Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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dimanche 18 février 2007

La petite gourmandise du dimanche

Le débat presse traditionnelle versus blogosphère est devenue une tarte à la crème ces derniers temps.

Les journalistes se veulent séparés du citoyen ordinaire en faisant de la "vraie" information, professionnelle, de qualité, vérifiée, recoupée et avec l'expertise que leur apporte leurs années de métier, tandis que les blogs serait le monde du n'importe quoi, avec certes quelques îlots de qualité au milieu d'un océan de médiocrité.

La preuve récente en est la stupéfiante réaction d'Alain Duhamel, qui trouve normal d'être écarté parce qu'il s'est comporté (Horresco referens) en citoyen, en disant qu'il allait voter et pour qui, alors qu'un journaliste est censément aussi dépourvu d'opinion personnelle que l'ange l'est de sexe, et fustige par contre un internet "totalitaire" car il ose répéter ce que lui-même a dit, alors qu'il est bien connu que les propos tenus devant un amphithéâtre plein sont des confidences au même titre que les réflexions que ferait un premier ministre à des journalistes partageant le même avion que lui, par exemple.

Ce qui est amusant, c'est qu'à ma connaissance, aucun blogueur ne se prétend journaliste ou même prétend faire du journalisme. Mais ce qui est encore plus amusant, c'est de s'interroger sur le point de savoir si les journalistes mettent en pratique les règles qu'ils affirment être l'essence de leur profession et inconnues de la blogosphère.

C'est à ce petit jeu que se livre Jules vis à vis d'une récente interview dans Le Monde de Nicolas Sarkozy. Deux journalistes d'un quotidien dont la qualité n'est plus à démontrer (je le pense vraiment), face au discours électoral, donc électoraliste d'un candidat. Place à l'expertise, à la remise en perspective, et à la contradiction.

Que croyez-vous qu'il arriva ?

La suite chez Jules.

vendredi 16 février 2007

Brefs propos sur la suspension d'alain Duhamel

Le journaliste Alain Duhamel a été suspendu à la suite de la diffusion de propos qu'il a tenus à l'Institut de Science Politique de Paris où après avoir longuement parlé de François Bayrou par des propos qui n'étaient pas exempts de critique, il a indiqué, "pour être parfaitement clair", qu'il votera pour lui.

Ma position est parfaitement résumée par l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions. Pas viré, pas sanctionné, pas placardisé, et même pas inquiété. Chacun doit pouvoir exprimer une opinion sans ne serait-ce que craindre des conséquences néfastes pour lui.

Vous voyez, on en est loin. Quelle Tartufferie extraordinaire qui exige que des journalistes, sous prétexte qu'il parlent de politique à la télévision, seraient censés ne pas avoir de pensée politique. Ils ont le droit de vote, ont fait de la politique leur métier, et vont voter. Pourquoi s'offusquer quand ils disent ce que tout le monde sait ? Y a-t-il une seule personne qui ait osé affirmer tout haut le fait que ce journaliste ait décidé de voter Bayrou implique qu'il mettra à profit sa position pour favoriser ce candidat, ou manipuler l'opinion ? Les critiques de ce journaliste, qui n'a pas que des amis, ont-ils attendu sa terrible révélation : "Je suis centriste", pour dire tout le mal qu'ils pensent de lui ?

Alors à quoi rime ce bal des faux culs ? Je suis atterré par la stupidité de cette décision. Le fait que le 22 avril prochain, je glisserai un bulletin dans l'urne sur lequel il y aura un nom m'interdit-il de parler politique sur mon blog ? Ou cette interdiction tombera-t-elle le jour où je saurai quel nom sera écrit dessus ? La politique n'est-elle que réservée aux indécis ? C'est absurde, et injustifiable.

Maintenant que ce soutien est affiché, il est temps que je tape à son tour sur les doigts de l'intéressé. Qu'il soit mécontent, outré et aigri, je le comprends, il a raison.

Mais déclarer à Associated Press un énormité comme :

Il s’est déclaré choqué par le fait que “des propos privés se retrouvent en public”, assurant qu’il ignorait être filmé. Il a également dénoncé “l’effet d’internet”, qui est “à la fois émancipateur” et “totalitaire”, parce qu’il y a “un effet de choc gigantesque”.

Il y a des naïvetés fautives. Faire une conférence dans un amphithéâtre n'est pas tenir des propos privés. Aucun élève présent n'était tenu au secret des propos tenus. Quand on est une personnalité publique qui tient devant un public nombreux des propos politiques, il faut s'attendre à ce qu'ils soient répétés. Lionel Jospin l'a appris à ses dépens en son temps. Un journaliste de cette expérience est censé savoir la différence entre une confidence et un propos susceptible d'être répété. Blâmer sur internet sa propre légèreté, c'est une esquive peu glorieuse, et inutile pour quelqu'un qui est dans son bon droit. Mais bon, taper sur internet, ça ne mange pas de pain, ça ne fâche pas les confrères et les patrons à qui il faudra solliciter un nouveau poste une fois les élections passées.

Le totalitarisme, ce n'est pas dire "Tel journaliste votera pour tel candidat, il l'a dit dans telle circonstance, voici la preuve" ; c'est inquiéter un homme parce qu'il exprime ses opinions.

Ne vous trompez pas d'ennemi, Cher Alain. Vous risqueriez par accident de cirer les pompes qui vous ont botté les fesses.

jeudi 15 février 2007

Live blogging depuis Europe 1

Je suis sur le plateau du Club Europe 1 France 2007, et vous indique que je fais du live blogging sur Lieu Commun avec Jules (de Diner's Room) avec comme Guest Star Laurent Gloaguen. S'il n' y a rien d'intéressant à la télé ce soir, vos commentaires seront lus avec intérêt (fin de l'émission à 21 heures).

mercredi 14 février 2007

Quand la Cour de cassation renvoie Nicolas Sarkozy à ses chères études

Le 21 février 2006, les ministres de l'intérieur et de la justice ont pris conjointement une circulaire (CRIM. 06. 5/E1 du 21 février 2006, NOR : JUSD0630020), destinée aux préfets de région, de département, aux procureurs généraux et aux procureurs de la république pour les tribunaux de grande instance.

Cette circulaire visait à faire le point sur l'état du droit français, sur les conditions permettant légalement un contrôle suivi d'une interpellation d'étranger en situation irrégulière, aux fins de procéder immédiatement à leur reconduite à la frontière, au besoin par la force.

Cette circulaire, qui, outre votre serviteur, avait indigné bon nombre d'associations oeuvrant en la matière, prévoyait dans son point 1.2 que les interpellations pouvaient avoir lieu au guichet d'une préfecture quand une décision d'éloignement avait déjà été prise.Ce paragraphe concluait à la légalité et encourageait les préfets à procéder à de telles interpellations.

Concrètement, cela correspond à la situation suivante : un étranger qui souhaite voir sa situation régularisée doit se présenter une première fois spontanément et sans rendez-vous à la préfecture, au service des étrangers où il expliquera la nature de sa demande. L'agent présent au guichet n'ayant aucun pouvoir d'appréciation, doit se contenter d'analyser sa demande pour voir à quelle catégorie de titre de séjour elle se rattache, et lui remettre un dossier de demande de titre de séjour à compléter, accompagné d'une date et d'une heure de rendez-vous pour ramener l'entier dossier. A ce deuxième rendez vous, l'agent se contente de s'assurer que le dossier est complet, l'examen de la demande relevant du préfet lui-même, ou du haut fonctionnaire qu'il aura délégué à cette fin. Il est indispensable pour l'étranger de se présenter en personne, faute de quoi sa demande n'est tout simplement pas traitée.

La circulaire rappelle qu'en cas de présentation spontanée de l'intéressé au guichet de la préfecture, l'arrestation peut se faire sans difficulté particulière. En revanche, comme le dit joliment la circulaire, « des difficultés contentieuses peuvent en revanche survenir lorsque la préfecture convoque l'intéressé ». Par « difficultés contentieuses », comprendre : violation des droits de l'homme. On appréciera la litote.

Le ministre de l'intérieur invoquait à l'appui de cette position un arrêt du 12 novembre 1997 de la Cour de Cassation, relatif à une affaire dans laquelle une convocation avait été envoyée à un étranger, avec la précision qu'il devait présenter son passeport en cours de validité à cette convocation, et que l'étranger s'était présenté à 10h00 au guichet et avait été interpellé et placé en rétention administrative à 13h30.

La circulaire concluait à la légalité d'une interpellation au guichet sur convocation, à la condition que cette convocation ne soit pas un piège, et qu'elle ne mentionne pas un faux motif de convocation, comme par exemple une convocation pour délivrance du titre de séjour alors qu'il s'agit d'arrêter l'étranger. Du moment que la convocation ne mentionnait aucun motif particulier, le ministre en concluait que l'arrestation au guichet était valable.

Les associations en matière de droits des étrangers ont naturellement protesté, et ces protestations n'ont, tout aussi naturellement, soulevé absolument aucun écho auprès de l'opinion publique.

Cependant, la Cour de Cassation a rendu le 6 février dernier une décision qui est un camouflet à l'égard des ministres ayant pris cette circulaire.

En effet, cette décision, qui a été prise sur le fondement d'une arrestation qui a eu lieu antérieurement à cette circulaire, concerne un ressortissant algérien ayant fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, qui, assisté d'un avocat, avait demandé à la préfecture de Seine-Saint-Denis[1] le réexamen de son dossier en vue de la délivrance éventuelle d'une carte de séjour.

L'intéressé a été convoqué le 27 décembre 2004 à la suite de sa demande de réexamen, et a été interpellé au guichet, et placé en centre de rétention administrative, après que le préfet de Seine-Saint-Denis ait pris un nouvel arrêté de reconduite à la frontière.

Comme la loi le prévoit, au bout de 48 heures en centre de rétention, l'intéressé a été présenté au juge des libertés et de la détention pour une prolongation de 15 jours de son placement en centre de rétention. Le juge des libertés et de la détention de Bobigny (était-ce celui-là ?) a refusé la prolongation de rétention administrative. Le préfet de Seine-Saint-Denis a aussitôt fait appel, et le premier président de la Cour d'appel de Paris a confirmé ce refus.

Le préfet de Seine-Saint-Denis, qui sait être procédurier quand ça l'arrange, a formé un pourvoi contre cette décision. Le texte de son pourvoi invoquait des arguments largement inspirés de la circulaire du 21 février 2006.

La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi du préfet de Seine-Saint-Denis par un motif lapidaire que voici :

attendu que l’administration ne peut utiliser la convocation à la préfecture d’un étranger, faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, qui sollicite l’examen de sa situation administrative nécessitant sa présence personnelle, pour faire procéder à son interpellation en vue de son placement en rétention ; qu’ayant relevé que M. X... avait été convoqué, sur sa demande, pour l’examen de sa situation administrative, la cour d’appel a, par ce seul motif, jugé à bon droit, que les conditions de cette interpellation étaient contraires à l’article 5 de la convention européenne des droits de l’homme.

Comme je vous l'avais précédemment indiqué, quand la Cour de Cassation dit qu'une cour d'appel a jugé « à bon droit », c'est le plus haut compliment que la Cour puisse faire à une juridiction dont elle examine la décision. C'est une approbation totale et sans réserves. Dès lors, la Cour de Cassation applaudit à une décision de cour d'appel qui a estimé qu'une telle interpellation était contraire à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui est notre writ of habeas corpus.

Messieurs les ministres de l'intérieur et de la justice ont donc co-signé une circulaire recommandant aux préfets une pratique d'arrestations illégales directement en violation de la Convention européenne des droits de l'homme... Chapeau bas.

Quand on sait que le paragraphe 1.3.1 de cette même circulaire laisse entendre qu'une interpellation d'un étranger dans un bloc opératoire (et pas dans l'hypothèse où l'étranger ferait partie du personnel soignant...) serait parfaitement légale, il est permis de penser que cette circulaire est susceptible de connaître d'autres avanies judiciaires.

J'ai une tendance assez personnelle à trouver que la Cour de Cassation est parfois bien trop frileuse en matière de protection des libertés au profit de l'autorité de l'Etat pour ne pas saluer cet arrêt comme une décision totalement à l'honneur de la Cour suprême. Les évolutions récentes du droit des étrangers, qui, je ne le répéterai jamais assez, sont de nature à faire honte à la France et aux valeurs qu'elle porte depuis si longtemps, semblent commencer à provoquer une certaine fronde chez les juges, et je m'en réjouis profondément. L'existence d'un vrai pouvoir judiciaire en France pour pallier aux les manquements du législateur ou de l'exécutif à leurs devoirs est une protection fondamentale, qui est insuffisante en France, mais qui fonctionne encore et il faut s'en réjouir.

PS : A quelques minutes près, Jules me grille la politesse. Lui aussi y voit un coup de règle sur les doigts des ministres, surtout celui des deux qui est candidat à un truc, là, bientôt.

Notes

[1] il faudra un jour que je vous reparle de la préfecture de Seine-Saint-Denis, préfecture où le droit français semble parfois ne pas s'appliquer.

Parlons programme : enfin, si on peut

Le Monde, viens-je de découvrir, signale (rubrique "Vu sur le web") que je décortique les programmes des candidats sur la justice. A ces lecteurs, salut. Le billet que vous cherchez est celui-ci, celui-là n'étant qu'un petit complément à la suite de son discours de Villepinte qui, sur ce sujet, n'a pas apporté grand'chose, d'où un examen succinct dont l'ironie n'est pas absente, mais c'est le style de la maison. Merci de m'épargner les procès d'intention, les critiques acides sur tel mot ou telle virgule, ou l'ironie sur le mot "maître". Eolas n'a que cinq lettres, or mon adresse de site devait en faire au moins six. J'ai donc accolé devant le mot maître. Mon ego est d'ores et déjà surdimensionné et n'est plus sensible au fait de me faire appeler maître, qui témoigne d'un grade universitaire, pas plus que vous ne rougissez de bonheur quand on vous appelle Monsieur ou Madame, titres initialement réservés aux frères et soeurs du roi.

Je m'attelle (ou m'attaque, comme vous voulez) au programme de Nicolas Sarkozy, mais je suis exposé à un problème, et là c'est à mes autres lecteurs, principalement soutenant la candidature du président de l'UMP que je m'adresse. Pourriez vous m'indiquer où je peux trouver le programme de Nicolas Sarkozy sur la justice ? Sa campagne est éclatée entre le site de l'UMP, le site Sarkozy.fr, les sites de la France d'après, je suis un peu perdu, et je n'ai rien trouvé.

Sinon, tant pis, je me tournerai vers Bayrou, ce qui semble être à la mode sur la blogosphère en ce moment. Cela dit, vu que la blogosphère était plutôt en faveur du oui lors du referendum, je serais inquiet à la place du président de l'UDF.

mardi 13 février 2007

Avis de Berryer

Enfin, la Berryer revient !

Annonce in extremis, j'en suis désolé, mais elle vient de me parvenir :

Demain, pour la Saint-Valentin, la Conférence du stage reçoit Monsieur Bernie Bonvoisin, chanteur, auteur, réalisateur, en la 5ème chambre du tribunal de grande instance.

La salle des Criées est en effet emmazoutée dans le pétrole de l'Erika et indisponible jusqu'à l'été.

La 5e chambre se trouve dans la même salle des Pas Perdus que celle où donne la salle des Criées, c'est la porte au fond à gauche en regardant les fenêtres donnant Boulevard du Palais.

Les sujets, dès que je les ai.

Pour venir, demandez une invitation à cette adresse : conferenceberryer.bonvoisin @ googlemail.com

lundi 12 février 2007

Mise à jour du commentaire du programme de Ségolène Royal en matière de justice

Avant de m'attaquer au candidat de l'UMP, je reviens sur les propositions faites hier dans le cadre du "pacte présidentiel" présentée par Ségolène Royal. Je n'ai pas regardé les "Cahiers d'Espérance" présentés sur le site Désirs d'avenir, synthèse des débats participatifs, j'ai déjà assez de mal à m'y retrouver.

Le chapitre consacré à la justice s'intitule "La Présidente de la lutte contre toutes les formes de violence", page 11 et suivantes du document pdf. Comme c'était prévisible, la justice n'est abordée que sous l'angle de la justice pénale, et encore, uniquement sur les violences. Exeunt la justice civile, qui règle les litiges entre particuliers ou entre consommateurs et professionnels, et la justice administrative, qui règle les litiges entre l'Etat et ses diverses extensions (collectivités locales, établissements publics) et les administrés. Mais comme nous le verrons, de ce point de vue, les autres candidats ne font guère mieux.

Neuf propositions sont formulées, divisées en deux parties.

La première est "Lutter résolument contre les violences". Prenez vous ça dans les dents, ceux qui voulaient lutter avec pusilanimité contre les violences.

50- Rétablir la civilité :
- Apprendre la civilité aux enfants : des programmes d’éducation au respect de l’autre pour apprendre aux enfants à gérer les conflits par la parole plutôt que par la violence.
- Garantir à chacun de voyager sans crainte dans les transports en commun (RER, TER, trains de banlieue, tram et bus, spécialement la nuit) en imposant des obligations règlementaires plus grandes aux transporteurs (recours plus grand aux équipements technologiques, personnel plus importants aux horaires sensibles…).
- Mettre en place des gardiens dans tous les immeubles sociaux.

Bon, en fait, on est assez loin de la justice, là. Apprendre la civilité aux enfants, je trouve la proposition limite insultante, tout de même. Ha, mais non, on ne parle que des enfants des autres, bien sûr, pas de ses petits anges. Et quant à garantir à chacun de voyager sans crainte : s'agit-il d'un droit au voyage serein opposable ?

51- Lutter contre les violences scolaires en renforçant la présence des adultes dans les établissements :
- Recruter des surveillants des collèges.
- Doter chaque établissement d’une infirmière scolaire et d’une assistante sociale à temps plein.

De la prévention, dans la tradition du parti socialiste. Pas d'information sur le financement, dans la tradition politique française.

52- Etre ferme face aux mineurs violents :
- Mettre en place une politique de prévention précoce de la violence : encadrement éducatif renforcé, mise en place de tuteurs référents.
- Développer les brigades des mineurs dans chaque commissariat des grandes zones urbaines.
- Prendre des sanctions fermes et rapides : un plan d'urgence sera mis en place pour la justice des mineurs (recrutement de juges des enfants, d’éducateurs, de greffiers)
- Mettre en oeuvre des solutions nouvelles pour extraire les mineurs de la délinquance : suppression des peines de prison pour les mineurs en dehors des cas d’atteintes graves aux personnes ; développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec un encadrement militaire.

Tiens, Ségolène Royal fait du Nicolas Sarkozy, là. La justice des mineurs ne serait pas ferme (les juges seraient-ils donc démissionnaires ?), et il faut des sanctions rapides. C'est là l'objet de la loi sur le prévention de la délinquance en cours de discussion devant le parlement, qui instaure une sorte de comparution immédiate pour mineurs. Parallèlement à cette fermeté, elle parle de supprimer les peines de prison pour les mineurs hors les atteintes graves aux personnes (c'est quoi la définition de la gravité ?). C'est moi ou il y a une légère contradiction dans le message, là ?

53- Faire de la lutte contre les violences conjugales une priorité nationale :
Faire adopter une loi cadre sur les violences conjugales prenant en compte tous les aspects permettant d’éradiquer ce fléau.

Je ne reviens par sur ce que j'ai déjà dit sur l'accumulation de lois en la matière.

Sur la forme : une loi cadre serait contraire à la constitution. L'article 34 de la Constitution prévoit que c'est la loi qui seule peut fixer les règles en matière de procédure pénale et déterminer les crimes et les délits et les peines qui sont applicables. Une loi cadre fixe des objectifs généraux et renvoie au décret pour prendre les mesures d'application. Le législateur ne pourra pas se défausser sur l'exécutif, il faudra que ce soit la loi qui fixe toutes les mesures.

Sur le fond : je ne peux m'empêcher de frémir. On nous refait le coup de 1998. On érige en cause nationale une cause avec laquelle tout le monde ne peut qu'être d'accord. En 1998, c'était la protection des mineurs victimes d'atteintes sexuelles, dans la foulée de l'affaire Dutroux. La lutte contre ce "fléau national" justifie une loi très répressive, faisant bon compte de la présomption d'innocence et des droits de la défense. L'opposition en rajoute dans le répressif pour ne pas se faire doubler sur sa droite. Et les graines sont semées, qui ont permis le fichage génétique systématique des délinquants, qui retirent au juge le pouvoir d'adapter la peine, jusqu'à la faculté d'écarter l'inscription au bulletin numéro 2, qui poussent les juges à la détention systématique à cause du "trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public causé par l'infraction", et qui ont fini par éclore à Outreau. Avec la faculté d'autocritique du législateur que la commission parlementaire a démontré. Mais ça marche, que voulez vous. On nous a refait le coup avec la loi de lutte contre le terrorisme en 2005, votée par l'UDF, le parti socialiste s'étant courageusement abstenu. Chaque fois que le législateur trouve un thème pour nous faire renoncer avec enthousiasme aux protections que nous offre la loi, sous le prétexte qu'elles ne protègent que les pédophiles, les terroristes et les maris violents, on ouvre la porte à une catastrophe. Et le législateur n'apprend jamais.

54- Créer une nouvelle police de quartier pour mieux assurer la sécurité quotidienne :
- Procéder à une répartition plus juste des effectifs : donner la priorité aux renforcements quantitatifs et qualitatifs des zones sensibles.
- Affecter des policiers expérimentés, bénéficiant d'une réelle différenciation de rémunération, dans les secteurs plus difficiles (avantages de carrières, aides au logement, etc.)

Le retour de la police de proximité. Puis-je ajouter une suggestion : afin de faire bénéficier selon le même principe chaque échelon de l'Etat de la sagesse de l'expérience, si nous veillions à affecter chaque ministre et président sortant à un simple conseil municipal dans une ville à problèmes ?

55- Aider les victimes : - Faciliter et moderniser le dépôt de plainte pour briser la loi du silence : amélioration de l’accueil dans les commissariats par la mise en place de travailleurs sociaux de la police nationale, possibilité de déposer plainte via Internet. - Mettre un avocat à la disposition des victimes de violences graves dans l'heure suivant le dépôt de plainte.

Améliorer l'accueil dans les commissariats, j'abonde. Porter plainte par internet, quelle bonne idée. Voilà qui nous met à l'abri des dénonciations calomnieuses et anonymes. Mettre un avocat à disposition des victimes dans l'heure qui suit, c'est moi ou il s'agit d'une obligation qui pèsera sur NOUS, avocats, plutôt que sur l'Etat? En tout cas, cela fait longtemps qu'un service d'aide aux victimes existe dans les principaux tribunaux (Créteil a été pionnier à ce sujet) et qu'un avocat est présent pour les victimes aux audiences de comparution immédiates. Encore faut-il que les victimes viennent à l'audience, et en soit informées, information qui pour l'heure incombe au greffe du parquet qui laisse un message sur le répondeur téléphonique de la victime (et je l'ai vu faire une fois dans une affaire de vol de portable, ledit portable étant placé sous scellés ; non, la victime n'est pas venue à l'audience).

  • Deuxième partie, intitulée : Répondre au besoin de justice.

56- Doubler le budget de la justice pour la rendre plus rapide et respectueuse des droits.

Allelulia. Que cette promesse là soit tenue, et vous verrez déjà que la justice fonctionnera bien mieux. Mais quand je vois que le gouvernement précédent n'a pas tenu ses engagements pris dans une loi quinquennale sur la justice, le doute m'habite.

57- Faciliter l’accès à la justice des plus modestes : - Renforcer l’aide juridictionnelle. - Renforcer les maisons de la justice et du droit - Mettre en place un service public d’aide au recouvrement des dommages et intérêts alloués aux victimes.

Renforcer l'aide juridictionnelle n'est pas "augmenter" l'aide juridictionnelle. Je reste circonspect.

L'idée d'un service d'aide au recouvrement des dommages intérêts alloués aux victimes me semble une bonne idée ; on pourrait l'appeler "avocat", par exemple. Rappelons que le principal obstacle à ce recouvrement est l'insolvabilité de l'auteur des faits, insolvabilité souvent renforcée par son incarcération. Il existe actuellement un système d'indemnisation public, mais il est réservé aux atteintes aux personnes les plus graves (plus de trente jours d'incapacité totale de travail, ou des séquelles définitives, ou une atteinte sexuelle), et ne s'applique pas aux atteintes aux biens sauf si elles ont de graves conséquences pour la victime. Mais "l'aide au recouvrement" n'étant pas le recouvrement effectif, je doute que l'heure soit à l'extension de dispositif. On peut le regretter : obliger l'Etat à prendre en charge le coût de sa carence à sa mission d'assurer la sécurité de ses citoyens serait autrement plus efficace que les numéros verts, service ad hoc et proclamations solennelles déployées jusqu'à présent...

58- Protéger les citoyens :
- Assurer la présence d’un avocat dès la première heure de garde à vue.

Tiens ? Je croyais que c'était déjà le cas depuis la loi du 15 juin 2000. Et visiblement, les officiers de police judiciaire le croient aussi.

- Encadrer strictement le recours à la détention provisoire dont la France use beaucoup plus largement que les autres pays européens, en imposant notamment des délais butoirs.

Des délais butoirs ? Comme ceux de l'article 145-1 et 145-2 du Code de procédure pénale ? C'est une manie chez cette candidate de faire voter des textes qui existent déjà.

- Renforcer les alternatives à la prison préventive.

Ce qui implique au préalable la création du concept de prison préventive. "Vous n'avez rien fait, mais ça ne saurait tarder, je préfère prendre les devants". Le PS a trop aimé Minority Report...

- Assurer dans les prisons des conditions qui permettent la réinsertion du détenu.

Ca fait deux siècles qu'on le dit. Ca fait deux siècles qu'on oublie de dire comment. L'état du désastre actuel en la matière a de quoi préoccuper et nécessite plus que des déclarations d'intention vertueuses.

- Créer un organe indépendant de contrôle des prisons.

Comme le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, qui est venu il y a un an dresser un état des lieux qui fait honte à la France ? Et si plutôt on tenait compte de ses observations ?

Bref, rien de vraiment nouveau par rapport aux documents publiés jusqu'à présent. Peu de mesures concrètes, mais c'est l'exercice qui veut ça, visiblement, comme le révélera mon analyse des programmes des autres candidats. Et après, on se plaindra de ce que le débat ne prenne pas de la hauteur...

Si vous voulez savoir pourquoi j'aime le rugby...

Il fallait regarder Irlande - France hier.

Landsdowne Road me manquera, mais je me sens déjà chez moi à Croke Park.

vendredi 9 février 2007

La date de sortie du 7e tome de Harry Potter officiellement annoncée

Ce sera le 21 juillet prochain, à 00h01 heure de Londres, soit 01h01 à Paris.

Je vous annonce d'ores et déjà que mon blogue sera en inactivité totale tout le week-end le temps que je dévore ce livre à l'abri des spoilers d'internet. Et tant pis pour mes clients en garde à vue. Ce sera l'avocat de permanence pour eux.

Soyez le juge des comparutions immédiates, le délibéré

Le tribunal, après en avoir délibéré, a déclaré le prévenu coupable et en répression l'a condamné à quinze jours d'emprisonnement sans mandat de dépôt. Le prévenu a donc été aussitôt remis en liberté, dans l'attente d'une convocation devant le juge d'application des peines.

Les travaux d'intérêt généraux, proposés par beaucoup d'entre vous, ont été écartés du fait des maladies invalidantes du prévenu. Faire effectuer les TIG est déjà assez difficile, car la législation sociale s'applique aux TIG, et on est en présence d'un invalide. Ce serait refiler un casse tête au JAP.

Deux commentaires sous le billet original méritent d'être repris. Ils sont rédigés par des magistrats, ou du moins se présentant comme tels mais leur qualité me paraît crédible ; le premier est très drôle à condition de n'être que le fruit de l'imagination de l'auteur, et le second, rédigé par un juge d'application des peines, est je crois exactement le raisonnement tenu par le tribunal.

Voici le premier.

Les suites:

1/ l'audience est levée, je rentre dans la salle des délibérés en multipliant les protestations outrées et théâtrales devant mes assesseurs contre le choix de la compa faite par le parquetier de permanence (sauf si le parquetier en question est cette belle brune aux yeux bleus du bureau 4, qui elle n'est que la victime de la hiérarchie parquetière).

L'auditeur de justice m'approuve car je le note, le juge de proximité m’approuve également car de toute façon il approuve tout ce qui porte une robe, l'assesseur, prénommé Averell, s'en fout car son vrai métier c'est JAF.

2/ j’ouvre en soupirant le dossier de la procédure, me tourne vers les assesseurs en leur demandant : « bon, vous en pensez quoi ? ».

L’auditeur : « quelles sont les sanctions possibles ? » (qu’est-ce que j’en sais, c’est toi qui viens de l’ENM, je comptais sur toi pour me le dire, ah vraiment on est pas aidé !)

Le juge de proximité : « mais pourquoi les gens sont-ils aussi méchants, quand je raconte les audiences à mes amis du Rotary ils n’y croient pas ?»

Averell : « A quelle heure on mange ? »

3/Instruit par ces avis, j’avance prudemment l’idée de 3 mois SME pendant 2 ans, avec obligation de soins psychologiques, et obligation d’exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation. Averell est partant, l’auditeur aussi, le juge de proximité également car il approuve tout ce qui porte etc…

Donc va pour 3 mois SME sur 2 ans avec obligation de soins psychologiques, et obligation d’exercer une activité professionnelle ou suivre une formation, avec exécution provisoire.

4/Nous reprenons l’audience.

5/Je lance d’un ton grave et sévère-mais-juste les multiples informations et notifications qui doivent désormais être réalisées par le président d’audience : durée du suivi, risque en cas de nouvelle infraction, date et heure de convocation au SPIP, température au sol, gonflage manuel des gilets de sauvetage présents sous le siège, obligations générales 132-44, obligations particulières 132-45. Ma voix se perd dans le brouhaha de la salle, les escortes qui passent, les pensées du condamné qui opine du chef avec un grand sourire à tout ce qu’on lui dit car il n’a compris qu’une chose : il ne dormira pas à la maison d’arrêt ce soir. Il est 17h45, le dossier suivant de comparutions immédiates arrive, l’audience « normale » commencera à 20 heures et se terminera à minuit. Averell attendra pour manger.

Ce qui m'a d'autant plus fait sourire est que le tribunal ayant jugé comportait bien un juge de proximité, et que la procureur de permanence était en effet charmante.

Une explication : à Paris et dans les grosses juridiction, il y a une chambre spécialisée dans les comparutions immédiates qui ne fait que ça (A Paris, la 23e). En province, des audiences correctionnelles peuvent juger des comparutions immédiates au milieu de dossiers plus classiques. D'où le "l’audience « normale » commencera à 20 heures et se terminera à minuit" à la fin qui contrarie l'estomac d'Averell.

Voici le commentaire de JAP.

Bon, voyons si je peux faire du "tuning de la peine" selon l'expression de Me Eolas. Tout d'abord, ce cas n'est pas facile. Apparemment, pas de demande de délai. L'infraction est constituée, et je constate que l'on n'est pas sur un "coup de tête" (temps passé, choix des mets, du resto, trajet...), et très loin d'un état de nécessité. Pas de difficulté sur la culpabilité. Reste la peine... J'écarte le TIG. Pour faire un TIG, il faut déclarer le condamné à la sécurité sociale comme travailleur bénévole et qu'il fournisse un certificat d'aptitude au travail. Bien que dans l'absolu, il ne soit pas impossible de faire travailler une personne handicapée, concrètement, cela me semble difficile, à moins que le JAP local ne dispose d'un poste adapté. On court à l'inexécution du TIG dans ce type de dossier.

Je passe sur la production du STIC à l'audience, qui a le don de m'agacer et que je ne regarde pas. Coté antécédents, il a déjà été averti par un sursis et un SME va être pris en charge. Donc, je n'opterai pas pour un empilement de SME, peu utiles, d'autant que le JAP peut ralonger le suivi du 1er le cas échéant, qu'il a engagé des soins, et qu'il n'y aura pas de victime à indemniser. J'avais bien pensé à une expertise psy, mais là aussi, le JAP pourra toujours en ordonner une si ça lui paraît nécessaire. J'écarte l'amende et les jours amende, il en a déjà eu une il y a 15 jours qui ne l'a pas dissuadé de commettre de nouvelles infractions et a de faibles revenus.J'opte plutôt pour une peine ferme, dont j'espère qu'elle provoquera une prise de conscience. Le quantum ne peut pas être très élevé car la peine maximale encourue n'est que de 6 mois et il faut tenir compte de sa personnalité qui me semble fragile. Je prosose 15 jours. Le mandat de dépôt à l'audience ne m'apparaît pas utile car il vaut mieux lui éviter une incarcération et le passage en comparution immédiate est souvent un "électrochoc" suffisant. Il aura donc 15 jours à faire + le sursis révoqué (mais je ne serais pas opposée à une dispense partielle de révocation si ce sursis est important). S'il respecte bien son SME, suit des soins, ne commet plus d'infraction, bref s'il fait des efforts d'insertion, le jour où il le convoquera, le JAP pourra envisager un aménagement de peine, au vu de son état de santé, par exemple sous surveillance électronique.

Reste une difficulté : on ne sait rien des autres procédures en cours (mêmes faits ? dates ? sont elles audiencées ?) car on aurait pu envisager un renvoi, sans mandat de dépôt, pour joindre tous les dossiers à la même audience.

Il me manque quelque chose : l'avis des collègues car, soyez en sûrs, le délibéré est un moment important.

A quand l'exercice "soyez le Jap" ?

Que dire de plus ? La bonne solution, et exactement le raisonnement que j'attribuais au tribunal.

A quand un "Soyez le JAP" ? Pas tout de suite ou alors il me faudra de l'aide. En effet, je ne veux pas parler de mes dossiers sur ce blog. Mes clients n'apprécieraient pas. Or les seuls dossiers de JAP que je connais sont ceux de mes clients, faute d'audiences publiques (voire d'audience tout court). De plus, expliquer les peines principales, complémentaires, les sursis, mises à l'épreuve et autres peines alternatives est déjà complexe. Expliquer les placements en milieu ouvert, fermé, le calcul de la mi-peine pour une liberté conditionnelle, et expliquer les pouvoirs d'appréciation du JAP serait un casse-tête. Si vous voulez vous frotter à l'exercice, be my guest.

Monsieur le procureur, pas d'autres réquisitions ?

Alors, l'audience est levée. Averell, réveillez vous, il est l'heure d'aller dîner.

Procès Charlie Hebdo : délibéré au 15 mars

ha, zut, j'ai tout dit dans le titre.

Ha, non. Le procureur a requis la relaxe, ce qui ne préjuge pas de la décision, mais est un indice sur les probabilités. Je vous mettrai le texte de la décision dès que j'aurai pu me la procurer.

jeudi 8 février 2007

Prolongation de délibéré

Vu l'actualité médiatique et mon emploi du temps de ces jours ci, le délibéré de "Soyez le juge" est prorogé à demain.

« Sur un blog , on peut dire n'importe quoi... »

José Bové était ce matin l'invité de Nicolas Demorand sur France Inter.

A cette occasion, le journaliste a interpelé le candidat récemment débouté de son pourvoi en citant le passage de mon billet où je révélais que le "fauchage volontaire" avait sans doute causé le dommage qu'il était censé prévenir.


La réponse de José Bové a été brève.

Notez qu'il ne dit à aucun moment que ce que je dis est faux : il se contente d'une remarque générale sur "on peut dire n'importe quoi sur les blogs" et enchaîne sur "Mais je crois qu'aujourd'hui tout le monde a reconnu qu'il n'y a pas de nécessité des OGM".

Mise à jour : J'avais raté ce morceau où Nicolas Demorand revient à la charge et où José Bové est acculé à la dénégation pure et simple. Merci à Nicolas Demorand de la confiance qu'il me témoigne.

Alors, pour montrer qu'on n'écrit pas toujours n'importe quoi sur les blogs, je vous incite à aller lire la décision in extenso publiée sur le site de la Cour de cassation (dont je loue la politique de publication immédiate sur la page d'accueil du site des arrêts dont on parle dans l'actualité, comme dans l'affaire Seznec).

Pour les plus pressés, voici l'extrait, page 10 de la version papier de l'arrêt :

La cour d'appel, citée dans l'arrêt, a relevé dans sa décision que
il résulte des constations des gendarmes de la brigade des recherches de Toulouse-Mirail que le champ de 13 573 m², planté en maïs classique (90 %) et OGM (10 %, soit 1 444 m) a été totalement détruit ; les plantes ont été, soit cassées, soit couchées ou arrachées, certaines ayant été emportées hors du champ ; des fleurs mâles qui étaient enfermées dans des poches ont été dépochées, libérant ainsi le pollen ;
Mais bon, peut-on croire la justice ? Y avait-il vraiment des poches autour de plants de maïs ?

Et bien, grâce à l'INA, nous pouvons le savoir. En effet, un hasard bienvenu a fait que des caméras de télévision étaient présentes ce jour là. Voyez vous même avec quelles précautions les plants supposés dangereux ont été traités. Voyez comment cette charmante jeune fille derrière ce sympathique Monsieur dont le nom m'échappe agite comme un trophée un plan de maïs avec une curieuse chose autour, on jurerait une poche.

Assurément, ces détails auront échappé à José Bové. La faute des médias, sans nul doute.

Et quitte à tirer sur une ambulance, je ne résiste pas à vous proposer ce deuxième extrait, qui se situe juste avant la question de Nicolas Demorand.


Deux tribunaux, à Versailles et Orléans, ont relaxé des faucheurs d'OGM.

Mes lecteurs se souviendront que je m'étais fait écho de la décision d'Orléans, dont j'avais annoncé l'annulation, qui a été effectivement prononcée par la cour d'appel d'Orléans, décision pendante devant la cour de cassation. La décision de Versailles a été frappée d'appel, ce que José Bové a oublié de mentionner. Il a sans doute oublié, l'audience s'étant tenue le 26 janvier dernier (délibéré le 22 mars). Le parquet a requis la condamnation des prévenus à trois mois de prison avec sursis. Alors, je veux bien que José Bové s'en tienne dans l'affaire de Versailles à la dernière décision rendue, qui était une relaxe ; mais dans ce cas qu'il ne cite pas celle d'Orléans comme une victoire.

Comme quoi, il n'y a nul besoin d'avoir un blog pour dire n'importe quoi. 

mercredi 7 février 2007

Le pourvoi de José Bové et autres rejeté

la chambre criminelle de la cour de cassation a rejeté aujourd'hui le pourvoi de José Bové (mais aussi Noël Mamère, injustement spolié de sa gloire médiatique sur ce coup là), dans l'affaire de la destruction en réunion d'un champ de maïs transgénique.

Le pourvoi soulevait trois arguments, tous rejetés.

Le premier critiquait l'annulation par la cour d'appel du jugement donnant acte à 230 personnes de leur comparution volontaire pour les mêmes faits aux fins d'être condamnées aux côtés du moustachu (pas Noël Mamère, l'autre). En effet, devant le tribunal correctionnel de Toulouse, 230 personnes étaient venues à l'audience et ayant déclarées qu'elles avaient participé aux faits, avaient demandé à être jugées par la même occasion. La cour d'appel a annulé le jugement sur ce point en précisant que le tribunal ne pouvait pas les juger faute pour le procureur de la république ou la victime d'avoir préalablement mis en mouvement l'action publique. Un principe fondamental du droit est qu'un juge ne peut "s'autosaisir", c'est à dire décider de son propre chef de juger telle personne, même si celle ci est d'accord. Il y a des exceptions (en matière de tutelles et de protection des mineurs), mais pas en matière pénale.

La cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir déclaré que la seule comparution volontaire de ces personnes ne mettait pas en mouvement l'action publique faute de réquisitions en ce sens.

Le deuxième critiquait la cour d'appel pour avoir rejeté une exception de nullité, c'est à dire une demande préalable visant à voir annulée la procédure, qui invoquait le fait que le procureur de la République avait ouvert une enquête de flagrance uniquement à l'égard de deux prévenus qui ont été immédiatement identifiés et placés en garde à vue tandis que les autres étaient simplement cités à comparaître. La cour de cassation le rejette en expliquant que le procureur a le choix du type d'enquête qu'il fait mener parmi celles que la loi lui propose, et qu'aucune discrimination n'a ainsi été opérée entre les prévenus qui comparaissent à la même audience et dans les mêmes conditions.

Le troisième invoquait enfin l'état de nécessité, dont j'ai abondamment parlé à l'occasion d'une affaire similaire aussi funeste pour les prévenus. L'état de nécessité était fondé selon les prévenus sur le principe de précaution, et sur le fait que les prévenus n'auraient eu d'autre choix que la nécessité impérieuse de détruire ce champ, l'impossibilité d'engager un débat public sur la question caractérisant un déficit démocratique rendant nécessaire l'action engagée. Quand on sait que certains des prévenus sont des parlementaires, on sourit à voir invoquer un déficit démocratique. Il est vrai que si les parlementaires sont au champ plutôt que dans l'hémicycle, le débat ne risque pas de progresser... Sans craindre la contradiction, les demandeurs au pourvoi invoquaient également la charte de l'environnement ajoutée depuis les faits à la Constitution pour légitimer leur action, ce qui tendrait plutôt à démontrer que le déficit démocratique en la matière est plutôt relatif.

La cour d'appel, approuvée en cela par la cour de cassation, balaye l'argumentation tirée de l'état de nécessité avec des motifs ma foi fort intéressants. Ainsi sur la nécessité de protéger de l'éventuelle pollution génétique par pollénisation, on apprend que seul 10% du maïs planté, le coeur du champ, était transgénique, les 90% restants étant destinés à servir de barrière pour capter le pollen éventuellement émis ; que les plants mâles étaient enfermés dans des poches pour les isoler, poches qui ont été détruites par les faucheurs volontaires, causant ainsi le dommage qu'ils prétendaient prévenir, d'autant que certains plants ont été traînés hors du champ par les manifestant eux même. Pour le surplus, elle rappelle que les manifestants avaient des voies de droit pour faire valoir leurs arguments, et que la Charte de l'environnement, en bon gadget législatif, n'est pas invoquable devant un tribunal.

La condamnation est donc définitive, mais comme je l'expliquais précédemment, José Bové n'a aucune chance d'être incarcéré avant les élections présidentielles, malgré sa volonté en ce sens confirmée ce matin encore.

On ne plaindra jamais assez la dure vie des militants révolutionnaires dans un pays démocratique. Les murs des prisons sont construits pour les maintenir à l'extérieur.

Ps : Oui, je sais j'ironise sur Bové, c'est mal, je vais m'en prendre plein la figure par ses trolls bio. C'est pas grave, j'ai des faucheurs volontaires de commentaires OGM (Objectivement Grossiers ou Malpolis).

Solidarité

mardi 6 février 2007

Soyez le juge des comparutions immédiates

Je vous propose pour nous reposer un peu de la campagne présidentielle de reprendre vos fonctions de président du tribunal correctionnel. Vous siégez aujourd'hui pour juger des comparutions immédiates. Pour être plus réaliste, j'aurais dû vous mettre quatre ou cinq affaires à la suite pour symboliser l'enchaînement des dossiers. Mais j'aurais aussi dû vous faire délibérer à trois, puisque les comparutions immédiates relèvent obligatoirement de la collégialité. Alors ce ne sera qu'un dossier, car celui-ci m'a bien plu par son aspect atypique.

L'affaire que vous avez à juger aujourd'hui est une affaire de filouterie, ou grivèlerie. Il s'agit, aux yeux de l'article 313-5 du code pénal, du fait par une personne que sait être dans l'impossibilité absolue de payer ou qui est déterminée à ne pas payer, de se faire servir des boissons et des aliments dans un établissement vendant des boissons ou des aliments. Vous admirerez une fois de plus le style élégant et envolé du législateur.

La loi prévoit une peine maximale de 6 mois d'emprisonnement et une amende de 7500 euros.

Le prévenu est un homme de 31 ans, rondouillard et mal fagoté, engoncé dans sa parka dont la fermeture éclair est remontée jusqu'à son menton. Il prend place dans le box en obéissant courtoisement aux instructions des gendarmes.

Les faits sont les suivants : le prévenu s'est présenté à l'heure du déjeuner à un restaurant de la chaîne Rhinocérus et a commandé un apéritif, un tartare de tomate, une entrecôte avec des frites, une coupe glacée et, ayant sympathisé avec ses voisins de table, leur offre le champagne. L'après-midi traînant en longueur arrive l'heure du dîner, qu'il prendra sur place faisant à cette occasion la connaissance de deux jeunes filles Grecques, à qui il offrira l'apéritif, et se fera servir une bouteille de Côtes du Rhône, du fois gras en entrée, suivi d'une andouillette et d'un dessert du jour, dont la teneur exacte n'est pas précisée dans le dossier de police qui vous est soumis. La serveuse lui présentant une addition de 142,50 euros, il lui révélera alors qu'il ne pouvait pas payer. Le gérant appela la police, qui le plaça en garde à vue, à l'issue de laquelle le procureur décidera de vous faire faire connaissance aujourd'hui, eu égard au fait qu'il ne s'agit pas de la première fois que le prévenu se rend coupable de ce genre d'agissements.

Interrogé sur les raisons de son comportement, il répond en s'exprimant dans un bon français :

"Je ne sais pas, je n'arrive pas à analyser les raisons de mon comportement. J'ai commencé une thérapie afin de m'aider à comprendre les raisons qui font que je ne peux pas résister à la pulsion d'aller ainsi déjeuner alors que je n'en ai pas les moyens."

En réponse à une de vos questions, il précise qu'il ne choisit pas le même restaurant ni la même chaîne de restaurants.

L'enquête de police a montré qu'il a fait l'objet de 7 mentions précédentes au STIC (système de traitement des infractions constatées), depuis 2005, la majorité de ces faits étant située en 2006 (il faut préciser que cette audience a eu lieu en janvier 2007).

- Mais alors, lui demandez-vous, si vous savez que vous avez ces pulsions et que vous ne pouvez pas y résister, pourquoi vous y soumettre en vous rendant dans ces restaurants parisiens ? Vous habitez en lointaine banlieue, cela suppose un certain trajet.

A cela, le prévenu vous répond avec une franchise presque désarmante et sur un ton assez émouvant :

"J'y vais à cause de l'ennui. Je n'ai pas de travail à cause de mes problèmes de santé, je me sens terriblement seul. Je fais cela pour voir du monde, pour avoir de la compagnie."

Vous jetez un coup d'oeil à son bulletin n°1 du casier judiciaire, qui mentionne une condamnation remontant à deux ans à une peine de prison avec sursis pour des blessures involontaires. Toutefois, lorsqu'il a été entendu par la police, il mentionne qu'il aurait déjà été condamné à des peines d'amende.

Vous froncez les sourcils. De quelles amendes s'agissait-il ? Il n'y a rien au dossier... Interrogé, le prévenu essaye de vous donner des indications mais rapidement vous réalisez qu'il mélange le fait qu'il a été condamné à des mesures de réparation, à des dommages-intérêts, et semblerait-il à de vraies amendes.

Le procureur se lève et vole à votre secours.

"Monsieur le président, j'ai ici la chaîne pénale du prévenu[1]. Il s'avère qu'il a fait l'objet d'une condamnation à 300 euros d'amende à une audience qui s'est tenue il y a de cela 15 jours. Il a également comparu il y a de cela trois semaines pour les mêmes faits, et a fait l'objet à cette occasion d'une condamnation à trois mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve pour une durée de deux ans. Ces condamnations récentes ne sont pas encore inscrites au casier judiciaire. Je précise que le prévenu fait l'objet de deux autres procédures qui ne sont pas encore jugées."

L'avocat de la défense se lève, fort mécontent.

- Monsieur le président, la chaîne pénale que mentionne le procureur de la république ne figurait pas au dossier, et je la découvre seulement maintenant.

- Maître, ironise le procureur, il suffisait de poser la question à votre client.

Vous rappelez courtoisement le procureur à l'ordre et le priez de communiquer ce document à l'avocat de la défense en vertu du principe du contradictoire, ce que le procureur fait bien volontiers.

L'avocat se dirige vers le bureau du procureur pour prendre ces documents, en maugréant sur le fait que c'est un dossier incomplet qui a été laissé à sa disposition dans le court laps de temps qu'il a eu pour préparer ce dossier[2].

L'incident étant clos, vous enchaînez sur l'examen de la personnalité du prévenu, les faits étant quant à eux clairement établis.

La mère du prévenu est secrétaire médicale dans la région Ile-de-France, son père est retraité dans le centre de la France. Une enquête de personnalité a été effectuée comme pour chaque dossier de comparution immédiate, et qui confirme qu'il vit chez sa mère, hébergé à titre gratuit. Il s'agit là du seul membre de sa famille avec qui il est encore en contact. C'est quelqu'un de très isolé socialement, et qui en souffre. Il est au RMI depuis trois ans, à cause d'une invalidité due à une maladie osseuse orpheline qui l'a rendu incapable de continuer sa profession de fromager indépendant sur les marchés. Il y a deux ans, il a eu une hémorragie cérébrale qui a aggravé son invalidité. Il a un dossier de demande d'allocations d'adulte handicapé en cours qui n'a pas encore abouti, et depuis cette hémorragie, souffre également d'épilepsie. Il est désormais invalide à plus de 80%.

"Pensez-vous que cette hémorragie cérébrale peut être en lien avec votre comportement ?

- J'y pense. Ca a pu me faire quelque chose dans la tête.

- Avez vous un projet professionnel ?

La voix du prévenu se réchauffe et son regard se fait un instant rêveur.

"Ce qui me plairait, c'est de recommencer mon commerce de fromage, mais (le regard de rêveur se fait mélancolique) c'est fatigant... Quand je travaillais, j'effectuais 76 heures par semaine. Depuis mon hémorragie cérébrale, j'ai beaucoup moins de résistance qu'avant."

Vous ne voyez rien à ajouter.

- Monsieur le procureur, vous avez la parole.

Le procureur commence ses réquisitions en relevant que le prévenu a été victime d'un accident de parcours grave qui a entraîné son isolement, la cessation de son travail, et sa dé-socialisation. Mais il ne faut pas se cacher derrière ces problèmes réels pour justifier un parcours délinquant, car ce comportement est récent par rapport aux ennuis de santé du prévenu.

Il relève en effet que si l'invalidité remonte à 2004, c'est en 2006 que les actes ont commencé à être fréquemment répétés. Son ton se fait plus sévère :

"Mais que voulez-vous ? Que cherchez-vous ? Posez-vous sérieusement la question, car il est urgent que vous trouviez la réponse. La justice en tout cas ne vous laissera pas continuer. Vous êtes armé contre vos malheurs, vous avez travaillé, vous êtes hébergé gratuitement, et vous avez des revenus, certes très modestes, mais pas de charges. Et tout cela risque de s'écrouler. Cette comparution aujourd'hui, et celles éventuellement à venir pour les procédures encore en cours, doivent devenir un avertissement. Cela suffit, il est temps pour vous d'ouvrir les yeux. Il y a d'autres moyens pour lutter contre votre isolement : il y a du bénévolat, des activités non professionnelles qui peuvent vous permettre de rompre la solitude en vous ménageant physiquement, vous ne pouvez pas prétendre que vous n'avez pas d'autre moyen de lutter contre votre sentiment de solitude en allant manger pour plus de 100 euros.

Vu les procédures en cours et votre casier judiciaire, et votre situation personnelle, je constate que le sursis n'est plus possible. Le sursis avec mise à l'épreuve a déjà été prononcé. Une peine d'amende serait inopportune à votre égard vu la faiblesse de vos revenus, et la nécessité pour vous d'indemniser les victimes, quand bien même le restaurant Rhinocérus ne s'est pas constitué partie civile aujourd'hui. Il ne reste donc qu'une peine d'emprisonnement. Je requiers donc une peine de prison ferme d'une durée de 15 jours, sans mandat de dépôt afin que le juge d'application des peines traite ensemble toutes les condamnations.

- Merci Monsieur le procureur. Maître, vous avez la parole."

L'avocat commence ses observations en estimant que les réquisitions du parquet sont excessives. La prison n'est pas la seule solution : il reste le sursis avec une obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, son client serait d'accord pour une telle peine.

Le procureur ne peut s'empêcher d'intervenir : "Des TIG, pour un invalide à la COTOREP ?"

Imperturbable, l'avocat reprend : "Ces actes délictuels remontent à son accident vasculaire cérébral. De plus, quand on regarde ses antécédents, les délits les plus graves remontent à 2005. Aujourd'hui, il est au RMI, isolé, et n'a aucune vie sociale. La prison n'apparaît pas être une solution pour résoudre le problème psychologique du prévenu qui tient à répéter au tribunal qu'il est d'accord pour indemniser la victime, et d'accord pour accomplir un travail d'intérêt général. L'avocat conclut en demandant une extrême indulgence de votre part afin de permettre au prévenu de normaliser à nouveau sa vie.

L'avocat se rassoit. Vous vous tournez à nouveau vers le prévenu qui se lève aussitôt :

"Avez-vous quelque chose à rajouter ?"

Le prévenu secoue la tête.

- L'affaire est mise en délibéré au 8 février, concluez-vous.

Que décidez-vous ?

Les peines principales prévues par la loi sont, comme je vous l'ai déjà indiqué, 6 mois d'emprisonnement et 7500 euros d'amende.

L'affaire ayant été jugée en réalité en comparution immédiate, vous avez la possibilité d'ordonner l'incarcération immédiate du prévenu, quelle que soit la durée de la peine. Je fais ici une entorse à la procédure pénale, la comparution immédiate supposant que vous n'êtes pas seul à siéger, mais comme vous serez seul à délibérer, je suis obligé de vous mettre en situation. Vu la condamnation à une peine de sursis pour blessures involontaires du prévenu, vous ne pouvez pas prononcer un sursis simple avec cette peine.

Par contre, le fait qu'il ait déjà un sursis avec mise à l'épreuve ne vous interdit pas d'en prononcer un deuxième, sachant que ce sera le dernier : la loi interdit d'en prononcer un troisième. La mise à l'épreuve, pour une durée maximale de trois années, durée que vous devez indiquer dans votre décision, peut comporter diverses obligations que vous devez choisir en fonction de celles qui vous semblent opportunes :

  1. exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement,
  2. établir sa résidence en un lieu déterminé,
  3. se soumettre à des mesures d'examen médical ou de soins,
  4. réparer les dommages causés par l'infraction,
  5. s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné,
  6. ne pas fréquenter les débits de boissons.

Vous pouvez également prononcer une peine de sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, vous devez préciser la durée du travail à accomplir, qui devra être entre 40 et 210 heures, et le délai dans lequel ce travail devra être accompli, qui ne peut être supérieur à 18 mois. Vous ne pouvez décider de la nature du travail qui sera effectivement accompli, cela relevant de la responsabilité du juge d'application des peines, et des disponibilités qu'il aura.

Si vous ne prononcez pas de mandat de dépôt, c'est à dire, vous n'ordonnez pas l'exécution immédiate d'une peine d'emprisonnement, la loi prévoit, ainsi que je l'expliquais dans le billet consacré à José Bové, que le juge d'application des peines sera en charge d'aménager l'exécution de cette peine et de toutes celles exécutoires qui auront pu être prononcées postérieurement à votre décision. La seule condition pour qu'il puisse aménager la peine est que le total cumulé ne dépasse pas un an.

J'attends votre délibéré en commentaires, et me contenterai de signaler les propositions impossibles ou illégales que vous pourriez faire, afin que vous puissiez éventuellement les rectifier. La vraie décision du tribunal sera donnée le 8, après demain.

L'audience est levée.

Notes

[1] Il s'agit de la liste tenue par le parquet de l'ensemble des procédures diligentées à l'encontre d'une personne, avec le cas échéant sa localisation s'il est détenu.

[2] Ce genre d'incident m'étant arrivé, je ne puis que manifester ici mon soutien à ce confrère, d'autant que dans mon cas, le procureur a eu l'élégance de m'interrompre dans ma plaidoirie pour me lire la litanie de la chaîne pénale de mon client...

samedi 3 février 2007

maljournalisme au Figaro Magazine

Le Figaro ne peut pas être soupçonné de sympathie pour Ségolène Royal. Il est donc de bonne guerre qu'il se fasse l'écho d'un conflit qui oppose Ségolène Royal à une de ses anciennes salariées [Via Koztoujours, qui n'est absolument pas concerné par les critiques que je vais émettre], et qui va faire l'objet d'un livre sortant prochainement en librairie, en en publiant les bonnes feuilles.

On peut admettre que l'électorat pourrait apprendre des choses sur la personnalité d'une candidate en voyant comment elle peut se comporter en tant qu'employeur et comment elle gère un conflit avec une ancienne salariée.

On peut même sourire au choix de la photo retenue pour illustrer cet article, qui n'a manifestement pas été choisie pour sa mise en valeur du sourire de la candidate du PS aux élections.

Mais là où le parti pris franchit les limites de la malhonnêteté intellectuelle, c'est in fin quand il prétend résumer les malheurs judiciaires de la candidate.

En voici la retranscription intégrale :

Evelyne Pathouot démissionne en 1997. L'année suivante, avec deux de ses collègues, elle dépose une plainte aux prud'hommes pour récupérer des salaires non versés. S'ensuivront dix années de procédure. Condamnée en première instance, Ségolène Royal fait appel. Evelyne et ses collègues contre-attaquent en déposant une plainte au pénal pour «travail clandestin». Ségolène répond par le biais de deux plaintes pour «procédure abusive» et «propos calomnieux», mais qui seront classées sans suite.

2002 : la procédure pour travail clandestin débouche sur un non-lieu et une condamnation des anciennes employées de Ségolène Royal à une amende de 2 000 euros. Evelyne et ses collègues font appel.

2005 : l'amende est annulée. L'accusation de travail clandestin, quant à elle, est rejetée. Insatisfaites de ce demi-succès, les trois plaignantes se pourvoient en cassation.

Le 16 janvier 2007, succès : le jugement est annulé. Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile, la cour «condamne Mme Royal aux dépens» ; et, vu l'article 700, la condamne «à payer à Mme Pathouot la somme de 1 250 euros».

C'est désormais à la Cour d'appel de Rennes de juger l'affaire.

Un non juriste, évidemment, n'y comprendra rien, hormis que "l'amende" de l'adversaire de Ségolène Royal a été annulée et que le "succès" indiqué serait en réalité une défait de Ségolène Royal, et qu'un extrait de la décision indique que, après l'invocation m:ystérieuses de deux articles de loi pour faire sérieux, elle a été condamnée aux dépens et à payer 1250 euros.

Le problème, c'est qu'un juriste, je vous l'assure, n'y comprendra rien non plus. Passons sur l'approximation du vocabulaire : on ne porte pas plainte aux prud'hommes, la plainte concerne uniquement les victimes d'une infraction, et les amendes en question sont en fait probablement des indemnités de procédure, mais le mot amende est connoté sanction pénale. Mais visiblement, plusieurs procédures se croisent, on ne sait pas s'il y a appel, pourvoi en cassation, ni ce qu'ont dit les juges dans chacune de ces décisions.

Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose disait je crois Voltaire.

Bon, alors, qu'en est-il ?

Evelyne Pathout a été salariée de Ségolène Royal en tant qu'assistante parlementaire. Métier ingrat où on ne fait guère carrière et où le licenciement vient vite en cas d'élection, de dissolution ou de nomination du parlementaire à un poste ministériel. Son contrat est rompu en 1997, l'année où les socialistes remportent les élections législatives anticipées et où Ségolène Royale devient ministre déléguée à l'enseignement scolaire. Je ne sais pas si c'est lié, mais c'est bien possible. Evelyne Pathouot, estimant que tous les salaires qui lui étaient dus ne lui ont pas été versé, a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en ce sens. A cela, Ségolène Royal a répliqué que ces salaires n'étaient pas dus, car ils ne correspondaient pas à un travail fourni.

Le conseil de prud'hommes de Poitiers a débouté la salariée et l'a "condamnée à payer 2000 euros non pas d'amende mais "d'article 700". L'article 700 du nouveau code de procédure civile permet à la partie qui gagne le procès de demander que l'autre lui verse une somme due à faire face à ses frais autres que les dépens : honoraires d'avocat, mais aussi frais de transport, de photocopie, etc... C'est l'équité qui sert de critère au juge. Une condamnation à de l'article 700 contre une salariée est rare devant un conseil de prud'hommes. La salariée fait appel et le 1er février 2005, la cour d'appel de Poitiers confirme son débouté mais décide qu'il n'y a pas lieu de la condamner à payer à Ségolène Royal une quelconque somme au titre de l'article 700. Admirons les qualités d'analyse juridique du Figaro magazine qui n'hésite pas à qualifier deux déboutés d'affilés de demi victoire... La salariée a formé un pourvoi en cassation. Grand bien lui en a pris, l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers a été cassé par un arrêt du 16 janvier 2007, que voici.


 


Cour de cassation
Chambre sociale


16 Janvier 2007

Cassation partielle



N° 05-41.663
Inédit


Mme Evelyne Pathouot

Mme Ségolène Royal


M. SARGOS, Président




REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer le jugement la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'exacte appréciation du conseil de prud'hommes sur la situation des parties après le 31 mai 1997, résultant des éléments contradictoires qui lui étaient soumis et qui sont repris en cause d'appel, se trouve confortée par l'arrêt de la chambre de l'instruction du 24 juillet 2003 ;
Qu'en statuant ainsi sans examiner les pièces nouvelles produites devant elle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :




CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de ses demandes de rappel de salaire pour la période postérieure au 31 mai 1997 et d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 1er février 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à Mme X... la somme de 1 250 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille sept.


L'arrêt est très court, c'est le moins qu'on puisse dire.

Il n'aborde à aucun moment le fond de l'affaire. Il casse l'arrêt du 1er février 2005 de la chambre sociale de la cour d'appel de Poitiers qui se contente de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes sans mentionner le fait que des conclusions avaient été déposées et sans mentionner les arguments soulevés en appel, ce qui est une violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile. Comme la cour de cassation ne peut pas juger les faits, mais que le droit, elle renvoie le dossier devant une cour d'appel, une autre bien sûr qu'elle désigne : celle de Rennes.

C'est tout. Et les 1250 euros, et les dépens ?

La cour de cassation fait droit au pourvoi d'Evelyne Pathouot, Ségolène Royal étant défenderesse au pourvoi. Sa condamnation aux dépens est la conséquence automatique du fait que son adversaire a obtenu la cassation : elle est la partie perdante, (on dit qu'elle succombe), ces frais sont à sa charge. Quant aux 1250 euros, c'est de l'article 700. Ici, le déséquilibre entre les moyens des parties a poussé la cour de cassation a décidé qu'Evelyne Pathouot n'aura pas à supporter seule le coût de ce pourvoi qu'elle a eu raison de faire.

Cela ne préjuge absolument pas de qui, de l'employeuse ou de la salariée, aura finalement gain de cause. Mais vu les deux premières décisions rendues, le dossier de la salariée n'a pas l'air très solide. En tout cas, c'est une affaire de prud'hommes comme il s'en juge des milliers chaque année.

Bref, une nouvelle affaire du type SCI La Sapinière. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat, mais on procède par allégations obscures en saupoudrant le tout d'un peu de vocabulaire juridique employé à mauvais escient. De toutes façons, le lectorat du Fig'Mag' n'en demandera pas plus pour penser du mal de Ségolène Royal...

Entendons nous bien. Je suis pour qu'on se moque des candidats (en république, manquerait plus qu'on ne puisse pas !), qu'on se gausse des néologismes, qu'on ironise sur la méthode, sur les comparaisons hasardeuses ou sur son trouble face à une question de sous marin. Le fait d'être candidat ne met pas à l'abri de la critique, fût elle virulente, fût elle de mauvaise foi.

Mais inventer des scandales et des affaires douteuses là où il n'y en a pas, je trouve cela méprisable.

vendredi 2 février 2007

Xavier Bertrand, nouveau prix Busiris

Photo : services du premier ministre.

C'est un grand honneur pour moi et avec une joie toute particulière que je remets à Xavier Bertrand le prix Busiris, mon émotion étant due au fait que j'ai eu le privilège d'être physiquement présent lorsque les propos objets de ce prix ont été tenus. Un prix Busiris en vrai, c'est impressionnant.

Ca commence par un froncement de sourcil inconscient. Une partie de votre cerveau qui vous dit "Attends... Il n'a pas dit ça ?". Aussitôt, vous sollicitez votre mémoire immédiate qui pourtant vous confirme la nouvelle tandis que le cerveau se concentre sur les propos qui continuent à être tenus et qui confirment également la nouvelle.

Un rapide coup d'oeil à votre voisin vous le montre lui aussi les sourcils froncés, l'incompréhension peinte sur son visage, tourné vers vous en espérant encore que vous allez lui dire "Non, il n'a pas dit cela". Las, quand il voit la même expression figurant sur votre visage, le doute n'est plus permis pour lui non plus. Vous regardez votre autre voisin, dont le sourire goguenard montre qu'habitué des contorsions verbales, il apprécie en connaisseur.

Vous vous tournez alors vers les journalistes présents, salivant d'impatience à l'idée de les voir se jeter sur l'énormité des propos. Las, leur visage détendus et inexpressifs montre que non, ils ne diront rien et ces propos passeront comme lettre à la poste.

Mais de quoi s'agit-il ?

Les propos peuvent être ouïs sur le site d'Europe 1, las guère pratique. Je n'ai trouvé que ce chemin là : sur cette page, cliquez sur PLAY. Un lecteur embarqué apparaîtra, il a tronçonné l'émission en tranches de quinze minutes. Cliquez sur suivant jusqu'à la tranche 19h30-19h45 (les premiers mots entendus sont "Parce que devenir propriétaire, ça apporte aussi des réponses, notamment pour la question de la retraite"). Glissez le curseur jusqu'à 3mn59, ou écoutez la discussion.

Interrogé par Alexandre Jardin venu poser la question "commentonfait.fr ?" aux candidats à la présidentielle sur le droit au logement opposable, qui voulait savoir comment un tel droit qui suppose une action en justice est une réponse à une question aussi urgente que le besoin d'un toit, Xavier Bertrand, ministre de la Santé et porte parole de Nicolas Sarkozy a tenu ces merveilleux propos :

La logique du droit opposable, c'est justement qu'on n'ait pas besoin de se tourner vers les tribunaux. Le droit au logement opposable, c'est en quelque sorte un peu cette épée de Damoclès pour montrer que l'on doit faire de ce droit non plus un droit virtuel mais un droit réel. C'est comme pour la scolarisation des enfants handicapés, c'est comme justement la garde des enfants. A partir du moment où vous savez que ce droit, vous pouvez le porter en justice, vous savez pertinemment que votre responsabilité politique et pas celle seulement de l'Etat, aussi des collectivités locales, c'est de créer ces places.

Alexandre Jardin n'étant pas sûr d'avoir compris lui demande donc :

Donc votre idée, c'est que... ?

Réponse du ministre :

C'est qu'à partir du moment où ce droit est inscrit [dans la loi], vous avez l'obligation de mettre en place le nombre de logements nécessaires.

Marine Le Pen s'exclamant "Ce n'est pas sérieux !", le ministre a jouté, d'un ton outré "Si, c'est sérieux". Et je vous assure qu'il n'a pas éclaté de rire.

Après la loi sur le CPE, le gouvernement a récidivé avec une nouvelle loi destinée à ne pas être appliquée, et Xavier Bertrand nous explique sérieusement que la loi crée un droit au logement, plutôt que des logements, afin qu'il y ait assez de logements pour que ce droit n'ait pas besoin d'être exercé. Tout en précisant qu'il s'agit là non pas d'un droit virtuel mais d'un droit réel.

Affirmation juridiquement (et logiquement) aberrante, teintée de mauvaise foi, et mue par l'opportunité politique plus que par le respect du droit. Les critères sont réunis. Félicitations donc à Monsieur le ministre de la Santé.

Parlons programme : Ségolène Royal et la justice

Je vous propose dans les semaines qui viennent d'étudier les programmes des principaux candidats en matière de justice. Ce sera sur ce thème seulement : c'est mon domaine d'expertise, je peux tenter d'expliquer certaines propositions obscures, et j'espère pouvoir faire des critiques pertinentes de fait de mon expérience pratique. Je m'assurerai que les cellules internet des candidats concernés soient informés de l'existence de ces billets, libre à eux d'en faire ce qu'ils veulent.

Pour l'ordre, j'ai décide de commencer par les trois candidats majeurs, j'entends par là ceux qui ont des intentions de vote à deux chiffres ET la certitude d'avoir les 500 parrainages nécessaires, soit François Bayrou (UDF), Ségolène Royal (PS) et Nicolas Sarkozy (UMP). J'irai également voir le projet du Front national, non que ça me réjouisse, mais je ne peux pas faire l'impasse sur un candidat qui, s'il arrive à se présenter, ce qui ne fait guère de doute dans mon esprit, arrivera aussi bien classé. Les autres candidats passeront sous mes fourches caudines si j'ai le temps.

Avertissement préalable : là encore, je vais faire le ménage. Les commentaires qui ne visent qu'à indiquer un soutien inconditionnel à tel candidat ou à conspuer tel autre seront supprimés. Pas de slogans, des arguments.

Pour l'ordre de passage, j'ai décidé de pratiquer par tirage au sort. Et c'est Ségolène Royal qui s'y colle pour le premier passage. Si vous n'êtes pas content, allez vous plaindre au hasard.


Photo Désirs d'avenir

Mes sources pour ce programme sont doubles : d'une part, le projet socialiste "Réussir ensemble le changement", Partie III, paragraphe IV, et d'autre part le "ce que je retiens" sur ce thème sur le site Désirs d'avenir. Je sais qu'un programme supplémentaire doit être présenté le 11 février prochain, mais gageons qu'il n'y aura pas de revirement spectaculaire, et s'il le faut, je compléterai mon analyse.

Le programme socialiste.

Il est antérieur à la désignation de la candidate socialiste, mais la candidature à l'investiture supposait l'adhésion à ce projet.

Voici les propositions du projet, suivi de mes commentaires.

IV La Justice rénovée

C'est le titre. J'approuve ce refus d'une justice vétuste, mais je me demande si on n'est pas dans le slogan, là.

Notre système judiciaire doit être revu dans son fonctionnement tant pour la justice civile que pour la justice pénale. - Nous augmenterons le budget de la justice : notre pays se situe au 23ème rang sur 40 en Europe, pour son budget de la justice. Nous ferons passer le budget de la justice française dans les premiers rangs.

Vous connaissez mon point de vue sur la question. C'est en effet indispensable. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et je me méfie de ces promesses faites alors qu'elles ne coûtent rien. Mais sur ce point, j'approuve.

- Nous rendrons la justice accessible à tous en faisant en sorte que chaque justiciable puisse bénéficier des services d’un avocat, garanti par un service public de la défense. Nous renforcerons les maisons de la justice et du droit et le réseau d’information et d’aide aux victimes. Nous limiterons les coûts financiers inutiles pour élargir l’accès à la justice civile et au droit. Nous moderniserons le fonctionnement de la justice civile, de la justice prud’homale, de la justice commerciale et de la justice administrative.

Un service public de la défense ? Tiens. La dernière fois que j'ai été de permanence aux comparutions immédiates pour une indemnité ridicule, que j'ai défendu des prévenus qui n'avaient pas à me payer, et que je suis sorti d'audience à 22 heures, j'avais vraiment l'impression d'assurer le service public de la défense. J'ai dû avoir un moment d'égarement.

Le service public de la défense existe, il s'agit de l'aide juridictionnelle et des commissions d'office. Vous savez, ce truc pour lequel on s'est battu en décembre. Alors, puisqu'il ne s'agit pas de créer quelque chose qui existe, concrètement, c'est quoi, ce service public de la défense ? Créer des avocats fonctionnaires ? Débloquer un vrai budget pour que des avocats puissent se consacrer à plein temps à des dossiers d'aide juridictionnelle (je n'y crois pas une seconde) ?

Travers fréquent des candidats ici : on lance des idées plus que des projets concrets. Ca donne l'impression qu'on ne sait pas où on va mais on y va.

Renforcement des maisons de la justice et du droit : formule creuse, sauf s'il s'agit de poser des contreforts et des arcs-boutants, mais je ne pense pas qu'on parle d'architecture ici. Idem pour le réseau d'aide aux victimes. Concrètement, c'est quoi, par rapport à ce qui existe déjà ?

Limiter les coûts financiers inutiles : lesquels ? De quoi parlent-ils ? Des honoraires d'avocat ? Des émoluments d'huissiers ? Mystère. En tout cas, on parlait il y a cinq minutes d'augmenter le budget, et on en est déjà à faire des économies. Ca promet.

- Nous organiserons une justice respectueuse des libertés. Les procédures pénales d’exception seront limitées ; une réforme de la procédure pénale sera engagée pour renforcer les droits de la défense et mieux garantir la présomption d’innocence. Le juge des libertés et de la détention bénéficiera d’un véritable statut. Le juge d’instruction travaillera en collégialité. Nous interdirons les poursuites sur dénonciation anonyme.

Bon, le parti socialiste ne veut pas d'une justice liberticide, me voilà rassuré. Les procédures pénales d'exception : je pense qu'il s'agit des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et d'ordonnance pénale en matière correctionnelle, mais ça irait mieux en le disant. La CRPC, ce serait idiot. Elle est rodée, elle soulage les comparutions immédiates et on est loin des abus potentiels dénoncés lors du vote de la loi Perben II : concrètement, à Paris, elle est appliquée surtout aux conduites en état d'ivresse hors récidive et aux étrangers en situation irrégulière poursuivis parce que la préfecture n'a plus de place en centre de rétention (il faudra que je vous en parle, de ça, mais il faut que je me calme d'abord, j'en suis encore malade).

Et, ho surprise, une réforme de la procédure pénale ! Ca au moins, c'est original. Vraiment, ça manquait : il y en a eu une grosse en 2002 (Perben I), une énorme en 2004 (Perben II), une petite en 2005 (Loi antiterroriste), et quatre grosses sont en discussion au parlement en ce moment même (loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance et les trois lois "Outreau". A titre indicatif, le code de procédure pénale a été modifié par 37 textes différents en 2005, et par 41 textes en 2004. Je n'ai pas encore les chiffres pour 2006, qui a aussi été une bonne année. Bon, je ne vais pas résilier mon abonnement au JO...

Le juge d'instruction travaillera en collégialité. Là, matériellement, c'est impossible, et le rendre systématique n'est pas opportun. Matériellement, cela suppose de doubler les postes de juges d'instruction dans les petits tribunaux n'ayant qu'un juge d'instruction, donc augmenter le recrutement ou les prendre ailleurs, mais qui récupérera leur charge de travail ? Si cela se fait sans augmenter le nombre des magistrats, concrètement, cela aboutira à ce que les juges se répartissent les dossiers par moitié et les traitent seuls, bref retour à la situation initiale. En opportunité, il y a bien des dossiers, la majorité en fait, qui peuvent être fort bien traités par un juge d'instruction travaillant seul. En vrac, les plaintes avec constitution de partie civile pour diffamation, les dossiers techniques où tout reposera sur une expertise (délinquance informatique...). Donc, il faut limiter la collégialité aux dossiers complexes et sensibles, mais là, il y a juste un problème : ça existe déjà.

Aucune procédure sur dénonciation anonyme. Ha, voilà qui est vertueux. Mais cela me paraît entrer en conflit avec la première loi annoncée par la candidate sur les violences conjugales (première loi qui ne figure dans aucun des deux programmes que je commente ici d'ailleurs), où la candidate annonce qu'on pourra poursuivre sans plainte de la victime : ce ne sera donc pas possible sur dénonciation anonyme. Alors, comment on fait ? les RG vont-ils mettre des micros dans chaque foyer ?

- Nous rendrons la justice responsable et indépendante. Les carrières des magistrats du siège et de ceux du parquet pourront être séparées au bout de 10 ans d’exercice. Le parquet, responsable de la mise en œuvre de la politique pénale définie par le pouvoir politique, sera mis à l’abri des pressions, notamment par la suppression des instructions individuelles de nature à dévier le cours de la justice. La composition du Conseil Supérieur de la Magistrature sera modifiée pour garantir son pluralisme et un équilibre entre magistrats et non-magistrats. Ses attributions seront étendues. Il sera consulté sur les aspects essentiels du fonctionnement de la justice ainsi que sur les projets de réforme la concernant, et aucune nomination de magistrats ne pourra intervenir sans avis favorable. Nous améliorerons le système d’évaluation du service public de la justice en mettant en place un mécanisme permettant aux justiciables d’adresser au Conseil Supérieur de la Magistrature des plaintes visant le comportement d’un magistrat.

La justice responsable et indépendante. Elle ne serait donc ni l'une ni l'autre. Sur le premier point, on sait que c'est faux, sur le second, ça sonne comme un aveu de la part d'un parti qui était encore aux affaires il y a peu...

La mise à l'abri des pressions du parquet : rappelons que le parquet est hiérarchiquement soumis au Garde des sceaux. Je n'ai jamais rien trouvé à redire que l'action du parquet, qui représente les intérêts de la société, soit soumis au pouvoir politique en démocratie. Il faut un chef unique au sommet de la pyramide pour coordonner la politique pénale au niveau national, et le Garde des Sceaux, membre du gouvernement, est donc placé sous la surveillance du parlement. L'indépendance du parquet fait partie des promesses non tenues par Chirac. Ségolène Royal la reprend-elle à son compte ?

La suppression des instructions individuelles de nature à dévier le cours de la justice : cela signifie donc qu'il serait interdit au Garde des Sceaux d'ordonner au parquet de requérir la remise en liberté de mis en examen en cas de nouvel Outreau, car cela dévierait le cours de la justice ? Non, ces interventions ne sont en soi en rien condamnables, à condition qu'elles ne soient pas mues par des motifs inavouables, comme Jacques Toubon s'en était fait une spécialité mémorable. Il suffirait d'exiger que ces instructions soient écrites et figurent au dossier afin que la défense en soit informée, et le public lors du jugement de l'affaire, et que ces instructions ne puissent tendre qu'à l'ouverture de poursuite et non au classement d'une affaire.

La séparation des carrières au bout de dix ans : rappelons que les magistrats du siège (juges) et du parquet (procureurs) forment un corps unique. On peut passer au cours de sa carrière du siège au parquet, et vice versa. Un magistrat peut ainsi commencer juge d'instruction à Thionville, puis être nommé substitut du procureur à Dijon, avant d'être juge des affaires familiales à Strasbourg, puis premier substitut à Créteil, etc. (sous réserve de la compatibilité de ces exemples de promotions avec les échelons de carrière des magistrats, que je ne connais pas très bien). Je ne comprends pas le "pourront être séparées". Cela semble signifier une faculté. Je pense que le projet imposera cette séparation au bout de dix ans, c'est à dire qu'au bout de ce laps de temps, le magistrat devra choisir définitivement s'il sera assis ou debout[1]. Au début, quand j'avais trois poils au menton, cette unicité du corps me paraissait une anomalie et j'étais plutôt favorable à cette séparation. J'en suis revenu, car elle apporte vraiment quelque chose au niveau de la formation des magistrats en élargissant leur expérience (un procureur qui a été juge d'instruction évitera d'ouvrir des informations pour un oui ou pour un non, un ancien JAP fera un excellent président de correctionnelle car il pourra faire du tuning de peine), et j'ai pu constater que les magistrats du siège ne perdent généralement pas leur impartialité à l'audience en faveur du parquet. Il y a des maladresses de comportement (l'entrée simultanée par la même porte, une connivence trop affichée...), mais des procureurs se font durement remettre à leur place par des présidents quand un dossier mal ficelé arrive à l'audience, esprit de corps ou pas. De sorte que j'ai tendance à penser qu'il s'agit d'une réforme plus symbolique que réelle. Par exemple, dans l'affaire d'Outreau, l'unicité du corps des magistrats n'a joué aucun rôle dans la tragédie, puisque les deux juges d'instruction occupaient leur premier poste. Donc une loi plus inutile que nuisible, mais qui risque de provoquer une résistance des magistrats.

- Nous présenterons une nouvelle loi pénitentiaire qui donnera davantage de moyens pour lutter contre la surpopulation carcérale, pour améliorer la qualité des soins, pour favoriser l’effectivité des petites peines en milieu ouvert, pour permettre la réinsertion à la sortie de prison. La prison doit impérativement être un lieu de respect des droits et de la dignité de la personne.

Je ne puis qu'approuver le principe. Mais je ne comprends pas le "plus de moyens pour lutter contre la surpopulation carcérale" : est-ce l'annonce de la construction de nouvelles prisons ? Il le faut, eu égard à l'augmentation de la population française, mais je pense qu'il s'agit plutôt de financer des alternatives à l'emprisonnement, ce qui fait alors doublon avec la suite. Je n'aime pas l'ambiguïté des programmes électoraux.

En conclusion : le programme du parti socialiste manque de propositions concrètes, ce qui a pour effet de voir beaucoup de belles phrases qui n'engagent à rien et laissera toute latitude à la candidate élue de faire ce qu'elle veut, toute loi retouchant le code de procédure pénale pouvant aisément se réclamer de ce programme. J'en sors dubitatif.

Sur Désirs d'avenir.

Le thème dont la synthèse est proposée est "Quelle prison pour quelle justice ?". Lecture faite, mes craintes se sont révélés non fondées : il ne s'agit pas de savoir où on va incarcérer les 7000 magistrats français, mais bien de propositions de réformes de la justice tout d'abord, puis de la prison ensuite.

Sur la justice.

Les citoyens attendent une justice efficace, mais humaine. L’instruction pénale est aujourd’hui critiquée parce que le juge d’instruction est, dans les affaires les plus lourdes, mais aussi au quotidien, noyé sous la masse des dossiers, sans repères et sans recul suffisants, et qu’il doit être à la fois l’enquêteur et l’arbitre de sa propre enquête. Le juge d’instruction doit donc retrouver les moyens juridiques, matériels et humains d’être à égale distance des victimes, des mis en examen et de l’accusation, d’avoir la sérénité sans laquelle la justice est aveugle, d’agir vite, pour raccourcir les procédures, mais sans être poursuivi par l’urgence.

L'opposition efficacité et humanité et l'invocation de cette qualité tellement lumineuse aux yeux des politiques que personne ne s'est donnée la peine de la définir me laisse toujours dubitatif. La justice, c'est avant tout l'application de la loi. Une loi mauvaise sera appliquée avec zèle par les magistrats, parce qu'ils ont juré de le faire en prenant leurs fonctions. Ce n'est pas à eux de corriger les manquements du législateur, ou ses contradictions quand il incite à la détention provisoire et se scandalise que des innocents soient placé en détention. L'humanité du juge me paraît une façon de se défausser sur lui de ses obligations.

Le ton pompeux n'évite pas le piège du ridicule : "la sérénité sans laquelle la justice est aveugle". La justice EST aveugle, cela symbolise son impartialité, et ce n'est pas la sérénité qui l'aveugle, mais un bandeau.

Trois principes doivent à mes yeux contribuer à cette justice plus humaine : renforcer la collégialité, donner des moyens enfin à la hauteur des enjeux, redéfinir précisément les fonctions du juge d’instruction.

De fait, la synthèse proposée ne porte que sur l'instruction. C'est oublier que l'instruction ne concerne que 5% des affaires jugées. Certes les plus graves, mais le volume devrait aussi être pris en considération. Je suppose que cet aspect est encore en cours d'étude.

Pour mémoire : quand le procureur de la république décide d'engager des poursuites, il peut saisir directement le tribunal correctionnel sur la base du dossier réuni par la police, parfois pour une audience du jour même (les comparutions immédiates), ou saisir un juge d'instruction afin qu'il mène une enquête approfondie. L'instruction est obligatoire si les faits sont un crime (puni de peines maximales allant de 15 ans à la perpétuité) et relèvent de la cour d'assises. Elle est facultative pour les délits, et est utilisée principalement dans trois cas : si les faits sont complexes (délinquance financière), ne sont pas encore connus dans leur intégralité (trafic de stupéfiant, victime entre la vie et la mort), ou si les auteurs sont en fuite ou ne sont pas identifiés.

Le juge d'instruction est un juge unique qui peut faire appel aux services de la police, d'experts, peut interroger lui même les personnes concernées, et décide à la fin s'il faut mettre fin aux poursuites (non lieu), ou faire juger les faits par le tribunal correctionnelle ou la cour d'assises. Il peut demander au juge des libertés et de la détention de placer les mis en examens en détention provisoire.

1 - Même expérimenté, le juge d’instruction est aujourd’hui très seul. Si les fonctions de l’instruction sont par nature des fonctions indépendantes et individuelles, la gravité ou la complexité particulière de certains dossiers peuvent imposer que plusieurs magistrats soient associés pour les mener à bien. La chambre de l’instruction, qui contrôle en appel les décisions du juge d’instruction, devrait pouvoir imposer une co-saisine, la même affaire étant alors traitée par deux juges, et dans les affaires les plus lourdes, un pool de magistrats devrait pouvoir être mobilisé.

On mélange ici constats et propositions. Le président du tribunal de grande instance peut décider de saisir plusieurs juges d'instructions d'une seule affaire : il n'est limité que par le nombre de juges d'instruction de sa juridiction (article 83 du CPP). L'affaire Clearstream est ainsi instruite par deux juges. Le duo Eva Joly et Laurence Vichnievsky a fait les mauvais jours des vendeurs de bottines et de pétrole. Le juge d'instruction peut également demander au président de désigner un ou plusieurs autres juges d'instruction. C'est un constat, et cet état de fait remonte à la loi du 4 janvier 1993, votée sous le gouvernement Bérégovoy.

La chambre de l'instruction ne peut par contre décider de saisir des juges d'instructions supplémentaires. Voilà ce qui serait la nouveauté. Mais sachant qu'elle peut évoquer le dossier, c'est à dire au lieu de le renvoyer au juge d'instruction, le garder et continuer à instruire elle même, en désignant un de ses conseillers à cette fin, elle peut donc faire mieux qu'ordonner la collégialité : confier le dossier à trois conseillers de cour d'appel ayant l'expérience de l'instruction. Dès lors cette réforme ne crée ni ne renforce la collégialité, mais ajoute une nouvelle façon de la provoquer. Reste la question des moyens humains, passée sous silence, malheureusement.

2 - La chambre de l’instruction, chargée d’examiner en appel les décisions prises par les juges d’instruction, pourrait voir ses prérogatives considérablement élargies pour assurer un contrôle effectif et périodique du travail effectué dans chaque dossier par les magistrats instructeurs. En fin d’instruction, la chambre de l’instruction serait tenue d’examiner toutes les procédures. Elle aurait ainsi pour mission de s’assurer que le dossier est complet et que peut utilement s’ouvrir un procès pénal. Si ce n’est pas le cas, la procédure serait systématiquement renvoyée au juge pour complément d’enquête.

Très mauvaise idée. C'est totalement irréaliste et inutile dans la plupart des cas. Irréaliste car cela suppose une charge de travail immense, pour des cours déjà débordées et tenues par des délais très courts pour examiner les recours. Cette réforme noierait les chambres de l'instruction sous les dossiers, au détriment de la qualité du travail. Inutile car la chambre de l'instruction peut être saisie par les parties (mis en examen, partie civil et procureur) qui contesteraient l'ordonnance finale du juge (on parle d'ordonnance de règlement). Dès lors que les parties ne contestent pas sa décision, pourquoi imposer à la cour un examen systématique manifestement inutile ? Il existe une exception : une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ne peut être soumise par la voie de l'appel à la chambre de l'instruction. Tout simplement parce que le tribunal reste compétent pour apprécier les faits : si le mis en examen aurait voulu un non lieu, qu'il plaide la relaxe. S'il voulait une requalification, qu'il la demande au tribunal. L'appel est possible contre la décision du tribunal, et l'argumentation peut être à nouveau soulevée devant la chambre des appels correctionnels : vous voyez que cette règle est même favorable aux parties, car une décision de la chambre de l'instruction, qui est une formation de la cour d'appel, ne peut être contestée que par le pourvoi en cassation.

3 - Toutes les décisions portant atteinte aux libertés individuelles devraient être prise par un collège de magistrats du siège, après un débat contradictoire où l’accusation et la défense interviendraient à armes égales. Il s’agit d’un approfondissement de la voie ouverte par la loi du 15 juin 2000, qui a retiré au juge d’instruction les décisions de placement en détention provisoire au profit du juge des libertés et de la détention.

Donc le juge des libertés et de la détention deviendrait une juridiction collégiale. Si les moyens suivent, parfait. Mais ce principe s'applique-t-il aussi au juge unique en matière correctionnelle ? Car il peut condamner à des peines de prison ferme et même décerner mandat d'arrêt et de dépôt. Ce serait donc la fin du juge unique en matière pénale, y compris devant le tribunal de police (il peut porter atteinte à la liberté d'aller et venir en suspendant le permis de conduire), et en matière d'ordonnance pénale. Je ne suis pas sûr que ce soit que ce Ségolène Royal a à l'esprit, mais face à des principes généraux si vagues, on peut se poser la question.

4 - Il est également nécessaire de mieux garantir les droits de la défense tout au long de la procédure pénale, et ce dès le stade de la garde à vue.

Qui dirait le contraire ? Mais est ce trop demander que de savoir comment, concrètement ?

5 - La formation des magistrats et leur affectation à la sortie de l’Ecole Nationale de la Magistrature doivent être adaptées aux évolutions de la justice souhaitées par nos concitoyens.

En effet, il ne manquerait plus que ce ne fût point le cas. Mais concrètement, encore une fois, ça veut dire quoi ? Que change-t-on à la formation ? Quelles seraient les nouvelles règles d'affectation ? Quelles sont les orientations de la justice souhaitées par nos concitoyens qui sont le critère de ces réformes ? Ce n'est pas un programme, là, c'est de l'incantation.

6 - Enfin, et c’est essentiel, la Justice doit avoir des moyens supplémentaires à la hauteur de ses missions. La loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (LOPJ), adoptée par le Gouvernement Raffarin, affichait cette ambition. Force est de constater que l’effort budgétaire n’a pas suivi : le retard accumulé sur quatre ans d’exécution de la loi (2003-2006) s’établit à plus de deux mille emplois.

Je ne peux qu'applaudir à cette déclaration d'intention. Mais je suis un esprit chagrin, que voulez-vous. Ce paragraphe peut se résumer ainsi : « Je veux augmenter les moyens de la justice. Le gouvernement Raffarin a fait voter une loi qui prévoyait une augmentation des moyens de la justice. Mais malgré cela les moyens de la justice n'ont pas augmenté. »

Alors, je me demande : que va faire Ségolène Royal ? Voter une loi qui prévoira une augmentation des moyens de la justice ?

Rappeler que le gouvernement précédent a voulu faire la même chose et ne l'a pas fait n'est pas de nature à me faire croire que le futur gouvernement, qui affiche sa volonté de faire la même chose, le fera effectivement. Surtout quand cette augmentation n'est pas chiffrée, mais rappelons que le programme du PS, lui, est un peu plus précis : faire passer le budget de la justice dans les premiers rangs européens. Que cette promesse là soit tenue et ce serait déjà formidable.

Je n'aborderai pas la question de la prison, je le ferai dans un futur billet. Il y a déjà beaucoup à dire sur cet aspect.

Prochain candidat désigné par le sort : Nicolas Sarkozy.

Notes

[1] On parle en effet de magistrature assise pour les juges, qu'on appelle encore magistrats du siège, et de la magistrature debout pour les procureurs, qui se lèvent au même titre que les avocats quand ils prennent la parole, encore que l'usage limite cet exercice pour les seules réquisitions, alors qu'en principe même en cas de question au prévenu, le procureur devrait se lever.

jeudi 1 février 2007

Sommation interpellative

N'ayant pu finir un billet où je commente les programmes en matière de justice des candidats en commençant par l'une d'entre eux, je me contenterai d'une brève sommation interpellative.

Messieurs les secrétaires de la conférence 2007,
Thibaut,
Sabrina,
Céline,
Antonin,
Karine,
Florent,
Alexis,
Frédéric,
Aurélie,
L'autre Frédéric,
Arnaud,
Thibault avec un L ;

Surtout toi, Antonin, et toi, Aurélie.

Le peuple de Berryer baille et s'ennuie. Les élèves avocats errent comme des âmes en peine dans les couloirs de l'EFB, on en a même vu dans la bibliothèque Laurence Gratiot, c'est dire...

Nous vous attendons, nous vous aimons, et vous nous manquez. Faites nous une belle Berryer, voire plusieurs, et Aurélie, fais une petite conférence, je sais des élèves avocats (bon au moins un) qui trépignent à l'idée de discourir devant toi un jeudi soir, tout là haut dans la bibliothèque, avec la lune qui se reflète dans tes yeux pour seul témoin, si on exclut ton invité et les autres candidats.

Allez vous nous laisser nous consumer de langueur ?

Montrez à vos pères et mères que vous êtes dignes d'eux, et même que vous ambitionnez de les dépasser (ce qui vu leur débit de Berryer n'est pas insurmontable).

Et au passage, actualisez le site de la Conférence, et mettez moi un petit e-mail pour me prévenir de la Berryer, ça serait sympa.

Votre Bien Dévoué Confrère,

Eolas.

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