Journal d'un avocat

Instantanés de la justice et du droit

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Commentaire judiciaire

Une décision de justice et son explication détaillée.

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mercredi 15 novembre 2006

La cour de cassation ressuscite la liberté d'expression

Alléluia ! La cour de cassation a montré une fois de plus qu'elle était une lectrice attentive de mon blogue et après la rebelle cour d'appel de Montpellier, a retoqué une autre cour d'appel qui avait cru bon de confirmer un tribunal qui avait rendu une décision que je désapprouvais. Et quand en plus, il s'agit du tribunal de grande instance de Paris, d'une décision rendue par son président en personne, confirmée par la cour d'appel de la même ville, comprenez que mon ego en est tout émoustillé.

  • Pour faire bref :

la cour de cassation vient pas plus tard qu'hier de casser la décision qui avait crucifié la campagne de publicité Marithé François Girbaud ayant comme support une photo reconstituant clairement la Cène, où les modèles, tous féminins sauf un, portaient des vêtements de cette marque.

Cette décision est une excellente nouvelle pour la liberté d'expression quand elle touche à la religion, et Dieu sait (s'Il existe) que c'est un sujet sensible en ces temps de caricatures et de menaces sur des enseignants.

D'autant que la cassation est cinglante : c'est pour une violation de la loi, il n'y a pas plus grave dans la hiérarchie des cassations.

  • Pour faire plus long :

Le chemin de croix a commencé ici.

La Passion s'est achevé là.

La résurrection a eu lieu hier (la liberté d'expression ressuscitée a eu la présence d'esprit, une fois sortie du sépulcre, d'apparaître à une de mes taupes), et je m'en fais l'apôtre pour aller annoncer la Bonne Nouvelle.

Voici ce que dit la cour de cassation, avec mes commentaires. Je graisse les passages importants.

Je saute le rappel des faits, mes deux billets y pourvoient amplement.

L'arrêt portait sur trois moyens (c'est à dire trois arguments juridiques soutenant l'illégalité de la décision attaquée). Les deux premiers, sans liens directs avec la liberté d'expression mais portant sur des points de procédure civile, sont rejetés. Je me porte directement au troisième moyen.

Mais sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi de la société GIP et sur le moyen unique du pourvoi de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen :

Tous les étudiants en droit savent que quand un arrêt commence l'examen d'un moyen par le mot "MAIS", c'est que la cour de cassation va casser : l'oreille du juriste se dresse, et son goût du droit est émoustillé. Ici, l'allusion à plusieurs moyens est due au fait que les deux demandeurs à la cassation, la société italienne GIP, propriétaire de la marque de vêtements, et la Ligue des Droits de l'Homme, ont organisé différemment leurs recours, mais soulevait des arguments similaires auxquels la cour répond en même temps.

Vu les articles 29, alinéa 2 , 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l’article 809 du nouveau code de procédure civile, ainsi que 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Ceci est le visa. La cour indique les textes qu'elle va appliquer. La loi du 29 juillet 1881, que mes lecteurs connaissent bien, est la loi sur la liberté de la presse, qui comme son nom l'indique contient toutes les limitations à la liberté de la presse. Le législateur est facétieux. L'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme garantit la liberté d'expression. La cassation, d'ores et déjà annoncée, va donc être faite au nom des grands principes. Le goût du droit du juriste est à présent en pleine excitation, et désormais il y a plus que son oreille qui se dresse.

La cour va d'abord rappeler comment la cour d'appel a motivé sa décision. C'est donc la cour d'appel qui parle pour la partie que j'ai mis en italique :

Attendu que pour interdire d’afficher la photographie litigieuse en tous lieux publics et sur tous supports et faire injonction de l’interrompre, la cour d’appel a énoncé que cette affiche, dont la recherche esthétique n’était pas contestée, reproduisait à l’évidence la Cène de Jésus-Christ..., que cet événement fondateur du christianisme, lors duquel Jésus-Christ institua le sacrement de l’Eucharistie, faisait incontestablement partie des éléments essentiels de la foi catholique ; que dès lors l’installation de l’affiche litigieuse sous la forme d’une bâche géante sur le passage d’un très grand nombre de personnes, constituait l’utilisation dévoyée, à grande échelle, d’un des principaux symboles de la religion catholique, à des fins publicitaires et commerciales en sorte que l’association Croyances et libertés était bien fondée à soutenir qu’il était fait gravement injure, au sens des articles 29, alinéa 2, et 33, alinéa 3, de la loi susvisée aux sentiments religieux et à la foi des catholiques et que cette représentation outrageante d’un thème sacré détourné par une publicité commerciale leur causait ainsi un trouble manifestement illicite qu’il importait de faire cesser par la mesure sollicitée ; que ladite composition n’avait d’évidence pour objet que de choquer celui qui la découvrait afin de retenir son attention sur la représentation saugrenue de la Cène ainsi travestie, en y ajoutant ostensiblement une attitude équivoque de certains personnages, et ce, au profit de la marque commerciale inscrite au-dessus de ce tableau délibérément provoquant ; que le caractère artistique et l’esthétisme recherchés dans ce visuel publicitaire n’empêchait pas celui-ci de constituer, même si l’institution de l’Eucharistie n’y était pas traitée, un dévoiement caractérisé d’un acte fondateur de la religion chrétienne avec un élément de nudité racoleur, au mépris du caractère sacré de l’instant saisi ....

Fin de la reprise de ce qu'a dit la cour d'appel. La cour de cassation reprend la parole et prononce l'excommunication de cette décision :

Qu’en retenant ainsi l’existence d’un trouble manifestement illicite, quand la seule parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène qui n’avait pas pour objectif d’outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue pas l’injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Ca a l'air poli comme ça mais en réalité, c'est cinglant. La cour d'appel, dit la cour de cassation, a violé la loi en qualifiant d'injure ce qui ne l'était pas. En effet, rappelle la cour, l'injure est une attaque personnelle et directe dirigée contre une groupe de personne en raison de leur appartenance religieuse. Afficher en grand : « les pastafariens sont des idiots » est une injure. Mais PAS la reprise parodique d'un symbole religieux ou d'un moment fondateur de la religion dès lors qu'il n'avait pas pour objectif d'outrager les catholiques, ce qui était le cas ici puisque l'objectif de cette représentation parodique était de faire connaître la collection printemps 2005 de la marque MFG.

Et attendu que la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

La cour de cassation qui casse une décision est en principe tenue de renvoyer l'affaire devant une autre cour d'appel pour qu'elle satue à nouveau. Mais dans certains cas, ce renvoi n'est pas nécessaire. C'est le cas ici puisque la simple annulation de la décision revient juridiquement exactement au même que si le tribunal avait débouté l'association "Croyance et Liberté" en mars 2005. Reste le fait que cette publicité a dû être enlevée, et que la collection printemps 2005 est maintenant passée, mais ce préjudice découlant d'une action en justice qui n'était pas abusive mais seulement mal fondée n'est pas indemnisable. C'est donc une cassation sans renvoi, l'affaire est close, cette décision est le Jugement Dernier.

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de la Ligue des droit de l’homme et du citoyen ainsi que rejeté l’exception de nullité de la procédure présentée par la société GIP, l'arrêt rendu le 8 avril 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Vu l’article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile ; DIT n’y avoir lieu à renvoi ; Déboute l’association Croyances et libertés de sa demande ; Condamne l’association Croyances et libertés aux dépens ; Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes (…)

Ouille. Donc les frais d'avocat restent à la charge de la société GIP. C'est un peu dur pour deux procédures où il s'est avéré qu'elle avait raison. La cour de cassation marque ici à mon avis une désapprobation sur le principe du détournement de l'imagerie religieuse. Vous voulez faire de la pub par de la provocation, c'est votre droit, et je le protège. Mais ne venez pas vous plaindre d'avoir des procès : considérez que ça fait partie du budget publicitaire.

Bah, après tout, avoir trois billets sur mon blogue sur cette campagne de pub, c'est un buzz qui n'a pas de prix, non ?

vendredi 21 juillet 2006

Adieu♪, Monsieur le professeur♫, Bonjour, Madame la SACEM

Où l'auteur constate qu'avoir le droit pour soi ne met pas à l'abri du ridicule[1]

Notes

[1] NB : Ce billet a été entamé il y a trois jours mais l'affaire Petite Anglaise me l'a fait remettre à plus tard. Il a de plus été partiellement mis en ligne par erreur ce matin, les commentaires 1 à 10 inclus ont été écrits sur cette base tronquée, que mes lecteurs m'excusent.

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mercredi 5 juillet 2006

De la responsabilité effective des magistrats

Où l'auteur rérécrit un article de Libération

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mercredi 22 mars 2006

Affaire Monputeaux suite : les autres relaxes

Comme promis, voici pourquoi les autres prévenus ont aussi été relaxés dans l'affaire Monputeaux :

S'agissant de mon confrère Jean-Gilles Halimi, le tribunal retient qu'il n'est pas l'auteur de l'article en cause. La loi de 1881 prévoit en effet une responsabilité "en cascade" qui exclut que les personnes citées commettent un délit de presse : le diffamateur est le directeur de publication, les auteurs de l'article étant éventuellement complices. Ici, le Parisien a un directeur de publication, et les deux journalistes sont cités comme complices. Jean-Gilles Halimi ne peutdonc être poursuivi, sans même qu'il soit besoin d'invoquer l'immunité de l'article 41 portant sur les écrits judiciaires.

S'agissant du Parisien, le tribunal estime que les propos sont effectivement diffamatoires et que la preuve [Mise à jour : la preuve de la véracité du fait allégué, une offre de preuve ayant été formée dans le délai de 10 jours] n'a pas été rapportée, mais accorde aux trois prévenus (le directeur de la publication et les deux journalistes ayant co-signé l'article) le bénéfice de la bonne foi, car il n'ont pas agi mus par l'animosité personnelle, ont été prudents dans leur expression et ont donné la parole à l'avocat de la mairie de Puteaux, qui est cité, et qui dément fermement les accusations de l'ex-employée. L'article est donc contradictoire, et n'expose pas unilatéralement un point de vue défavorable à la commune de Puteaux. S'agissant enfin d'une information relative à la passation d'un marché public, il était légitime pour ces journalistes de publier cette information.

Et ainsi, tout le monde est relaxé. Pour le moment.

mercredi 1 février 2006

Où l'on reparle enfin d'Outreau

Je reviens enfin sur cette affaire, où les auditions en cours de la commission d'enquête parlementaire donnent matière à réflexion.

J'ai été durement parfois pris à partie à la suite de mon premier billet sur cette affaire . Les commentateurs s'offusquaient de mon point de vue qu'ils interprétaient à tort comme une défense corporatiste de l'institution judiciaire. Et le même prisme est apposé un peu témérairement sur le point de vue exprimé par le président Montfort dans son discours que j'ai publié hier.

La colère engendrée par cette affaire est vive, mais les réactions qu'elle engendre n'en sont pas légitimées pour autant parce que frappées du sceau de l'indignation. Critiquer la justice est un droit absolu pour les citoyens, car la justice est rendue en leur nom : tous les jugements et arrêts, que ce soit du juge de proximité de Bourganeuf (Creuse) ou de l'Assemblée plénière de la cour de cassation (Paris) commencent par les mots "Au nom du peuple français". Mais pour que cette critique soit utile, il faut qu'elle soit pertinente. Les procès d'intention ou ceux en sorcellerie ne relèvent pas de la démocratie mais de la démagogie.

Alors évacuons d'entrée les arguments disqualifiant les plus tentants : ni le président Montfort ni votre serviteur n'ont eu à connaître de près ou de loin de ce dossier. Le président Montfort a une carrière qui le met à l'abri de devoir jouer les larbins des politiques pour s'assurer une promotion, quant à votre blogueur préféré, étant profession libérale, il jouit à leur égard d'une totale indépendance, n'étant pas partie intégrante de l'institution judiciaire. M'accuser de vouloir caresser la justice dans le sens du poil est saugrenu, mon rôle consistant plutôt à jouer les troubles fêtes dans les procédures trop lisses.

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mercredi 14 décembre 2005

Où l'on reparle de l'état de nécessité

A la demande de aaa, et parce que je n'ai pas fini le billet sur la loi DADVSI que je prépare, je recopie ci-dessous l'arrêt du 11 avril 1997 de la cour d'appel de Poitiers sur la fameuse voleuse de viande, écartant l'état de nécessité. J'y ai inclus quelques commentaires en gras.

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mardi 13 décembre 2005

La relaxe de faucheurs volontaires

Une dépêche d'Associated Press m'apprend que le tribunal correctionnel d'Orléans a relaxé vendredi 49 « faucheurs volontaires » ayant détruit un champ d'OGM en invoquant à leur profit l'état de nécessité.

Les prévenus étaient poursuivis pour dégradations volontaires en réunion, délit très à la mode ce mois de novembre, commises sur un champ de plantes transgéniques.

La relaxe a de quoi surprendre : le tribunal reconnaît que les prévenus sont bien les auteurs des destructions mais estime que leur commission était justifiée.

Le motif du jugement serait, d'après Le Monde, que « Les prévenus rapportent la preuve qu'ils ont commis l'infraction de dégradation volontaire pour répondre à l'état de nécessité » (…). Cet état de nécessité résulterait de « la diffusion incontrôlée de gènes modifiés qui constitue un danger actuel et imminent, en ce sens qu'il peut être la source d'une contamination affectant des cultures traditionnelles ou biologiques » qui en déduit que « La commission d'une infraction pénale pour remédier à la situation de danger était en l'espèce fondée au regard des enjeux en cause » rappelant par ailleurs le droit « à valeur constitutionnelle de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé pour les citoyens, ainsi qu'il a été reconnu dans la charte de l'environnement de 2004 ».

Tant le parquet que la partie civile, la société Monsanto ont fait appel.

Qu'est ce que l'état de nécessité et que devrait dire la cour d'appel ?

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mardi 22 novembre 2005

Une brève grâce à une juge de proximité

Je sens que les juridictions de proximité vont être une source intarissable pour un bêtisier judiciaire.

J'en ai un nouvel exemple sous les yeux : un jugement pénal rendu par un juge de proximité ayant :

  1. déclaré Monsieur X. coupable de la contravention de violences n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail ;
  2. ordonné une expertise médicale pour fixer le préjudice de la victime.

Vous voyez la contradiction dans les termes ? S'il n'y a pas d'incapacité totale de travail, l'expertise médicale est parfaitement inutile. S'il y a incapacité totale de travail, ne serait-ce que d'un jour, le juge de proximité est incompétent, puisqu'on passe à une contravention de 5e classe, compétence du juge de police.

L'autre jour, un confrère me racontait qu'il avait été convoqué à une audience d'une juridiction de proximité à 13h30. Erreur du greffe ? Le juge a en fait siégé à 9 heures. Aucun prévenu n'étant présent, je vous laisse deviner pourquoi, il a condamné tout le monde. Ce jugement n'étant pas susceptible d'appel, les prévenus, au nombre de neuf tout de même, n'ont pas d'autre choix que de se pourvoir en cassation. Pour une amende de l'ordre de 200 euros, somme qu'ils ont dû consigner avant de pouvoir saisir le juge (on est en matière routière). L'officier du ministère public, présent à l'audience, n'a pas vérifié l'heure de la convocation (ce n'est pas son rôle), et était surpris que le prétoire soit vide mais n'a pas bronché.

Des fois, je me demande ce que l'histoire retiendra du deuxième mandat de Chirac : la création du juge de proximité, les émeutes de novembre ou le référendum du 29 mai ?

vendredi 28 octobre 2005

tentative de squattage judiciaire

Dernier billet sur l'affaire Fogiel, c'est promis.

La lecture du jugement apprend un détail intéressant, amusant ou agaçant, à vous de vous faire votre opinion.

Initialement, c'est l'humoriste Dieudonné qui a mis en mouvement l'action pénale.

Comme on l'a vu dans ce billet, afin de valider sa citation, il a dû effectuer une consignation (de 2000 euros).

Il demandait, outre l'application de la loi pénale (il n'est pas d'usage que la partie civile, même si elle met en mouvement l'action publique, réclame une peine précise, c'est le domaine du ministère public), un euro symbolique de dommages intérêt pour le préjudice moral d'avoir été ainsi injurié, la publication sous astreinte de la condamnation et la prise en charge de ses frais d'avocat à hauteur de 3000 euros.

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jeudi 27 octobre 2005

Affaire Dieudonné - Fogiel : le jugement

Merci à Cédric de m'avoir signalé la publication in extenso du jugement du tribunal correctionnel de Montpellier dans l'affaire opposant l'humoriste Dieudonné à, entre autres, l'animateur Marc-Olivier Fogiel sur le site Juritel.

Voici les motifs par lesquels le tribunal a décidé que les propos constituaient bien une injure raciale (je grasse) :

Le 1er décembre 2003, Monsieur M. a été invité à l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde », animée par Monsieur Marc-Olivier F. et produite par la Société PAF PRODUCTION, dont ce dernier est le représentant légal, diffusée en direct sur la chaîne de télévision France 3.

Le principe de cette émission consiste en une série d’interviews de personnalités ayant trait à l’actualité, qui sont accompagnés de réactions des téléspectateurs exprimées par voies de messages SMS, diffusés en bandeau sur l’écran.

Au cours de cette émission intitulée « Spéciale Comiques », Monsieur Dieudonné M. a effectué un sketch dans lequel il a caricaturé un juif fondamentaliste extrémiste.

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mardi 25 octobre 2005

Bug de la loi Perben 2.0 : le patch juge 1.0 règle le problème

J'avais abordé précédemment la question du "bug" de la loi Perben II. Enfin, du bug... Si cette loi n'en avait qu'un... C'est plutôt le Windows de la procédure pénale cette loi : exemple ici, et je croyais avoir fait un billet sur un des articles de cette loi qui modifiait un article d'un texte antérieur déjà abrogé, mais je ne le retrouve pas.

A cette occasion, je disais :

Les juges n'ont pas d'hésitation à rendre à la loi le sens qu'a voulu lui donner le législateur, même quand il dit le contraire de ce qu'il a voulu exprimer. Là, je parle d'expérience.

Il est parfaitement loisible à un JAP de lire [ce texte] comme signifiant "sept jours par mois pour les durées d'incarcération moindre". (…)

Le Canard a tout à fait raison de pointer du doigt les incuries du législateur. Mais il se méprend sur la soumission des juges au sens littéral de la loi.

L'avenir dira si je me trompe.

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vendredi 21 octobre 2005

De la procédure et de la presse

Le Figaro du jour fournit une nouvelle démonstration de la maîtrise de la procédure par les journalistes :

CITÉ à comparaître hier au tribunal de Bobigny par le Mrap pour «incitation à la haine raciale», Philippe de Villiers ne «regrette en rien» ses déclarations sur «l'islamisation progressive de la société française». L'audience, à laquelle il ne s'est pas rendu, portait sur la forme, une audience sur le fond devant intervenir le 19 janvier.

(Le Figaro du 21 octobre 2005, auteur : Guillaume Perrault).

C'est quand même curieux, la justice, avec des audiences sur la forme où les prévenus ne se rendent pas.

Il est en fait assez facile de deviner à quoi correspond cette audience.

Le MRAP est une association de lutte contre le racisme, régulièrement déclarée depuis plus de cinq ans. L'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lui donne le droit d'exercer les drotis reconnus à la partie civile dans le cadre des délits d'incitation à la haine raciale, diffamation raciale et injure raciale.

Le MRAP a donc cité directement Philippe de Villiers devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour incitation à la haine raciale, délit prévu et réprimé par l'article 24 de la loi de 1881, qui punit jusqu'à un an d'emprisonnement et 45000 euros d'amende :

Ceux qui, [publiquement], auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

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mardi 11 octobre 2005

Dieudonné et al. vs Fogiel et al

L'affaire Dieudonné a rebondi récemment et son caractère ultra-médiatisé a estompé son aspect purement juridique.

C'est à celui-ci et à celui-ci seulement que je l'intéresserai, puisque les mésaventures judiciaires de nos deux comiques sont tout à fait transposables aux blogs.

J'avertis d'ores et déjà les ogres trolls que Google pourrait amener ici que tout message visant à invectiver l'un des deux protagonistes sera implacablement effacé. Ici on parle droit, c'est pas le café du commerce.

Les faits sont simples. L'émission "On ne peut pas plaire à tout le monde", qui n'a jamais mieux porté son nom qu'à cette occasion, du 1er décembre 2003, l'humoriste Dieudonné a fait un sketch dans lequel il était vétu d'un treillis, portait une cagoule, symbole des terroristes, un fedora, le chapeau porté par les juifs religieux, d'où sortaient des peyos, ce qui combiné avec le fedora montrait clairement qu'il incarnait un juif ultra-orthodoxe. Lors de ce sketch, ce personnage invitait les jeunes des cités à rejoindre "L'axe du bien, l'axe américano-sioniste, BUSH-SHARON" et terminait son discours par le salut fasciste ponctué du calembour suivant "Isra-heil".

Le MRAP a porté plainte peu après, et le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour diffamation raciale.

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mardi 28 juin 2005

"Pas de droit, pas de chocolat !", ou : l'affaire Milka.fr

Les médias et l'internet se sont fait l'écho en mars dernier du procès intenté par la société suisse Kraft Foods, produisant un chocolat célèbre, contre Madame Milka B., couturière dans la riante bourgade de Bourg Lès Valence dans la Drôme, du fait que cette dernière avait acquis en 2000 le nom de domaine milka.fr et en avait fait une page d'information sur son commerce.

L'affaire a intéressé les médias du fait de l'opposition entre la multinationale au nom délicieusement étranger Kraft Foods Schweiz Holding AG et la pauvre petite couturière de 58 ans. Un grand élan de sympathie est né sur l'internet au profit de cette dernière. Et comme toujours dans ces cas là, l'affectif est passé au premier plan, devant la raison et la simple recherche d'information.

Examinons donc les détails de cette affaire d'un point de vue juridique, grâce à l'indispensable Juriscom.net qui publie in extenso les décisions clef rendues dans le domaine des nouvelles technologies, le jugement étant disponible ici. La réalité est loin de la caricature, et les torts sont très partagés dans cette affaire.

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lundi 27 juin 2005

Un rêve d'avocat : la nullité de l'instruction à Grenoble.

Je peux vous dire qu'un coup comme ça, tous les avocats en rêvent.

Quinze caïds présumés du milieu grenoblois, arrêtés en décembre dernier pour «pour «association de malfaiteurs, délit ou crime en bande organisée, proxénétisme, blanchiment d'argent», viennent d'être remis en liberté à la suite de «l'erreur» du juge d'instruction chargé du dossier, qui est allé au-delà du domaine sur lequel il devait enquêter, a-t-on appris de source judiciaire. La chambre d'instruction de la cour d'appel de Lyon a «annulé» toute la procédure, soit quelque 25.000 pages du dossier représentant quatre ans d'enquête pour «vice de forme». «C'est en méconnaissance (...) des limites de sa saisine que le juge d'instruction, commettant un excès de pouvoir, et se saisissant lui-même de faits dont l'instruction ne lui était pas confiée, a prescrit des investigations totalement étrangères à l'instruction du délit de tentative d'extorsion et concernant le milieu grenoblois», écrivent les magistrats lyonnais qui estiment que le juge a commis «un excès de pouvoir».

Il faut savoir qu'un juge d'instruction, s'il a les plus larges pouvoirs pour, conformément à la loi, procéder à tout acte d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité (article 81 du Code de procédure pénale, CPP), ne peut toutefois agir que s'il est saisi des faits, c'est à dire pour faire simple, que quelqu'un ayant le pouvoir de lui demander d'enquêter l'ait fait. C'est une limite fondamentale à son pouvoir.

Cette saisine peut concrètement venir de deux personnes : le procureur de la République et la victime. Le procureur le demande par un réquisitoire introductif, la victime par une plainte. Encore que la plainte de la victime est d'abord transmise au procureur qui prend des réquisitions : on peut dire que la case procureur est un passage obligé.

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mercredi 20 avril 2005

Le mariage de Bègles annulé en appel

Je reviens sur l'affaire du mariage entre deux hommes célébré par le maire de Bègles (dont le nom m'échappe) le 5 juin 2004.

Ce mariage avait été annulé par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 27 juillet 2004, décision commentée ici. La cour d'appel de Bordeaux a confirmé cette décision, voire y a ajouté, comme nous le verrons plus loin.

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vendredi 8 avril 2005

Vous allez me la cacher, cette Cène que je ne saurais voir, oui ?

La cour d'appel de Paris vient de confirmer l'ordonnance de référé ayant interdit l'affichage de la publicité pour du prêt à porter reprenant des éléments visuels de la Cène de Léonard de Vinci.

Voici des extraits des motifs tels que les publie le Nouvel Observateur :

La cour a estimé "qu'il était gravement fait injure aux sentiments religieux et à la foi des catholiques" et qu'il s'agissait d'une "composition parodique injurieuse pour les catholiques".

"Cette représentation outrageante d'un thème sacré détourné par une publicité commerciale leur cause ainsi un trouble manifestement illicite qu'il importe de faire cesser par la mesure d'interdiction sollicitée", a ajouté la cour.

Les trois juges insistent particulièrement sur "l'incongruité de la position du seul personnage masculin, présenté dans une position équivoque, contre deux femmes, le groupe ainsi formé étant placé juste à droite du personnage censé représenter Jésus Christ".

La cour a également relevé le choix de la date d'affichage à savoir "le mois de mars, inclus dans le carême et comprenant cette année la semaine sainte précédant Pâques", ce qui renforçait, selon les conseillers, "l'injure faite par les publicitaires".

Evidemment que ça arrive aujourd'hui précisément ne manquera pas de provoquer des amalgames douteux, et certains défenseurs de la laïcité s'offusquer des termes de l'arrêt.

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mardi 29 mars 2005

Irresponsabilité pénale : la démence

L'acquittement récent de Michel Perroy a de nouveau mis la question délicate de l'irresponsabilité pénale sur le devant de la scène.

Un petit point sur l'irresponsabilité pénale me paraît nécessaire, tant l'acquittement de quelqu'un qui a frappé sept personnes à coups de couteau, dont un enfant de 5 ans, a de quoi causer un émoi dans l'opinion publique.

Le Code pénal prévoit des cas où une personne qui a commis une infraction prévue et réprimée par la loi n'est pas pénalement responsable, c'est à dire doit être acquittée si c'est un crime, relaxée si c'est un délit ou une contravention, ou bénéficier d'un non lieu dès l'instruction. Ces cas sont limitativement énumérés aux articles 122-1 à 122-8 du Code pénal.

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vendredi 25 mars 2005

Affaire Juppé : le tribunal d'instance de Bordeaux a statué

Merci à Philippe[S], mon envoyé spécial à Bordeaux, et à Ceteris Paribus, toujours à la pointe de l'actualité, de signaler le jugement rendu par le tribunal d'instance de Bordeaux dans le contentieux électoral lié à la condamnation d'Alan Juppé par la cour d'appel de Versailles.

J'avais déjà traité de la question générale ici (lien) et ici (lien) sur le contentieux électoral proprement dit.

Le tribunal d'instance a donc débouté les électeurs bordelais qui demandaient la radiation des listes électorales d'Alain Juppé pour 5 ans et ipso facto son inéligibilité pour 10 ans (ce qui siginifie qu'au bout de 5 ans il récupère le droit de vote mais ne peut toujours pas se présenter à quelque élection politique que ce soit).

Les motifs du jugement me sont inconnus à cette heure, mais l'argumentation des demandeurs, telle que rapportée par l'AFP semble être celle soulevée par le Canard Enchaîné sur l'application automatique de l'article L.7 du code électoral et le fameux arrêt de l cour de cassation du 1er mars 2001.

Les demandeurs attendent de recevoir un exemplaire du jugement pour se décider sur l'opportunité d'un pourvoi en cassation. Chercher des poux dans la tête d'Alain Juppé devant le tribunal d'instance, c'est rigolo et pas cher, mais aller quai de l'Horloge, il faut être plus riche motivé.

Hélas, il ne fait aucun doute que va refleurir un peu partout la rhétorique populiste du système pourri qui protège les puissants et punit les misérables, des juges aux ordres du pouvoir et de la corruption de notre système, explication bien plus aisée à comprendre (et qui n'a pas besoin d'être démontrée, puisque c'est un préjugé) que la lectures des textes concernés. Libre à chacun de se faire son opinion : vous trouverez ici tous les éléments pour cela.

L'AFP soulève in fine l'hypothèse de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux sur le pourvoi de Louis Yvonne Casetta qui "entrainerait le réexamen de l'ensemble des décisions prononcées par la cour d'appel de Versailles". Je vous rappelle que c'est parfaitement inexact.

En tout cas, je remercie le juge d'instance de Bordeaux de restaurer ma crédibilité mise à mal par la cour d'appel de Montpellier.

lundi 21 mars 2005

Retour rapide sur l'arrêt de Montpellier

A lire sur Juriscom.net, un article du Professeur Larrieu, déjà auteur au Recueil Dalloz d'un commentaire approbatif du jugement de Rodez, qui justifie la décision de la cour d'appel.

L'article est d'une grande clarté, n'hésitez pas à le lire.

[Mise à jour] : Dalloz publie une brève sur cet arrêt, dont le rédacteur a très bon goût en matière de blogs (même si lui non plus ne partage pas mon opinion sur la licéité de la source, je me sens de plus en plus seul).

Enfin, une incise sans rapport : mon compteur vient de franchir le cap tout symbolique des 100.000 visites, et ce moins d'un an après l'ouverture de mon blog.

Merci à tous de prêter quelque intérêt aux humbles élucubrations d'un petit avocat, dont la modestie est qui plus est parfaitement hypocrite.

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