Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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dimanche 8 juin 2008

The Big Picture

Le quotidien américain The Boston Globe propose sur un blog des photos en grand format pris par des professionnels, grands reporters, sur le terrain, comme aux riches heures du photojournalisme (sauf pour mon premier exemple).

Chaque jour pour le moment (le rythme de croisière sera de 2-3 billets par semaine), une série d'une douzaine de photos sur un événement. Les commentaires sont en anglais, mais les photos sont magnifiques. Un des plus beaux blogs que j'aie vus. Régalez-vous, et merci au Boston Globe de montrer comme le photo-reportage reste extraordinairement moderne.

Ci-dessous, trois photos (format réduit) à titre d'exemple de ce que vous pouvez voir.

Photo prise par la sonde Cassini : on voit la lune de Saturne Janus, toute petite au centre, devant les anneaux de la planète. Au fond, la lune géante Titan (qui fait 40% de la taille de la terre) Photo NASA/JPL-Caltech. Extrait de cette note.

Cassini

Un Marine, de la 24e Unité Expéditionnaire des Marines, pris sous le feu des Talibans, comprend le sens de l'expression “c'est pas passé loin”, le 18 mai 2008 près de Garmser, province d'Helmand, en Afghanistan. Le Marine n'a pas été blessé. Notez qu'il a une alliance. Pourvu que son épouse ne voie jamais cette photo. Extrait de cette note (REUTERS/Goran Tomasevic)

Oups

Le volcan Chaiten, au Chili, endormi depuis des milliers d'années, vient de se réveiller. Il existe un phénomène connu quoiqu'inexpliqué d'orages se déclenchant dans le panache. De nuit, c'est spectaculaire. Welcome to Mordor. Extrait de cette note (REUTERS/Carlos Gutierrez)

Mordor

Et en 990 pixels de large, ça en jette encore plus.

Via Embruns.

samedi 7 juin 2008

Teachtaireacht pearsanta

Le do thoil, abair is ea.

Et pour les Irlandais qui ne parlent qu'anglais :

Si avec tout ça vous n'avez pas compris…

A trop vouloir bien faire...

Par Gascogne


Je n'ai jamais été un grand adepte de la théorie du complot. Tout au plus mon pessimisme naturel me fait-il voir le mal là où il n'est pas forcément. Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'à tout le moins, à vouloir jouer avec le feu, on finit par se brûler.

M. WARSMANN, député UMP fort au fait de la chose judiciaire, a introduit dans le texte soumis au parlement, dans le cadre de la réforme des institutions, un amendement visant à modifier l'article 11 de ce texte. Cet amendement a été adopté.

En voici la teneur : « Sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir. »

Comme son nom l'indique si bien, l'exposé de la motivation de cet amendement est plus que sommaire : « Trop souvent, les textes de loi adoptés par le Parlement ont une portée rétroactive. Ceci ne facilite ni la sécurité juridique ni la stabilité de notre droit. Il convient donc ici de reprendre la proposition formulée par le « comité Balladur » en érigeant en principe constitutionnel la non-rétroactivité de la loi. »

D'un point de vue législatif, c'est l'article 2 du Code Civil qui pose le principe : « La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. »

Le Code Pénal n'est pas en reste et prévoit les principes d'application de la loi pénale dans le temps dans ses articles 112-1 à 112-4.

Le droit conventionnel prévoit également le principe général de la non rétroactivité des lois pénales, notamment la convention européenne des droits de l'homme, dans son article 7.

Inscrire dans la constitution, norme supérieure, le principe de non rétroactivité de la loi n'est donc pas en soi choquant. Même le grand Jean Carbonnier dans son introduction au droit civil indiquait que le législateur pouvait bien défaire se qu'il s'était imposé par le biais de la loi. Le problème est que l'ouvrage de Carbonnier date de 1955, avant la mise en place du Conseil Constitutionnel dans le cadre de la constitution de 1958.

Et si l'on s'en réfère à de récentes décisions dudit Conseil, Le principe de non rétroactivité de la loi pénale a une valeur constitutionnelle. Quel est donc dés lors l'intérêt de l'amendement Warsmann ?

Peut-être tient-il dans la formulation de cet amendement, qui est tout sauf neutre (« Sauf motif déterminant d'intérêt général... »), le droit étant, on le sait bien, la science des exceptions.

Comme on a pu l'entendre encore et encore depuis quelques temps, l'intérêt des victimes ne serait-il pas justement un « motif déterminant d'intérêt général » ?

Une loi comme celle sur la rétention de sûreté ne pourrait-elle ainsi devenir rétroactive ?

Et, ce que le rapport Lamanda ne pouvait faire, le législateur constitutionnel n'est-il pas en train d'y parvenir, sans trop de bruit ?

Je ne fais bien entendu que me poser des questions. Mais je crains d'en connaître les réponses.

vendredi 6 juin 2008

Comment la liberté est cachée dans le jugement de Lille

Par Equével, magistrat du siège.


—Dialogue—

Taton: Groscrate, je t’ai entendu hier défendre l’annulation par nos juges du mariage d’une jeune fille à qui son mari ne pardonnait pas de lui avoir caché qu’elle avait accordé les dernières faveurs à un autre, avant le mariage. Je ne comprends pas que tu défendes cette décision qui me rappelle les temps anciens et barbares où les jeunes filles étaient strictement surveillées, avant d’être livrées à un mari qu’on avait choisi pour elle, quand elles n’étaient pas en plus cruellement mutilées dans leur intimité. Approuverais-tu ce jugement liberticide si on reprochait à la jeune épouse dissimulé à son mari qu’elle n’était pas excisée?

Groscrate: Excisée! Je reconnais bien là ton goût pour la dialectique de l'extrême, Taton. Ton argument frappe, il est vrai, mais il frappe à coté de sa cible. Ce qui est excessif n'est il pas insignifiant ? Ce qui aboutit à des résultats choquants dans de rares hypothèses doit-il être rejeté même s'il est utile dans la majorité des cas? Faut-il abattre la forêt lorsqu'un seul arbre menace ta maison?

Taton: Tu dis vrai, Groscrate, mais nos juges peuvent-ils s'appuyer sur la barbarie pour détruire les mariages formés selon les lois de la Cité?

Groscrate: Prends patience, Taton, et examine plutôt ceci: conviendras-tu que les époux doivent pouvoir se choisir librement et que leur union doit être assise sur leur assentiment éclairé?

Taton: Oui, j'en conviens aisément.

Groscrate: Conviendras-tu qu'un époux trompé par l'autre sur ses qualités doit pouvoir être délié d'un engagement qu'il n'aurait pas donné si on ne lui avait masqué la vérité?

Taton: J'en conviens aussi, cela est juste, à condition toutefois que le mariage soit protégé du caprice d'un époux et ne puisse être annulé que pour des raisons sérieuses.

Groscrate: C'est pour cela, Taton, que nos lois ne permettent d'annuler le mariage que pour une erreur sur les qualités essentielles de l'autre époux.

Taton: Cela est bon, Groscrate, mais qui va décider ce qui est essentiel et ce qui ne l'est pas?

Groscrate: Tu poses la question dont tout dépend, Taton. Avant d'y répondre, ceci : n'est-il pas bon que les lois de notre cité reconnaissent aux citoyens la liberté de gouverner leur vie comme bon leur semble, à condition toutefois qu'ils n'en n'usent pas pour nuire à autrui?

Taton: Oui, cela ne doit pas être autrement.

Groscrate: Dans le cas du mariage, ne penses-tu pas qu'un époux doit être libre de chercher l'époux qui lui convient selon sa propre fantaisie?

Taton: Assurément!

Groscrate: Et ce même si cette fantaisie apparaît ridicule ou condamnable aux autres citoyens?

Taton: Même dans ce cas, Groscrate ! Mais à condition, comme tu me l'as enseigné, que cela ne nuise pas à autrui.

Groscrate: Penses tu alors que la loi doit interdire aux citoyens de rechercher une femme vierge?

Taton: Cela ne se pourrait ! Vouloir une vierge est un désir bien étrange. Mais l'interdire serait une autre étrangeté! Qu'un homme veuille une vierge n'oblige nulle femme à le rester pour lui!

Groscrate: Tu veux dire, Taton que vouloir une femme vierge ne peut être condamné car c'est faire usage de sa liberté sans nuire à autrui?

Taton: Oui, Groscrate, la femme doit être libre d'user de son corps avant le mariage si elle le trouve bon, comme l'homme doit être libre de pouvoir s'en renfrogner. L'inverse est vrai aussi. Et ce n'est pas au législateur, ni au juge de nous dire qui nous voulons épouser ou ne pas épouser, selon notre fantaisie.

Groscrate: Mais ne diras-tu pas que la liberté ne peut exister sans la connaissance?

Taton: Oui, Groscrate, nous le savons depuis longtemps.

Groscrate: Mais ne dira-tu pas aussi que la connaissance vraie suppose la loyauté?

Taton: Oui, Groscrate, nous le savons depuis longtemps. Comment prendre une décision libre si on nous a menti?

Groscrate: Et ne diras-tu pas alors que le futur époux qui trompe l'autre sur une qualité essentielle selon sa fantaisie, manque à la loyauté, prive son futur époux de la connaissance vraie, et lui retire la liberté qu'il doit avoir pour consentir valablement au mariage?

Taton: Oui Groscrate, je pense comme toi qu'un mariage ne saurait prospérer lorsqu'il est bâti hors de la liberté. Je comprends maintenant que chacun doit être libre de se marier ou pas, et d'épouser tel ou telle, selon son goût et sa fantaisie, selon sa morale ou sa religion. Nos lois ne doivent pas commander ou prohiber les critères dont l'époux et l'épouse font dépendre leur choix, même si ce critère heurte notre entendement. Vouloir la liberté de tous, n'est-ce pas accepter d'être heurté par l'usage qu'en peuvent faire les autres. Que la morale et la religion soient laissées aux philosophes et aux prêtres, que nous sommes libre d'écouter ou de fuir! Qu'en revanche ni la loi ni les juges, auxquels nous sommes soumis, ne s'en préoccupent autrement que pour garantir notre liberté de penser et de croire selon notre goût.

Groscrate: Tu veux-dire que lorsqu'un époux ment à l'autre sur une chose qu'il savait essentielle pour celui-ci, le juge saisi de l'annulation du mariage doit y faire droit sans se mêler de dire si l'époux trompé avait le droit de trouver cette chose essentielle?

Taton: Oui, Taton. La liberté de se marier selon notre fantaisie n'oblige personne à se plier à cette fantaisie. Cette liberté ne menace personne. Ce serait une mauvaise chose de la limiter en décidant à la place des époux ce qui doit présider à leur choix et ce qui ne doit pas y présider.

Groscrate: Je te quitte, Taton. C'est aujourd'hui qu'Elisabitha Badinthyos doit boire la ciguë et je ne veux pas rater ça.

jeudi 5 juin 2008

L'affaire de l'inhumé malgré lui

Lors de l'émission Du Grain À Moudre d'hier, Caroline Fourest a cité, comme preuve de la progression du communautarisme, une décision du tribunal de Lille ayant décidé qu'un musulman devrait être inhumé selon les rites musulmans alors qu'il avait déclaré vouloir être incinéré (ce que la religion musulmane ne permet point, pas plus que la chrétienne d'ailleurs je rectifie, elle le permet, mais ne l'encourage point, merci Vertex). C'est à la 14e minute de l'émission.

Je n'ai pu sur le coup apporter de contradiction, ne connaissant pas l'affaire. Elle me paraissait toutefois douteuse telle qu'elle était présentée. J'ai demandé à Caroline Fourest si elle en connaissait les références, et elle m'a juste indiqué que la décision finale avait été prise par la cour d'appel de Paris.

Une recherche m'a permis de retrouver mention de la décision, qui émane du premier président de la cour d'appel de Paris, le 3 juin 2005. Il s'agit de l'affaire Bergham.

Les faits ne sont pas exactement ceux présentés par Caroline Fourest sur un détail qui change tout, et elle en oublie un autre qui change tout aussi. Bref, comment, par des omissions que je pense faites de bonne foi (les détails qui comptent dans les décisions échappent souvent aux non juristes), faire d'une décision banale une attaque sournoise contre la République et une reddition des juges.

Les faits étaient les suivants. Un algérien de 55 ans meurt le 13 mai 2005 des suites d'un cancer. Contrairement à ce qu'avance Caroline Fourest, il ne laisse aucune trace de ses dernières volontés quant au sort de sa dépouille. Là est le nœud du problème : si cela avait été le cas, il n'y aurait eu aucune difficulté pour procéder à l'incinération, comme nous allons le voir.

Un conflit apparaît donc pour l'organisation des funérailles, entre ses trois enfants d'une part, qui disent qu'il voulait être incinéré car il avait apostasié, et sa veuve, qui toutefois l'avait quitté neuf mois plus tôt, qui disait qu'il n'en était rien et était resté musulman, sans être particulièrement dévot ni pratiquant, mais entendant être inhumé selon le rite musulman.

La loi prévoit ce cas de figure, plus fréquent qu'on ne le croit, surtout depuis la loi de 1905.

Une loi du 15 novembre 1887 prévoit dans son article 3 que :

Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester[1], peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture.

Il peut charger une ou plusieurs personnes de veiller à l'exécution de ses dispositions.

Sa volonté, exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu'une disposition testamentaire relative aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation.

Ajoutons que le fait de ne pas respecter ces dernières volontés est un délit pénal puni de 6 mois d'emprisonnement et 7500 euros d'amende : art. 433-21-1 du code pénal.

Vous voyez donc que si le défunt avait exprimé sa volonté, il n'y aurait eu aucune difficulté. Mais voilà : il ne l'avait pas fait par écrit, et ceux ayant reçu ses confidences divergeaient sur le contenu de celles-ci.

En cas de litige, vu l'urgence à décider, la nature n'attendant pas pour prendre son dû, une procédure particulière est prévue à l'article 1061-1 du Code de procédure civile (CPC) :

En matière de contestation sur les conditions des funérailles, le tribunal d'instance est saisi à la requête de la partie la plus diligente selon un des modes prévus à l'article 829.

Il statue dans les vingt-quatre heures.

Appel peut être interjeté dans les vingt-quatre heures de la décision devant le premier président de la cour d'appel. Celui-ci ou son délégué est saisi sans forme et doit statuer immédiatement. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué.

La décision exécutoire sur minute est notifiée au maire chargé de l'exécution.

C'est à cette procédure que la famille va recourir, en se tournant vers les tribunaux de la République qui vont appliquer la loi de la République. Les trois enfants saisissent dont le tribunal d'instance de Lille qui leur donne raison le vendredi 21 mai 2005. La veuve souhaitant faire appel, elle se rend le lendemain à la cour d'appel de Douai. Fatalitas : on est samedi, tout est fermé. Elle y retourne le lundi, mais le premier président, statuant immédiatement, la déclare irrecevable pour appel tardif (on dit qu'elle est forclose). Ne se décourageant pas, la veuve va former un pourvoi en cassation.Je ne sais pas quel argument elle a soulevé mais la cour va trancher par un arrêt du 1er juin 2005 sur un moyen soulevé d'office (c'est-à-dire par elle-même) que la loi prévoyant que l'appel se fait sans forme et puisqu'il est établi que la veuve s'était présentée à la cour le samedi à 14h15, cette démarche est un appel sans forme et donc que le délai avait été respecté. Ah, merveilleux pragmatisme du droit qui fait que se heurter à une porte close devient une déclaration d'appel valable.

La Cour casse la décision de la cour d'appel de Douai et renvoie pour qu'il soit statué à nouveau (la cour de cassation ne juge qu'en droit, elle ne juge as les faits) devant le premier président de la cour d'appel de Paris.

Ce magistrat va renverser la décision du tribunal d'instance le 3 juin 2005 et, à défaut d'accord des parties, va considérer, je cite, qu'il convenait de rechercher par tous moyens quelles avaient été les intentions du défunt et, à défaut, de désigner la personne la mieux qualifiée pour décider des modalités des funérailles, avant de constater, d'abord, que Amar Bergham, s'il n'était pas un pratiquant régulier, était de tradition musulmane, qu'il avait manifesté le vœu d'être inhumé, et que rien ne permettait d'affirmer qu'il eût entendu rompre tous liens avec cette tradition ; et en conséquence va charger la veuve d'organiser les funérailles.

À leur tour, les trois enfants vont former un pourvoi en cassation, qui sera rejeté le 15 juin 2005, mettant un terme définitif à ce litige.

Les enfants reprocheront au premier président d'avoir désigné la veuve comme personne qualifiée alors qu'elle vivait séparée du défunt au moment du décès, affirmant qu'eux étaient restés des proches et savaient mieux ce que voulait le défunt. L'argument avait porté devant le tribunal d'instance de Lille, mais par la suite, il a pu être établi de manière certaine que le défunt voulait être inhumé. Les enfants ont alors changé leur fusil d'épaule et argué qu'il ne précisait pas s'il voulait être inhumé religieusement ou non. Las, après avoir affirmé haut et fort que leur père voulait être incinéré, ils avaient perdu quelque crédibilité aux yeux du juge qui a décidé souverainement que la veuve était la plus à même de décider. D'autant que le choix de l'inhumation étant à présent clairement connu, la seule différence était que le défunt allait être enterré dans le carré musulman du cimetière, dans un linceul blanc, la tête tournée vers la Mecque.

Je passe sur des complications annexes, la loi prévoyant des délais maximums pour procéder à des funérailles, l'incinération allait avoir lieu, mais le maire de Lille a pris un arrêté de suspension d'incinération avec l'aurotisation du parquet pour laisser le temps à la justice de trancher.

Dernier point : Caroline Fourest mentionne l'intervention de la Ligue Islamique du Nord qui aurait demandé qu'une autorité religieuse musulmane décide si le défunt était ou non apostat (sans préciser quels moyens ils auraient employé pour sonder s volonté post mortem). Elle oublie de mentionner que cette intervention (on appelle intervention le fait pour une personne de devenir partie à un procès en cours d'instance) a été jugée irrecevable, l'action en question ne concernant que la famille proche, et une autorité religieuse n'ayant aucune qualité à donner un avis à cette fin, dans le plus pur respect du principe de la laïcité. Vous noterez que le nom de la Ligue n'apparaît nulle part dans les décisions que je lie, et un article de l'époque du Figaro précise qu'Amar Lasfar, effectivement présent à l'audience, « n'a pas pu s'exprimer ». Vous voyez que loin de capituler, la République, en la personne de ces juges, a parfaitement résisté et repoussé l'assaut.

Loin de moi l'idée de nier qu'il y a une tentation par des communautés religieuses radicales d'imposer leurs règles de foi et leurs valeurs religieuses à la société en instrumentalisant le droit. L'islam radical n'est pas le seul (on peut aussi penser aux sectes). Mais la République ne cède pas. Les juges tiennent bon.

Croyant bien faire, ceux que cette situation préoccupe sonnent le tocsin à la moindre alerte, quitte à faire de décisions de justices banales des tumeurs malignes. Difficile de leur reprocher, quand faire peur attire les micros comme le miel attire les mouches, et ne prend que quelques minutes quand rassurer prend des heures.

Mais il est tout aussi difficile de les approuver. Quitte à parler comme un Tolkien, le combat des Lumières contre l'obscurantisme ne se doit pas se jouer avec les mêmes armes.

Notes

[1] Tester, en langage juridique, signifie rédiger son testament.

Le législateur récidive.

Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 sur le traitement de la récidive des infractions pénales. Limitation des possibilités de sursis, création du concept de réitération d'infraction pour permettre le cumul des peines même hors les cas de récidive, obligation de la prison ferme dans certains cas de récidive.

Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance. Obligation faite au juge de motiver son choix de ne pas recourir à l'emprisonnement en cas de récidive.

Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs : instauration des peines plancher.

Loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental : création de la rétention de sûreté permettant de garder un condamné enfermé au-delà de sa peine en cas de risque de récidive.

Devinez ce que le président souhaite pour lutter contre la récidive ? Vous avez gagné. Une loi.

Le Premier président de la Cour de cassation, M. LAMANDA a remis aujourd’hui au Président de la République son rapport "Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux".

Ce rapport dresse un tableau très complet du dispositif mis en place pour lutter contre la récidive mais en pointe également les lacunes.

Quatre lois en rafales, il y a encore des lacunes. On ne saurait imaginer plus bel hommage au travail législatif.

Pour y remédier, il fait au Président de la République 23 propositions qui sont pour partie législatives et pour partie liées à l’organisation des systèmes judiciaires et pénitentiaires.

S’agissant des propositions d’ordre législatif, elles ont pour objectif d’imposer des mesures de surveillance de sûreté aux sortants de prison ayant démontré leur dangerosité mais auxquels la loi relative à la rétention de sûreté ne peut être appliquée.

(…)

Le Président de la République souhaite que les propositions d’ordre législatif fassent rapidement l’objet d’un projet de loi.

En fait, l'idée est de lutter contre la récidive en ensevelissant les délinquants sous les J.O.

Et comme il n'est de bonne farce qui ne se termine sur une chute burlesque :

Le Chef de l’Etat a confirmé à M. LAMANDA, que la justice disposera des moyens nécessaires à la mise en œuvre des propositions du rapport.

Comme pour la mise en œuvre des propositions du rapport Attali ?

Via Jules.

Eolas vous donne du grain à moudre

J'ai accepté de participer mercredi à l'émission Du Grain à Moudre sur France Culture, de 17h00 à 18h00, qui abordera le sujet du jugement de Lille sur la perte de la virginité de l'épouse et des illusions de l'époux, où je porterai le fardeau de la défense de cette décision. Je ne sais pas qui seront mes contradicteurs, mais j'ai bon espoir que nous vous épargnerons un ton inutilement polémique.

Venez faire péter l'audimat.


(5 juin 2008) Débriefing de l'émission. Ravi de voir que les commentaires sont plutôt positifs. Le ton de l'émission reflète parfaitement l'ambiance qui a baigné cette réalisation : détendue et cordiale. Un très bon moment, et le personnel de France Culture est très sympathique. Je suis sorti de cette émission enchanté de son déroulement.

Brice Couturier était très remonté contre cette décision, ou plutôt contre ce qu'elle lui semblait révéler (à mon avis à tort) : une progression du communautarisme et un recul des valeurs républicaines face à des exigences culturelles, mélange de religieux et d'archaïque. Néanmoins, il était avant tout animé par le désir de comprendre, ce qui a permis un vrai débat qui a je pense fait évoluer sa position sur ce jugement. Cela se voyait dans le studio, car quand une personne parlait, il écoute, concentré, et n'a pas un œil rivé sur l'horloge et un autre vers la régie. Julie Clarini, quant à elle, semblait avoir dès avant l'émission compris que ce jugement ne disait pas tout ce qu'on lui faisait dire.

Les interventions de Sarah Mekboul on posé un problème technique : pour éviter un écho, il fallait couper les micros dans le studio, ce qui empêchait Brice Couturier d'intervenir pour recadrer la réponse quand elle commençait à dériver hors sujet.

Quelques détails que je n'ai pas eu l'occasion de donner à l'antenne :

- Sur la question : mais pourquoi n'ont-ils pas divorcé à l'amiable si elle était d'accord ? L'accord a été donné quinze mois après l'assignation après radiation de l'affaire. On est loin de l'accord parfait sur le divorce et toutes ses conséquences que suppose le consentement mutuel. De plus, un tel divorce nécessite impérativement que les époux soient tous deux présents dans le cabinet du juge, rencontre que ni l'un ni l'autre ne souhaitaient, et je pense tout particulièrement l'épouse.

- Sur l'emballement médiatique : je suis à présent convaincu que cette affaire est né du fait qu'un grand nombre de personnes ou d'associations guettait le premier symptôme de reconnaissance du fait communautariste en France, en allant des conservateurs comme Alain-Gérard Slama à la gauche intransigeante de Charlie Hebdo, en passant par les féministes historiques, les associations de défense des droits des jeunes filles des cités (les Ni Putes Ni Soumises, entre autres…), sans compter les partis politiques d'opposition aux aguets du premier fait divers pour attaquer le gouvernement. Et dès la dépêche AFP, le signal a été donné. Mais quand le contenu réel du jugement a commencé à circuler, la baudruche menaçait de se dégonfler. Alors, sur le mode de la rumeur, la présentation de la décision et même des faits y ayant donné naissance a commencé à évoluer et à être déformé. Cela va du : « le jugement dit que la virginité est une qualité essentielle de la femme » laissant entendre que désormais tout mariage d'une femme non vierge pouvait être annulé, à l'invention du drap taché de sang que l'époux devait présenter à la famille. J'ai contacté l'un des avocats de cette affaire, qui m'a très gentiment répondu, et m'a confirmé que jamais, ô grand jamais, il n'avait été question d'exhiber un quelconque drap. Quand la nouvelle de la rupture du couple est tombée, il était fort tard et la plupart des convives étaient déjà partis.

- Sur l'appréciation de la virginité par la justice : le 5 janvier 2005, le tribunal de grande instance de Lille avait déjà annulé un mariage en s'appuyant sur la question de la virginité et même la production d'un certificat médical à ce sujet. Mais dans ce jugement, le mariage a été annulé… parce que la mariée était vierge. Explication : l'épouse soulevait la nullité d'un mariage car son mari ne l'aurait épousée que pour pouvoir venir s'établir en France. Sa virginité intacte était la preuve d'absence d'intention matrimoniale du mari. Comme quoi.

- Sur la décision de 2005 sur l'incinération de l'algérien athée : je ne connais pas cette décision. Quelqu'un pourrait-il m'en donner les références ou idéalement me la communiquer ? Caroline Fourest en a hélas été incapable.

mercredi 4 juin 2008

SAV de l'instruction

Billet sans hymen juridiquement modifié dedans

Lire la suite...

mardi 3 juin 2008

Eolas sur France Info

Je suis invité sur France Info tout à l'heure à 18h45 pour un débat sur le fameux mariage annulé. Pour ceux qui ne connaissent pas le nouveau ton de France Info depuis la rentrée, les débats se veulent courts et polémiques.

J'ignore pour le moment quel sera mon contradicteur censé dire pis que pendre sur ce jugement. Si vous aimez le droit contre le bon sens, vous allez être servis.

Si vous avez des réactions, observations, questions, les commentaires sont à vous.

Mise à jour : mon contradicteur sera Madame Aurélie Filipetti, député SRC de la 8e circonscription de Moselle.

Le blog d'Aurélie Filipetti.


Bon, debriefing. Je m'attendais un peu à ce résultat, en moins pire, peut-être (c'est mon inébranlable foi dans l'homme)

Le “débat” médiatique n'a rien à voir avec le débat judiciaire. Le premier singe le second. La galanterie et la politesse qui veulent qu'on laisse parler son adversaire sont clairement des handicaps dans le premier, et l'ignorance du droit, un atout.

Mais je chicane sans doute : j'applique la loi, le député ne fait que la voter.

Difficile de réagir sous un tel déluge de sottises, avec tout le respect que je dois à madame le député. Tromperie sur la marchandise (qui insulte les femmes, là ?), clauses abusives (femmes, forfait millenium, même combat), parallèle sordide avec l'excision (qui est un crime passible de la cour d'assises dont les victimes sont de jeunes enfants et l'auteur leurs propres parents), et cerise sur le gâteau : la Convention européenne des droits de l'homme invoquée pour refuser la liberté de conscience (protégée par l'article 9 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme) et dire qu'on ne peut laisser dire des choses en République (comment ça, liberté d'expression, article 10 de la convention ?).

Je crois que ce qui m'agace le plus, au-delà de la démagogie du propos, est qu'au nom de la défense des femmes, on sacrifie une femme. Elle est débarrassée d'un mariage dont elle ne veut plus, elle en est soulagée ? Peu importe. On va la remarier ; pour le droit des femmes. Les féministes prêtes à sacrifier toutes les femmes une par une pour la Cause commettent pour moi le crime de Haute Trahison.

Hop, l'émission pour ceux qui veulent ré-écouter :

(Merci MsieurDams)


Mise à jour 23h30 : Une réflexion qui vient de me venir. oui, un peu tardivement, je sais, mais qui peut expliquer le fait que Catherine Pottier ne m'ait posé que des questions fermées et ait volontiers repris la parole. Un incident m'est revenu en mémoire.

Alors que j'ai été contacté en début d'après midi par l'assistant de Catherine Pottier et que rendez-vous avait été pris, quand je l'ai eu au téléphone pour la préparation technique, il m'a demandé de lui confirmer que j'étais bien avocat. Ce que j'ai fait. Il m'a alors demandé si je voulais bien donner mon nom. Ce que j'ai fait. Merci soulagé, et c'était presque l'heure du débat.

Je me demande dans quelle mesure Catherine Pottier n'a pas découvert à la dernière minute que l'un de ses invités était en fait un anonyme bloguant comme avocat, et qu'il allait passer en direct sans qu'on ait vérifié son sérieux, et que ça ne lui plaisait pas. Je la comprendrais tout à fait, surtout avec les récentes affaires Delarue et Elkabach. Elle réagirait en journaliste en vérifiant ses sources. D'où sa présentation : «maitre Eolas qui se présente comme avocat au barreau de Paris» ; le fait qu'elle ne me pose que des questions fermées (Combien de recours en annulation ? Est-ce le rôle du juge de statuer là dessus ? Faut-il légiférer ?) qui évitent de m'inviter à donner une opinion, de peur que je sois un farfelu, alors qu'en plus en face elle a une personne nommée, connue, et légitime (élue du peuple ET porte-parole du groupe SRC) - la tolérance n'étant pas une exigence à ce niveau.

Si tel est le cas, comment lui en vouloir ? Elle n'aurait pas été professionnelle si elle n'avait pas été prudente.

Dati en shorter

Shorter : « La justice permet aux jeunes filles d'être libres, il faut donc faire appel de ce jugement. »

NB : Humour inside.

Assignation en référé du ministre de la défense

Oh ! Un billet où on ne parle pas de virginité !

Hervé Morin, ministre de la défense (qui serait vierge s'il était né une semaine plus tard), va être assigné aux côtés du général Parayre (cinq étoiles au-dessus de sa pucelle) devant le tribunal de grande instance de Paris par huit gendarmes en exercice.

— Pourquoi le tribunal de grande instance de Paris ?

Parce que l'État major de la gendarmerie, où se trouve le bureau du général, est à Paris, dans les locaux du ministère de la défense.

— Mais pourquoi le tribunal de grande instance ? Je croyais que depuis un divorce (ou était-ce une annulation de mariage ?) de 1790, le juge judiciaire ne mettait plus son nez dans les affaires de la chose publique ?

Certes, mais c'est là un principe juridique. Or le droit est la science où les concepts immaculés sont souillés d'exceptions. Et il en est une née pour garantir les libertés, et que nous devons, que l'Histoire aime l'ironie, à l'Action Française, connue pourtant pour ne guère aimer celles-ci : c'est l'exception de la voie de fait.

En effet, le 7 février 1934, le préfet de police a fait saisir d'autorité le journal l'Action Française, organe du mouvement éponyme. La société du journal a porté l'affaire devant les tribunaux judiciaires, arguant du fait que la loi du 29 juillet 1881 (toujours en vigueur aujourd'hui) permettait aux tribunaux d'ordonner la saisie des journaux, mais certainement pas au préfet d'y procéder de son propre chef. Le préfet de police estima qu'on ne pouvait poursuivre le préfet de police devant les juridictions judiciaires, au nom du respect de la loi qu'il venait de piétiner, et non pour mettre un obstacle sur la voie judiciaire de ses adversaires, bien entendu.

Le Tribunal des Conflits, juridiction dont le seul rôle est de dire quel juge est compétent, du judiciaire ou de l'administratif, par un arrêt[1] du 8 avril 1935 a donné tort au préfet de police, relevant qu'il n'était pas justifié que la mesure ordonnée, portant atteinte à la liberté de la presse, ait été indispensable pour assurer le maintien ou le rétablissement de l'ordre public, et que dès lors elle constituait non un acte légitime de l'administration mais une voie de fait : le préfet était donc abandonné au bras séculier de la justice judiciaire.

La théorie de la voie de fait pose, comme le dit le site du Conseil d'État, que l’action de l’administration, qui s’est placée hors du droit, étant en quelque sorte dénaturée, il n’y a plus matière à en appeler à la séparation des fonctions administratives et judiciaires pour limiter la compétence de l’autorité judiciaire. Le juge judiciaire est ainsi investi d’une plénitude de juridiction : il a compétence tant pour constater la voie de fait, que pour enjoindre à l’administration d’y mettre fin et pour assurer, par l’allocation de dommages et intérêts, la réparation des préjudices qu’elle a causés. Bref, l'administration doit être une rosière pour rester à l'abri de la concupiscence judiciaire.

Revenons en à nos gendarmes : ceux-ci estiment que la lettre du chef d'État-Major de la gendarmerie les enjoignant de démissionner de l'association qu'ils ont créée, et ce sous huit jours à peine de sanctions, constitue une atteinte manifestement illicite au droit d'association et d'expression, et constitue donc une voie de fait entraînant compétence judiciaire.

J'avoue être réservé sur ce raisonnement (mais j'ignore tout du dossier, la réserve est importante). Le Monde est équivoque en écrivant que « Le président du tribunal de grande instance de Paris a décidé, lundi 2 juin, d'autoriser l'association "Forum gendarmes et citoyens" à assigner en référé le directeur général de la gendarmerie nationale (le général Guy Parayre), ainsi que le ministre de la défense (Hervé Morin), en fixant au jeudi 5 juin la date de cette audience, où les deux parties seront représentées par leurs avocats », ce qui peut laisser croire que la question a été tranchée.

Visiblement, il s'agit d'une simple autorisation d'assigner en référé d'heure à heure : quand un demandeur estime avoir des motifs légitimes d'obtenir très rapidement une décision de justice eu égard à l'urgence (un jugement de fond peut tarder un à deux an, un référé un à trois mois), il peut demander au président du tribunal l'autorisation de doubler tout le monde. Pour un jugement au fond, on parle d'assignation à jour fixe[2], et pour un référé, d'heure à heure[3] (la loi prévoit même que l'audience peut se tenir au domicile du magistrat, toutes portes ouvertes jusqu'à la rue pour respecter la publicité de la procédure). Cette autorisation se sollicite par requête, que l'on va présenter au président dans son bureau (à Paris, un magistrat délégué est à notre disposition). Il lit la requête, écoute nos explications, nous pose des questions, et s'il accepte, nous indique quand aura lieu l'audience, et jusqu'à quand nous avons pour faire délivrer notre assignation, à peine de caducité de son autorisation.

C'est cette étape là qui vient d'être franchie : le président a estimé que les gendarmes ayant huit jours pour obtempérer à peine de sanctions, ils sont légitimes à demander une décision avant l'expiration de ce délai. C'est tout : le juge n'a pas encore défloré la question de la compétence judiciaire : elle le sera à l'audience jeudi, soit par le ministre ou le général, soit d'office par le juge, la question étant d'ordre public. Si le juge se reconnaît compétent, le préfet de police pourra exercer une voie de recours spéciale, en prenant un arrêté de conflit, qui porte l'affaire devant le Tribunal des Conflits. S'il se déclare incompétent au profit de la juridiction administrative, les demandeurs devront former leur recours de l'autre côté de la Seine (en vélib', il y en a pour cinq minutes à peine).

M'est avis, amis juristes, vu la jurisprudence postérieure à Action Française, notamment l'arrêt Tribunal de grande instance de Paris du 12 mai 1997, et la création des référés administratifs comme le référé-suspension et le référé liberté, que la compétence judiciaire en raison de la voie de fait est ici plus que douteuse. La voie de fait est un tendron pour les professeurs de faculté, mais on ne la voit plus guère danser dans le bal des prétoires.

Réponse bientôt. En tout cas, ça fait du bien un post sans mention de virginité, non ?

Notes

[1] Le tribunal des conflits est le seul tribunal de France à rendre non pas des jugements mais des arrêts.

[2] art. 788 et s. du Code de Procédure Civile (CPC).

[3] Art. 485 alinéa 2du CPC

lundi 2 juin 2008

Affaire du mariage annulé : la Chancellerie demande au Parquet général de faire appel

Tout est dans le titre. Sombre jour pour la liberté, qui voit l'État intervenir dans une affaire strictement privée à cause de l'émoi de l'opinion publique. Parlez-moi d'archaïsme, d'idées d'un autre temps, de piétinement des valeurs de la République, et je vous parlerai de cet appel, ordonné par une Garde des Sceaux qui approuve pourtant elle-même ce jugement. La République marche sur la tête, et la foule crie sa joie comme si on venait de libérer Barabas.

La loi garde la tête froide, cependant, et je me demande si cet appel est seulement recevable.

Le droit d'appel du parquet est essentiellement jurisprudentiel, jurisprudence qui l'a élargi bien au-delà des seules mentions textuelles (comme l'article 1055 du Code de Procédure Civile sur les rectifications des actes d'état civil). Il peut faire appel comme toute partie quand il est partie principale (c'est à dire qu'il a saisi le tribunal), c'est acquis. La jurisprudence a, si mes souvenirs sont exacts, étendu cette faculté aux cas où il était partie jointe (il n'a pas saisi le tribunal mais s'est invité à la fête) mais aurait pu être partie principale (bref, quand l'ordre public est concerné), mais je ne crois pas qu'elle le dispense de respecter le délai d'appel d'un mois de l'article 538 du CPC. Or le jugement date du 1er avril 2008, il a deux mois. Mais y a-t-il une condition de signification au parquet pour faire courir le délai à son égard ? J'avoue mon ignorance.

Y a-t-il un avoué ou un parquetier du service civil dans le blog qui pourrait m'éclairer sur les probabilités de voir en appel le triste spectacle des deux époux réconciliés dans le malheur supplier les Conseillers de confirmer ce qui n'avait pas chagriné le parquet du tribunal avant que la catin de Moro-Giafferi ne s'intéresse à leur bonheur quitte à le faire contre leur gré ?

Car si l'appel était irrecevable à cause d'un délai, quelle éclatante démonstration de ce que la procédure est le siège des libertés, comme le savent les avocats et les magistrats; mais personne ne les croit jamais.

Commentaires sur l'Asile du droit

Comme promis, pour ceux qui auront réussi à échapper à l'avalanche de commentaires sous le billet sur la nullité du mariage prononcé par le tribunal de grande instance de Lille, j'ouvre un billet pour commenter le documentaire de Henri de Latour, l'Asile du droit.

Le record est actuellement à 1111 : lâchez vos coms !

vendredi 30 mai 2008

N'y a-t-il que les vierges qui puissent se marier ?

Bon, au début, je souriais, mais le pétage de plomb généralisé qui saisit la classe politique ne m'amuse plus. Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 1er avril dernier (cette date n'aurait pu être mieux choisie) annulant un mariage à la demande du mari ayant découvert que son épouse en savait un peu trop donne lieu à un festival d'outrances comme j'en ai rarement vu. D'autant plus que l'unanimité n'est que de façade, car personne ne le condamne pour les mêmes raisons. Et pour cause, il y a gros à parier que personne ne l'a lu, ce jugement. Car il ne casse pas trois pattes à un canard boîteux, comme disait ma grand-mère, qui, elle était vierge (ascendant sagittaire).

Et là où je commence même à ressentir les premiers symptômes d'un agacement certain, c'est quand on répète en boucle que les époux étaient musulmans. Argh, l'Islam nous impose sa loi (la virginité de l'épouse n'ayant jamais préoccupé les chrétiens, c'est connu), les juges plient, la République est en danger, la laïcité agonise, que fait la police ? Ah, oui, elle est occupée.

Alors de quoi s'agit-il ?

Tout d'abord, l'époux est Français. L'épouse, je l'ignore, le jugement est muet là-dessus. Pour des raisons philosophiques et religieuses, que précisément la laïcité républicaine nous interdit de juger, il voulait absolument épouser une jeune femme de la même confession, et vierge.

Il rencontre une jeune femme qui répond au premier critère et qui, leur relation devenant sentimentale, lui affirme qu'elle répond aussi au second, alors qu'il n'en est rien. Pourquoi ? Je l'ignore. Toujours est-il que son fiancé ne lui a jamais caché l'importance que ce critère représentait pour lui et qu'elle a prétendu mensongèrement le remplir.

Vient la nuit de noce, et le mari découvre que son épouse lui a menti, et sur un point dont il n'a jamais caché l'importance qu'il lui attachait. L'épouse lui révèle alors qu'elle a déjà eu une relation sentimentale qui, si elle n'a pas eu de fruit, lui a coûté une fleur.

L'époux ne veut plus de cette union qui s'est construite sur un mensonge. Dès le soir des noces, il se sépare de son épouse et veut faire dissoudre ce mariage.

Il saisit donc la justice, mais par une procédure fort rare, la nullité du mariage. Quasiment tombée en désuétude depuis la libéralisation du divorce en 1975, elle n'est plus enseignée à la faculté que comme une curiosité, ses effets divergeant de la nullité contractuelle de droit commun.

Cette nullité repose sur l'article 180 du Code civil :

Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage.

Cet article protège le consentement des époux, qui doit être libre et sincère. C'est là un point essentiel du mariage. Le mariage tient en effet à la fois du contrat (un accord de volonté qui fait naître des obligations) et de l'institution (certains de ces effets et sa dissolution sont fixés par la loi et ne sont pas laissés à la liberté de choix des époux). Sa nature contractuelle exige un consentement pur : monsieur veut vraiment épouser madame.

Cela exclut que monsieur soit menacé de mort s'il ne dit pas oui (je n'invente pas : c'est une jurisprudence de la cour d'appel de, je vous le donne en mille : Bastia, 27 juin 1949), ou subisse quelque pression que ce soit. C'est le sens de la question posée par le maire : voulez-vous prendre pour époux … ?

Outre la violence faite aux époux, l'alinéa 2 prévoit que le consentement d'épouser la personne porte non seulement sur son identité mais sur qui elle est vraiment. Tout couple, a fortiori un couple qui se lie par le statut contraignant du mariage, repose sur la confiance en l'autre. Si cette confiance a été trahie avant même le mariage, la loi considère que le consentement au mariage peut en être atteint.

Mais la loi se garde de définir ces qualités essentielles, et la jurisprudence de la cour de cassation laisse le juge décider si, selon lui, les qualités invoqués sont ou non essentielles. On appelle cela le pouvoir souverain du juge du fond, la cour de cassation n'étant pas juge du fond mais du droit. Seules exigences de la jurisprudence : l'erreur doit être objective et déterminante, c'est-à-dire reposer sur un fait et être telle que, sans cette erreur, l'époux ne se serait pas marié.

On a donc une collection de décisions qui donnent des exemples ponctuels. Ont ainsi été considérés comme qualités essentielles :l'existence d'une relation extraconjugale que l'époux n'avait nullement l'intention de rompre ; la qualité de divorcé (qui fait obstacle à la tenue d'un mariage religieux chrétien) ; la qualité d'ancien condamné ; la qualité de prostituée ; la nationalité ; l'aptitude à avoir des relations sexuelles normales (le jugement ne définit pas la relation sexuelle normale, pour la plus grande tristesse des étudiants en droit) ; la stérilité ; la maladie mentale ou le placement sous curatelle.

Venons-en à notre jugement. Sa lecture est fort instructive. Dommage que les spécialistes de l'indignation sur commande s'en soient manifestement passés.

Premier point intéressant. Contrairement à ce que Libé laisse entendre en écrivant «Dès le lendemain, l’époux cherche à faire annuler son mariage », les époux n'ont pas fait preuve d'un empressement frénétique. L'époux a délivré son assignation fin juillet 2006, soit trois semaines après le mariage, et il ne va plus rien se passer pendant plus d'un an. Ce qui va faire que le tribunal, lassé d'attendre va radier l'affaire le 4 septembre 2007, qui sera rétablie pour être jugée en octobre 2007. Mais bon, le mari musulman qui répudie sur le champ sa femme pas assez chaste, c'est plus vendeur, n'est-ce pas ?

Une procédure en nullité de mariage, c'est un procès presque comme un autre. Il y a un demandeur. Ici, c'est le mari. Il expose au juge ses prétentions, que voici :

il demande l' annulation du mariage sur le fondement de l'article 180 du code civil, que chacune des parties supporte ses propres dépens. Il indique qu'alors qu'il avait contracté mariage avec [son épouse] après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste, il a découvert qu'il n'en était rien la nuit même des noces. [son épouse] lui aurait alors avoué une liaison antérieure et aurait quitté le domicile conjugal. Estimant dans ces conditions que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux pourtant essentielle dans le cadre de l'union conjugale, il demande l' annulation du mariage.

Il y a un défendeur. Ici, c'est l'épouse. Et que dit-elle pour sa défense ? Voilà ce que tous les indignés oublient de dire ou ignorent :

Elle demande au tribunal de lui donner acte de son acquiescement à la demande de nullité formée par [son époux], dire que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens, ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Bref, l'épouse consent à la procédure de nullité.

Le mariage, en France, comme tout ce qui touche à l'état des personnes, est d'ordre public : la procédure doit être communiquée au parquet pour qu'il indique sa position. Il faudra qu'un jour je fasse un billet sur le rôle civil du parquet, qui est très important et méconnu, on ne lui connaît que son rôle pénal de poursuite des infractions.

Dans ce dossier, le parquet dit : « Je m'en rapporte à la sagesse du tribunal », ce qui signifie que ça ne lui pose aucun problème.

Mettons nous un instant à la place du juge : il a un demandeur qui lui demande d'annuler son mariage car son épouse l'a trompé. Il a un défendeur qui lui demande d'annuler son mariage car il a trompé son époux. Il a un procureur qui dit de ne pas l'ennuyer avec ce dossier, car il y a un nouveau billet sur le blog d'Eolas. Et il a un article 408 du Code de procédure civile qui lui dit :

L'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action.

Pourquoi diable le juge rejetterait-il cette demande qui ne pose de problème à personne ?

Certes, le même article 408 précise que :

[L'acquiescement] n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.

Ce qui n'est pas le cas de la nullité du mariage qui est d'ordre public. Il a le pouvoir légal de rejeter cette demande et l'obligation légale de la justifier s'il y fait droit.

Il va décider d'y faire droit, en motivant sa décision ainsi :

D'abord, il rappelle le droit tel qu'il va l'appliquer.

- Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 180 du code civil, s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ; que, par ailleurs, l'article 181 - dans sa rédaction issue de la loi du 4 avril 2006 applicable à la cause - précise qu'une telle demande n'est plus recevable à l'issue d'un délai de cinq ans à compter du mariage ou depuis que l'époux a acquis sa pleine liberté ou que l'erreur a été par lui reconnue ;

Simple rappel des textes en vigueur.

- Attendu qu'il convient en premier lieu de constater qu'en l'occurrence, l'assignation a été délivrée avant l'expiration d'un délai de cinq années suivant la célébration du mariage et la découverte de l'erreur ; que l'action en annulation du mariage s'avère dès lors recevable ;

Premier point qu'il doit vérifier : la demande est-elle recevable, doit-il l'examiner ? La réponse est oui. Deuxième question, la demande est-elle fondée ? Ce qui induit la question : quelles sont les règles applicables ?

- Attendu qu'en second lieu il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais également qu'une telle erreur était déterminante de son consentement ;

C'est-à-dire que l'erreur ne vient pas de celui qui l'invoque mais était connu de l'autre époux, et que sans cette erreur, il n'aurait pas consenti au mariage.

Ces règles posées, le juge va constater qu'elles s'appliquent, et ce par un raisonnement fort habile qui fait que ce juge mérite plus des applaudissements que les injustes lazzis dont il fait l'objet :

Attendu qu'en l'occurrence, [l'épouse] acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de [l'époux] au mariage projeté ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint.

L'habileté échappera à qui n'est pas juriste, mais je m'y attarde car c'est un superbe cas pratique pour des étudiants de première année (tiens ? Les partiels approchent…)

L'acquiescement de l'épouse à la demande en nullité n'était pas possible, car la matière est d'ordre public : art. 408 alinéa 2 du code de procédure civile. Alors que fait le juge pour faire droit à cette demande ? Étudiants en première année, prenez le temps de réfléchir, c'est un beau cas pratique du droit de la preuve.

Il déduit de cet acquiescement inefficace un aveu judiciaire : article 1356 du Code civil. L'épouse dit acquiescer à la demande de son mari. Elle ne le peut pas, mais ce faisant, elle avoue devant le juge qu'elle savait que son hymen importait à son époux et qu'elle savait qu'elle ne l'avait plus (son hymen, pas son mari ; quoique maintenant elle n'a plus ni l'un ni l'autre).

Le juge y trouve donc une preuve irréfutable (l'aveu judiciaire ne peut être rétracté) du caractère objectif et déterminant de l'erreur. Ite missa est, comme ne dit pas le Coran.

Et hop, mariage annulé.

Ce qui est une action d'une banalité affligeante, faite sur un fondement anecdotique, est devenu en quelques jours un scandale national car chacun y projette ses fantasmes, la religion musulmane des intéressés n'y étant pas pour rien, la palme revenant à ce communiqué de l'association Ni Putes Ni Soumises, que j'ai connue plus inspirée, et qui aboutit à faire dire à ce jugement que les femmes non vierges n'ont plus le droit de se marier.

Ce jugement ne dit absolument pas que le mariage d'une femme non vierge est nul, ni que la virginité est une qualité essentielle de la femme. Il dit ceci et rien d'autre. Madame Y… a menti à Monsieur X… sur un point qu'elle savait très important pour lui. Elle savait que si Monsieur X… avait su la vérité, il ne l'aurait probablement pas épousé. Et d'en tirer les conséquences légales que lui demandent les deux époux dans ce qui après tout est leur vie.

Là où les indignés des micros se muent tous en Tartuffe, c'est quand on se demande ce qu'il serait advenu en cas de rejet de la demande. Ces époux seraient-ils restés mariés et auraient-ils vécu heureux avec beaucoup d'enfants ? Non, ils auraient divorcé. Par consentement mutuel, puisqu'ils étaient d'accord pour se séparer. Consentement mutuel qui exclut que soient abordés les raisons du divorce. Donc dissolution du mariage, mais l'honneur est sauf : on ne saurait pas pourquoi.

Bref, prenez ce mouchoir et cachez-moi cette virginité que je ne saurais voir. Tartuffe est toujours face à Dorine.


Pour ne pas mourir idiot : Le texte presque intégral du jugement.

Un peu de détente

JEU : Une grave menace pour la République, habillée en rose, s'est cachée dans cette photo, prise à la sortie du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après une audience de reconduite à la frontière. Sauras-tu la trouver ?

Un groupe de six policiers escorte une famille de cinq étrangers. Entre leurs jambes, on aperçoit une fillette qui doit avoir quatre ans, toute habillée de rose.

(Photo AFP/Jack Guez)

jeudi 29 mai 2008

À voir absolument

À vos zapettes, à vos magnétoscopes ou tout ce qui vous permet d'enregistrer la TNT.

Public Sénat diffuse actuellement un documentaire très bien fait sur le contentieux du droit d'asile, intitulé «L'asile du droit», d'Henri de Latour (54'), déjà diffusé sur France 3 le 11 janvier 2008.

Vraiment, il vaut le coup car il fait partie des rares documentaires sur la justice où je retrouve l'ambiance et la réalité du quotidien.

Un bref topo : les étrangers qui demandent l'asile en application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 doivent présenter leur demande à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA). C'est une phase purement administrative et semée d'embûches (l'étranger qui obtient enfin, après un parcours du combattant, et qui implique notamment de remettre son passeport à la préfecture, le formulaire OFPRA a 21 jours, pour le remplir, en français à peine d'irrecevabilité (l'OFPRA ne fournit pas d'interprète traducteur), et le faire parvenir à l'OFPRA à Fontenay Sous Bois. S'ils dépassent le délai, ils sont à jamais privés du droit de demander l'asile.

Le dossier est examiné par les fonctionnaires de l'OFPRA, qu'on appelle Officiers de Protection, et l'étranger est, en principe, convoqué à un entretien avec l'Officier. Les avocats ne sont pas admis à ces entretiens, parce que. Le directeur général de l'OFPRA rend alors une décision qui est notifiée par lettre recommandée AR. Et c'est curieux comme la plupart se ressemblent au mot près : les propos du demandeurs sont confus et contradictoires en ce qui concerne les menaces dont il dit être l'objet et il n'a pas apporté de précisions convaincantes sur les faits précis dont il fait état. Plus, s'il a produit des documents : ils sont insuffisants pour établir les faits en absence de déclarations convaincantes de sa part. J'en ai plein comme ça dans mes dossiers, ce qui est pratique, on peut commencer à rédiger le recours sans avoir la décision.

Si l'étranger parvient à retirer la lettre à son bureau de poste alors qu'il a dû remettre son passeport à la préfecture pour avoir le dossier de demande d'asile[1], il a un délai d'un mois pour saisir la Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA), qui s'appelait jusqu'à il y a peu la Commission de Recours des Réfugiés (CRR) - d'où le nom de domaine internet. C'est pourquoi vous entendrez souvent les avocats parler de “la commission” : c'est la cour, le nouveau nom (qui n'a rien changé sinon peut-être la taille des chevilles de certains de ses juges) n'étant pas encore entré dans les mœurs. Pour être valable, le recours doit être accompagné d'une copie de la décision de l'OFPRA (d'où le gag du recommandé). C'est ce délai, déjà terriblement court, que le très honorable député Ciotti voulait réduire à quinze jours au nom de la tradition d'accueil de la France.

La Cour siège à Montreuil Sous Bois, en Seine Saint-Denis. C'est une juridiction de l'ordre administratif, et celle qui traite le plus de demandes chaque année, battant tous les tribunaux administratifs et même le Conseil d'État.

Le recours est examiné en audience publique, ce sont ces audiences qui sont filmées. L'avocat a pu entrer en scène une fois la décision rendue : il a rédigé le recours, consulté le dossier (c'est la première fois qu'il y a accès), versé des pièces complémentaires (notamment des expertises médicales quand des coups ou des mutilations ont laissé des traces).

Petites particularités de la CNDA : les avocats, vous le verrez, font leurs photocopies eux-même. Les avocats extérieurs à l'Île de France ont droit à une copie du dossier, pas nous, sauf si on vient la faire nous-même. Sékomsa.

Plus contrariant : le recours attaque une décision du directeur général de l'OFPRA. Le personnel de la CNDA est à 95% du personnel de l'OFPRA. Le budget de la CNDA est fourni par l'OFPRA (Ça change au 1er janvier prochain). Les locaux de la CNDA sont payés par l'OFPRA. La cour est composé de trois juges : le président est un juge administratif (Conseil d'État, Cour des Comptes, conseiller de tribunal administratif ou de Cour administrative d'appel, chambres régionales des comptes, juge judiciaire, en activité ou honoraire (comprendre à la retraite). L'un des assesseurs, qui jusqu'en 2003 était désigné par le HCR, organe de l'ONU, est désormais une “personnalité qualifiée nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d'État”. L'autre est un représentant du Conseil de l'OFPRA, nommé par le vice-président du Conseil d'État sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'Ofpra. Ainsi, devant la CNDA, on attaque une décision du directeur de l'OFPRA, présentée par un rapport d'un fonctionnaire de l'OFPRA, devant un juge représentant l'OFPRA, dans des locaux loués par l'OFPRA. Quoi, il y a un problème ? Mais non, nous dit le Conseil d'État (CE, 10 janv. 2003, n°228947, Ensaud c/ Ofpra), car la procédure n'étant pas de nature civile ni pénale, l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui exige un tribunal impartial ne s'applique pas. Le Conseil constitutionnel n'a jamais été saisi de la question lors des dernières réformes en la matière.
Bienvenue dans le droit des étrangers, droit étrange s'il en est.

L'audience commence par la lecture du rapport fait par un officier de protection attaché à la CNDA, puis l'avocat a la parole pour exposer les arguments en faveur du recours. Le président posera des questions à l'étranger, dialogue qui tourne souvent court si l'étranger baragouinant le français a cru pouvoir se passer d'interprète, ou parfois à cause du niveau lamentable de certains interprètes (j'ai eu un interprète en anglais à qui je devais souffler les mots, un autre que mon client ne comprenait pas, et un confrère me racontait qu'une fois, l'interprète faisait partie du personnel de l'ambassade du pays que fuyait le réfugié). L'affaire est mise en délibéré, l'audience dépasse rarement les dix minutes.

Un étranger débouté perd son droit au séjour et devient expulsable vers son pays d'origine. S'il a un élément nouveau à présenter qui n'était pas connu lors de la première audience, il peut demander le ré-examen de sa demande.

J'arrête ici car j'ai déjà été trop long, en vous laissant quelques chiffres : l'OFPRA a été saisie de 29.937 demandes en 2007 dont 23.804 de premières demandes (contre des pics à 60.000 en 1989 et 2005 : nous pouvons nous réjouir, le monde est en train de devenir un paradis, assurément, car je ne peux croire que les réformes législatives en la matière visent à décourager les demandeurs d'asile, pas en France, monsieur).

L'OFPRA accorde le statut de réfugié à 11,6% des demandeurs (3401 en 2007). Ce taux passe à 29,7% après passage devant la CNDA, qui accorde 61,3% des statuts de réfugiés (c'est marrant, quand on permet à un avocat d'intervenir, ça marche mieux, on dirait). La CRR a été saisie de 30477 dossiers en 2007. Le taux de recours est proche des 90%.

Les nationalités obtenant le plus l'asile sont les nationalités malienne (les femmes essentiellement fuyant le risque d'excision), érythréenne, rwandaise, et éthiopienne. Seuls ces pays ont un taux d'accord supérieur à un dossier sur deux. 130.926 personnes bénéficient de la protection de la France au titre de réfugiés.

De ce documentaire, je retiens tout particulièrement deux scènes poignantes : la première, un requérant attend l'affichage des délibérés. Il cherche mais ne comprend rien au listing, qui indique simplement “rejet” si l'appel est rejeté ou “annulation” si la décision de refus de l'asile est annulée et donc que le statut de réfugié est accordé. Une personne l'aide et lui dit “rejet”. Le visage de l'étranger rayonne, il dit merci à tout le monde, à la caméra. L'homme qui l'a aidé revient et lui dit que non, rejet, c'est pas bon. La détresse qui se lit alors sur le visage est difficile à supporter. Le cadreur s'y attardera d'ailleurs beaucoup trop longuement à mon avis. La pudeur n'est pas un obstacle à la vérité.

La deuxième, un requérant des pays de l'est vient de lire son résultat, avec son avocat : Annulation. Il est désormais réfugié et bénéficie de la protection de la France. Sonné par le bonheur, il en titube presque. Son avocat lui dit de prévenir sa famille mais il explique qu'il n'a plus de crédit sur son téléphone. Qu'importe, lui dit son avocat, je vous prête le mien. Et ils se rendent au greffe, une grande salle où les avocats peuvent consulter les dossiers et s'entretenir avec leur client avec l'aide de l'interprète fourni par la Commission. La caméra les suit, il appelle sa famille et on le voit parler une langue que je ne saurais déterminer, irradiant de bonheur. À la table d'à côté, une jeune avocate essaie de consoler un Africain qui a vu sa demande rejetée, alors qu'il a perdu toute sa famille dans des tueries. L'avocate est très inquiète d'un geste désespéré de son client et refuse de le laisser partir. Elle finira même par le prendre dans ses bras comme une petite fille embrasse son grand-père. Les allers-retours de la caméra d'une table à l'autre sont un moment très fort et très dur.

Voici les prochaines diffusions :

Le vendredi 30 mai à 16h30, le samedi 31 mai à 14h00 et le dimanche 1er juin à 09h00. La diffusion des samedi 31 et dimanche 1er sont suivis d'un débat, à 14h55 et 09h55 respectivement, qui est visible gratuitement sur le site de Public Sénat (pas le documentaire qui ne leur appartient pas).

Et pour vous mettre en bouche, voici un extrait (le son n'est pas très bon, je n'y suis pour rien), où l'on voit mon confrère Gilles Piquois et sa gouaille inimitable plaider pour un Kosovar de la Drenica (prononcer Drénitsa, c'est de l'albanais). La charmante jeune fille brune, qui siège non loin de mon confrère et s'entraîne au pen twirling est le rapporteur. La deuxième séquence, la mise en abîme, figure dans cet extrait. Elle commence à 6:08.

Lundi, j'ouvrirai un billet pour discuter de ce documentaire.

Notes

[1] L'OFPRA refuse de remettre une copie de la décision à l'étranger tant que l'AR non réclamé n'est pas revenu, ce qui implique que le délai de recours est généralement expiré.

Festival de prétoire ou l'art de plaider

Par Gascogne


Puisque l'on m'y invite, que la période s'y prête, et qu'une attaque en piqué sur les présidents d'audience ne pouvait rester sans réponse, quand bien même j'en partage l'essentiel au fond, voici la remise des prix, après délibération intensive du jury, concernant les plus belles plaidoiries ou effets de manche entendus ici ou là :

- L'épitoge de la mise en scène est décernée à : l'ensemble des avocats dont l'intervention en garde à vue permet un changement complet de comportement du mis en cause. Celui qui ne connaissait même pas la plaignante d'un viol, se souvient miraculeusement qu'il a bien eu une relation sexuelle avec elle, mais qu'elle était consentante. Celui qui commençait à reconnaître les faits, crie à la pression et au complot des plaignants. A l'inverse, celui qui était enferré dans ses contradictions se met à reconnaître les faits.

- L'épitoge du meilleur scénario à ces avocats qui déforment les déclarations faites en interrogatoire par leurs clients, par le biais de questions, afin de tenter de faire coller celles-ci avec leur ligne de défense : "vous avez indiqué tout à l'heure à monsieur le juge que vous connaissiez bien la victime, mais ne vouliez-vous pas plutôt dire que vous ne la connaissiez pas ?".

- L'épitoge du meilleur acteur à l'avocate pénaliste qui, changeant de magistrat, change d'attitude, et s'indigne du comportement du juge d'instruction, qui, horresco referens, n'a pas procédé à l'interrogatoire de son client avant le passage devant le juge des libertés et de la détention (cet interrogatoire est interdit, sauf accord du déféré après garde à vue, afin qu'il puisse préparer sa défense), ou encore de tel autre qui à l'audience dénonce la reconnaissance des faits par sa cliente devant le juge d'instruction, alors qu'elle ne reconnaissait pas les faits en garde à vue, cette reconnaissance n'ayant pourtant eu lieu que suite à une demande d'entretien supplémentaire du collaborateur de la récipiendaire, qui, agacé d'avoir fait tant de kilomètres pour un dossier de faible importance, a demandé une suspension en disant au juge qu'il se faisait fort d'obtenir immédiatement des aveux circonstanciés de sa cliente.

- L'épitoge "Un certain regard" pour cet avocat qui s'étonne d'une qualification criminelle dans le cadre d'une tentative de meurtre, puisque "la victime n'est pas morte", ou encore qui plaide le sursis à l'emprisonnement devant le tribunal de police. Attribuée également, par décision spéciale du jury, à cet avocat qui écorche sans arrêt le nom de son client, et qui lui attribue en cours de plaidoirie le nom de la victime.

- L'épitoge spéciale pour l'ensemble de son oeuvre à cet avocat qui ne sait pas plaider sans éructer ni invectiver tantôt les magistrats professionnels, tantôt les jurés, qui ne peuvent visiblement qu'être des "connards" pour avoir condamné son client.

- Enfin, celle que tout le monde attend : l'épitoge d'or...(roulement de tambours et longues secondes de silence) : attribuée à cette avocate d'une grande ville, fort connue, venant plaider devant la cour d'assises d'une petite ville, un dossier où la question de la responsabilité pénale de son client est posée, les psychiatres n'étant pas d'accord entre eux, et qui, après une plaidoirie très fine de son collaborateur sur la personnalité de l'accusé, dit aux jurés qu'elle aurait préféré avoir neuf psychiatres face à elle, mais que ce n'est malheureusement pas le cas, et que ce n'est certainement pas neuf jurés de ce beau département (rural, aurait-elle sans doute voulu ajouter), qui vont contredire par leur décision ce que des professionnels de la psychiatrie ont indiqué dans leur rapport.

Le jury ne pouvait pas terminer son oeuvre sans vous faire part de ces quelques perles et maladresses, non récompensées par un prix, mais qui méritent d'être citées :
- L’avocat de la défense : "Nous sommes ici devant une Cour d’Assises, nous ne sommes pas là pour faire du droit."
- Me D. : "Monsieur le Président, vous savez ce qu'est la dépendance alcoolique."
- Me B. : "Je vous demande de prononcer contre mon client une amende assortie d'une mise à l'épreuve."
- Me A. à propos des déclarations de sa cliente : "Ça paraît tellement énorme comme mensonge que ça pourrait être la vérité".
- Me C. avocat de la défense : "Les faits sont malheureusement reconnus..."
- Me T. partie civile : "Les faits sont établis puisqu'ils ne sont pas reconnus."
- Me O. : "Si par extraordinaire vous n'entriez pas en voie de condamnation..."
-Me E., défendant un homme poursuivi pour avoir attaqué un autre à la machette, trois doigts sectionnés : "Monsieur le président, il va vous falloir trancher…"

Et pour que la magistrature ne soit pas en reste, prix spécial du jury pour ce parquetier :

- Le procureur, à un prévenu s'appelant M. LACROTTE : "Vous savez ce qui vous pend au nez, M. LACROTTE."

mercredi 28 mai 2008

Mais puisqu'on vous dit que le droit n'est pas prêt pour l'internet

L'un des lieux communs les plus largement répandus est celui de l'atavique inadéquation du droit aux réalités du monde actuel.

La dernière variation de ce cliché est liée à l'apparition de l'internet. Mon dieu : un espace sans frontière ! Les lois nationales sont obsolètes ! Si mon serveur est en Californie et qu'on me fait un procès en France, que va faire le droit ? Appliquer en France la loi californienne, peut-être ?

Comment ça, oui ?

Les parties [la société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF), la S. A. R. L. Google France et la société Google Inc., société de droit californien] sont d’accord pour dire que l’article 5 de la convention de Berne (…) doit s’appliquer au présent litige.

Pour apprécier l’étendue de la protection accordée à des délits complexes tels que des contrefaçons de droit d’auteur intervenant sur différents Etats signataires de la convention, il convient de se référer à la loi du pays sur le territoire duquel se sont produits les agissements incriminés. C’est la notion de lieu où le fait générateur de la contrefaçon a été réalisé qui est retenue pour déterminer la loi applicable au litige et non celle du lieu où le dommage est subi.

L’arrêt Lamore du 30 janvier 2007 consacre cette interprétation et dit que s’agissant d’une contrefaçon poursuivie en France du fait de la distribution du film WATERWORLD, le territoire où l’agissement délictueux a été généré doit être retenu et non celui où le dommage est subi, et décide en conséquence que la loi applicable est la loi américaine, celle du lieu de la conception, de la création et de la représentation du film.

Dans le présent litige, les agissements allégués de contrefaçon sont réalisés d’une part par la collecte des images et leur référencement par le moteur de recherches Google images et d’autre part par l’accès au serveur google.fr.

Il est manifeste que cette activité, à savoir celle de développeur de moteur de recherches, est l’activité centrale et première de la société GOOGLE Inc et que c’est donc le siège social de la société GOOGLE Inc qui est l’endroit où les décisions sont prises et où l’activité de moteur de recherches est mise en oeuvre au sein des locaux de la société GOOGLE Inc qui doit déterminer la loi applicable au litige.

En conséquence, il sera fait application de la loi américaine sur la protection des droits d’auteur et donc du Copyright Act de 1976.

Et hop, le tribunal de grande instance de Paris fait (notamment) application du fair use et exonère Google des accusations de contrefaçon en ce qui concerne le référencement et la conservation en cache d'œuvres graphiques.

Ah, mais non, m'objectera-t-on, je suis de mauvaise foi : manifestement, il y a eu une convention passée à Berne qui prévoit que dans les affaires liées à l'internet, on puisse appliquer la loi du pays où est le serveur dans le pays où le plaignant a accédé au serveur et saisi la justice. Donc le droit était dépassé, mais on a signé un traité international pour régler la question.

Et au fait, cette convention sur l'internet, on l'a signé quand ?

Le 9 septembre 1886, pourquoi ?

mardi 27 mai 2008

L'art de présider

L'art de présider est délicat, et mal le maîtriser peut faire de terribles dégâts.

Le principe directeur du procès pénal est le débat public et contradictoire, c'est à dire que tous les éléments du dossier puissent être débattus lors d'une audience publique. Le président, qui mène l'audience, interroge le prévenu (celui qui est poursuivi), entend la partie civile (la victime qui demande réparation), en s'appuyant sur les éléments du dossier qui lui paraissent pertinents.

S'il le juge nécessaire, le procureur peut faire de même, mais bien des présidents veillent, dans leur intervention, à faire ressortir tous les éléments à charge, ce qui permet au procureur de se contenter de secouer la tête quand le président lui demande s'il a des questions.

Enfin, l'avocat peut poser des questions à son client, à la partie civile et aux éventuels témoins. Il a enfin la parole en dernier pour souligner les parties du dossier favorables à la défense, quand il y en a, et surtout produire des pièces qui ne figuraient pas au dossier, sur la situation personnelle de son client (travail, état de santé, contexte des faits), pièces qui auront été communiquées préalablement au procureur bien entendu.

Le but de la loi, par cette audience un peu formelle où tout peut être débattu, est d'aider à la manifestation de la vérité.

Vœu pieux, hélas. Le prétoire n'est pas un terreau forcément fertile pour la vérité. Non pas qu'elle n'y apparaisse pas mais elle peine parfois à s'épanouir.

Une audience est un moment impressionnant pour qui n'y est pas habitué. Magistrats et avocats y sont parfaitement à l'aise, habitués au décorum dont ils font partie avec leurs robes, connaissant les règles de ce qui s'y joue. Les simples citoyens qui comparaissent, acteurs occasionnels d'une pièce qui les dépasse, ne le sont pas du tout. Il est très difficile de garder les idées claires, d'avoir une vision globale de sa défense, de trouver les mots qui feront sentir au juge qu'ils viennent du cœur.

Certains présidents (pas tous, loin de là) ont du mal, quand ils y arrivent, à cacher leur opinion a priori sur ce dossier, issue de sa lecture avant l'audience. Face à un président hostile, un prévenu est comme un boxeur sonné et dans les cordes. Les coups pleuvent, ils ne peut que les parer maladroitement, et le problème, c'est que c'est l'arbitre qui les donne.

Il y a deux façons très faciles, et procéduralement inattaquables, de couler un prévenu pour un président retors. La première consiste à riposter à chacune de ses phrases. L'esprit étant du côté du magistrat, le combat est inégal. Ainsi le prévenu qui tente d'expliquer les raisons de son geste se verra-t-il opposer aussitôt la première phrase formulée qu'il cherche à se justifier ou à minimiser sa responsabilité, voire à faire le procès de la victime. Il objectera à la remarque du président en expliquant que ce n'est pas ce qu'il a voulu dire, et voilà la discussion détournée sur sa seule première phrase, et les explications du prévenu passées par pertes et profits.

La deuxième est tout aussi redoutable. Quand le prévenu n'est pas d'accord avec les faits tels qu'exposés par le magistrat et veut objecter, celui-ci lui lance : « laissez-moi terminer, vous aurez la parole tout à l'heure. » Les débats se poursuivent, et cinq minutes plus tard, le président rendra la parole au prévenu en lui disant : « qu'avez-vous à dire pour votre défense ? ». Le prévenu, debout à la barre, ayant dû écouter toute la lecture du dossier sans pouvoir prendre de notes, n'a aucune chance de se souvenir de ce qu'il voulait dire ; et quand bien même serait-ce le cas, cela porte sur un point abordé il y a longtemps et il paraît à présent saugrenu de revenir dessus. Et pourtant, c'était un argument de la défense. Qu'il soit bon, c'est une autre question : mais il n'a pas été prononcé. Autant pour le débat contradictoire. Cette technique écourtant les débats, elle n'en a que plus d'intérêt, surtout si le prévenu n'est pas assisté d'un avocat.

En apparence, l'audience est irréprochable, puisque le prévenu a eu la parole en dernier (peu importe qu'il n'ait alors rien dit : c'est qu'il n'avait rien à dire…). Le contradictoire est respecté, et la dossier jugé en un temps record.

Mais le prévenu repart avec le sentiment d'une injustice, d'un tribunal partial, d'un procès jugé d'avance. Et ce quand bien même la peine prononcée est objectivement clémente. La femme de César ne doit pas être soupçonnée de relations illicites avec Clodius, et ses juges ne doivent pas être soupçonnés de préjugé sur le dossier, quand bien même il est bien difficile d'étudier un dossier sans s'en faire une première opinion. Faute de quoi le résultat pédagogique est proche du néant.

Et d'autant plus que parfois, ce préjugé est erroné.

En voici deux exemples.

Deux jeunes gens, aussi bêtes que jeunes, n'avaient rien trouvé de mieux pour tromper leur oisiveté estivale en la capitale que de faire d'un habitant de leur immeuble, alcoolique et simplet, leur souffre douleur. Crachats, insultes, jusqu'à le poursuivre dans la rue en agitant des bâtons pour lui faire croire qu'ils allaient le frapper. Les policiers qui sont passés à ce moment dans leur voiture n'ont rien trouvé de comique à la scène et les voici devant le tribunal.

Les faits sont déplaisants, et les deux prévenus n'ont visiblement pas compris ce qu'ils considèrent comme “un délire” pouvait avoir une qualification de violences en réunion sur personne vulnérable (cinq ans de prison encourus).

Le président n'a rien fait pour cacher sa colère, et a utilisé les deux techniques dont j'ai parlé pour enfoncer les prévenus, dérapant parfois dans son vocabulaire au point de pousser l'avocat de la défense à intervenir fermement. À côté des diatribes lancées par le président, les réquisitions du parquet ont paru un monument de modération, même s'il demandait de la prison ferme. Le visage du président marquait manifestement sa désapprobation de ce ton. Le même président était devenu un agneau quand la partie civile était à la barre. Il tenait à lui faire sentir que la justice désormais allait le protéger de ces deux voyous (c'est le terme employé) et regrettait profondément ce qui se passait. Manifestement ivre, la partie civile n'a pas aligné trois mots, tremblant de la tête au pied de trac.

Le tribunal s'étant retiré pour délibérer, je sors dans la salle des pas perdus téléphoner à mon cabinet pour relever mes messages. À quelques pas de moi, la partie civile, en larmes, parle à l'avocat de la défense :

«Mais je ne veux pas qu'ils aillent en prison, tout ce que je veux, c'est qu'ils me laissent tranquilles. Je les connais depuis qu'ils sont tout petits, ils ne sont pas méchants, ils sont juste devenus un peu bêtes en grandissant. Vous ne pouvez pas aller le dire au juge ? »

Penaud, l'avocat de la défense lui explique que c'est trop tard, qu'il aurait fallu le dire à la barre, mais encore plus penaud, le voisin conclut : « Mais il me faisait peur, il parlait fort. »

Et le président qui croyait lui rendre sa sérénité…

Dans une autre affaire, le prévenu, seule personne interpellée d'une bande de supporters d'une équipe de foot, est poursuivi pour le passage à tabac d'une personne presque sexagénaire à la peau trop sombre à leur goût (qui n'avait aucun intérêt pour quelque équipe de foot que ce soit). L'audience s'est déroulée dans une ambiance de peloton d'exécution, la partie civile présente ne disant pas un mot, mais son entrée avec les béquilles qu'elle devra désormais avoir toute sa vie a fait une certaine sensation sur le tribunal. Le prévenu est à la limite supérieure de la débilité. Il n'est que l'entendre parler, ou de le voir, ses paupières toujours à moitié baissées, sa bouche toujours béante dans une expression de perpétuelle stupéfaction. L'effet de groupe sur une personnalité influençable désireuse d'être acceptée et reconnue explique sans doute sa participation à des faits qui dénotent de son profil (famille de classe moyenne, sans histoire, aucun antécédent quelconque). Des mots très durs et totalement déplacés ont été prononcés par le président, les plus violents que j'aie entendu sortir de la bouche d'un magistrat. Certes, nous étions dans des terres plus ensoleillées ou certains jurons tiennent lieu de ponctuation, mais tout de même, je grimaçais de ce triste spectacle. Le président conclut en donnant la parole au prévenu : « Vous avez quelque chose à ajouter, à dire au tribunal ou à quelqu'un d'autre ?» La question prend de court le prévenu, qui regarde autour de lui si une personne vient d'arriver. Ne voyant personne, il secoue la tête, l'incompréhension se lit sur son visage. Le visage du président est rouge de colère : «On va vous aider à trouver les mots. L'audience est suspendue, le tribunal se retire pour délibérer.» Je sors de la salle avec les autres avocats en comprenant que le tribunal espérait entendre des excuses présentées à la victime.

Dans la salle des pas perdus, je discute avec un confrère du barreau local. Nous nous trouvons non loin de la victime, assise sur une chaise, accompagnée de ses enfants. Tout à coup, je vois arriver le prévenu près de lui.

« Monsieur, je voulais vous dire que je suis désolé de ce que je vous ai fait. J'y repense tout le temps et je pleure. J'ai trouvé du travail, je vous enverrai des sous, je veux vous aider. » La victime le regarde. Ses enfants veulent répondre durement, lui crier leur haine pour avoir estropié leur père, mais celui-ci les interrompt, il se lève, le regarde dans les yeux et lui dit « Tu sais, je me suis vu mourir. Je ne pensais plus qu'à mes petits enfants, je croyais que je ne les reverrais pas. »

Le prévenu hoche la tête, il n'arrive plus à parler, agité de sanglots. Sa victime a un geste pour lui mettre la main sur l'épaule, mais n'y arrive pas. C'est encore trop tôt pour une réconciliation.

Mon confrère et moi regardons la scène, incapables de dire un mot. Quand nous nous regardons à nouveau, la même pensée nous traverse l'esprit. Le tribunal ne peut voir cela, il est en train de délibérer.

Parfois, la vérité est dans la salle des pas perdus, pas dans le prétoire. Auditeurs de justice qui faites votre stage en juridiction, allez parfois y faire un tour. Il y a de grandes leçons qui s'y donnent.

Post-scriptum : les voisins harceleurs ont été condamnés à six mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve, le supporter à 18 mois de prison dont un an ferme, sans mandat de dépôt.

lundi 26 mai 2008

Antieuropéisme ordinaire

J'inaugure une nouvelle rubrique “droit européen” pour des billets qui auraient en leur temps eu plus leur place sur Publius.

Mais mon désaccord avec la ligne éditoriale prise par le site, certes laissé entre les mains d'un seul rédacteur, mais qui à l'information sur l'Europe préfère des propos approximatifs mais résolument anti-européens me font quitter ce navire avec de profonds regrets.

Ceci étant réglé, ma phase dépressive post-référendum a cessé, et je me sens à nouveau d'humeur à bouffer du noniste.

L'idée de ce billet est née en lisant un billet sur le blog d'un assistant parlementaire, blog très intéressant pour avoir une vision du Sénat vu des coulisses, comme fait Authueil depuis l'Assemblée. Je connais et estime son auteur, et c'est pourquoi le voir sombrer aussi rapidement dans les lieux communs habituels de l'anti-européisme sans réflexion préalable me paraissait indigne de lui (je n'en dirai pas autant de la récupération qui en a été faite par les nonistes habituels, qui étaient tout à fait dans leur ligne).

Le billet relatait une séance publique de la Vénérable Assemblée sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Ce projet de loi, pour lequel l'urgence a été déclarée, j'y reviendrai, vise, comme son intitulé alambiqué le laisse deviner, à transcrire en droit français des directives européennes.

C'est ici qu'une pause s'impose.

Le terme de droit européen connaît plusieurs acceptions. Au sens le plus large, il s'applique à tous les droits liés aux institutions européennes, dont l'Union Européenne (UE) fait partie sans en être l'intégralité. Ainsi, le Conseil de l'Europe, qui n'a rien à voir avec l'UE, est une source de droit européen, dont la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, mais aussi de nombreuses conventions internationales dont la fameuse convention de 1963 sur la limitation des cas de double nationalité dont nous avons déjà parlé. On peut aussi y inclure d'autres organisations internationales comme l'Union Européenne de Radio-Télévision (UER) fondée en 1950 afin d'humilier la France chaque année en organisant le concours de l'Eurovision. Notons que dans ces derniers cas, la notion d'Europe est plus extensive que celle qui fait débat au niveau de l'Union Européenne. La Turquie fait partie du Conseil de l'Europe, de même que la Russie, et l'UER s'étend jusqu'en Israël, et inclut le Maroc (qui a participé à l'Eurovision en 1980 avec l'inoubliable chanson Bitaqat Khub interprétée par Samira Said (18e et avant-dernière place avec 7 points), l'Algérie, la Tunisie, le Liban, la Syrie, l'Égypte, et la Libye, ces six pays n'ayant encore jamais participé au concours.

Dans un sens plus étroit, le droit européen s'entend du droit de l'Union Européenne. Les juristes parlent de droit communautaire, souvenir du temps où l'UE était composée de diverses Communautés, celle du Charbon et de l'Acier, celle de l'Énergie Atomique (EURATOM) et la Communauté Économique Européenne (CEE), devenue Union Européenne en 1992.

C'est de ce droit que je vais vous entretenir dans cette catégorie de billets.

Le droit communautaire se divise en deux branches : le droit européen fondamental (ou primaire) et le droit européen dérivé.

Le droit européen fondamental est celui issu des Traités : principalement celui de Rome, mais en réalités plus nombreux : il y a eu deux traités signés à Rome le 27 mars 1957, celui créant la CEE, et celui créant EURATOM, ajoutons-y le Traité de Paris de 1951 créant la première des Communautés, celle du Charbon et de l'Acier (CECA), et tous les traités modificatifs (Traité de fusion, 1965 ; Acte Unique, 1986 ; Traité de Maastricht, 1992 ; Traité d'Amsterdam, 1997 ; Traité de Nice, 2001 ; Traité de Rome, 2004, qui n'entrera pas en vigueur ; Traité de Lisbonne, 2007). Le droit européen fondamental est donc le droit du fonctionnement de l'Union Européenne, qui fera l'objet de nombreux billets. Il fixe les compétences de l'Union, ses organes (la Commission, organe permanent qui représente l'Union face aux États membres, le Conseil Européen, organe législatif, composé des chef de gouvernement des États membres, le parlement européen, qui représente les citoyens de l'Union dans le processus législatif, la Cour de justice des Communautés européenne qui tranche les conflits nécessitant une interprétation du droit européen, entre autres).

Le droit européen dérivé est l'innovation majeure du droit communautaire, et la raison de son succès, dû à son efficacité.

La réalisation des objectifs de l'Union (liberté de circulation des personnes, des biens et des services, création d'un espace de libre concurrence dans les limites de l'Union) suppose une harmonisation du droit dans les 27 États membres dans les domaines où l'Union est compétente. Une différence de droit crée forcément une distorsion de la concurrence.

L'Union Européenne a donc le pouvoir d'édicter des normes selon un processus distinct de la négociation de traités (processus très long et difficile), normes qui s'imposent aux États membres. Ces normes peuvent prendre deux formes : soit un règlement européen, qui est directement applicable dès sa publication au journal officiel des communautés européennes (JOCE, bientôt le Journal officiel de l'Union Européenne), soit une directive, qui donne des instructions précises sur le droit à mettre en vigueur et une date limite à laquelle les États membres devront avoir transposé ces normes en leur droit interne selon leur processus législatif normal. Les Traités précisent les cas dans lesquels l'Union peut agir par voie de règlement et ceux où elle doit utiliser des directives. On peut résumer en disant que la directive est le principe.

La directive doit, pour entrer en vigueur, être transposée en droit interne. En France, cela peut se faire par décret, ou par une loi si la directive porte sur des domaines auxquels l'article 34 de notre Constitution donne pouvoir à la seule loi.

L'opération de transposition législative limite la liberté du parlement. Il ne peut modifier le sens de la directive, ni a fortiori adopter des normes inverses (sous peine de censure par le Conseil constitutionnel). Néanmoins, il garde une marge de manœuvre, qui pour être étroite n'en existe pas moins.

Des lois devenues fort célèbres sont issues de directives : la LCEN (Directive n° 2000/31/CE du Parlement et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur), la loi DADVSI (Directive européenne 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information).

Un État membre qui ne transposerait pas la directive dans le délai imparti par celle-ci commettrait ce que le droit européen appelle un manquement. La Commission, l'organe permanent représentant l'Union, peut poursuivre l'État devant la cour de justice pour lui voir infliger une amende (les montants se comptent en dizaines de millions d'euros), et plusieurs fois s'il tarde à transposer. Les recours en manquement constituent 95% de l'activité de la Cour (en 2007 : 212 recours contre 9 recours en annulation d'un acte de l'UE qui serait contraire à son droit fondamental).

Précisément, la France s'est faite une spécialité de laisser passer les dates de transposition, et de transcrire dans l'urgence, sous la menace d'une action en manquement, voire après une condamnation. Elle est dans le tiercé de tête des pays les plus poursuivis en manquement avec la Grèce et l'Italie (suivie par l'Allemagne et le Luxembourg). Je dois toutefois reconnaître qu'elle fait des efforts visibles ces dernières années, ses recours en manquement oscillant entre 20 et 25 par an de 2000 à 2004 à 11 en 2005, 9 en 2006 et 14 en 2007.

Ce qui nous ramène au blues de notre conseiller parlementaire sénatorial.

La loi qui était soumise à la chambre haute est la transposition non pas d'une directive, non pas de deux directives, mais de cinq directives portant sur la lutte contre les discriminations[1], certaines pointant un retard de cinq ans (qui a parlé d'écart entre les paroles et les actes ?).

La France est donc en retard, et sous la menace de procédures en manquement. Ce qui à quelques semaines de la présidence française de l'Union ferait très mauvais effet. D'où déclaration d'urgence, et impatience du Gouvernement.

Résultat : le travail du Sénat sur la définition de la discrimination a été détricoté en Commission mixte paritaire, et au sénateur rapporteur, madame Muguette Dini, qui le regrettait, le gouvernement, par la bouche délicate du Secrétaire d'État à la famille, madame Nadine Morano a répondu que « La Commission européenne nous a demandé très explicitement de reprendre sa définition des discriminations. Si le Parlement retient une autre définition la Commission n'hésitera pas à saisir la Cour de Justice européenne(...). »

Conclusion de notre assistant bougon :

Toujours la même logique, la Commission a dit que...et si on ne file pas droit, c'est pan sur le bec devant la Cour de Justice. C'est beau la discussion en Europe.

Le plus tragi-comique dans cette affaire, c'est que dans la soi-disant réforme des institutions ils prétendent vouloir revaloriser le pouvoir du Parlement; ce serait risible si ce n'était pas si grave.

Comme le démontre encore une fois cet exemple, le Gouvernement français prend ses ordres auprès de la Commission européenne et le Parlement est prié d'enregistrer ces ordres sans avoir rien à redire (cf déclaration de Morano), le débat parlementaire devient alors une farce et le pire c'est que personne ne semble s'en émouvoir

(Applaudissements sur les blogs eurosceptiques).

Pour ma part, je ne peux que donner raison au Gouvernement. Si sortir l'argument du diktat de Bruxelles suffit à mettre au pas une assemblée parlementaire qui gobe la couleuvre en allant maugréer sur la vilaine Commission, il aurait tort de s'en priver, c'est plus efficace que le 49,3 qui de plus n'est pas invocable devant le Sénat.

Cher Assistant, le gouvernement se paye votre fiole. Cela fait cinq ans qu'il aurait dû soumettre au parlement la question, et lui laisser le temps d'envisager une transposition qu'il estimerait conforme à notre tradition juridique sans pour autant violer l'esprit de la directive. Comme le rappelle le rapporteur du sénat,

l’avis de la Commission européenne n’est pas celui de la Cour de justice des communautés européennes. La Commission européenne peut tout à fait soutenir une thèse, la France en plaider une autre et la Cour de justice trancher en faveur de la France.

Or, en l’espèce, je crois vraiment que la position de la Commission européenne n’est pas très respectueuse du traité européen et que le droit est plutôt de notre côté.

L’article 249 de ce traité dispose, en effet : « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».

Je ne partage pas son avis sur le fond du projet (notamment son opposition modèle anglo-saxon communautariste / modèle latin du vivre ensemble qui prêterait à sourire n'était une actualité lamentable et une histoire récente tragique sur le thème du vivre ensemble), mais là, elle a raison. Le Parlement a une marge de manœuvre, la transposition d'une directive n'a jamais été un copier-coller du texte technique et redondant d'une directive ; et celui qui s'emploie à l'en priver est le Gouvernement, l'œil sur son semestre de présidence de l'Union, et certainement pas la Commission, qui a patienté 5 ans sans rien dire, faut-il le rappeler.

Les lois de transposition de directives dans la panique sont immanquablement de mauvaises lois, au texte touffu et lourd. L'article 6 de la LCEN en est une parfaite illustration. Et il suffit de comparer les lois belges de transposition des mêmes directives pour constater qu'elles ne sont pas des reprises in extenso des directives, et donc que les parlements du Plat Pays ont bien eu un rôle à jouer dans la version finale du texte.

L'épouvantail bruxellois a bon dos. Il sert d'alibi depuis tellement longtemps que plus personne, même au parlement, ne prend la peine de vérifier si on ne lui fait pas prendre des vessies pour des lanternes. Alors que nous avons fait payer cher à l'Europe les conséquences de cette défausse, qui a fait le lit de l'extrême droite et de l'extrême gauche lors du référendum de 2005.

D'où l'ouverture de cette rubrique, pour vous expliquer ce qu'est VRAIMENT le droit européen, et ce qu'il dit réellement.

Bientôt, je vous parlerai de la Némésis des droits sociaux à en croire les habituels prophète de l'apocalypse néo-libérale : les arrêts Laval, Viking et Rüffert de la CJCE. Préparez vous à entendre des baudruches se dégonfler.

Notes

[1] Directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, directive 2000/78 du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, directive 2002/73 du 23 septembre 2002 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ; directive 2004/113 du 13 décembre 2004 mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ; directive 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, et encore cette dernière n'est-elle que partiellement transposée.

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