Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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mercredi 14 mars 2007

Association de malfaiteurs

Je suis tombé, via l'observatoire des blogs francophones, sur cette vidéo d'un beau geste qui pourrait coûter plus cher que le montant du chèque qui en est à l'origine.

La journaliste de LCI Valérie Expert reçoit en direct dans son émission André Garrec, maire de Noron-la-Poterie, pittoresque bourgade du Calvados, faisant partie du Bessin potier, réputée depuis le moyen âge pour son argile "terre de Noron" qui donne à la cuisson une couleur rouge brun Van Dick caractéristique, et Rachid Nekkaz, aspirant à la candidature aux élections présidentielles.

Ce maire a annoncé à cor et à cris qu'il mettait son droit de présentation aux enchères, contre une subvention aux associations communales. Un premier parti, le Front national, aurait proposé 1500 euros, et in extremis, Rachid Nekkaz rafle la mise en rajoutant 50 euros de plus sur la table.

Valérie Expert réunit donc les deux hommes, et sous les yeux complaisants de la caméra, un chèque est signé, le formulaire est rempli et signé, et les deux effets sont échangés. Avec un rebondissement à la fin.

Le citoyen salue le geste de Rachid Nekkaz d'un bref hochement du menton, conscient que la publicité que vient de s'offrir le candidat des banlieues vaut bien plus que 1550 euros.

L'avocat, lui frémit.

Sous nos yeux, ce n'est pas moins de trente années de prison, 1.200.000 euros et 15 années d'inéligibilité qui nous contemplent.

Je m'explique.

André Garrec, en sollicitant et agréant un don, peu important qu'il ne fut pas fait directement à sa personne, en vue d'accomplir un acte de sa fonction, s'est rendu coupable de corruption passive, passible de dix années d'emprisonnement, 150.000 euros d'amende et cinq années d'inéligibilité (art. 432-11 du Code pénal).

Rachid Nekkaz, en proposant directement un don pour obtenir du sus-mentionné, investi d'un mandat électif, qu'il accomplisse un acte de sa fonction, s'est rendu coupable du délit de corruption active (Art. 433-1 du Code pénal), passible des mêmes peines.

Valérie Expert, en prêtant sciemment assistance aux sus-mentionnés, en les faisant se rencontrer sur son plateau, facilitant ainsi ces infractions, s'en rend complice, encourant les mêmes peines (art. 121-7 du Code pénal).

LCI, chaîne pour le compte de laquelle les actes de complicité sont commis, est également complice et encoure quant à elle 750.000 euros d'amende (cinq fois l'amende encourue par les personnes physiques), sous réserve dans son cas de la condition d'intervention d'un organe ou représentant, je ne connais pas l'étendue des pouvoirs des producteurs de cette émission, il est possible qu'ils aient outrepassé leurs fonctions, ce qui mettrait la chaîne hors de cause (art. 121-2 du Code pénal).

Le geste final de destruction spontanée de l'objet du délit est indifférent. La corruption est un délit instantané, qui est devenu parfait au moment de l'échange du chèque et du formulaire. Si avant cet instant l'un des intervenants avait suspendu son geste, il y aurait eu tentative interrompue non punissable, mais tel n'est pas le cas. Tout au plus ce faisant Rachid Nekkaz s'est mis à l'abri d'une incrimination pour recel.

Maintenant, il est certain que le geste du candidat justifie le prononcé d'une peine fort indulgente ; indulgence que le maire de Noron me semble moins mériter ; quant à l'attitude de la journaliste, n'en parlons pas.

Je serais procureur de Nanterre (les faits ayant été commis à Boulogne Billancourt), je me demanderais si je dois bien tolérer qu'un candidat à la présidence de la République corrompe un élu en direct sur un plateau télévisé dans mon ressort. Vous savez que les parquetiers sont psychorigides dès qu'ils voient un délit passible de dix ans d'emprisonnement, surtout quand il concerne des élus. J'essaie de les décoincer à l'audience, mais ça ne marche jamais.

Mariage homosexuel : la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les époux putatifs

Par un bref et lapidaire arrêt, la première chambre civile de la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les époux putatifs dans la fameuse affaire du mariage homosexuel de Bègles.

- Pardon, Maître...

- Oui, ma lectrice bien-aimée[1] ?

- Que veut dire donc ce mot de putatif que vous employâtes à deux reprises, accolé au mot "mariage" ?

- Le mariage putatif, chère lectrice, est dit du mariage annulé en justice mais qui, par un adoucissement jurisprudentiel, continue à produire certains effets de droit. Par exemple, les enfants nés dans un mariage annulé n'en restaient pas moins légitimes, à l'époque à présent révolue, mais pas depuis si longtemps, ou on distinguait les filiations légitimes, naturelles et adultérines. Je ne puis appeler les époux de Bègles époux : l'annulation du mariage me le prohibe. Si j'ajoute l'épithète putatif, je respecte la loi et leur rends néanmoins le titre d'époux pour lequel ils se sont tant battus. Puisqu'ils se sont battus pour le symbole, je leur offre une victoire symbolique.

- Je reconnais bien là votre délicatesse qui a fait votre réputation sur Technorati. Mais continuez, continuez, je bois vos paroles.

- Alors, Je tâcherai de vous enivrer sans vous soûler. C'est donc la première chambre civile de la cour de cassation qui a statué, chambre qui tient ses audiences les mardi et mercredi, et qui est compétente entre autres pour les affaires relevant de l'état des personnes. Deux arguments étaient soulevés contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, que j'avais déjà commenté en son temps.

- Oui, je m'en souviens fort bien. La modestie vous fait taire le fait que vous aviez annoncé cette nullité avant même que le mariage ne soit célébré, nous gratifiant à cette occasion d'un jeu de mot qui a fait la réputation de votre blog dans toutes les salles de garde de l'Assistance Publique.

- Tout cela ne nous rajeunit pas. Et bien, apportons une nouvelle pierre à l'édifice, qui ne sera toutefois pas la dernière.

- Et comment cela ? Le Monde annonce pourtant que la cour de cassation a définitivement annulé le mariage de Bègles ?

- Le Monde va un peu vite en besogne, même si l'avenir lui donnera probablement raison. Mais chaque chose en son temps : voyons ce qui a été dit, avant de voir ce qui sera fait. Les époux putatifs soulevaient donc deux arguments, que l'on appelle des moyens de cassation en procédure civile. Le premier moyen, cité en italique dans le texte de l'arrêt, visait à dénier au procureur de la République de Bordeaux le droit de demander au tribunal de grande instance de cette ville d'annuler ce mariage.

- Ha ? Et pourquoi n'aurait-il pu ?

- Parce que, arguaient nos mariés éphémères, l'article 184 du Code civil permet au ministère public d'agir en nullité d'un mariage quand celui-ci a violé l'un des articles du Code civil énuméré par ce même article 184, soit portant sur la condition d'âge des époux, le défaut de consentement de l'un des époux, l'absence physique de l'un des époux à la célébration, la bigamie, et la trop proche parenté. Or ici, aucun de ces cas de nullité n'était invoqué par le ministère public.

- Le moyen semble sérieux.

- Il succombe néanmoins, la cour de cassation relevant que le ministère public avait fait opposition à ce mariage, et qu'il a été néanmoins célébré par l'officier d'état civil : dès lors que ce mariage a été célébré illégalement malgré la voie de droit employée par le parquet, le parquet tirait de l'article 423 du nouveau code de procédure civile qualité à agir pour atteinte à l'ordre public.

- Ainsi, c'est le maire qui a célébré la noce qui a donné par son comportement les moyens au ministère public de la faire annuler ? La morale ne semble pas froissée par cette solution.

- Peu me chaut : le droit ne l'est point, et c'est ce qui compte à mes yeux ; quant à ce qui compte à mon coeur, cela n'a point sa place dans un prétoire.

- J'aime quand vous faites votre bourru. Vous n'êtes pas crédible, mais c'est mignon. Et quel était le second moyen ?

- Vous parlez déjà comme un avocat aux Conseils, chère amie ! Le deuxième moyen se divisait en cinq arguments, qu'on appelle des branches (le premier moyen se divisait ainsi en deux branches : d'une part, violation de l'article 184 du Code civil et d'autre part, violation de l'article 423 du nouveau Code de procédure civile). Ce moyen est le plus intéressant car il porte au fond du droit, et non sur la recevabilité de l'action. Voici les cinq arguments des époux putatifs :

  1. Le Code civil ne mentionne nulle part expressément la condition de différence de sexe.
  2. Refuser le mariage aux personnes de même sexe porte atteinte à leur droit à une vie privée et familiale normale protégée par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et constitue une discrimination fondée sur le sexe prohibée par l'article 14 de la même convention.
  3. Exclure les coupes homosexuels car ils ne seraient pas naturellement féconds contrevient au droit au mariage protégé par l'article 12 de cette même convention et constitue une discrimination fondée sur le sexe prohibée par l'article 14 (notons que cet argument n'a à aucun moment été retenu par la cour d'appel de Bordeaux).
  4. L'article 12 de la CEDH protège le droit au mariage de l'homme et de la femme, sans exiger que les deux époux soient nécessairement de sexe différent, dès lors la décision de la cour d'appel viole les articles 12 et 14 de la CEDH (notons que la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme dit expressément le contraire).
  5. Enfin, la position de la cour d'appel de Bordeaux violerait l'article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[2], qui ne vise aucunement une condition de sexe.

- Tiens ? Cette Charte est en vigueur ?

- Et non, chère lectrice, car un couple de pays de l'Union dont je tairai le nom a rejeté le Traité portant Constitution pour l'Europe qui l'intégrait dans le droit européen, dans la fameuse deuxième partie. Et figurez vous que presque deux ans après, il en est qui chantent encore victoire.

- Le goût de certains pour l'absence de garanties de leurs droits me laisse sans voix.

- Nul n'est plus prisonnier que l'esclave heureux de son sort, ma chère. La cour de cassation rejette en bloc cette argumentation, en posant lapidairement que « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui n’a pas en France de force obligatoire ».

- La cour de cassation a beau avoir un nom féminin, je ne la trouve pas bavarde.

- C'est une vieille tradition. Mais il est néanmoins aisé de comprendre. Le mariage est l'union d'un homme et d'une femme : ici, la cour de cassation interprète le droit, comme c'est sa mission première. Elle pose clairement que selon le Code civil actuel, le mariage s'entend de l'union de l'homme et de la femme.

- Et d'où sort-elle ce sens ?

- Du dictionnaire. Ce n'est pas à la cour de cassation de changer le sens des mots, c'est au législateur de changer les mots.

- Et sur les arguments tirés de la CEDH ?

- La Cour européenne des droits de l'homme refuse de faire du droit au mariage entre personnes du même sexe un droit protégé par l'article 12. Son interprétation est pour le moment que le mariage s'entend de l'union de l'homme et de la femme. Si un pays veut légaliser une telle union, libre à lui, bien sûr. Mais la cour refuse de l'imposer aux pays ayant ratifié la convention.

- Qu'en conclure ?

- Que le législateur ne peut plus se défausser sur les juges. C'est à lui de modifier la loi ou d'expliquer pourquoi il s'y refuse. Bref, le débat doit avoir lieu au parlement et non dans la prétories. Cela tombe bien, les législatives, c'est dans trois mois.

- Me permettez-vous une question ?

- Une, dix, cent ou mille, je suis votre serviteur.

- Galant homme. Vous disiez que cette pierre n'était pas la dernière ?

- Non, en effet. Nos déboutés peuvent porter l'affaire devant la cour européenne des droits de l'homme, puisqu'ils ont invoqué devant les tribunaux français la violation d'au moins un des articles de la CEDH. Ils ont six mois pour ce faire.

- Et qu'adviendra-t-il ?

- Ils seront très probablement déboutés. La cour a une position claire sur la question de l'article 12. Mais si la cour revirait de jurisprudence, tout pourrait recommencer.

- Comment cela ?

- La loi française prévoit une possibilité de demander la révision d'un procès à la suite d'une condamnation de la France pour violation de la CEDH. La mariage de Bègles n'est donc pas définitivement mort. Même si je ne parierais pas grand chose sur lui.

- Merci, cher Maître. Je vous quitte édifiée.

- Chère Madame, je suis le plus heureux des architectes.

Notes

[1] Qu'il soit permis à votre serviteur, à l'instar de Pierre de Siorac, la fantaisie de s'imaginer lu par une lectrice plutôt qu'un lecteur, quand bien même mes lecteurs du sexe forts sont ici fort bienvenus.

[2] Le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice.

mardi 13 mars 2007

Ca, c'est de l'investigation...

Tiens ? Elle m'avait échappé, celle là.

Nicolas Sarkozy a affirmé, jeudi 8 mars, sur France 2 que "5 % des délinquants font 50 % des délits". Une affirmation contestée, car elle n'est pas confirmée par les statistiques sur la délinquance. Le ministre s'appuie sur une étude sociologique menée, en 2001, par Sebastian Roché sur la délinquance autodéclarée par les jeunes, première recherche de ce genre en France. Ses résultats avaient été popularisés par la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs du Sénat, en 2002. Ils ont, depuis lors, nourri la thèse de l'existence d'un "noyau dur" de la délinquance.

M. Roché avait questionné 2 300 jeunes de 13 à 19 ans des agglomérations de Saint-Etienne et de Grenoble. Auditionné au Sénat, en mars 2002, le sociologue avait livré sa conclusion : "On trouve une très forte concentration de la délinquance sur un petit ensemble de personnes." M. Roché faisait alors référence à "la théorie des 5 %". Il précisait : "D'après les jeunes auteurs de délits eux-mêmes, il y a bien 5 % qui pèsent 60 % à 85 % du total des actes."

Voyons voyons. Un sociologue demande à de jeunes délinquants de leur parler de leur délinquance. Ceux-ci se présentent comme des petits Al Capone, les terreurs des terreurs, les Tony Montana du Dauphiné et du Stéphanois. Vu leur petit nombre, il en déduit qu'ils doivent à eux seuls commettre la moitié des délits de France.

Et un candidat reprend cette affirmation à son compte sans sourciller.

Ha, ils doivent bien rire, dans les cités de Saint Etienne et de Grenoble. Et évidemment, les magistrats et les avocats, qui sont fort bien placés pour observer les délinquants, n'ont pas paru des témoins pertinents pour le sociologue. Demandons leur avis à des petites frappes, ce sont des sources crédibles, et extrapolons à l'infini.

Je me range naturellement aux observations de bon sens de Serge Portelli, rapportés dans le même article (Serge Portelli a été doyen des juges d'instructions à Créteil, il préside maintenant la 12e chambre correctionnelle à Paris, qui juge la délinquance économique).

On en a dit des énormités dans cette campagne, mais je vois que ce n'est que le début.

Quelques réflexions sur les 500 signatures

A chaque élection présidentielle, le même refrain revient dans la bouche des petits candidats sur l'injustice et l'antidémocratisme du système des 500 signatures, condition préalable à une candidature à la présidence de la république.

Je vous en propose une lecture sous l'angle essentiellement juridique, pour tenter de vous démontrer que ce système est loin d'être aussi injuste qu'on le dit, et que ceux qui s'en plaignent le plus ne sont pas ceux qui en souffrent le plus, les manipulations mensongères étant fréquentes ici, comme vous le verrez.

Première inexactitude : il faudrait avoir 500 signatures pour être candidat. Vous aurez remarqué que les candidats, ce n'est pas ce qui manque ces temps-ci. Or les 500 signatures n'ont pas encore été déposées au Conseil constitutionnel, pour aucun d'entre eux.

Pourtant, on les entend, on les voit, on parle d'eux. Beaucoup de candidats se sont déclarés, et alors qu'aucun d'entre eux ne peut apporter la preuve qu'il remplit bien les conditions des 500 signatures, ils ont d'ores et déjà un accès médiatique certain. Que bon nombre d'ailleurs utilise pour se plaindre de leur accès médiatique insuffisant à leur goût. Bref, la démocratie fonctionne déjà, bien avant le dépôt des fameux formulaires, et les candidats sont d'ores et déjà candidats. Les 500 "signatures" ne servent qu'à devenir officiellement candidat, à avoir le droit de participer au premier tour de scrutin.

Au fait, ces 500 signatures, ça vient d'où ? La constitution est en effet muette sur les conditions d'accès à la candidature.

C'est une loi organique[1], la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, modifiée en dernier lieu le 21 février 2007 qui pose cette règle dans son article 3. La constitution (article 6) renvoie en effet à une loi organique le détail de l'élection du président de la république, la constitution ne posant que le principe de son élection au suffrage universel direct et la durée de son mandat.

En réalité, c'est une erreur de parler de parrainages. La loi parle de présentation. En effet, les membres du collège que définit la loi (j'y reviendrai) ne sont pas censés répondre à une sollicitation des candidats, mais à dire, au besoin spontanément, que selon eux, Untel ferait un bon président.

Avis aux élus qui me lisent : vous pouvez proposer ma candidature...

Qui peut présenter un candidat, donc ? La liste est sur cette page, pour un total d'environ 47000 personnes. Il est donc largement abusif de parler des maires, même s'ils représentent l'écrasante majorité de ce collège (36000) et qu'un grand nombre d'entre eux ne dépendant d'aucun parti, ils sont supposément plus enclins à présenter un candidat hors grand parti, outre l'avantage de leur répartition géographique.

Car il ne suffit pas d'avoir 500 présentations : il faut en outre qu'ils viennent d'au moins 30 départements sans que plus un dixième d'entre eux, soit 50, soit élus du même département ; étant précisé que deux départements virtuels ont été institués pour représenter la circonscription des élus au parlement européen et ceux des Français de l'étranger.

Quand le Conseil constitutionnel reçoit la liste des présentations (ce qui doit être fait avant ce vendredi 18 heures), après avoir vérifié leur nombre et leur répartition, la première chose qu'il doit faire est ainsi de recueillir le consentement du présenté à être candidat.

Sur le principe, cette sélection des candidats n'a à mon sens rien de scandaleux ; elle est même indispensable. Le fait d'être candidat officiel donne accès aux médias audiovisuels sur une base égalitaire. Imaginez la cacophonie si des centaines, voire des milliers de candidats se présentaient, certains uniquement pour vanter les mérites de leur commerce, de leur secte, ou pour dénoncer des complots imaginaires.

Le filtrage par les élus impose au candidat une certaine crédibilité auprès de personnes ayant elle même emporté une élection. Le collège assure que les grands partis seront représentés, que les candidats autonomes peuvent obtenir les présentations nécessaires, et que les candidats ayant refusé de jouer le jeu de de la démocratie en centrant tout autour de leur personne auront les plus grandes difficultés à être candidats.

Tout système a des effets pervers, qui sont montrés en exemple pour démontrer l'inanité du système. Le sophisme est ici patent : ce n'est pas parce que dans un cas, la solution paraît insatisfaisante que le système en entier est mauvais.

En l'occurrence, l'effet pervers pris systématiquement en exemple est la candidature de Jean-Marie Le Pen, qui aurait du mal à réunir les présentations, tandis que des candidats condamnés à un score plus que modeste (pensons à Marie-Georges Buffet, candidate du PCF), y arrivera aisément. Que diantre, s'exclament les démocrates vertueux, Jean-Marie Le Pen, qui était au second tour en 2002, pourrait ne pas être candidat en 2007 ? Assurément, la République est malade !

Et bien, ça reste à voir.

Prenons un instant l'hypothèse, à laquelle je ne crois pas un instant, que les larmes de Jean-Marie Le Pen ne soient pas de crocodile[Mise à jour du 14/03/07 : Bingo.], et qu'il ait bien du mal à réunir ses présentations. Comme à chaque élection où il parvient malgré tout in extremis à les réunir, rugissant victoire sur le système qui voudrait le faire taire, pour le plus grand plaisir de ses électeurs.

A quoi est donc due cette difficulté, qui par sa répétition montre pourtant sa prévisibilité ? Pourquoi diable ce candidat, devenu familier à notre scène politique, aurait du mal en 2007 ce qu'il a réussi à avoir en 1974, pour un score final de 0,75%, et que le PCF, avec des scores inférieurs à 9% depuis 1988 obtient sans peine ?

Tout simplement : au refus du Front national de jouer le jeu de la démocratie. La démocratie, ce n'est pas la conquête exclusive du pouvoir, le tout ou rien, le refus du compromis. Par son programme, par ses propos provocateurs, le chef du Front national s'est donné un rôle d'infréquentable. Il n'est que voir que chaque fois que des tentations sont apparues au sein de branches du RPR (la branche Pasqua) et du FN (Bruno Mégret) de faire alliance en échange d'un assouplissement du discours du FN, le leader frontiste n'a jamais manqué brûler les ponts, comme ce fut le cas avec son fameux « point de détail », lancé en septembre 1987, soit dès le début de la campagne présidentielle.

Il se pose en candidat de la rupture absolue, et ce depuis son élection en 1956 sur les listes de l'UDCA de Pierre Poujade, avec son fameux slogan : « Sortez les sortants » repris à son compte par le FN. En démocratie, cela le condamne à un rôle de témoignage, qui dans le fond lui convient fort bien à mon avis. Ainsi, hors l'élection présidentielle, qu'il n'est pas déshonorant de perdre, Jean Marie Le Pen ne se présente qu'à des élections proportionnelles (européennes, régionales) dans une circonscription (Provence Alpes Côte d'Azur) où il est sûr d'être élu, quand bien même il est né en Bretagne et habite à Saint-Cloud, en région parisienne. Jamais Jean-Marie Le Pen n'a été élu à un scrutin local uninominal pour la bonne et simple raison qu'il ne se présente jamais à un tel scrutin. Jamais maire, jamais conseiller général. De même, trois communes sont passées au Front national en 1995, mais cela a vite tourné au fiasco. Toulon a été perdu aux élections suivantes, le maire d'Orange a quitté le Front national pour le MPF de Villiers, et le maire de Marignane a quitté le FN dès 1998 pour le MNR de Bruno Mégret avant de rejoindre l'UMP. Citons encore Vitrolles, tombée dans l'escarcelle du FN en 1997, avant que le maire ne soit invalidé, n'utilise son épouse comme proxy, et ne quitte le FN en décembre 1998.

Bref, au plan local, le bilan du FN est désastreux.

Le PCF, lui, a appris depuis longtemps à jouer le jeu du compromis et de la négociation. Il a des élus au niveau local, maires, conseillers généraux et régionaux, et même des députés en passant des accords avec le PS. C'est un comble, quand on repense à son histoire, que le PCF puisse ainsi donner des leçons de fonctionnement républicain...

Marie-Georges Buffet aura ses 500 signatures, sans aucun problème. Elle fera un score lamentable, faute pour le PCF d'avoir rénové son idéologie au même titre que son acceptation des compromis.

Le Pen fera un bon score pour son idéologie inchangée depuis trente ans, mais galère pour trouver ses présentations faute pour lui d'avoir accepté les compromis qui impose une modération des idées.

Mais, me répondra-t-on, n'est-il pas scandaleux que celui qui était au second tour en 2002 ne pût pas être candidat en 2002 ?

Non, absolument pas.

Tout le monde se souvient du 21 avril mais semble avoir oublié le 5 mai 2002. Jean-Marie Le Pen, au deuxième tour, a obtenu 17,79% des suffrages, soit à peine plus que son score du premier tour (16,67%). C'est un refus massif, jamais vu en démocratie, dans une élection nationale à deux candidats. 82,21% des voix pour son adversaire... Même De Gaulle face à Mitterrand n'avait fait que 55,2%, le record précédent étant Pompidou face à Alain Poher avec 58,5%. Bref, Le Pen n'a clairement pas la moindre chance d'être un jour président de la République. Il est condamné à d'humiliantes défaites au second tour.

Dès lors qu'il est établi que Le Pen ne sera jamais un candidat sérieux, pourquoi serait-il antidémocratique qu'il soit écarté du scrutin par l'application des mêmes règles qui s'appliquent aux autres candidats ? Qu'il soit écarté par les élus avant le premier, ou par 82% des électeurs au second tour, le résultat est le même : la République ne veut pas de lui. Le système de sélection des candidats vise à écarter ceux qui perturbent le jeu démocratique plus qu'ils n'y participent.

Mais 15% des électeurs seront privés de candidat, me dira-t-on ?

La belle affaire : si pour eux c'est Le Pen ou rien, et bien ce ne sera rien, que Le Pen soit candidat ou pas. Ils ne peuvent plus l'ignorer depuis 2002. Qu'ils cherchent ailleurs le candidat le plus proche de leurs idées et votent pour lui, exigent de leur candidat qu'il mette de l'eau dans son vin et accepte d'intégrer le jeu démocratique, ou aillent à la pêche si cet effort intellectuel qu'est la participation à la démocratie est hors de leur portée. L'élection présidentielle n'est pas l'occasion de cracher dans une urne tout son mécontentement accumulé des années durant, c'est faire fonctionner la République qui est en cause. Qu'ils ouvrent un blog ; une élection, c'est sérieux.

Enfin, et pour conclure, la complainte des 500 signatures est à mon avis un joli air de pipeau.

En effet, que disent les candidats qui nous chantent le blues du parrainage ? Ils en sont tous à 420, 450, 480... Quel suspense !

Pas un seul candidat qui dise : Bon, j'ai péniblement obtenu 30 présentations, j'ai compris, grenouille, j'ai voulu me faire aussi grosse que le boeuf. Et non. Il faut se plaindre sans avoir l'air ridicule. Il faut y être presque. Bref, en quelques semaines, les parrainages sont tombés comme à Gravelotte, et, coquin de sort, ce sont toujours les 20 dernières présentations qui se font prier. Avec en prime la victimisation : on crie à la pression faite par son adversaire principal pour que des élus se dédisent de leur promesse de présentation, sans expliquer comment diable on fait pour surveiller 47000 élus.

Et surtout, c'est toujours un certain nombre de présentations qui manquent. Pour souligner l'aspect inique : voyez il m'en manque 20, 10, 7 ! Et si les présentations étaient abaissées à 400, gageons que ce serait : « regardez : j'en suis à 390, 395... »

Car avez-vous remarqué ? Pas un seul candidat qui se plaigne de la deuxième règle des présentations : le double plafond 30 départements- pas plus de 50 par département. Pourtant, ça doit singulièrement compliquer leur tâche. C'est quand même curieux que pas un seul, y compris Le Pen, ne dise : « j'ai 550, 600 présentations, mais il me manque un, deux ou trois départements, ou je dépasse le quorum de 50 dans plusieurs départements ». Ce serait pourtant une belle preuve de l'iniquité du système.

Mais voilà : 500 signatures, c'est facile à comprendre, ça passe bien. Geindre sur un double plafonnement un peu compliqué, ça passe beaucoup moins bien.

D'autant qu'il n'y a aucun moyen de vérifier l'état réel d'avancement des présentations : seul le candidat sait exactement où il en est.

En 2002, on entendait la même antienne. Et jamais il n'y eut autant de candidats. Les élections de 2002 ont elles été pour autant les plus démocratiques ?

Allons, bas les masques. Le Pen aura ses 500 signatures et sera candidat, s'il le veut. Reste à savoir s'il en a vraiment envie, à 78 ans, après une défait humiliante en 2002 qu'il essaie, avec un certain succès, de faire passer pour une victoire cinq ans après.

Quoi qu'il advienne de lui, ne comptez pas sur moi pour pleurer sur son sort en maudissant la République. Qu'elle me garde d'un président comme ce monsieur est exactement ce que j'attends d'elle, et de mes concitoyens.

Notes

[1] Une loi organique est une loi votée par le parlement selon une procédure légèrement dérogatoire, qui notamment prévoit la saisine systématique du Conseil constitutionnel. Les lois organiques sont prévues par la constitution qui renvoie à une telle loi les détails pratiques d'application de certaines dispositions de la constitution ; ainsi le statut de la magistrature relève-t-il d'une loi organique, de même que le vote du budget.

jeudi 8 mars 2007

Parlons programme : François Bayrou sur la justice

Au tour de François Bayrou de passer par la machine à décortiquer.

Photo : Assemblée Nationale

Le document qui m'a servi de base de travail est la page "Justice" et Sécurité de son site.

« La confusion entre Etat, justice, gouvernement, majorité ne peut pas durer. Il faut que l’État trouve sa justice, lui aussi. Le Conseil d’État, qui n’est pas composé de magistrats, ne saurait être juge et partie, associer les fonctions de juge et de conseil du gouvernement. C'est un grand sujet pour le sommet de l'État en France - cela va de pair avec la volonté d'indépendance de la société française.

Le Conseil d'Etat, créé par Napoléon et imité dans plusieurs autres pays européens, a en effet une double casquette, et est organiquement divisé en deux grandes sections : la section administrative et la section du contentieux.

La section administrative examine les textes préparés par le gouvernement, que ce soit des projets de loi destinés à être soumis au parlement ou des décrets qui entreront en vigueur dès leur signature par le premier ministre. C'est un examen qui est loin d'être une formalité. Les conseillers d'Etat sont d'impitoyables correcteurs et pointent du doigt, au cours d'un éprouvant oral subi par les représentants du gouvernements (qu'on nomme commissaires du gouvernement, à ne pas confondre avec ceux de la section du contentieux) les risques d'illégalité et d'inconstitutionnalité du texte. L'avis rendu à cet occasion est en principe confidentiel, mais est gardé précieusement par le Conseil pour le jour où ce texte ou un acte de l'administration pris en application de ce texte serait soumis au juge administratif.

Vous avez dans ce billet un exemple d'avis de la section administrative. Certains "grands avis" sont rendus publics, comme le célèbre (si, si, il est célèbre, je vous jure) avis du 27 novembre 1989 sur le foulard islamique.

Le Conseil d'Etat n'est là que pour donner un avis. Le gouvernement n'est jamais tenu de le suivre. Parfois, d'ailleurs, il ne le suit pas, et se fait retoquer par le Conseil constitutionnel.

La section du contentieux est quant à elle la juridiction suprême pour le droit administratif, qui échappe aux juges ordinaires (on dit juges judiciaires par opposition aux juges administratifs) depuis la Révolution. Cette section ne donne pas un avis : elle juge en droit, et peut annuler jusqu'aux décrets du gouvernement (mais PAS les lois, personne ne le peut encore en France).

Pour résumer, la section du contentieux est là pour que l'Etat ne fasse pas n'importe quoi, tandis que la section administrative est là pour que l'Etat n'ait pas d'excuses pour avoir fait n'importe quoi.

Voilà la double casquette que le candidat de l'UDF rejette : juge du droit et conseiller du gouvernement, juge et partie.

A cela, je répondrai : Ca fait deux siècles que ça marche, et ça marche plutôt bien. Le Conseil d'Etat a depuis longtemps fait la preuve de son impartialité, et JAMAIS un conseiller qui a participé au travail de conseil dans la section administrative ne siège dans la formation contentieuse qui va examiner la légalité de l'acte (mais cette formation a accès à l'avis qui a été donné au gouvernement, et si la section administrative qui a examiné le texte n'a pas vu le risque d'annulation par la section du contentieux, ses membres doivent, à titre de gage, repeindre les colonne de Buren. Vu l'état actuel de ces colonnes, vous pourrez constater de visu l'efficacité du travail de la section administrative du Conseil[1]. Le fonctionnement du Conseil d'Etat n'est pas sans heurts du fait de cette dualité, comme l'explique Passant Anonyme dans ce commentaire fort éclairant (des fois, je me dis que je ne mérite pas mes lecteurs).

Surtout, François Bayrou n'explique pas ce qu'il veut mettre à la place. Qui serait le juge suprême en matière de droit administratif ? Bien sûr, cela supposera un débat à l'assemblée et non un oukase présidentiel, mais j'eusse aimé en savoir un peu plus quand on lache un tel ballon d'essai.



Je veux un Garde des Sceaux indépendant du gouvernement (c’était une proposition de Raymond Barre en 1988). Il sera investi, sur proposition du président de la République, par le Parlement, à la majorité des trois quarts par exemple, de manière qu’il échappe aux préférences partisanes. Il devra animer un débat annuel de politique pénale devant le Parlement.

Cela rappelle l'idée de procureur de la nation du candidat Sarkozy, mais cette fois, les détails sont donnés. Cette proposition nécessiterait une réforme de la Constitution, ce qui va compliquer les choses.

Ce Garde des Sceaux indépendant appartiendrait-il toujours à l'exécutif ? Le fait qu'il anime un débat de politique pénale devant le parlement semble indiquer que oui. Mais dans ce cas, cela signifie que la politique pénale échapperait au gouvernement pour être confiée au parlement. La logique de la chose m'échappe. Le parlement vote la loi, l'exécutif la fait appliquer. Il est naturel que le gouvernement dirige la politique pénale, en donnant des instructions aux parquets, qui sont son bras séculier. Les parquets n'étant que parties aux procès, et non juges, cette intervention n'a rien d'anormal. Ma crainte est que ce Garde des Sceaux indépendant aura bien du mal à pourvoir défendre le budget de la justice, déjà fort mal traitée avec un Garde des Sceaux membre du gouvernement, puisqu'il ne participera ni à son élaboration (ou alors il n'est plus indépendant du gouvernement) ni à sa discussion (puisqu'il ne fait pas partie du gouvernement).

Enfin, la majorité qualifiée des trois quart est totalement irréaliste : songez qu'il serait plus difficile de nomemr le Garde des Sceaux que de réviser la Constitution ! Cela posera des problèmes pour trouver une personnalité entraînant un tel consensus. Je crois que François Bayrou pense à Robert Badinter à ce poste ; fort bien, il pourrait obtenir l'aval de l'assemblée. Mais après ? Qui obtiendrait les trois quart des voix ? Et si personne ne les trouve, la France n'a plus de Garde des Sceaux ? François Bayrou précise bien qu'il s'agit d'un exemple. le réalisme imposera une majorité qualifiée bien moindre.

Le même résultat, ou approchant, pourrait être obtenu en nommant un Garde des Sceaux, membre du gouvernement, mais à l'autorité morale incontestable. C'est à dire non pas un politique, souvent même pas juriste, récompensé pour sa servilité, mais un haut magistrat, judiciaire ou administratif, ou un professeur de droit, ça s'est déjà vu après tout.

Deux questions d’indépendance se posent à l’intérieur du corps judiciaire. D’abord, la gestion des carrières : le Conseil [Supérieur]de la Magistrature doit avoir une composition équilibrée de magistrats et non-magistrats, et ses membres être investis par le Parlement à une majorité qualifiée. Ensuite, l’indépendance du parquet, sous l’angle des nominations ; les procureurs généraux doivent être nommés par le Garde des Sceaux indépendant, après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Point commun avec le programme de Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy allant plus loin en les mettant en minorité.

J'ai déjà parlé du Conseil Supérieur de la Magistrature dans le commentaire du programme de Nicolas Sarkozy, je vous y renvoie (point n°6).

Je ne vois toujours pas en quoi renforcer à ce point le nombre des membres non-magistrats est nécessaire pour la gestion des carrières, mais je ne suis pas technicien du statut des magistrats. On sent poindre l'envie de diminuer l'influence des syndicats de magistrats ; c'est la seule explication que je vois.

Les procureurs généraux sont actuellement désignés en Conseil des ministres, après avis du CSM, avis consultatif, le parquet est le bras séculier de l'Etat, le gouvernement est donc souverain. Les nominations aux postes clefs (surtout à Paris, en fait) sont de fait très politisées, disent les magistrats. Mais comme nous veillons à élire des présidents d'une probité au dessus de tout soupçon, qu'importe que le locataire de l'Elysée désigne des proches au poste de celui qui pourrait décider de ne pas poursuivre d'éventuelles frasques commises avant son élection à la présidence de la république, n'est-ce pas ?

La proposition de François Bayrou vise à rendre un avis conforme du CSM obligatoire, pour interdire les nominations trop politiques. L'idée n'est pas sans conséquence : c'est la fin d'un contrôle du politique (qui bénéficie malgré tout d'une légitimité démocratique) sur une autorité naissant d'une désignation ; comme se demande Philippe Bilger, « Les [magistrats] intelligents mais non complaisants gagneront-ils au change », à troquer l'approbation du pouvoir à celui des élus de la profession ?

En tout état de cause, quand cette proposition s'inscrit dans un bloc qui inclut de changer la composition du CSM pour diminuer l'influence des magistrats au profit de personnalités extérieures plus sensibles à l'aspect politique des nominations, on se demande si le candidat ne reprend pas d'une main ce qu'il a donné de l'autre...

Je soutiens l’idée d’un juge de l’instruction, qui soit rétabli - c'est une garantie pour le citoyen - dans un rôle d’arbitre, sollicité par l'accusation ou la défense. Deux garanties instaurées pour l’enquête seront en même temps des garanties pour le citoyen : la collégialité, avec la création de pôles d’instruction, et la transparence : audiences publiques à intervalles réguliers, enregistrements audio ou vidéo des auditions et gardes à vue.

Je ne comprends pas le rétabli. Le juge d'instruction n'a jamais été arbitre : il est acteur de l'enquête, qu'il mène de la façon qu'il décide, sous la surveillance des parties, avocats et parquet. Si arbitre il y a, c'est la chambre de l'instruction, qui peut être saisie par la voie de l'appel de nombre de décisions du juge (citons le refus de mise en liberté, ou le refus d'acte demandé par une des parties, ou encore le non-lieu à suivre) voire directement en cas d'inaction du juge d'instruction. J'interprète cette formule comme une volonté de mettre en valeur le rôle "à charge et à décharge du juge d'instruction", ce qui sous entend que le juge d'instruction privilégierait l'un ou l'autre de ces aspects (je vous laisse deviner lequel dans l'esprit du législateur...).

Donc, il s'agirait d'en faire un arbitre, sollicité par l'accusation ou la défense. Première innovation : il faudrait créer une accusation au stade de l'instruction. Bref, il s'agit, sans le dire clairement, de passer du système inquisitoire au système accusatoire.

Je rappelle le schéma actuel : le ministère public (par l'intermédiaire de la police judiciaire, qui sont ses yeux et ses oreilles, ainsi son bras armé ; en fait, le ministère public, c'est un cerveau et une bouche) découvre qu'un crime ou un délit grave a été commis, ou a des raisons de penser qu'il en a été commis un. La police a, sous sa direction, mené une enquête, qui a réuni certains éléments, mais qui sont insuffisants pour établir la réalité de ce crime, identifier son auteur, ou quand bien même ces deux premiers points ont été établis, laissent subsister trop de zones d'ombre pour que cette affaire soit en état d'être jugée. Il va donc confier l'enquête à un juge d'instruction par un réquisitoire introductif, contre personne dénommée si l'auteur des faits est connu, ou contre X... s'il est inconnu. Le juge d'instruction procède à tout acte lui paraissant nécessaire à la manifestation de la vérité dans le respect de la loi (la Question Extraordinaire est ainsi exclue), de son propre chef. Quand des indices graves et concordants laissent à penser qu'une personne est l'auteur des faits, il la met en examen, statut qui donne accès au dossier par l'intermédiaire d'un avocat, permet de demander des actes, mais qui permet aussi un placement sous contrôle judiciaire voire en détention provisoire. Le juge d'instruction peut aussi, s'il n'y a pas d'indices graves et concordants, lui donner le statut de témoin assisté, qui donne les mêmes droits, mais exclut toute mesure restrictive de liberté.

Les parties peuvent demander des actes (entendre telle personne, confronter telle et telle autre, ordonner une expertise sur tel et tel points...) que le juge peut refuser s'ils lui semblent inutile à la manifestation de la vérité, refus qui peut être soumis à la chambre de l'instruction.

L'instruction ne vise pas à prouver la culpabilité du mis en examen mais à découvrir la vérité. Le parquet a autant intérêt que la défense à ce que l'innocence d'un mis en examen soit démontrée, puisqu'il n'a pas le goût des erreurs judiciaires. Il n'y a donc pas d'accusation, quand bien même il y a une défense, mais une défense des droits et libertés de la personne faisant l'objet d'une enquête coercitive de la justice.

A la fin de l'instruction, le juge rend une ordonnance disant qu'il existe des charges suffisantes contre Untel d'avoir commis ces faits et le renvoie devant la juridiction compétente pour être jugé, ou dit n'y avoir lieu à continuer les poursuites, parce que les faits ne sont pas établis, ne constituent pas une infraction ou que l'auteur en est resté inconnu.

Le juge d'instruction n'est donc pas arbitre mais juge. Juge des actes qu'il doit accomplir, juge des mesures portant atteinte aux libertés qu'il doit prendre (renouvellement de garde à vue, perquisition surprise, contrôle judiciaire limitant les déplacements) ou solliciter du juge des libertés et de la détention (placement sous mandat de dépôt, même si le parquet ne le demande pas), ou du moment d'y mettre fin. Il y a un arbitre au stade de l'instruction : c'est la chambre de l'instruction de la cour d'appel (ex chambre d'accusation) qui peut être saisie d'un recours contre un très grand nombre d'actes du juge d'instruction.

Un système accusatoire laisserait au parquet la charge de mener l'enquête comme il l'entend, la défense pouvant s'opposer à une mesure ou au contraire en demander une, le juge tranchant en cas de refus du parquet.

C'est le système anglo-saxon. Il a des mérites et des limites.

Ce qui à mon sens le rend peu souhaitable, c'est qu'il a un coût bien plus lourd pour la personne poursuivie, car l'avocat doit consacrer bien plus de temps au dossier, avec des audiences devant ce juge-arbitre à répétition. De plus, le parquet est, au même titre que le mis en examen, partie au procès. Quand bien même je ne sombre pas dans la caricature du procureur à la Fouquier-Tinville, attaché à la condamnation à tout prix (lisez donc le blog de Philippe Bilger, avocat général, pour voir que convictions assumées et honnêteté intellectuelle ne sont pas incompatibles), et que je n'oublie pas que les procureurs sont aussi magistrats, la perspective d'avoir face à moi un procureur d'instruction ne me séduit pas, quand je sais que ce sera un de ses collègues, voire lui-même, qui à l'audience sera mon contradicteur. Il n'est pas neutre, puisqu'il est mon adversaire. Ca n'implique pas qu'il soit biaisé ou malhonnête. Mais je préfère avoir face à moi un juge, qui n'a pas pour mission de défendre la société, mais de rechercher la vérité. Que certains juges d'instruction (très rares, dieu merci, car quel mal ils peuvent faire) n'aient pas un comportement conforme à leurs fonctions est un autre problème, mais en faire des parquetiers ne règlera pas le problème ni ne diminuera leur capacité de nuisance.

Pour assurer l’indépendance du parquet, les fonctions de juge et de procureur doivent être clairement séparées. Les représentants du parquet doivent demeurer des magistrats.

Proposition commune aux trois candidats. Mais quand on sait que cette proposition figurait déjà dans l'escarcelle du candidat Chirac en 2002, on voit qu'il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. Ségolène Royal propose une séparation au bout de dix ans, Nicolas Sarkozy tout de suite, le cas échéant en faisant des procureurs des agents de l'Etat et non des magistrats. François Bayrou se distingue en laissant leur statut de magistrat aux parquetiers, ce qui implique donc une formation commune à l'Ecole Nationale de la Magistrature, et un choix définitif de l'un ou l'autre corps à la sortie.

Je renvoie à mes observations sous le programme de Nicolas Sarkozy, point n°4, et de Ségolène Royal, point n°4 également. Mon opinion n'a pas changé.



Pour les avocats, je veux défendre l’idée d’un internat (par analogie avec les internes en médecine. Des jeunes avocats seraient payés pour ce travail, par exemple à plein temps comme les magistrats et avec une rémunération similaire), comme moyen d’une égalité des chances en matière judiciaire, pour ceux qui relèvent de l’aide juridictionnelle. Pour répondre à l’inquiétude, parmi les avocats, sur les moyens matériels d’exercer leur mission, un système d’assurance serait généralisé.

Ha, un candidat qui s'intéresse à ma chapelle. L'idée de l'internat est séduisante pour les jeunes avocats, qui auront ainsi une rémunération décente. Songez par exemple qu'il y a quelques temps, j'ai dû attendre cinq heures un dimanche au palais qu'un juge des libertés et de la détention puisse présider un débat contradictoire pour savoir s'il mettait ou non mon client en détention. Pour ces cinq heures perdues loin de ceux que j'aime[2], outre la demi-heure que durera le débat contradictoire, j'ai été payé, plusieurs semaines plus tard, la somme de 21 euros HT. Quand je parle de décence, je pèse mes mots.

Cependant, cette idée d'internat soulève des difficultés : comment sélectionner ces jeunes avocats ? Quand leur internat s'achèvera, comment feront-ils pour s'installer, sans clientèle ? Comment croire que ceux qu'ils ont défendu gratuitement accepteront de payer ensuite fort cher pour les garder alors qu'ils peuvent en avoir un autre gratuitement ? Je suis contre toute idée de fonctionnarisation de la profession d'avocat, et cette idée me semble ouvrir la boîte de Pandore, en offrant pendant quelques années un confort d'exercice avant de précipiter ces internes dans les tracas de celui qui doit tout à coup devenir chef d'entreprise. Comment enfin assurer la surveillance du travail des internes tout en respectant leur indépendance ?

Pourquoi ne pas tout simplement réviser l'aide juridictionnelle en assurant aux avocats intervenant à ce titre une vraie rémunération, ce qui permettra aux justiciables de choisir éventuellement leur avocat y compris parmi les expérimentés, assurera l'indépendance de l'avocat qui conservera son exercice en cabinet libéral, et lui permettra de consacrer le temps et l'énergie nécessaire à ces dossiers sans mettre son cabinet en danger ? Parce que ça coûte cher ? Mais puisqu'on parle d'aligner la rémunération de ces internes sur celle des magistrats, des fonds conséquents devront être mobilisés. Autant qu'il serve à l'aide juridictionnelle qu'à un internat qui tient du cadeau empoisonné.



Quant aux prisons, je propose deux axes : la réhumanisation des lieux d’emprisonnement et la recherche de toutes les alternatives à la détention et à l’emprisonnement, notamment pour les jeunes.

Qui serait contre la réhumanisation des prisons, sans même savoir ce que cela veut dire au juste, ni à quel moment les prisons françaises sont censées avoir été humaines ?

Quant aux alternatives à l'emprisonnement, notamment pour les jeunes, les juges d'application des peines seront ravis de savoir qu'ils font partie du programme de François Bayrou. Cela fait longtemps qu'ils déploient des trésors d'inventivité et d'optimisation des moyens de l'administration pénitentiaire pour éviter au maximum la mise à exécution des peines d'emprisonnement courtes, très désocialisantes, dès lors que le condamné fait preuve d'une réelle volonté de réinsertion (il cherche activement un travail, a repris des études sérieusement, indemnise la victime). Il s'agit donc que de continuer ce mouvement que personne ne conteste, tant on sait qu'une peine aménagée ou une libération anticipée diminue énormément le risque de récidive. Il ne s'agit en rien d'une proposition révolutionnaire.



Je ne résume pas les problèmes de la justice à une question de moyens, mais la question est essentielle. Je propose de doubler le budget de la Justice en 10 ans, par des lois de programmation multi-partisanes. »

Proposition commune à Ségolène Royal, qui n'indique toutefois pas de délai pour cela. Quand on sait que les objectifs financiers de la dernière loi quinquennale de programmation de la justice n'ont que très partiellement été tenus, vous me permettrez ici une moue dubitative, surtout s'agissant d'un engagement dont le terme est au-delà du mandat sollicité.

  • Sur la sécurité :

(...)



Sanctionner tôt, dès le premier délit, serait bien souvent la meilleure prévention (il est absurde de séparer prévention et sanction) : face à la délinquance juvénile, la sanction doit être ultrarapide et éducative. La prison est une impasse, un pourrissoir, on en sort caïd : je suis pour des sanctions qui remettront le jeune au contact de l'autorité : rigoureuses et éducatives. Les travaux d'intérêt général surveillés deviendront une obligation, avec l'encadrement correspondant.

Le problème est que "ultrarapide" et éducatif sont souvent difficilement conciliables. Les mesures éducatives supposent une certaine connaissance de la personnalité du mineur et de sa situation personnelle. Certes, passer trop de temps à étudier cette situation rend la sanction sans intérêt, car six mois, pour un mineur, c'est la préhistoire (un an, c'est une autre vie). Mais une décision trop vite prise sera souvent inadaptée. Il y a un point sur lequel il est possible de jouer : c'est le temps perdu dans un dossier faute du personnel suffisant pour les traiter. Où on voit revenir la question des moyens, à laquelle tout ne se résume pas mais quand même un peu. Quant à l'idée du travail d'intérêt général automatique, elle me paraît difficilement compatible avec l'article 4.2 de la convention européenne des droits de l'homme : « Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ».



On rendra systématique un principe de réparation du tort causé à autrui ou à la collectivité.

Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, article 12-2 issu de la loi n°93-2 du 4 janvier 1993 :

« Le procureur de la République, la juridiction chargée de l'instruction de l'affaire ou la juridiction de jugement ont la faculté de proposer au mineur une mesure ou une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité. Toute mesure ou activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ne peut être ordonnée qu'avec l'accord de celle-ci.»

Il n'y a pas de raison que seule Ségolène Royal propose des lois qui existent déjà, fût-ce depuis 14 ans.

Une loi sera votée pour la protection des victimes contre les représailles.

Cela fait longtemps que les violences commises « sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition » sont aggravées. Qu'apportera donc cette loi de nouveau ? Mystère et boule de gomme.



Je proposerai que le maire ou le président de l’intercommunalité - seul responsable accessible et identifiable par le citoyen - ait autorité sur la police de proximité.

C'est chose faite depuis le 5 mars dernier avec le vote de la loi 2007-297 du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance.



La prévention commence par la famille : quand j'ai donné cette claque à Strasbourg, j'ai reçu des milliers de lettres, dont beaucoup de parents immigrés. Ils me disaient : ‘Vous avez bien fait, mais si nous donnons une claque, c'est l'assistante sociale’. Il y a un immense effort à conduire pour l'éducation des parents ! Quand il y a abandon de toute responsabilité, les allocations familiales doivent pouvoir être mises sous tutelle.

Ha, le fantasme des parents démissionnaires qui touchent les allocations en se désintéressant de leurs enfants. Comme quoi la lepénisation des esprits atteint même le centre. Le fait que des milliers de parents lui aient écrit pour dire "bravo, mais nous on ne peut pas sans s'attirer des ennuis" ne semble pas lui avoir mis la puce à l'oreille. C'était pourtant la phrase d'avant...



La loi doit être la même pour tous. Il faut donner l’exemple, au plus haut : je suis contre le principe d’amnistie lié à l’élection présidentielle. »

Bravo ! C'est une honte de nous tuer la clientèle ainsi tous les cinq ans.


En conclusion, là aussi, pas un mot sur la justice civile. La justice administrative est abordée, sous l'angle de la démolition du Conseil d'Etat, ce qui ferait presque regretter qu'elle ait été traitée.

Même sentiment de catalogues de mesures diverses, ou l'originalité semble avoir pris le pas sur la cohérence, pour changer des choses qui ne posent pas de problème particuliers, et rester vague sur les engagements essentiels : désignons un super Garde des sceaux, réhumanisons les prisons, réformons le CSM pour le reprendre aux juges, doublons le budget sur dix ans (ce qui, compte tenu de l'inflation, allège considérablement l'effort réel de l'Etat), supprimons le Conseil d'Etat comme juge administratif, et hop, voilà, ça fait un programme.

Sur la question de la sécurité, seul le problème de l'enfance est abordé. Sont-ce nos enfants qui sont devenus nos ennemis, dont l'Etat doit nous protéger ? Si nous en sommes là, quelle tristesse...

Prochain épisode : Jean-Marie Le Pen. Sous réserve qu'il ait ses 500 signatures, mais je n'ai guère de doutes sur le sujet. Il nous a déjà fait le coup dans le passé. Mais ça ne risque pas d'arranger ma mélancolie.

Notes

[1] L'auteur ayant un caractère facétieux, il ne garantit pas à ses lecteurs l'authenticité de cette dernière anecdote.

[2] Pour les curieux que me demanderaient pourquoi je ne suis pas rentré chez moi, on m'avait annoncé l'arrivée du JLD dans deux heures. Il n'est arrivé que cinq heures plus tard.

mercredi 7 mars 2007

Rappel : troisième volet de "Nos Juges" demain soir

Désolé pour mon silence de ces derniers jours, semaine très chargée.

Je vous rappelle que demain soir, France 2 diffuse le dernier volet de "Nos Juges", avec cette fois ci un juge d'instance.

Cela peut être intéressant, d'autant que ces documentaires sont bien réalisées, tant les équipes ont su se faire oublier lors du tournage, ce qui est le comble du talent journalistique.

Le tribunal d'instance juge les litiges modestes entre particuliers et entre consommateurs et professionnels, c'est à dire portant sur une somme comprise entre 4001 et 10000 euros. En dessous, c'est le juge de proximité (mais beaucoup de juges d'instance assurent les fonctions de juge de proximité, car le recrutement de ces derniers n'est pas encore complet) et au-dessus, le tribunal de grande instance, devant lequel les parties sont tenues de prendre un avocat, alors qu'on peut se représenter soi-même devant le tribunal d'instance.

Le juge d'instance juge également, et quel que soit leur montant, les litiges liés au crédit à la consommation et aux baux d'habitation (c'est à dire la location portant sur le logement principal), auxquels ont été rajoutés les problèmes de squatteurs (on dit "occupant sans droit ni titre" pour éviter un anglicisme). Il est aussi juge des tutelles, juge des référés et juge des requêtes[1] pour les types d'affaires que je viens d'énumérer, et juge des injonctions de payer et de faire. Il est également juge de certains contentieux électoraux, et juge départiteur quand le conseil de prud'hommes n'arrive pas à départager les parties (il y a quatre juges au Conseil de prud'hommes). Pour peu qu'il sache faire la cuisine, c'est l'homme idéal qui sait tout faire, en somme. Plus sérieusement, c'est sans doute le juge le plus polyvalent de toute l'organisation judiciaire.

La justice civile est un peu boudée par les médias, alors ne ratons pas cette occasion.

Pour mieux comprendre le déroulement de la procédure et ce que vous allez voir, je vous conseille de relire le troisième volet de ma trilogie "Au fait, comment on fait un procès ?" qui explique le déroulement d'une audience devant la juridiction de proximité et le tribunal d'instance (la procédure y est identique).

N'hésitez pas à relire aussi les deux premiers volets : préparer le procès, et saisir la justice. Vous verrez, après ça, vous aurez envie de faire des procès à tout le monde.

Je tâcherai de faire un commentaire du documentaire en live, sans pouvoir m'y engager.

Notes

[1] Le référé vise à obtenir en urgence une mesure qui ne se heurte pas à une contestation sérieuse, comme la désignation d'un expert, le paiement d'une provision sur une somme qui est incontestablement due, ou l'expulsion d'un squatteur ; une ordonnance sur requête vise à obtenir l'autorisation exceptionnelle du juge de faire un acte qui influera sur une procédure future sans en informer préalablement l'adversaire, contrairement à un principe fondamental de toute procédure, car l'effet de surprise est essentiel, comme un constat d'huissier à l'improviste pour constater la présence et l'identité des squatteurs.

vendredi 2 mars 2007

Chaos et cahots

Gros plantage cet après midi. Je me demande si le billet que j'avais mis en ligne cet après midi n'y est pas pour quelque chose, j'ai fait des expériences contre nature.

Je le laisse hors ligne pour le moment et enquêterai avec diligence (de toutes façons, je n'y disais que des bêtises...).

Mise à jour : Ménage fait, tests effectués, billet remis en ligne.

Quand le gouvernement Villepin vote le programme de Ségolène Royal

Et voilà. Moi et ma grande g...

Il suffit que j'écrive sous la proposition de Ségolène Royal d'instaurer la collégialité de l'instruction :

Le juge d'instruction travaillera en collégialité. Là, matériellement, c'est impossible, et le rendre systématique n'est pas opportun.

pour que le gouvernement exauce le rêve de la candidate socialiste.

En effet, la loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale a été adoptée le 22 février 2007 (Elle n'est pas promulguée, elle est pendante devant le Conseil constitutionnel), et son article premier institue la collégialité systématique de l'instruction.

C'était impossible ; ils l'ont fait.

Cette loi pose deux problèmes, de nature totalement différentes, mais assez préoccupants.

Notons pour commencer, sans que cela soit vraiment préoccupant, que cette collégialité, c'est à dire le fait que toute instruction sera menée par trois juges d'instruction, dont un du premier grade, donc ayant une certaine ancienneté, rendra impossible le maintien de cabinets d'instruction dans des tribunaux à une ou deux chambres, puisque par définition, il n'y a qu'un ou deux juges d'instruction dans ces juridictions. La collégialité ne s'accommode pas de l'éloignement. Il va falloir d'urgence réformer l'organisation judiciaire, puisque cette loi entrera en vigueur trois ans après sa promulgation. Pensez vous que le législateur de la 12e législature se sera préoccupé de cela ? Non, après lui, le déluge.

Là où ça devient préoccupant, c'est quand on voit l'aberration que contient le futur article 1.

En effet, cet article prévoit une série d'actes qui devront impérativement être pris collégialement, c'est à dire après une délibération commune. Elle ne suppose pas l'unanimité, mais impose cette réflexion collective, authentifiée par un greffier. Voici ce que dit la loi (je graisse) :

Ce collège de l’instruction exerce les prérogatives confiées au juge d’instruction par le présent code. Les décisions de mise en examen, d’octroi du statut de témoin assisté à une personne mise en examen, de placement sous contrôle judiciaire, de saisine du juge des libertés et de la détention et de mise en liberté d’office, ainsi que les avis de fin d’information, les ordonnances de règlement et de non-lieu doivent être pris de manière collégiale. Les autres actes relevant de la compétence du juge d’instruction peuvent être délégués à l’un des juges d’instruction composant le collège.

La mise en liberté d'office, c'est quand la détention d'un mise en examen est devenue illégale : le mandat de dépôt a expiré, son renouvellement n'est pas possible ou la procédure de renouvellement n'a pas été respectée, ou un non lieu a été rendu. Bref, il y a urgence à libérer et aucune contestation possible quant à cette libération. De fait, le directeur d'établissement qui tarderait à libérer le prisonnier commettrait le délit de séquestration arbitraire, qui devient un crime au-delà de sept jours.

Et pourtant, la loi va exiger que la mise en liberté d'office soit prise collégialement, ce qui retardera nécessairement la libération d'une personne détenue illégalement. Mieux : la décision de mise en liberté tout court, qui, elle, suppose que la détention soit encore légalement possible, mais que le juge ne l'estime plus nécessaire, ne figurant pas dans cet alinéa, peut donc être prise par un juge d'instruction statuant seul, sans l'avis de ses collègues.

Quand ils n'ont pas le choix, les juges doivent délibérer, quand ils ont le choix, ils peuvent décider seul. On croit rêver. On voudrait rêver.

Soit je ne comprends pas la subtilité confucéenne de cette loi, soit il y a un beau bug. Espérons que le Conseil constitutionnel censurera les mots "d'office" au nom de la sûreté, principe reconnu par l'article 5 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 7 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

[Mise à jour] : Il y aurait bien subtilité confucéenne, merci à la remarque pertinente de parquetier ci-dessous : ce terme de mise en liberté d'office s'entendrait uniquement de la mise en liberté décidée par le juge d'instruction sans qu'il soit saisi d'une demande à cette fin, prévue à l'article 147 du CPP. Dont acte, je préfère l'interprétation d'un texte qui lui donne un sens cohérent. Notons toutefois la schizophrénie de cette loi qui quelques articles plus loin contient un article visant à "assurer le caractère exceptionnel de la détention provisoire". La détention doit être exceptionnelle, mais la mise en liberté doit quand même être mûrement réfléchie collégialement...

Le Conseil constitutionnel. Voilà le deuxième problème.

Vous savez qu'un nouveau président a été nommé. Il prend ses fonctions le 4 mars à zéro heure, soit dimanche, à l'heure ou blanchit la plaine. Si le Conseil n'a pas vidé ses saisines demain au plus tard, le président du Conseil Constitutionnel qui examinera la constitutionnalité de ces lois sera la même personne qui présidait l'assemblée qui a voté ces lois. C'est même sa signature qui authentifie le texte adopté le 22 février par l'assemblée et qui est devenu loi après avoir été adopté le même jour par le sénat (voyez tout en bas de la page).

A ma connaissance, c'est une première dans l'histoire de toutes les démocraties que de voir une cour constitutionnelle présidée par celui qui a examiné en tant que président de l'assemblée législative le texte qu'elle a à juger (Il est vrai qu'il n'a présidé aucune des séances où cette loi a été examinée et n'a probablement pris aucune part à son adoption, mais l'absentéisme est-il une garantie de neutralité ?). C'est une violation de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance et de l'impartialité du juge, et qui ne peut faire l'objet d'aucun recours.

La première décision de Jean-Louis Debré, en tant que président, devrait être de refuser de siéger tant que des textes de la 12e législature seront examinés. J'espère qu'il le fera.

Décidément, notre président actuel, qui a nommé Jean-Louis Debré à ce poste, n'aura eu de cesse de marquer de son empreinte le fonctionnement de la Ve république. Après avoir promulgué des lois non applicables, le voilà qui nomme des présidents ne pouvant pas siéger. Pour un peu, je dirais qu'il me manquera.

jeudi 1 mars 2007

Commentaire en direct de "Nos Juges" : La Liberté Sous Conditions

Bonsoir. Deuxième épisode de la trilogie sur nos juges. Ce soir : un juge d'application des peines, ou "JAP" (prononcer "Jappe").

  • Le JAP peut être saisi sans formes par un détenu. C'est ce qu'a fait le premier prévenu, épileptique. Avant de statuer, le juge peut rencontrer le condamné. C'est cet entretien que nous voyons, il ne s'agit pas d'une audience à proprement parler. Le JAP a un bureau dans le centre de détention pour éviter de lourds transfèrements au palais de justice. En région parisienne, vu la taille des prisons, ce n'est pas le juge, mais un agent de probation du SPIP (Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation) qui assure ces permanences et fait le travail de préparation des dossiers. Je ne sais pas si cette JAP est particulièrement consciencieuse ou n'a pas d'agent du SPIP à sa disposition.


  • Oui, toutes les prisons sont aussi déprimantes qu'elles en ont l'air.


  • Les éléments pris en compte par le JAP pour envisager une libération conditionnelle sont, outre la personnalité et le comportement du condamné en détention, les efforts faits pour indemniser les victimes, et le projet mis en place pour la sortie : promesse d'embauche, logement à la sortie. Un JAP ne mettra personne dehors s'il n'a pas de domicile ni de travail.


  • Je parie que le détenu qui avait promis un coup de fil de ministre a été condamné pour escroquerie. Sous prétexte qu'ils ont dupé quelques personnes, ils pensent pouvoir berner aussi les avocats et les juges. Et pour certains, les condamnations répétées n'ébranlent pas leur conviction en leur faculté de persuasion...


  • Ces audiences sont récentes. C'est la réforme de la loi Perben II qui a prévu les débats contradictoires en présence facultative d'un avocat pour les demandes de libération conditionnelle. Ces audiences sont facultatives si le juge pense accorder la mesure. Ce sont donc des dossiers "limites" qui sont examinées en audience. Le directeur d'établissement donne un simple avis.


  • La "semi-liberté" est en fait la semi détention : le condamné passe la nuit en prison (pas dans les mêmes cellules que les condamnés) et sort la journée pour aller travailler ou suivre une formation. Les week-ends peuvent faire l'objet de permissions.


  • Encore un escroc. Admirez la qualité de l'expression orale, le dossier fourni, l'argumentation bien développée. Mais le dossier se révèle bancal. Le procureur s'oppose bien prévisiblement.


  • Tiens ? Qu'est ce que c'est que cette délibération avec le procureur, une fois le condamné sorti ??


  • Il est inexact de dire que la juge ne décide pas, n'accepte ni ne refuse : elle a décidé. L'ajournement est une décision, prévue par la loi. Notons la différence de comportement du condamné lors de la notification. Il n'est plus l'humble pénitent, il est la victime d'une "honte" pour la justice française...


  • Audience de la femme homicide. Pas facile, ce dossier...


  • Le juge ramène le procureur en voiture en lui servant de chauffeur... Je n'ai rien contre le co-voiturage, mais entre ça, et la discussion informelle à la porte "je ne sais du tout ce que je vais faire dans ce dossier", je souris en pensant aux magistrats qui se défendent de toute collusion entre le siège et le parquet. La distance nécessaire entre le juge et les parties, et le procureur est une partie, est ici clairement abolie. La moindre des choses serait qu'ils s'interdisent de parler de ces dossiers une fois l'audience achevée. Je n'aime pas trop cela.


  • Les décisions de placement en quartier disciplinaire, le "mitard", sont prises non par le JAP mais par ce qu'on appelle "le prétoire", une commission disciplinaire présidée par le directeur d'établissement accompagné d'un représentant des gardiens. Depuis 2000, le détenu peut être assisté d'un avocat. C'est un accident législatif qui l'a permis. le législateur a voté un texte qui s'appliquait au prétoire sans qu'il s'en rende compte. Le JAP n'a pas le pouvoir de lever une décision de mitard, qui est une sanction administrative et peut, depuis peu là aussi, faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif. Il y a dix ans encore, un prisonnier était condamné au mitard sans être défendu et sans recours possible. France, pays des droits de l'homme.


  • Demande de permission de sortie. Elles sont de la compétence du JAP. Elles ne sont pas prises en audience, car elles ne modifient pas la peine. C'est une commission, présidée par le JAP, où participe l'administration pénitentiaire.


  • Audience du TAP : Tribunal d'application des peines. Il traite notamment les demandes de libération conditionnelle pour les prisonniers condamnés à plus de dix ans et à qui il reste plus de trois ans à exécuter (art. 730 du code de procédure pénale). C'est ce qu'on voit ici.


  • Délibération du tribunal immédiate. Les juges profitent du fait d'être réunis pour délibérer tout de suite. Ces secondes qui durent des heures... Bien sûr que le condamné qui va être libéré dit merci. Curieux que les juges ne comprennent pas cela. Ce prisonnier condamné pour viol est un "pointeur", il est menacé tous les jours et est considéré comme un moins que rien par les autres détenus. Il est depuis des années dans un endroit où le temps semble ne pas bouger. Le tribunal lui accorde le retour à la vie. Merci est le mot qui vient spontanément à l'esprit. Les juges préféreraient être sûrs qu'il ne récidivera pas, bien sûr. Eux vivent dans le futur, lui sort d'un présent immobile. Le malentendu est inévitable.


Déjà fini ? Le temps passe vite quand on s'amuse.

Le prochain Burgaud sera un JAP ? Non : un JAP ne peut mettre un innocent en prison. Enfin, si, il peut, techniquement, mais il ne sera pas celui qui a commis l'erreur. Mais c'est certain que c'est un poste exposé avec l'état d'esprit sécuritaire actuel. Ce documentaire a hélas mis en lumière un élément tout à fait exact : la triste absence des avocats des prétoires des JAP. Non pas que nous boudions la matière, mais rares sont les prisonniers qui veulent ou peuvent exposer les frais d'un défenseur. C'est dommage. On ne fait pas que monter les dossiers, on explique les enjeux au condamné qui comprennent mieux ce qui les attend dehors.

Un manque à ce documentaire : le travail du JAP hors les murs de la prison. Le JAP a un bureau au palais de justice, et traite les dossiers des condamnés à de la prison ferme pour moins d'un an (et c'est la majorité des peines), des sursis avec mise à l'épreuve, des placements sous bracelet électronique, et c'est une part importante de leur activité.

La semaine prochaine, troisième épisode : le juge d'instance. La justice civile, à nouveau, qui juge les litiges entre particuliers.

mardi 27 février 2007

Code jaune, code rouge, code noir

Histoire de mettre un peu d'épices dans un métier qui rend fou, j'utilise le vocabulaire suivant pour traiter les urgences qui me tombent dessus, en empruntant un vocabulaire aux séries américaines The West Wing et 24.

Code Jaune : Il reste 24 heures avant l'audience. Le dossier est donc urgent mais permet une certaine organisation.

Code Rouge[1] : Il reste quelques heures avant l'audience. Le dossier doit être traité toutes affaires cessantes, l'isolement téléphonique s'impose (j'appelle ça un lock-out, c'est mystérieux et exotique).

Code Noir : l'audience a déjà commencé. Il faut attraper à la hâte robe, codes, bloc note, stylo, sauter en selle et filer au palais (ou prendre le métro si c'est au-delà du périph').

J'ai eu un Code Noir[2] il y a une quinzaine de jours. Un Code Rouge hier. Là, je suis en Code Jaune. Ca sonne bien, non ? Mais du coup, autant dire que les journées de Jack Bauer sont presques aussi chargées que les miennes ces temps ci.

Vous comprendrez donc une activité modérée ces jours ci sur mon blog. Encouragements bienvenus, j'ai un peu les nerfs en pelote.

Notes

[1] A ne pas confondre avec ces codes rouges.

[2] A ne pas confondre avec celui-là, dieu merci abrogé depuis longtemps.

vendredi 23 février 2007

Parlons programme : les propositions de Nicolas Sarkozy sur la justice. (Le pavé du week end)

Chose promise, chose due. Voici mon commentaire des 16 propositions de l'UMP en matière de justice. Le prochain épisode sera sur François Bayrou.

C'est un pavé, vous avez de quoi tenir jusqu'à lundi. Bon week end.

Lire la suite...

L'assemblée nationale est morte, vive l'assemblée nationale !

L'assemblée nationale a clos hier ses travaux pour la 12e législature, sauf événement imprévu, comme une très prévisible élection d'un nouveau président, l'actuel étant appelé à une prébende récompensant une fidélité sans faille à de plus hautes fonctions relevant de ses compétences.

Le dernier texte adopté est le projet de loi sur le droit opposable au logement. J'en ai déjà parlé, d'autres l'ont fait mieux que moi, d'autres ont été plus drôles, mais qui d'autre pouvait mieux résumer en une seule phrase l'escroquerie intellectuelle de cette loi que la propre ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité (à lire dans le compte rendu de séance, tout à la fin) :

Mme la Ministre déléguée – Je voudrais remercier l’ensemble des parlementaires pour cette unanimité. Dorénavant, les conditions sont réunies pour faire du droit au logement une réalité, conformément à la volonté du Président de la République. Il ne reste plus qu’à en faire un droit concret pour chacun de nos concitoyens.

C'est une réalité, mais pas concrète, vous comprenez ?

Traduction : Le plus dur est fait : on a voté une loi disant que ça existe. Aux suivants de s'occuper des détails, comme faire que ça existe vraiment.

Je crois que cela illustre parfaitement la folie actuelle du législateur, qui voit dans le vote d'une loi l'alpha et l'oméga de toute action politique, et la peste soit de la réalité, qui est connue pour avoir un fort parti-pris anti-gouvernemental.

La XIIe législature s'est choisie une bien triste épitaphe.

jeudi 22 février 2007

Discussion sur "Nos Juges", 1er épisode : le tribunal de désamour.

J'ouvre dès maintenant ce fil de commentaire sur le documentaire de France 2 qui va passer alors que j'écris ces lignes, pour vos impressions, commentaires, observations et questions.

  • Bon, ça commence mal, la voix off avant le générique dramatise inutilement.
  • Ha, Créteil, quel beau TGI. Vue imprenable sur l'A86 et les voies SNCF... 15 étages de haut.
  • Première affaire : un grand classique, une affaire d'exercice de l'autorité parentale. La juge est saisie à nouveau à peine trois mois après car les décisions en la matière n'ont jamais l'autorité de la chose jugée, car l'intérêt de l'enfant peut exiger qu'à tout moment, on change les modalités ou tranche une difficulté. Très souvent, ce sont les époux qui utilisent cette procédure pour tenter de jouer un match retour. Ce genre de scène d'engueulade est de fait assez fréquent.
  • Un petit tour en médiation, c'est très à la mode, les modes alternatifs de règlement des litiges, mais en matière familiale, ça peut être utile.
  • Médiation échouée. Le juge tranche. Ce ton d'engueulade est typique des affaires familiales. C'est vraiment une matière à part.
  • Deuxième affaire : audience collégiale. Notez que les architectes de 1974 ont supprimé l'estrade en matière civile. Résultat, quand on se lève pour plaider, on toise les juges comme un professeur sa classe. Du coup, les juges demandent aux parties de rester assises. Là, c'est la procédure TGI qui s'applique (représentation obligatoire) mais souvent, vu les matières en cause (adoption ici), la loi impose la comparution des parties.
  • Mince, je refais du live blogging. Je vais encore me faire houspiller.
  • Le procureur est présent car l'adoption concerne l'état civil, qui relève également des attributions du ministère public.
  • Le décorateur des salles civiles de Créteil devrait être envoyé aux galères. Il serait condamné à fouetter à perpétuité celui qui a décoré les salles d'Evry.
  • L'adoption est prononcée, tout le monde est content, mais le saviez-vous ? Cette adoption n'a aucune conséquence directe sur la régularité du séjour. La petite Zhou risque toujours une arrestation, un placement en centre de rétention jusqu'à 32 jours, et une reconduite en Chine par la force. On peut espérer qu'un juge administratif mette le holà, mais encore faudrait-il qu'il soit saisi dans les 48 heures de la décision d'éloignement. Le droit des étrangers, une matière magnifique.
  • Troisième affaire : Audience d'autorité parentale, avec allégations d'attouchements. Ca, c'est dur. C'est une accusation terrible à l'égard du père, mais on ne peut prendre de risque pour l'enfant. Le pire c'est que même quand les attouchements n'existent pas, l'autre parent peut en être sincèrement persuadé. Il peut vivre dans un délire auto-suggéré. Difficile de l'en extirper. Et le comportement de l'enfant avec son père n'est pas une preuve. Un jeune enfant aimera toujours ses parents, même si l'un d'eux est un tortionnaire.
  • Quatrième affaire : Audience de divorce menée par une auditrice de justice (élève magistrate). Voyez le bonheur d'avoir une partie sans avocat. L'audience se passe en deux temps : d'abord, les époux sont reçus seuls par le juge pour qu'il s'assure de leur réelle volonté de divorcer. C'est une règle un peu surannée, qui remonte à la réforme du divorce de 1975, quand le divorce avait une charge symbolique et sociale plus grande qu'aujourd'hui. Application de la règle non écrite dans le code de procédure civile s'appliquant aux avocats : toujours s'asseoir entre les époux pour éviter un échange de coups.
  • Illustration de la formation des magistrats. Dur d'avoir de l'autorité. Elle s'en sort bien, l'auditrice, elle n'a pas un dossier facile. Pas d'avocat pour l'époux qui parle mal français et est un rien borné.
  • Cinquième affaire : Divorce par requête conjointe, dans une séparation déjà réglée et bien gérée. Le dossier bien huilé. Une séparation d'adultes, quoi. C'est assez fréquent, en fait. Ca réconforte. En fait il y a toujours des blessures qui existent, sinon il n'y aurait pas de séparation, mais elles n'ont pas leur place dans un cabinet de JAF. Mine de rien, il y a aussi un travail de l'avocat en amont, pour régler les aspects juridiques et pratiques. Un dossier qui arrive comme ça sans souci, c'est aussi un bon travail d'avocat.

Fin de l'épisode.

Globalement, c'est pas mal du tout, ce documentaire, car la caméra a su se faire invisible. Peu de commentaires en off (les miens suffisent largement...), les magistrats semblent avoir parfaitement accepté l'équipe et leur parlent à coeur ouvert. La matière des affaires familiales a bien été traversée, on a vu un peu tout ce que fait un JAF. Et c'est si rare qu'on s'intéresse à la justice civile.

Rendez vous mercredi prochain (attention, pas jeudi) pour le deuxième épisode.

Pourquoi Dieudonné ne sera pas pénalement condamné pour injure raciale (apostille au billet précédent)

Un ajout s'impose au billet précédent pour expliquer une conséquence purement procédurale qui sera probablement exploitée avec un brin de mauvaise foi par les partisans de l'humoriste. Je préfère prévenir et armer votre sens critique.

La lecture de l'arrêt et l'activation de mon réseau de taupes m'a confirmé que dans cette affaire, le parquet général ne s'est pas pourvu en cassation, et ce dès la première décision de la cour d'appel de Paris.

En conséquence, l'action publique est éteinte. C'est à dire que Dieudonné ne peut plus être reconnu coupable du délit et se voir infliger une peine, le parquet n'ayant pas contesté sa relaxe.

Seule l'action civile, exercée par les associations en cause (la LICRA et le consistoire central union des communautés juives de France), continue, et c'est de cette action seule qu'est saisie la cour d'appel de Versailles.

Explications : la loi distingue, et à raison, l'action publique, celle de la société, exercée par le ministère public, qui vise à voir prononcer une peine à l'égard de celui qui a commis une infraction, et l'action civile, de la victime, qui vise à obtenir réparation de son préjudice sous forme de dommages-intérêts. L'amende est une peine, elle est versée à l'Etat, les dommages-intérêts sont une indemnité, ils sont versés à la victime.

La victime peut décider de porter son action devant les juridictions civiles suivant les règles du code de procédure civile, et ce même si le ministère public a de son côté décidé d'engager des poursuites (en pratique, cette dernière hypothèse est rare car peu intéressante) ; elle peut également mettre en mouvement l'action publique, c'est à dire saisir le juge pénal même contre la volonté du ministère public (cela peut se faire par deux moyens : citation directe devant le tribunal ou plainte avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction). Enfin, si le ministère public poursuit de son propre chef, la victime peut intervenir à l'audience en se constituant partie civile devant le tribunal saisi par le parquet. Dans ces deux derniers cas, très fréquents en pratique, le tribunal juge en même temps l'action publique du parquet et l'action civile de la victime. Mais il s'agit néanmoins de deux actions différentes.

Ainsi, en cas d'appel, chaque partie qui entend contester le jugement doit faire appel. A défaut, la décision rendue devient définitive à son égard. Peu importe que cela aboutisse à des décisions en apparence contradictoires (le prévenu est relaxé définitivement mais condamné à indemniser les victimes, ou à l'inverse, la victime a été déboutée de son action, mais le prévenu est finalement reconnu coupable et puni) car il s'agit d'actions différentes : l'objet est le même mais pas les parties. Juridiquement, l'infraction est constatée par une juridiction, elle est établie. Seulement, toutes les conséquences légales ne peuvent plus en être tirées.

Exemples : A est condamné à six mois de prison, la victime se voit allouer 500 euros de dommages intérêts alors qu'elle en demandait 1000. A peut faire appel soit de l'action publique, soit de l'action civile, soit des deux. Si A fait appel de l'action publique, la cour d'appel pourra confirmer les six mois ou diminuer la peine. S'il fait appel de l'action civile, la cour pourra confirmer les 500 euros ou diminuer la somme. Si le parquet fait appel (il ne peut faire appel que de l'action publique, il n'est pas partie à l'action civile), la cour d'appel pourra confirmer les six mois ou augmenter la peine. Si la partie civile fait appel, la cour pourra confirmer le montant des dommages-intérêts ou les augmenter. Ces hypothèses sont cumulatives : si le prévenu fait appel de l'action publique et le parquet aussi, la cour pourra diminuer, augmenter ou confirmer.

Dans notre hypothèse, le ministère public a jeté l'éponge en 2004, quand le premier arrêt de la cour d'appel de Paris a confirmé la relaxe. Seules les parties civiles ont fait appel.

En conséquence, la cour d'appel de Versailles ne pourra que constater que les éléments du délit sont réunis et condamner Dieudonné à payer des dommages intérêts et frais de procédure à ces associations, mais aucune condamnation pénale ne sera prononcée, et rien ne figurera sur son casier judiciaire.

Dieudonné ou certains de ses partisans pourront ainsi affirmer qu'il n'a jamais été reconnus coupables de ce délit. Vous pourrez alors leur répliquer que ce n'est dû qu'à l'absence du pourvoi du parquet général de Paris, mais que l'infraction a bien été reconnue comme établie par la cour de cassation en assemblée plénière et par la cour d'appel de Versailles statuant sur intérêts civils, et ils seront bien feintés. Et à un dîner mondain, ça en jette.

mercredi 21 février 2007

Dieudonné a-t-il été condamné pour injure raciale ?

C'est la question qu'on peut se poser à lire les compte-rendus contradictoires ici et là.

Ici, par exemple, c'est Libération, qui titre Des propos de Dieudonné jugés racistes, ou Le Monde qui déclare "Dieudonné reconnu coupable d'"injure raciale" par la Cour de cassation (pas de lien, article déjà payant).

Là, c'est le site des Ogres, qui n'a jamais caché son soutien à l'humoriste, qui affirme tout de gob : Dieudonné n’a pas été condamné - Les médias mentent.

Qui a raison, qui a tort ?

Sur ce coup là, tout le monde.

Le plus en tort est Le Monde, qui se trompe en disant que Dieudonné a été reconnu coupable. Mais il ne se trompe que par anticipation. Libération commençait bien, son titre était correct, et patatra, le lancement est inexact :

La Cour de cassation a estimé vendredi que l'humoriste s'était rendu coupable d'injure raciale.

Les Ogres enfin, s'ils ont techniquement raison de dire que Dieudonné n'a pas été condamné, font dans la mauvaise foi quand ils affirment que les médias mentent, et que ce n'est "que l'avis d'une cour de cassation (sic)", voulant pour preuve de leur démonstration que quiconque serait bien en peine de dire à quelle peine l'humoriste a été condamné.

Qu'en est-il ?

Les faits étaient les suivants : l'humoriste Dieudonné a tenu les propos suivants dans le magazine Lyon Capitale, dans un article intitulé : Dieudonné, humoriste et candidat aux élections présidentielles - Dieudonné existe-t-il ?

Juifs et musulmans pour moi, ça n'existe pas. Donc, antisémite n'existe pas, parce que juif n'existe pas. Ce sont deux notions aussi stupides l'une que l'autre. Personne n'est juif ou alors tout le monde ... pour moi, les juifs, c'est une secte, une escroquerie. C'est une des plus graves parce que c'est la première. Certains musulmans prennent la même voie en ranimant des concepts comme "la guerre sainte" ...

Le ministère public a engagé des poursuites à l'encontre de l'humoriste en le citant devant le tribunal correctionel de Paris pour les délits d'injure publique raciale et de provocation à la discrimination raciale.

Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Dieudonné ; le parquet et les associations parties civiles ont fait appel. Le 30 juin 2004, la cour d'appel de Paris a confirmé la relaxe sur les deux chefs de poursuite, en estimant "qu'en dépit de l'emploi des termes "secte et escroquerie", le contexte de l'entretien en cause laisse apparaître qu'en critiquant d'autres religions en des propos également vifs, le prévenu a seulement manifesté son hostilité au principe même du fait religieux et qu'ainsi, les invectives proférées ne s'adressent pas à la communauté juive en tant que telle". Les parties civiles forment alors un pourvoi en cassation.

Bien leur a pris car dans un arrêt du 15 mars 2005, la chambre criminelle de la cour de cassation, si elle rejette le pourvoi sur la relaxe du chef d'incitation à la discrimination raciale, qui devient définitive, casse la relaxe pour injure raciale, en estimant qu'en statuant ainsi, alors que les propos litigieux mettaient spécialement en cause la communauté juive, présentée comme "une des plus graves escroqueries" parce que "la première de toutes", la cour d'appel aurait dû constater que le délit était constitué.

Le 9 février 2006, coup de théâtre : la cour d'appel de Paris, statuant à nouveau mais composée naturellement de juges différents (on dit en fait conseillers quand on parle de juges de cours d'appel) fait de la résistance et relaxe Dieudonné pour le délit d'injure raciale, car selon elle, "replacés dans leur contexte, les termes "les juifs, c'est une secte, c'est une escroquerie" relèvent d'un débat théorique sur l'influence des religions et ne constituent pas une attaque dirigée contre la communauté juive en tant que communauté humaine".

Un nouveau pourvoi est formé, et cette fois, comme la cour d'appel de renvoi n'a pas suivi la décision de la cour de cassation, la décision est portée devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation, c'est à dire tous les magistrats réunis.

Une pause s'impose.

La cour de cassation ne juge qu'en droit. Elle n'examine que l'application du droit par les juges, les faits sont acquis, ce sont ceux retenus par les juges ayant statué en dernier. Elle ne peut que rejeter le pourvoi, et approuver ainsi la décision qui a été attaquée, ou casser[1], c'est à dire annuler cette décision, auquel cas elle doit renvoyer devant une juridiction équivalente pour qu'elle statue à nouveau, si c'est nécessaire.

Exemples : A est condamné à 40 ans de réclusion criminelle pour meurtre. Il fait un pourvoi dans lequel il dit qu'il est innocent. La cour de cassation rejettera cet argument car la culpabilité est une question de fait, elle ne peut revenir là dessus. On parle de pouvoir souverain des juges du fond dès lors qu'on est dans le domaine que la cour de cassation refuse d'examiner comme ne relevant pas du droit. Mais par contre, le code pénal prévoit que le meurtre est puni au maximum de trente années de réclusion criminelle. Là, la décision est contraire au droit. La cour cassera donc l'arrêt de la cour d'assises et renverra le dossier pour être jugé à nouveau devant une nouvelle cour d'assises (où l'accusé pourra cette fois faire valoir son innocence).

Deuxième exemple : Une cour d'appel condamne B, qui est sans cesse en retard à son travail, à payer des dommages-intérêts à son employeur. B se pourvoit en cassation. La cour estime qu'un salarié en retard relève du pouvoir de sanction de l'employeur, qui peut aller jusqu'au licenciement, mais ne peut donner lieu à dommages-intérêts, qui s'assimilerait à une amende infligée par l'employeur, ce que la loi interdit. Elle casse donc l'arrêt, mais ce faisant, elle estime que le problème est résolu : la condamnation à des dommages intérêts est anéantie, c'est en fait comme si la cour d'appel les avait refusé. Elle casse donc sans renvoi, mettant fin à l'affaire.

La cour d'appel qui examine l'affaire après une cassation peut parfaitement prendre une décision identique à la première cour d'appel. Si un nouveau pourvoi est formé, l'affaire est jugée par l'assemblée plénière de la cour de cassation.

Les décisions d'assemblée plénières ont une autorité morale considérable et une autorité légale encore plus forte puisque quand elle est réunie sur un pourvoi après une première cassation, ce qui est l'hypothèse d'une résistance des juges du fond, si elle casse à nouveau l'arrêt, sa décision en droit s'imposera aux juges de la cour d'appel.

Revenons en à notre humoriste pas très drôle sur ce coup là.

Les faits ne sont pas en discussion : Dieudonné a bien tenu ces propos là. La question est : s'agit-il de propos outrageants s'adressant à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (article 33 de la loi du 29 juillet 1881) ?

La cour de cassation, dans son arrêt d'assemblée plénière du 16 février 2007, répond par l'affirmative, en répliquant aux conseillers de la cour d'appel de Paris que "l'affirmation "les juifs, c'est une secte, une escroquerie. C'est une des plus graves parce que c'est la première", ne relève pas de la libre critique du fait religieux, participant d'un débat d'intérêt général mais constitue une injure visant un groupe de personnes en raison de son origine, dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d'expression dans une société démocratique", cette dernière phrase répondant à l'argumentation du comédien invoquant la liberté d'expression protégée en ces termes par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme.

Chat échaudé craint l'eau froide, et le quai de l'Horloge bat froid le quai des Orfèvres. C'est donc la cour d'appel de Versailles qui statuera en dernier lieu sur cette affaire. Les conseillers siégeant dans les écuries de la reine n'auront cette fois pas le choix : ils ne pourront que dire que les propos objet des poursuites constituent bien une telle injure. Mais une peine devant être prononcée et des réparations accordées, décisions relevant du pur fait et du fameux pouvoir souverain, ce renvoi était indispensable. Ce qui fait dire aux Ogres que Dieudonné n'a pas été condamné puisqu'aucune peine n'a été prononcée. "Pour le moment", doit-on à la vérité d'ajouter.

Donc, non, Dieudonné n'a pas encore été condamné pour injure raciale, la cour de cassation n'ayant pas ce pouvoir. Oui, il a été relaxé trois fois dans cette affaire (une fois par le tribunal de Paris, deux fois par la cour d'appel de la même ville), mais l'humoriste ne pourra pas échapper à la condamnation à la prochaine audience, ce qui révèle qu'on est en présence d'un peu plus "qu'un simple avis d'une cour de cassation", mais d'une décision juridique que personne ne peut plus contester.

Notes

[1] Terme qui vient du droit romain, où les jugement étaient gravées sur des tablettes d'argile, qui étaient brisées quand le jugement était annulé.

Avis aux élèves avocats de Paris

Oui, pour une fois, je fais dans le billet visant un public fort restreint, mais puisque j'avais interpellé l'intéressée, il est de mon devoir de faire savoir qu'elle accomplit son devoir.

Sachez, chers futurs confrères et consoeurs, que la Petite Conférence reprend. Aurélie Cerceau, Neuvième Secrétaire, vous convie le jeudi 8 mars 2007 dans l'amphi Rheims de l'Ecole de Formation du Barreau à 19h30 pour y discourir, à votre choix par l'affirmative ou la négative, sur les sujets suivants : - Les héros doivent-ils mourir à la fin ?
- Faut-il tenter l’impossible ?
- Le jeu en vaut-il la chandelle ?

N'hésitez pas à vous manifester auprès d'elle pour vous inscrire.

Cet exercice vise à vous préparer au concours de la Conférence du Stage, et au-delà, est une excellente formation à la prise de parole en public et à la rédaction d'un discours. Votre discours sera aussitôt commenté et corrigé tant par la Neuvième que par le public. Négliger cette opportunité est folie.

N'hésitez pas, et dites à Aurélie que vous venez de ma part.

mardi 20 février 2007

«Nos juges», une série de trois documentaires sur la justice

France 2 va diffuser à partir de ce jeudi 22 février une série de trois documentaires suivant le quotidien de trois juges, aux fonctions diverses, à trois stades de carrière différents.

Le premier épisode, « Le tribunal du désamour », diffusé ce jeudi à 22h50, est consacré à Isabelle Schmelck, vingt ans d’exercice, qui est juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de Créteil. Ses fonctions portent principalement sur deux points : les procédures de divorce, et les affaires liées à l'exercice de l'autorité parentale, le plus souvent la fixation d'un droit de visite et d'hébergement et d'une pension alimentaire. Les procédures de divorce supposent nécessairement l'intervention d'un avocat, pas celles sur l'autorité parentale. Les audiences se tiennent en cabinet, à huis clos, la juge assise à son bureau ne portant pas la robe.

Le deuxième, « La liberté sous conditions », sera diffusé mercredi 28 février, également en deuxième partie de soirée, suit Françoise-Léa Cramier, 28 ans, qui entre dans ses fonctions de juge d’application des peines à la sortie de l’Ecole de la Magistrature. Là aussi, ce sont des audiences en cabinet, juge sans robe. Beaucoup de décisions peuvent être prises sans même une audience (lorsqu'un prisonnier sollicite une libération conditionnelle et que le juge pense y faire droit, il peut se passer de l'audience). Son rôle se limite (si j'ose dire, c'est déjà considérable) aux mesures d'aménagement des peines : avant l'emprisonnement, envisager des alternatives, comme le placement sous bracelet électronique ou la semi détention (le condamné sort dans la journée pour aller travailler et dort en prison), si la peine ne dépasse pas un an. Pour les incarcérés, il décide des réductions de peines supplémentaires, des permissions, des libérations conditionnelles. <del>Il n'a aucune compétence pour modifier la peine elle même</del>(en fait, si) Il n'est pas un juge d'appel sur la peine : si un problème apparaît, c'est de la compétence de la juridiction ayant prononcé ladite peine. Il ne traite que des dossiers de condamnés, la culpabilité n'est jamais en débat. C'est un poste méconnu, ça peut être intéressant.

Le troisième et dernier, « Le tribunal de la vie ordinaire », diffusé le jeudi 1er mars, toujours sur France 2, toujours en deuxième partie de soirée, sera consacré à Pierre-François Martinot, 32 ans, juge d’instance à Châteaubriant, en Bretagne. Le tribunal d'instance juge les affaires civiles moyennes, portant sur une somme comprise entre 4000 et 10000 euros. En dessous, c'est le juge de proximité, au dessus, c'est le tribunal de grande instance. Le ministère d'avocat n'est pas obligatoire devant ce tribunal, on peut se représenter soi-même. Le tribunal d'instance juge également certaines affaires, quel qu'en soit le montant, car la loi lui en attribue la compétence : les affaires de baux d'habitation (sauf pour le remboursement du dépôt de garantie, c'est le juge de proximité), les affaires de crédit à la consommation, par exemple. Le juge d'instance est aussi juge des tutelles dans son ressort : il ouvre les procédures de mise sous tutelle ou curatelle et suit leur déroulement.

Je n'ai pas vu ces documentaires, j'en ignore la qualité. Mais je me devais de les signaler. Je tâcherai de les regarder et ouvrirai un billet consacré à chacun de ces épisodes pour que nous en discutions en commentaires.

Inside the délibéré

Comme annoncé, voici un billet d'une guest star,

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lundi 19 février 2007

En direct avec Ségolène Royal

A l'invitation de 20 minutes, quelques camarades de Lieu-Commun, à savoir Versac, Jules de Diner's Room Koztoujours et votre serviteur, sommes réunis à la rédaction de ce quotidien au prix imbattable pour ouir de conserve le grand oral de Ségolène Royal.

Mon audience m'ayant quelque peu retardé, je prends le train en marche, ayant fait une pause pour me sustenter.

Je guette évidemment les questions sur la justice. Nous nageons dans l'économie, avec un enfilage de perles qui doit mettre les éconoclastes en joie. Le déficit de la balance commerciale et le progrès technologique détruisent des emplois; car importer et mécaniser c'est mal. Cela n'empêche pas de vouloir relancer la consommation (mais défense d'acheter des biens importés) et de financer la recherche.

Tiens ? Ca fait deux fois que j'entends un patron de TPE (Très Petite Entreprise) affirmer la même énormité : quand on donne 1000 euros à un salarié, on paye 1000 euros en charge. Pour une TPE, les chiffres sont les suivants : Pour un SMIC de 1390 euros brut, les charges sont de 420 euros. Certes, c'est grâce au dispositif d'aide mis par François Fillon, mais toutes les TPE y ont droit.

C'est moi où la notion d'intérêt général semble avoir disparu du débat ? Je n'ois que revendication sectorielle sur revendication sectorielle. "Mon beau frère a une place de parking au soleil, en plein cagnard, c'est insupportable, que comptez vous faire ?". A cela répond un imperturbable : "Quelle bonne question, joliment posée."

22h07 : Voici la question du codéveloppement avec l'Afrique. La réponse porte sur l'éducation et la prévention dans les banlieues. j'ai dû rater un moment clef.

Ha non, le revoilà. J'apprends quelque chose : les mères qui embarquent dans les bateaux de la mort se plaignent de ne pas avoir accès au crédit-développement. Je vois mes dossiers de droit des étrangers sous un jour nouveau. On reconnaît là la conseillère de François Mitterrand sur l'Afrique.

22h15 : séquence vie privée. Quid de François Hollande ? Réponse sur sa féminité et l'originalité de sa candidature et sur un grandiloquent "Refonder le pacte démocratique". En élisant un président ?

Elle esquive totalement la question, je note. Même PPDA le remarque. Ha, in fine, elle est pour l'indépendance des hommes. Je transmets l'information à mon épouse.

22h20 : Une question sur l'ouverture : prendrez vous des talents à droite et à gauche ?

Je traduis la réponse : j'ai assez de gens à caser parmi mes soutiens pour aller en chercher ailleurs.

22h30 : la délinquence des mineurs et l'immigration. J'adore la mise en parallèle.

Sur les mineurs, j'apprends que les mineurs emprisonnés récidivent à 80%. D'où sort-elle cette énormité ? Le taux de récidive est toujours très bas, pour les mineurs comme pour les majeurs. Et le cliché mineur délinquant parents démissionnaires. Bon, il faut punir les délinquants, et promptement, et les aider à se réinsérer en les convaincant de faire des études. Qui ne pourrait être d'accord ?

Sur les étrangers, pas de régularisation massive, ça ferait naître de l'espoir chez les pauvres. Et c'est mal.

22h37 : Les prison, la cigarette et l'alcool. Allusion à l'abolition constitutionnelle de la peine de mort ? Solution : la régionalisation des prisons. Ca ressemble à : je refile le bébé aux régions, elles augmenteront les impôts à ma place. Si les prisons ne relèvent plsu de l'Etat, la focntio nrégalienne de punir, que lui restera-t-il ? L'interdiction de la cigarette ?

A Arbobo : C'est la règle du jeu qui veut qu'on réagisse sur l'instant. Et les propos tenus ne prêtent pas à l'analyse de fond, comme un programme par exemple. Autant s'amuser irrespectueusement. Mes camarades ne se gênent pas, eux.

22h43 : Voilà l'environnement. La biomasse, les biocarburants. Des solutions viables. Quant aux OGM : un morataoire. Ha, une énormité : les OGM so,t scandaleux car la France n'a pas transcrit la directive OGM et son principe de précaution. J'invite la candidate a relire la constitution, tout spécialement la Charte de l'environnement, votée par l'assemblée dont elle est membre, et le Traité sur la Communauté Européenne, où figurent ces deux principes. Les maires ne sont pas informés, ce n'est pas démocratique. La démocratie, c'est les autorités qui sont informées de tout. Je le note.

22h53 : Revoilà l'inégalité homme-femme et la carte scolaire. Tiens, j'ai rien retenu.

23h01 : L'insécurité. Toujours liée aux mineurs. Bon, si j'ai bien compris : pour la gauche, la délinquance c'est les mineurs, la réponse c'est l'école. Pour la droite, la délinquance, c'est l'immigration, la réponse c'est l'expulsion. Pour le centre, c''st quoi ? Et toujours ce goût des formules : remettre des services publics dans les banlieues. Il n'y en a jamais eu, la plupart du temps, mais je ne suis pas sur que de là vient le problème.

A Schloren : Oui, elle est plus à l'aise. Je suis d'accord. Ca ne rend pas ce qu'elle dit plus profond. Nous jouons actuellement à finir ses phrases avant elle.

23h10 : Ha, c'est fini.

23h15 : Proposition de live blogging sur Confessions Intimes. Qui a dit "C'est pas ce qu'on vient de regarder ?"/

dimanche 18 février 2007

Tizeur

Une riche semaine s'annonce sur mon blogue.

Le décryptage du programme de Nicolas Sarkozy en matière de justice sera le pavé de la semaine.

Une guest star bien connue de mes lecteurs fidèles fera son apparition et vous proposera de découvrir un délibéré de cour d'assises depuis l'intérieur, en excellent complément de mes trois billets (un, deux, trois, trois bis) sur ce thème.

Lundi soir, si les juges devant lesquels j'aurai l'honneur de plaider demain me libèrent à temps (et tant qu'à faire font de même avec mon client), je devrais retrouver quelques camarades de Lieu-Commun pour faire du live-blogging sur le grand oral de Ségolène Royal sur TF1 (hébergés par 20minutes, je ne connais pas encore l'URL).

J'espère que la perspective de ces lectures pantagruéliques vous fera me pardonner mon probable silence de demain, due à l'affaire précitée. Ondes positives bienvenues, ma tâche ne sera pas aisée.

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