardien chef d'un ton ferme, et tout se passera bien. Habille toi. ».

Mécaniquement, Quidam enfile son pantalon et une chemise blanche, lace ses chaussures. Le cortège se met en route et s'arrête dans une petite pièce, où l'aumônier s'entretient seul avec Quidam. Au bout de quelques minutes, l'aumônier trace un signe de croix devant Quidam et lui donne l'absolution. Puis le gardien chef lui tend une feuille de papier et un stylo, pour écrire, s'il le souhaite, à sa mère. L'exercice est difficile pour Quidam, qui s'applique en tirant la langue. Puis l'exécuteur entre avec une paire de ciseaux et découpe le col de la chemise de Quidam et les cheveux qui recouvrent la nuque. Il lui tend ensuite une cigarette, qu'il accepte, et lui propose un verre de cognac, qu'il accepte également. Sa main tremble de plus en plus. Il le boit très lentement, essayant de retarder l'inévitable. Dans le couloir, personne ne dit un mot, les regards s'évitent, le directeur d'établissement regarde régulièrement sa montre.

Il finit par faire signe au gardien chef, qui entre avec ses deux hommes, qui prennent chacun fermement un bras de Quidam. Le gardien chef lui lie les poignets dans le dos.

« Non... » dit-il d'une voix étranglée. Les gardiens le sortent de la pièce, font une pause devant l'avocat.

« Votre... Votre maman me fait vous dire qu'elle vous aime. Elle vous aimera toujours. » Sa voix se brise à cause de l'émotion. Les yeux de Quidam s'emplissent de larmes, et il dit « Merci... Dites lui que je l'aime aussi » en souriant. Sur un signe de tête du directeur d'établissement, les gardiens conduisent Quidam dans la cour, où attendent les deux assistants de l'exécuteur.

Tout le monde sait qu'à partir du moment où le prisonnier voit la guillotine, il faut aller très vite. Les gardiens le plaquent contre la bascule. L'exécuteur se place à côté du montant droit, près du déclic, le levier qui libèrera le mouton, le poids où est fixé le couteau. L'un des assistants se place face à la lunette, derrière le paravent de bois, qui le protègera des éclaboussures. Le troisième, voyant tout le monde en place, fait pivoter la bascule et la pousse sur des roulements qui amènent la tête au-delà de la lunette. L'exécutant en chef laisse tomber la partie haute de la lunette, qui en écrasant la nuque étourdit le condamné. L'assistant situé en face du condamné, qu'on surnomme le photographe, saisit la tête entre ses mains. L'exécuteur en chef abaisse le déclic. Un bruit de roulement, puis comme un coup de marteau sur une planche, suivi de deux bruits d'éclaboussure : deux jets de sang ont giclé de chaque côté sur les pavés de la cour.

L'assistant soulève un côté de la bascule à peine le couteau tombé et fait chuter le corps dans la corbeille. Le photographe y dépose la tête et referme le couvercle. Le gardien chef présente au chef d'établissement le procès verbal d'exécution, qu'il signe puis remet au représentant du parquet.

« C'est terminé. Merci, messieurs. » conclut le chef d'établissement. L'avocat serre rapidement la main des personnes présentes par courtoisie irréfléchie, puis se dirige aussitôt vers la sortie, n'ayant pas le coeur de dire un mot. Les assistants ont déjà commencé le nettoyage de la cour qui précède le démontage.

C'est un visage fermé que l'avocat présente aux journalistes présents sur le trottoir, un peu plus nombreux, la nouvelle s'étant répandue. Il ne desserre par les lèvres et marche d'un pas rapide vers sa voiture. Jamais Paris, dans le jour qui se lève lentement, ne lui a paru aussi gris.

Le 9 octobre 1981, il y a 25 ans aujourd'hui, était signé le décret de promulgation de la loi portant abolition de la peine de mort. La dernière exécution remonte au 10 septembre 1977. C'est la dernière exécution, à ce jour, de toute l'Europe occidentale.


Ce récit est inspiré des récits de plusieurs avocats ayant assisté leur client jusqu'au bout, notamment bien sûr Robert Badinter (L'Exécution, Ed. LGF, 1976) et des récits d'anciens exécuteurs, tels André Obrecht[1]. Le fait que les détenus apprenaient au dernier moment qu'ils allaient être exécutés est attesté notamment par le récit de l'exécution de Christian Ranucci (qui, réveillé en sursaut, a crié qu'il allait le dire à son avocat) et de Roger Bontems. C'est ce dernier qui a cru un instant, en voyant Robert Badinter, que son recours en grâce avait été accepté.

Notes

[1] Le Carnet Noir du Bourreau, avec Jean Ker, Ed. Gérard de Villiers, 1989

samedi 7 octobre 2006

Y'a du nouveau

Mon billet d'hier est profondément modifié. Je le signale par cette brève pour les lecteurs via agrégateurs.

vendredi 6 octobre 2006

La fin du blog de Bereno

A la demande du principal intéressé, je retire ce billet.

Bereno m'a contacté pour me dire combien il était touché de la réaction de ses lecteurs et sensible aux propositions d'aide, qui sont venues de beaucoup de directions et parfois de gens influents.

Après avoir posément réfléchi à la question, il souhaite ne pas donner de suites à cette affaire. Il a d'autres préoccupations plus importantes à ses yeux que ce blogue, qui était avant tout une activité para-professionnelle, et plutôt que d'y ajouter des tracas à cause de cette affaire, il préfère lui accorder la seule mesure qui lui semble s'imposer : un haussement d'épaules.

Donc, merci à tous ceux qui appellent à protester, à interpeler ses élus, à reprendre les billets de l'intéressé, mais il nous demande de ne pas le faire. Et nous devons respecter sa volonté.

Voici, pour conclure, les détails que mes divers contacts ont pu m'apprendre : ce n'est pas le principe du blogue tenu par un inspecteur du travail qui a posé problème, ni tel ou tel employeur qui se serait reconnu, mais UN billet en particulier qui a déclenché cette réaction. Ce billet ne contenait pas à mon avis de quoi fouetter un chat, et Dieu sait que j'aime fouetter les chats, mais dérangeait l'administration qui souhaitait ne pas faire de vagues à propos de ce qui était relaté dans le billet. Ce sont donc des motifs d'opportunité politique[1] qui ont amené cette démande, disons insistante.

Bereno m'indique qu'il continuera à lire mon blogue, ce qui me le rend définitivement et irrésistiblement sympathique.

Bon vent donc et bon courage. Il a mon adresse e-mail et s'il y a du neuf, il sait où me trouver : dans la Manche, non loin des moulins à vent.

Notes

[1] Vous trouverez une définition de la notion d'opportunité politique sur cette page.

jeudi 5 octobre 2006

Message personnel

Si Bereno me lit, ou si quelqu'un qui me lit connaît son adresse e-mail, merci de lui demander de me contacter à l'adresse suivante : maitre.eolas{at}gmail.com, le {at} étant à remplacer par un @, bien sûr.

mercredi 4 octobre 2006

Un peu d'humour ne fait jamais de mal

Entendu hier à l'Assemblée nationale : interrogé par le député socialiste UMP Michel Herbillon, qui lui demandait des éclaircissements sur l'action de l'Etat à Cachan, le ministre de l'intérieur lui a fait cette réponse[1] :

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire – J’ai fait évacuer le squat de Cachan parce qu’il y avait une décision de justice et que ne pas exécuter une décision de justice, c’est ne pas respecter l’indépendance de la justice, ce que je ne puis accepter…

Ha, cher confrère, vous êtes tellement meilleur dans le registre ironique que dans le registre énervé...

(Je ne commenterai pas que le fait de ne pas exécuter une décision de justice n'est pas une atteinte à son indépendance mais à son autorité, ce que le ministère de l'intérieur fait tous les jours en matière de baux locatifs depuis des années, tant certaines expulsions lui tiennent plus à coeur que d'autres).

(Via Autheuil)

Notes

[1] C'est la cinquième question, intitulée « évacuation du squat de Cachan ».

dimanche 1 octobre 2006

Caramba ! I did it again...

Il y a presque un an de cela, je commentai en ces lieux la naissance de l'infante Leonor de Bourbon, de son vrai nom Leonor de Todos los Santos de Borbón y Ortiz.

N'ayant que mépris pour les paillettes et fanfreluches qui font les beaux jours d'obscures gazettes destinées aux salles d'attente d'artistes capillaires, c'était bien sûr sous un angle juridique que j'avais abordé le sujet, à savoir le prédicament que cette naissance causait au Président du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, qui avait promis, au nom de l'égalité homme-femme de modifier la Constitution espagnole pour supprimer l'exclusion des femelles en cas de naissance d'un héritier mâle[1]. Cette révision implique en effet une dissolution du parlement et des élections générales, le nouveau parlement devant approuver ladite révision de la constitution. Or "Zéta-pé" comme l'appellent ses amis[2] n'a absolument pas envie de cette dissolution, tant il est incertain de retrouver la Moncloa après cette aventure électorale.

Zapatero avait néanmoins pu gagner du temps, les Princes des Asturies ayant annoncé leur intention de ne pas élargir la famille royale avant un certain laps de temps. Las, les nuits de la Zarzuela sont torrides, et les grands de ce monde se jouent et se rient de la glèbe comme les dieux de l'Olympe avec les mortels. Et voilà que le couple princier annonce que la La Princesse Letitica, que ses contempteurs appellent la Leti, est grosse. Pour peu que la princière matrice accueille un mâle en gestation, et c'est une catastrophe pour ZP. Car sa naissance excluerait Leonor du trône en violation des engagements féministes du président du gouvernement, sauf à donner un effet rétroactif à cette révision qui du coup excluerait Felipe de la succession au profit de la fille aînée du roi, Elena (et qui verrait à son tour un garçon lui succéder, Felipe Juan Froilan de Todos Los Santos). Et c'est peu dire que les Espagnols ne sont pas très enthousaistes à cette idée, tant l'infante Elena, dans sa générosité, n'a pris pour elle que le droit d'aînesse et a laissé grâce et vivacité d'esprit à sa soeur puînée, Cristina.

Zapatero est donc acculé à se dédire ou à tenir sa parole quitte à risquer de se saborder politiquement, sauf à faire un fort peu protocolaire croc en jambe à la princesse la prochaine fois qu'il la croisera dans les escaliers.

Franchement, les chamailleries de nos princes, à côté des drames dynastiques outre-pyrénnées, paraissent bien fades.

Notes

[1] Règle grâce à laquelle l'actuel Prince des Asturies, Felipe, fera main basse sur le trône en passant par dessus ses deux soeurs aînées.

[2] Il s'agit de la prononciation des lettres Z et P en espagnol : Zapatero est appelé ZP, en fait.

mercredi 27 septembre 2006

La cène : la justice remet le couvert

Oui, je suis très fier de mon titre.

Une autre de mes taupes[1] (qui se reconnaîtra et que je remercie) m'informe que le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait confirmé l'ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris ordonnant le retrait de l'affiche d'une marque de vêtements s'inspirant d'un célèbre tableau de Vinci représentant la dernière Cène, sera examinée par la première chambre civile de la cour de cassation le 17 octobre prochain au matin. L'arrêt devrait être rendu 4 à 6 semaines après (le greffe est sous Windows).

Affaire à suivre ici même.

Notes

[1] Oui, je fais un élevage.

Maitre Eolas (encore) sur Europe 1

J'ai eu le plaisir d'être interviewé par Catherine Nivez pour le journal des blogs sur Europe 1. Le sujet était les réactions sur internet à la sortie de Nicolas Sarkozy, et mon billet "Le Pompier Pyromane" a donc retenu son attention.

La séquence est disponible en podcast sur le site d'Europe 1, la rubrique était diffusée à 6h47.

Comme le veulent les règles de l'exercice, mon entretien avec cette (charmante) journaliste a duré cinq minutes, dont elle a dû faire un montage de 30 secondes pour sa rubrique de deux minutes. Dès lors, des erreurs peuvent se glisser, et tel fût le cas ici. J'ai dû mal m'exprimer, car Catherine Nivez a cru comprendre qu'il était impossible d'incarcérer des mineurs de 16 ans, c'est à dire âgés de 15 ans ou moins. C'est inexact : ils peuvent l'être à partir de leur treizième anniversaire, mais uniquement pour des faits qualifiés de crime, ou s'ils étaient sous contrôle judiciaire et n'en ont pas respecté les obligations. Vous le voyez, c'est exceptionnel, mais c'est possible ; ce qui ne l'était pas, c'est que des mineurs de 16 ans aient été incarcérés pour les faits de novembre dernier, dont aucun n'a, Dieu merci, atteint une qualification criminelle. En tout état de cause, l'incarcération d'un mineur suite à son déferrement suppose une mise en examen et un placement sous mandat de dépôt par le juge des libertés et de la détention.

Et c'est précisément un des points que le projet de loi sur la prévention de la délinquance du ministre de l'intérieur propose de réformer : les mineurs âgés de 16 à 18 ans moins un jour pourraient désormais être jugés dans la foulée du déferrement, comme pour une comparution immédiate, mais on parlera ici de « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » (Ha, la finesse et l'élégance du jargon bureaucratique).

Toutes mes excuses à Catherine Nivez pour mon imprécision.

mardi 26 septembre 2006

Des décisions pas encore rendues, et de celles qui n'auraient jamais dû l'être...

Mon billet développera les deux points du titre mais en ordre inverse.

D'abord, la décision qui n'aurait jamais dû être rendue.

Une de mes taupes chez l'ennemi (qui se reconnaîtra et que je remercie) me transmet un arrêt rendu le 14 septembre dernier par la deuxième chambre civile de la cour de cassation, qui a entre autre comme rôle de faire régner l'orthodoxie juridique en matière de procédure civile. Et là on peut dire qu'elle n'a pas été déçue.


Cour de cassation, deuxième chambre civile 2, arrêt du 14 Septembre 2006 Cassation de : juge de proximité Toulon 26 mai 2004.

Pourvoi n°04-20.524


La cour commence par un bref rappel des faits :

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme M., qui avait donné en location à M. et Mme T., pendant une période estivale, une caravane et ses accessoires, a été condamnée par une juridiction de proximité à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;

Vient la discussion en droit. La cour va d'abrord viser le texte qu'elle va appliquer.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Ouch. Le visa qui fait mal. Le juge ne s'est pas trompé sur un obscur article d'un décret que personne ne connaît, il a carrément violé un droit fondamental. Lequel ? Réponse ligne suivante.

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ;

Et qu'a-t-il fait, ce proxijuge partial ?

Attendu que, pour condamner Mme M., le jugement retient notamment « la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici Mme M., dotée d'un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à la fourberie, le fait qu'elle acculait ainsi sans état d'âme et avec l'expérience de l'impunité ses futurs locataires et qu'elle était sortie du domaine virtuel ou elle prétendait sévir impunément du moins jusqu'à ce jour, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle nécessitant la mise en oeuvre d'investigations de nature à la neutraliser définitivement »;

Ha ouais, quand même.

Admirons la cour de cassation dans un exemple de retenue impartiale :

Qu'en statuant ainsi, en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, le juge a violé le texte susvisé ;

C'est le moins qu'on puisse dire.

Mais ce n'est pas tout.

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 1353 du code civil et 455 du nouveau code de procédure civile ;

Ha, il se pose un problème lié à l'administration de la preuve.

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ;

Partial et inéquitable ? Je crains le pire.

Attendu que, pour écarter les éléments de preuve produits par Mme M., le jugement énonce notamment « que si la présente juridiction conçoit aisément que les requérants aient dû recourir à des attestations pour étayer leurs allégations, elle ne saurait l'accepter de la bailleresse, supposée de par sa qualité, détenir et produire à tout moment, sauf à s'en abstenir sciemment et dès lors fautivement, tous documents utiles ; que si Mme M. disposait d'éléments autrement plus probants mais certainement très embarrassants à produire auprès de la juridiction de céans ; que toutes les attestations sans exception aucune, de pure et manifeste complaisance dont elle a cru mais à tort qu'elles suffiraient à corroborer ces allégations, il échet de déclarer ces dernières mensongères et de les sanctionner » ;

Et je ne craignais que le pire...

Qu'en statuant par des motifs inintelligibles et en écartant par une pétition de principe certains des éléments de preuve produits par Mme M., rompant ainsi l'égalité des armes, le juge a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, (...) :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mai 2004, entre les parties, par la juridiction de proximité siégeant dans le ressort du tribunal d'instance de Toulon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant par la juridiction de proximité siégeant dans le ressort du tribunal d'instance de Marseille ;(...)

Ce jugement est donc nul et non avenu. Il en aura coûté deux ans de procédure à Madame M., qui est désormais bonne pour comparaître à nouveau devant... un autre juge de proximité. Bon courage.

Et maintenant, après ce jugement qui n'aurait jamais dû être rendu, voici un arrêt... pas encore rendu. M. Le Maudit signale sur son blog cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, dont le contenu ne présente guère d'intérêt pour les lecteurs de ce blog... Sauf sa date.

Voici donc CAA Nantes, ''28 septembre'' 2006.

On dit la justice administrative lente, voici un démenti cinglant.

dimanche 24 septembre 2006

Le pompier pyromane (3) : le démenti de l'inspection des services judiciaires

Le monde cite de larges extraits d'un audit réalisé en 2005 par l'Inspection générales des services judiciaires, service du ministère de la justoce chargé d'enquêter sur les dysfonctionnements de la justice. En 2004, deux évasions ayant eu lieu de l'usine à gaz du Palais de justice, ce rapport avait été commandé. Le moins qu'on puisse dire, c'est que quand on se donne la peine de traverser la passerelle de la N186, on se rend compte que la réalité est loin de la démission. Voilà la réalité du travail de la justice (je graisse).

Chaque substitut du procureur traite plus de 1 500 dossiers par an, contre moitié moins pour ses collègues de Paris. A la permanence "flagrants délits et garde à vue", deux substituts reçoivent chacun 42 appels journaliers de la police, affaires qu'ils traitent en dix minutes. A la permanence des enquêtes préliminaires, ce sont 85 affaires par jour, cinq minutes pour chacune.

(...)

La division de l'action publique territorialisée (Dapter) traite ainsi avec la police, en temps réel et en flux continu, la délinquance de voie publique : atteintes aux personnes, aux biens ou à la sécurité publique. Cette délinquance, "préoccupation majeure des habitants et des élus de Seine-Saint-Denis", selon le rapport d'audit, représente 70 % de l'activité totale du parquet de Bobigny. A ce titre, la division de l'action publique est la "vitrine de la justice pénale dans le département".

Or, a conclu la mission d'audit, "force est de constater que la Dapter, composée de magistrats de peu d'expérience dont la qualité et la motivation ne sont pas en cause, souffre d'un sous-effectif chronique, de la rotation rapide de ses membres et d'un encadrement insuffisant". La justice est à l'image de tous les services publics du 93. A la rentrée 2006, les services du procureur comptent 15 débutants sortant d'école parmi 45 magistrats. Le turnover des fonctionnaires greffiers est pire. Ils sont moins nombreux qu'en 1999, et il en manque 50 pour faire tourner le tribunal.

(...)

Le parquet des mineurs, autre service audité, est le premier de France. En 2004, il a enregistré plus de 10 000 plaintes, deux fois plus qu'à Créteil ou à Marseille. "La délinquance juvénile continue d'augmenter sur le département de Seine-Saint-Denis", note la mission d'inspection, la part des mineurs progressant dans l'ensemble des mis en cause (15 % du total).

La réponse fournie par la justice est de plus en plus répressive : majoritaires en 2002, les mesures alternatives aux poursuites (rappel à la loi, mesure de réparation, etc.), traditionnellement développées à Bobigny, sont devenues minoritaires au profit des poursuites. Auprès des mineurs déférés, les réquisitions de mandat de dépôt (demandes de placement en détention) ont crû de 36% entre 2003 et 2004. "Une réponse pénale est apportée à chaque acte de délinquance", écrivent les inspecteurs. Bon élève malgré tout de la politique gouvernementale, Bobigny affiche un "taux de réponse pénale" de 83 % en 2005, en plein dans la moyenne nationale.

(...)

Le parquet des mineurs est engorgé. "Les délais d'attente pour accéder au magistrat de permanence varient entre une heure et une heure et demie." C'est une source de friction avec les services de police, qui doivent signaler toute affaire au procureur avant que le mis en cause ait quitté les locaux de police. L'audit relève cependant "des relations quotidiennes très bonnes" entre la responsable de la brigade des mineurs de Seine-Saint-Denis et son homologue du parquet.

Je sais, je suis monomaniaque avec mon manque de moyens, principal problème de la justice. Mais là, tout est dit. Le service qui traite le plus de délinquance liée à l'insécurité de France, le double du Val de Marne qui est pourtant pas mal dans son genre, est en sous effectif chronique.

Là, c'est l'Etat qui est démissionnaire.

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