Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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jeudi 22 mars 2007

Le jugement de l'affaire Charlie Hebdo

Tout beau, tout chaud, voici le texte quasi intégral du jugement rendu ce jour par la 17e chambre.

LE RAPPEL DES FAITS

Le 30 septembre 2005, le quotidien danois JYLLANDS-POSTEN a publié un article intitulé “Les visages de Mahomet “, accompagné de douze dessins.

Flemming ROSE, responsable des pages culturelles de ce journal, a expliqué avoir souhaité opposer une réaction éditoriale à ce qui lui était apparu relever d’une autocensure concernant l’islam à la suite de l’assassinat du cinéaste Théo VAN GOGH ; il a plus spécialement évoqué la difficulté pour l’écrivain danois Käre BLUITGEN de trouver un dessinateur acceptant d’illustrer un livre pour enfants consacré à la vie du prophète MAHOMET - un seul ayant consenti à le faire mais en conservant l’anonymat ; ce qui l’a conduit à s’adresser aux membres du syndicat danois des dessinateurs de presse en les invitant à dessiner MAHOMET tel qu’ils se le représentaient.

À la suite de cette diffusion initiale, plusieurs manifestations et autres publications ont eu lieu dans le monde. Ainsi, une première manifestation de protestation a rassemblé 3 000 personnes au Danemark le 14octobre 2005 ; un journal égyptien a ensuite publié certains de ces dessins sans réaction des autorités de ce pays. A la fin de l’année 2005 et au début de l’année 2006, des organisations islamiques ont dénoncé la diffusion des caricatures du prophète MAHOMET et de nombreuses manifestations violentes se sont déroulées, notamment au Pakistan, en Iran, en Indonésie, en Libye ou au Nigéria, au cours desquelles des manifestants ont brûlé le drapeau danois ou s’en sont pris aux représentations diplomatiques, certains d’entre eux ayant trouvé la mort à l’occasion de ces rassemblements de rues.

Il convient de relever, à cet égard, que plusieurs personnes ont mis en doute la spontanéité de certaines de ces manifestations, en faisant notamment valoir que des “imams autoproclamés” avaient délibérément ajouté aux douze dessins d’origine des représentations outrageantes du prophète, versées aux débats par la défense, qui le montraient avec une tête de cochon ou comme un pédophile.

Le 1er février 2006, le quotidien FRANCE SOIR a publié à son tour les caricatures danoises, ce qui a entraîné le licenciement de son directeur de la publication, Jacques LEFRANC.

Par assignations en référé à heure indiquée en date du 7 février 2006, cinq associations, dont les deux parties civiles à présent poursuivantes, ont notamment demandé au président du tribunal de grande instance de Paris de faire interdiction à la société éditrice de CHARLIE HEBDO de mettre en vente l’hebdomadaire dont la parution était prévue pour le lendemain. Par ordonnance du 7 février 2006, ces assignations ont été déclarées nulles pour violation des prescriptions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 invoqué tant en défense que par le ministère public.

C’est dans ces circonstances que le mercredi 8 février 2006, le journal CHARLIE HEBDO a publié un “NUMERO SPECIAL” (n° 712) presqu’intégralement consacré aux “caricatures de MAHOMET A la une de ce numéro, sous le titre: “MAHOMET DEBORDE PAR LES INTEGRISTES”, figure un dessin de CABU montrant un homme barbu se tenant la tête dans les mains en disant: “C'est dur d’être aimé par des cons... ".

En pages 2 et 3 de cette publication, les douze caricatures parues au Danemark, de styles et de portées extrêmement différents, sont reproduites en petit format en haut et en bas d’un encadré, avec pour titre : "CACHEZ CES DESSINS QUE JE NE SAURAIS VOIR", sous lequel figurent, d’une part, un texte émanant de L’ASSOCIATION DU MANIFESTE DES LIBERTES (AML) intitulé “Pour la liberté d’expression ! ” et, d’autre part, un dessin de WOLINSKI qui présente un homme barbu hilare ayant en mains un document titré “CARICATURES”, avec cette légende : “Mahomet nous déclare c'est bien la premièrefois que les Danois me font rire !” . A droite, sur deux colonnes, “L'EDITO par Philippe Val intitulé : "Petit glossaire d’une semaine caricaturale", rassemble les réflexions du directeur de la publication de l’hebdomadaire sous diverses rubriques : Prophète Mahomet, Le droit à la représentation, Rappel historique, Troisième Guerre mondiale, La bombe dans le turban, Liberté d’expression, Amalgame, Tabou, Racisme, Victimes, Immobilité.

Les pages suivantes présentent, sur le même thème central, de nombreux autres dessins (notamment de TIGNOUS, CHARB, RISS, HONORE, LUZ, WOLINSKI, SINE) et articles (intitulés par exemple "2005, bon cru pour le blasphème", "Des points communs entre une pipe et un prophète", "Chasse Dieu à coups de pied, il revient enturbanné ", "Spinoza, reviens ! ").

Ainsi, en page 4 du journal, un article de Caroline FOUREST, sous le titre « TOUT CE FOIN POUR DOUZE DESSINS ! », est annoncé de la manière suivante : « Les journaux qui ont 'osé' publier les caricatures de Mahomet se voient menacés de représailles, tout comme les Etats ou leurs ressortissants considérés comme complices du blasphème. Face à cette déferlante de violence, Charlie tente d’analyser la polémique et ses conséquences. Histoire de montrer que la liberté d’expression doit être plus forte que l’intimidation ».

La journaliste y explique pourquoi, selon elle, Charlie, « comme d'autresjournaux français et européens, a décidé de publier ces dessins. Par solidarité. Pour montrer que l'Europe n'est pas un espace où le respect des religions prime sur la liberté d’expression. Parce que la provocation et l’irrévérence sont des armes pour faire reculer l'intimidation de l'esprit critique dont se nourrit l'obscurantisme ».

En France, plusieurs autres organes de la presse écrite ou audiovisuelle ont diffusé les dessins danois, dont le magazine L’EXPRESS.

Au Danemark, le procureur de VIBORG a pris la décision, confirmée par le procureur général, de ne pas engager de poursuites pénales à l’encontre du quotidien JYLLANDS-POSTEN. Sept associations locales ont alors saisi le tribunal d’AARHUS qui, le 26 octobre 2006, a rejeté les demandes formées à l’encontre de Carsten JUSTE, rédacteur en chef, et Flemining ROSE, responsable des pages culturelles du journal, en relevant notamment que si on ne pouvait « évidemment pas exclure » que trois des dessins - dont un est poursuivi dans le cadre de la présente procédure « aient été perçus comme calomnieux par certains musulmans », il n’était pas établi que « l'intention ayant conduit à leur publication ait été d’offenser les lecteurs ou d’exprimer des opinions de nature à discréditer (...) les musulmans aux yeux de leurs concitoyens ».

SUR CE, LE TRIBUNAL:

SUR LA PROCÉDURE: (...)

Mes lecteurs me pardonneront de sauter ce passage, qui répond à des moyens peu pertinents sur le déroulement de la procédure, qui seront tous écartés par le tribunal.

SUR L’ACTION PUBLIQUE:

Les parties civiles soutiennent principalement que malgré les nombreuses caricatures qui, selon elles, heurtent délibérément les musulmans dans leur foi, elles limitent les poursuites à trois d’entre elles, à savoir à celle de CABU publiée en couverture de l’hebdomadaire CHARLIE HEBDO et à deux des dessins danois reproduits en page 3. Ces trois dessins caractériseraient le délit d’injures publiques à l’égard d’un groupe de personnes, en l’occurrence les musulmans, à raison de leur religion, dès lors que la publication litigieuse s’inscrirait dans un plan mûrement réfléchi de provocation visant à heurter la communauté musulmane dans ses croyances les plus profondes, pour des raisons tenant à la fois à une islamophobie caractérisée et à des considérations purement commerciales.

Le prévenu fait, pour sa part, essentiellement valoir que l’illustration de couverture, propre à la tradition satirique du journal, ne vise que les intégristes musulmans, tandis que les deux autres caricatures, initialement publiées au Danemark, se sont trouvées au centre de l’actualité mondiale durant plusieurs semaines et ne visent qu’à dénoncer les mouvements terroristes commettant des attentats au nom du prophète MAHOMET et de l’islam, et non la communauté musulmane dans son ensemble. Philippe VAL soutient en outre qu’un nombre considérable de musulmans a défendu avec force la publication de ces caricatures, protestant contre l’instrumentalisation politique de ceux qui prétendaient parler en leur nom et réduire au silence tous ceux qui étaient davantage attachés à la liberté d’expression et à la laïcité qu’à un dogmatisme étroit.

- En droit:

Le tribunal va indiquer les règles de droit qui s'appliquent en l'espèce, et comment il les interprète.

Attendu que les présentes poursuites pénales sont fondées sur l’article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 qui définit l’injure comme “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’ aucun fait”, et sur l’article 33, alinéa 3, de la même loi qui punit « de six mois d’emprisonnement et de 22 500 € d’amende l’injure commise (...) envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ;

Qu’il convient de rappeler que les dessins sont visés par l’article 23 de la loi sur la liberté de la presse, au même titre que tous les supports de l’écrit, de la parole ou de l’image, et que l’intention de nuire est présumée en matière d’injures ;

Attendu que les règles servant de fondement aux présentes poursuites doivent être appliquées à la lumière du principe à valeur constitutionnelle et conventionnelle de la liberté, d’expression ;

Attendu que celle-ci vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes dans une société déterminée, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent, ainsi que l’exigent les principes de pluralisme et de tolérance qui s’imposent particulièrement à une époque caractérisée par la coexistence de nombreuses croyances et confessions au sein de la nation ;

Attendu que l’exercice de cette liberté fondamentale comporte, aux termes mêmes de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des devoirs et des responsabilités et peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique et qui doivent être proportionnées au but légitime poursuivi; que le droit à une jouissance paisible de la liberté de religion fait également l’objet d’une consécration par les textes supranationaux ;

Attendu qu’en France, société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances va de pair avec la liberté de critiquer les religions quelles qu’elles soient et avec celle de représenter des sujets ou objets de vénération religieuse ; que le blasphème qui outrage la divinité ou la religion, n’y est pas réprimé à la différence de l’injure, dès lors qu’elle constitue une attaque personnelle et directe dirigée contre une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse ;

Attendu qu’il résulte de ces considérations que des restrictions peuvent être apportées à la liberté d’expression si celle-ci se manifeste de façon gratuitement offensante pour autrui, sans contribuer à une quelconque forme de débat public capable de favoriser le progrès dans les affaires du genre humain ;

J'aime beaucoup l'expression "favoriser le progrès dans les affaires du genre humain".

Les règles du jeu sont ainsi posées. Maintenant, le tribunal va les appliquer au cas qui lui est soumis.

- En fait:

Attendu qu'eu égard au droit applicable, il y a lieu d’examiner, pour chacun des trois dessins poursuivis, s’il revêt un caractère injurieux au sens de la loi sur la presse et quelles personnes il vise, puis de déterminer si le prononcé d’une sanction constituerait une restriction excessive à la liberté d’expression ou au contraire serait proportionné à un besoin social impérieux ; qu’il importe, pour ce faire, d’analyser tant les dessins eux-mêmes que le contexte dans lequel ils ont été publiés par le journal ;

Attendu que CHARLIE HEBDO est un journal satirique, contenant de nombreuses caricatures, que nul n’est obligé d’acheter ou de lire, à la différence d’autres supports tels que des affiches exposées sur la voie publique;

Attendu que toute caricature s’analyse en un portrait qui s’affranchit du bon goût pour remplir une fonction parodique, que ce soit sur le mode burlesque ou grotesque ; que l’exagération fonctionne alors à la manière du mot d’esprit qui permet de contourner la censure, d’utiliser l’ironie comme instrument de critique sociale et politique, en faisant appel au jugement et au débat ;

Attendu que le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre de là liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions ; que, du fait de l’excès même de son contenu volontairement irrévérencieux, il doit être tenu compte de l’exagération et de la subjectivité inhérentes à ce mode d’expression pour analyser le sens et la portée des dessins litigieux, le droit à la critique et à l’humour n’étant cependant pas dépourvu de limites ;

Le tribunal examine ensuite chacune des trois caricatures.

Attendu que la première caricature publiée en couverture du journal est un dessin de CABU montrant un homme barbu, qui représente à l’évidence le prophète MAHOMET, se tenant la tête dans les mains, en disant “C’est dur d’être aimé par des cons...” ;

Attendu cependant que ce dernier terme, s’il constitue bien une expression outrageante, ne vise que, les “intégristes” expressément désignés dans le titre :

“MAHOMET DEBORDE PAR LES INTEGRISTES” ;

Attendu que c’est à tort que les parties civiles poursuivantes prétendent que ce dernier mot ferait seulement référence à un degré plus ou moins élevé de respect des dogmes, renvoyant à l’obscurantisme supposé des nombreux musulmans blessés par la publication renouvelée des caricatures danoises ; qu’en effet, les intégristes ne peuvent se confondre avec l’ensemble des musulmans, la Une de l’hebdomadaire ne se comprenant que si ce terme désigne les plus fondamentalistes d'entre eux qui, par leur extrémisme, amènent le prophète au désespoir en constatant le dévoiement de son message ;

Attendu que ce dessin ne saurait, dans ces conditions, être considéré comme répréhensible au regard de la prévention ;

Prévenu : 1 ; Parties civiles : 0.

Attendu que les deux autres caricatures poursuivies font partie de celles initialement, publiées par le journal danois JYLLANDS-POSTEN et reproduites en pages 2 et 3 de CHARLIE HEBDO ;

Que l’une est censée représenter le prophète MAHOMET accueillant des terroristes sur un nuage et s’exprimant dans les termes suivants : « Stop stop we ran out of virgins! », ce qui, d’après les parties civiles, peut être traduit par: « Arrêtez, arrêtez, nous n'avons plus de vierges » et se réfère au Coran selon lequel celui qui accomplit certains actes de foi sera promis, au paradis, à la compagnie de jeunes femmes vierges ;

Attendu que ce dessin évoque clairement les attentats-suicides perpétrés par certains musulmans et montre le prophète leur demandant d’y mettre fin ; que, néanmoins, il n’assimile pas islam et commission d’actes de terrorisme et ne vise donc pas davantage que le précédent l’ensemble des musulmans en raison de leur religion ;

Prévenu : 2 ; Parties civiles : 0.

Attendu que le dernier dessin incriminé montre le visage d’un homme barbu, à l’air sévère, coiffé d'un turban en forme de de bombe à la mèche allumée, sur lequel est inscrite en arabe la profession de foi de l’islam : « Allah est grand, Mahomet est son prophète » ; qu’il apparaît d’une facture très différente et beaucoup plus sombre que les onze autres caricatures danoises, elles-mêmes pourtant très diversifiées tant dans leur style qu’en ce qui concerne le sujet précisément traité ; qu’il ne porte nullement à rire ou à sourire mais inspire plutôt l’inquiétude et la peur ;

Attendu que, dans l’éditorial jouxtant ce dessin, Philippe VAL a notamment écrit :

« Quant au dessin représentant Mahomet avec une bombe dans le turban, il est suffisamment faible pour être interprété n'importe comment par n'importe qui, et le crime est dans l’oeil de celui qui regarde le dessin. Ce qu'il représente, ce n'est pas l’islam, mais la vision de l’islam et du prophète que s'en font les groupes terroristes musulmans » ;

Que le prévenu a maintenu à l’audience que ce dessin n’était, à ses yeux, que la dénonciation de la récupération de l’islam par des terroristes et qu’il ne se moquait que des extrémistes ;

Attendu que cette interprétation réductrice ne saurait être retenue en l’espèce ;

Attendu qu’en effet, dans son article publié en page 4 du même numéro de CHARLIE HEBDO, Caroline FOUREST admet volontiers que, parmi les dessinateurs danois, « ""un seul fait le lien entre le terrorisme et Mahomet, dont se revendiquent bel et bien des poseurs de bombes..."" » et que « ""ce dessin-là soulève particulièrement l’émoi"" »;

Attendu que l’un des témoins de la défense entendus par le tribunal, Abdelwabab MEDDEB, écrivain et universitaire, a insisté sur le caractère problématique de cette caricature en lien avec une longue tradition islamophobe montrant le prophète "belliqueux et concupiscent" ; qu’il a en outre déclaré que ce dessin pouvait être outrageant et constituer une manifestation d’islamophobie, dès lors que son interprétation est univoque en ce qu’il réduit un personnage multidimensionnel à un seul aspect ;

Qu’un autre témoin, Antoine SFEIR, politologue et rédacteur en chef des Cahiers de l’Orient, s’est dit ému à la vision de ce dessin, comprenant que l’on puisse en être choqué ;

Voilà l'explication tant attendue par des commentateurs sur pourquoi ce dessin est quant à lui susceptible de constituer une injure.

Attendu que la représentation d’une bombe formant le turban même du prophète symbolise manifestement la violence terroriste dans nos sociétés contemporaines; que l’inscription de la profession de foi musulmane sur la bombe, dont la mèche est allumée et prête à exploser, laisse clairement entendre que cette violence terroriste serait inhérente à la religion musulmane ;

But des parties civiles.

Ha, mais le juge de touche a levé son drapeau ?

Attendu que si, que par sa portée, ce dessin apparaît, en soi et pris isolément, de nature à outrager l’ensemble des adeptes de cette foi et à les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, en ce qu’il les assimile - sans distinction ni nuance - à des fidèles d’un enseignement de la teneur, il ne saurait être apprécié, au regard de la loi pénale, indépendamment du contexte de sa publication ;

Qu’il convient, en effet, de le considérer dans ce cadre factuel, en tenant compte des manifestations violentes et de la polémique suscitées à l’époque, mais aussi de sa place dans le journal ;

Ha, on demande l'arbitrage vidéo.

Attendu que, relativement à la publication des caricatures de Mahomet, CHARLIE HEBDO ne s’est pas prévalu d’un objectif d’information du public sur un sujet d’actualité, mais a clairement revendiqué un acte de résistance à l’intimidation et de solidarité envers les journalistes menacés ou sanctionnés, en prônant « la provocation et l'irrévérence » et en se proposant ainsi de tester les limites de la liberte d’expression, que cette situation rend CHARLIE HEBDO peu suspect d' avoir, comme le prétendent les parties civiles, été déterminé à publier ces caricatures dans une perspective mercantile au motif qu’il s’agissait d’un numéro spécial ayant fait l’objet d’un tirage plus important et d’une durée de publication plus longue qu’à l’ordinaire ;

Attendu que la représentation du prophète avec un turban en forme de bombe à la mèche allumée a été reproduite en très petit format parmi les onze autres caricatures danoises, au sein d’une double page où figuraient également, outre l’éditorial de Philippe VAL, un texte en faveur de la liberté d’expression adressé à CHARLIE HEBDO par l’ASSOCIATION DU MANIFESTE DES LIBERTES (AML) rassemblant « des hommes et des femmes de culture musulmane qui portent des valeurs de laïcité et de partage », ainsi qu’un dessin de WOLINSKI montrant MAHOMET hilare à la vue des caricatures danoises ;

Attendu, surtout, que le dessin en cause, qui n’est que la reproduction d’une caricature publiée par un journal danois, est inclus dans un numéro spécial dont la couverture éditorialise l’ensemble du contenu et sert de présentation générale a la position de CHARLIE HEBDO, qu’en une telle occurrence il ne peut qu’être regardé comme participant à la réflexion dans le cadre d’un débat d'idées sur les dérives de certains tenants d’un islam intégriste ayant donne lieu a des débordements violents ;

Attendu qu’ainsi, en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal CHARLIE HEBDO apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans, que les limites admissibles de la liberté d’expression n’ont donc pas été dépassées, le dessin litigieux participant du débat public d'intérêt général né au sujet des dérives des musulmans qui commettent des agissements criminels en se revendiquant de cette religion et en prétendant qu’elle pourrait régir la sphère politique ;

Que le dernier dessin critiqué ne constitue dès lors pas une injure justifiant, dans une société démocratique une limitation du libre exercice du droit d'expression ;

Et le but est finalement refusé pour hors jeu.

La conclusion est donc la relaxe, et le débouté des parties civiles de l'ensemble de leurs demandes.

Parties civiles dont voici la liste exacte, hormis le nom des particuliers :

Association DÉFENSE DES CITOYENS ;
SOCIÉTÉ DES HABOUS ET DES LIEUX SAINTS DE L’ISLAM (la Mosquée de Paris) ;
UNION DES ORGANISATIONS ISLAMIQUES DE FRANCE (UOIF) ;
LA LIGUE ISLAMIQUE MONDIALE ;
ASSOCIATION PROMOTION SÉCURITÉ NATIONALE (APSN) ;
Association Politique HALTE A LA CENSURE, LA CORRUPTION, LE DESPOTISME, L’ARBITRAIRE.

Vous noterez parfois un curieux décalage entre l'intitulé de l'organisation et le sens de la démarche.

L'audience est levée.

mardi 23 janvier 2007

Faut-il revoter la loi du 4 avril 2006 ?

Des lecteurs m'ont signalé, sans arrière pensée de leur part, je n'en doute pas, que Ségolène Royal a à nouveau déclaré que l'une des premières réformes qu'elle mettrait en chantier, fût-elle élu à la présidence de la République ET dotée d'une majorité conforme aux élections générales de juin prochain, serait une réforme visant à protéger les femmes victimes de violences et prévoyant notamment l'éloignement immédiat du conjoint violent du domicile conjugal, laissant celui-ci à la disposition de la victime.

Je me souviens que cette proposition avait déjà été formulée il y a quelques temps, et j'avais mis cette annonce sur le compte d'une mauvaise préparation. Errare humanum est.

Mais perseverare diabolicum. Elle a itéré ces propos lors de l'émission Dimanche +, sur le canal éponyme, diffusé le jour éponyme. Merveille de l'internet, ces propos peuvent être ouïs sur Dailymotion.

Là, je tique.

En effet, une loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a été adoptée par le parlement et est entrée en vigueur le 6 avril dernier. L'article 12 de cette loi a modifié un mécanisme instauré par l'article 35 de la loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales qui me semble, sauf à ce que j'aie mal compris, correspondre à la réforme annoncée par la candidate socialiste.

Ce mécanisme est le suivant :

Hypothèse de travail : une infraction est commise par le conjoint, le partenaire d'un PaCS ou un simple concubin de la victime. La loi ne restreint pas son champ d'application aux seules violences. Les faits étant portés à la connaissance de la police, celle-ci interpelle l'auteur présumé et le place en garde à vue selon la procédure de droit commun. Le procureur est immédiatement informé de la mesure.

Le procureur peut, dès le stade de la garde à vue et avant même de prendre une décision sur l'exercice ou non de poursuites pénales, ordonner (la loi dit demander, mais on ne dit jamais non à un procureur quand on est en garde à vue) que l'auteur réside hors du domicile commun et s'abstienne d'y paraître ainsi que dans les abords immédiats. Cette mesure (que j'appellerai désormais "interdiction de paraître", breviatis causa) suspend la prescription de l'action publique (c'est à dire le délai dans lequel le procureur peut déclencher les poursuites, qui est de trois ans à compter des faits). Il peut y ajouter une obligation de traitement, utile dans le cas où les violences sont dues à un état alcoolique ou toxique chronique, ou à une tendance à la violence. Cette loi pose problème d'ailleurs car elle s'inscrit dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites. Or les mesures qui existaient jusqu'à présent étaient par nature limitée dans le temps : il s'agissait d'un simple rappel à la loi instantané, d'une invitation à régulariser la situation illicite, d'indemniser la victime de suivre une formation, ou de procéder à une médiation si la victime est d'accord. Là, il s'agit d'une mesure d'interdiction, restrictive de liberté (une portion du territoire national lui est interdite) et illimitée dans le temps tant que le procureur n'aura pas pris de décision de poursuite ou de classement. La loi ne prévoit aucun délai maximum dans lequel le procureur devra classer le dossier, et la prescription est suspendue. Potentiellement, si le parquet est peu diligent et oublie le dossier, cette interdiction peut donc durer toute la vie de l'auteur présumé des faits, sans qu'il soit jamais jugé, bref, sans qu'on soit certain qu'il est bien l'auteur des faits. Mise à jour : on me signale que le délai de six mois prévu par un autre alinéa du même article du Code de procédure pénale s'applique aussi à cette mesure, qui ne peut donc dépasser cette durée. Source : article 41-1, 6° du Code de procédure pénale.

Le procureur peut également, au titre de la composition pénale, imposer une telle interdiction à l'auteur des faits. La composition pénale, elle, éteint l'action publique (c'est à dire ne permet plus au procureur d'exercer des poursuites) quand les obligations sont respectées et que la composition est validée par le président du tribunal.

Enfin, la même interdiction peut être imposée au titre du contrôle judiciaire par un juge d'instruction ou un juge des libertés et de la détention (mesure provisoire pouvant être rapportée à tout moment, et durant jusqu'à ce que l'affaire soit jugée ou bénéficie d'un non lieu), ou par un tribunal à titre de mise à l'épreuve assortissant une condamnation avec sursis, pour une durée de trois ans maximum.

Illustrons cet exposé de droit pur par des exemples.

1 : Lionel est en garde à vue pour avoir frappé Marie-Georges. Après avoir vécu ensemble de 1997 à 2002, ils se sont séparés et leurs relations sont depuis tumultueuses. Lionel est en garde à vue. Le procureur, estimant les faits peu graves, fait notifier à Lionel l'interdiction de paraître à proximité du domicile de Marie-Georges, place du Colonel Fabien dans le 19e. Six mois plus tard, aucune autre plainte n'ayant eu lieu, et le cas échéant après avoir pris contact avec les policiers ayant traité l'affaire pour s'assurer que le calme régnait à nouveau, il classe le dossier sans suite. En cas de nouvel incident, il a trois ans pour ressortir le dossier et engager des poursuites pour ces faits.

2 : Dominique est en garde à vue pour avoir frappé Michèle qu'il accuse de l'avoir fait cocu avec Nicolas. Le procureur décide de recourir à une médiation pénale, Michèle ayant donné son accord car elle souhaite une réconciliation "dans l'intérêt de toute la famille". Les deux sont convoqués par un délégué du procureur, qui impose une résidence séparée à Monsieur hors de leur résidence commune, rue de Varenne dans le 7e, une obligation de soin pour calmer ses accès de colère incontrôlables dès qu'on lui parle de ce Nicolas, et une mesure de réparation à l'égard de Michèle. Les deux parties étant d'accord, la composition est soumise au président du tribunal pour validation, et les poursuites sont éteintes, tant que les obligations sont respectées. Au bout de trois ans, de facto, la mesure d'interdiction de paraître est caduque du fait de la prescription de l'action publique.

3 : José est en garde à vue pour avoir agressé Clémentine armé d'une faucille et d'un marteau. Clémentine affirme qu'elle vit un véritable harcèlement par José qui veut lui faire faire des trucs à plusieurs. Les faits sont graves (il y a agression avec une arme), José a un casier judiciaire pour des destructions de biens en réunion, et a déjà fait de la prison. José nie les faits, et les armes n'ont pas été retrouvées, il ne peut le faire passer en comparution immédiate. Il décide de requérir l'ouverture d'une instruction. José est déféré au Palais, et présenté au juge d'instruction, qui le met en examen, et le place sous contrôle judiciaire avec l'interdiction de paraître. Autre hypothèse : le juge saisit le juge des libertés et de la détention pour un placement en détention provisoire, mais le JLD décide de le placer simplement sous contrôle judiciaire avec interdiction de paraître.

4 : Jacques est poursuivi pour avoir frappé Bernadette à coup de pièces jaunes. Le procureur cite Jacques devant le tribunal correctionnel. Comme il ne peut faire juger Jacques avant la fin du mois de mai, il le fait déférer, le cite par procès verbal et saisit le JLD aux fins de placement sous contrôle judiciaire (cf. exemple n°3). Fin mai, le tribunal condamne Jacques à une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et prononce l'interdiction de paraître pour une durée de trois ans.

Pour en revenir à notre récidiviste de la réforme, on peut la blâmer de ne pas mettre ses fiches à jour. Mais au-delà de cette candidate, encore une fois, nous avons une illustration de la manie névrotique en politique française des effets d'annonce.

Ce dispositif a été mis en place une première fois par une loi du 12 décembre 2005. Moins de quatre mois plus tard, le 4 avril 2006, une nouvelle loi venait le modifier. Et huit mois plus tard, une candidate à l'élection présidentielle, parlementaire de surcroît, membre de la commission des lois de surcroît², annonce comme priorité une fois élue de faire voter à nouveau un dispositif similaire. Il est vrai qu'elle était absente de chacune des séances de discussion des deux lois concernées, mais l'ignorance de l'existence de ces deux réformes de moins d'un an est-elle une excuse ?

La lutte contre les violences conjugales mériterait un peu mieux que ce triste cirque.

mardi 25 juillet 2006

La loi sur l'immigration et l'intégration est publiée au J.O.

La loi dite "Sarkozy", mal nommée car il y a déjà bien des lois Sarkozy qui ont eu les honneurs du JO [1] est donc devenue la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. La plupart de ses dispositions entrent en vigueur demain, le Conseil constitutionnel ayant rejeté le recours déposé par l'opposition, les neuf sages n'ayant posé qu'une réserve d'interprétation sur l'article 45 de la loi portant sur le regroupement familial. En effet, la loi nouvelle prévoit que le regroupement familial peut être refusé si le demandeur ne se conforme pas aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », notion un peu vague, ces principes étant reconnus par le préambule de la constitution de 1946 (encore en vigueur), mais aucune liste précise n'en est faite ; le conseil constitutionnel, pour respecter le principe de clarté et de prévisibilité de la loi précise donc que « le législateur a entendu se référer aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil » ; peu importe donc que le demandeur au regroupement familial exprime de profondes réticences sur des principes fondamentaux reconnus comme le droit d'association, par exemple, cela ne le privera pas de la compagnie de ses enfants.

Un mot sur ce recours, toutefois. Une des dispositions que je trouve critiquables de cette loi est la suppression de la carte de séjour de plein droit à l'étranger qui justifie par tout moyen de dix années de séjour en France (ex article L.313-11, 3° du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - CESEDA). L'argument du législateur est qu'il n'y a pas lieu de récompenser une situation illicite sous prétexte qu'elle a duré pendant dix années. L'argument frappé au coin du "bon sens" typique. Bon, c'est donc par un oubli manifeste que le législateur a oublié d'abroger la prescription en matière criminelle de dix années elle aussi. Pourquoi diable récompenser l'assassin qui ne s'est pas dénoncé pendant dix ans ? Rendons les crimes imprescriptibles, au nom du bon sens. Après tout, les américains ne connaissent pas cette loi qui leur permet ainsi de faire de très bonnes séries policières qui font les beaux dimanches soirs de France 2. De même, abrogeons la prescription fiscale qui interdit au fisc de revenir plus de dix années en arrière en cas d'absence de déclaration. Pourquoi récompenser le fraudeur qui n'a pas payé sa redevance télé pendant dix ans ? Au nom du principe d'égalité et surtout du bon sens, j'exige l'abrogation de ces dispositions. Bien sûr, toute atteinte au droit de frauder le fisc sera sanctionné électoralement, mais je sais que nos gouvernants ne transigent pas avec le bon sens et ne sauraient faire passer leurs petits intérêts personnels avant les principes fondamentaux.

Bref, ce recours. Enfin, si on peut appeler ça un recours. Quel arguments nos bouillants députés de l'opposition, si critiques envers le futur président de la république ministre de l'intérieur ont-ils trouvé à opposer à cette abrogation lourde de conséquences pour les étrangers ?

La réponse, affligeante, est au quatrième considérant :

les requérants soutiennent que cette abrogation porte atteinte au principe de la dignité de la personne humaine ; (...)

Non, sérieux, c'est tout ce que vous avez trouvé ?

Le Conseil a beau jeu de leur répondre de manière cinglante :

la disposition critiquée se borne à modifier les catégories d'étrangers bénéficiant de plein droit d'un titre de séjour et ne saurait, de ce seul fait, porter atteinte au principe du respect de la dignité de la personne humaine consacré par le Préambule de la Constitution de 1946 ;

ajoutant, coup de pied de l'âne qui réjouira le ministre de l'intérieur si critiqué pour cette mesure :

par ailleurs (...) aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ;

Avec une opposition pareille, la droite n'a pas grand'chose à craindre.

Faire un recours c'est bien, mais au moins il faut se creuser la tête pour opposer une argumentation qui évite le ridicule. Je ne pense pas que l'abrogation du 3° de l'article L.313-11 soit anticonstitutionnel : cette disposition n'est apparue en droit français qu'en 1997 (ou 1998 ?) quand le ministre de l'intérieur d'alors, Jean-Pierre Chevènement, a réalisé qu'il fallait une porte de sortie légale aux situations complètement bloquées d'étrangers présents en France depuis si longtemps que toute mesure coercitive à leur encontre risquait d'être illégale. Le législateur a la mémoire courte, et les ni-ni vont donc réapparaître, ces étrangers ni régularisables ni expulsables.

Mais nos députés ne pouvaient ils pas tout simplement inviter les sages à s'interroger sur l'éventuelle violation du droit à la sûreté reconnue par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (article 2) ? En effet, les étrangers passent d'une situation ou, à terme, ils avaient une garantie légale de sortir de leur situation irrégulière, sans que l'administration n'ait son mot à dire (sauf risque de trouble à l'ordre public, comprendre si l'étranger a été condamné pendant ce laps de temps) à une situation où leur statut dépendra entièrement de l'appréciation discrétionnaire des préfets. Leur situation, objectivement se dégrade. Peu importe dès lors qu'aucun principe constitutionnel n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national, le problème étant qu'une garantie légale quant à leur personne et leur liberté leur est retirée sans qu'un principe fondamental ne le justifie, il s'agit d'un pur fait du prince qui reprend ce qu'il a donné il y a huit ans.

Voilà qui aurait contraint les Sages à un peu de réflexion, qui aurait permis à la gauche de se poser en protecteur des faibles, et qui aurait souligné l'effet pervers de cette disposition frappée du coin du bon sens. Peut être le Conseil aurait-il quand même validé cette disposition. Mais ce n'est pas une raison pour se contenter d'un combat purement symbolique.

Bon, je n'ai plus qu'à annoter mon Code, et à écrire des lettres qui vont plonger des hommes et des femmes dans un profond désespoir. Je risque de ne pas être de bonne humeur ces jours ci.

Je ferai un commentaire un peu plus détaillé de cette loi dès que j'en aurai le temps.

Notes

[1] Citons entre autres la loi Loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, ayant déjà légiféré dans le même domaine, la loi Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement, entre autres.

vendredi 31 mars 2006

La décision du conseil constitutionnel sur le CPE

Ainsi, le Conseil constitutionnel estimé que le CPE était conforme à la constitution. Sans réserve.

Sans réserve, vraiment ? Pas si simple.

Voici un commentaire expliqué de la décision que vous pouvez lire en intégralité ici (html) ou là (pdf). Je n'aborde que la question du CPE, qui occupe la moitié de la décision.

La démocratie étant une invention grecque, quoi de mieux pour traiter ce sujet qui risque d'être fort ennuyeux qu'une tragédie en un acte et neuf scènes ? Asseyez vous confortablement pour ce spectacle républicain, je m'éclipse car je jouerai le rôle du Choeur. Dans le texte, les numéros entre parenthèses précédés d'un § renvoient au numéro du paragraphe correspondant de la décision. On parle de considérant car chaque paragraphe commence par "considérant que...".

Ha, les lumières baissent, on frappe les trois coups.

Merci d'éteindre vos téléphones mobiles.

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lundi 20 mars 2006

Affaire Monputeaux : le jugement commenté

Comme promis, voici l'extrait du jugement rendu le 17 mars 2006 par la 17e chambre du tribunal de grande instance de paris concernant Christophe Grébert et le blog Monputeaux, avec mes modestes commentaires.

Le tribunal commence par rappeler la procédure d'audience, ces mentions étant obligatoires afin que la cour d'appel éventuellement saisie puisse s'assurer que le code de procédure pénale a bien été respecté. Incidemment, on apprend un détail qui bat quelque peu en brèche l'accusation de harcèlement que Christophe Grébert lance à l'encontre de la commune de Puteaux : si la commune a bien porté plainte, c'est le parquet qui a décidé d'engager les poursuites, la commune n'a fait que se greffer sur cette action. [Mise à jour : On ne se relit jamais assez. Il s'agit du délit de diffamation envers corps constitué, et non contre un particulier. La poursuite ne peut être mise en route que par le parquet sur plainte suivant résolution du conseil municipal. En tout état de cause, Puteaux ne pouvait faire délivrer une citation directe ou déposer plainte avec constitution de partie civile. En conséquence, on ne saurait en déduire quoi que ce soit sur les allégations de Christophe Grébert relatives à la volonté de harcèlement de la municipalité.]

Le tribunal rappelle donc comment il est saisi de cette affaire (un tribunal illégalement saisi doit refuser d'examiner l'affaire, c'est une garantie fondamentale) et surtout de quoi il est saisi :

Par exploit d’huissier en date du 5 octobre 2004, le ministère public, agissant à la suite de deux plaintes déposées par la mairie de PUTEAUX les 18 juin et 20 juillet 2004, a fait citer devant ce tribunal, à l’audience du 9 novembre suivant, Christophe GREBERT, directeur de la publication du site internet accessible à l’adresse www.monputeaux.com,

Voilà pour le comment ; et maintenant, le quoi.

prévenu d’avoir, à PUTEAUX et PARIS, le 26 avril 2004, diffusé dans la rubrique "revue de presse" de ce site, accessible par un lien hypertexte, un extrait d’article paru dans “Le Parisien” le 26 avril 2004 assorti des commentaires suivants:

« Le Parisien, dans ses pages nationales, révèle aujourd’hui une nouvelle affaire trouble touchant la mairie de Puteaux Cette fois, cela concerne les conditions d’attribution du marché de “Puteaux en neige”. Rappelons que notre ville a dépensé 1 million d’euros l’hiver dernier pour cette manifestation! Et cela, rien qu’en prestations de services extérieures. C’est donc sans compter toutes les dépenses annexes engagées par les services municipaux. Cette somme (considérable!) est bien supérieure aux manifestations équivalentes organisées par d’autres municipalités en France. Pourquoi? Comment? Nous avons peut être un début de réponse dans cet article du Parisien:

« La mairie de Puteaux (Hauts de Seine) est assignée devant le Tribunal administratif par une ancienne employée. Cette dernière affirme que son licenciement est la conséquence de la dénonciation qu’elle a faite à ses supérieurs d’un marché public qu’elle estimait pour le moins sujet à caution. La Mairie nie en bloc et avance l’incompétence de cette femme pourtant expérimentée. Les 19 et 20 avril derniers, l’ancienne salariée dit avoir reçu des menaces téléphoniques d’un homme lui conseillant “de laisser tomber” sans quoi elle verrait “comment ça se passe quand on touche aux amis”. Pour ces faits, elle a déposé une main courante puis une plainte auprès de la police.”

« Ayant moi-même reçu ce genre d’appels téléphoniques (insultes et menaces que j’ai enregistrées et diffusées sur mon site!), vous pouvez imaginer mon choc en lisant ces lignes dans le Parisien. Ce témoignage est à recevoir avec sérieux. »

propos comportant à l’encontre d’un corps constitué, en l’espèce la mairie de PUTEAUX, l’imputation des faits diffamatoires précis suivants:

-d’avoir mis un terme brutal au contrat de Mme Anne-Marie F., non en raison de motifs liés à sa compétence ou plus généralement à la qualité de son service, mais parce qu’elle aurait dénoncé un marché public, en l’espèce les conditions d’attribution du marché public “Puteaux en neige” qui serait sujet à caution;

-de s’être rendue complice d’une infraction pénale par instructions voire même d’en être l’auteur en proférant des menaces, fait prévu et réprimé par les articles 222-17 et le cas échéant 121-7 du code pénal, en l’espèce en ayant fait téléphoner à Mme F., par “un homme” qui lui aurait demandé de “laisser tomber sans quoi elle verrait comment cela se passe quand on touche aux amis” d’une part et ayant téléphoné à M.Christophe GREBERT, auteur de la revue de presse, d’autre part,

faits prévus et punis par les articles 23, 29 al.1, 30, 42,43 et 48 al.1 de la loi du 29juillet 1881, 93-3 de la loi du 29juillet 1982.

A cela, Christophe Grébert a répliqué en employant le premier moyen de défense proposé aux prévenus de diffamation : rapporter la preuve du fait allégué (sauf exceptions[1], on ne diffame pas en rapportant la vérité). L'offre de preuve doit être faite par huissier dans le délai de dix jours.

Le 15 octobre 2004, le prévenu a fait signifier une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, en application des dispositions de l’article 55 de la loi sur la liberté de la presse, dénonçant vingt pièces et le nom de huit témoins.

L'offre de preuve a eu lieu le 10e jour, ce qui est un classique : faire une telle offre est complexe, et on n'a pas trop de neuf jours pour la préparer, le dixième étant réservé à l'huissier.

Lors de la première audience, l’affaire a été renvoyée contradictoirement aux audiences des 17 décembre 2004, 15 mars et 14 juin 2005, pour fixer, et du 21juin 2005, pour plaider, puis, à cette dernière date, à la demande du conseil de la partie civile, aux 16 septembre et 16 décembre 2005, pour fixer, et au 3 février 2006, pour plaider.

Pourquoi toutes ces audiences ? Mes lecteurs habitués le savent déjà : la prescription en matière de presse est de trois mois. Il faut donc que le tribunal veille à appeler ce dossier pour interrompre ce délai. On parle d'audiences relai ou d'audiences de fixation (...du jour de plaidoirie).

A cette audience, le prévenu était présent et assisté de son conseil, la partie civile étant, pour sa part, représentée par son avocat.

Le tribunal a procédé à l’examen des faits, interrogé le prévenu et entendu Nadine J., Jean-Marie G. et François T., témoins cités au titre de l’offre de preuve.

Puis il a entendu, dans l’ordre fixé par la loi, le conseil de la partie civile -qui a sollicité la condamnation du prévenu à lui payer les sommes de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 760 euros sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale, outre trois publications judiciaires dans des quotidiens de son choix, dans la limite de 7 620 euros par insertion-, le ministère public en ses réquisitions et le conseil du prévenu, qui a soulevé l’irrecevabilité de la constitution de partie civile, a plaidé la relaxe et a eu la parole en dernier.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a, dans le respect de l’article 462, alinéa 2, du code de procédure pénale, informé les parties que le jugement serait prononcé le 17 mars 2006.

A cette date, la décision suivante a été rendue:

Fin du récapitulatif de la procédure, qui a été impeccablement respectée, la 11e chambre de la cour d'appel ne pourra que se féliciter de la diligence de la 17e chambre du tribunal.

Maintenant, le tribunal commence à donner son opinion. Première question qui se pose : Christophe Grébert est-il le directeur de la publication de Monputeaux.com ? S'il ne l'est pas, fin des débats, c'est la relaxe.

SUR LES PROPOS POURSUIVIS

Il résulte du constat d’huissier produit par la partie civile que le texte visé à la prévention figurait, le 26 mai 2004, sur le site internet accessible à l’adresse www.monputeaux.com, sous le titre « 26.04.2004 Revue de presse Nouveaux remous à la mairie de PUTEAUX (LE PARISIEN) », étant précisé, d’une part, que la partie de ce texte présentée comme une citation du quotidien LE PARISIEN, qui en constitue le deuxième paragraphe, était reproduite, sur le site, en italiques, distincts des caractères classiques utilisés pour le premier et le troisième paragraphes, et introduite par le sous-titre -qui n’a pas été repris à la prévention-:

« Extrait de l’article du Parisien : » et, d’autre part, qu’à la suite du texte figuraient un lien hypertexte, signalé par les mots “Lire l’article du Parisien”, ainsi que les mentions « Rédigé par Christophe GREBERT le 26.04.2004 à 10H00 dans Justice, Les CECCALDI ont fait, Revue de presse | Lien permanent | Commentaires”.

Christophe GREBERT ne conteste pas être le directeur de la publication du site internet qu’il a créé et anime seul ni être, également, le rédacteur du texte incriminé.

Bon, on juge le bon prévenu. Jusqu'ici, tout va bien.

Deuxième question : les propos sont ils diffamatoires ? Si c'est non, fin des débats, c'est la relaxe.

SUR L'ACTION PUBLIOUE

Sur le caractère diffamatoire des propos poursuivis

II convient de rappeler que 1er alinéa de l’article 29 de la loi du 29juillet 1881 définit la diffamation comme “toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé”.

La prévention distingue à juste titre deux imputations différentes, qui sont toutes deux contenues dans le texte incriminé.

Le tribunal approuve le raisonnement du parquet qui a retenu deux diffamations dans ces propos.

La première est celle d’avoir conclu un marché public qualifié de “sujet à caution”, celui de l’opération “PUTEAUX en neige”, pour un prix présenté comme anormalement élevé et d’avoir, de surcroît, immédiatement licencié l’employée qui avait dénoncé à ses supérieurs les anomalies affectant le dit marché.

Un tel fait est précis et contraire à l’honneur et à la considération, dès lors qu’il est susceptible de constituer des violations des règles relatives aux commandes publiques, violations qu’on aurait tenté de dissimuler en licenciant abusivement une employée qui les avait découvertes.

Les affirmations sont donc diffamatoires.

La défense avait soulevé une difficulté de fond car les faits visés par la citation étaient une diffamation à corps constitué", or la commune de Puteaux et le parquet avait rédigé les actes de procédure en mentionnant "la mairie de Puteaux" ; or la mairie n'a aucune existence légale.

Contrairement à ce que soutient le prévenu, c’est bien la commune de PUTEAUX, plaignante et partie civile, qui est visée par cette imputation, comme cela résulte des références faites à “la mairie de PUTEAUX” ou à “notre ville”, entités à qui sont prêtées tant la passation du marché contesté que la responsabilité du licenciement litigieux.

Peu importe à cet égard que le texte poursuivi, comme la citation qui a été délivrée par le ministère public, désignent cette collectivité territoriale par l’expression, juridiquement peu pertinente, de “mairie de PUTEAUX”, étant précisé que le prévenu ne soutient nullement que cette imprécision affecterait la régularité de l’acte introductif d’instance, mais qu’il se contente de faire valoir que la “mairie de PUTEAUX” ne serait pas protégée par les dispositions spéciales de l’article 30 de la loi sur la liberté de la presse, alors que la commune de PUTEAUX, qui a déposé plainte, après délibérations en ce sens de son conseil municipal en date des 4 juin et 18 juillet 2004, conformément aux exigences de l’article 48 (1°) de la dite loi, est bien un corps constitué, au sens de l’article 30 susvisé.

La personne morale est la commune, représentée non par le maire mais par le Conseil municipal. Curieusement, la défense n'a pas soulevé de nullité de la citation à comparaître, qui aurait peut être prospérée, en tout cas c'est ce que le tribunal semble laisser entendre, mais s'est placée sur le terrain plus fragile du fond du droit. Le tribunal écarte son raisonnement, en considérant que cette mention erronée n'empêche pas de constater que les imputations concernent la commune et non la mairie.

Venons en à la deuxième imputation diffamatoire, et là, l'accusation trébuche :

La seconde imputation diffamatoire contenue dans le texte litigieux est liée à la commission de menaces téléphoniques, adressées au mois d’avril 2004, à l’ancienne employée déjà mentionnée et à des appels insultants et menaçants qu’aurait reçus le rédacteur du texte lui-même.

C’est cependant à tort que la prévention retient que ce fait précis et contraire à l’honneur et à la considération serait imputé à la “mairie de PUTEAUX”, qu’elle en soit auteur ou complice, alors qu’il n’est nullement affirmé, voire même simplement insinué, que la collectivité territoriale aurait animé ou inspiré l’homme qui aurait appelé son ex-employée, ou qu’elle aurait le moindre lien avec lui, ni qu’elle serait à l’origine des appels reçus par Christophe GREBERT, sur l’origine et le sens desquels aucune précision n’est d’ailleurs fournie.

Tous les éléments de l’infraction de diffamation envers un corps constitué, tels qu’ils sont définis dans les termes de la prévention, ne sont donc pas réunis, du chef de cette seconde imputation.

En effet, à aucun moment Christophe Grébert n'a dit que les appels téléphoniques qu'il a reçus aurait émané ou auraient été commandité par la commune de Puteaux. Dès lors, n'étant pas victime de cette diffamation, elle ne peut poursuivre de ce chef, et le parquet non plus puisqu'en matière de presse, la plainte de la victime est un préalable sine qua non aux poursuites, et le retrait de cette plainte met fin aux poursuites, contrairement au droit commun. Le tribunal écarte donc cette prévention dont il n'est pas valablement saisi. Christophe Grébert est d'ores et déjà relaxé de ce chef.

Deuxième argument de la défense : la loi du 29 juillet 1881 ne s'appliquerait pas à l'internet. Le tribunal rejette cette argumentation, puisque la loi dit expressément le contraire. La seule difficulté vient du fait que la loi a changé entre le moment où les propos ont été tenus et aujourd'hui, mais seulement les numéros d'article. Le tribunal donne donc un cours d'histoire du droit :

S’agissant de la seule première imputation, dont le caractère diffamatoire à l’encontre de la commune de PUTEAUX est retenu, le prévenu soutient à tort que la loi du 29 juillet 1881 ne saurait s’appliquer en l’espèce.

Comme l’a expressément précisé la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique, en modifiant les dispositions de l’article 23 de la loi sur la liberté de la presse, l’élément de publicité exigé par ce texte peut être caractérisé par l’usage de tout moyen de communication au public par voie électronique.

Si ce texte est intervenu postérieurement à la date de commission des faits objets de la présente poursuite, il résultait également de l’état du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi de juin 2004 que les propos diffusés sur le réseau internet étaient susceptibles de constituer les infractions prévues par le chapitre IV de la loi de 1881.

L’article 23 susvisé, dans sa rédaction applicable aux présents faits, prévoyait, en effet, que la publicité pouvait résulter de l’emploi de tout support de l’écrit, de la parole ou de l’image et notamment de tout moyen de communication audiovisuelle. Et l’article 43-10 de la loi du 30 septembre 1986, alors en vigueur dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2000, rendait concrètement possible la poursuite des infractions de presse commises sur internet en imposant aux personnes éditant un service de communication en ligne autre que de correspondance privée de tenir à la disposition du public le nom de leur directeur de publication, au sens de l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle -soit directement si elles agissaient à titre professionnel, soit, dans le cas contraire, éventuellement par l’intermédiaire de leur fournisseur d’hébergement.

II importe donc peu, pour l’applicabilité à la présente espèce de la loi du 29 juillet 1881, que le service de communication électronique en ligne fourni par le prévenu -lequel en était donc le directeur de la publication, en application du dernier alinéa de l’article 93-2 susvisé- n’ait pas été édité par celui-ci à titre professionnel mais ait constitué ce qu’il est convenu d’appeler indifféremment un site personnel, des pages personnelles ou, plus récemment, un blog.

Bon, là, c'était couru d'avance.

Troisième argument soulevé par la défense, avec aussi peu de succès que les précédents : ce blog ne répondrait pas à la condition de publicité exigée par la loi car ne s'adressant qu'aux seuls putéoliens.

C’est enfin à tort que le prévenu soutient que l’élément de publicité exigé par la loi ne serait pas constitué en l’espèce, au motif que ses lecteurs seraient unis entre eux par une communauté d’intérêt centrée autour de la ville de PUTEAUX, alors qu’au contraire, par exemple, d’un forum de discussion au sein duquel une inscription préalable serait exigée sur la base d’un critère susceptible de caractériser une telle communauté, le site www.monputeaux.com était accessible à tous les internautes désireux de le visiter ou au hasard d’une recherche, quel que fût le centre d’intérêt qui les y conduisait.

Peu importe que Monputeaux ne s'adresse qu'aux putéoliens puisque tout le monde peut y accéder. Christophe Grébert avait d'ailleurs reconnu à la barre que depuis cette affaire, son audience dépassait largement les rives ouest de la Seine, ce qui affaiblissait quelque peu cette argumentation.

Quatrième moyen de défense : l'offre de preuve des faits imputés. Las, le tribunal n'a pas été convaincu, estimant que les pièces produites sont sans pertinence avec les faits.

Sur l’offre de preuve

Offrant régulièrement de prouver la vérité des faits diffamatoires, le prévenu doit le faire de façon parfaite, complète et corrélative à l’imputation diffamatoire dans toute sa portée et toute sa matérialité.

Si l’on excepte les pièces concernant la seconde imputation qui n’a pas été retenue, le prévenu produit (pièces 15 à 20) divers documents provenant de la procédure d’appel d’offre relative “à l’organisation d’animations sportives, culturelles et socio-culturelles et de services auxiliaires de décors et de spectacles pour fêtes de fin d’année à PUTEAUX”, qui ne permettent nullement d’établir que la consultation qu’ils concernent auraient abouti à la conclusion d’un marché douteux et anormalement cher. Aucune pièce n’est, de surcroît, produite concernant le licenciement de la salariée mentionnée dans l’article.

Ce qui est dommage vu que l'imputation diffamatoire vise la passation de ce marché et le licenciement de Madame F.

Enfin, aucun des trois témoins visés à l’offre de preuve que le tribunal a pu entendre ne s’est exprimé sur les faits objets de la seule imputation retenue.

Il convient en conséquence de constater que le prévenu a échoué en son offre de preuve.

Sur ce point, la tactique de la défense a été de dresser un portrait peu flatteur de l'équipe municipale actuelle, laissant entendre que l'accusation contenue dans l'article est donc crédible. Le tribunal refuse d'entrer dans ce raisonnement en exigeant une preuve pertinente directement liée aux faits diffamatoires, et il constate que ce n'est pas le cas ici. Cependant, l'audition de ces témoins n'aura pas été inutile, loin de là, comme nous allons le voir.

Cinquième moyen de défense : la bonne foi du prévenu, qui en matière de presse n'est pas présumée mais est admise comme excuse absolutoire. Comme dans tout syllogisme judiciaire, le tribunal rappelle d'abord la règle de droit.

Sur la bonne foi

Si les imputations diffamatoires sont réputées faites dans l’intention de nuire, le prévenu peut cependant justifier de sa bonne foi et doit, à cette fin, établir qu’il poursuivait, en diffusant les propos incriminés, un but légitime exclusif de toute animosité personnelle, qu’il a conservé dans l’expression une suffisante prudence et qu’il avait en sa possession des éléments lui permettant de s’exprimer comme il l’a fait.

Ensuite, il recherche si elle s'applique au cas d'espèce. Et c'est sur ce point que la défense va triompher.

Le prévenu a expliqué au tribunal qu’ayant adhéré au parti socialiste dans les jours ayant suivi le 21 avril 2002, date du premier tour de l’élection présidentielle, il a décidé de créer sur le réseau internet un site destiné à être un lieu de débat offert aux habitants de sa commune de résidence, PUTEAUX, site où il relate et commente les informations locales, en utilisant sa formation de journaliste, mais dans un but citoyen et désintéressé, sans esprit de propagande politique. Ce faisant, utilisant toutes les possibilités offertes par l’internet comme support de la libre expression des citoyens en dehors de tout cadre institutionnel ou commercial, il poursuivait un but légitime d’information du public local, auquel il offrait parallèlement un espace de réaction et de dialogue.

Même si l’analyse des extraits du site qui sont versés aux débats, notamment ceux qui ont été reproduits dans le constat d’huissier susvisé, démontre que le prévenu y adopte un ton volontiers critique à l’égard de l’équipe municipale, ce parti pris ne saurait être confondu avec une animosité de nature personnelle, dont aucun élément ne vient démontrer la réalité, alors même que les témoins entendus par le tribunal ont, au contraire, fait état de manifestations d’hostilité dont Christophe GREBERT aurait été victime de la part de responsables de la majorité municipale.

Quoique journaliste de profession, le prévenu dirigeant le site litigieux à titre purement privé et bénévole n’était pas tenu de se livrer à une enquête complète et la plus objective possible sur les faits qu’il évoquait. Il pouvait donc, dans une rubrique consacrée à une revue de presse, citer des extraits d’un article relatif à un litige mettant en cause la mairie de PUTEAUX publié dans le quotidien régional LE PARISIEN -dès lors que, comme au cas présent, il précisait exactement sa source et ne lui faisait subir aucune dénaturation-, sans avoir à vérifier le bien fondé des informations qu’il reproduisait.

Il pouvait également librement, en qualité de citoyen et de contribuable local, lire dans cet article la confirmation de son opinion sur le coût excessif d’une dépense engagée par sa ville, sans avoir, à cet égard, à démontrer le bien fondé de ce point de vue en se livrant, par exemple, à une rigoureuse analyse comparative du coût de l’opération litigieuse avec les sommes déboursées par d’autres municipalités pour des prestations similaires, dès lors qu’il démontre, par la production des pièces déjà évoquées, que la dite opération a bien eu lieu et a occasionné des dépenses de l’ordre de celles qu’il évoquait.

Il l’a fait en conservant à son expression une réelle prudence, sans tirer de conclusions définitives, mais en se contentant de s’interroger sur le point de savoir si l’article qu’il citait ne constituait pas “un début de réponse” aux questions qu’il se posait sur le coût selon lui anormal de la manifestation organisée par la municipalité.

Dans ces conditions, le bénéfice de la bonne foi doit être reconnu au prévenu, qui sera renvoyé des fins de la poursuite.

Le tribunal estime donc que, quand bien même Christophe Grébert ne cache pas être un opposant à l'actuelle équipe municipale, il n'y a dans sa démarche aucune animosité personnelle envers cette équipe. En démocratie, s'opposer à un élu ne se confond pas avec l'attaquer personnellement : il est légitime d'être un opposant, il est légitime qu'un opposant soit critique même virulent, et il est légitime qu'une personne critique croie et relaie un article critique envers son adversaire. Cette créance est renforcée par l'hostilité ouverte que témoigne la commune à l'encontre de Christophe Grébert, hostilité établie notamment par les témoins.

La commune de Puteaux avait souligné à l'audience que Christophe Grébert étant journaliste, il fallait exiger de lui une enquête complète et objective sur cette affaire. Le tribunal écarte cette argumentation : quand on est blogueur, on n'est pas journaliste. On n'écrit pas un article sous la direction d'un rédac'chef et la responsabilité d'un directeur de publication, qui exercent un contrôle de qualité. On est seul, l'article est en ligne d'un clic, et surtout on fait ça sur son temps libre et en amateur. La 17e est là dans son rôle de protection de la liberté d'expression, en préférant le risque de blogs agités plutôt que policés.

SUR L’ACTION CIVILE

La commune de PUTEAUX, recevable, pour les raisons déjà exposées, en son action, du chef, du moins, de la première imputation, verra toutes ses demandes rejetées compte tenu de la relaxe ainsi intervenue.

Conclusion logique : puisqu'il n'y a pas de délit, pas d'indemnisation.

Les dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale invoquées par le prévenu ne permettant que la condamnation de celui-ci au profit de la partie civile, et non l’inverse, les demandes formées par Christophe GREBERT sur le fondement de ce texte seront déclarées irrecevables.

Erreur classique des avocats civilistes peu au fait des subtilités de la procédure pénale : au civil, l'article 700 du nouveau code de procédure civile permet à chaque partie de demander à ce que l'autre soit condamnée à prendre en charge ses frais de procédure, spécialement ceux d'avocat (on appelle cela des frais irrépétibles). Le tribunal statue et généralement la partie qui perd est condamnée à une indemnité de ce chef. Au pénal, de telles demandes croisées sont impossibles, car les parties ne sont pas sur le pied d'égalité qui est l'essence de la procédure civile. Une partie est poursuivie, l'autre est victime et demande réparation. Le prévenu même en cas de relaxe ne peut pas se retourner contre la partie civile. C'est une protection voulue par la loi pour éviter que des victimes n'aient peur de s'en remettre à justice.

L'article 472 du code de procédure pénale permet de présenter contre la partie civile une demande de dommages-intérêts pour procédure absuive, mais à deux conditions : d'une part, que la partie civile ait mis en mouvement l'action publique (citation directe ou plainte avec constitution de partie civile), d'autre part qu'il y ait eu intention de nuire ou mauvaise foi, cette notion renvoyant à une saisine de la juridiciton répressive téméraire ou précipitée, mais ici, les deux conditions font défaut : c'est le parquet qui a mis l'action publique en mouvement, et il n'y a nulle mauvaise foi puisque les faits sont bien considérés comme diffamatoires, seule la bonne foi ayant sauvé Christophe Grébert des foudres de la justice.

PAR CES MOTIFS

Cette phrase annonce la conclusion du jugement, qui contient la décision du tribunal.

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’égard de Christophe GREBERT, prévenu, à l’égard de la COMMUNE de PUTEAUX, partie civile (art.424 du code de procédure pénale) et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Publiquement : c'est une condition de validité du jugement, sauf si le huis clos a été ordonné, auquel cas il doit être expliqué.

En matière correctionnelle : la 17e chambre est une des rares chambres mixtes civil/pénal du tribunal (avec la 19e, spécialisée dans la réparation du préjudice corporel, où sévit une redoutable cycliste), le tribunal précise donc en quelle matière il statue.

En premier ressort : ce jugement est susceptible d'appel, la cour statuant en dernier ressort.

Jugement contradictoire : les parties ont été citées régulièrement et étaient présentes ou représentées à l'audience. Les délais d'appel courent donc à compter de la date où le jugement est lu en audience publique, soit le 17 mars. Si une partie n'a pas comparu, le jugement est contradictoire à signifier (les délais ne courent qu'à compter de la signification du jugement par huissier). Si le prévenu n'a pas été cité faute de domicile connu, le jugement est par défaut et il peut demander à être rejugé ; le défaut de la partie civile est impossible de par les règles de procédure.

RENVOIE Christophe GREBERT des fins de la poursuite ;

Bref, il est relaxé. L'expression "renvoie des fins de poursuite" est celle employée à l'article 470 du CPP[2], même si l'article 470-1 du CPP parle de relaxe. Mais si le CPP était cohérent, ça se saurait.

REÇOIT la commune de PUTEAUX en sa constitution de partie civile;

La demande est recevable en la forme : elle a respecté toutes les conditions prévues par la loi pour se porter partie civile devant le tribunal.

LA DÉBOUTE de toutes ses demandes;

Mais sa demande est mal fondée car personne n'est condamné. Beaucoup de tribunaux déclarent la partie civile irrecevable quand ils prononcent une relaxe. J'ai beau leur expliquer qu'ils se trompent, rien n'y fait.

DIT IRRECEVABLES les demandes formées par Christophe GREBERT sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Cette demande n'est pas recevable car la partie qui la présente n'a pas la qualité de partie civile, condition posée par la loi.

  • Conclusion : quelle leçon pour les blogues ?

Depuis le début de cette affaire, on entend et lit beaucoup que cette décision "va faire jurisprudence". C'était mettre la charrue avant les boeufs, et il serait téméraire d'en tirer des règles générales sur les blogues. On y apprend ce qu'en fait on savait déjà : les blogues sont soumis aux règles sur la loi de la presse. Pour mes lecteurs, ça n'a rien de nouveau.

De même, on ne peut en déduire que le tribunal proclame qu'un blogueur n'est pas un journaliste. C'était déjà une évidence avant : la 17e a toujours tenu compte de la qualité de l'auteur des propos qu'elle jugeait. La discussion n'a eu lieu ici que parce que Christophe Grébert est journaliste. La question était donc plus limitée, mais intéressante : un journaliste qui blogue doit il être jugé comme un journaliste ou comme un blogueur ? Réponse : ici comme un blogueur ordinaire car il n'agit pas en tant que journaliste. Mais si un journaliste tient un blogue en mettant en avant sa qualité de journaliste, il sera jugé comme tel : avis aux grands noms du métier que sont Bertrand Lemaire, John Paul Lepers, et Jean-Marc Morandini (quoi, qu'est ce que j'ai dit ?).

La 17e chambre applique ici sa jurisprudence de toujours. Rien de nouveau sous les lambris dorés.

Simplement, le mode d'emploi donné par la 17e doit être médité par tout blogueur voulant se lancer dans la polémique publique :

Le blogueur qui relaie des éléments portant atteinte à l'honneur et à la réputation d'une personne est à l'abri des sanctions s'il peut démontrer qu'il poursuivait, en diffusant les propos incriminés, (1) un but légitime (2) exclusif de toute animosité personnelle, (3) qu’il a conservé dans l’expression une suffisante prudence et (4) qu’il avait en sa possession des éléments lui permettant de s’exprimer comme il l’a fait.

Ces quatre conditions sont cumulatives, la quatrième ne se confondant pas avec l'offre de preuve : la bonne foi joue aussi quand on relaie une information fausse, si on peut justifier qu'on a des éléments permettant de s'exprimer ainsi, autres que l'animosité.

Enfin, rappelons que ces règles s'appliquent aussi aux commentaires.

Prochain épisode : la 11e chambre de la cour, si la commune de Puteaux fait appel (je doute que le parquet interjette un recours).

Notes

[1] Quand l'imputation concerne la vie privée, quand elle concerne des faits de plus de dix ans, quand les faits constituent une infraction qui a été amnistiée, prescrite, révisée ou a fait l'objet d'une réhabilitation

[2] Code de procédure pénale

vendredi 16 décembre 2005

Pourquoi on peut commenter une décision de justice

Un commentaire de Raphaël A. fait état de sa surprise de me voir critiquer le jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Orléans dans l'affaire des faucheurs d'OGM. Il expose avoir tant entendu dans les médias la phrase « il est interdit de commenter une décision de justice » qu'il pensait que c'était effectivement prohibé.

Ce thème revenant assez souvent dans la presse, voici l'occasion de lui faire un sort.

Il n'est absolument pas interdit de commenter une décision de justice en France. Dieu merci, sinon je serais en prison depuis longtemps.

Songez à l'absurdité d'une telle interdiction : quand je fais appel d'une décision, je ne pourrais devant la cour que vanter l'excellence du jugement que j'attaque ? La cour elle même ne pourrait que le confirmer avec des éloges à peine de se voir convoquée devant le Conseil supérieur de la magistrature ?

Quant aux critiques entendues sur l'affaire d'Outreau, elles seraient donc hors la loi, et le procureur général de Paris devrait donc être jeté dans une cellule, idéalement sur la paillasse encore chaude laissée par un des accusés.

Il est des revues spécialisées rédigée par d'éminents professeurs de droit qui ne font que commenter des décisions, et les magistrats les lisent avec beaucoup d'intérêt, y compris et surtout ceux qui ont rendu la décision commentée. Tous les étudiants en droits perdent les plus belles années de leur vie à commenter sans fin des décisions de justice, à disséquer leur sens, leur valeur et leur portée.

Rien de sacrilège donc.

Alors, sur quoi repose donc cette légende urbaine ?

Sur l'article 434-25 du Code pénal, qui sanctionne

Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.

Notez que ce qui est interdit est de jeter le discrédit dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.

Pour être parfaitement clair, le législateur précise à l'alinéa suivant que ces dispositions

ne s'appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision.

Concrètement, quand je dis qu'un juge a estimé qu'il y avait état de nécessité alors qu'à mon sens ces conditions n'étaient pas remplies, je n'encours nulle foudre. Cet article sanctionnera en revanche celui qui dira que les juges qui ont rendu telle ou telle décision étaient soit ivres soit corrompus, que ce jugement fera rire pendant des années dans toutes les facs de droit de France, ou encore, pour citer une juridprudence réelle, qu'une décision est «un chef d'œuvre d'incohérence, d'extravagance, et d'abus de droit », et que « rarement les annales judiciaires françaises, pourtant assez bien pourvues d'ordinaire en pareille sorte, n'en ont recelé de telles ».

Le parallèle doit être fait avec le délit d'outrage à magistrat, auquel il est apparenté. Notons toutefois que s'agissant d'un délit par voie de publication, il obéit à la prescription de trois mois.

Donc quand un homme politique déclare, la main sur le cœur, qu'il ne peut commenter une décision de justice, vous saurez désormais que de deux choses l'une : soit cette décision le dérange tant, par exemple parce qu'il a totalement omis de s'informer de son contenu, qu'il préfère esquiver la question, soit le seul commentaire qu'il pourrait faire chercherait immanquablement à jeter le discrédit sur cette décision dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.

Et s'il invoque la séparation des pouvoirs, exigez donc, au nom de ce même principe, la suppression du poste gouvernemental de ministre de la justice, qui en est alors une violation bien plus grave.

vendredi 28 octobre 2005

tentative de squattage judiciaire

Dernier billet sur l'affaire Fogiel, c'est promis.

La lecture du jugement apprend un détail intéressant, amusant ou agaçant, à vous de vous faire votre opinion.

Initialement, c'est l'humoriste Dieudonné qui a mis en mouvement l'action pénale.

Comme on l'a vu dans ce billet, afin de valider sa citation, il a dû effectuer une consignation (de 2000 euros).

Il demandait, outre l'application de la loi pénale (il n'est pas d'usage que la partie civile, même si elle met en mouvement l'action publique, réclame une peine précise, c'est le domaine du ministère public), un euro symbolique de dommages intérêt pour le préjudice moral d'avoir été ainsi injurié, la publication sous astreinte de la condamnation et la prise en charge de ses frais d'avocat à hauteur de 3000 euros.

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vendredi 21 octobre 2005

De la procédure et de la presse

Le Figaro du jour fournit une nouvelle démonstration de la maîtrise de la procédure par les journalistes :

CITÉ à comparaître hier au tribunal de Bobigny par le Mrap pour «incitation à la haine raciale», Philippe de Villiers ne «regrette en rien» ses déclarations sur «l'islamisation progressive de la société française». L'audience, à laquelle il ne s'est pas rendu, portait sur la forme, une audience sur le fond devant intervenir le 19 janvier.

(Le Figaro du 21 octobre 2005, auteur : Guillaume Perrault).

C'est quand même curieux, la justice, avec des audiences sur la forme où les prévenus ne se rendent pas.

Il est en fait assez facile de deviner à quoi correspond cette audience.

Le MRAP est une association de lutte contre le racisme, régulièrement déclarée depuis plus de cinq ans. L'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lui donne le droit d'exercer les drotis reconnus à la partie civile dans le cadre des délits d'incitation à la haine raciale, diffamation raciale et injure raciale.

Le MRAP a donc cité directement Philippe de Villiers devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour incitation à la haine raciale, délit prévu et réprimé par l'article 24 de la loi de 1881, qui punit jusqu'à un an d'emprisonnement et 45000 euros d'amende :

Ceux qui, [publiquement], auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

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lundi 30 mai 2005

Blogueurs et responsabilité

NB : ce billet est obsolète et a fait l'objet d'une réécriture complète le 24 mars 2008. Cliquez sur ce lien pour lire la version à jour. Si vous faites de l'archéologie ou de l'histoire du droit, lisez la suite de ce billet.

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lundi 31 janvier 2005

Affaire Guillermito : la contre-attaque de TEGAM (où : comment se prendre les pieds dans le tapis... de souris)

Devant la chute préoccupante de ma fréquentation (qui avait grimpé à 2500 visiteurs par jour lors de l'affaire Guillemrito mais qui est redecendue à 450 depuis), je ne vois pas d'autre solution que de parler à nouveau de cette affaire pour attirer le chalan et l'inviter à voter pour moi dans les satin pajama awards (catégorie best French Weblog).

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mardi 7 septembre 2004

vade mecum d'une audience correctionnelle

Nous pouvons tous être convoqués devant un tribunal correctionnel, du moins je le souhaite pour le chiffre d’affaire de ma profession, que ce soit en tant que prévenu, partie civile, ou témoin.

Mais concrètement, ça se passe comment ?

Oubliez d’emblée les fictions télévisées, qu’elles soient américaines (la procédure française est totalement différente) ou française (les scénaristes n’y connaissent rien, n’écoutent visiblement pas les consultants juridiques qu’ils inscrivent au générique comme alibi, et ne cherchent qu’à mettre en valeur leur héros, quelles que soient ses fonctions).

Alors voilà comment ça se passe, sachant que ce n'est ni un rituel ni une grand'messe : si ce schéma est toujours suivi, il n'est pas fixé avec pointillisme par le Code de procédure pénale et chaque président a ses manies, chaque tribunal ses usages, et chaque jour ses imprévus.

Voici mon guide du routard au prétoire...

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lundi 19 avril 2004

Bienvenue sur la planète Mars…

Comme beaucoup de mes confrères, je suis un névrosé de la langue française.

Le Français est notre outil de travail, c’est une arme aussi quand il s’agit de convaincre. J’exècre les anglicismes quand bien même j’aime cette langue et la pratique régulièrement, et j’abhorre le jargon inutilement technique dans toutes les professions fabriqué de toutes pièces par l’utilisation abusive de sigles.

Le droit a son propre langage, c’est pourquoi j’ai mis dans mes liens le remarquable dictionnaire du droit privé qui fournit un glossaire précieux.

Le langage du droit paraît facilement abscons car c’est un langage technique. Le droit est une science, il se fonde sur des raisonnements, pas sur une perception morale arbitraire d’un individu qui a réussi un concours après quatre ans de fac.

C’est inévitable et rend la justice difficile d’accès.



Mais souvent, dans un tribunal, les magistrats, les greffiers, les procureurs, et par imitation, les avocats, en rajoutent inutilement.

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