Tiens ? Elle m'avait échappé, celle là.
Nicolas Sarkozy a affirmé, jeudi 8 mars, sur France 2 que "5 % des délinquants font 50 % des délits". Une affirmation contestée, car elle n'est pas confirmée par les statistiques sur la délinquance. Le ministre s'appuie sur une étude sociologique menée, en 2001, par Sebastian Roché sur la délinquance autodéclarée par les jeunes, première recherche de ce genre en France. Ses résultats avaient été popularisés par la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs du Sénat, en 2002. Ils ont, depuis lors, nourri la thèse de l'existence d'un "noyau dur" de la délinquance.
M. Roché avait questionné 2 300 jeunes de 13 à 19 ans des agglomérations de Saint-Etienne et de Grenoble. Auditionné au Sénat, en mars 2002, le sociologue avait livré sa conclusion : "On trouve une très forte concentration de la délinquance sur un petit ensemble de personnes." M. Roché faisait alors référence à "la théorie des 5 %". Il précisait : "D'après les jeunes auteurs de délits eux-mêmes, il y a bien 5 % qui pèsent 60 % à 85 % du total des actes."
Voyons voyons. Un sociologue demande à de jeunes délinquants de leur parler de leur délinquance. Ceux-ci se présentent comme des petits Al Capone, les terreurs des terreurs, les Tony Montana du Dauphiné et du Stéphanois. Vu leur petit nombre, il en déduit qu'ils doivent à eux seuls commettre la moitié des délits de France.
Et un candidat reprend cette affirmation à son compte sans sourciller.
Ha, ils doivent bien rire, dans les cités de Saint Etienne et de Grenoble. Et évidemment, les magistrats et les avocats, qui sont fort bien placés pour observer les délinquants, n'ont pas paru des témoins pertinents pour le sociologue. Demandons leur avis à des petites frappes, ce sont des sources crédibles, et extrapolons à l'infini.
Je me range naturellement aux observations de bon sens de Serge Portelli, rapportés dans le même article (Serge Portelli a été doyen des juges d'instructions à Créteil, il préside maintenant la 12e chambre correctionnelle à Paris, qui juge la délinquance économique).
On en a dit des énormités dans cette campagne, mais je vois que ce n'est que le début.