Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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lundi 7 mai 2007

Parce qu'il va falloir continuer à vivre ensemble

C'est terminé. Le peuple s'est exprimé et Nicolas Sarkozy sera le prochain président de la République. Plus rien ne permet de revenir là-dessus, et il n'y a aucune raison. Cette élection, contrairement à la précédente, a été irréprochable dans son déroulement, et tant la participation massive que l'écart considérable donne au vainqueur une légitimité incontestable.

Maintenant que les braises des passions s'éteignent, il est temps de jeter un regard apaisé sur cette campagne.

Le premier bilan que j'en tire est bien sûr l'effondrement des extrêmes. Naturellement, il y a encore du chemin à faire pour que le Front national redevienne un micro-parti, mais hormis quelques soubresauts, je crois que c'en est fini de ce phénomène politique. D'une part, la chute des voix lepénistes n'est pas due à l'abstention : en nombre de voix, c'est près d'un million de suffrage qu'a perdu Jean-Marie Le Pen. Et il semblerait que seuls 3% des électeurs de Le Pen aient respecté la consigne de s'abstenir au second tour[1]. Jean-Marie Le Pen ne tient plus ses électeurs. Son apparition hier soir, où il n'a même pas pris la peine de se lever, et ses propos très acides sonnaient comme un requiem. L'extrême gauche au total ne fait guère mieux que le FN, et c'est la fin d'une supercherie : ceux qui revendiquaient au nom de l'anti-libéralisme une légitimité populaire issue du referendum de 2005 se sont tous présentés à l'élection, ce qui a permis de compter leurs voix et de voir ce qu'ils représentent vraiment. José Bové, pour qui vous savez mon affection toute particulière, a même fait au premier tour, dans sa commune, Pierrefiche (Aveyron) le score de... deux voix.

Au delà de ces satisfactions personnelles, la démocratie se porte mieux en France, et sa guérison a été extraordinairement rapide. Le manque de renouvellement du personnel politique semblait être la cause de cette langueur : songez que c'est la première fois depuis 26 ans qu'il n'y a avait pas un bulletin au nom de Jacques Chirac lors d'une élection présidentielle.

Pour le PS, le mot d'ordre va être Vae victis : malheur au vaincu. Hier soir, les caciques du PS appelaient à la rénovation et au changement. Fort bien, mais après cinq années d'opposition, n'était-ce déjà pas à eux d'opérer une rénovation pour proposer le changement ? François Hollande devrait être la première victime de cette élection. Devrait au sens de devoir, pas au sens de prédiction. Il soutenait Delors en 1995, Jospin en 2002, Royal en 2007, il serait peut être temps de passer la main. Ce d'autant qu'il a sans doute une responsabilité personnelle dans cette défaite. De manière générale, en empêchant tout aggiornaméntto au sein du PS, avec son obsession de la synthèse au nom de l'unité, il a fait du PS une structure trop étirée entre le centre (tendances DSK et Bockel) et la gauche (tendance Emmanuelli et depuis peu Fabius) et donc fragile, tel point que Ségolène Royal a ostensiblement refusé de s'appuyer dessus pour sa campagne. D'une manière particulière, par ses déclarations à l'emporte-pièce, comme la fameuse déclaration sur les augmentations d'impôt pour les plus de 4000 euros par mois de revenus en janvier 2007, qui a fait perdre 5 points à Ségolène Royal, la faisant franchir la barre des 30%, barre qu'elle ne retrouvera jamais.

L'électorat a envoyé un message clair lors de cette élection : chute des extrêmes, score élevé du centre, le tout avec une participation historique. La France veut un gouvernement modéré. Le PS refuse de tourner le dos à l'extrême gauche, qui continue à exercer un ministère moral sur lui en refusant de participer au pouvoir (Olivier Besancenot a d'emblée décliné tout poste ministériel en cas de victoire de Ségolène Royal malgré ses 4%). Ségolène Royal lui a pourtant rendu hommage en approuvant son slogan "Nos vies valent plus que leurs profits", juste avant d'aller à la pêche à l'électorat centriste. Voilà le genre de contradictions dont le PS doit faire table rase, car rien n'effarouche plus un centriste qu'un trotskyste (et réciproquement).

Enfin, tous les candidats d'extrême gauche (plus les verts, qui n'en font pas partie à mon sens) se sont ralliés immédiatement et inconditionnellement à Ségolène Royal, même Arlette Laguiller qui avait refusé d'appeler à voter contre Le Pen en 2002. Et pourtant, le PS a largement perdu. Si avec tout ça le PS ne comprend pas que l'extrême gauche est plus un boulet qu'un allié, il se condamne à une longue cure d'opposition.

La pratique de la démocratie interne au sein du PS se révèle décidément problématique. Ca fait très bien de laisser les adhérents décider mais quand on voit que les adhérents avaient voté pour le soutien au TCE en 2005 avant de tourner casaque, et ont désigné Ségolène Royal non par adhésion (sauf Hugues, bien sûr) pour son projet mais parce que les sondages lui prédisaient la victoire, la méthode parait peu productive : tout au plus permet-elle au premier secrétaire de plaider l'irresponsabilité et le respect du vote des adhérents.

Et du côté de l'UMP ? C'est, enfin, la fin de l'ère Chirac. Qui a fait, avec Mitterrand, tant de mal à la 5e république. Si je devais conserver deux souvenirs de ces mandats pour en symboliser l'inefficacité brouillonne, ce serait la dissolution de 1997, et, moins spectaculaire mais pourtant si représentatifs, la lamentable conclusion de l'affaire du CPE, avec un premier ministre qui engage la responsabilité de son gouvernement sur un texte qu'il demande ensuite au président de promulguer sans le faire appliquer le temps que le texte soit modifié. Les mécanismes institutionnels dévoyés afin d'assurer l'irresponsabilité politique des proches du chef de l'Etat. Bref : bon débarras.

L'UMP a réussi un exploit : afficher ses divisions, tant la lutte chiraquiens-sarkozistes a été visible, permettre à un autre courant que le courant majoritaire de prendre le pouvoir au sein du parti jusqu'à s'imposer à la présidentielle contre le patriarche, poussé à la retraite. La page de la droite la plus bête du monde semble tournée. Et l'UMP, héritier du RPR, parti godillot par excellence, semble plus démocratique que le PS qui a beau faire voter ses adhérents pour ses grandes orientations mais n'en garde pas moins ses éléphants (Laurent Fabius affichait dès hier ses ambitions : rappelons qu'il était ministre du premier gouvernement Mitterrand, premier ministre il y a vingt deux ans et président de l'assemblée nationale il y a dix neuf ans et à nouveau il y a dix ans, avant de succéder à DSK, autre éléphant, à Bercy).

A présent, c'est la bataille des législatives qui commence. Le PS part perdant, tant il est improbable que les Français votent une cohabitation après avoir plébiscité Sarkozy. Est-ce Ségolène Royal qui va mener la bataille, au risque de devenir le Général aux deux défaites (la seconde s'annonçant cuisante) ? Quel va être le rôle de François Bayrou, et de son Mouvement Démocrate ?

Les mois à venir s'annoncent passionnants tout en étant moins passionnés, et saignants rue de Solférino.

Un dernier mot aux électeurs déçus qui redoutaient l'élection de Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy n'est pas le fasciste ultralibéral qu'on vous a vendu (exemple ici, en image), tout comme Ségolène Royal n'était pas la cruche incompétente dont on a dressé le portrait aux électeurs de droite. Tout comme Mitterrand en 1981 n'était pas vendu au bloc soviétique, et que Chirac n'est pas promis aux geôles de la République dans les semaines à venir. La personnalisation très forte des élections présidentielles pousse à générer des sentiments personnels violents à l'égard des candidats. Ce sera encore le cas en 2007. La victoire a parfois ce prix, mais il est élevé pour les désappointés. Il va nous falloir vivre ensemble pendant cinq ans. Les heureux comme les malheureux, les sereins comme les inquiets.

Le choix du second tour ne s'est pas opéré entre le mauvais et le pire. Les trois meilleurs candidats étaient bien ceux arrivés en tête. Je continuerai pour ma part à me moquer des bourdes du législateur, à m'indigner des pratiques douteuses de l'administration, et à vous raconter comment ça se passe sur le front judiciaire. Et je ne désespère pas d'avoir quelques coups de chapeaux à donner à nos futurs dirigeants. Dans tous les cas, vos avis m'intéresseront.

Et puis vous n'aurez qu'à m'élire en 2012, comme ça,tout le monde sera content.

Notes

[1] Source : Jean-Marc LECHE (désolé pour la faute d'orthographe sur son nom), directeur d'IPSOS, interviewé sur Canal + ce matin.

vendredi 4 mai 2007

None shall pass !

Imaginez un peu. Une scientifique africaine, spécialiste du SIDA, est invitée à une conférence internationale sur cette maladie se tenant aux Etats-Unis, où un message de bienvenue du Président en personne est adressé aux participants. Elle a son visa en règle, un billet aller-retour conformément à la loi américaine, tout bien, quoi.

A son arrivée à l'aéroport JFK, un policier américain décide de lui refuser l'entrée sur les sol américain, car son billet retour est postérieur à la date de validité de son visa, et qu'elle n'a pas la preuve de son inscription à la réunion. Elle explique qu'il s'agit d'un billet ouvert, c'est à dire dont la date peut être modifiée, car le consulat américain ne délivre un visa qu'au vu d'un billet d'avion aller-retour, et que les inscriptions à la conférence se prennent sur place.

Rien n'y fait, le fonctionnaire fédéral sourcilleux maintient son refus, et elle passera trente heures dans un local de l'aéroport, puis dans une sorte de prison qui ne dit pas son nom aménagée dans un recoin du terminal, sans avoir eu le droit de demander à voir un juge, avant que sa famille aux Etats-Unis, et les organisateurs de la réunion n'arrivent à la sortir de là en prouvant aux policiers qu'elle ne mentait pas.

Preuve une fois de plus que l'Amérique de Bush n'est plus une démocratie à cause du Patriot Act et de fonctionnaires qui voient des suspects sur tout ce qui est un peu trop sombre de peau ?

Sauf que manque de pot, c'est arrivé en France.

«Le 29 mars 2007, raconte ce médecin, j'atterris à 6 h 20 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Au poste de contrôle de police, je suis arrêtée par un policier, sans aucun motif. Il m'amène dans un petit bureau où se trouvent d'autres policiers et des passagers. Il me fait attendre pendant trois heures. Sans un mot. Deux jeunes policières me fouillent ensuite dans les toilettes et, sans explication, me prennent tous mes papiers. Je leur explique, pourtant, le motif de mon voyage, mais elles ne me répondent pas.» Ensuite ? «Un autre policier m'ordonne de signer des papiers sur lesquels est écrit : "Refus d'entrée".» La raison ? «Il me dit que ma date de retour dépasse celle du séjour qui figure sur le visa, et que je ne suis pas inscrite pour la prétendue conférence. Je leur explique que dans mon pays, le Mali, il faut présenter un billet d'avion de retour au consulat de France pour obtenir un visa d'entrée, que la Société Bristol-Myers Squibb, qui a pris mon billet, l'a laissé ouvert jusqu'à un mois, et que, lorsque j'ai obtenu un visa de sept jours, j'ai raccourci mon séjour en France, et qu'enfin, les inscriptions définitives à la conférence se font sur place.» Bref, tout est clair et il n'y a aucune embrouille. «Mais ils n'ont rien voulu comprendre, ils m'ont enfermée dans une petite pièce. On ne pouvait pas se tenir assis, et on m'a dit que je prendrai le vol Air France du même après-midi sur Bamako... J'ai dit aux policiers que j'avais de la famille à Paris. Ils m'ont transférée au centre de rétention de l'aéroport, où je suis restée quatre heures, sans accès à une chambre. Dans l'après-midi, trois policiers sont venus me chercher, m'ont ramenée à l'aéroport pour l'embarquement. Arrivée au contrôle de police des frontières, j'ai cherché à voir un officier de police. Par chance, l'un d'eux s'est arrêté pour écouter mon histoire, et m'a donné raison. Il m'a dit de ne pas embarquer. Il a ordonné aux policiers de mettre un téléphone à ma disposition pour appeler ma famille à Paris et en Afrique.»

Ca ne s'arrêtera pas là malheureusement. Lisez l'article pour la suite.

Bref commentaire : ce médecin a fait l'objet d'un refus d'admission. C'est une décision privative de liberté, prise par les policiers de la Police Aux Frontières (PAF, ça ne s'invente pas) Elle n'a pas été transférée dans un centre de rétention (puisque techniquement elle n'était pas entrée en France) mais dans une Zone d'attente, les fameuses ZAPI. C'est une procédure classique, qui est utilisée quotidiennement. Si ce médecin n'avait pas eu de la famille en France, elle aurait probablement été réacheminée au Mali, au besoin menottée.

Là où par contre j'émets une réserve sur cet article, c'est quand il ajoute :

Un détail, encore : «Les policiers qui m'ont reconduite du centre de rétention au poste de police du terminal, visiblement déçus de me voir revenir pour une libération et pas pour un rembarquement, ont conspué leurs collègues du centre de rétention, accusés de faiblesse.»

Ce n'est pas du tout crédible. Les policiers de la PAF ne sont pas des capos acrimonieux. Ce sont des fonctionnaires de police qui font leur métier, pas toujours sans états d'âme, mais quand ça arrive, ils les planquent sous leur képi. Qu'un étranger soit finalement remis en liberté sur ordre de la hiérarchie ou réacheminé, ils s'en moquent. Ils n'ont pas de prime à l'expulsé, ni un gage par étranger qui parvient à entrer. Et les policiers en poste à la ZAPI n'ont pas plus ou moins compétence que ceux en poste au terminal pour décider de libérer, c'est une question de hiérarchie.

Ils appliquent la loi, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Avec parfois trop de zèle, comme ici ? Sans doute. Mais ce zèle, c'est le législateur et leur ministre de tutelle (l'Intérieur) qui leur demande. En notre nom à tous. Ne déchargeons pas notre responsabilité sur ceux qui obéissent aux ordres.

jeudi 3 mai 2007

Pourquoi le fraudeur de la gare du nord ne fera pas appel

Avec un contraste saisissant par rapport au battage médiatique d'alors, le fraudeur de la gare du nord dont l'interpellation avait entraîné de graves désordres à la fin du mois de mars a été jugé hier par le tribunal correctionnel de Paris. D'où l'intérêt de renvoyer le jugement à une date ultérieure, pour que les esprits soient calmés. La presse était présente, néanmoins, et Libération propose un petit résumé d'audience comme ce journal sait si bien les faire (on a l'ambiance mais pas le droit).

Les qualifications retenues étaient : violences volontaires aggravées (des coups ayant entraîné 6 jours d'incapacité totale de travail, contravention de 5e classe, mais sur un agent de la RATP, ce qui en fait un délit), rébellion (résister par la violence à une personne chargée d'une mission de service public) et menaces de mort.

Le prévenu a été condamné à six mois de prison ferme.

C'est une peine se situant dans la fourchette haute de ce qui est habituellement prononcé : le casier judiciaire du prévenu mentionnait sept condamnations, mais aucune qui ne constituait une récidive semble-t-il. Le tribunal a-t-il tenu compte des événements postérieurs à son arrestation ? Sans nul doute. Quand bien même il n'était pas mêlé aux faits qui ont suivi, un tribunal ne juge pas une rébellion sans conséquence et une rébellion qui aboutit au saccage de plusieurs commerces et à de graves violences contre des policiers de la même façon.

Une condamnation sévère, sans être démesurée.

Pourtant, le condamné ne fera pas appel. Pourquoi ?

C'est probablement en accord avec son avocat, qui a dû faire le calcul suivant.

En cas d'appel, le client est maintenu en détention. Vu le trouble exceptionnel à l'ordre public causé par l'infraction, il n'y a aucune chance pour une mise en liberté. Par contre, il y a de fortes chances que le parquet général oriente cette affaire vers l'autre 10e chambre, avec un risque non négligeable d'aggravation s'il n'y a pas des motifs solides de faire appel. Je précise que "Je trouve que la peine est trop sévère" n'est pas considéré comme un motif sérieux de faire appel, la cour d'appel estimant que les juges du tribunal sont plus qualifiés pour la jauger que le prévenu lui même. En tout état de cause, avec les délais d'audiencement, l'appel sera jugé dans six mois, soit quand le prévenu sera libérable, l'effet suspensif de l'appel l'ayant privé du bénéfice des réductions de peine (puisqu'il est en détention provisoire, et non en exécution de peine).

Autre branche de l'alternative : pas d'appel. Dans 10 jours, la peine devient définitive. Il bénéficiera des réductions de peine, 7 jours par mois soit 42 jours. Il a été incarcéré le 30 mars, de mémoire, donc a déjà effectué un mois. Ca nous fait donc :

30 mars + 6 mois : 30 septembre. Moins 42 jours de réduction de peine : date de sortie le 18 août. Avec la grâce du 14 juillet, il devrait bénéficier d'un mois supplémentaire : sortie le 18 juillet. Soit dans deux mois et demi. Sachant qu'à mi peine, soit mi-juin, il pourra solliciter du juge d'application des peines une libération conditionnelle, s'il a un bon dossier pour cela (ce que j'ignore). Il a un mois et demi pour monter son dossier, chercher un travail, réunir les justificatifs, ce ne sera pas trop long.

Bref, son avocat l'a très bien conseillé en lui disant de ne pas faire appel.

C'est aussi à ça que nous servons. A montrer à nos clients que l'appel n'est pas forcément la solution, et à évaluer les conséquences des choix que la procédure nous offre pour évaluer lequel est le plus conforme à l'intérêt bien compris de notre client.

mercredi 2 mai 2007

Le grand duel de ce soir

Milan AC : 3 ; Manchester United : 0.

La classification tripartite des infractions

Après mon billet sur les sursis, j'avais envie de vous expliquer ce qu'est exactement la récidive au sens légal, mais je me rends compte qu'un préalable est indispensable pour la clarté de l'exposé. Ce préalable porte sur un point fondamental du droit pénal français, la classification tripartite des infractions. Maîtriser ce concept très simple rendra mes billets sur le droit pénal bien plus compréhensibles.

En droit pénal, on appelle infraction tout acte ou abstention d'agir qui est puni par la loi d'une peine. Traverser en dehors des clous ou commettre un génocide sont des infractions.

La loi répartit les infractions en trois catégories : c'est la classification (la répartition) tripartite (en trois) des infractions. Le critère est celui de la gravité de l'acte, qui se traduit par la peine encourue. Pour savoir à quelle catégorie appartient une infraction, il suffit de regarder quelle peine elle fait encourir. Rappel important : le code pénal ne donne que le maximum de la peine, le juge est libre de descendre en dessous, le minimum étant un euro d'amende et un jour de prison (sauf dans deux cas, nous allons le voir).

Ces catégories sont : les contraventions, les délits et les crimes. Chacune de ces catégories est divisée en échelle de peines, le législateur choisissant quand il définit une infraction l'échelon qui lui paraît le plus approprié compte tenu de sa gravité. Il peut aussi décider de changer une infraction d'échelon sans changer sa définition pour faire passer aux juges le message d'une plus grande sévérité.

La plus grave est la catégorie des crimes. Les crimes sont punis de prison, et parfois d'une amende, mais c'est rare. On est dans des cas d'atteinte tellement grave à l'ordre social que seule une longue privation de liberté est adéquate pour la réparer : viols, homicides, terrorisme, grand banditisme. L'échelle des peines (posée à l'article 131-1 du code pénal) commence à quinze années encourues, puis monte à vingt années, trente années, et se termine sur le dernier échelon : la perpétuité. On parle d'ailleurs non pas d'emprisonnement mais de réclusion criminelle. C'est ici que sont les deux exceptions au principe que le juge peut descendre aussi bas qu'il le souhaite. Un crime ne peut être puni de moins d'un an d'emprisonnement, et de moins de deux ans quand il est puni de la perpétuité.

Par exemple, les coups mortels, ou violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-7 du code pénal), sont passibles de 15 années de réclusion criminelle (premier échelon), le meurtre (article 221-1 du code pénal) de 30 années de réclusion criminelle, l'assassinat (qui est le meurtre avec préméditation) de la perpétuité (article 221-3 du code pénal).

Les délits sont une catégorie intermédiaire : on n'est pas dans la gravité du crime, mais la privation de liberté doit parfois être prononcée : ce sont les violences volontaires, les vols, les escroqueries... La catégorie est vaste. Les délits sont punis de peines d'amende et d'emprisonnement[1] (on ne parle pas de réclusion quand la peine est inférieure ou égale à dix années, même si elle est prononcée par la cour d'assises), parfois d'amende seulement, mais de très fort montants (le délit de publication d'information sur les résultats d'une élection avant la fermeture des bureaux de vote est un délit puni seulement d'une peine d'amende, mais de 75.000 euros quand même). L'échelle des peines (article 131-4 du code pénal) est la suivante : 6 mois, un an, deux ans, trois ans, cinq ans, sept ans et dix ans. Il n'y a pas d'échelle pour l'amende délictuelle, le législateur fixe le montant librement.

Les délits passibles de dix années d'emprisonnement sont un peu à part, on est dans le quasi-crime, et la loi les assimile parfois à des crimes, comme pour la récidive par exemple.

La consommation de stupéfiant (article L.3421-1 du code de la santé publique) est punie d'un an de prison et 3750 euros d'amende, le vol simple (article 311-3 du code pénal) est puni de trois années d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende, l'escroquerie (art. 313-1 du code pénal) de cinq années et 75.000 euros d'amende, l'extorsion (art. 312-1 du code pénal) de sept années et 100.000 euros d'amende, et le trafic de stupéfiant (art. 222-37 du code pénal), de 10 années d'emprisonnement et de 7.500.000 euros d'amende (oui, sept millions et demi).

Les contraventions sont les infractions les moins graves et aussi les plus fréquentes. Contrairement à son acception la plus répandue, la contravention n'est pas limitée au domaine de la circulation routière, même si le Code de la route est une mine inépuisable de contraventions et que ce sont celles auxquelles nous sommes le plus fréquemment confrontés. Le Code du travail en contient aussi beaucoup (notamment les règles en matière d'hygiène et de sécurité et de représentation du personnel), le code de la consommation (règles d'affichage des prix et de conservation des denrées) et le code pénal aussi. Les contraventions ne sont passibles que de peines d'amende. L'échelle des peines est ici plus visible puisque les contraventions sont réparties en cinq classes, la définition des contraventions se contentant de dire "sera puni des peines prévues pour les contravention de troisième classe le fait de...". Cette échelle (article 131-13 du code pénal) est la suivante : 38 euros (1e classe), 150 euros (2e classe), 450 euros (3e classe), 750 euros (4e classe), et 1500 euros (5e classe). Les contraventions de 5e classe sont des presque-délits et traités comme tels : ils sont jugés non pas par le juge de proximité mais par un juge professionnel, le juge de police, et la récidive peut exister sur une contravention de 5e classe si la loi le prévoit.

Traverser en dehors des clous (art. R.412-43 du code de la route) est une amende de la 1e classe, de même que l'injure non publique non précédée de provocation (article R.621-2 du code pénal), les violences n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sont une contravention de la 4e classe (article R.625-1 du code pénal), les dégradations légères, de la cinquième classe (art. R. 635-1 du code pénal).

Les conséquences de cette classification sont très importantes. Je ne vais pas vous en faire la liste, mais la conséquence essentielle est procédurale : les crimes sont jugés par la cour d'assises, trois juges et neuf jurés, et une instruction judiciaire est obligatoire (seul le juge d'instruction peut saisir la cour d'assises). Les délits sont jugés par le tribunal correctionnel (trois juges en principe, les délits les poins graves sont jugés par un juge unique), et l'instruction judiciaire est facultative et n'est utilisée que pour les affaires complexes. Les contraventions sont jugées par la juridiction de proximité pour les quatre première classes, par le juge de police pour la cinquième classe, toujours à juge unique, et l'instruction judiciaire est possible, mais exceptionnelle.

Notons enfin que les même faits peuvent traverser tout l'éventail des infractions selon leur gravité. Prenons l'exemple des violences volontaires : A frappe B.

Hypothèse 1 : A met une gifle à B, qui a juste la joue un peu rouge et son orgueil froissé, c'est une contravention de 4e classe (750 euros d'amende encourue) jugée par la juridiction de proximité. Article R.624-1 du code pénal.

Hypothèse 2 : Cette fois, A a fermé sa main et a donné un coup de poing, qui inflige à B cinq jours d'incapacité totale de travail : c'est une contravention de 5e classe, 1500 euros d'amende encourue, jugée par le tribunal de police. Article R.625-1 du code pénal.

Hypothèse 3 : Le coup de poing a été porté sur le nez qui s'est cassé : 10 jours d'incapacité totale de travail. C'est un délit, passible de trois années d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, jugé par le tribunal correctionnel, qui peut siéger à juge unique. Article 222-11 du code pénal.

Hypothèse 4 : Le coup de poing a crevé l'oeil de B. Ce sont des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. C'est un délit, passible de dix années d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende (et la prison ferme devient probable même en l'absence de casier judiciaire), jugé par le tribunal correctionnel, obligatoirement en formation collégiale (trois juges). Article 222-9 du code pénal.

Hypothèse 5 : Le coup de poing a provoqué une hémorragie cérébrale et B est mort. Ce sont des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner : quinze années de réclusion criminelle encourue, instruction judiciaire obligatoire, puis jugement par la cour d'assises. Article 222-7 du code pénal.

Voilà, en résumé, retenez que le terme "infraction" est générique, que la contravention est passible d'amende, les délits de 10 ans de prison maximum, et que les crimes vont de 15 ans à la perpétuité et sont jugés par la cour d'assises. Vous serez armés pour chercher dans les articles de journaux les incorrections de vocabulaire commises par les journalistes, et pour bien comprendre les règles de la récidive au sens légal.

Notes

[1] J'ajoute pour que mon propos soit complet que la loi prévoit que le juge peut prononcer des peines d'une autre nature que l'emprisonnement ou l'amende, comme le jour amende, le stage de citoyenneté, la sanction-réparation, mais ces peines sont rarement utilisées et sortent du sujet de ce billet.

lundi 30 avril 2007

Bienvenida a Sofia

J'avais en son temps entretenu mes lecteurs d'une possible crise dynastique et constitutionnelle au pays de Cervantes.

Vous pouvez soupirer d'aise : la Princesse des Asturies, Doña Leticia Ortiz Rocasolano, a donné naissance hier à 17h28 à une deuxième fille, Sofía de Todos los Santos de Borbón y Ortiz, du prénom de sa grand mère la reine d'Espagne, Doña Sofía Margaríta Viktoría Frederíki Glýksbourgk de Grèce et du Danemark, reine d'Espagne (appelons la Sofia tout court, si vous le voulez bien).

La Princesse d'Asturie ayant pour le moment décidé de lever le pied sur la production de progéniture couronnée, le président du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero n'est plus pris à la gorge pour une éventuelle réforme de la Constitution, et tout semble indiquer que c'est bien sa grande soeur l'infante Leonor de Todos los Santos de Borbón y Ortiz, future 36e princesse des Asturies, Princesse de Viana, Princesse de Gérone, Duchesse de Montblanc (pas les stylos, c'est en Catalogne, province de Tarragone), Comtesse de Cervera y Seigneuresse de Balaguer, qui montera sur le trône quand Dieu l'aura décidé.

Pas encore de photographie officielle.

Je sais que l'évolution de la situation vous préoccupait tous. Vous pouvez maintenant vous concentrer l'esprit libre sur les sujets plus anodins comme les élections de dimanche prochain.

vendredi 27 avril 2007

Leçon de droit européen pour un futur président de la République

Nicolas Sarkozy appelle à l'aide. Il y a encore des choses qu'il ne comprend pas, bien que de son propre aveu elles soient beaucoup moins compliquées qu'on ne le dit aux français (c'est vrai), et ce à trois semaines de son éventuelle prise de fonctions. Evidemment, s'il demande à des journalistes, il ne risque pas d'avoir de réponse.

Heureusement, votre serviteur veille et est prêt à voler à son secours.

L'impôt sur les sociétés est une ressource propre à un pays. L'Union Européenne n'a pas son mot à dire là dessus.

La TVA, en revanche, est une des sources de financement de l'Union Européenne. Chaque pays lui en reverse une quote part. L'Union Européenne a donc son mot à dire là dessus.

Son budget provient en effet de trois recettes : les droits de douane perçues sur les importations dans l'UE, une contribution directe de chaque Etat proportionnelle à son PNB (la plus grosse recette, et de loin), et d'une quote part de la TVA perçue par ces pays. Cela a été fixé par une décision du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés (qu'on appelle désormais Union Européenne). Il s'agit de poser des règles stables pour assurer les recettes de l'Union Européenne, afin d'éviter des négociations à répétition ou chaque pays tenterait de tirer son épingle du jeu en faisant payer les autres (les Anglais sont très forts à ce jeu).

C'est l'article 269, alinéa 2 du Traité CE (version de Nice) qui pose le principe que :

Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête les dispositions relatives au système des ressources propres de la Communauté dont il recommande l’adoption par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Une directive de 1977 fixe les règles applicables à la TVA. Elle se répartit en trois taux, que chaque Etat fixe librement le taux sous réserve de respecter des minima et maxima. Le taux super réduit (5% maximum, il est de 2,1% en France, sur les médicaments par exemple), le taux réduit (Minimum 5%, il est en France de 5,5%, sur les produits alimentaires par exemple) et le taux normal (15% minimum, mais je crois que ce minimum n'existe plus ; il est en France de 19,6%, sur les honoraires d'avocat par exemple). Les taux sur les produits de luxe (33% en France) ont été supprimés. Vous avez ici le tableau des taux pratiqués dans les pays de l'UE.

La France peut donc librement fixer le taux de sa TVA. Elle peut baisser la TVA sur la restauration, mais à condition d'appliquer cette baisse à toutes les autres activités économiques (dont la mienne). Mais pour faire passer un secteur (la restauration) du domaine du taux normal au taux réduit, ou pour lui appliquer un mécanisme dérogatoire, il faut l'accord unanime des 27 pays membres (article 269 du Traité CE), car cela a des conséquences sur le budget de l'Union Européenne, avec à la clef une nécessité de rééquilibrer celui-ci (car le budget de l'UE ne peut pas être déficitaire, lui) en augmentant les autres ressources. Les 26 autres pays supporteront le coût de ce cadeau aux restaurateurs, il est normal qu'ils aient leur mot à dire.

C'est pas plus compliqué que ça.

Mise à jour :En fait, si. La plaie de ce blog est qu'il a de trop bons commentateurs. Des précisions et rectifications pertinentes ont été apportées ci-dessous sur les raisons de la compétence européenne sur la TVA. Pour les perfectionnistes, lisez les, surtout celui-ci.

Mais bon, on ne peut pas en vouloir à Nicolas Sarkozy. Ce n'est pas comme s'il avait été ministre des Finances de mars à novembre 2004, et ministre du budget de 1993 à 1995, non plus, hein.

Deux remarques finales, pour expliquer mon agacement face à ces propos :

Encore une fois, on retombe dans l'antienne "l'Europe, bureaucratie incompréhensible qui entrave l'essor économique de la France" qui est l'excuse préférée des gouvernements français pour justifier leurs échecs et leurs promesses non tenues. De la part de quelqu'un qui, par les fonctions qu'il a exercées, ne peut ignorer ce qu'il en est, ce mensonge conscient est de la démagogie.

De plus, le Président de la République est garant du respect des Traités (article 3 de la Constitution). Or la TVA au niveau de l'Europe, ça vient d'un traité, et pas le moindre. Que le possible futur président feigne de ne pas comprendre ce traité a de quoi laisser circonspect.

Enfin, il y a une question d'égalité de traitement. Imaginez un seul instant que Ségolène Royal ait dit cela. Que n'entendrions-nous pas ! Quelle incompétente, elle est bête comme ses pieds, ignorante, elle ne comprend rien à rien et est inapte à présider la France. Mais que Nicolas Sarkozy le dise, fasse une analogie qui ne tient pas la route, et se contente pour conclure de "On va changer les règles parce que c'est pas possible", et ça passe.

Et bien non, ça ne passe pas. Je ne peux pas accepter qu'on joue avec l'Europe comme on joue avec des allumettes. On a déjà payé très cher ce petit jeu il y a deux ans.

Ha, et comme je sais que je vais me faire traiter de Ségoléniste par les Sarkozistes, ce qui me changera un peu mais guère des Ségolénistes qui me traitaient de Sarkozistes, je modère les commentaires sous ce billet. Ne vous fatiguez pas à déblatérer vos slogans, ils partiront à la poubelle sans même que je lise jusqu'au bout.

mardi 24 avril 2007

Bref retour sur les 500 signatures

Alors que tout le monde n'a d'yeux que pour l'avenir, il est bon parfois de regarder en arrière et de revenir sur les débats qui ont eu lieu il y a quelques mois.

Souvenez vous des critiques adressées au système des 500 signatures, anti-démocratique, et qui empêcherait les candidats non issus d'un parti d'accéder à la candidature, outre la controverse sur la publication des noms des parrains qui serait de nature à dissuader les présentations.

Et bien, qu'est ce que les faits nous ont appris ?

Tout d'abord, que malgré un appel à la discipline des partis à l'attention de leurs élus, douze candidats ont pu réunir les 500 parrainages, y compris monsieur Le Pen, qui n'a même pas eu à utiliser sa faculté de se présenter lui même en tant que parlementaire européen.

Que les huit candidats arrivés derniers totalisent 13,64% des suffrages. Chacun de ces candidats touchant 153.000 euros de l'Etat pour leurs frais de campagne, outre les dépenses prises en charge directement ou remboursées hors forfait (la réalisation des horribles clips de la campagne officielle, l'impression des bulletins de vote, des affiches et professions de foi), on peut légitimement s'interroger sur la nécessité pour la démocratie de telles dépenses à la charge du contribuable, surtout à l'égard de candidats obtenant moins de 500.000 voix, voire 124.000 pour Monsieur Gérard Schivardi (soit 1,23 euros par voix obtenue).

Une proposition de réformes parmi d'autres [Mise à jour : que je ne soutiens pas du tout, je me contente de rappeler son existence. Elle venait d'Olivier Besanceont je crois.] était de substituer aux présentations un parrainage civique d'un million d'électeurs. En supposant que tout ceux présentant un candidat votent pour lui, un seul de ces petits candidats a atteint un million de suffrages, Monsieur Olivier Besancenot, avec 1.498.780 voix (4,08%). Le suivant étant Monsieur Philippe de Villiers, avec 818.645 voix (2,23%). Bref, cette réforme aurait réduit à cinq le nombre des candidats, alors qu'elle visait à faciliter l'accès à la candidature.

De plus, la publication de la liste des parrains a eu lieu au journal officiel du 25 mars 2007 dans une indifférence totale, qui contraste avec l'émotion de certains candidats qui voyaient là une manoeuvre visant à leur barrer l'accès à l'élection.

Enfin, leçon la plus importante, quand on dit que j'écris n'importe quoi sur mon blog, on se prend une taule aux élections et on risque la taule après les élections.

Pour 2012, à bon entendeur...

dimanche 22 avril 2007

La béatitude du citoyen actif

Le président : Bonjour Monsieur. Alors voyons... (regardant la carte d'électeur) Numéro 766.

(Bruit de pages qui se tournent)

L'assesseur : 764, 765, ha, voilà, 766. EOLAS, Maître, Gustave, Raymond, Pancrace.

Le président, regardant la carte nationale d'identité : C'est bien ça. PEUT VOTER...

Le président du bureau de vote ouvre la fente de l'urne, une enveloppe s'y glisse et tombe silencieusement aux côtés de ses soeurs jumelles.

Le président : A VOTÉ !

L'assesseur : Monsieur, veuillez émarger ici à côté de votre nom.

L'électeur, d'un ton cassant : Je n'émarge pas, je signe la liste d'émargement (art. L.62-1 alinéa 3 du code électoral).

Sous les regards médusés du président et de l'assesseur, l'électeur, arborant sur son visage le sourire satisfait de celui qui a accompli son devoir et fait respecter la loi, se dirige vers la sortie, où il n'oubliera pas de reprendre ses armes qu'il avait laissé là en entrant.

vendredi 20 avril 2007

Avis de Berryer

Une nouvelle vient de tomber sur nos téléscripteurs : la prochaine conférence Berryer aura lieu le vendredi 27 avril à 21h, toujours à la 5e chambre civile du tribunal (salle des pas perdus, au fond à gauche côté boulevard du Palais (en tournant le dos à la chambre des Criées). L'invité sera Monsieur Pierre-Luc Séguillon, journaliste.

Le rapporteur sera Monsieur Antonin Lévy, quatrième secrétaire, qui nous recevra donc un peu chez lui.

Les sujets sont les suivants :

- «Doit-on attendre son tour ?» ;

- «Est-ce qu’ensemble, tout devient possible ?».

Inscription préalable indispensable à cette adresse : conferenceberryer.seguillon@googlemail.com

jeudi 19 avril 2007

Les sursis

Il s'agit ici d'une réédition d'un billet du 23 mars 2005, qui n'était plus à jour, du fait notamment du passage de la loi Clément sur la récidive. Le voici actualisé.

Il existe deux types de sursis : le sursis simple (la peine n'est pas exécutée si le condamné se tient à carreau) et les sursis que nous appelleront "complexes" : la peine n'est pas exécutée si le condamné se conforme à des obligations fixées par le tribunal (mise à l'épreuve, accomplissement d'un travail d'intérêt général), qui supposent un suivi judiciaire. Le sursis peut être total ou partiel : dans ce dernier cas, on parle de peine "mixte" : une part de prison ferme pour réprimer, une part avec sursis pour dissuader.

Une autre distinction à faire est celle entre une peine privative de liberté (i.e. de la prison) et les peines non privatives de liberté.

Le sursis peut en effet s'appliquer aussi à des peines autres que la prison : l'amende (délictuelle et pour les contraventions de la 5e classe, les plus graves), aux jours-amende (ça doit être rare, je ne l'ai jamais vu), aux peines alternatives à l'emprisonnement (prononcées aux lieux et places d'une peine d'emprisonnement) des articles 131-6, 131-7 et 131-14 du Code pénal sauf la confiscation, et aux peines complémentaires (prononcées en plus d'une peine d'emprisonnement) des articles 131-10, 131-16 et 131-17 sauf les confiscations, fermetures d'établissement ou affichage de la condamnation.

Les effets des sursis sont les mêmes : passé un certain temps sans incident (5 ans pour un sursis simple, le délai d'épreuve fixé par le tribunal pour les sursis complexes), la condamnation est réputée non avenue. Elle figure quand même au bulletin n°1 du casier judiciaire, mais elle ne fait plus obstacle à un nouveau sursis, ne peut mettre en état de récidive, et bien sûr ne peut plus être mise à exécution.

  • Le sursis simple (ou sursis tout court) :

Il ne peut être prononcé que pour les peines d'amende ou d'emprisonnement n'excédant pas 5 ans. Le prévenu ne doit pas avoir été condamné à de la prison avec sursis dans les 5 ans précédents. On ne peut avoir qu'un seul sursis simple en cours.

Si le prévenu a été condamné à une peine non privative de liberté, assortie du sursis, le tribunal peut encore prononcer une peine de prison avec sursis simple, mais pas une nouvelle peine non privative de liberté, mais d'une autre nature.

Exemple : A a été condamné à 500 euros d'amende avec sursis. S'il est jugé à nouveau dans une délai de 5 ans pour un délit ou crime, il peut être condamné à de la prison avec sursis, mais pas à une amende avec sursis.

Toute peine de prison ferme, même d'un jour, révoque automatiquement tous les sursis (sauf si exceptionnellement le tribunal en décide autrement, ce qui est très rare).

Toute peine non privative de liberté ferme révoque tous les sursis sauf celui accompagnant un emprisonnement. La loi estime que dans ce cas, la condamnation prononcée par le tribunal aurait des conséquences excessives par rapport à la peine qu'il a jugée adéquate.

  • Les sursis "complexes" : le sursis avec mise à l'épreuve (SME) ou le sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (sursis TIG).

Ces sursis ne peuvent accompagner qu'une peine privative de liberté. Leur intérêt est qu'ils peuvent être prononcés quand le prévenu a déjà une peine de prison avec sursis au casier. Ils peuvent se cumuler à hauteur de deux, sauf si l'intéressé est poursuivi pour un crime, un délit de violences volontaires, un délit d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, auquel cas un seul SME est permis : s'il en a déjà un, le juge ne peut que prononcer une peine de prison ferme. J'en ai déjà vu en prononcer en exprimant ses regrets de n'avoir pas d'autre choix. Merci la loi Clément.

Ils impliquent un suivi du condamné par le juge d'application des peines qui s'assurera du respect de ses obligations par le condamné, faute de quoi il pourra révoquer le sursis.

Le tribunal quand il prononce une de ces peines doit en fixer les modalités. C'est a dire préciser la durée de l'emprisonnement, toujours dans la limite de 5 ans (10 ans si la personne est en état de récidive légale, mais en cas de peine mixte, la partie ferme ne peut excéder cinq ans), et soit la durée et la nature des obligations de la mise à l'épreuve, soit le nombre d'heures de TIG

Le sursis avec mise à l'épreuve (SME) : Le délai d'épreuve est compris entre 12 mois et 3 ans. Ce délai est porté à 5 ans si le prévenu est en état de récidive, ou à sept ans si la personne a déjà été condamnée en état de récidive.

Tout SME entraîne automatiquement les obligations suivantes pour le condamné, sans même que le tribunal ait à les prononcer (article 132-44 du code pénal).

  1. Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;
  2. Recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;
  3. Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;
  4. Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;
  5. Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et, lorsqu'il est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations, pour tout changement d'emploi ou de résidence.

En plus, le tribunal peut prononcer les obligations qu'il souhaite parmi cette liste (qui figure à l'article 132-45 du code pénal) :

  1. Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;
  2. Établir sa résidence en un lieu déterminé ;
  3. Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation ;
  4. Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ;
  5. Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;
  6. Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ;
  7. S'abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ;
  8. Ne pas se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
  9. S'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné ;
  10. Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ;
  11. Ne pas fréquenter les débits de boissons ;
  12. Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;
  13. S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, notamment la victime de l'infraction.
  14. Ne pas détenir ou porter une arme ;
  15. En cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
  16. S'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et s'abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'en cas de condamnation pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles ;
  17. Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ;
  18. Accomplir un stage de citoyenneté.
  19. En cas de violences conjugales, s'abstenir de paraître au domicile conjugal.

Il va de soi que le tribunal choisit celles en relation avec l'infraction ou ses causes. Les plus fréquentes sont et de loin l'obligation de travail, de soins et d'indemnisation (1°, 3° et 5°).

Le stage de citoyenneté est une invention de la la loi Perben II, une session (jusqu'à un mois, 6 heures par jour maximum) de propagande républicaine aux frais du condamné, auquel je prédis un succès mitigé auprès des juridictions, sauf si le prévenu est animateur à la télévision.

Le sursis TIG : trois différences essentielles dans le régime du sursis TIG : il est applicable aux mineurs de 16 à 18 ans, il doit être accepté par le prévenu (le président lui demande son accord avant de délibérer pour savoir s'il peut envisager la possibilité de prononcer un TIG) et il ne peut être que total : pas de peine mixte prison + TIG. Les TIG doivent être accomplis dans le délai de 12 mois à compter de la condamnation, le délai d'épreuve est donc fixe.

La durée est de 40 h à 210 heures, fixée par le tribunal.

Les sursis complexes ne sont jamais révoqués automatiquement, contrairement au sursis simple. Ils sont révoqués soit par le juge d'application des peines en cas de non respect des obligations du condamné, soit par un tribunal statuant sur une nouvelle infraction commise pendant le délai d'épreuve.

Enfin, sachez que les TIG peuvent dans certains cas être prononcés à titre de peine principale et non comme modalité du sursis, auquel cas la violation des obligations constitue un délit à part entière, une sorte d'évasion atténuée. Je n'entrerai pas dans les détails, l'application de ce texte étant problématique et hors sujet.

Quelques exemples pour mettre tout cela en pratique.

''X. est poursuivi pour vol. Il n'a pas de casier, il se prend deux mois avec sursis. Un an plus tard, il commet des dégradations (il n'y a donc pas récidive). Le sursis simple n'est plus applicable. Le tribunal prononce 4 mois de SME pendant 2 ans avec obligation de travailler et d'indemniser la victimes (132-45, 1° et 5°). Un an plus tard, il commet à nouveau un vol. Le tribunal le condamne à 6 mois fermes. Le sursis simple est automatiquement révoqué : il fera donc 8 mois ; le tribunal peut en outre décider de révoquer le SME (on se demande d'ailleurs comment en prison il respectera ses obligations), ce qui fait un total de 2 mois + 4 mois + 6 mois = 12 mois.''

''Y. est poursuivi pour des dégradations. Il n'a pas de casier. Il prend 1000 euros d'amende avec sursis. Un an plus tard, il est à nouveau poursuivi, pour un vol. Le tribunal ne peut plus prononcer d'amende avec sursis. Il peut prononcer de la prison avec sursis et le condamne à un mois avec sursis. Un an plus tard, nouvelles poursuites pour abus de confiance (Y. suit décidément une bien mauvaise pente). Il est en état de récidive. Il se prend 3000 euros d'amende. Le sursis est révoqué automatiquement pour l'amende, mais pas pour la prison. Il doit donc payer 4000 euros d'amende. Un an plus tard, revoilà notre Y. devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut soit prononcer une peine de prison ferme, à laquelle viendra s'ajouter automatiquement un mois du sursis révoqué, soit prononcer un sursis SME qui n'entraînera pas révocation. Vu le casier du garçon, gageons que le procureur exigera de la prison ferme, et qu'il l'obtiendra.''

Affaire "Radiateur" : le délibéré

Le tribunal correctionnel de Saint Nazaire a rendu son jugement dans l'affaire "Radiateur". Les deux prévenus, "Radiateur" lui-même et le directeur de la publication du site Actuchômage ont été déclaré coupables et condamnés tous les deux à 500 euros d'amende avec sursis. Cela signifie que si dans les cinq ans qui viennent, ils ne sont pas condamnés à nouveau à une peine délictuelle, cette condamnation sera réputée non avenue ; dans la cas contraire, ils devront payer l'amende en plus de la peine qui sera prononcée à cette occasion.

Je n'ai pas encore les motifs de la décision, mais Actuchômage devrait les publier. J'en ferai le commentaire le moment venu, cette affaire posant des questions intéressantes sur la responsabilité des éditeurs de site pouvant s'appliquer aux blogueurs.

Le directeur de la publication d'Actuchômage envisage de faire appel ; il a dix jours pour cela.

Piqûre de rappel : j'avais traité l'affaire Radiateur ici.

mardi 17 avril 2007

La rage

Elle arrive toujours quand on s'y attend le moins. Toujours par surprise. Pour nous prendre au dépourvu.

Dans les dossiers où nous avons un sentiment de sérénité. Lors de la plaidoirie, les regards des juges ne nous ont pas quitté, ils ont même pris des notes.

On a même vu un assesseur acquiescer lentement de la tête lorsqu'on a abordé le caractère insuffisant des preuves, ou l'inutilité d'une peine de prison, ou d'une peine de prison ferme pour les faits plus graves, ou d'une peine de prison trop longue pour les faits les plus graves ; bref, le coeur de notre argumentation.

Bien sûr, les débats ont été durs. C'est normal, vu les faits. Un président de correctionnelle ne parvient que difficilement à rester un sphinx imperturbable, et pour certains, ce n'est tout simplement par leur style. Ils ressentent le besoin d'exprimer la désapprobation de la société à l'égard de ces faits.

Le prévenu s'est plutôt bien comporté. Qu'on l'ait rencontré le matin même au petit dépôt, il y a quelques semaines à son cabinet, ou il y a quelques années dans le cabinet d'un juge d'instruction, un lien affectif s'est créé. Pas avec tous, mais souvent, on ne peut s'empêcher d'avoir une empathie avec lui. On a parlé avec lui, longuement. On l'a écouté, peut être comme jamais il n'a été écouté durant sa vie. On l'a aidé à mettre des mots sur ses douleurs, ses secrets les plus enfouis, ou on a, avec douceur, pointé du doigt l'aspect absurde, irrationnel et souvent auto-destructeur de son comportement.

Il a confiance en nous, et nous avons parlé pour lui, avec ces mots qui nous viennent si facilement, tandis que pour lui, ils restent coincés quelque part, et sont remplacés par la violence que génère la colère de l'impuissant.

Nous pensons avoir démêlé les fils d'un écheveau compliqué, qui a conduit au drame qui était jugé. Ou alors, variante plus rare mais encore plus lourde, nous avons méticuleusement démonté une accusation qui ne nous convainquait pas, contesté pied à pied chaque preuve, ce qui a contraint le procureur à certaines reculades, ou à un changement d'argumentation en cours d'audience.

Bref, nous pensons que la décision que va rendre le tribunal ira dans le sens que nous avons voulu, que nous avons porté dans notre plaidoirie, qui, pour être raisonnablement courte, ne nous en a pas moins laissé épuisés.

Vient l'heure du délibéré. Dossier posé sur la tablette du prétoire, ou tenu dans le creux du bras gauche pendant que notre main droite va noter à la volée la décision lue par le président à la vitesse d'un chevau-léger.

Et puis chaque mot devient un coup de poing. Moi, je les ressens à la base du sternum. Physiquement. On est sonné, pourtant il faut noter, noter, car le client, s'il est là, ne comprend rien, et il va falloir lui expliquer, et à sa famille. Dans notre tête, un seul mot tourne comme en boucle. « Putain... Putain... Putain... ». On essaie de ne pas montrer d'émotion, de ne pas croiser le regard des magistrats, de ne pas secouer la tête. Car Elle arrive. La voilà.

Aussitôt que le choc est passé, c'est la rage qui prend possession de la place. Au début, elle se comporte en amie et se tourne contre les magistrats. Ils n'ont rien compris, rien écouté, ils n'ont pas lu le dossier, ils n'ont pas vu ce qu'on leur a mis sous le nez. Quelques hypothèses plus désobligeantes viennent à l'esprit, on ne peut pas l'empêcher.

On respire à fond, on garde la tête dans son dossier jusqu'à ce que les dernières dispositions soient prononcées. On prie silencieusement pour que le président n'ajoute pas un commentaire, ou s'il le fait, d'avoir la force de ne pas répondre, ou de ne dire qu'une banalité.

Dans l'hypothèse du pire, c'est le mandat de dépôt à la barre. Le client, qui n'a rien entendu à la litanie du tribunal, ne comprend pas pourquoi des policiers l'entourent. Il voit les menottes et, là, il comprend. Il se tourne vers nous. "Alors, je vais en prison ?". Nous acquiesçons de la tête. Et son visage se referme.

On salue brièvement le tribunal en regardant entre le président et un assesseur ; comme ça, chacun croit qu'on regarde l'autre et on évite de croiser leur regard, et on sort du prétoire. On explique au client, s'il est là, à sa famille, à ses amis, ce qu'a décidé le tribunal. Leur regard qui passe de la concentration à l'incompréhension puis à la stupéfaction avant de tomber dans la consternation sont autant de coups supplémentaires. On redevient tout de suite avocat : il faut rendre l'espoir, tout de suite, qu'ils puissent s'y accrocher avant de sombrer. Il y a l'appel, il y a le juge d'application des peines, la libération conditionnelle, la grâce du 14 juillet qui rapproche encore l'échéance. On explique, on répète, on explique encore, on répond aux questions, sur les permis de visite, sur les demandes de mise en liberté. Et puis on les laisse. Il faut aller faire appel, si on n'était pas déjà devant la cour, auquel cas, c'est fini.

Enfin seuls, on commence à déboutonner sa robe et on repense au dossier.

C'est là qu'elle nous saute à la gorge.

Car les juges étaient trois, mais nous nous sommes seuls. C'est donc nous qui avons été nuls, qui n'avons rien compris au dossier, qui n'avons pas réussi à faire passer le message, qui nous sommes bercés de nos propres illusions. Notre rage se déchaîne contre nous même. Elle nous déchire. Et elle fait mal. A en balancer son dossier par terre. A en pleurer parfois.

Mais il faut se relever. On ne peut pas se permettre d'être faible. Le client compte encore sur nous, et d'autres ont besoin de nous. Nous savons qu'à partir de ce moment, il n'y aura pas de vrai moment de joie, pas de satisfaction pleine et entière tant que cette décision n'aura pas été modifiée, infirmée, aménagée ou n'aura pris fin. Un petit point noir sur le soleil, un pincement au coeur au moment de s'endormir, une pensée grise qui ternit nos sourires.

C'est la plaie de ce métier, ce fardeau qui nous tombe dessus, à l'improviste, avec l'injustice de ce qu'il nous est infligé par des personnes que nous estimons et respectons, qui ne nous voulaient aucun mal et qui parfois n'ont même pas conscience de frapper l'avocat à travers son client.

Les années ne changent rien à l'affaire : je ne parviens pas à m'y habituer. Ca fait aussi mal qu'au premier jour. Rien n'y prépare.

Mais d'un autre côté, je crois que si je devais devenir indifférent à cela, je raccrocherais vite ma robe et passerais à autre chose.

Si ça fait si mal, c'est la preuve qu'on est vivant.

dimanche 15 avril 2007

Le billet du dimanche

Les jeunes filles seront toujours des jeunes filles.

Deux jeunes filles montent dans mon wagon de métro et prennent place côte à côte en face de moi. Elles pépient sur le rythme rapide de celles qui ont peur de ne pouvoir tout se dire avant de se quitter.

Leur sujet de conversation, celui qui les tiendra les quatorze stations du voyage c'est LA rumeur, celle qui enfle et court depuis quelques jours dans les murs de leur école ou lycée : Nan mais zyva, tu le crois, toi, que Tara et Christophe... ??? Elles spéculent, calculent, tentent de remonter le puzzle de ce que Truc a dit à Machin de ce que Christophe racontait sur Tara, sauf que ça colle pas avec ce que Lucille disait à la teuf chez Jenny. Naaaaaaaan, j'le crois pas, on aurait vu quelque chose. Quoique : du coup je comprendrais mieux comment il a tracé l'autre jour en sortant du cours d'éco. Nan c'est pas possible, ça serait trooooop gore !

Quel intérêt présente les jacasseries de ces adolescentes ? Pour le savoir, il faut lire l'intégralité du billet chez l'indispensable Kozlika : "La Transformiste". Pour voir qu'il n'y a pas de force d'inertie assez puissante pour empêcher une jeune fille d'être une jeune fille. Un billet drôle et touchant, qui rend l'espoir et met de bonne humeur.

vendredi 13 avril 2007

Les Stella Awards 2006 - les vrais

J'avais déjà parlé, au tout début de ce blog, de l'affaire Stella Liebeck, qui a donné bien malgré elle naissance aux Stella Awards, alors qu'en réalité, elle ne méritait pas d'entrer ainsi dans la postérité.

Rappelons que les Stella Awards récompensent les actions judiciaires les plus frivoles et fantaisistes, motivées manifestement par l'appât du gain, dont les organisateurs ont eu connaissance aux Etats-Unis. Encore une fois, il s'agit des actions judiciaires intentées, pas des jugements rendus, qui eux sont généralement d'une banalité judiciaire affligeante. Pas toujours, vous allez le voir, du fait que la Constitution permet de demander pour toute affaire dépassant 20 dollars[1] d'être jugé par un jury.

Régulièrement, des amis ou lecteurs bien intentionnés me font suivre un célèbre e-mail qui est censé relater les derniers prix Stella, qui sont en fait tous faux et inventés de toutes pièces : on y parle d'une mère qui a obtenu un dédommagement princier car son propre fils l'avait bousculée dans un supermarché, ou d'un automobiliste qui poursuivait son constructeur qui avait un régulateur de conduite (autodrive) qu'il a cru être un pilote automatique.

Alors, histoire de sourire un peu, voici les vrais Stella Awards 2006. Tous ces cas ont été vérifiés dans la presse locale avant d'être validés.

5e prix : attribué à Marcy Meckler. Après avoir fait ses courses dans un centre commercial de Floride, Madame Meckler est sortie et a été "attaquée" par... un écureuil qui vivait dans les arbres et fourrés voisins. Et "alors qu'elle essayait frénétiquement de fuir l'écureui let le détacher de sa jambe, elle est tombée et s'est gravement blessée", explique sa plainte. Ce serait de la faute du centre commercial, conclut-elle à l'appui d'une demande de plus de 50.000 $, du fait de la carence du centre commercial à l'avertir que des écureuils vivaient autour du centre, et du fait que non seulement le centre n'a rien fait pour chasser les écureuils, mais que son personnel les encourageaient à rester en les nourrissant. Affaire pendante.

4e prix : Ron et Kristie Simmons. Leur fils de 4 ans, Justin, a été tué dans un accident tragique par une tondeuse à gazon dans une crèche agréée, et la mort a été causée par une négligence manifeste du personnel de la crèche. La responsabilité de la crèche était évidente, mais quand les Simmons ont découvert que l'assurance de la crèche ne couvrait que jusqu'à 100.000 $ de réparations, ils se sont désistés et ont assigné le fabriquant de la tondeuse à gazon, un modèle vieux de seize ans, parce que la tondeuse n'avait pas un système de sécurité qui n'avait pas été inventé à l'époque de la construction de la tondeuse, et qu'aucune agence publique de sécurité n'avait suggéré, le constructeur l'ayant de lui même ajouté sur des modèles postérieurs. Grand bien leur en a pris : un jury compréhensif a condamné le fabriquant à leur verser deux millions de dollars (ils en demandaient six).

3e prix : Robert Clymer. Cet agent du FBI était en mission à Las Vegas, Nevada. Il a eu un accident avec son véhicule (un pick-up) à cause d'un état alcoolique avancé : environ 2 g d'alcool par litre de sang, plus de trois fois la limite légale au Nevada. Il a plaidé coupable à une conduite en état d'ivresse, son avocat expliquant à cette occasion "qu'on est en droti d'attendre des agents publics qu'ils reconnaissent leurs erreurs et les corrigent". Ce qui n'a pas empêché Clymer de poursuivre le constructeur de son véhicule et le concessionnaire auquel il l'a acheté du fait qu'en le conduisant, il avait "D'une façon ou d'une autre"[2] perdu conscience et que le moteur du camion avait "d'une façon ou d'une autre" pris feu et produit une épaisse fumée qui avait envahi l'habitacle et aurait pu le tuer. Le fait qu'il venait de sortir de la route du fait de son ivresse n'étant naturellement pas un facteur pertinent. Comme conclut le rédacteur : C'est le genre de type qu'on a envie de voir porter une arme au nom de la loi.

2e prix : Kinderstart.com. Le moteur de recherche spécialisé dans l'enfance a attaqué Google en prétendant avoir été victime d'une désindexation, c'est à dire d'avoir vu son Pagerank réduit à néant, avec à la clef une baisse de 70% de son trafic en provenance des moteurs de recherche et de 80% de ses revenus de publicité AdSense (géré par Google). Kinderstart affirme qu'en ne lui rendant pas un PageRank plus élevé, Google viole sa liberté d'expression protégée par le Premier amendement. Google objecte que le PageRank équivaut à une opinion, et que les forcer à émettre une opinion favorable en notant bien un site serait violer leur liberté d'expression. Kinderstart a perdu, Google ayant démontré lors du procès qu'ils publient les règles de référencement et avaient averti le webmestre de ce qu'il envisageait le déclassement, motivé par des pratiques douteuses dites "black hat", à savoir du texte invisible dans ses pages et des moyens pour gonfler artificiellement les liens entrant vers son site. Faire un procès quand on sait qu'on a tort, ça méritait un Stella.

Enfin, le premier prix est accordé à... (roulement de tambour)

Allen Ray Heckard. Bien que Monsieur Heckard mesure 10cm de moins, pèse 12 kilos de moins et est plus vieux de huit ans que le célèbre joueur de basket Michael Jordan, ce résidant de Portland (Oregon) affirme qu'il ressemble à Michael Jordan et est souvent confondu avec lui, et donc qu'il mérite 52 millions de dollars pour "diffamation et faute permanente[3], outre 364 millions de dollars de dommages intérêts punitifs pour "préjudice et souffrance moraux", plus LE MÊME montant du fondateur de Nike, Phil Knight, pour un total de 832 millions de dollars. Il s'est désisté de sa demande après un entretien avec les avocats de Nike, qui ont dû lui expliquer le sens de l'expression "demande reconventionnelle".

Tenez, soyez le juge : voici côte à côte Messieurs Heckars (à gauche) et Jordan (à droite).

Vous vous demanderez "Est ce que ça arrive en France" ? La réponse est non et oui. Non, on voit très peu d'affaires de ce type devant les juridictions civiles. Les juges français sont notoirement radins en matière de responsabilité civile, notamment en dommage corporel. De telles actions ne seraient pas rentables. Mais oui, il y a des demandes farfelues ou visant à nuire, mais on les trouve au pénal. Je ne crois pas qu'il y ait un juge d'instruction en France qui n'ait pas vu arriver sur son bureau une plainte avec constitution de partie civile, surtout quand l'aide juridictionnelle dispense le plaignant de l'obligation de consigner, qui, pour le moins, a de quoi laisser perplexe.

Alors, sommes nous plus intelligents que les américains, ou bien est le secret de l'instruction qui préserve nos illusions ?

Notes

[1] Le montant a été fixé lors de la rédaction de la constitution en 1787 et n'a pas été modifié depuis. 20 dollars de 1787 équivaudraient aujourd'hui à environ 5000 dollars.

[2] "Somehow" est le terme utilisé dans l'assignation.

[3] Defamation and permanent injury", inury ayant perdu le sens d'injure et s'entendant de blessure, dommage, ou de manière générale de faute civile.

jeudi 12 avril 2007

Un plaidoyer du temps jadis

Un peu pris par le temps aujourd'hui, je vais faire appel au talent d'autrui pour vous proposer une bien belle plaidoirie, superbement écrite, ce joli texte étant je pense de nature à inspirer utilement l'action publique encore aujourd'hui. C'est à Philippe Meyer, chroniqueur du dimanche sur France Culture, que je dois d'avoir découvert ce texte, qui m'a ravi, et je ne résiste pas au plaisir de vous le faire partager.

Nous sommes sous le règne de Louis XIV. Sébastien Le Prestre de Vauban, ingénieur militaire, est en charge de la construction d'une de ses nombreuses fortifications. Une accusation parvient aux oreilles de Louvois, ministre de la guerre de Louis XIV, selon laquelle deux des ingénieurs travaillant sous les ordres de Vauban, Montguirault et Vollant, auraient faussé sur leurs comptes les mesures de certains ouvrages pour augmenter artificiellement leur coût et empocher la différence. O tempora o mores, sauf que ce type d'escroquerie existe encore aujourd'hui en matière de travaux publics.

A travers ces deux ingénieurs, c'est bien sûr Vauban qui est visé, car on ne peut imaginer que ces deux ingénieurs puissent falsifier des mesures sans que l'ingénieur en chef ne s'en aperçoive, sauf à ce qu'il admette qu'il n'effectue aucun contrôle et est dans ce cas gravement négligent.

Expert en poliorcétique, Vauban sait bien que la meilleure stratégie de l'assiégé est bien souvent d'attaquer en veillant toutefois à ne pas perdre pour autant l'avantage d'être le défenseur.

C'est exactement ce qu'il va faire, en écrivant ce courrier à Louvois.

« Recevez, s'il vous plaît, toutes leurs plaintes, Monseigneur, et les preuves qu'ils offrent de vous donner; que si vos grandes affaires vous occupent trop, commettez-y quelque honnête homme qui examine bien toutes choses à fond et qui vous en rende compte après. Ne craignez point d'abîmer Montguirault et Vollant ; je suis bien sûr qu'ils n'appréhendent rien là-dessus ; mais, quand cela serait, pour un perdu, deux recouvrés.

« Quant à moi qui ne suis pas moins accusé qu'eux, et qui, peut-être, suis encore plus coupable, je vous supplie et vous conjure, Monseigneur, si vous avez quelque bonté pour moi, d'écouter tout ce qu'on vous pourra dire contre et d'approfondir afin d'en découvrir la vérité; et si je suis trouvé coupable, comme j'ai l'honneur de vous approcher de plus près que les autres et que vous m'honorez de votre confiance plus particulière, j'en mérite une bien plus sévère punition. Cela veut dire que, si les autres méritent le fouet, je mérite du moins la corde; j'en prononce moi-même l'arrêt, sur lequel je ne veux ni quartier ni grâce.

« Mais aussi, si mes accusateurs ne peuvent pas prouver ou qu'ils prouvent mal, je prétends qu'on exerce sur eux la même justice que je demande pour moi. Et sur cela, Monseigneur, je prendrai la liberté de vous dire que les affaires sont trop avancées pour en demeurer là; car je suis accusé par des gens dont je saurai le nom, qui ont semé de très méchants bruits sur moi, si bien qu'il est nécessaire que j'en sois justifié à toute rigueur.

« En un mot, Monseigneur, vous jugez bien que, n'approfondissant point cette affaire, vous ne sauriez rendre justice; et ne me la rendant point, ce serait m'obliger à chercher les moyens de me la faire moi-même et d'abandonner pour jamais la fortification et toutes ses dépendances. Examinez donc hardiment et sévèrement, bas toute tendresse; car j'ose bien vous dire que, sur le fait d'une probité très exacte et d'une fidélité sincère, je ne crains ni le Roi, ni vous, ni tout le Genre humain ensemble. La Fortune m'a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France; mais, en récompense, elle m'a honoré d'un cœur sincère, si exempt de toute sorte de friponneries qu'il n'en peut même souffrir l'imagination sans horreur, et là-dessus je suis, Monseigneur, avec le plus profond respect du monde, votre très humble, très obéissant et obligé serviteur. »

Avouez que l'affaire Clearstream aurait plus de gueule si les mis en cause s'exprimaient ainsi...

Cité dans Vauban, de Daniel Halévy, Editions de Fallois.

mercredi 11 avril 2007

Avis de Berryer

Debout les gars, réveillez vous, il va falloir en mettre un coup !

La Conférence du Stage vous invite à sa deuxième Conférence Berryer, le jeudi 19 avril, à 21 heures, en la 5ème Chambre civile du tribunal de grande instance (Palais de Justice, salle des Pas perdus, au fond à gauche côté Boulevard du Palais).

C'est un fameux trois mats invité que la Conférence accueille puisque c'est nul autre que Monsieur Hugues Aufray, auteur, compositeur, et interprète.

Les sujets seront les suivants :

  • 1er sujet : Doit-on chanter autour du feu ?
  • 2ème sujet : Peut-on être mis au frais pour une fausse note ?

Le rapporteur de cette séance sera Monsieur Arnaud Gris, le haut en couleur 11e Secrétaire de la Conférence.

Pour pouvoir assister à cette séance, qui, rappelons le est gratuite, mais a des places limitées et commence toujours en retard, envoyez un mail à conferenceberryer.aufray@googlemail.com.

Pensez à vous munir d'un chèque de 75 euros à l'ordre de la SACEM si vous voulez entonner une des oeuvres de l'invité pour lui rendre hommage.

mardi 10 avril 2007

Usurpation d'identité

J’ai appris ce week-end une anecdote fort désagréable qui m’oblige à faire une mise au point claire et ferme.

Dans le cadre d’un litige l’opposant à un autre internaute, un indélicat a cru pouvoir se faire passer pour moi pour envoyer un e-mail comminatoire et menacer de poursuites judiciaires par voie de messagerie instantanée.

A cet aspect désagréable en soi s’ajoute le caractère dérisoire du litige, qui portait sur cinq euros, et le salmigondi juridique insensé que ce monsieur s’est permis de mettre dans ma bouche pour déterminer son interlocuteur, qui plus est mineur, à lui restituer cette somme.

Histoire de vous faire rire avec cette histoire qui m’a fait grincer des dents, voici le charabia envoyé par ce monsieur, qui m’a été communiqué par le destinataire. Les fautes sont d’origine.

Monsieur, je me présente, Maître Eloas, avocat de la Sarl depuis Mai 1997, spécialiste de l’informatique des cabinets d’audience.

Nous sommes spécialisé dans tout ce qui touche aux méthodes de contre-façon touchées via autruis, et à tous sites représentant l’illégalité de droits d’auteur corporels d’instructions complmentaires, ou autres méthodes de plagiat.

Nous abordons le sujet de l’illégalité de ce côté-ci, pour vous informer que la méthode dont vous acquiessez en ce moment-même est strictement illégale outre la méthode d’utilisation du service Paypal (Europe) Ltd (r).

Vis-à-vis des conditions d’utilisation du service Paypal (Europe) Ltd (r) et de ces droits divins, nous informerons les aurotités judiciaires de méthodes partielles qui reposent à proposer de faux cervices propers d’où la réglementation de Payal.

Nous vous incitons à litre les Conditions d’utilisation du service Paypal (Europe) Ltd (r) à l’adresse indiquée ci-dessous : (…)

Par conséquent, vous êtes prié de rembourser de ce champs, l’éventuelle transaction fraudée de votre part, par cause de faux service, à l’adresse e-Mail Paypal indiquée ci-dessous : XXXXXX@XXXXX.com

Cette personne n’est que simple témointe, et donc nous aide, par le biais d’une association contre l’Illégalité de Droits, à coincer les incitations illégales visant à escroquer les utilisateurs par le biais de services Gratuits de droits respectifs.

Ces droits, vis-à-vis de l’URL indiquée : http://*****.com, ne sont pas respectées indépendamment des services subjugués par la Société Paypal (r).

Nous avons donc contacté la Société **** pour recevoir les informations nécessaires de votre domicile, dont le but est de vous envoyer par courrier, les démarches à suivre par la suite de cette fraude comise de votre part.

Si vous n’êtes pas le propriétaire du domaine, vous n’avez en aucun cas à faire parti de cette poursuite.

Néanmoins, la personne ayant reçue la transaction effectuée via Paypal, Mr A… A…, sera convoquée au commissariat de sa préfecture ou de sa sous-préfecture.

En espérant avoir été clair sur ces informations détaillées, concrètes, et bien précises.

Si vous avez la moindre question, veuillez me contacter le plus rapidement possible. Si contact par téléphone, demandez “Maître Eloas”, étage ***, du récipient “***”, vous allez être redirigé par l’une de nos hôtesses via mon domicile privé.

Cordialement.

J’ai aisément réussi à identifier cette personne, et l’ai contactée pour lui dire mon ire. Sa réponse est désarmante de naïveté : « Mais il m’avait arnaqué de cinq euros, je ne pensais pas à mal en utilisant le nom d’un avocat qui n’existe pas ».

Alors une petite mise au point.

D’abord, j’existe. J’ai vérifié ce matin auprès d’experts, médecins, juristes et philosophes, qui m’ont tous confirmé mon existence. Aucun doute n’est plus permis là dessus.

Ensuite, le fait que je blogue anonymement ne signifie pas que mon pseudonyme est en libre service et permet à n’importe quel petit malin de se faire passer pour moi impunément. Mon anonymat ne fera jamais obstacle à ce que j’aille en justice demander des comptes à quiconque s’amuserait à cela.

Quand j’interviens en qualité d’avocat, je le fais sous mon vrai nom, par une lettre recommandée écrite sur mon papier à en tête haut de gamme qui coûte fort cher et justifie mes honoraires hors de prix. Pas par e-mail sauf si je n’ai qu’une adresse électronique pour contacter mon adversaire. Je n’écrirai jamais sous le nom de maître Eolas, avocat. Maître Eolas est un nom de plume, dans le seul cadre de la création littéraire qu’est ce blogue.

D’un point de vue juridique, le pseudonyme est protégé civilement contre l’usurpation. Pénalement, le délit d’usurpation d’identité est constitué dès lors que je suis aisément identifiable puisque je suis le seul avocat à employer ce pseudonyme, si l’usurpateur m’exposait à des poursuites civiles, pénales ou disciplinaires du fait de ses actes sous sa fausse identité.

Mais surtout, au delà de mon humble personne, le fait d’usurper la qualité d’avocat pour déterminer quelqu’un à effectuer un paiement, fût-ce d’une somme effectivement due, constitue le délit d’escroquerie. Peu importe que vous vous estimiez vous même victime d’une escroquerie ou d’un débiteur indélicat, cela ne vous permet pas de commettre un délit pour obtenir votre dû. On ne vole pas son débiteur, on ne l’escroque pas, pas plus qu’on ne le menace ou qu’on ne l’agresse. On ne se fait pas justice à soi même, c’est une des fondations de la république.

Pour cette affaire, j’ai exigé que l’usurpateur, dont j’ai communiqué l’identité à sa victime, rembourse la somme qu’il a indûment perçue. Le crime ne paie pas[1].

Je pense en rester là pour cette fois, je me donne jusqu’à la fin de la semaine pour me décider.

Mais qu’il soit désormais clair que si quelqu’un se disant Maitre Eolas prend contact avec vous pour se la jouer avocat menaçant, c’est un menteur. Merci de me prévenir immédiatement. Je n’aurai à l’avenir aucune tolérance à ce sujet.

Et j’ai un excellent avocat.

Note

[1] La morale est néanmoins sauve, puisque la victime en question a décidé de restituer ces cinq euros à ce monsieur, estimant sa réclamation fondée, au-delà des moyens employés. Comme quoi ces méthodes illicites étaient vraiment indispensables…

jeudi 5 avril 2007

Il en va des blogues comme des cloches

A l'instar des cloches, parties à Rome, ce blogue va rester coi quelques jours, mon emploi du temps ne me laissant pas de répit.

Comme notre Sauveur, il ressuscitera au bout du troisième jour, ou plus probablement du quatrième, il est moins balaise que Lui.

Joyeuses Pâques à tous.[1]

Notes

[1] Y compris à nos amis orthodoxes, puisque calendriers julien et grégorien coïncident cette année pour Pâque : vous n'avez plus qu'à enfin admettre que l'Esprit Saint procède du père ET du fils, et le Schisme aura pris fin ; la balle est dans votre camp.

mercredi 4 avril 2007

Pourquoi je n'ai pas parlé de l'affaire Techland

Depuis quelques jours, de nombreux lecteurs m'ont écrit par mail pour me signaler l'affaire dite Techland et me demander mon avis sur celle-ci.

En quelques mots, un éditeur de jeux vidéo, après avoir obtenu par une décision judiciaire les coordonnées correspondants aux adresses IP d'internautes ayant téléchargé illégalement un jeu vidéo qu'il éditait, a chargé un avocat de mettre en demeure les personnes concernées de régler une indemnité forfaitaire de 400 euros sous peines de poursuites. La lettre était accompagnée d'un RIB et laissait un délai de 15 jours.

J'ai refusé de répondre à ces amicales sollicitations car ce que je fais sur ce blog est de la vulgarisation juridique. Je prends du droit compliqué et j'essaye d'en faire du droit simple. Les commentaires permettent ensuite d'apporter des précisions, ou de me faire insulter par les partisans de José Bové.

En l'espèce, s'agissant d'une affaire en cours, qui ne pose pas de problème juridique d'une originalité folle, ces demandes d'avis étaient en réalité des demandes de consultation. Les faits ne nécessitaient aucune explication (un ayant droit veut être indemnisé du préjudice que lui a causé la contrefaçon de son oeuvre), ce qui posait question est : que faire ? Céder ou se défendre, et comment ?

Je ne consulte pas via mon blog, surtout dans une affaire où un contentieux est possible, car tout anonyme que je sois, je reste avocat et tout mauvais conseil donné même gratuitement engagerait ma responsabilité civile.

Ce d'autant que la riposte spontanée a été judicieuse et efficace, selon le principe de l'arroseur arrosé. Si certains internautes fautifs auraient payé, d'autres ont porté plainte auprès du bâtonnier pour ce courrier peu conforme aux règles de la profession.

Attention toutefois au balancier : le site Ratiatum qui regroupe les nouvelles de cette affaire risque à son tour de se faire arroser : il indique le nom de l'avocat en cause, et indique des faits qui sont censés être confidentiels (sur une hypothétique enquête disciplinaire qui aurait été ouverte à l'encontre de cet avocat) ou qui sont douteux (comme le nombre de lettres supposément envoyées, en confessant n'avoir aucune source fiable, ou que des poursuites pénales seraient envisagées à l'égard de cet avocat, ce qui me paraît là plus que douteux). Le fait que cet avocat aurait agi de façon quelque peu téméraire ne permet nullement de le diffamer.

Bref, il serait temps qu'apparaisse dans cette affaire ce qui lui a fait défaut depuis le début : du tact et de la mesure.

Et puisqu'un conseil on me demande, un conseil on aura : face à un courrier comme celui-là, consultez un avocat. Le prix, me dira-t-on ? Mais justiciables de toutes les IP, unissez-vous ! Cotisez-vous, selon le mécanisme des associations de victimes d'un même fait : chaque membre paye une cotisation qui sert à régler les honoraires de l'avocat qui en représente les adhérents. Si vous êtes cent, ça ne coûte que quelques dizaines d'euros par personne.

Notez que ce conseil est encore valable. Quand bien même cet avocat aurait franchi la ligne jaune déontologique, il demeure que l'éditeur de jeu vidéo a des relevés d'IP et les identités des internautes correspondants. La remise en cause de la mise en demeure ne déchoit pas l'éditeur de ses droits.

Voilà pourquoi je ne parlerai pas de cette affaire.

Quoi, comment ça, j'en ai parlé ?

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