Imaginez un peu. Une scientifique africaine, spécialiste du SIDA, est invitée à une conférence internationale sur cette maladie se tenant aux Etats-Unis, où un message de bienvenue du Président en personne est adressé aux participants. Elle a son visa en règle, un billet aller-retour conformément à la loi américaine, tout bien, quoi.
A son arrivée à l'aéroport JFK, un policier américain décide de lui refuser l'entrée sur les sol américain, car son billet retour est postérieur à la date de validité de son visa, et qu'elle n'a pas la preuve de son inscription à la réunion. Elle explique qu'il s'agit d'un billet ouvert, c'est à dire dont la date peut être modifiée, car le consulat américain ne délivre un visa qu'au vu d'un billet d'avion aller-retour, et que les inscriptions à la conférence se prennent sur place.
Rien n'y fait, le fonctionnaire fédéral sourcilleux maintient son refus, et elle passera trente heures dans un local de l'aéroport, puis dans une sorte de prison qui ne dit pas son nom aménagée dans un recoin du terminal, sans avoir eu le droit de demander à voir un juge, avant que sa famille aux Etats-Unis, et les organisateurs de la réunion n'arrivent à la sortir de là en prouvant aux policiers qu'elle ne mentait pas.
Preuve une fois de plus que l'Amérique de Bush n'est plus une démocratie à cause du Patriot Act et de fonctionnaires qui voient des suspects sur tout ce qui est un peu trop sombre de peau ?
Sauf que manque de pot, c'est arrivé en France.
«Le 29 mars 2007, raconte ce médecin, j'atterris à 6 h 20 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Au poste de contrôle de police, je suis arrêtée par un policier, sans aucun motif. Il m'amène dans un petit bureau où se trouvent d'autres policiers et des passagers. Il me fait attendre pendant trois heures. Sans un mot. Deux jeunes policières me fouillent ensuite dans les toilettes et, sans explication, me prennent tous mes papiers. Je leur explique, pourtant, le motif de mon voyage, mais elles ne me répondent pas.» Ensuite ? «Un autre policier m'ordonne de signer des papiers sur lesquels est écrit : "Refus d'entrée".» La raison ? «Il me dit que ma date de retour dépasse celle du séjour qui figure sur le visa, et que je ne suis pas inscrite pour la prétendue conférence. Je leur explique que dans mon pays, le Mali, il faut présenter un billet d'avion de retour au consulat de France pour obtenir un visa d'entrée, que la Société Bristol-Myers Squibb, qui a pris mon billet, l'a laissé ouvert jusqu'à un mois, et que, lorsque j'ai obtenu un visa de sept jours, j'ai raccourci mon séjour en France, et qu'enfin, les inscriptions définitives à la conférence se font sur place.» Bref, tout est clair et il n'y a aucune embrouille. «Mais ils n'ont rien voulu comprendre, ils m'ont enfermée dans une petite pièce. On ne pouvait pas se tenir assis, et on m'a dit que je prendrai le vol Air France du même après-midi sur Bamako... J'ai dit aux policiers que j'avais de la famille à Paris. Ils m'ont transférée au centre de rétention de l'aéroport, où je suis restée quatre heures, sans accès à une chambre. Dans l'après-midi, trois policiers sont venus me chercher, m'ont ramenée à l'aéroport pour l'embarquement. Arrivée au contrôle de police des frontières, j'ai cherché à voir un officier de police. Par chance, l'un d'eux s'est arrêté pour écouter mon histoire, et m'a donné raison. Il m'a dit de ne pas embarquer. Il a ordonné aux policiers de mettre un téléphone à ma disposition pour appeler ma famille à Paris et en Afrique.»
Ca ne s'arrêtera pas là malheureusement. Lisez l'article pour la suite.
Bref commentaire : ce médecin a fait l'objet d'un refus d'admission. C'est une décision privative de liberté, prise par les policiers de la Police Aux Frontières (PAF, ça ne s'invente pas) Elle n'a pas été transférée dans un centre de rétention (puisque techniquement elle n'était pas entrée en France) mais dans une Zone d'attente, les fameuses ZAPI. C'est une procédure classique, qui est utilisée quotidiennement. Si ce médecin n'avait pas eu de la famille en France, elle aurait probablement été réacheminée au Mali, au besoin menottée.
Là où par contre j'émets une réserve sur cet article, c'est quand il ajoute :
Un détail, encore : «Les policiers qui m'ont reconduite du centre de rétention au poste de police du terminal, visiblement déçus de me voir revenir pour une libération et pas pour un rembarquement, ont conspué leurs collègues du centre de rétention, accusés de faiblesse.»
Ce n'est pas du tout crédible. Les policiers de la PAF ne sont pas des capos acrimonieux. Ce sont des fonctionnaires de police qui font leur métier, pas toujours sans états d'âme, mais quand ça arrive, ils les planquent sous leur képi. Qu'un étranger soit finalement remis en liberté sur ordre de la hiérarchie ou réacheminé, ils s'en moquent. Ils n'ont pas de prime à l'expulsé, ni un gage par étranger qui parvient à entrer. Et les policiers en poste à la ZAPI n'ont pas plus ou moins compétence que ceux en poste au terminal pour décider de libérer, c'est une question de hiérarchie.
Ils appliquent la loi, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Avec parfois trop de zèle, comme ici ? Sans doute. Mais ce zèle, c'est le législateur et leur ministre de tutelle (l'Intérieur) qui leur demande. En notre nom à tous. Ne déchargeons pas notre responsabilité sur ceux qui obéissent aux ordres.