Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Dans le prétoire

Choses vues et entendues.

Fil des billets - Fil des commentaires

jeudi 17 février 2005

Nos amis les procs

A quelques jours d'intervalle, j'ai pu voir deux styles assez radicalement distincts de procureurs.

Lire la suite...

lundi 14 février 2005

Politiquement correctionnel

Audience devant la chambre des appels correctionnels.

Le prévenu a fait appel de sa condamnation par le tribunal correctionnel. Il est accusé (et vous verrez que j'emploie ce terme qui a un sens technique précis à dessein) d'avoir fait irruption dans une agence bancaire, et de s'être fait remettre des fonds sous la menace d'un pistolet.

Le butin est plutôt modeste (de l'ordre de 6000 euros) mais une circonstance des faits est particulièrement révulsante : une des clientes présentes était une femme enceinte de sept mois et le braqueur, pour faire pression sur le personnel, a posé le canon de son arme sur le ventre de celle ci, menaçant de tirer sur le foetus.

Lire la suite...

vendredi 28 janvier 2005

Comparutions immédiates

Un jour où je suis de permanence à la 23e chambre de Paris, celle qui juge les comparutions immédiates (les prévenus ont été arrêtés il y a moins de 48 heures et arrivent directement du commissariat pour être jugés), je me présente au greffe de la section P12 du parquet, en charge de ces procédures.

Lire la suite...

mercredi 26 janvier 2005

C'est un style...

Chaque audience est marquée profondément par la personnalité du Président. La procédure inquisitoriale française prévoit que c'est le juge qui dirige les débats : c'est son audience, c'est lui le patron.

La qualité du débat s'en ressent. Voici ce que j'ai pu entendre récemment dans un prétoire.

C'est un style, disons. Mais je précise tout de suite que ce Président connaissait bien ses dossiers, les avait travaillé sérieusement et était un pénaliste accompli, plusieurs avocats s'en sont rendus compte à leurs dépens.

Lire la suite...

vendredi 3 décembre 2004

L'autre 10e chambre


J'ai déjà parlé ici du documentaire de Raymond Depardon, la 10e chambre.

Mais il y en a une autre.

La 10e chambre de la cour d'appel traite les appels correctionnels en matière de délinquance organisée. En fait, beaucoup de dossiers qui lui sont soumis relèvent de la déliquance ordinaire : violences volontaires, vols, agressions sexuelles. Il y a une masse de dossiers à traiter, et la 10e est mise à contribution. Ce sont les dossiers les plus graves qui sont pour elle.

Cela fait deux ans maintenant, peut être plus, qu'un double box a été installé, clos par des parois de verre épais. Seul un insterstice de 20cm subsiste entre la partie basse du box, en bois, et la paroi de verre.

L'avocat ou l'interprète souhaitant parler avec son client durant l'audience doit donc se prosterner devant lui pour lui glisser quelques mots par cet interstice. Sachant que devant ces box ont été installés des tables et des chaises fixées au sol, pour les avocats. Cela fait longtemps que les avocats demandent la suppression de cette vitre ou au moins qu'elle soit coupée pour faciliter la communication avec les avocats. En vain jusqu'à présent.

Lire la suite...

vendredi 10 septembre 2004

Auto défense ?

Quelqu’un m’a demandé, dans le prolongement du vade-mecum précédent, de faire une note sur le fait de se défendre soi même devant un tribunal correctionnel. [Mise à jour : j'ai jouté le mot correctionnel suite à une remarque pertinente de Padawan. Ces remarques ne s'appliquent pas à une juridiction civile, où les audiences sont fort différentes, mais il y faudrait un autre vade mecum... Je ne traite donc ici que de la défense devant une juridiction répressive : tribunal de police et tribunal correctionnel, l'asistance d'un avocat étant obligatoire devant une Cour d'assises]

Je vais y répondre très simplement.

Je vous exhorte à ne pas le faire.

Permettez moi d’emblée de désamorcer toute polémique sur le fait que je défendrais ma chapelle, et qu’il ne faut pas s’attendre à voir un avocat encourager les prévenus à se passer d’eux.

Voici mes raisons, à vous de les juger.

Tout d’abord, le droit pénal est une matière complexe. Lire le code pénal et le code de procédure pénale ne suffit pas. L’avocat est un professionnel du droit, il y a 5 ans, bientôt 6 ans d’étude pour y arriver. Aucun bouquin de vulgarisation n’arriveront à remplacer ces années d’études des textes et de la jurisprudence, outre des controverses doctrinales entre professeurs de droit, connaissance sans cesse maintenue à jour par une lecture régulière du Recueil Dalloz et de la revue trimestrielle de droit civil, entre autres, auxquelles s’ajoutent l’expérience des tribunaux.

Ensuite, l’avocat a de par sa fonction d’auxiliaire de justice des possibilités pour préparer une défense qui sont fermées au prévenu : notamment l’accès au dossier au greffe du tribunal, pour lui permettre de prendre connaissance des procès verbaux de police à la recherche des fameuses nullités et de ce que lira le juge. Il a une indépendance protégée par la loi jusqu’à certaines limites, qui lui permet le cas échéant de s’accrocher avec le président du tribunal qui sort de sa réserve ou rétorquer à un procureur exagérément répressif, ce qu’un prévenu ne pourrait faire sans encourir une peine sévère voire un outrage à magistrat.

De plus, l’avocat vous accompagne à l’audience, il est à vos côtés. C’est tout bête mais quand vient le moment, c’est précieux. Même s’il est taisant la plupart de l’audience, c’est comme un garde du corps. En cas de coup dur, il est là pour vous tirer d’un mauvais pas. Et l’ambiance d’un prétoire ne l’impressionne pas plus que le fait de devoir prendre la parole en public.

Il a une vision extérieure de l’affaire, n’étant pas partie. Son analyse technique n’est pas altérée par la peur d’aller en prison, la rancœur que peut éprouver la victime, ou par le traumatisme des faits.

Il a l’expérience des tribunaux, voire du président lui même. Il sait ce que le tribunal attend, ce qui est de nature à entraîner sa clémence. Il vous préparera à l’audience, vous mettra en garde contre de mauvaises tactiques de défense ou des mensonges trop visibles. J’ai déjà écrit sur le sujet.

Il vous conseillera sur l’opportunité de faire appel ou non et pourra même le faire pour vous.

Tandis que l’avantage de se défendre soi même est simple : ça économise les frais d’avocat. Point.

A vous de voir, c’est votre liberté qui est en jeu.

Sinon, on me demande aussi si cela est fréquent et si c’est bien ou mal vu.

Fréquent, oui. Une bonne moitié des affaires, dirais je totalement subjectivement. Mais c’est souvent par ignorance : le prévenu ne sait pas qu’il existe l’aide juridictionnelle, ou comment la demander, ou croit qu’il faut le demander le jour de l’audience. Je constate souvent que chez les jeunes mineurs (jusqu’à 25 ans), ce sont les parents qui font les démarches, voire payent les honoraires.

Mal vu, non, je n’ai jamais eu cette impression. Si les tribunaux sont sans doute plus sévères avec ceux qui ne sont pas assistés d’un avocat, ce n’est pas à cause de cette absence, mais plutôt du défaut de défense effective et efficace.

Cela dit, il est vrai qu’il est impossible de savoir quelle eût été la peine prononcée pour la même affaire par le même tribunal selon qu’un avocat aurait été présent ou non.

Ma consœur blogueuse Veuve Tarquine racontait il y a tout juste un mois un échange entendu par elle à une audience, qui me paraît une bonne illustration. Je lui emprunte donc un petit extrait de son excellent billet . Le prévenu est poursuivi pour avoir blessé une personne en conduisant en état d’ivresse.

Je me souviendrai toujours d’un jeune homme sans avocat, qui en réponse à la question rabâchée « qu’avez-vous à dire pour votre défense ? » a répondu : « Rien du tout, je suis désolé, je n’aurais pas du boire autant, je n’en avais pas conscience, je n’imaginais pas que j’aurais pu blesser quelqu’un, je la prie de m’en excuser… ». Il bredouillait misérablement des excuses parfaitement sincères. La Présidente, qui rendait ses délibérés sur le siège, lui a alors fait connaître sa décision : « puisque vous n’avez rien à dire pour votre défense, je suis les réquisitions du Procureur ! » ce qu’elle prononce illico.

Ce à quoi j’avais fait observer qu’il avait bien dit quelque chose pour se défendre, qu’en fait, il avait fait une plaidoirie complète.

Ainsi l’exorde, qui vise à capter l’attention et la bienveillance de l’auditoire : "Rien du tout", ce qui est faux puisqu'il continue à parler, mais ainsi, il se met en position d'humilité et fait comprendre qu'il sera court, invitant le tribunal à lui accorder le peu d'attention dont il a besoin.

Puis il dit "je suis désolé" : c’est la confirmation qui pose l’argument de la défense et qui consiste en une acceptation de sa responsabilité avec la conséquence morale qui en découle : le remord.

Vient ensuite "je n’aurais pas du boire autant, je n’en avais pas conscience, je n’imaginais pas que j’aurais pu blesser quelqu’un" : voici la réfutation, qui combat l’argumentation adverse. En l’occurrence, le rejet de trois arguments l'accablant que pouvait retenir le tribunal : le prévenu n'invoque pas l'excuse de croire pouvoir conduire ivre, d'avoir pris le volant ivre en connaissance de cause, d'avoir sciemment pris le risque de blesser quelqu'un.

Enfin : " je la prie de m’en excuser… " : voici la péroraison, qui clôt un discours, où, comme conclusion logique de la reconnaissance de sa responsabilité, il s'adresse cette fois à la victime par l'intermédiaire du tribunal : c'est à elle que les remords s'adressent, non à la juridiction, c'est un appel à la réconciliation, au pardon, qui seul est de nature à mettre fin au trouble social causé par l'accident.

Il y a eu plaidoirie, la présidente ne s’en était même pas rendu compte.

Je pense que la présence d’un avocat aurait sûrement diminué la peine prononcée en deçà des réquisitions du parquet, ne serait ce que pour éviter un appel du prévenu.

lundi 23 août 2004

Le pénal aux pénalistes !

J’ai déjà pesté et pesterai encore contre les avocats qui se frottent au pénal sans rien y connaître. Il y a quelques mois, j’ai vu un cas en pleine action. Ou inaction, en l’espèce. Je bouillais intérieurement en assistant à l’audience. Ce qui me mettait en colère est qu’il était en défense.

Je vais devoir entrer un peu dans les mécaniques du droit pénal pour bien vous faire comprendre.

Le prévenu était poursuivi pour tentative d’escroquerie.

Lire la suite...

mardi 20 juillet 2004

Vacances judiciaires, vacance de la justice

Je suis en colère aujourd'hui.

J’ai assisté ces jours ci à deux audiences de vacation, comprendre dirigées par un magistrat qui n’est pas le président habituel de la chambre. Deux affaires distinctes, deux présidents distincts : un homme, une femme, un jeune, un vieux, et la même méthode de direction d’audience qui donne envie de commettre un outrage à magistrat.

Quelle méthode ? L’engueulade complète et systématique. Tout le dossier n’est lu que dans un sens contraire à l’intérêt du prévenu, qui est condamné d’avance et méprisé en sa personne.

Les questions ne sont posées que pour l’enfoncer, et s’il a le malheur de vouloir y répondre, il se fait couper la parole en se faisant traiter de menteur (2e président) ou de voyou (1er président).

Les procès verbaux de la police contiennent nécessairement la Vérité car « les policiers sont assermentés »(sic). La bonne blague ! Nous autres avocats prêtons également serment : je voudrais que le tribunal en tirât la conclusion que tout ce que nous disons est vrai ! On en est loin.

Soumis à ce dur traitement, le prévenu perd son calme tôt ou tard (hélas, pas les avocats présents, sommes nous blasés à ce point ?), ce qui est utilisé contre lui par un procureur tout surpris de voir le président faire son travail à sa place.

Un président a même annoncé à un prévenu « Vous allez voir comment le tribunal traite les voyous de votre espèce, vous allez voir, ha ça oui »… avant de rajouter aussitôt, voyant que l’avocat se levait pour protester, « même si vous êtes toujours présumé innocent, bien entendu, tant mieux pour vous ».

L’avocat n’est pas non plus laissé en paix. Le tribunal, en juillet, est en guerre contre tout le monde, il a des comptes à régler avec le Barreau.

Tel avocat qui dépose des conclusions en nullité se fait tancer par le président qui lui reproche de ne pas les avoir déposé la veille au greffe. Alors qu’il n’est même pas tenu de déposer des conclusions écrites, et que l’usage a toujours été de les déposer en début d’audience, ce qu’il a fait.

Tel autre se voit mettre en cause par le tribunal (" si l'avocat de la défense avait fait son travail...") parce qu’il n’a pas conseillé à son client, qui prétend que la rixe qui l’amène devant le tribunal est due au vol de son portable par la victime, d’aller porter plainte au commissariat ce qui aurait apporté la preuve de la réalité du vol.

On croit rêver. Je sais fort bien ce qu’aurait dit le président si tel avait été fait : « Mais cette plainte ne contient que vos déclarations, ça ne prouve rien, vous êtes un voyou et un menteur ! ».

La suite le prouve : l’avocat qui connaît quand même son travail quoi qu’en pense le tribunal produit une attestation de l’opérateur qui reconnaît qu’on lui a demandé de suspendre la ligne le jour des faits. Réponse du président : « Mais cette attestation ne précise pas l’heure à laquelle cela a été fait, ça ne prouve rien ».

L’avocat proteste que son client était à l’hôpital à la suite de la rixe, où il a été placé en garde à vue, que dès lors il est absurde de supposer qu'il aurait suspendu sa ligne quand il était encore en possession de son téléphone et qu’il lui était impossible de le faire lors de la garde à vue, qu’on peut donc en déduire raisonnablement que cet appel a nécessairement eu lieu au cours de l’heure passé à l’hôpital, rien n’y fait. La preuve est écartée : le vol préalable du téléphone n’est pas prouvé, donc c’est lui qui a provoqué la rixe et a menti ensuite pour inventer un prétexte. Coupable, lourdement condamné.

Enfin, et c’est là le pire, les juges en question ne sont pas des pénalistes.

Comment sinon expliquer qu’un juge réussisse à rejeter une nullité de procédure tirée de la notification tardive des droits du gardé à vue effectuée près de huit heures après le début de celle-ci ? Les policiers prétendaient que son état d’ébriété était tel qu’il ne comprenait pas ce qu’on lui disait. Mais ils ont fait un prélèvement sanguin (avec le consentement du gardé à vue supposément ivre mort, mais pas assez pour ne pouvoir consentir à un tel examen, cherhcez l'erreur) qui a révélé 0,74 grammes d’alcool par litre de sang et négatif aux stupéfiants : il y a peu, il aurait pu conduire légalement dans cet état ! C'est une preuve objective, scientifique ! Pas grave. La police a dit que, donc c’est vrai, procédure valable (annulée par la suite par la cour d'appel ai-je appris depuis).

Comment expliquer que cette autre procédure soit validée alors qu’il n’y a pas du tout de notification, et que le tribunal ose prétendre que le prévenu est resté de son plein gré vingt trois heures et cinquante minutes d’affilée au commissariat ?

Vivement septembre et que nos juges habituels reviennent.

Je conclurai cette note en adressant à ces piètres juges le même mot de la fin qu’a eu un de ces présidents à un jeune homme de 19 ans, sans casier judiciaire, à qui il venait de coller un an de prison dont quatre mois ferme pour sa première bagarre : « Allez, ouste ! »

mercredi 5 mai 2004

Police, circulez !

Vous avez sans doute appris à l’école ou dans vos quelques lectures civiques (aparté : le mot citoyen n’a jamais été un adjectif, seulement un génitif ; l’adjectif correspondant est civique. Le mot « citoyenne » dans l’expression « une attitude citoyenne » est un barbarisme tout à fait incorrect, et n’est pas du Français mais du « communiquant », ne vous laissez pas abuser), que toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que la preuve de sa culpabilité soit apportée par le ministère public.

Et bien il est un endroit où tout cela est faux, où vous devez prouver votre innocence, et encore, on fait tout pour vous empêcher de le faire, où on vous sanctionnera pour oser contester votre culpabilité, et où les avocats mettent rarement les pieds.

Lire la suite...

lundi 3 mai 2004

Bis repetita...

Dialogue qui m’a été rapporté par un confrère :

Cabinet d’un juge d’instruction, interrogatoire de première comparution d’un mis en examen poursuivi pour avoir commis un braquage.

Lire la suite...

dimanche 2 mai 2004

Un nouvel hommage aux rois du baratin

Le prévenu est poursuivi pour vol de deux bouteilles d’alcool, conduite en état d’ivresse, outrage à agent, rébellion. Il a déjà un lourd casier, 17 mentions.

Lire la suite...

vendredi 30 avril 2004

Leçon de vie

Cabinet du juge d'instruction de permanence, interrogatoire de première comparution, dans la foulée de l'arrestation.

Lire la suite...

mercredi 28 avril 2004

"Si au moins je peux la rendre heureuse comme ça..."

Cabinet d’un juge aux affaires familiales, audience de divorce par consentement mutuel (on dit en fait requête conjointe).

J’assistais à cette audience dans le cadre de mon stage en juridiction à l’époque où j’étais élève avocat.

Le juge aux affaires familiales reçoit aujourd’hui des couples réitérant leur demande, afin de prononcer officiellement le divorce, une première audience de conciliation s’étant tenue environ 6 mois plus tôt.

Les époux sont d’abord reçus seuls par le juge pour s’assurer de leur libre consentement, puis simultanément avec leur avocat.

La greffière appelle le dossier n°4, Madame Duchmol.

Entre une grand-mère, cheveux gris tirés en chignon, manteau marron style années 60, bottines démodées.

Lire la suite...

mardi 27 avril 2004

Une lumière dans la nuit

Tribunal des enfants, audience de jugement.

Quatre mineurs comparaissent tour à tour pour avoir volé une voiture et l’avoir utilisée. Sans permis, bien sur, même pas conduite accompagnée. Trois d’entre eux sont des petits caïds, le troisième est un grand dadais un peu simplet, on sent qu’il a envie qu’on l’aime et de faire plaisir à tout le monde. Je l’appellerai Dadais, par la suite.

Ainsi, quand la police les a arrêté, il a très gentiment tout déballé à la police : la voiture volée devait servir à se rendre à une rave-party en province pour y vendre du cannabis fourni par un des co-prévenus. Une perquisition a permis de saisir plusieurs dizaines de grammes de drogue.

Lire la suite...

lundi 26 avril 2004

Il y a des baffes qui se perdent

Audience de cabinet d’un juge des enfants, mise en examen et renvoi devant le tribunal des enfants.

Les trois mis en examen sont entendus séparément, en présence de leur avocat et d’un de leur parent.

Violences en réunion sur le jeune A., mineur lui aussi.

Audition du premier mineur.

Le juge : Pourquoi avoir frappé A. ?
Le mis en examen : Il nous a provoqué.
Le juge : Vous étiez trois, il était seul et il vous a provoqué ??
Le mis en examen : Ouais.
Le juge : Et comment ça ?
Le mis en examen : Ben, on lui a demandé une cigarette, il nous a dit qu’il fumait pas. Et dix minutes après, il est repassé et il fumait une cigarette. C’est de la provocation, M’sieur.

Le tabac, c’est dangereux pour la santé, qui peut encore en douter ?

Lire la suite...

vendredi 23 avril 2004

Délits mineurs

Tribunal correctionnel de Paris.

L’audience juge des affaires ou des mineurs sont victimes de délits commis par des majeurs. Essentiellement des violences ou des vols avec violence, les prévenus sont eux même des jeunes majeurs, 18-19 ans maximum.



Première affaire : un jeune homme est poursuivi pour avoir poignardé à la gorge un lycéen. Son explication est qu’il avait entendu dire que des Blacks allaient venir faire sa fête à un ami. Il est donc allé acheter un couteau, est revenu, et a frappé un jeune Noir qui attendait à la sortie. La lame est passée à moins d’un centimètre de la carotide.

Le prévenu a l’air de s’emmerder, de ne pas comprendre ce qu’il fait là et surtout de n’avoir rien à faire de la gravité des faits.

Lire la suite...

samedi 17 avril 2004

Je n'oublierai jamais la petite A...

On ne rit pas tous les jours en audience.

Et ce jour là, ce ne fut pas le cas.

J’attendais mon tour pour plaider un dossier de partie civile, une bagarre entre clochards qui a failli faire perdre un œil à mon client. L’huissier m’a informé que mon dossier passera après celui-là. « Homicide involontaire, accident de la circulation » me précise-t-il. « Bon, dossier classique, ça ne devrait pas durer » ai-je pensé.

Le prévenu est très jeune, le début de la vingtaine.

Les parties civiles sont une jeune femme et un homme âgé de la quarantaine mais qui semble avoir cent ans, tant il est courbé et se déplace lentement.

Lire la suite...

vendredi 16 avril 2004

In Vino Justicias

Audience collégiale au tribunal correctionnel de Paris.

 

L’usage veut que les affaires passent dans l’ordre suivant :

 

D’abord les affaires où les prévenus sont détenus, afin de libérer l’escorte. Ce qui est idiot : c’est le prévenu qu’il faut libérer, pas l’escorte, mais les juges ne nous écoutent jamais.

 

Ensuite les affaires avec avocat, afin de libérer plus vite les auxiliaires de justice que nous sommes (et qui facturons au temps passé le plus souvent).

 

En dernier, les affaires où les prévenus sont libres et se défendent seuls.

 

Or là, le président commet une entorse aux usages : aucun détenu n’est arrivé, mais, subodorant que l’escorte ne saurait tarder, il décide de prendre un dossier sans avocat, qui nécessite généralement moins de temps (il n’y a jamais d’exception de procédure soulevée, et quand on donne la parole au prévenu en dernier après les réquisitions, il n’a généralement rien à dire, alors qu’un avocat, lui, plaide).

 

Grognements sur les bancs des avocats. Il aurait pu libérer un ou deux d’entre nous.

 

Le prévenu s’avance en zigzagant. Il est poursuivi pour conduite en état d’ivresse. Pas loin de 2 grammes à 9h45 du matin —Sifflement admiratif, vite étouffé, du gendarme d’audience, un connaisseur, visiblement— et délit de fuite après avoir provoqué un accident matériel.

 



Lire la suite...

jeudi 15 avril 2004

Les rois du Baratin

J’assiste souvent à un phénomène récurent dans les prétoires : celui du roi du baratin.

 

Emules de Davinain, ils ont fait leur la phrase de celui-ci « n’avouez jamais ! »

 

Mais quand on ne veut pas avouer, il faut quand même répondre aux questions embarrassantes du Président, du procureur et de l’avocat de la partie civile.

 

Alors ils bâtissent un mensonge.

 

Soyons francs, la plupart des délinquants, même ceux qui font de la délinquance « astucieuse » ne sont pas des lumières. Les escrocs sont considérés en prison comme les plus intelligents. Sauf que la majorité de ceux qui retournent en prison, apprend-on en criminologie, retombent pour la même escroquerie.

 

J’en ai eu une magnifique illustration à une des premières audiences à laquelle j’ai assisté, avant que je ne prête serment.

 


Lire la suite...

page 4 de 4 -

Mes logiciels, comme mes clients, sont libres. Ce blog est délibéré sous Firefox et promulgué par Dotclear.

Tous les billets de ce blog sont la propriété exclusive du maître de ces lieux. Toute reproduction (hormis une brève citation en précisant la source et l'auteur) sans l'autorisation expresse de leur auteur est interdite. Toutefois, dans le cas de reproduction à des fins pédagogiques (formation professionnelle ou enseignement), la reproduction de l'intégralité d'un billet est autorisée d'emblée, à condition bien sûr d'en préciser la source.

Vous avez trouvé ce blog grâce à

Blog hébergé par Clever-cloud.com, la force du Chouchen, la résistance du granit, la flexibilité du korrigan.

Domaine par Gandi.net, cherchez pas, y'a pas mieux.